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CONTEXTE.
La poésie lyrique occupe de loin la première place avec le rôle majeur joué par la Pléiade,
un groupe de poètes humanistes qui veulent égaler les auteurs latins en versifiant en
français. Il réunit sept personnes: Pierre de Ronsard, Joachim Du Bellay, Jean Dorat (leur
professeur de grec), Rémy Belleau (lequel remplace, en 1554, Jean de La Péruse, décédé),
Étienne Jodelle, Pontus de Tyard et Jean-Antoine de Baïf.
En 1549, est publié le manifeste Défense et Illustration de la langue française, qui proclame
les principes esthétiques de ce groupe. Ces principes sont nouveaux par rapport au Moyen
Âge: enrichissement de la langue poétique nationales par des emprunts aux dialectes ou
aux langues antiques et étrangères ou bien par la création de mots nouveaux; imitation des
Anciens et des Italiens; conception du poète comme un démiurge et de la poésie comme un
art sacré.
Les humanistes de la Pléiade défendent la poésie du latin et veulent l’illustrer par des
genres imités ou empruntés. L’imitation et les emprunts sont conçus à l’époque comme un
moyen de dérober les secrets des étrangers pour créer une poésie française infiniment plus
belle.
Le chef incontestable de ce groupe est Pierre de Ronsard (1524-1586). Il pratique quatre
grandes formes : l’ode, le sonnet, l’hymne, le discours. Ses premières œuvres sont
marquées par l’imitation des poètes antiques et italiens, mais son imagination et sa
sensibilité prennent le dessus pour les imprégner d’un lyrisme personnel. Il fait l’éloge de la
beauté physique et de la perfection morale de quelques personnages féminins, devenus
célèbres grâce à la puissance évocatrice de ses images.
Le poète Joachim Du Bellay (1522-1560), auteur du manifeste Défense et illustration de la
langue française (1549), fait preuve d’un lyrisme profond et vrai. Il se traduit à travers
quelques thèmes: la force destructrice du temps, la beauté et la gloire du passé, la nostalgie
pour son pays et l’admiration de la nature. La sincérité est le trait caractéristique de sa
poésie qu’illustrent les Antiquités de Rome et les Regrets (1558). La poésie engagée et
philosophique, moins proche de nous, tient cependant une place notable à l’époque. Les
prises de position religieuse au milieu des conflits de la seconde moitié du siècle se
retrouvent dans des poèmes aux accents graves, à la fois tragiques et épiques comme dans
les Hymnes (1555-1556), Discours sur les misères de ce temps (1562), ou la Franciade
(1572, inachevée), œuvres de Ronsard le partisan catholique ou les Tragiques du
combattant protestant Théodore Agrippa d'Aubigné (1552-1630).
Des poètes moins étudiés de nos jours ont également participé à ce renouveau de
l’expression poétique au xvie siècle, à commencer par Clément Marot (1496-1544) qui
s'inspire de la tradition du Moyen Âge avant de développer un art plus personnel, fait de
lyrisme et de religiosité. Les poèmes de Maurice Scève et Louise Labé (1524-1566)
chantent, quant à eux, les sentiments amoureux avec beaucoup de sensibilité et de maîtrise
de l’art poétique.
RONSARD.
En 1550, Ronsard publie son premier recueil où il se propose « style à part, sens à part,
œuvre à part ». Il se met à l’école de Pindare et à celle d’Horace. Il célèbre les grands
hommes de son temps, à commencer par Henri II, chante les paysages du Vendômois ou
les joies éphémères de la vie. À vingt-cinq ans, il conclut son recueil sur un poème « À sa
muse ».
Les Amours (1552-1553).
Ronsard connaissait bien les Hymnes de Callimaque, consacrés à la célébration des dieux,
et ceux de Marulle, qui réunissaient poésie cosmique et méditations philosophiques. En
1555-1556, il publie à son tour un recueil d’Hymnes. Les uns célèbrent des divinités,
d’autres, des éléments, d’autres, des entités morales ou philosophiques, d’autres, de grands
personnages.
Cette classification ne rend pas compte de la lecture, puisque chaque pièce est offerte à un
personnage célèbre, dont l’éloge ouvre toujours le poème. Les derniers vers sont une sorte
de prière qui clôt une célébration faite de récits ou de descriptions, où les mythes constituent
la chair du poème.
Dans ces recueils forts savants, Ronsard est présent à travers diverses confidences ou
récits. Et même s’il n’a pas, comme il le voulait, découvert « les secrets de Nature et des
Cieux », le mythe sous sa plume devient plus d’une fois une histoire vivante, tel celui qu’il
crée de toutes pièces où la Terre, délaissée par son vieux mari le Temps, se rend chez le
Soleil et conçoit de lui les quatre saisons.
La Franciade (1572).
S’il a souvent séjourné en Touraine, Ronsard n’a jamais mené une vie de reclus. Il fait à la
cour plus que des apparitions, célèbre ses protecteurs, met son talent à leur service. Même
le grand poème épique dont il rêve est soumis à la bonne volonté du roi; les quatre premiers
livres paraissent en 1572, et n’auront pas de suite. La Franciade – épopée en vers – qui
devait célébrer la fondation du royaume de France par Francus, descendant imaginaire
d’Énée, le fondateur de Rome, fut accueillie avec bien des réticences. La mort du roi fut le
prétexte ou la raison qui détourna définitivement Ronsard de son ambitieux projet.
LOUISE LABÉ.
Louise Labé est la grande poétesse lyonnaise (environ 1524-1566), dont l’œuvre a paru en
1555. Le volume s’ouvre sur une dédicace où elle exhorte une amie à l’étude des lettres.
Vient ensuite le Débat de Folie et d’Amour, un dialogue situé dans l’Olympe, où Folie prive
Amour de ses yeux et le condamne à vivre désormais en aveugle. Le procès qui s’ensuit est
l’occasion pour les deux avocats de plaider l’un en faveur de l’Amour, source de l’harmonie
universelle selon Platon, l’autre en faveur de Folie qui a, en fait, toujours été compagne de
l’Amour dans l’aveuglement et l’illusion.
Le même débat se trouve dans les Sonnets où, même si elle a recours aux métaphores
pétrarquistes, Louise Labé apparaît comme la seule femme de son siècle qui a osé dire en
poète ses désirs les plus charnels.
Publiée au moment où Ronsard est déjà devenu le grand poète de l’amour, son œuvre, tout
comme celles de Scève et de Pernette du Guillet, devra attendre plusieurs siècles pour
obtenir la considération qu’elle mérite.
La Pléiade.
Le nom de cette constellation est choisi en 1556 par Ronsard (1524- 1585) pour désigner
les poètes de la « Brigade », groupe qu’il forme avec ses amis depuis 1549.
RABELAIS.
Elle échappe à toute classification. Une immense érudition y côtoie une veine farcesque et
populaire; les épisodes les plus invraisemblables se mêlent à des réflexions sur les grandes
préoccupations du siècle; on y parcourt tous les registres du comique, depuis la parodie la
plus subtile jusqu’à l’absurde et la scatologie, le tout entraîné dans une invention verbale qui
va jusqu’au vertige. Rabelais s’est sans nul doute ébaudi en compagnie de ses
personnages, sans pour autant écrire une œuvre dénuée de significations. Sa lecture ne
peut être que multiple, toujours recommencée, pour notre plaisir.
Un monde de l’énorme.
On y entre d’emblée avec le personnage des géants. Mais même lorsque la taille et la force
de Pantagruel sont moins présentes, l’œuvre demeure toujours dans un registre gigantal,
celui de l’énorme qu’appréciaient Hugo et Flaubert. La boulimie langagière de l’écrivain est à
la mesure de la richesse de ses inventions.
Le récit de la naissance de Gargantua en condense quelques-uns des principaux aspects:
grand rassemblement de villageois venus de plusieurs hameaux pour une ripaille, très
nombreuses et grosses plaisanteries des « propos des bien ivres » après le repas,
relâchement du sphincter de Gargamelle enceinte du géant, qui a mangé trop de tripes, ce
qui a pour conséquence la naissance de l’enfant par l’oreille de sa mère, énumération
d’exemples de naissances étranges, savants ou fantaisistes et destinés à garantir la
vraisemblance du récit.
Laissé pour mort sur le champ de bataille, Épistémon est guéri par Panurge qui, entre autres
soins qu’il lui prodigue, le réchauffe sur sa braguette. Le signal de sa résurrection est un «
gros pet de ménage », souffle de vie aussi bien que l’éternuement qui le précède. C’est que
tout dans l’homme est vital, même « le bas corporel » bien connu du médecin, dont les
réactions sont souvent la manifestation du retour à la nature, par exemple lorsque l’écolier
qui jargonnait en latin de cuisine retrouve son patois natal ou lorsque Panurge ne parvient
pas à dissimuler sa peur. Les épisodes scatologiques ou grivois du récit manifestent la
volonté quelque peu provocatrice de ne pas « censurer » certaines parties du corps pour
faute d’honnêteté.
Gargantua.
Né d’une « bien étrange » façon, Gargantua, père de Pantagruel, montre son ingéniosité
dès son enfance, en inventant un nouveau torchecul; mais ses précepteurs le rendent «
niais, tout rêveux et rassolé ». Son père le confie à un meilleur maître, qui l’emmène à Paris
où il fait de bonnes études. Mais au royaume de Grandgousier, en Touraine, une altercation
entre bergers et vendeurs de galettes devient un « grand débat dont furent faites grosses
guerres ». Gargantua vient au secours de son père attaqué par Picrochole. Frère Jean
défend seul le clos de son abbaye, Gargantua met les ennemis en déroute au cours de
diverses batailles rocambolesques, interrompues par un banquet. Picrochole s’enfuit
lamentablement. Gargantua fait un discours aux soldats vaincus et récompense les
vainqueurs. Pour frère Jean est édifiée l’abbaye de Thélème.
MONTAIGNE.
- Les trois livres se présentent sous la forme de chapitres de longueur très inégale,
dont le titre indique le – ou l’un des – sujet(s) traité(s), pas toujours le plus important.
L’ordre dans lequel ils se succèdent n’est pas souvent facile à justifier. Le livre I
contient cinquante-sept chapitres, avec au centre l’essai qui devait inclure le traité de
La Boétie, De la servitude volontaire (non inséré); on y trouve aussi certains titres
célèbres: De l’institution des enfants, De l’amitié, Des cannibales, Des noms, ... Le
livre II comporte trente-sept chapitres dont l’« Apologie de Raimond Sebond », qui
occupe plus de cent pages à lui seul; sous prétexte de défendre Sebond, pour qui
l’existence de Dieu peut être prouvée par la contemplation de la nature (théologie
naturelle), Montaigne reproche à ses détracteurs leur manque de foi véritable et
accumule les arguments qui ôtent à la raison humaine toute validité. Treize essais,
dont aucun n’est réduit à une ou deux pages comme dans les livres précédents,
composent le livre III. Le caractère insolite de cet ouvrage s’explique par la
démarche de l’auteur.
- La genèse des Essais. Les Essais se révèlent rapidement un lieu où se concentre
tout ce qui occupe la pensée de Montaigne, souvenirs de lectures diverses,
événements de toutes sortes – ceux de l’Histoire qui se fait sous ses yeux
(découverte de l’Amérique, troubles civils, etc.) comme ceux de la vie quotidienne
(une chute de cheval par exemple, Essais, II, 6), pensées intimes. Tout est pour lui
matière à réflexion.
- Le titre. L’essai, c’est une tentative, un exercice, mais aussi une mise à l’épreuve, en
l’occurrence un examen de tout ce qui constitue la vie de Montaigne et le regard qu’il
porte sur elle. Démarche indispensable à qui refuse les vérités toutes faites.
- Vérités inaccessibles. Selon Montaigne, certaines vérités sont trop élevées pour les
forces de notre esprit ; c’est le cas pour tout ce qui touche à l’existence de Dieu et à
la religion.
- Opinions incertaines et dangereuses. Certaines opinions qui se donnent pour vérités
mettent en jeu toute l’organisation de la société, et il faut être bien présomptueux
pour introduire des changements dont les effets sont imprévisibles.
- Idées reçues. Même pour ce qui est à sa portée, l’homme ne peut atteindre une
parcelle de vérité qu’au prix d’une vigilance constante. Prisonnier d’une vision du
monde qu’il considère comme allant de soi, alors qu’elle n’est fondée que sur
certaines habitudes, il est prompt à s’indigner devant l’insolite.
- Sources d’erreurs traditionnelles. D’autres pièges guettent l’homme dans sa quête de
la vérité. C’est l’imagination, qui fera trembler de peur un philosophe.
- L’instabilité universelle. Enfin, et on quitte alors les sentiers battus de la philosophie,
comment atteindre la vérité dans un monde en perpétuelle mutation ? Plus que tout
autre, Montaigne est sensible au changement constant qu’il observe en lui-même
d’abord. Vivre avec une conscience toujours en éveil les multiples événements de
l’existence, les passer au crible de son propre jugement, voilà pour l’essentiel le
projet et le sujet des Essais tels qu’ils se sont peu à peu révélés à leur auteur
lui-même.
- Autres thèmes des Essais. Montaigne le dit lui-même: aucun thème n’est choisi a
priori par l’auteur; c’est la diversité du hasard qui préside au choix des thèmes des
Essais. Certains sujets reviennent fréquemment sous sa plume, manifestant ainsi
des préoccupations qu’on peut qualifier de fondamentals. Mais ils ne sont jamais
traités en un seul lieu de l’ouvrage, même si parfois ils donnent leur titre à tel ou tel
essai.
- Loin de l’autobiographie. Bien qu’il ait présenté son œuvre comme une peinture de
lui-même, Montaigne n’est en aucune façon l’ancêtre des écrits autobiographiques.
Pas de récit chronologique pour nous présenter sa vie.
Et cependant, l’auteur est omniprésent dans son livre, précisément parce qu’il part toujours
de sa propre expérience, seul domaine sûr d’observation, pour exercer son jugement.
- Confidences. Non qu’il soit avare de confidences parfois très intimes, mais tout ce
qu’il nous dit de lui arrive au détour d’une page.
- L’observation de soi. Certes, le goût de Montaigne pour l’introspection est indéniable,
tout comme le plaisir qu’il éprouve à se retrouver en sa seule compagnie.
- La construction de soi-même. Dans un monde où sont mises en cause, et parfois
s’écroulent, des valeurs séculaires, Montaigne a trouvé en lui-même un point
d’ancrage qui lui permet de rester maître de la conduite de sa vie, refusant d’être le
jouet d’engouements passagers ou de passions d’un instant toujours futiles et sans
fondements solides, qu’il aborde en toute lucidité. Son livre est inséparable de
lui-même.
- Le « parler » de Montaigne. Loin des voies toutes tracées, Montaigne donne à son
texte cette présence de la vie qu’il voulait conserver et transmettre dans son écriture
même. Les digressions nous entraînent dans le vagabondage de sa pensée, mais il
en est conscient. La saveur des mots qu’il emploie nous place au cœur d’une pensée
vécue, sentie; pas d’abstractions fumeuses sous sa plume.
- Écrire pour vivre. Nous entendons l’ambition d’une œuvre et d’un homme, loin de
l’austérité des morales traditionnelles, mais avec les exigences qu’il s’est forgées
lui-même.
Projet humaniste par excellence qu’un tel dialogue avec soi-même, qui n’a pu se réaliser
que par l’écriture vigilante et totalement consciente des Essais.