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1. Les dates.
La période de notre littérature appelée XVIIIe siècle commence environ à 1715, date de la mort de Louis XIV, et
peut avoir pour date extrême la fin même du siècle, 1800. D'autre part, le XVIIIe siècle paraît se diviser en deux
parties bien distinctes, séparées par l'année 1750, date du premier Discours de J.-J. Rousseau.
2. La société et l'opinion.
Dans les dernières années du règne de Louis XIV et sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI la société subit des
transformations sensibles. Aux divertissements cérémonieux de Versailles, l’élite de la nation préfère la
conversation spirituelle ou sérieuse des cafés littéraires (cafés Gradot, Laurent, Procope, près du Pont - Neuf) et
des salons. Ces salons ne ressemblent guère aux ruelles du XVIIe siècle. « Bureaux d'esprit » (cour de Sceaux
chez la duchesse du Maine, salon de Mme de Lambert, salon de Mme de Tencin), ou « Salons philosophiques »
(salon de Mme Geoffrin, de Mme du Deffand, de Mlle de Lespinasse, etc.), ils prennent au XVIIIe siècle une
importance considérable. C'est dans ces salons que se forme l'opinion publique, qui est comme un mot d'ordre
reçu des écrivains et transmis à tous les rangs de la société, en particulier par les journaux, qui se multiplient. On
y discute sur des questions sociales et politiques.
3. La philosophie.
Au XVIIIe siècle, le mot philosophie n'a plus le même sens qu'au XVIIe. Un philosophe, au sens où l'entendent
Voltaire et Diderot, n'est pas un penseur qui étudie, à la façon de Descartes ou de Malebranche, des problèmes
de métaphysique ou de psychologie. C'est ce que nous appellerions aujourd'hui un économiste, un politique, ou
tout simplement un publiciste. Le philosophe du XVIIIe siècle s'occupe de questions sociales, et ne croit plus
qu'au progrès. Or le progrès se réalisera par la tolérance, par l'égalité et par les applications des sciences.
On n'imite plus les anciens ; mais on imite ceux qui, au XVIIe siècle avaient imité les anciens. La tragédie,
la comédie, l’épopée, l’ode, la poésie didactique, seront conformes aux modèles laissés par les grands classiques
et aux préceptes de Boileau. L'auteur de l'Art poétique devient le législateur du Parnasse. S'ils manquent de
solidité et de beauté, les poètes du XVIIIe siècle furent intéressants à leur date, et le sont encore à titre
documentaire : en effet, leurs ouvrages sont presque tous des thèses sociales et philosophiques. Une tragédie de
Voltaire, une comédie de La Chaussée et de Destouches, une épopée comme la Henriade, contiennent des idées
; et ce sont ces idées, tolérance, égalité, progrès, etc., que le public applaudissait. Mais surtout la véritable
grandeur du XVIIIe siècle est dans certains ouvrages en prose, qui ne peuvent se cataloguer sous aucune
étiquette, et qui n'appartiennent à la littérature que par la beauté de leur style : l'Esprit des lois, le Siècle de Louis
XIV, l'Histoire naturelle, l’Émile, etc.
5. Les sciences.
Le mouvement scientifique du XVIIIe siècle, dominé par la passion de la raison, réalisa des progrès considérables.
Qu'il suffise de rappeler : en mathématiques, les noms de d’Alembert, de Laplace, de Monge ; en astronomie :
Herschell, Clairaut, Cassini ; - en physique et chimie : Dufay, Nollet, Franklin, Priestley, Lavoisier, Berthollet,
Fourcroy ; en sciences naturelles : Buffon, Daubenton, Lacépède, Linné, Jussieu, Haüy, etc. Le mouvement
scientifique est favorisé par l'intérêt qu'y prennent les princes, surtout à l’étranger, et la noblesse. Il est de mode
d'être physicien ou chimiste, comme jadis d'être bel esprit. Les femmes encouragent aussi les sciences par leur
curiosité ; et Mme du Châtelet, qui traduit Newton et envoie des mémoires à l'Académie des sciences, n'est pas
une exception.
Les recherches scientifiques deviennent une mode et un grand nombre de gens cultivés. La spécialisation
scientifique n'existait pas encore et les savants n'étaient pas, comme aujourd’hui, des professeurs mais le plus
souvent des gens riches qui consacraient aux recherches scientifiques une partie de leur fortune.
Ce progrès scientifique eut des conséquences indéniables : il entraîne les esprits à la précision méthodique, et les
oblige à raisonner rigoureusement ; des méthodes nouvelles inspirèrent les historiens et la critique. Mais il a
aussi de grands inconvénients : il développe l'esprit positif et utilitaire au détriment de la morale et de l’art.
Les romans philosophiques : on peut discuter le genre des œuvres narratives de Voltaire comme Zadig (1747)
ou Candide (1759) mais l’appellation la plus fréquente aujourd’hui est « contes philosophiques ». La discussion
est plus pertinente pour l'Ingénu, plus tardif (1768), qui s’éloigne du merveilleux et introduit une large part de
réalisme social et psychologique.
Les romans réalistes : l’association du réalisme social et du parcours amoureux s’installe au cours du siècle.
Citons les romans-mémoires la Vie de Marianne (1741) le Paysan parvenu (1735) de Marivaux, Manon
Lescaut (1731) de l’abbé Prévost (1697-1763), le Paysan perverti (1775) et son deuxième volet la Paysanne
pervertie (1784), roman épistolaire de Restif de la Bretonne (1734-1806). On peut aussi déterminer un sous-
genre né de l’influence espagnole : le roman picaresque avec sa truculence satirique, sa variété des milieux
sociaux et l’apprentissage de la vie et qu’illustre l’Histoire de Gil Blas de Santillane (1715-1735) de Lesage (1668-
1747). Le roman d’imagination est, pour sa part, représenté par des romans d’anticipation comme l’An
2440 de Mercier (1771), des romans fantastiques comme le Diable amoureux de Jacques Cazotte (1772), ou
encore par le sous-genre de l'utopie (La Découverte australe par un homme volant, ou Le Dédale français,
nouvelle très philosophique, suivie de la Lettre d'un singe, de Restif de la Bretonne, Paris, 1781, ainsi que L'Isle
des Philosophes, de l'Abbé Balthazard, Chartres, 1790).
• Les romans libertins associent grivoiserie, érotisme, manipulation et jeu social avec Crébillon fils (le
Sopha, 1745), Diderot (les Bijoux indiscrets, 1748 ; la Religieuse, 1760-1796) ; Laclos (les Liaisons
dangereuses, 1782) et finalement Sade (Justine ou les Malheurs de la vertu, 1797).
• Les romans du sentiment s’imposent dans la deuxième moitié du siècle avec la Nouvelle Héloïse (1761), le
roman par lettres de Jean-Jacques Rousseau (sur le modèle anglais du Pamela de Richardson) qui sera le plus
gros tirage du siècle en séduisant par sa peinture préromantique du sentiment amoureux et de la nature, ou Paul
et Virginie (1787) de Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814).
• Les romans « éclatés » comme Jacques le fataliste et son maître (1773-1778) ou le Neveu de Rameau (1762-
1777) de Diderot sont des œuvres assez inclassables mais porteuses de modernité.
La critique d’art est inventée par Diderot dans ses Salons où il explore la part de la sensibilité dans l’émotion
artistique comme à propos de la poésie des ruines peintes par Hubert Robert.
• Buffon offre quant à lui une réussite littéraire intéressante avec ses écrits de vulgarisation scientifique dans son
imposante Histoire naturelle, publiée avec grand succès de 1749 à 1789.
• Le discours politique et sa rhétorique peut être lui aussi d’une certaine façon considéré comme un genre
littéraire avec les orateurs de talent comme Mirabeau, Saint-Just, Danton ou Robespierre qui ont marqué
la période révolutionnaire. On peut aussi y associer l'« Épître dédicatoire aux nègres esclaves » qui introduit
les Réflexions sur l'esclavage des nègres (1781) de Nicolas de Condorcet, qui, par des procédés rhétoriques
comme la double énonciation (louer les esclaves/faire le procès des esclavagistes) s'y apparente.