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Marivaux,
Les Fausses Confidences
(édition Nouveau bac 1re)
GUIDE PEDAGOGIQUE
établi par Hubert Curial
L’œuvre : présentation
Le contexte historique et culturel ………………………………………………………………………… 2
La langue de Marivaux …………………………………………………………………………………………… 3
1 • Hatier © 2020
Classiques & Cie lycée • Les Fausses Confidences • guide pédagogique
L’ŒUVRE
Présentation
Un jeu rénové
Ils s’installent alors dans la vénérable salle de l’Hôtel de Bourgogne, qui fut longtemps le temple
de la tragédie. Renonçant à la commedia dell’arte et à une gestuelle expressive, ils font évoluer
leur répertoire vers plus de sérieux et de modernité. Face à la Comédie-Française fondée en
1680 et devenue une sorte de conservatoire officiel du théâtre classique, le Théâtre-Italien
attire un public de plus en plus mondain, épris des subtilités du cœur et des jeux du langage.
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La langue de Marivaux
Le vocabulaire
Certains mots ont des sens différents de ceux qu’ils possèdent de nos jours :
– « aimable » signifie dans la langue précieuse « digne d’être aimé » ;
– « appartenir », être au service de quelqu’un (ce qu’Arlequin ne comprend pas) ;
– « brave », honnête ;
– « chagrin », souffrance morale ;
– « fortune », le hasard, la chance et la richesse ;
– « malice », méchanceté.
Les images
Les métaphores sont fréquentes :
– « votre mine est un Pérou » (I, 2) ;
– « Allons faire jouer toutes nos batteries » (I, 17) ;
– « Berger fidèle » (II, 2).
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L’ÉDITION
Classiques & Cie Lycée
À l’occasion de la réforme du lycée et de la mise en place du nouveau Bac français, la collection
Classiques & Cie a été entièrement repensée de manière que chaque ouvrage offre aux
enseignants une séquence complète sur l’œuvre et le parcours associé, telle que définie dans
les nouveaux programmes.
La nouvelle édition des Fausses Confidences comprend ainsi le texte de la pièce, associé à une
proposition de parcours « Théâtre et stratagème », ainsi qu’à de nombreux autres
enrichissements pédagogiques.
L’avant-texte
Composé des rubriques « Qui est l’auteur ? », « Quel est le contexte historique ? », « Quel est
le contexte littéraire et artistique ? », « Pourquoi vous allez aimer cette pièce », l’avant-texte
permet d’amener progressivement l’élève à la lecture du texte.
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Dorante souhaite épouser Araminte. Il compte, sans trop y croire, sur l’aide de Dubois qui, lui,
compte sur le physique très séduisant de Dorante.
5. Comment les rapports entre maître et valet s’inversent-ils ? Qui agit en véritable maître ?
• Dorante est l’ancien maître de Dubois que pour des raisons financières il n’a pu garder à son
service. Mais c’est maintenant Dubois qui se comporte en maître de Dorante. L’ancienne
hiérarchie sociale se trouve renversée. Son vocabulaire est celui de l’autorité : « Je le veux »,
« il faut ». Les futurs ont dans sa bouche une valeur prédictive. Et il a une immense et
inébranlable confiance en lui : « Je sais mes talents, je vous conduis, et on vous aimera. »
• Son sens du paradoxe s’exprime dans la phrase suivante : « On vous aimera, toute fière qu’on
est, et on vous enrichira, tout ruiné que vous êtes ». C’est laisser entendre que l’amour sera
plus fort que tout.
6. Pourquoi Dorante éprouve-t-il le besoin de dire qu’il « aime avec passion » la maîtresse de
maison (qui n’est toujours pas nommée) ?
La précision est d’importance pour que ne soit pas mise en doute sa sincérité. Araminte est en
effet un riche parti. Dorante pourrait n’être qu’un coureur de dot.
7. Quelle image de conquérant Dubois donne-t-il de lui-même ?
« Vous réussirez, vous dis-je. Je m’en charge, je le veux, je l’ai mis là », dit Dubois à Dorante.
L’homme apparaît comme le maître du jeu, comme un manipulateur. Ce qui est à la fois
amusant et inquiétant. À l’entendre, Araminte n’a aucune chance d’échapper à sa volonté ou,
si l’on préfère, au piège qu’il lui tend.
8. Qu’est-ce qui fait sourire dans le discours que tient Dubois ?
Dubois fait ici preuve d’une imagination romanesque.
9. En quoi cette scène est-elle une scène d’exposition ?
Cette scène :
– fixe l’enjeu de l’intrigue. Dorante épousera-t-il Araminte ?
– présente les personnages, leur situation sociale et les relations qu’ils entretiennent.
– lance l’action. Si Dubois dit avoir un plan, il n’a pas précisé lequel ; et, surtout, qui est vraiment
cette « femme-ci » ?
10. GRAMMAIRE. Identifiez les propositions qui composent la phrase suivante : « Si vous lui
plaisez, elle en sera si honteuse, elle s’en débattra tant, elle deviendra si faible, qu’elle ne
pourra se soutenir qu’en épousant ».
Il s’agit d’une phrase complexe :
– « Si vous lui plaisez » : proposition subordonnée conditionnelle ;
– « Elle en sera si honteuse » : proposition principale ;
– « Elle se débattra tant » : seconde proposition principale, juxtaposée à la précédente ;
– « Qu’elle ne pourra se soutenir qu’en épousant » : proposition subordonnée circonstancielle
de conséquence introduite par la locution « si… que » et « tant… que », complément
circonstanciel du verbe principal.
11. LECTURE CURSIVE. Relisez Le Misanthrope (1666) de Molière : quelle similitude la pièce de
Marivaux offre-t-elle avec cette pièce de Molière ? En quoi s’en différencie-t-elle ?
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• Cette pièce de Molière met en scène Célimène, qui elle aussi est veuve, tient un salon
mondain, occupe une position sociale élevée, au moins aussi élevée que celle d’Araminte, et
qui est courtisée à la fois par des marquis et par Alceste.
• Les différences sont toutefois importantes : Alceste, le « misanthrope », aime Célimène, qui
dit l’aimer en retour malgré leurs différences de caractère. La pièce s’achève sur leur
séparation, présentée comme temporaire, mais vraisemblablement définitive. Toutes les
comédies n’ont pas un dénouement heureux.
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être une vérité générale (les hommes se laissent séduire par n’importe qui) soit elle parle
d’expérience. Un homme l’aurait-elle délaissée au profit d’une autre qui ne la valait pas ? La
question restera sans réponse, mais la réaction d’Araminte laisse songeur.
7. Étudiez l’ironie de Dubois.
« Sa folie est de bon goût » : l’ironie provient de ce que cette remarque vise Araminte alors que
celle-ci ne le sait pas encore (mais que le spectateur, lui, le sait). Autrement dit, Dubois la
rassure sur le choix de Dorante. Ce qui ne peut qu’aviver plus encore la jalousie d’Araminte.
8. Qu’exprime la curiosité d’Araminte ?
Évidemment son dépit, qu’elle dissimule derrière une fausse explication : « Je veux le
congédier. Est-ce que tu la connais cette personne ? » C’est un exemple de marivaudage : le
langage contredit la raison et exprime la vérité profonde du personnage.
9. Pourquoi Araminte s’étonne-t-elle ? Pourquoi fait-elle répéter Dubois ?
Son étonnement est total ; d’où sa surprise, son besoin de faire répéter Dubois, de peur.
10. Qu’a réussi Dubois à faire savoir à Araminte ? En quoi la réussite de cette première étape
de son plan était-elle indispensable ?
Dubois vient de réaliser la première étape de son plan : faire connaître à Araminte l’amour de
Dorante. Celui-ci ne pouvait évidemment faire lui-même l’aveu de son amour : à ce stade de
l’intrigue, il aurait été vraisemblablement renvoyé. L’aveu est donc indirect.
11. GRAMMAIRE. Dans le passage allant du début de l’extrait jusqu’à « honnête homme » (l. 491),
relevez et analysez les expressions de l’interrogation, directe et indirecte.
• Interrogations directes :
– « N’avez-vous pas vu… », avec inversion du verbe et du sujet ;
– « Serait-il capable de quelque mauvaise action », avec inversion du verbe et du sujet ;
– « Est-ce que ce n’est pas un honnête homme ? », avec la locution interrogative, renforcée
par l’intonation.
• Interrogation indirecte : « comme il se détournait », subordonnée interrogative indirecte
dépendante du verbe « voir ». « Comme » peut ici être remplacé par « comment ».
12. ECRIT D’INVENTION. Imaginez comment dépeindre de nos jours un amour fou.
On peut imaginer que le personnage tient un journal intime, s’ouvre à un confident. La peinture
de cet amour fou relève de ce que Stendhal appelle la cristallisation : la femme aimée devient
unique, exceptionnelle, possédant toutes les vertus et qualités. D’où l’impossibilité de penser
à quelqu’un d’autre et même à autre chose ; perte d’attention, parfois de l’appétit…
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possible, le plus confortablement qui soit. Il ne peut donc comprendre que son neveu refuse
un beau parti. L’amour est secondaire, selon la conception traditionnelle du mariage, du moins
dans les classes aisées de la société. Le théâtre de Marivaux enregistre une évolution des
mentalités : le mariage d’amour commence à s’imposer (cf. par exemple dans La Double
Inconstance).
• Dorante a une conception opposée à celle de son oncle : l’argent pour lui ne fait pas le
bonheur. Conception romanesque, ou romantique avant l’heure.
2. Comment l’ironie puis la colère de monsieur Remy s’expriment-elles ?
• L’ironie :
– par la reprise « sur un ton railleur » des paroles de Dorante : « J’ai le cœur pris ! » ;
– par la comparaison (à ses yeux dépréciative) avec un « berger fidèle », « berger fidèle » que
l’on ne trouve que dans les pastorales.
• La colère :
– par les insultes : « vous êtes un imbécile, un insensé » ;
– par son ton, Araminte lui reproche de quereller Dorante ;
– par son départ, enfin.
3. En quoi demander à Araminte ce qu’elle pense de l’attitude de Dorante est-il une source de
comique ?
• Le contexte : Monsieur Remy ignore que la femme que Dorante aime est …précisément
Araminte, qu’il vient de traiter de « guenon » : « Je tiens celle que vous aimez pour une
guenon. »
• Un comique de situation : demander dans ces conditions ce qu’en pense Araminte ne peut
que faire sourire. La « guenon » est devant lui !
4. Quelle subtile distinction Araminte fait-elle dans ses réponses à monsieur Remy ?
• Le contexte : depuis son entrevue avec Dubois (I, 14, voir la clé précédente), Araminte sait
que Dorante l’aime. Elle devine donc que Dorante parle d’elle lorsqu’il répond à son oncle qu’il
ne saurait « changer de sentiment », que son amour lui est « plus cher que la vie ».
• La réponse d’Araminte à monsieur Remy :
– c’est forte de ce savoir qu’elle établit une subtile distinction entre l’idéal – ce que dit Dorante
est en soi honorable, voire bouleversant – et la situation réelle : Araminte ne peut décemment
pas désavouer ou condamner cet homme qui l’aime aussi passionnément ;
– d’où l’incompréhension étonnée de monsieur Remy : « Vous trouvez donc cela raisonnable,
Madame. »
5. Quelle confidence codée Dorante fait-il à Araminte, dont le sens exact ne peut qu’échapper
à monsieur Remy ?
Dorante avoue à Araminte qu’il l’aime passionnément – mais cet aveu reste indirect. Dorante
sait qu’Araminte sait. Mais ni l’un ni l’autre ne se parlent franchement.
6. Pourquoi Araminte ne répond-elle pas à la question que lui pose monsieur Remy ? Que
révèle son bref aparté ?
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• Araminte ne peut dire que l’attitude de Dorante la trouble profondément. Aussi laisse-t-elle
l’oncle et son neveu seuls pour qu’ils puissent poursuivre la conversation. C’est un geste de
politesse, mais qui ne correspond pas à la réalité. C’est en réalité un faux-fuyant.
• Son aparté donne les véritables raisons de son départ : « Il me touche tant qu’il faut que je
m’en aille ».
7. Pourquoi Dorante pense-t-il que son oncle le sert « si bien » ?
• Ce « beau parti » dont monsieur Remy se fait le messager (pour ne pas dire l’entremetteur)
est une invention de Dubois. Cette machination a pour but d’apporter la preuve à Araminte
que Dorante l’aime passionnément. Ne refuse-t-il pas devant elle d’épouser une femme riche,
certes moins riche qu’Araminte, mais suffisamment riche pour être un parti intéressant.
• Cela prouve en même temps à Araminte que d’autres femmes peuvent s’intéresser à Dorante
et qu’elles ne tiennent pas compte des différences sociales.
8. En quoi cette scène marque-t-elle une importante progression de l’action ?
• Araminte ne peut plus douter de la passion de Dorante.
• Dorante est si séduisant que d’autres femmes peuvent le courtiser.
• C’est pousser Araminte à s’interroger sur elle-même.
9. GRAMMAIRE. Analysez la forme verbale dans le segment de phrase suivant : « en eût-elle vingt
fois davantage » (l. 76-77).
• C’est un conditionnel passé seconde forme, calquée sur le subjonctif plus-que-parfait (en latin
le subjonctif remplissait les fonctions dévolues au conditionnel).
• Autre forme possible : « en aurait-elle eu vingt fois plus ».
• La formule utilisée par Marivaux est très littéraire. Mais il est vrai qu’Araminte est une femme
cultivée, qui fréquente le théâtre et l’opéra.
10. ECRIT D’APPROPRIATION. À la fin de la scène, Araminte s’enfuit littéralement pour cacher son
émotion. Vous êtes metteur en scène. Quelles consignes donnez-vous à l’actrice qui incarne
Araminte ?
• La difficulté est la suivante : l’actrice qui joue Araminte doit montrer son trouble.
• Mais Araminte est une femme du monde habituée en principe à maîtriser ses émotions et à
ne pas les laisser paraître.
• On peut imaginer qu’Araminte presse de plus en plus le pas pour sortir de scène, qu’elle porte
la main à son visage pour le dissimuler en partie.
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11. ECRIT D’INVENTION. Imaginez une scène où quelqu’un fait preuve d’une mauvaise foi évidente.
• La première chose à préciser est de déterminer sur quoi porte la mauvaise foi ; par exemple,
quelqu’un pris en flagrant délit de mensonge.
• Quelles fausses excuses s’invente ensuite le menteur pour ne pas reconnaître qu’il a menti.
• Quelles sont ses motivations profondes ?
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• Araminte reconnaît qu’elle aime Dorante – mais sans le dire, sans prononcer l’aveu : « Et voilà
pourtant ce qui m’arrive ».
7. En quoi cet aveu est-il une surprise tant pour Dorante que pour Araminte ? L’est-il également
pour le spectateur ?
• La surprise de Dorante est totale : « Quelle idée ! qui pourrait se l’imaginer. »
• Celle d’Araminte n’est pas moins grande ; elle constate un fait, qui s’est imposé à elle, comme
si l’amour était né en elle malgré elle et en dépit d’elle.
8. Analysez la progression dramatique de la scène.
• L’extrait commence par cette résolution d’Araminte : « Il n’y a pas moyen, Dorante ; il faut se
quitter. »
• Il s’achève sur une déclaration d’amour.
• Il y a donc un renversement complet de situation – renversement durant lequel tout est
possible, la séparation comme l’union.
9. GRAMMAIRE. Repérez et analysez les conditionnels que comporte cette scène.
Ces conditionnels sont tous des conditionnels présents : « je n’aurais plus » ; « serait » et à
nouveau « serait» ; « croirait » ; « pourrait ».
10. RECHERCHE DOCUMENTAIRE. Recherchez dans une autre comédie de Marivaux comment
l’héroïne avoue sa passion à l’homme qu’elle aime. Intéressez-vous, par exemple, aux pièces
suivantes : La Double Inconstance ou Le Jeu de l’amour et du hasard.
• Dans La Double Inconstance, le Prince (qui a longtemps caché sa véritable identité) fait un
aveu direct à Silvia.
• Silvia lui répond par une périphrase, qui équivaut à un aveu : « si vous avez cherché le plaisir
d’être aimé de moi, vous avez bien trouvé ce que vous cherchiez. »
• Même schéma dans Le Jeu de l’amour et du hasard : Dorante se déclare (après avoir hésité)
et Silvia lui répond : « Savez-vous bien que vous me charmez, Dorante ? »
• Dans les règles de politesse et d’éducation de l’époque, la jeune fille ne peut faire le premier
pas, ni prononcer la première et de manière trop directe qu’elle aime ; d’où les périphrases.
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Autoportrait avec des masques (p. 180) → image p. III du cahier couleurs
1. Quelles sont les composantes de ce tableau ?
Le tableau se compose uniquement de visages, multicolores et aux expressions diverses. Leur
nombre suggère l’impression d’une foule, comme à l’étroit dans le tableau.
2. Comment le tableau s’organise-t-il par rapport à l’autoportrait ?
L’autoportrait proprement dit – l’homme au chapeau – avec regard au visage et regard comme
à demi-tournés vers le peintre, sépare en deux tiers, un tiers le tableau. Les visages en arrière-
plan, au-delà de l’homme au chapeau, sont plus grimaçants, plus désespérés que ceux au
premier plan.
3. Quelles sont les couleurs dominantes ?
Le jaune, le blanc (presque une lividité comme s’il s’agissait de masques), l’ocre, le marron, en
fait toute la gamme des couleurs à l’exception, semble-t-il, du vert.
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Remarques préliminaires
Ce type de sujet n’appelle pas une démarche dialectique (thèse, antithèse, synthèse), tant
l’affirmation de Marcel Arland ne peut guère être contestée. Il exige une démarche explicative,
qui procède par approfondissements successifs.
Introduction
• Le masque n’est pas seulement cet objet qui dissimule le visage, et que, par exemple, portait
Arlequin dans la tradition de la commedia dell’arte. Est masque tout ce qui cache la vérité : une
apparence, un faux-semblant, un alibi, un mensonge… Il est tout autant ce qui est caché aux
autres que ce que l’on se cache à soi-même.
• Marcel Arland voit dans cette double dissimulation – à soi et à autrui – une des
caractéristiques du théâtre de Marivaux. Dès lors, écrit-il, le dramaturge « n’a de cesse qu’il
n’ait contraint le masque à tomber et qu’il n’ait révélé, sous l’apparence, la vérité de
l’homme. »
• D’abord destinée à être cachée, cette « vérité » se découvre progressivement à mesure que
les personnages renoncent à mentir et à se mentir pour enfin accéder à une totale harmonie
et transparence.
1. Une vérité ā cacher
• La « vérité » d’Araminte est l’attirance qu’elle ressent pour Dorante, dès qu’elle l’aperçoit
sans même savoir qui il est et sans connaître les raisons de sa présence chez elle. Cette
« surprise de l’amour », tout conspire à la nier, à la refouler et plus encore à l’admettre.
• Le masque revêt d’abord la forme des conventions sociales. Dorante est un petit bourgeois
ruiné, Araminte est une riche femme du monde. L’épouser serait pour elle une mésalliance. La
logique voudrait qu’elle se marie avec le comte Dorimont, comme l’y pousse sa mère. Son
remariage la ferait rentrer dans le monde de l’aristocratie : ce serait une ascension sociale, et
non une déchéance. De surcroît, Dorante est plus jeune qu’elle, même si on ignore de combien
d’années il l’est. Voilà de quoi heurter toutes les conventions.
• Riche et indépendante, Araminte n’est d’ailleurs pas pressée de se remarier. Elle retarde
autant qu’elle peut son éventuelle union avec le Comte, par « indolence » selon Marton, parce
que sa « situation est si tranquille et si douce » d’après Dorante.
• Troublée par Dorante, Araminte ne se résout pas à le congédier. Aussi s’invente-t-elle diverses
raisons pour le garder, qui sont autant de fausses excuses, de « masques » : par compassion,
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afin de ne pas complètement le désespérer ; par amour-propre, parce qu’elle est flattée de se
savoir aimée ; par souci de défendre son indépendance contre les pressions conjointes de sa
mère et du Comte. Sa mauvaise foi peut être totale, lorsque, par exemple, elle feint de croire
contre toute vraisemblance que c’est le Comte qui a fait réaliser son portrait.
• Sous ces diverses apparences, le masque est un déni, derrière lequel Araminte se refuse à
envisager qu’elle puisse épouser Dorante. Le congédiement de celui-ci revient d’acte en acte
comme un leitmotiv.
[Transition : Les stratagèmes de Dubois vont obliger Araminte à progressivement découvrir et
admettre l’impensable.]
2. Une vérité lentement découverte
• Ses nombreux apartés traduisent sa lente acceptation d’elle-même. Chacun d’eux équivaut à
la chute d’un masque. « La vérité est que voici une confidence dont je me serais bien passée
moi-même » (I, 15), dit-elle après avoir entendu Dubois lui raconter comment Dorante est
devenu fou amoureux d’elle. « Sans toi je ne saurais pas que cet homme-là m’aime, et je
n’aurais que faire d’y regarder de si près » (II, 12), lui dit-elle encore. Et de finalement vouloir
le chasser : « Vous l’assassinez [Dorante], vous me trahissez moi-même. Il faut que vous soyez
capable de tout, que je ne vous voie jamais » (III, 9).
• Dubois oblige en effet Araminte à voir clair en elle, à ne pas croire à toutes les fausses excuses
qu’elle se donne. La crainte d’une mésalliance ? Selon monsieur Remy qu’il manipule, une
femme certes moins riche qu’elle mais tout de même bien établie, se propose d’épouser
Dorante. C’est elle qui laisse seuls l’oncle et le neveu et qui sort : « Il me touche tant qu’il faut
que je m’en aille » (II, 2). Ses refus de se séparer de Dorante cèdent devant la passion dévorante
que celui-ci lui voue. Plus elle veut l’éloigner, plus l’émotion la submerge, plus le cœur lui bat.
• Toute la stratégie de Dubois consiste d’une part à lui faire connaître l’amour de Dorante et
d’autre part à rendre cet amour public. Il contraint donc Araminte à faire un choix, sans
échappatoire possible : ou renoncer à Dorante et à tout espoir de bonheur ou l’épouser et
revendiquer son droit d’être elle-même. L’alternative est d’autant plus forte que le temps
presse ; une fausse lettre, née de l’ingéniosité de Dubois, lui annonce la décision de Dorante de
s’embarquer pour les Amériques.
[Transition : Si l’urgence impose de prendre une décision, elle ne dicte pas toutefois laquelle
prendre.]
3. Une quête de la transparence
• Jusqu’au dernier moment, Araminte résiste en effet. Les contraintes sociales restent les plus
fortes : « Il n’y a pas moyen Dorante ; il faut se quitter. On sait que vous m’aimez, et l’on croirait
que je n’en suis pas fâchée » (III, 12). Araminte n’est pas tout à fait prête à renoncer à son image
– à l’image qu’elle a d’elle-même et que les autres ont d’elles.
• La manière dont elle s’exprime signale toutefois l’existence d’une fêlure. Jusqu’alors, elle
parlait de « se séparer » de Dorante, de le « congédier ». Son vocabulaire était celui d’une
maîtresse de maison, d’une patronne. Elle parle maintenant de « se quitter », verbe qui induit
une nuance affective. Son aveu final la réconcilie avec elle-même.
• Ce faisant, sans le savoir à ce moment précis, elle place Dorante en porte-à-faux. Il lui revient
désormais d’arracher son propre masque : « Dans tout ce qui s’est passé chez vous, il n’y a rien
de vrai que ma passion qui est infinie, et que le portrait que j’ai fait. Tous les incidents qui sont
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arrivés partent de l’industrie d’un domestique… » (III, 12). Aveu capital qui risque de tout
remettre en question.
• Araminte a bravé les conventions sociales, fini de ruser avec elle-même ; Dorante accepte de
tout perdre au moment où sa victoire est acquise. Tous deux accèdent à leur vérité l’un par
l’autre et l’un pour l’autre.
Conclusion
Dès la création de la pièce en 1737, on a reproché aux Fausses Confidences d’être une nouvelle
« surprise de l’amour » pour reprendre le titre d’une des premières comédies de Marivaux. Le
thème du masque est en effet récurrent dans son théâtre. Dans La Double Inconstance comme
dans Le Jeu de l’amour et du hasard, les personnages empruntent de fausses identités pour
mieux observer et comprendre l’autre. Chez lui, le masque conduit paradoxalement à la vérité.
Les Fausses Confidences le montrent comme jamais ne l’ont fait ses précédentes comédies.
Maître manipulateur, Dubois jongle avec les apparences pour les transformer en réalité.
Introduction
• Les Fausses Confidences sont l’histoire d’une manipulation sentimentale. Simple domestique
mais stratège de génie, Dubois entend marier Dorante, un petit bourgeois ruiné, à une femme
riche, Araminte, appartenant à la haute bourgeoisie. L’entraînant dans un piège parfait, il fait
évoluer celle-ci à son gré, provoquant chez elle une « surprise de l’amour ».
• Faut-il généraliser et en conclure que « les ruses et stratagèmes sont indispensables à toute
comédie ? »
• Ancienne, permanente, leur présence n’est toutefois pas absolue mais est toujours riche de
significations.
1. Une présence ancienne et permanente
• Ruses et stratagèmes sont inhérents à certains types de comédies. La farce ne saurait s’en
passer puisqu’elle est par définition une tromperie. Pathelin, dans la farce qui porte son nom,
et le Drapier tentent de se duper l’un l’autre : à trompeur, trompeur et demi ! La comédie
d’intrigue suppose de son côté le recours à la dissimulation et à toutes sortes de stratagèmes.
Dans Les Fourberies de Scapin, Scapin vole au secours des amours de Léandre, son jeune maître,
et neutralise à force d’inventions et de mensonges l’opposition de Géronte, le père de celui-ci.
• Les amours contrariées par un père, un tuteur ou un vieux barbon sont d’ailleurs à la base de
nombreuses intrigues. L’action y consiste donc à supprimer l’obstacle. Comment y réussir sans
ruser ? Ce schéma est courant dans le théâtre de Molière (L’École des femmes, L’Avare ou
encore Le Bourgeois gentilhomme et Le Malade imaginaire). On le retrouve également dans Le
Barbier de Séville où Figaro, en digne descendant de Scapin, aide le comte Almaviva à arracher
Rosine des griffes de Bartholo.
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• Quant à Marivaux, le titre même de certaines de ses pièces est significatif : Les Fausses
Confidences impliquent la présence du mensonge ; Le Jeu de l’amour et du hasard, celle du
déguisement.
• Les comédies dont les intrigues font appel à la ruse et au stratagème sont ainsi fort
nombreuses, quel que soit leur genre et quelle que soit l’époque de leur création.
[Transition : Toutes n’y recourent pas toutefois. Sans doute sont-elles minoritaires, mais rareté
ne signifie pas absence.]
2. Une présence qui n’est pas absolue
• Les comédies de caractère se développent souvent sans ruse. Dans Le Misanthrope, c’est
l’incompatibilité d’humeur entre la mondaine Célimène et le « misanthrope » Alceste qui fait
évoluer l’action ; et dans Les Femmes savantes, c’est le rapport des femmes au savoir et leurs
conséquences sur la vie quotidienne de leurs familles.
• Marivaux n’a pas toujours écrit des « surprises de l’amour », comme on l’en a parfois accusé.
Une partie de son œuvre théâtrale est d’inspiration philosophique ; L’Île des esclaves instaure
un échange des conditions sociales : les maîtres deviennent domestiques et les domestiques
des maîtres. Point de ruses ni de stratagèmes : c’est une école d’humanité. L’Île de la raison
véhicule, comme son titre l’indique, l’idéal philosophique des Lumières.
• Le théâtre du XXe siècle qui, il est vrai, ignore souvent les classifications entre comédies,
drames ou tragédies, exclut pour une large part les ruses, les déguisements et les stratagèmes.
Rien de tel en effet dans Les Chaises ou dans Rhinocéros d’Eugène Ionesco. En attendant Godot
ou Fin de partie de Beckett font certes parfois appel aux arts du cirque et de la piste mais pas
aux procédés traditionnels de la farce.
[Transition : En fait la question est peut-être moins de savoir si les ruses et les stratagèmes sont
indispensables que de se demander pourquoi ils le sont.]
3. Une présence riche de significations
• Ceux-ci sont évidemment une source de comique. Le spectateur ne peut que se réjouir de
leur succès surtout quand ils sont au service d’un jeune couple amoureux. Informé de leur
existence, le public se trouve en surplomb de l’intrigue dont il peut suivre et savourer
l’évolution. Qui souhaiterait que, dans Le Malade imaginaire, Thomas Diafoirus épouse
Angélique ? Qui ne souhaite pas qu’Argan soit contraint de renoncer à son caprice d’avoir un
médecin pour gendre ? Les déguisements de Cléante puis de Toinette appellent le sourire et le
rire.
• Quand ils ne servent pas à surmonter un obstacle, ruses et stratagèmes dévoilent un
caractère. Tartuffe est un hypocrite, c’est-à-dire un être tout de dissimulation, que seule une
ruse peut en retour démasquer ; d’où le stratagème d’Elmire faisant semblant de succomber à
son charme. Chez Marivaux, les changements d’identité et les « fausses confidences » sont
paradoxalement le chemin qui mène à la transparence et à la vérité des êtres. Ils révèlent
Araminte à elle-même.
• Ceux-ci sont enfin une des expressions de la théâtralité. Toute pièce de théâtre est un jeu, et
la comédie peut-être encore plus que la tragédie ou le drame. Or, qu’il soit vestimentaire ou
d’identité, le déguisement est un jeu, en honneur dans les carnavals. Une ruse, une tromperie,
un mensonge sont également des jeux, qui s’apparentent à des esquisses ou à des canevas de
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pièces. Ils font entrer le spectateur ou le lecteur dans l’univers de l’imaginaire, qu’ils renforcent
par leur présence.
Conclusion
Toute une tradition théâtrale fait de la ruse et des stratagèmes le moteur des intrigues
comiques. Variés dans leurs formes et dans leurs justifications, ils n’en sont pas moins riches
d’enseignements. C’est par eux et grâce à eux que les personnages réalisent leurs souhaits
profonds.
Situation de l’extrait
Faux dévot, Tartuffe s’est insinué dans les bonnes grâces d’Orgon dont il convoite la fortune et
la femme. Comme Orgon reste sourd aux mises en garde de sa famille, Elmire, sa femme, décide
de faire semblant de céder aux avances de Tartuffe, non sans avoir préalablement caché son
mari sous la table afin qu’il découvre par lui-même la véritable nature de son protégé.
1. Une scène digne d’une farce
• Trois personnages sur scène : le mari, l’épouse et le séducteur.
• Le mari caché sous une table.
• Il entend son protégé courtiser sa propre femme.
2. Une scène de séduction et d’hypocrisie
• Tartuffe, monstre d’hypocrisie : sa justification de l’adultère par des arguments pseudo-
religieux : « Le scandale du monde est ce qui fait l’offense / Et ce n’est pas pécher que pécher
en silence. »
• Tartuffe lève également le masque à propos d’Orgon (toujours sous la table) : « Et je l’ai mis
au point de voir tout sans rien croire. »
• Elmire, épouse en proie à des scrupules, vraisemblables dans sa situation mais feints : « Enfin
je vois qu’il faut se résoudre à céder / Qu’il faut que je consente à tout vous accorder. »
3. Une scène à double destination
• Les propos d’Elmire s’adressent à Tartuffe, mais ont en fait Orgon pour véritable destinataire :
« Mais puisque l’on s’obstine à m’y vouloir réduire / Puisqu’on ne veut point croire à tout ce
qu’on peut dire. »
• D’où ses tentatives de faire sortir Orgon de sa cachette : sa toux, sa demande à Tartuffe d’aller
vérifier si son mari n’est pas dans les parages.
• La scène initialement de farce se fait plus sombre.
Conclusion
• Le piège qu’Elmire a tendu à Tartuffe a parfaitement fonctionné : Tartuffe est démasqué.
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• La réaction d’Orgon n’en reste pas moins ambiguë. Si sa sortie « de dessous la table » est
ridicule, elle est tardive, ce qui laisse supposer de nouvelles incrédulités ou de nouveaux
retournements de sa part.
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