Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Éléments d’introduction :
Auteur : Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, bien qu’il se soit essayé au journalisme et au roman (La Vie de Marianne, Le Paysan parvenu), accède à une
véritable reconnaissance littéraire avec ses comédies. A côté de quelques pièces qui remettent en question la société d’ordres de son temps (L’Île des esclaves), ce sont les
pièces qui s’attachent à l’expression et l’analyse du sentiment amoureux qui constituent la spécificité de son théâtre. (On nomme d’ailleurs le langage et l’analyse fine de la
naissance du le marivaudage.)
Œuvre : Les Fausses confidences est « une comédie en trois actes, en prose, représentée pour la première fois par les comédiens-italiens le samedi 16 mars 1737 ».
Elle met en scène un jeune homme désargenté et sans situation, Dorante, éperdument amoureux d’une riche jeune veuve, Araminte, et qui pour parvenir à ses fins va
s’introduire chez elle en tant qu’intendant. Aidé par son ancien serviteur qui est désormais au service d’Araminte, il va tenter de la séduire malgré sa situation peu
avantageuse, alors que dans le même temps, elle est courtisée par le Comte Dorimont (soutenu par la mère d’Araminte).
Passage : Araminte, déjà mise au courant par Dubois de la passion qui dévore Dorante, vient d’apprendre de la même bouche que la personne qui a peint son portrait
est son intendant. Dans cet extrait, elle est bien décidée à lui faire avouer ses sentiments, soi-disant pour avoir un motif pour le renvoyer. Ce faux prétexte va amener une
nouvelle « fausse confidence ». Elle le fait donc venir pour lui dicter une lettre : Dorante est chargé d’avertir son noble rival que son mariage est imminent.
Problématique : En quoi le piège mis en place par Araminte constitue-t-il une épreuve douloureuse pour les deux protagonistes qui l’amène à une prise de
conscience des propres sentiments ?
paraissez changé. Qu’est-ce que cela signifie ? Vous trouvez- o Après le 1 argument logique juridique qui n’a pas porté ses fruits, il essaye un
vous mal ? argument plus sentimental pour mettre Araminte face à ses contradictions :
DORANTE. - Je ne me trouve pas bien, madame. conjonction de coordination + emploi de l’imparfait -> incompréhension totale de
ARAMINTE. - Quoi ! si subitement ! cela est singulier. Pliez la Dorante qui exprime sa surprise.
lettre et mettez : « À Monsieur le comte Dorimont. » Vous direz o Une nouvelle fois, c’est le corps de Dorante qui le trahit : « [s]a main […]
à Dubois qu’il la lui porte. (À part.) Le cœur me bat ! Il n’y a pas tremble », sa physionomie est « changé[e] »
encore là de quoi le convaincre. o Toutefois, il reste maître de son discours : alors que ses mains et sa figure, il
DORANTE, à part. - Ne serait-ce point aussi pour m’éprouver ? concède éprouver un simple malaise à l’aide d’une litote : « Je ne me trouve pas
Dubois ne m’a averti de rien. bien, madame ».
• Araminte prise à son propre piège
o Ne sachant toutefois pas comment poursuivre sa lettre, elle détourne l’attention sur
les réactions physiques de Dorante : « la main vous tremble », « vous paraissez
changé », elle prend la peine de nuancer ses propos à l’aide de modalisateurs « je
crois », « paraissez » comme si elle ne guettait pas désespérément ces signes.
o Elle veut le contraindre à formuler lui-même ce qu’il ressent, elle le soumet alors à
un interrogatoire : « Qu’est-ce que cela signifie ? Vous trouvez-vous mal ? »
o Conserve son ton autoritaire mais l’exaspération la gagne -> impératif + formule
qui appuie son ordre : « Achevez, vous dis-je », « Pliez-la et mettez », « Vous direz
à Dubois » (le futur prend une valeur d’injonction). Face à son échec, elle coupe
court à la discussion -> phrase hachée, ponctuée par deux exclamations, vocabulaire
de l’étonnement, « Quoi ! si subitement ! cela est singulier » elle laisse entendre
qu’elle n’est pas dupe mais ne veut pas aller plus loin.
• Un éclair de lucidité ?
OBJET D’ÉTUDE : LE THÉÂTRE du XVII au XXIe
Parcours : THEATRE ET STRATAGEME
§ Chez Araminte, cette lucidité s’exprime dans la prise de conscience qu’elle
aussi est très émue par la situation, l’aparté « Le cœur me bat ! » peut être
interprété de deux façons : la première est qu’elle exprime la tension de la
scène : elle a fait souffrir Dorante inutilement. La deuxième signification de
l’expression est plus sentimental, elle réalise que son « cœur bat », mais
er
sans en donner la raison : est-ce un 1 aveu de sentiment pour Dorante ?
§ Chez Dorante, là aussi, c’est l’aparté qui nous renseigne. Il envisage pour la
ère
1 fois qu’Araminte a pu se jouer de lui. La tournure interrogative souligne
son doute. La scène lui parait subitement étrange et l’adverbe « aussi »
suggère qu’Araminte poursuit plusieurs buts. Il semble cependant rejeter
cette hypothèse ou du moins il la nuance : « Dubois ne m’a averti de rien ».
Cette scène le laisse perdu : Araminte est-elle décidée à épouser le comte ?
la met-il à l’épreuve ? Dubois l’a-t-il trahi ?
Eléments de conclusion : Alors que depuis le début de la pièce, Araminte est victime d’un stratagème mis en place par Dubois et Dorante, elle tente de reprendre le dessus en
élaborant à son tour un piège pour contraindre Dorante à révéler ses sentiments. Mais cette « fausse confidence » ne fait que resserrer le piège sur Araminte: Dorante s’est
muré dans son silence sans parvenir à dissimuler la violence de ses sentiments et Araminte réalise qu’elle souffre à la fois de ce silence et de ses tourments. Comme souvent,
le déchirement intérieur prend place dans les apartés, les personnages se disent ce qu’ils ressentent, prennent conscience de la progression du sentiment amoureux.
Marivaux s’amuse du spectacle de l’amour naissant, les stratagèmes s’enchainent et conduisent les protagonistes à mettre à l’épreuve la sincérité de leurs sentiments. Pour ce
faire, il fait la part belle aux objets : boite, portrait, lettres…D’ailleurs, Dorante usera du même objet pour son ultime stratagème, il écrira une lettre annonçant son
embarquement prochain (acte III, scène 8) pour une destination inconnue, lettre qui tombera entre les mains d’Araminte, forcée alors de s’avouer et d’avouer ses sentiments
pour Dorante.
https://www.reseau-canope.fr/edutheque-theatre-en-acte/oeuvre/marivaux/les-fausses-confidences.html#scenes
https://www.reseau-canope.fr/edutheque-theatre-en-acte/pistes-
pedagogiques/auteur/marivaux.html?oid=29&ret=oeuvre&mid=&cHash=05173c523b2ef93322da0cdb91bd7502
https://gallica.bnf.fr/essentiels/marivaux/auteur-images
https://gallica.bnf.fr/essentiels/marivaux/marivaudage