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Lecture linéaire 2. Les Fausses confidences de Marivaux.

Acte I, scène 14.

Marivaux est un dramaturge du XVIIIème siècle. Il a écrit des pièces de théâtre de comédie telles que
L’Ile des esclaves en 1725 et Le Jeu de l’amour et du hasard en 1730. Il fait jouer ses œuvres par les
Comédiens Italiens mais sa troupe est vieillissante et il doit accentuer son art sur une intrigue
complexe, pour masquer des difficultés quant aux lazzi. Sa pièce, écrite en 1737, Les Fausses
confidences, présente une intrigue complexe : Dorante est éperdument amoureux d’Araminte mais il
est sans le sou. Il s’en remet à son ancien valet Dubois, maintenant au service de sa belle, pour
construire un stratagème qui rendra possible leur union. L’extrait que nous nous proposons d’étudier
se situe à la scène 14 de l’acte I : Dorante s’est fait engager chez Araminte grâce à son oncle,
Monsieur Remy. Les deux hommes ont fait mine de se reconnaître par hasard à la scène précédente de
façon à préparer les « fausses confidences » de Dubois à Araminte. Il s’agira de voir quel est l’effet de
ces « fausses confidences » de Dorante sur Araminte. Tout d’abord, dans un premier mouvement, nous
verrons la folie de Dorante des lignes 1 à 8, puis nous étudierons la révélation de la passion des lignes
9 à 16, enfin, nous analyserons l’émotion d’Araminte qui se sait aimée des lignes 17 à la fin.

Premier mouvement : lignes 1 à 8


Tout d’abord, la confidence est Le comique de gestes. « Il se touche le front »
comique et nous retrouvons « c’est à la tête que le mal
chez Dubois les Le comique de mots. tient »
caractéristiques du valet de
comédie. En effet, il évoque
immédiatement un problème
qui fait rire le spectateur. Le comique de répétition «  A la tête ? »
Araminte montre sa surprise.
De plus, Dubois renforce le Lexique de la folie et « timbré » « timbré comme
trait de la folie, il exagère le hyperbole. cent 
mal de Dorante pour montrer
que son ex-maître a perdu le
sens. Et il fait rire le spectateur
par son exagération. Sa « timbré »
spontanéité aussi est Le vocabulaire familier. «  Dorante ! »
intéressante. L’exclamative évoquant la «  Quelle preuve as-tu de sa
Enfin, on note que Dubois surprise er la question ouverte. folie ? »
ménage le suspens : il tait le
nom de la femme qui a séduit
Dorante pour qu’Araminte
curieuse lui pose des questions.
Elle confirme son caractère
raisonnable et sensé : Araminte
n’est pas crédule. « Quelle preuve ? »
Reprise de la question et «  fou » « extravague »
La réplique de Dubois, à partir lexique de la folie + un indice «  il y a six mois »
de la ligne 5, prouve ses temporel.
explications en reprenant les
mêmes termes qu’au début puis
en expliquant plus précisément
sa pensée. La temporalité
montre un amour enraciné et «  la cervelle brulée » « comme
non une passade. un perdu »
Dubois insiste sur cet amour Images et rythme ternaire qui « qu’il extravague d’amour,
insensé. accentuent la folie de Dorante. qu’il en a la cervelle brûlée,
qu’il en est comme perdu »
A l’inverse, Dubois se présente
comme un homme sage et «  et c’est ce qui m’a obligé…
raisonnable : Araminte doit force de m’en aller encore »
avoir confiance en lui pour le Le rythme binaire. « savoir »
croire. «  car j’étais à lui, je le
Il affirme qu’il le connaît bien Le lexique de la connaissance servais »
et insiste sur son service auprès et la parataxe.
de lui. Il fait un portrait
paradoxal de Dorante : un « un homme incomparable »
homme certes fou mais qui a Hyperbole
d’énormes qualités.
Le récit de Dubois n’est pas mensonger, il est manipulateur. Dubois ne ment pas puisque lors de la
scène 2 de l’acte I, Dorante a fait part de sa passion pour Araminte, ce qui est donc faux dans cette
confidence serait le suspens.

Deuxième mouvement :
Araminte éprouve tout de La didascalie. «  un peu boudant »
même une certaine émotion en
apprenant la folie de Dorante
et ses exceptionnelles qualités.
Elle annonce sa résolution de Le futur «  il fera ce qu’il voudra ; mais
le renvoyer avec certitude, elle La négation totale. je ne le garderai pas »
affirme sa volonté.
Elle refuse de le maintenir Les termes dépréciatifs. «  esprit renversé »
dans sa place et dénigre ce « fantaisies »
qu’il est devenu. Elle montre
ici son ignorance et emploie Le présent de vérité générale. «  les hommes ont des
des propos généraux. fantaisies »
Dubois quant à lui retarde le Le vocabulaire familier et le «  Malpeste ! »
plus possible la révélation du juron.
prénom de Dorante : il parle de
façon spontanée, pour ne pas
éveiller de soupçon. Il La négation. «  il n’y a rien à dire »
repousse toute objection
possible en valorisant Lexique valorisant « de bon goût »
subtilement la personne aimée.
Il crée ici la jalousie chez
Araminte. Le modalisateur de volonté. « je veux le congédier »
Cette dernière essaie d’obtenir « est-ce que tu la connais cette
des informations de Dubois : La question ouverte. personne ? »
elle affirme son intention de ne
plus le conserver à son service.
La réplique est courte et le
questionnement est direct :
Araminte est très impatiente de
savoir le nom de cette femme.
Le présentatif et le lexique «  j’ai l’honneur de la voir tous
Dubois recourt alors à une mélioratif. les jours »
tournure galante et « c’est vous, Madame »
emphatique, il flatte ainsi
Araminte. Il se pose en valet
respectueux de sa maîtresse
pour la manipuler.
Le stratagème ici est fondé sur
le langage employé par L’exclamative et la question « Moi, dis-tu ! »
Dubois. rhétorique.
Araminte se montre alors
surprise et le manifeste en
extériorisant ses sentiments.
Dubois retarde le plus possible la révélation du nom de la femme aimée par Dorante. Araminte se
montre trop curieuse pour être indifférente à ce dernier.

Troisième mouvement :
Dubois effectue alors une Hyperbole, durée et antithèse. « il vous adore » « il y a six
tirade et reprend ce qu’il a mois »
raconté précédemment, il « sa vie » / « un instant »
n’emploie plus le lexique de la
folie mais insiste sur l’amour
éprouvé. Il reprend les termes
duratifs précédents.
Il cherche à présent à connaître Le pronom personnel et la « vous avez dû voir »
les sentiments d’Araminte en modalisation.
s’adressant à elle. Il fait appel à
sa coquetterie féminine.

Araminte tombe dans le piège Une antithèse. « quelque petite chose »/« 


que lui tend Dubois : elle avoue extraordinaire »
avoir observé son intendant et
montre son intérêt pour lui.
Toutefois elle se reprend avec Exclamative et antéposition du « Eh ! Juste ciel ! »
un sentiment de pitié. Mais la groupe nominal «  le pauvre garçon »
dénomination de Dorante la
révèle touchée par ce dernier,
elle éprouve bien des
sentiments pour Dorante.

Cette scène est une scène comique, et mêle le comique de mots, de gestes et de situation. Dubois en
effet se montre habile et joue un rôle, tantôt il feint d’être maladroit par ses jurons et son vocabulaire
familier, tantôt il manipule par des informations données progressivement. Il capte l’attention
d’Araminte et lui tend un piège, cependant cette jeune veuve est déjà séduite, tout d’abord, elle semble
montrer de l’agacement puis elle est flattée d’être aimée. Nous pouvons rapprocher ce passage de la
fin de la pièce où les deux amoureux vont se révéler l’un à l’autre.

Questions de grammaire :
1. Analysez l’interrogation des lignes 2 à 5 :
Ces interrogatives sont directes.
- On observe d’abord une interrogative totale «  A la tête ? » qui est averbale.
- On trouve aussi deux interrogatives partielles : la première, « Quelle preuve as-tu de sa
folie ? » est une interrogative avec inversion du sujet et un adjectif interrogatif. Et la seconde
est une interrogative averbale avec une reprise de la précédente, avec le même adjectif
interrogatif.
Ces interrogatives, par leur répétition, montre que Dubois essaie de gagner du temps alors que
l’interrogative totale est une demande d’informations due à la surprise.
2. Transformez au discours indirect :
«  Quelle preuve as-tu de sa folie ? »
Araminte demanda à Dubois quelle preuve il avait de sa folie.

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