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Séquence 3 : Les Fausses Confidences de Marivaux, 1737, extrait de la scène 12 de l’acte III Explication linéaire

Marivaux est un dramaturge et romancier du siècle des Lumières. Son théâtre, rempli de finesse dans l’écriture et
l’analyse des sentiments, est souvent une marche vers la vérité intérieure. Au cours de celle-ci, les personnages doivent parfois
dépasser préjugés et amour-propre pour finir par accepter leurs véritables sentiments. Mais, ce cheminement peut prendre des
chemins détournés, parfois paradoxaux : il faut parfois en passer par le mensonge pour accéder à la vérité. C’est le cas dans Les
Fausses Confidences, comédie jouée pour la première fois en 1737. Dès la scène 2 de l’acte I, nous savons que le valet Dubois
est l’organisateur d’un stratagème qui a pour but d'installer son ancien maître Dorante dans la demeure et dans le cœur de la
riche veuve Araminte. Au début de l'acte III, Dubois se montre empressé d'en finir: « il faut l'achever », « il faut qu'elle nous
épouse » (sc. 1). Le valet stratège conçoit une nouvelle pièce à conviction: il fait écrire une lettre à Dorante exprimant son
amour, lettre qui, selon le plan de Dubois, passe de mains en mains jusqu'à ce que son contenu soit révélé à tous (sc. 8). Fin
psychologue, il conseille à Araminte de ne pas voir Dorante (sc. 9), sachant précisément que ce conseil ne fera qu'alimenter son
désir d'entendre la confirmation de l’amour de Dorante venant de la bouche d'un amant qui pleure à la porte (sc. 11). Les deux
protagonistes, extrêmement émus se retrouvent donc. [Lecture orale de l’extrait.] Nous verrons ainsi comment Marivaux,
dans cette scène de double aveu, fait tomber les masques pour que triomphent l'amour et la sincérité. Dans cet extrait de
la scène 12, nous pouvons distinguer quatre mouvements. Tout d’abord, dans les lignes 1 à 6, nous assistons à une séparation
douloureuse. Puis dans les lignes 7 à 12, Dorante supplie Araminte de lui rendre son portrait. Dans les lignes 13 à 17, l’échange
conduit à l’aveu d’Araminte. Enfin, à partir de la ligne 18, Dorante lui-même avoue la machination qu’Araminte lui pardonne.

Premier mouvement (jusqu'à la ligne 6 incluse) : nous assistons à une scène d’adieux douloureux.
Le désespoir de Dorante s’exprime ici, comme le précise l’adverbe de manière « plaintivement », dans la didascalie
qui ouvre cet extrait. Dans sa première réplique, les indications de temps « de tout le reste de ma vie » et de lieu « loin de
vous » mettent en évidence la séparation qui s’annonce comme un éloignement définitif. L’emploi des conditionnels « aurait »
et « serait » montre que Dorante garde encore une lueur d’espoir en lui présentant comme une hypothèse, même si elle est fort
probable, ce que serait sa vie future si elle le renvoyait. La négation restrictive dans « je n’aurais plus que ce seul jour »
associée à l’adj mélioratif « précieux », valorisant ce jour où il est encore chez elle, sous-entend que la suite de sa vie loin
d’elle serait sans intérêt pour lui.
La réplique suivante d’Araminte semble annoncer le renvoi de Dorante auquel elle semble résolue : comme le montre
la tournure négative exprimant une modalisation forte : « Il n’y a pas moyen » (l.3), toutefois la formulation, où elle ne
s’implique pas à la 1e personne, suggère qu’elle y est contrainte, de même que le verbe d’obligation qui formule ce renvoi par
un euphémisme : « il faut se quitter». Les deux raisons avancées pour justifier sa décision de se séparer de Dorante traduisent
l’importance qu’elle accorde à l’opinion des gens. C’est ce « on dit » qu’exprime l’emploi du pronom personnel indéfini« on »
à deux reprises suivi d’un verbe d’opinion à la fin de sa réplique, dans le parallélisme : « On sait que vous m’aimez, et on
croirait que je n’en suis pas fâchée » : un lien de cause à effet est sous-entendu entre ces deux propositions : tout le monde sait
désormais que Dorante l’aime, donc chacun la soupçonnerait de l’aimer si elle le gardait. Ces deux raisons sont de l’ordre de la
réputation sociale. Elle ne laisse pas parler son cœur. Elle se situe sur le plan des préjugés sociaux, par son souci de la
réputation et des convenances.
Les deux répliques suivantes, plus courtes, montrent le désarroi de chacun. Dorante utilise un champ lexical de la
souffrance par l’interjection « Hélas » et le verbe « plaindre ». Le registre pathétique présent ici est renforcé par le double
emploi de l’exclamation. Il semble persuadé de l’échec du stratagème. De son côté, la réplique d’Araminte : « Chacun a ses
chagrins » (l.6) peut alors sembler à Dorante emplie de froideur par sa portée générale. Mais elle peut être déjà perçue comme
un demi-aveu inconscient, qui laisse entendre, par le pronom indéfini, qu’elle aussi souffre, même si elle n’explicite pas le lien
avec le départ de Dorante, par l’emploi du présent de vérité générale et du pluriel « chagrins » (au XVIIIe siècle, « chagrins »
possède encore son sens fort de « souffrances », de « douleurs »).Or de quoi souffrirait-elle, si ce n’est de son départ (il n’a pas
été question d’une autre raison de chagrin d’Araminte dans la pièce) et pourquoi souffrirait-elle si elle ne l’aimait pas ?
→ Ce moment d’adieu est donc pathétique : Dorante, y parle le langage du cœur et de la passion, et Araminte laisse parler les
convenances. Dorante va alors lui demander un objet qui lui est cher.

Second mouvement (des lignes 7 à 12) : Dorante supplie Araminte de lui rendre le petit portrait d’elle qu’il a peint.
A la ligne 7, dans la réplique de Dorante, le registre pathétique reste présent par la suite du ch lex de la souffrance, ici
dans une hyperbole : « j’ai tout perdu ! » renforcée par une nouvelle exclamation. Cette perte est symbolisée par l’antithèse :
« J’avais un portrait, et je ne l’ai plus » qui lui permet de mentionner cet objet qu’Araminte avait elle-même utilisé pour lui
faire avouer ses sentiments pour elle (II,15) et qu’elle a gardé en sa possession. Étant loin d’elle, il n’aura même plus ce portrait
qui la représente, comme substitut de la personne.
Araminte semble alors à la fois froide et moqueuse dans la question rhétorique qu’elle formule : « A quoi vous sert de
l’avoir ? »(l.8) et la réponse qu’elle y fait juste après : « Vous savez peindre » (l.8), suggère à Dorante de peindre un autre
portrait d’elle s’il en veut vraiment un.
Cela amène alors Dorante à expliciter la raison pour laquelle il tient tant à récupérer le portrait. D’abord il insiste sur
l’importance qu’il accorde à ce portrait dans l’exclamative : « celui-ci m’aurait été bien cher ! », où l’adjectif affectif est
renforcé par l’adverbe « bien ». Le conditionnel passé exprime un irréel du passé, correspondant à un bonheur qui n’existera
pas, pensant que ce portrait est perdu pour lui. Cela permet de garder pour la fin de la réplique la raison qu’il a d’y tenir tant,
alors qu’il pourrait en faire un autre puisqu’il l’a peint lui-même : la raison est sentimentale : « Il a été entre vos mains » . Le
rapprochement de la 3e pers renvoyant au portrait : « Il », et de la 2e renvoyant à Araminte : « vos », montre pourquoi Dorante
lui accorde une si grande valeur.
L’emploi de la conjonction de coordination d’opposition «mais » dans la réplique suivante d’Araminte, traduit son
désaccord. Araminte se place sur le plan de la raison et non de la passion : « vous n’êtes pas raisonnable ». Elle feint une sorte
d’indifférence raisonnable. Elle reproche à Dorante de ne pas être ainsi et refuse de se placer sur le plan des sentiments.
Ce second mouvement se termine sur le ton toujours suppliant de Dorante pour qu’elle lui rende ce portrait. Cela est
visible dans l’interjection « Ah » et les deux exclamatives. La 1e et la 2e personnes les désignant l’un et l’autre sont elles-
mêmes mises à distance dans la formulation de Dorante : « Je vais être éloigné de vous » et l’emploi de ce futur proche, puis
celui du futur simple : « vous serez vengée », traduisent le caractère imminent et certain de cette séparation. Ce dernier verbe
employé amène une forme de culpabilisation, de même que l'injonction finale à l’impératif : « N’ajoutez rien à ma douleur »
qui clôt la réplique par le retour du ch lex de la souffrance. Araminte est présentée comme cruelle, le ton se fait tragique.
→ Dorante la supplie donc, avec une insistance qui montre sa passion, de lui rendre cet objet auquel il accorde une forte valeur
sentimentale, alors que Araminte se barricade face à l’irruption de la sensibilité. Or c’est le refus même qu’elle exprime de lui
rendre le portrait qui va mener à ce qu’elle laisse échapper son aveu.

Troisième mouvement (des lignes 13 à 17) : l’échange conduit à l’aveu d’Araminte dont elle est elle-même surprise.
Après avoir formulé une exclamative « Vous donner mon portrait ! » sous-entendant un refus, mais sans formuler
celui-ci explicitement, Araminte parle d’abord de son amour sur le mode interrogatif et conditionnel : « Songez-vous que ce
serait avouer que je vous aime ? » Les verbes donner et avouer annoncent sa renonciation a l’amour-propre et a la volonté de
dominer. Mais elle a encore besoin du détour du conditionnel « ce serait » pour formuler ses sentiments.
Dorante rebondit sur ces derniers mots par la reprise de termes : « Que vous m’aimez ! », comme si Araminte venait
d’avouer qu’elle l’aime. La suite de la réplique de Dorante semble exprimer chez lui une véritable et sincère surprise dans
l’exclamative puis l’interrogative: « Quelle idée ! Qui pourrait se l’imaginer ? », mais cette question rhétorique vise aussi à
faire formuler plus clairement les choses à Araminte. En fait, il se place ici du côté de la société ; comme Dubois l’a déjà fait
(mais ce n’est, sans doute, pas volontaire chez Dorante), et il provoque la liberté de décision d’Araminte en suggérant le carcan
social qui pèse sur elle, pour qu’elle dépasse cela.
Alors, comme si les mots « je vous aime » arrivaient à sa conscience en une sorte de révélation qu’il ne lui reste plus
qu’à admettre, Araminte reconnaît qu’elle aime Dorante – mais sans le dire, sans prononcer l’aveu : « Et voilà pourtant ce qui
m’arrive » (l.15) Comme le montre l’emploi du présentatif « voilà », elle constate un fait, qui s’est imposé à elle, comme si
l’amour était né en elle malgré elle. La formule « ce qui m’arrive » est une formule impersonnelle où la 1e personne est en
fonction objet, subit les choses ; après toute une lutte intérieure, c’est la vérité qui s’impose à elle. Elle vit donc une surprise
de l’amour, comme le suggèrent également les deux adjectifs employés dans la didascalie : « d’un ton vif et naïf ». Ce dernier
adjectif le confirme : c’est le naturel qui parle ; tous les masques ou les discours extérieurs sont tombés. Araminte n’a pas
cherché à ruser en retardant cet aveu, elle prend ici véritablement conscience de ses sentiments.
Dorante joint alors le geste à la parole comme l’indique la didascalie « se jetant à ses genoux » où le verbe d’action
montre la vivacité de sa réaction suite à cet aveu. Son bonheur extrême est formulé dans l’hyperbole « Je me meurs » (l.16), qui
peut faire sourire le lecteur/spectateur, au moment où il passe du plus grand malheur à la plus grande joie. Cela amène aussi de
la légèreté dans cette scène émouvante.
Ce 3e mvt se clôt sur une réplique d’Araminte qui traduit à nouveau son propre étonnement face à l’aveu difficile
qu’elle vient de faire : « Je ne sais plus où je suis », la négation associée au verbe savoir montre qu’elle est bouleversée,
déconcertée et sans doute un peu gênée par la fougue de la réaction de Dorante dans les impératifs qu’elle lui adresse pour qu’il
garde une attitude raisonnable (c’est son caractère à elle) : « Modérez votre joie ; levez-vous ».
→ Araminte n’a pu empêcher son cœur de s’exprimer. L’aveu d’Araminte, pudique et implicite, surprend les 2
personnages. Araminte ne peut plus tenir le rôle de la raison et de l’indifférence, elle s’est libérée de ses préjugés et de son
amour-propre, ce qui fait la joie, très expressive, de Dorante. Mais celui-ci à pourtant lui-même quelque chose à déclarer pour
être totalement heureux et va faire ainsi vivre à Araminte une dernière épreuve.

Quatrième mouvement (de la ligne 18 à la fin de l’extrait) : Dorante, qui veut se libérer du poids du mensonge, avoue
lui-même la machination qu’Araminte choisit de lui pardonner.
La didascalie « se lève et dit tendrement » va déjà dans le sens de la sincérité, puisqu’il renonce à la gestuelle
précédente (se jeter à ses genoux) qui pouvait sembler théâtrale, exagérée. L’adverbe « tendrement » annonce des sentiments
formulés sans exagération. Tout en reprenant le terme « joie » dans une hyperbole « cette joie me transporte », la répétition de
« je ne la mérite pas » fait naître un paradoxe par rapport à tous les efforts qu’il a faits pour l’obtenir. On peut alors penser qu’il
dit cela car il se sent socialement inférieur à Araminte. Mais la suite, après les deux points, annonce une autre explication.
L’antithèse entre « cette joie me transporte » et « vous allez me l’ôter » annonce que Dorante veut faire passer quelque chose,
on ne sait pas encore quoi, au-dessus de son propre bonheur, comme le montre la modal isat° forte avec l’expres° de l’obligat° :
« Il faut que vous soyez instruite ». Ce dernier verbe annonce une révélation. Dorante a un devoir moral envers Araminte.
Tout dans la courte réplique d’Araminte à la ligne 20 exprime sa stupéfaction et son envie de savoir : l’adjectif
« étonnée » dans la didascalie, puis l’exclamative averbale* (rappel = sans verbe) « Comment ! » qui exprime en fait une
question, et enfin l’interrogative « Que voulez-vous dire ? ». En effet, elle ne soupçonne rien.
Dorante va alors développer une tirade dans laquelle il va lui révéler le stratagème de manière habile et prudente.
Quand on lit ou entend le début de la longue phrase qui s’étend de la ligne 21 à 24 : « Dans tout ce qui s’est passé, il n’y a rien
de vrai... », l’antithèse entre les deux pronoms indéfinis « tout » et « rien » semble avouer un mensonge généralisé. Mais en
lisant la suite de la phrase, ce qui semblait être une négation de toute vérité, se révèle en fait une négation restrictive : « il n’y a
rien de vrai que ma passion, qui est infinie, et que le portrait que j’ai fait ». Dorante justifie sa conduite par son amour. La
subordonnée relative « qui est infinie » insiste sur la force de sa passion qui justifie tous les moyens. L’ensemble de cette tirade
va développer ce ch lex de la passion amoureuse : « ma passion qui est infinie », « amour » (2 fois), « tendresse », « adore ». Il
minimise ensuite la gravité des faits en employant l’euphémisme « incidents ». Par l’expression « l’industrie d’un
domestique », où domestique est le Ct du nom « industrie » qui renvoie à la manigance, il fait de Dubois le responsable. Le
nom « domestique » devient ensuite l’antécédent de 3 sub relatives : « qui savait mon amour, qui m’en plaint, qui […] m’a,
pour ainsi dire, forcé de consentir à son stratagème ». Les termes qu’il utilise lui enlèvent une part de responsabilité en faisant
de Dubois celui qui a décidé de tout, pour le bien de son maître. Dans les relatives citées ci-dessus comme dans l’affirmation
suivante : « il voulait me faire valoir », c’est toujours Dubois qui occupe la fonction sujet, donc qui agit, et quand Dorante
apparaît, c’est en fonction COD. C’est Dubois à l’origine de tout, selon Dorante ici, qui est donc associé au ch lex de la ruse,
de la tromperie : « industrie », « stratagème », comme si lui-même ne s’était pas prêté de bon cœur au stratagème ! Après avoir
révélé cela, dans la 2e phrase de cette tirade, l. 24-25, l’amour, placé au centre d’une énumération, occupe la fonction sujet : «
mon respect, mon amour et mon caractère ne me permettent pas de vous cacher » ; en associant le verbe « cacher » à une
tournure négative, Dorante place ainsi son amour du côté de la sincérité. Dorante désamorce tout ce que l’on peut s’imaginer de
négatif sur ses intentions par l’emploi des termes mélioratifs « respect », « amour » et « caractère », ce dernier suggérant sa
sincérité qui l’empêche de mentir plus longtemps. Enfin, dans la dernière phrase, l’anaphore de « J’aime mieux » et le
parallélisme de construction : « j’aime mieux… que » insiste sur sa moralité : il préfère tout perdre en lui disant la vérité que de
vivre avec elle en lui ayant caché ce stratagème. On trouve ainsi, dans les deux parties de cette phrase deux expressions
renvoyant au lexique de la perte : « regretter votre tendresse » et « votre haine » pour exprimer ce qu’il trouve préférable
moralement même si cela le fait souffrir, alors qu’on trouve un ch lex antithétique* (opposé) de la fausseté pour exprimer ce
qu’il rejette : « la devoir à l’artifice », « avoir trompé ce que j’adore ». Il place donc la sincérité au-dessus de son bonheur.
Pour Araminte, c’est une épreuve. En effet, son propre cheminement de vérité se heurte au mensonge. Comme le
montre la didascalie : « le regardant quelque temps sans parler », elle ne peut pas répondre immédiatement : le verbe de
perception et l’indication de temps traduisent ce moment de réflexion. Sa réplique commence alors par une sub de condition :
« si j’apprenais cela d’un autre que vous ». C’est seulement dans cette hypothèse qu’elle emploie le verbe haïr au conditionnel
« je vous haïrais »(l.27). La conj de coordination « mais » à valeur d’opposition annonce bien qu’elle n’est pas dans cet état
d’esprit, et la sub relative qui complète le nom « aveu » : « que vous m’en faites vous-même », en insistant sur la 2 e pers du
pluriel, expose la cause de l’absence de haine d’Araminte pour Dorante. Ce même nom « aveu » est sujet du verbe « change
tout » car Dorante lui a lui-même révélé le stratagème. Ce verbe « changer » justifie l’antithèse entre « haïrais » et
« charme »(l.28) que l’on trouve dans la phrase suivante. Le temps n’est plus le conditionnel, mais le présent d’énonciation qui
fait référence à ce que ressent Araminte pour Dorante suite à l’aveu qu’il vient de faire. Cette seconde phrase de la dernière
réplique d’Araminte est remplie de voc mélioratif « sincérité », « charme » (mot de sens très fort), l’adjectif « incroyable » met
aussi en valeur l’action de Dorante ici, et enfin, dans un rythme ternaire, la gradation se clôt sur le superlatif hyperbolique : « le
plus honnête homme du monde ». Cette formulation peut d’ailleurs faire sourire le spectateur, car même si l’amour de Dorante
est sincère, il vient ici d’avouer avoir menti depuis qu’il est arrivé chez elle ! On voit qu’elle met en valeur les qualités morales
de Dorante, en employant le ch lex de la vérité : « aveu », « sincérité », « honnête » et « véritablement ». Elle comprend donc
que la vérité était son but et le mensonge seulement son moyen. Dans la dernière phrase, Araminte va mettre en valeur la raison
même du mensonge de Dorante, autrement dit l’amour sincère, par la sub circonstancielle de cause placée en tête : « puisque
vous m’aimez véritablement ». L’adjectif péjoratif « blâmable* »(critiquable ) est associé ensuite à une négation ce qui enlève
toute faute à Dorante : elle justifie ainsi la conduite de celui-ci. Enfin, les deux points annoncent alors une explication qui va
généraliser cette justification : « il est permis à un amant de chercher les moyens de plaire, et on doit lui pardonner lorsqu’il a
réussi ». Araminte, au-delà du cas particulier de Dorante, emploie ici un article indéfini dans le GN « un amant », le pronom
personnel indéfini « on » de portée générale et le présent de vérité générale. Elle formule ainsi la morale de la pièce.
→ Dorante prend le risque de lui avouer le stratagème, car il place la sincérité au-dessus de tout, et Araminte sort aussi grandie
de cette dernière épreuve, car elle fait passer les intentions de Dorante au-dessus du moyen que Dubois et lui ont employé.

Cl° : Pour insister sur la progression dramatique de ce passage, on peut rappeler qu’il y a un renversement complet de
situation quand on compare le début de cet extrait : la résolution apparente d’Araminte de renvoyer Dorante, et la fin : le
triomphe de l’amour. Ce renversement a lieu grâce à deux aveux successifs : Araminte s’est révélée à elle-même, a fait le choix
de Dorante contre celui de sa mère et du Comte, et la morale est sauve grâce au rétablissement de la vérité par Dorante, qui
révèle le stratagème. On assiste alors ici à une scène de vraies confidences. On peut aussi ajouter que cette scène remplit les
fonctions d’un dénouement : l’amour de Dorante a trouvé son accomplissement : il va épouser Araminte, le plan de Dubois («
Fierté, raison et richesse, il faudra que tout se rende. Quand l’amour parle, il est le maître, et il parlera », I,2) ; a été mené à
bien. Et après le triomphe de l’amour de Dorante et Araminte, qui a vaincu l’amour-propre et les convenances sociales, Dubois
lui-même laissera éclater fièrement sa victoire dans la dernière scène qui suit notre extrait: « ma gloire m’accable » dira-t-il.

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