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NOUVEAU PROGRAMME

• Lectures
• Histoire littéraire et culturelle
• Langue et expression
• Outils et méthodes

FRANÇAIS
Motifs littéraires

Guide pédagogique
2 de
FRANÇAIS
Motifs littéraires
2 de

Coordination pédagogique
Béatrice BELTRANDO

Équipe d’enseignantes-auteures
(les auteures enseignent en lycée)

Béatrice BELTRANDO Adeline CHAVE Sabine GOYAT


Professeure de lettres Professeure de lettres Professeure de lettres et théâtre
Académie de Versailles Académie de Créteil Académie de Versailles

Jeanne BELTRANDO Isabel DOS SANTOS Christel POMMIER-MORAND


Professeure de lettres Professeure de lettres Professeure de lettres
Académie de Versailles Académie de Versailles Académie de Versailles

Lisa BELLET Odile FLON Emmanuelle TERRIEN


Professeure de lettres Professeure de lettres et cinéma Professeure de lettres
Académie de Versailles Académie de Lille Académie de Versailles
S O M M A I R E
PARTIE
1 Histoire littéraire et culturelle
Le Moyen Âge
Le XVIe siècle
7
7
L’humanisme 7
La Pléiade 8
Le XVIIe siècle 9
Le baroque 9
Le classicisme 10
Le XVIIIe siècle 10
Les Lumières 10
Le XIXe siècle 11
Le romantisme 12
Le réalisme 13
Le naturalisme 13
Le symbolisme 14
Le XXe siècle 14
La crise du roman au XXe siècle 15

PARTIE
2 Lectures
La poésie du Moyen Âge au XVIIIe siècle
Le genre poétique et son évolution 19
CHAPITRE 1 Tempus fugit, carpe diem ! 20
CHAPITRE 2 Le sonnet amoureux 34
CHAPITRE 3 Anatomie de la beauté féminine 45
CHAPITRE 4 Le poète en prison 59

Le roman et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle


Le genre romanesque et son évolution 71
CHAPITRE 5 Alexandre Dumas, Pauline 72
CHAPITRE 6 Émile Zola, La Bête humaine 87
CHAPITRE 7 Andrée Chedid, « Les métamorphoses de Batine » 102
CHAPITRE 8 Patrick Modiano, Dora Bruder 112

Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle


Le genre théâtral et son évolution 125
CHAPITRE 9 Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur 126
CHAPITRE 10 Jean Racine, Britannicus 141
CHAPITRE 11 Beaumarchais, Le Mariage de Figaro 155
CHAPITRE 12 Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde 170

La littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle


Les genres de l’argumentation 189
CHAPITRE 13 Quelle place pour les femmes ? 190
CHAPITRE 14 Le robot est-il l’avenir de l’homme ? 201
CHAPITRE 15 Regards sur les migrants 212
CHAPITRE 16 Quand dire, c’est faire : les grands discours 223

© Les Éditions Didier, Paris 2019


ISBN : 978-2-278-09384-7
PARTIE
3
Maîtriser la grammaire
Langue et expression

FICHE 1 Syntaxe de la phrase 239


ATELIER 1 Construire des phrases correctes 240
ATELIER 2 Jouer avec le rythme des phrases 241
FICHE 2 La proposition subordonnée relative 243
ATELIER 3 Enrichir le groupe nominal 244
FICHE 3 Valeur des temps et des modes 246
ATELIER 4 Maîtriser les temps du récit 247
FICHE 4 La modalisation 248
ATELIER 5 Exprimer une opinion, un jugement 249
Enrichir son lexique
FICHE 5 Histoire et sens des mots 250
ATELIER 6 Enrichir son vocabulaire 252
ATELIER 7 Choisir le mot juste 254
Améliorer son orthographe
ATELIER 8 Maîtriser les règles d’accord 255
ATELIER 9 Maîtriser les homophonies 256
ATELIER 10 Maîtriser les conjugaisons 258
ATELIER 11 Maîtriser l’orthographe lexicale 259
Faire un brouillon
FICHE 7 Brouillons d’écrivains 261
ATELIER 12 Travailler au brouillon 261
ATELIER 13 Relire et corriger 262
Construire et mettre en page le texte
FICHE 8 Les supports d’écriture 263
ATELIER 14 Mettre en page un texte 264
Prendre la parole à l’oral
FICHE 9 La tradition rhétorique 266
ATELIER 15 Apprendre à débattre 266
ATELIER 16 Concours d’éloquence 267
ATELIER 17 Mettre en voix des textes 269

PARTIE
4
Les outils d’analyse
Outils et méthode

FICHE 10 La versification 273


FICHE 11 Les tonalités 275
FICHE 12 Les figures de style 277
FICHE 13 L’analyse du texte théâtral 280
FICHE 14 L’analyse du récit 283
FICHE 15 L’analyse du texte poétique 289
FICHE 16 L’analyse du texte argumentatif 291
FICHE 17 L’analyse de l’image 294
ERS L

Les méthodes BAC


V

FICHE 18 Le commentaire 297


FICHE 19 La dissertation 301
FICHE 20 La contraction de texte 306
FICHE 21 L’essai 308
FICHE 22 La prise de notes 311
Histoire
littéraire
et culturelle
Le Moyen Âge p. 20-21 Le xvie siècle p. 22-23

▶ Lecture d’image p. 21 ▶ Lecture d’image p. 22

Page du seigneur Albrecht von Rapperswil, De Vaulx, Les Premières Œuvres


codex Manesse 1. La présence européenne sur les mers est figurée par
1. Le codex Manesse est un livre qui date du XIVe siècle les dessins de navires.
et qui regroupe environ 700 pages de textes de poètes 2. L’Europe est relativement fidèlement représentée,
allemands très connus à l’époque (les Minnesänger, c’est- l’Asie et l’Afrique sont globalement reconnaissables
à-dire les trouvères ou troubadours allemands) ; il s’agit (l’Afrique présente cependant une vaste mer intérieure
principalement de chansons d’amour. qui n’existe pas).
Il est illustré de nombreuses enluminures qui repré- Les régions des pôles sont très fantaisistes.
sentent la société médiévale. Ce riche manuscrit a été
3. Les mots désignant les points cardinaux sont alors le
commandé par la puissante famille Manesse.
Septentrion pour le nord, le Midi pour le sud, l’Occident
L’enlumineur peint d’abord les bordures dans un espace
pour l’ouest et l’Orient pour l’est.
en colonnes laissé vide par le moine copiste qui a établi
le texte, puis il dessine à la mine de plomb, repasse à
l’encre et ajoute les couleurs.
Cette enluminure médiévale a donc deux fonctions. La
première est essentiellement ornementale : le livre au L’humanisme p. 24-25
Moyen Âge est un objet luxueux. La seconde est illus-
trative : ici, l’image représente le chant courtois retrans- ▶ Lecture d’image p. 25
crit dans le manuscrit. Il s’agit d’un tournoi, une joute
Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs
équestre au cours de laquelle, après avoir salué leurs
dames, les deux chevaliers s’affrontent. 1. Ce tableau représente deux personnages puissants,
deux ambassadeurs de France en Angleterre, comme
2. On retrouve dans l’image les caractéristiques de la lit-
l’indique le titre. Ils sont envoyés par François Ier pour
térature courtoise : d’une part, le goût pour les récits des
obtenir le soutien d’Henri VIII face à Charles Quint.
exploits des chevaliers (combats guerriers ou ceux, plus
Jean de Dinteville, le commanditaire du tableau, est
pacifiques, des tournois), d’autre part, l’importance de
un noble. Il porte des vêtements particulièrement
la dame aux yeux de qui le chevalier veut se distinguer.
luxueux : une chemise à crevés confectionnée dans un
L’image mêle ces deux caractéristiques dans sa compo-
tissu soyeux rouge, un habit et un manteau noirs (le
sition : ses deux tiers inférieurs représentent le combat,
noir profond est une couleur difficile à obtenir, elle est
le tiers supérieur donne à voir les dames, spectatrices
l’apanage des grands). Le manteau est doublé de four-
du tournoi, ainsi que les jongleurs, les troubadours, les
rure. Dinteville porte également un chapeau orné de
musiciens qui animent la fête. On remarque également
broderies, autour du cou un grand collier (la médaille de
des jongleurs en bas à gauche.
l’ordre de Saint-Michel) et à la main une dague dans son
3. L’enlumineur rend bien la violence du combat : les fourreau précieux.
deux chevaliers en armure se sont élancés l’un contre
2. Georges de Selve est un haut dignitaire de l’Église,
l’autre, et celui de gauche a rompu sa lance contre le
évêque de Lavaur : on aperçoit le bonnet carré et, sous le
bouclier de son adversaire qui a lui-même perdu son
manteau, le col caractéristique des ecclésiastiques. Il est
heaume.
habillé plus sobrement, mais tout aussi richement que
Le gagnant est représenté en hauteur et dans une cou-
son ami. Son long manteau est confectionné dans un
leur plus vive (jaune), il paraît plus grand que le perdant
tissu sombre, semblant lourd et doux à la fois, orné de
(en vert terne) dont on pense qu’il ne tardera pas à être
fourrure. Il tient dans sa main des gants qui constituent
désarçonné.
un objet luxueux.
Ils sont placés dans un décor également luxueux : riches
tentures derrière eux. Le pavage en marbre est identique
à celui de l’abbaye de Westminster. La barbe des deux
personnages évoque celle de François Ier.
3. En haut à gauche, un christ est placé derrière la ten-
ture et à moitié caché. Cela symbolise la position parti-
culière de Jésus, intermédiaire entre les hommes et Dieu,
entre le monde des hommes et l’au-delà.

7
Histoire littéraire et culturelle
4. Recherches Une anamorphose est une déformation été récupérées pour construire d’autres bâtiments. Les
d’une image ou d’un objet que l’on peut reconstituer à monuments antiques ont longtemps été laissés à l’aban-
partir d’un point de vue particulier, grâce à un travail sur don, ce que montre également Du Bellay dans son
la perspective. recueil Les Antiquités de Rome écrit à la même époque.
Ce tableau comporte une anamorphose au milieu du V Lecture 3, p. 64
pavage, en bas. Il s’agit d’un crâne déformé par allonge- Van Heemskerck a peint la végétation sur le haut des
ment. Il faut se placer sur le côté droit pour voir l’image murs : des arbustes ont poussé, accélérant la dégradation
non déformée. Le tableau doit donc d’abord être regardé du bâtiment.
de face : on a alors un symbole de la puissance humaine, Aujourd’hui, le Colisée est toujours en ruines, mais il est
avec le double portrait en pied de ces deux ambassa- entretenu avec soin. Les brèches sont colmatées, la végé-
deurs, ces deux privilégiés (un noble, un évêque), qui sont tation coupée, le lieu est sécurisé et valorisé, il est un
représentés grandeur nature, car le tableau mesure envi- symbole de la Rome antique.
ron 2 mètres sur 2. Puis on quitte la pièce par la droite
et on jette un dernier coup d’œil à cette œuvre : on dis- ▶ Activité p. 27
tingue alors le crâne (un memento mori).
Cela ramène ces deux privilégiés à la condition humaine : Du Bellay, « Heureux qui, comme Ulysse… »
ils sont voués à la mort, le luxe qui les entoure représen- 1. Ce poème est un sonnet : il est composé de deux qua-
tant l’illusion des richesses terrestres. L’une des cordes trains et deux tercets, soit 14 vers.
du luth est cassée, ce qui rappelle la fragilité de la vie 2. Le schéma de rimes est : ABBA ABBA CCD EED.
humaine. Le chrétien doit préparer son âme à mourir : le 3. On trouve en alternance des rimes féminines (A, D) et
tableau est donc une vanité. V Prolongement artistique masculines (B, C, E).
et culturel, p. 74-76 La plupart des rimes sont suffisantes (deux sons en com-
5. Pourtant, ce qui est mis en valeur ici, au centre, ce mun), sauf aux vers 6-7 où on trouve une rime riche (trois
ne sont pas ces deux hommes puissants, ce n’est pas le sons communs ou plus) : « saison » « maison ».
crâne, c’est un meuble à deux étages couverts d’objets. 4. a. Le poète utilise des alexandrins composés de deux
En haut : un globe céleste, des instruments de mesure hémistiches avec une pause forte à la césure.
astronomiques, des horloges solaires qui indiquent la b. Le rythme binaire est particulièrement marqué par
date (peut-être le 11 avril 1533). les virgules à la césure et les effets de contraste entre les
En bas : un globe terrestre, un livre d’arithmétique avec deux lieux évoqués.
un compas et une équerre, ainsi que des instruments Cette opposition est renforcée par le parallélisme des
de musique : un luth et des flûtes. (À cette époque la vers 12 et 13 et l’anaphore de « Plus mon » suivie d’un
musique est considérée comme une branche des mathé- toponyme désignant l’Anjou.
matiques.) Le livre ouvert contient un hymne de Luther, Du Bellay fait l’éloge de sa région natale et le blâme de
fondateur du protestantisme. Rome en consacrant un hémistiche à chacun des lieux.
L’éducation et le savoir humanistes sont au centre pour Dans le dernier vers, il inverse l’ordre des lieux, laissant
Hans Holbein le Jeune, même si un certain désordre ainsi pour la fin l’évocation de sa région, dont la douceur
(livres ouverts, globe renversé, flûte manquante, corde semble prolongée par la rime féminine d’« angevine ».
cassée) peut traduire les incertitudes de l’époque ou rap-
peler que le savoir non plus ne permet pas d’échapper 5. Recherches Du Bellay évoque deux personnages de
au temps. On peut donc en conclure que le tableau est l’Antiquité grecque : Ulysse, le héros de l’Iliade et de
une allégorie de l’humanisme. l’Odyssée, et Jason, héros qui, avec les Argonautes, s’em-
para de la Toison d’or.
Du Bellay pense qu’ils sont plus heureux que lui, car ils
ont fait un voyage mais ont fini par revenir chez eux,
alors que lui-même est encore en exil à Rome.
La Pléiade p. 26-27 En effet, le poète a suivi son oncle, le cardinal Jean Du
Bellay. Il est d’abord heureux de découvrir Rome – ce
▶ Lecture d’image p. 27 voyage est un rêve pour les humanistes qui remettent
l’Antiquité à l’honneur –, mais est vite déçu par la vie à
Van Heemskerck, Autoportrait au Colisée
la cour pontificale et a le mal du pays. La sensation du
1. Le peintre s’est représenté devant le Colisée à Rome. manque et la nostalgie l’envahissent : ce sont ces senti-
2. Ce monument, qui date de l’Antiquité romaine ments que le poète transmet dans ce poème.
(Ier siècle), est en ruine au XVIe siècle. Il a subi un grave
incendie, puis plusieurs tremblements de terre pendant
l’Antiquité ; au cours du Moyen Âge, il a servi d’habita-
tion, d’atelier et même de carrière, car des pierres ont

8
Histoire littéraire et culturelle
Le xviie siècle p. 28-29 C’est en un de ces tripots-là, si je m’en souviens, que j’ai
laissé trois personnes comiques, récitant La Marianne
devant une honorable compagnie, à laquelle présidait
▶ Image p. 28
le sieur de la Rappinière. Au même temps qu’Hérode
Ballet royal de la Nuit, Louis XIV en Apollon et Marianne s’entredisaient leurs vérités, les deux
1. Louis XIV adorait la danse et participa au Ballet royal jeunes hommes de qui l’on avait pris si librement les
de la Nuit où il interpréta plusieurs rôles. C’est d’ailleurs habits, entrèrent dans la chambre en caleçons, et cha-
une tradition que le roi participe aux ballets de la cour. cun sa raquette en sa main. Ils avaient négligé de se
Ce spectacle correspond à la période de la régence : faire frotter pour entendre la comédie¹. Leurs habits,
en 1653, Louis XIV a 15 ans, et c’est sa mère, Anne que portaient Hérode et Phérore, leur ayant d’abord
d’Autriche, qui dirige la France avec l’aide du cardi- frappé la vue, le plus colère des deux s’adressant au
nal Mazarin. La France sort d’une période troublée, la valet du tripot : « Fils de chienne, lui dit-il, pourquoi
Fronde, pendant laquelle les nobles ont contesté le pou- as-tu donné mon habit à ce bateleur ? » Ce valet, qui
voir royal. La danse est un véritable instrument politique le connaissait pour un grand brutal, lui dit en toute
pour Louis XIV : le monarque fédère la cour autour de lui humilité que ce n’était pas lui. « Et qui donc, barbe de
en faisant participer les nobles à ces festivités. cocu ? » ajouta-t-il. Le pauvre valet n’osa en accuser la
2. Cette image représente le jeune roi dans son costume Rappinière en sa présence ; mais lui, qui était le plus
de scène pour le rôle d’Apollon, le dieu de la Clarté solaire insolent de tous les hommes, lui dit en se levant de sa
et des Arts. La couleur dorée, les plumes et les rayons du chaise : « C’est moi, qu’en voulez-vous dire ? »
costume évoquent l’astre du jour qui vient chasser la 1. Scarron emploie ici le mot « comédie » au sens large de
nuit. Après ce ballet, Louis XIV fait du soleil son emblème spectacle théâtral. En outre, si La Marianne est une célèbre
tragédie, le traitement comique de l’épisode par Scarron
favori, qui symbolise la grandeur de la monarchie absolue.
semble lui ôter toute dignité tragique !

▶ Lecture d’image p. 29

Coulom, Le Roman comique


1. Les deux joueurs de jeu de paume sont au premier Le baroque p. 30-31
plan à gauche : ils sont en chemise blanche et l’un
d’entre eux brandit une raquette. ▶ Image p. 30
Le jeu de paume est l’ancêtre du tennis.
Le Bernin, Apollon et Daphné
2. Plusieurs éléments donnent du mouvement à la
scène : au premier plan, une bagarre éclate entre les 1. Recherches Ovide raconte le mythe d’Apollon et
personnages. Au deuxième plan, pour se protéger, les Daphné (« laurier », en grec) dans ses Métamorphoses
spectateurs ont un mouvement de recul. Sur la scène, (livre I). Apollon est amoureux de la nymphe Daphné et
au troisième plan, les acteurs sont en pleine représenta- la poursuit de ses assiduités, mais celle-ci le repousse fer-
tion : un homme se précipite vers une femme qui sèche mement et fuit, ce qui attise le désir du dieu.
ses pleurs dans un mouchoir. Enfin, le décor même Daphné supplie son père, le dieu-fleuve Pénée, de lui
semble avoir été monté à la va-vite : les rideaux sont des enlever sa beauté qui est la cause de son malheur. Elle
pièces de tissu qui paraissent avoir été jetées à la hâte ; est alors métamorphosée en laurier :
le cadre, à l’arrière-plan, est de travers. ses cheveux verdissent en feuillage, ses bras s’allongent
Le public de théâtre du XVIIe siècle est loin d’être aussi en rameaux ; ses pieds, naguère si rapides, prennent
policé que celui d’aujourd’hui. On mange, on boit au racine et s’attachent à la terre ; la cime d’un arbre cou-
parterre, et surtout on réagit bruyamment au spectacle. ronne sa tête
(On pourra montrer aux élèves la première séquence du Ovide, Les Métamorphoses, trad. D. Nisard, I.
Cyrano de Rappeneau, qui reconstitue une représenta- Apollon étreint amoureusement l’arbuste, qui sera
tion à l’Hôtel de Bourgogne V doc. 3, p. 277.) consacré à son culte :
3. Les comédiens jouent La Mariane de Tristan L’Her- « Ah ! dit-il, puisque tu ne peux devenir l’épouse
mite (1637) : c’est une tragédie. Les comédiens jouant d’Apollon, sois son arbre du moins : que désormais
Hérode, Mariane et Phérore apparaissent en costumes ton feuillage couronne et mes cheveux et ma lyre et
de cour comme c’est l’usage dans la tragédie jusqu’au mon carquois. […] »
XVIIIe siècle. Pour cela, ils ont dérobé les habits des deux Op. cit.
joueurs de jeu de paume.
2. La statue du Bernin, célèbre sculpteur italien baroque,
L’attitude de Mariane évoque la douleur tragique.
met en scène l’instant de la métamorphose de la nymphe,
Voici le passage du Roman comique de Scarron auquel
au moment où le dieu va la rattraper. Daphné est encore
correspond le tableau.
une jeune et belle femme mais on voit déjà ses cheveux

9
Histoire littéraire et culturelle
se transformer en feuillage, ses bras en branches de lau- Cette pièce a été écrite et représentée pour la première
rier, et ses pieds s’enraciner. fois à la Comédie-Française en 1755. Ici, elle est lue
Caractéristiques de l’art baroque dans cette statue par l’acteur Lekain devant une assemblée composée
• L’utilisation des courbes, des torsades : les corps des d’aristocrates, d’hommes de lettres, de philosophes des
deux personnages sont tordus, comme en hélice. Les per- Lumières. Voltaire n’est pas présent, à cette époque il
sonnages sont présentés en train de courir, et leurs bras, habite aux Délices près de Genève et ne reviendra à Paris
leurs cheveux accentuent encore leur mouvement. qu’en 1778, mais son buste est au centre du tableau : il
• Les thèmes de l’instabilité, de la métamorphose : la vie se détache en blanc sur le fond sombre et surplombe
est changeante, comme l’apparence de Daphné. l’assemblée.
• Le thème de la vanité (du désir) : un poème en latin est 2. Au XVIIIe siècle, un salon littéraire est un lieu privé où
gravé sur le socle de la statue : « Tel qui court après les se réunissent des intellectuels, écrivains, philosophes,
plaisirs fugaces s’emplit les mains de feuilles mortes ou afin de débattre de sujets en rapport avec leurs ouvrages.
cueille des fruits amers. » Ces salons ont joué une grande importance dans la dif-
fusion des idées des Lumières, qui ont conduit à la Révo-
lution de 1789.
Dans ce tableau, on voit, à droite, Mme Geoffrin, qui
Le classicisme p. 32-33
tient salon, entourée d’hommes d’État, mais aussi d’écri-
vains tels que Diderot, d’Alembert, Rousseau, Helvétius,
▶ Image p. 32 Montesquieu, Marivaux, Buffon, Mlle de Lespinasse…
Allegrain, Vue de l’Orangerie, des escaliers, La scène se situe au milieu du XVIIIe siècle, cependant
des Cent-Marches et du château de Versailles le tableau est beaucoup plus tardif, il a été peint par
Lemonnier en 1812, pour répondre à une commande de
Les architectes principaux du château de Versailles et de
Joséphine de Beauharnais qui voulait le placer dans son
l’Orangerie sont Le Vau et Mansart ; le jardin a été créé
château de Malmaison et ainsi rappeler l’attachement de
par Le Nôtre.
l’Empereur aux valeurs des Lumières. Par ailleurs, cette
Caractéristiques du classicisme dans ce paysage et scène n’a jamais eu lieu, c’est une fiction. Le peintre a
cette architecture rassemblé les intellectuels, les artistes, les hommes poli-
• L’inspiration antique des façades et des statues du jar- tiques de l’époque en concentrant dans un seul tableau
din, les bassins, les jardins à la française. plusieurs séances du fameux salon de Mme Geoffrin.
• Les colonnades droites et symétriques inspirées des Pour en savoir plus
temples antiques, la sobriété et, ainsi, le « bon goût » de V h t t p s : / / w w w. h i s t o i r e - i m a g e . o r g / f r / e t u d e s /
l’architecture. salons-XVIIIe-siecle
• Le jardin est également caractérisé par la symétrie,
l’ordre : la culture est parvenue à dompter la nature sau-
vage. Les allées sont rectilignes, les parterres dessinent des
motifs géométriques réguliers en spirales et comportent de
nombreux végétaux taillés en topiaire (art de tailler archi-
tecturalement les arbres et arbustes dans un but décoratif). Les Lumières p. 36-37
• Les jardins, comme les bâtiments, sont conçus pour
offrir des surprises au promeneur et théâtralisent les ▶ Lecture d’image p. 37
divers éléments.
• Architecture et jardins deviennent un instrument de Fragonard, Le Baiser à la dérobée
pouvoir, une façon pour Louis XIV d’affirmer son autorité 1. a. Fragonard crée une diagonale du coin en haut à
et son prestige. gauche au coin en bas à droite. Le spectateur regarde
d’abord les visages des personnages, le décolleté de la
jeune fille, les plis de sa robe, puis son bras prolongé par
l’étole.
Le xviiie siècle p. 34-35
Le tableau est ainsi partagé en deux : à gauche une zone
claire où se trouvent les deux jeunes gens (visages, robe
▶ Lecture d’image p. 35 soyeuse), et à droite une zone plus sombre (l’autre pièce,
Lemonnier, Lecture de la tragédie les rideaux…).
de L’Orphelin de la Chine de Voltaire La diagonale dynamise cette scène, d’autant plus que le
dans le salon de madame Geoffrin en 1755 garçon tire fermement la jeune fille par le bras ; celle-ci
semble en déséquilibre, son pied touche à peine terre, et
1. Le personnage assis à la table centrale lit une tragédie
elle-même tire sur son étole, ce qui conduit le regard du
de Voltaire intitulée L’Orphelin de la Chine dans le salon
spectateur vers le salon où se trouvent les adultes.
de Mme Geoffrin.

10
Histoire littéraire et culturelle
b. Le tableau est organisé en trois espaces séparés par Delacroix compose son tableau dans les mois qui suivent
deux portes. les événements et l’expose au Salon de mai 1831.
À gauche, un jeune homme surgit d’un couloir sombre 2. Le tableau est organisé en pyramide. Au sommet de
qui mène sans doute à des appartements privés (c’est la barricade, une femme symbolisant la liberté brandit
l’espace du désir et de l’interdit). le drapeau bleu, blanc, rouge, prolongé vers le bas par le
Au milieu, dans une antichambre ou un boudoir, la jeune fusil de l’homme au chapeau haut-de-forme. À gauche,
fille est dans un entre-deux, elle hésite entre l’attrait du le sabre de l’homme au béret prolonge cette ligne. De
fruit défendu et le respect de la morale. l’autre côté, à droite, les bras du jeune garçon prolongent
À droite, derrière la porte du salon, les adultes s’adonnent ce côté de la pyramide.
aux plaisirs plus respectables des jeux de cartes… Par ailleurs le tableau est partagé entre un bas sombre
2. Sur le visage de la jeune fille on lit à la fois le désir et où s’entassent les morts et un haut clair et coloré où se
la crainte que les adultes ne les surprennent. Le tableau détache la Liberté, mise en valeur par un fond flou.
est intitulé Le Baiser à la dérobée : le jeune homme attire 3. Les personnages mis en valeur sont la femme et les
la jeune fille dans un coin sombre pour l’embrasser, elle personnages qui l’entourent.
résiste un peu mais se laisser tenter. Son corps semble Classes sociales représentées
dire oui car elle se penche vers lui, mais son regard est • À gauche, un homme avec un béret : un ouvrier
tourné vers le salon d’où elle vient sans doute, ce qui • Aux pieds de l’ouvrier, un enfant portant un bonnet de
montre son appréhension. Le garçon a un pied posé sur police s’agrippe aux pavés d’une barricade.
sa robe, signe de son emprise amoureuse sur elle. • Un homme à genoux avec un haut-de-forme : un bour-
3. Une scène caractéristique de l’esprit des Lumières, geois peut-être, mais il porte un pantalon large et une
de l’ambiance de l’époque ceinture d’artisan.
• Le décor, les vêtements, les activités des convives dans • Un homme avec un foulard sur la tête (un paysan),
le salon sont typiques du XVIIIe siècle. blessé, se redresse en voyant passer la Liberté. Les cou-
• Il s’agit d’une scène galante, on sent que les jeunes gens leurs de ses vêtements sont les mêmes que celles du
sont à la recherche du plaisir et du bonheur individuel. drapeau : gilet bleu, chemise blanche, ceinture et foulard
Le thème du libertinage est présent dans beaucoup rouges.
d’œuvres artistiques des Lumières ; en même temps, le • À droite, un gamin de Paris brandit des pistolets, volés
poids des convenances sociales reste très important. peut-être sur le cadavre d’un soldat. Il marche vers le
• On peut retrouver des scènes similaires dans le cha- spectateur avec détermination, sa bouche est grande
pitre 1 de Candide, où le héros embrasse Cunégonde der- ouverte pour encourager les insurgés ou chanter. Il repré-
rière un paravent, puis se fait chasser par le père de sa sente la jeunesse révoltée contre les injustices.
bien-aimée ; ou bien dans le Mariage de Figaro, où plu- • En bas, les soldats morts symbolisent la fin du régime.
sieurs personnages cherchent à dérober des baisers à des 4. Au milieu en haut, la femme est l’allégorie de la
jeunes femmes : Figaro à Suzanne, le comte à Suzanne liberté. Elle porte le bonnet phrygien (symbole de la
et Chérubin à toutes les femmes… Révolution française de 1789) et le drapeau bleu, blanc,
On retrouve une ambiance similaire dans Le Verrou de rouge. Tous les regards convergent vers elle.
Fragonard. Elle est placée devant le groupe d’hommes, un pied en
avant, mais elle se tourne vers les insurgés pour les appe-
ler au combat, les guider.
La plupart des détails sont symboliques : elle marche
Le xixe siècle p. 38-39 pieds nus, les seins dévoilés et le drapé de la robe
évoquent les statues antiques, les Victoires ailées. Mais
▶ Lecture d’image et recherches p. 38 il y a aussi des détails plus réalistes : elle tient un fusil
caractéristique du début du XIXe siècle, et le peintre a
Delacroix, La Liberté guidant le peuple représenté la pilosité de ses aisselles, ce qui a été jugé
1. La scène se situe à Paris (on voit au loin à droite les inconvenant.
tours de Notre-Dame entourée de la fumée des canons) À ses côtés, le jeune garçon a pu inspirer Victor Hugo
pendant les Trois Glorieuses, trois jours d’insurrection pour la création du personnage de Gavroche dans Les
pendant lesquels on pense que la république sera ins- Misérables (1862).
taurée : les 27, 28 et 29 juillet 1830. En réaction aux
ordonnances de Charles X limitant la liberté de la presse
et réservant le droit de vote aux riches propriétaires, les
Parisiens se révoltent. Charles X perd son trône, s’exile
en Angleterre, mais la révolution avorte et c’est la
monarchie de Juillet qui est instaurée.

11
Histoire littéraire et culturelle
Le romantisme p. 40-41 ▶ Recherches p. 41

Besnard, La Première d’Hernani.


▶ Lecture d’image p. 40 Avant la bataille
Friedrich, Le Voyageur contemplant une mer 1. Le tableau de Besnard date de 1903, il est donc très
de nuages postérieur aux événements qu’il représente. Il a été exé-
1. Effets de contraste du tableau cuté pour répondre à une commande de Paul Meurice
• Un premier plan sombre ; un arrière-plan clair. qui fonde un musée Victor-Hugo pour célébrer le cen-
• Des rochers nets (au premier plan) ; des sommets de tenaire du poète (en 1902), dans la maison qu’il avait
montagnes perdus dans les nuages flous (en arrière-plan). habitée place des Vosges à Paris. Le musée est inauguré
• La terre ; le ciel (la « mer de nuages » du titre). en 1903.
• Un homme (le « voyageur » du titre) ; l’univers minéral 2. Le tableau représente la première de la pièce de Vic-
qui l’entoure. tor Hugo, Hernani, un drame romantique, première qui
• L’homme seul ; l’immensité de la nature et de Dieu. a lieu le 25 février 1830 à la Comédie-Française. Hugo y
2. Caractéristiques de la nature romantique présentes remet en cause les règles du théâtre classique telles que
dans le tableau Boileau les avait définies, en ne respectant pas notam-
• Friedrich représente une nature sauvage chère aux ment la règle des trois unités ainsi que l’unité de ton (il
romantiques. mélange le grotesque et le sublime).
• Cette nature permet de mettre l’homme en relation Le tableau donne à voir le moment « avant la bataille ».
avec Dieu. Le peintre invite le spectateur à méditer sur Bientôt s’affronteront les deux camps : les classiques et
la puissance divine ; comme le voyageur, il contemple les les romantiques qui revendiquent la liberté en art.
sommets des montagnes qui se confondent avec le ciel, À droite : au balcon, les traditionalistes aux crânes
se confrontant ainsi à son destin ou à la mort. chauves qui défendent les principes dépassés de la tra-
• La nature révèle les émotions du personnage, plongé gédie de type racinien.
dans ses rêveries qui l’emportent vers un ailleurs, dans À gauche : au parterre, les jeunes gens aux cheveux
une attitude mélancolique ou contemplative. trop longs qui préfèrent s’inspirer de Shakespeare. Voici
ce que raconte Gautier dans sa dernière œuvre laissée
3. Le « voyageur » du tableau, héros romantique
inachevée.
• Le personnage est au centre, les lignes de fuite
convergent vers lui ; de même, la littérature romantique L’orchestre et le balcon étaient pavés de crânes acadé-
privilégie les sentiments personnels du héros. Le lecteur/ miques et classiques. Une rumeur d’orage grondait
spectateur adopte le point de vue du personnage et sourdement dans la salle, il était temps que la toile se
contemple le paysage à travers ses yeux. levât : on en serait peut-être venu aux mains avant la
• Ses vêtements, son allure rappellent les descriptions des pièce, tant l’animosité était grande de part et d’autre.
héros romantiques. Il porte un habit d’un bleu noir très Enfin les trois coups retentirent. […]
foncé, bleu de Prusse, comme le Werther de Goethe ou Malgré la terreur qu’inspirait la bande de Hugo
Julien Sorel à la fin du Rouge et le Noir de Stendhal. Le répandue par petites escouades et facilement recon-
bleu, à cette époque, est devenu la couleur de l’amour, naissable à ses ajustements excentriques et à ses airs
du rêve, de la mélancolie, la couleur du romantisme. féroces, bourdonnait dans la salle cette sourde rumeur
V Michel Pastoureau, Bleu, l’Histoire d’une couleur (2000) des foules agitées qu’on ne comprime pas plus que
• L’ascension du voyageur est à la fois : celle de la mer. La passion qu’une salle contient se
– physique, concrète ; dégage toujours et se révèle par des signes irrécu-
Le voyageur s’aide d’un bâton de marche, c’est le début du sables. Il suffisait de jeter les yeux sur ce public pour
tourisme pour les classes privilégiées. Rousseau, précurseur se convaincre qu’il ne s’agissait pas là d’une repré-
du romantisme, a fait l’éloge des randonnées pédestres en sentation ordinaire ; que deux systèmes, deux partis,
montagne (Les Rêveries du promeneur solitaire). deux armées, deux civilisations même, – ce n’est pas
– symbolique. trop dire – étaient en présence, se haïssant cordiale-
L’ascension symbolise surtout la quête spirituelle du ment, comme on se hait dans les haines littéraires, ne
héros. On remarque que le personnage est de dos, il demandant que la bataille, et prêts à fondre l’un sur
incarne l’homme seul face à son destin V Julien Sorel, l’autre. L’attitude générale était hostile, les coudes se
dans Le Rouge et le Noir, partie I, fin du chap. X, ou bien faisaient anguleux, la querelle n’attendait pour jaillir
l’artiste supérieur aux autres mais mis à l’écart, incapable que le moindre contact, et il n’était pas difficile de voir
de s’insérer dans le monde V Baudelaire, « L’Albatros ». que ce jeune homme à longs cheveux trouvait ce mon-
Ses cheveux sont ébouriffés, signe de la difficulté de sieur à face bien rasée désastreusement crétin et ne
l’ascension et de l’exaltation des sentiments du héros, lui cacherait pas longtemps cette opinion particulière.
emporté par le « vague des passions ».
Théophile Gautier, Histoire du romantisme (1874).

12
Histoire littéraire et culturelle
3. Au théâtre, il était courant à l’époque de faire appel à dans son atelier les gens de son village. Puis il a repré-
la claque : des amis de l’auteur venus défendre la pièce senté les personnages dans le cimetière qui vient d’être
ou même des spectateurs payés pour applaudir à tout construit à Ornans. Les historiens ont pu les identifier :
rompre. Les deux camps faisaient appel à la claque. par exemple, les femmes à droite sont la mère, les sœurs
4. Le cénacle est un groupe littéraire qui se réunissait et la petite cousine du peintre. Cependant, on ne connaît
autour de Hugo : il s’agit notamment de Gautier, Nerval, pas le nom du personnage qui est enterré.
Musset, Vigny, Sainte-Beuve, Mérimée, Dumas, Balzac… Les personnages sont identifiables à leurs vêtements :
nombreux sont ceux qui étaient présents lors de la les tenues ecclésiastiques dans le groupe de gauche ; des
« bataille d’Hernani ». tenues séculières, caractéristiques de la classe sociale
dans le groupe de droite : bourgeois en chapeau, révolu-
5. Le personnage à cheveux longs, en bas à gauche, qui
tionnaires en culotte et tricorne…
porte un gilet d’un rouge éclatant, est Théophile Gautier.
Il a fait faire ce gilet exprès pour la première de la pièce. 5. Un tableau caractéristique du réalisme
Ni le modèle ni la couleur n’étaient à la mode à l’époque, • Les personnages ont posé, un par un, dans l’atelier de
il s’agissait pour Gautier d’accentuer les provocations. Courbet, mais leur gestuelle n’est pas du tout apprêtée.
• Les personnages sont banals, représentés grandeur
Le gilet rouge ! on en parle encore après plus de qua-
nature, ils ne sont pas du tout idéalisés. On a reproché à
rante ans, et l’on en parlera dans les âges futurs, tant
Courbet de montrer leur laideur ou leur attitude relâchée.
cet éclair de couleur est entré profondément dans l’œil
• Toutes les classes sociales sont représentées : de petits
du public. Si l’on prononce le nom de Théophile Gau-
propriétaires, des notables (le juge, le maire), le fossoyeur,
tier devant un philistin, n’eût-il jamais lu de nous deux
le curé, deux révolutionnaires, des femmes, des enfants…
vers et une seule ligne, il nous connaît au moins par le Courbet s’efforce ainsi d’introduire « la démocratie dans
gilet rouge que nous portions à la première représen- l’art ».
tation d’Hernani, et il dit d’un air satisfait d’être si bien • Le crucifix se dresse dans le ciel, qui semble désespé-
renseigné : « Oh oui ! le jeune homme au gilet rouge rément vide.
et aux longs cheveux ! » C’est la notion de nous que La dimension allégorique du tableau
nous laisserons à l’univers. Nos poésies, nos livres, Mais le tableau a également une dimension allégorique.
nos articles, nos voyages seront oubliés ; mais l’on se Au plan métaphysique, le crâne posé sur le bord de la
souviendra de notre gilet rouge. fosse invite à la réflexion sur la condition humaine : c’est
Op. cit. un memento mori.
Au plan politique, certains critiques ont voulu voir dans
ce tableau l’annonce de l’enterrement de la république,
Le réalisme p. 42-43 car les élections de 1849 à Ornans ont donné la victoire
au parti de l’Ordre. En tout cas, Courbet, proche des
socialistes, souligne l’égalité des hommes face à la mort.
▶ Lecture d’image p. 43

Courbet, Un enterrement à Ornans


1. Le tableau représente l’enterrement d’un villageois
dont on ne connaît pas le nom, à Ornans, village natal Le naturalisme p. 44-45
de Courbet.
2. Il s’agit d’une toile de très grandes dimensions : ▶ Recherches p. 45
7 mètres sur 3. Degas, Repasseuses
Ce format est en principe réservé aux tableaux repré-
sentant des batailles ou des épisodes historiques impor- 1. L’impressionnisme est un courant pictural de la fin
tants, des scènes religieuses ou mythologiques. du XIXe siècle. Des peintres, comme Monet, Manet,
Renoir, Pissaro, Sisley, Degas, Morisot, ont voulu capter
3. Ce format est inhabituel pour représenter une scène les impressions que la nature et la lumière pouvaient
banale. Le tableau est proche d’une scène de genre, c’est- leur transmettre ; le nom du mouvement provient d’un
à-dire une scène de la vie quotidienne donnant à voir des tableau de Monet intitulé Impression, soleil levant (1872).
personnages anonymes. En principe, la scène de genre Pour rendre compte de la fugacité de ces instants, les
est un tableau de petites dimensions, car ce n’est pas un peintres travaillent sur des tableaux de petites dimen-
genre très noble. Or, ici, au contraire, Courbet donne à sions et en plein air.
cette scène la même importance qu’à un tableau histo-
rique. À l’époque, cela fut vivement critiqué. 2. Les impressionnistes se caractérisent par des tech-
niques particulières, mais aussi par des thématiques et
4. Le convoi vient d’arriver, on distingue de gauche à des intentions qui les rapprochent des écrivains natu-
droite les officiants et les ecclésiastiques, les hommes, ralistes. Zola, qui fut également critique d’art, défendit
les femmes, et même un chien. Courbet a fait poser ardemment ces peintres et fut leur ami.

13
Histoire littéraire et culturelle
Les impressionnistes s’efforcent de représenter tous les Pourtant Œdipe est placé en hauteur, il soutient le
milieux sociaux, des aristocrates et des bourgeois mais regard du monstre et conserve sa lance à la main. Il le
aussi et surtout des hommes et des femmes du peuple, domine physiquement, mais aussi intellectuellement
des travailleurs. On voit dans ce tableau de Degas deux puisqu’il résout l’énigme.
repasseuses qui peuvent rappeler la boutique de Ger- 4. Le Sphinx a l’apparence d’une belle jeune fille, son
vaise, héroïne de Zola. L’une est en train de repasser un visage, ses cheveux, sa poitrine peuvent symboliser
drap ou une robe avec un fer qu’elle a posé sur la chau- une séduction dangereuse. (Le sphinx de la mythologie
dière ou le poêle à droite ; l’autre tient une bouteille à grecque, ou sphinge, est une créature chimérique à buste
la main, pouvant évoquer le problème de l’alcoolisme et tête de femme, corps de lion et pattes d’oiseau.) Son
que l’écrivain dénonce dans L’Assommoir. Les deux regard cherche à hypnotiser Œdipe.
femmes ne sont pas idéalisées, elles portent des vête- On peut penser qu’Œdipe résiste à la fascination de la
ments simples, elles ne sont pas apprêtées, elles sont un mort et s’apprête à répliquer et à affronter son destin.
peu décoiffées, leurs mouvements sont saisis sur le vif.
L’une d’elles appuie avec force sur le fer, l’autre bâille, la
bouche grande ouverte, les yeux fermés, ce qui est peu
flatteur mais met bien en valeur l’importance du corps, Le xxe siècle p. 48-49
la fatigue physique que procure son travail.
▶ Lecture d’image p. 49

Vallotton, Verdun
1. Valloton est un peintre suisse, il n’a pas participé au
Le symbolisme p. 47 conflit car il était trop âgé, mais l’État français lui a confié
une mission au front où il a pu observer les dégâts pro-
▶ Lecture d’image p. 47 voqués par les bombardements. Il peint Verdun en 1917,
juste après la bataille qui opposa les armées française
Moreau, Œdipus et le Sphinx
et allemande, de février à décembre 1916 en Lorraine,
1. Le tableau représente la rencontre d’Œdipe et du et qui fit 700 000 victimes (morts et blessés, français et
Sphinx, monstre mythologique de la Grèce antique. allemands).
Le mythe. Œdipe est le fils de Laïos et de Jocaste, roi et Ce tableau a pour sous-titre : Tableau de guerre inter-
reine de Thèbes. À sa naissance, l’oracle révèle qu’il tuera prété, projections colorées noires, bleues et rouges, terrains
son père et épousera sa mère. Pour éviter cela, le roi et dévastés, nuées de gaz. Ce sous-titre décrit parfaitement
la reine l’abandonnent, mais il est recueilli par un berger l’image : au premier plan, la terre, comme labourée par
puis élevé par le roi et la reine de Corinthe comme leur les obus, puis, en contrebas, les arbres rabougris dont il
propre fils. Devenu adulte, Œdipe retourne voir l’oracle, ne reste que les troncs calcinés qui surgissent derrière
qui lui répète sa prédiction. Œdipe s’enfuit pour évi- les nuages gris-blanc des gaz ou les nuages noirs des
ter de réaliser ce destin. En route il se dispute avec un fumées. À cela s’ajoutent les « projections colorées »
vieil homme, qu’il tue ; c’était Laïos, son père. Il arrive à qui s’entrecroisent, ce qui représente la violence des
Thèbes où sévit le Sphinx, un monstre cruel mi-femme bombardements ou de la pluie, tout ce qui s’abat sur les
mi-animal qui dévore ceux qui ne répondent pas à ses armées. Les couleurs de ces projections (grises, noires,
énigmes. Œdipe l’affronte et réussit à vaincre le monstre. rouges) symbolisent la violence des combats. Les soldats
Pour récompenser le héros, les Thébains offrent le trône ne sont pas représentés, comme s’ils étaient déjà rayés
à Œdipe ainsi que la main de Jocaste. Ils auront quatre de cet espace livré au chaos, à l’apocalypse, comme si
enfants. Ainsi l’oracle s’est accompli. l’héroïsme était définitivement impossible dans l’ère de
2. Le pied représenté en bas à droite suggère que le la « guerre totale ».
Sphinx est un être cruel et mortifère, qu’il a déjà tué de 2. Le tableau de bataille est un important genre pictural.
nombreuses personnes. Il est particulièrement dange- Le plus souvent, le peintre représente, dans un tableau
reux, comme l’attestent les restes humains. Près du pied, de très grandes dimensions, un moment décisif d’une
il y a une main, mais aussi une couronne qui souligne le bataille ou bien un général qui conduit ses troupes à la
fait que nul n’est épargné. victoire. Ce n’est pas le cas de ce tableau de Valloton, qui
3. Œdipe est acculé contre la paroi rocheuse, le Sphinx met en valeur l’enfer du front, la destruction de masse.
avance, il paraît en position de force, la patte arrière Valloton s’inscrit dans le mouvement des nabis mais,
posée sur la jambe du jeune homme et une patte avant dans Verdun, il utilise un nouveau style, proche du
sur sa poitrine. Ses ailes sont déployées afin de l’impres- cubisme, ce qui lui permet de mieux rendre compte de ce
sionner. Il s’apprête à dévorer Œdipe si celui-ci ne répond nouveau type de conflit qu’est la guerre de tranchées et
pas à son énigme. l’usage d’armes modernes. Dans son tableau, le peintre
utilise un paysage réaliste (des collines, des arbres),

14
Histoire littéraire et culturelle
mais il ajoute des éléments géométriques et abstraits Dans La Disparition, roman de 300 pages, Perec s’im-
qui rendent compte de la violence de manière méta- pose de ne jamais utiliser la voyelle « e ». C’est donc un
phorique : le tableau est principalement constitué de lipogramme en « e » : une gageure puisqu’il s’agit de la
triangles colorés, de grands aplats noirs, gris, rouges, qui voyelle la plus utilisée en français !
s’entrecroisent et donnent à voir l’horreur des combats. La Disparition est une sorte de roman noir racontant la
Pour approfondir disparition d’Anton Voyl. Le thème de la disparition est
V https://www.histoire-image.org/fr/etudes/verdun particulièrement important pour Perec, dont les parents
ont « disparu » : en effet, son père est mort au combat
en 1940 et sa mère a été déportée à Auschwitz en
La crise du roman 1943. La disparition du « e », voyelle essentielle dans la
langue, correspond à la disparition d’« eux », ses parents.
au xxe siècle p. 54-55 La dédicace de son roman autobiographique W ou le
souvenir d’enfance : « Pour E » fait également allusion
▶ Activité p. 55 à leur disparition.
Trois ans après La Disparition, Perec a écrit Les Reve-
Perec, La Disparition
nentes, un roman où il n’utilise que la voyelle « e »,
Georges Perec est l’un des représentants les plus impor- mais c’est au prix de quelques entorses à la langue
tants de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle), française – comme l’annonce le titre Revenentes et non
qui utilise l’écriture à contraintes : des consignes qui ne « Revenantes ».
limitent pas la liberté de l’auteur mais qui, au contraire,
lui ouvrent d’immenses possibilités créatrices.

15
Histoire littéraire et culturelle
2
Lectures
Le genre poétique et son évolution
▶ Doc. 1 p. 58 ▶ Doc. 2 p. 59

Orphée, figure mythologique du poète lyrique Les formes fixes


1. Recherches Le mythe d’Orphée est raconté princi- 1. Le sonnet est composé de quatorze vers distribués
palement par Ovide dans Les Métamorphoses (livres X en quatre strophes : deux quatrains et deux tercets. Le
et XI) et Virgile dans les Géorgiques (livre IV). mètre utilisé est l’alexandrin, et les rimes présentent un
Fils de la muse Calliope et d’Œagre, roi de Thrace, schéma complexe : ABBA ABBA CCD EDE.
Orphée se montre si doué pour le chant poétique 2. a. Le rondeau. Forme poétique apparue au Moyen
qu’Apollon lui offre sa lyre. Jeune homme, il suit Jason Âge, le rondeau se compose de trois strophes régulières,
et les Argonautes, et son chant leur permet de dominer souvent en décasyllabes ou en octosyllabes. Le premier
sirènes et dragon dans leur quête de la Toison d’or. vers revient en dernière position, créant ainsi une ronde.
Adulte, il tombe amoureux de la nymphe Eurydice qu’il La ballade. Forme poétique médiévale, la ballade se
épouse. Mais celle-ci, le jour de leur mariage, est mordue caractérise par la reprise d’un même vers en refrain à
mortellement par un serpent. Orphée, inconsolable, se chaque fin de strophe. Elle se compose de trois strophes
rend aux Enfers pour la rejoindre : il séduit par son chant suivies d’une demi-strophe, l’envoi, qui s’adresse souvent
Cerbère, le chien qui garde les Enfers, puis le maître des au destinataire du poème.
lieux, Hadès, et sa femme, Perséphone. Le couple infer- L’ode. Forme poétique issue de l’Antiquité, l’ode est
nal lui rend Eurydice, à la condition qu’il ne se retourne introduite dans la poésie française par la Pléiade au
pas pour la voir avant d’avoir quitté leur royaume. Mais XVIe siècle. Elle se compose généralement de trois à cinq
Orphée se retourne et perd définitivement Eurydice. strophes de cinq vers.
En proie au chagrin le plus profond, Orphée quitte alors Le pantoum. Forme empruntée à la poésie malaise, le
la compagnie des hommes pour se réfugier dans la pantoum apparaît au XIXe siècle dans la poésie française.
nature et chanter sa peine. Sa poésie est tellement puis- Il se compose de quatrains, dans lesquels le deuxième
sante qu’elle émeut les animaux, les arbres, les rochers. et le quatrième vers de chaque strophe sont repris au
Refusant les avances des ménades, prêtresses de Diony- premier et troisième vers de la strophe suivante.
sos, Orphée met ces dernières en colère. Ivres de vin et
de rage, elles le mettent en pièces et jettent sa tête et sa
lyre dans la rivière. Celles-ci continuent de chanter. La
▶ Doc. 3 p. 59

tête d’Orphée est recueillie par Sapho à Lesbos. Sa lyre La codification des formes poétiques
devient une constellation. 1. Boileau justifie les règles édictées par Malherbe par
2. a. Orphée, poète, est représenté avec une lyre : sa l’harmonie du vers : la langue, une fois soumise aux
poésie est étroitement liée à la musique. Les textes règles poétiques, « n’offrit plus rien de rude à l’oreille
antiques la désignent comme un « chant ». épurée » (v. 6).
b. Le mot « lyrisme » est ainsi directement dérivé du
nom « lyre ». ▶ Doc. 4 p. 59
3. Selon le mythe, les sources d’inspiration du lyrisme Un calligramme d’Apollinaire
sont la douleur de la perte, la nature consolatrice.
1. Le texte est disposé de manière à représenter ce qu’il
dit ou évoque. Par exemple, la pointe de la flèche est
représentée grâce aux mots « flèche » et « saignante ».
Transcription du calligramme
• Cœur (sens des aiguilles d’une montre) : Je porte au
cœur une blessure ardente elle me vient de toi ma Lou
• Flèche : Flèche saignante Lou m’a percé le cœur et
j’aime ma Lou

19
1
CHAPITRE

Tempus fugit… carpe diem !


La poésie du Moyen Âge au XVIIIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant • Lecture 1 : Pierre de Ronsard, « Mignonne, allons voir si la rose », p. 62
lieu à une analyse • Lecture 2 : Pierre de Ronsard, « Quand vous serez bien vieille… », p. 63
détaillée • Lecture 3 : Joachim Du Bellay, « Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome », p. 64-65
• Lecture 4 : Jean de Sponde, « Mais si faut-il mourir… », p. 66
• Lecture 5 : Jean-Baptiste Chassignet, Sonnet CXXV, p. 68
• Atelier : Pierre Corneille, « Stances à Marquise », p. 70
Lectures Trois poèmes modernes sur la fuite du temps
complémentaires • Charles Baudelaire, « Une charogne », p. 69 ; « L’Horloge », p. 72
• Arthur Rimbaud, « Le Buffet », p. 72
• Francis Ponge, « La bougie », p. 72
• Paul Verlaine, « L’Angoisse », p. 77
Moments • Ponctuation, p. 62 • Marques de l’énonciation, p. 63, 68, 73
de grammaire • Valeur des modes, p. 62, 71 ; des temps, p. 67, 71 • Formation des mots, p. 68
Écrits • Écrire un poème pour répondre à Jean de Sponde, p. 67
d’appropriation • Réaliser un compte rendu de la lecture des Poèmes saturniens, p. 77
• Écrire la préface d’une anthologie intitulée Tempus fugit, p. 78
• Présenter une vanité, p. 78 ; créer et présenter une vanité, p. 78
Écrits vers le bac Commentaire de texte
• Rédaction d’un plan détaillé, p. 68
• Atelier : commentaire guidé, p. 70-71
Exercices d’oral • Reformuler un texte d’idées, p. 63 • Expliquer le sens d’un tableau, p. 65
• Débattre : savoir vivre au présent, p. 63 ; • Lecture expressive d’un poème, p. 67
l’homme face au temps, p. 78 • Exprimer sa préférence pour un poème, p. 78
Exercices • Confrontation de deux poèmes de Ronsard, p. 62-63
de confrontation • Atelier : comparer des poèmes modernes sur la fuite du temps, p. 72-73
ou de synthèse • Synthèse, p. 78-79
Travaux de • Les monuments de Rome, p. 64 • Le titre du recueil Poèmes saturniens, p. 77
recherche • Les personnages de L’École d’Athènes, • La pratique artistique du ready-made, p. 76
de Raphaël, p. 65 • L’auteur d’une vanité moderne ou
• Charles Nègre, p. 73 d’une vanité de la Renaissance, p. 78
Lectures d’images • Cordeliaghi, Memento Mori, p. 60
ou de films • Frantisek Kupka, Le temps passe (L’instant), p. 61
• Gilbert Garcin, La Vie, vue d’ensemble, p. 61
• Raphaël, L’École d’Athènes, p. 65
• Charles Nègre, Vanité, bouquet de fleurs fanées (roses, pivoines, iris, tulipes…), p. 73
Prolongement artistique et culturel • « Vanité des vanités… »
• Pieter Claez, Nature morte à l’autoportrait, p. 74
• Philippe de Champaigne, Vanité, ou Allégorie de la vie humaine, p. 75
• Charles Allan Gilbert, All Is Vanity, p. 75
• Georges Braque, Balustre et crâne, p. 76
• Andy Warhol, Skull, p. 76
• Stéphane Pencréac’h, La Balance, p. 76
Lectures cursives • Paul Verlaine, Poèmes saturniens, p. 77
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 78-79

20
encore révolue. Cet homme incarne dès lors le présent,
OBJECTIFS DU CHAPITRE en même temps que son ombre apparaît dans les années
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude La poésie futures. L’arrière-plan, granitique, fonctionne comme un
du Moyen Âge au XVIIIe siècle. Il pose la question memento mori, figurant une pierre tombale. L’ensemble
de la perception du temps par les poètes : comment de l’œuvre représenterait l’homme prenant conscience
évoquer poétiquement l’inexorable fuite du temps ? de la fuite du temps et de sa finitude. L’attitude médi-
Comment survivre au temps par l’écriture, grâce à la tative du personnage représenté, la disposition métho-
poésie ? dique des dates, la symétrie et l’ordre de la composition
• Le corpus de textes sélectionnés permet d’envisa- évoquent une réflexion philosophique, calme et sereine,
ger ces questions et de voir que ce motif apparaît loin de l’angoisse baudelairienne, par exemple.
dans une vaste chronologie. Dans les poèmes les plus 2. Doc. 2 a. tempus : de tempus, temporis, « le temps,
emblématiques de Pierre de Ronsard, le temps est uti- le moment, l’instant »
lisé comme une stratégie de séduction : comparer la fugit : de fugio, fugere, « fuir »
femme à la beauté éphémère est aussi flatteur que carpe : de carpo, carpere, « cueillir »
menaçant. Cette célébration des beautés terrestres de diem : de dies, diei, « le jour »
la dame est aussi le sésame pour traverser le temps # « Le temps fuit… cueille le jour ! »
sans vieillir, grâce à la postérité de l’œuvre du poète. b. tempus # temps, temporalité, temporaire, temporiser.
Chez les poètes Joachim Du Bellay, Jean de Sponde et fugit # fuite, fugue, fugitif.
Jean-Baptiste Chassignet, la tonalité devient mélan- diem # demain, mardi, diurne.
colique, voire tragique. Joachim Du Bellay représente 3. Doc. 1 Le crâne est le symbole de la mort. Il exprime
le temps par les ruines d’une époque rêvée et pour- aussi le motif de la beauté éphémère et de l’égalité
tant révolue, tandis que Jean de Sponde évoque la des hommes devant la mort. Le philactère, traduit en
vanité de l’existence humaine par la reprise anapho- légende, nous rappelle le caractère vain et éphémère de
rique « Mais si faut-il mourir ». Enfin, la crudité du la beauté terrestre.
tableau morbide de la décomposition invite le lecteur
de Jean-Baptiste Chassignet à trouver consolation
dans la foi religieuse.
• Des textes complémentaires (Baudelaire, Rimbaud, Lecture 1 P. de Ronsard, Odes
Ponge) permettront, en outre, de montrer la perma-
nence de ce thème poétique. La lecture cursive du p 62
recueil Poèmes saturniens de Verlaine poursuit cette
étude. ▶ Activités p. 63
• Ces corpus poétiques sont, par ailleurs, accompagnés
Découverte du poème
de représentations plastiques du temps qui passe,
notamment à travers le motif pictural des vanités, 1. Langue
qui sera étudié dans un Prolongement artistique et Proposition de réécriture
culturel. Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait éclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
N’a point perdu cette vêprée
Les plis de sa robe pourprée,
Ouverture p. 60-61 Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
▶ Activités p. 61 Mignonne, elle a dessus la place,
1. Docs 3 et 4 Dans son œuvre abstraite, Frantisek Las ! las ses beautés laissé choir !
Kupka représente le temps par un mouvement de frag- Ô vraiment marâtre Nature,
mentation. Les lignes circulaires au coin inférieur droit Puisqu’une telle fleur ne dure
rappellent la ronde des secondes passées sur un cadran Que du matin jusques¹ au soir !
et les bandes verticales bleues semblent fragmenter le Donc, si vous me croyez, mignonne,
passage fugace d’une silhouette. De manière différente, Tandis que votre âge fleuronne
Gilbert Garcin représente le temps par un calendrier En sa plus verte nouveauté,
des années passées et à venir. Une silhouette mascu- Cueillez, cueillez votre jeunesse :
line (Gilbert Garcin lui-même, né en 1929) contemple Comme à cette fleur, la vieillesse
cet affichage et cache les deux dernières années biffées Fera ternir votre beauté.
du passé, tout en laissant apparaître celle qui n’est pas 1. On conservera la licence poétique pour garder l’octosyllabe.

21
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
2. Strophe 1. Le poète, au cours d’une promenade, com- « verte nouveauté » (v. 15) et les verbes d’action « Cueillez,
pare la beauté d’une rose fraîchement éclose à celle de cueillez » (v. 16). Au contraire, la vieillesse est associée au
la destinataire de son poème. verbe péjoratif « ternir » (v. 18).
Strophe 2. Hélas, la nature est ainsi faite que la fleur, 10. a. Langue « Cueillez » est à l’impératif présent.
éphémère beauté, se fane. Ce mode permet d’exprimer l’ordre ou le conseil.
Strophe 3. Ronsard invite donc sa destinataire à profiter b. Ce vers éclaire le texte : jusqu’alors le poème était
de sa jeunesse et de sa beauté, car bientôt le temps la élogieux et prenait la tournure d’une morale de fable.
fanera elle aussi. Cependant, avec le verbe « cueillez », Ronsard donne un
3. La destinataire est identifiée dans la dédicace : « À conseil à sa destinataire et insiste par la reprise anapho-
Cassandre. » rique. La femme n’est plus sublimée sur un piédestal,
Le poème débute sur l’apostrophe « Mignonne », uti- mais seulement « Mignonne », c’est-à-dire encore jeune
lisée comme un surnom hypocoristique. La présence et naïve. Cette domination exercée au vers 16 dévoile
récurrente de cet adjectif substantivé (v. 1, 8, 13) marque aussi l’attirance et les sentiments amoureux que le poète
l’affection du poète pour cette femme. L’emploi du déter- porte à Cassandre.
minant possessif « vostre » (v. 6, 16, 18), ainsi que du
pronom personnel « vous » (v. 13), montre d’autre part le ▶ Image p. 62
respect qu’il lui témoigne.
1. La composition du tableau s’organise autour du crâne
Analyse du texte au premier plan. Même s’il n’est pas éclairé, on le dis-
4. a. Mots caractérisant à la fois la femme et la rose tingue nettement ; et il semble étonnamment diffuser
« robe » (v. 3, 5), « teint » (v. 6). de la lumière par le biais de la bougie dissimulée. Mais le
Cette image est enrichie ensuite par la personnifica- sujet principal du tableau est Madeleine, se contemplant
tion de la rose (« elle a dessus la place », v. 8) et par un dans le miroir. Or, le seul reflet que le spectateur peut
vocabulaire bucolique, attribué cette fois-ci à la femme distinguer est celui du crâne.
(« vostre âge fleuronne », v. 14, « verte nouveauté », v. 15, 2. Ce tableau et les deux poèmes dénoncent la même
« cueillez », v. 16). chose : la vanité de la beauté.
b. Ronsard choisit cette fleur pour sa beauté, son par- Dans le premier poème, Ronsard avertit Cassandre que
fum, sa valeur symbolique (passion amoureuse), mais la beauté est éphémère.
aussi pour sa durée de vie éphémère. Dans le second, il décrit Hélène par toutes les caracté-
5. a. « Las » est une interjection issue de « hélas », qui ristiques péjoratives de la vieillesse et blâme l’arrogance
signifie « malheureusement ». de sa jeunesse.
Si la première strophe prenait une tonalité joyeuse, la Dans ce tableau, la jeune et belle Madeleine passe son
deuxième prend soudain une tournure pessimiste, avec temps à se contempler, alors que la bougie se consume
cette interjection en tête de strophe. et que son apparence pour l’éternité sera celle du crâne
b. Langue La strophe, entièrement composée de phrases qu’elle touche du bout des doigts.
exclamatives, présente quatre points d’exclamation.
Cette ponctuation expressive témoigne d’une stupeur et
d’une indignation simulées.
6. Expressions associées à la fuite du temps Lecture 2 P. de Ronsard,
« en peu d’espace » (v. 7), « ne dure » (v. 11) et « du matin
jusques au soir » (v. 12). Sonnets pour Hélène p. 63
7. a. Le mot « Nature » porte une majuscule comme un
nom propre. Il s’agit d’une allégorie.
▶ Activités p. 63

b. La Nature est caractérisée de manière péjorative car la Découverte du poème


« marastre » désigne la belle-mère, avec une connotation 1. Ce poème est constitué de deux quatrains et de deux
négative. Et en ce sens, le point d’exclamation à la fin du tercets (un sizain).
douzième vers n’est pas élogieux mais indigné. Les vers sont des alexandrins.
8. Avec le connecteur logique « Donc » en tête de la Les rimes suivent le schéma suivant : ABBA ABBA CCD
dernière strophe, le lecteur s’attend à une conclusion EED.
ou à une morale. On peut donc associer ce poème à un Ce poème est un sonnet.
discours argumentatif, voire à une fable. 2. Ces strophes développent chacune une idée différente.
9. « vostre âge fleuronne » (v. 14) et « la vieillesse » (v. 16) Strophe 1. Le portrait d’une vieille femme
s’opposent dans une antithèse. Strophe 2. La beauté éternelle rêvée
Ronsard invite à profiter de la beauté et de la jeunesse, Strophe 3. La postérité assurée de Ronsard
comme le prouve le vocabulaire bucolique « fleuronne », Strophe 4. Invitation à la vie amoureuse et non au mépris

22
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
Analyse du texte Expression orale
3. Langue a. L’énonciateur est le poète, comme le prouve 9. a. On peut éventuellement aider les élèves en leur
le discours direct du destinataire : « Ronsard » (v. 4). Cette demandant de décomposer les étapes de ce texte de
hypothèse est confirmée au vers 7 par « mon nom », Pascal.
ainsi que par les marques de la première personne (pro- Critères de réussite de l’explication
nom personnel et déterminant possessif ) : « mes » (v. 3),
• Les élèves ont compris le sens global du texte : l’être
« Je » (v. 9, 10), « mon » (v. 3, 10, 12) et « m’» (v. 13). humain vit tourné vers l’avenir au point de ne pas
La destinataire est une femme, comme le suggère l’ad- savoir profiter du présent en le vivant pleinement.
jectif « vieille » à la forme féminine (v. 1), ainsi que le • Ils reformulent les propos de l’auteur de manière
vers 11 : « Vous serez au foyer une vieille accroupie ». claire.
Nous pouvons présumer qu’il s’agit d’Hélène, au regard
du titre du recueil. b. Débat
b. Le temps dominant dans ce poème est le futur de Critères de réussite du débat
l’indicatif : « vous serez » (v. 1), « Direz » (v. 3), « n’aurez » • Le débat a été préparé en amont.
(v. 5), « je serai » (v. 9)… Ce futur a ici la valeur d’une • Il propose plusieurs points de vue.
action future certaine, inéluctable, ce qui donne à ce • Chaque point de vue développe des arguments
poème une tonalité tragique. s’appuyant sur des sources : textes, œuvres d’art,
œuvres cinématographiques…
4. a. Hélène est présentée comme une vieille femme :
• Chaque participant exprime sa pensée de manière
l’anaphore de l’adjectif « vieille » (v. 1 et 11) est renfor- calme et réfléchie.
cée par l’adverbe « bien » au vers 1. Abandonnée par ses • Chaque participant respecte la parole de l’autre.
forces, elle est « assise » (v. 2) ou « accroupie » (v. 11).
La scène décrite par Ronsard se passe le soir, dans une
maison : « au soir à la chandelle » (v. 1), « Assise auprès
du feu » (v. 2), « au foyer » (v. 11). Ce moment, qui clôt Lecture 3 J. du Bellay,
la journée, est aussi symbolique du déclin de la vie (la
langue courante dit « au soir de sa vie… »).
Les Antiquités de Rome p. 64-65

b. Cette description est donc péjorative.


5. Ronsard évoque la renommée de sa poésie après sa
▶ Activités p. 64

mort : la simple mention de son nom réveille la servante Découverte du texte


(v. 7) et recueille la « louange immortelle » (v. 8). Les 1. Recherches Le Colisée est certainement le monu-
dieux lui ont réservé un séjour éternel glorieux « Par les ment le plus touristique de Rome. Ce monument est
ombres myrteux » (v. 10). un immense amphithéâtre, le plus grand de l’Empire
6. La figure d’atténuation « je prendrai mon repos » romain. Il date du Ier siècle. Il pouvait accueillir jusqu’à
(v. 10), un euphémisme, permet de minimiser le carac- 50 000 spectateurs. Aujourd’hui, le Colisée est toujours
tère tragique d’une mort envisagée ici avec sérénité. debout mais il est endommagé, partiellement en ruines
7. La dernière strophe s’apparente à une morale : les et étayé de contreforts plus récents pour empêcher son
verbes sont à l’impératif présent (« Vivez », « n’atten- effondrement.
dez », « Cueillez »). Comme dans le Texte 1 V p. 62, Beaucoup plus ancien, le Circus Maximus est un hippo-
Ronsard donne des conseils. Ce sont des invitations au drome datant du Ve siècle avant J.-C. Ses dimensions
carpe diem, qui emploient le motif des « roses de la vie » sont impressionnantes et témoignent du faste de Rome.
(v. 14), opposé au « fier dédain » (v. 12). Cependant, ce lieu est aujourd’hui un site archéologique
plus qu’un monument : une tour et d’anciennes ruines se
Expression écrite confondent avec l’herbe.
8. Critères de réussite du paragraphe d’analyse De même, les thermes de Caracalla, datant du IIe siècle,
• Le texte propose une analyse sans diviser les deux se résument aujourd’hui à de grands pans de murs épar-
poèmes. pillés dans un parc. Leurs dimensions, ainsi que certaines
• Le texte propose des arguments soutenus par des mosaïques, laissent imaginer le luxe et la grandeur de
procédés littéraires. cet édifice dans l’Antiquité.
• Le texte cite les poèmes de manière précise et 2. a. Certaines expressions du poème de Du Bellay
pertinente. peuvent désigner ces lieux :
• Les citations sont introduites correctement du point « Ces vieux palais, ces vieux arcs » (v. 3), « ces vieux
de vue syntaxique.
murs » (v. 4), « quelle ruine » (v. 5), « proie au temps »
• La langue est correcte.
(v. 8), « Ce qui est ferme, est par le temps détruit » (v. 13).
b. Ces expressions sont péjoratives, comme le prouve
l’anaphore de l’adjectif « vieux » (v. 3, 4), auquel on aurait

23
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
préféré « ancien » pour une connotation méliorative. La autour de deux hommes en haut des marches et enca-
« proie » (v. 8) est une personnification fragilisante, donc drés par la dernière arche. Cette position et ce cadre de
péjorative. Enfin, la voie passive de « est par le temps perspective mettent ces deux personnages en valeur.
détruit » est également péjorative. • Recherches
Analyse du texte La fresque rassemble ainsi des personnages illustres de
savants de différentes époques et de différents lieux
3. Le destinataire du poème est défini par l’apostrophe
méditerranéens. Ces personnages représentent la culture
en antéposition : « Nouveau venu ». Ce « Nouveau
antique : ce sont des penseurs (philosophes, mathémati-
venu » est tutoyé (« cherches » à la deuxième personne
ciens…), grecs pour la plupart, et leurs continuateurs.
du singulier).
– Le groupe de gauche est celui des théoriciens.
4. Le destinataire du poète constate que Rome est une Le groupe de droite est celui des empiriques.
collection de ruines, qu’il ne reste plus rien de la Ville – Le personnage central en toge rouge (empruntant
éternelle, si ce n’est de « vieux palais », de « vieux arcs », peut-être les traits de Léonard de Vinci) est Platon.
de « vieux murs »… en bref, le destinataire ne voit plus De sa main droite, il montre le ciel, qui symbolise pour
« rien de Rome en Rome » (v. 2). lui l’idéal, c’est-à-dire le monde des idées. De sa main
5. À la splendeur romaine s’opposent l’« orgueil » et la gauche, il porte son ouvrage Timée.
« ruine » du vers 5. Le personnage central en toge bleue est Aristote. Il montre
6. Pourtant, Du Bellay évoque le passé glorieux de la la terre de sa main droite (à l’inverse de Platon, il désigne
cité romaine : « Celle qui mit le monde sous ses lois » le monde sensible, celui de l’expérience et de la rationa-
(v. 6) rappelle l’époque où l’Empire romain dominait lité). De sa main gauche, il tient son ouvrage Éthique.
l’Europe occidentale. De même, l’anaphore « dompter – Tout à gauche, accoudé sur une colonne, avec une
tout » et « se dompta » (v. 7) évoque la suprématie, couronne de vigne sur la tête, se trouve Épicure, le
l’autorité, voire la folie, des empereurs romains. philosophe du bonheur et de la tranquillité de l’âme. Le
mathématicien grec Pythagore est représenté écrivant.
7. Aux vers 9 et 10, il ne reste finalement de Rome que
Au-dessus de lui, en tunique verte et turban, se penche
le nom scandé dans la quadruple anaphore de « Rome »
Averroès, philosophe et médecin arabe du XIIe siècle. Au
et personnifié par le verbe « a vaincu ».
premier plan, l’homme pensif en tunique mauve serait
8. Le second élément survivant aux ravages du temps est Héraclite, un philosophe pessimiste peint sous les traits
le fleuve de Rome, le Tibre. Ce fleuve se rebelle même de Michel-Ange. L’homme en toge verte serait Socrate
contre la versification, puisqu’il déborde au vers suivant faisant la leçon à ses élèves (Socrate n’a pas écrit, c’est
par un effet d’enjambement : « Le Tibre seul, qui vers la par ses élèves que l’on connaît sa pensée). Parmi ses
mer s’enfuit, / Reste de Rome. » (v. 11-12) élèves, figure sans doute (avec le casque) Alcibiade ou
9. a. Ce poème est un sonnet en décasyllabes : deux qua- Alexandre le Grand. Au centre, l’homme à demi allongé
trains, deux tercets et un schéma rimique ABBA ABBA sur les marches est Diogène de Sinope, le philosophe
CCD EDE. cynique qui se moque des convenances sociales. Au pre-
Le lecteur attend du dernier tercet qu’il propose une mier plan à droite, courbé vers le sol, serait représenté
chute ou un trait venant synthétiser de manière brillante Euclide entouré de ses étudiants. Le personnage de
le discours poétique. dos au spectateur et tenant un globe serait Ptolémée,
b. L’expression « Ô mondaine inconstance ! » désigne l’astronome. Parmi les disciples qui l’écoutent, Raphaël
la vanité du monde : elle dénonce le fait que rien n’est se serait représenté lui-même (le jeune homme brun,
immuable sur terre. glabre, à la coiffe marron).
c. Les deux derniers vers expriment un paradoxe, car Pour une identification de tous les personnages :
Du Bellay affirme que la construction solide (« Ce qui V http://profshistoirelcl.canalblog.com/
est ferme », v. 13) finira par être détruit par le temps. archives/2006/12/06/3402878.html
Au contraire, ce qui est par essence inconstant, « ce qui • On peut interpréter la citation de Michel Foucault de
fuit » (le Tibre), résiste au temps. plusieurs manières :
– la Renaissance tire son socle de pensée de la redécou-
▶ Histoire des arts p. 65 verte de la pensée grecque ; en cela elle lui ressemble et
Lecture d’image la continue ;
– d’un point de vue plastique, Raphaël représente le
• La composition de l’œuvre privilégie la perspective,
monde des idées et leur transmission à travers l’image
mais surtout la symétrie axiale partant du médaillon
très concrète d’une école ou d’un temple rassemblant les
central de la première arche et descendant jusqu’à la
penseurs illustres. Il utilise donc une image concrète, res-
délimitation entre deux plaques de marbre rose au sol.
semblant au réel.
Entre ces deux points, trois arches se divisent de manière
– enfin, un jeu d’échos s’installe entre la représentation
symétrique et deux groupes de personnes s’organisent
de ce cénacle de penseurs illustres et les grands artistes

24
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
de la Renaissance dont ils empruntent parfois les traits. (v. 5). Cette sonorité est mimétique d’une expiration, d’un
Leur ressemblance est alors l’affirmation de la Grèce sifflement, d’une fuite.
antique comme source du savoir (de la sciences aux arts). 7. Plusieurs hypothèses peuvent justifier la majuscule
• Expression orale au mot « Tableau » :
Critères de réussite de l’explication – le poète désire valoriser l’œuvre d’art ;
– la majuscule peut également être la marque d’une allé-
• Présentation préalable du tableau, de l’artiste,
de l’époque, du courant artistique et du lieu de gorie : le Tableau incarnerait la vie elle-même, qui verra
conservation. ses couleurs se ternir.
• Organisation de la restitution des recherches en 8. Plusieurs éléments apparaissent dans les deux ter-
suivant un plan. cets : les « éclairs » (v. 9), « le tonnerre », « les Cieux »
• Proposition d’une interprétation du tableau à partir (v. 10), « l’orage » (v. 11), « la neige », les « torrents » (v. 12)
des recherches. et les « lions rugissants » (v. 13). Tous ces mots évoquent
les éléments naturels.
Une analogie se construit entre les idées représentées par
la vanité (le tableau) et la nature. Tout comme la bougie
Lecture 4 J. de Sponde, Essai qui s’éteint dans le tableau, le torrent tarit, la neige fond,
de quelques poèmes chrétiens les lions perdent leur férocité. Les évocations de l’orage
p. 66-67 symbolisent quant à elles à la fois la fuite du temps, avec la
description saisissante de la fugacité lumineuse de l’éclair,
et la puissance divine qui domine le monde terrestre.
▶ Activités p. 67
9. L’invitation au carpe diem est différente, ici.
Découverte du texte Le poète n’incite pas à profiter de la vie, il ne fait que
1. Plusieurs éléments sont communs au poème et au rappeler sa fin inexorable : « mais si faut-il mourir » peut
tableau de Jacques Linard : les « journalières fleurs » se paraphraser en « Mais ainsi (comme dans le Tableau
(v. 3), la « flamme fumeuse » (v. 5), la « cire » (v. 6) et le décrit ou comme dans la nature), il faut mourir ». Le titre
crâne avec « la mort » (v. 2). Ce texte, telle une vanité du recueil indique des « poèmes chrétiens ». On peut
poétique, évoque la fragilité et la brièveté de l’existence. comprendre alors que le poème exprime la même mise
2. La tonalité du texte est lyrique et pessimiste : il s’agit en garde que les vanités picturales : le temps compté de
d’un poème, l’énonciateur évoque la mort et il s’exprime la vie terrestre ne doit pas être utilisé de manière futile,
à la première personne (« J’ai vu », v. 9). consacré à des gloires et des plaisirs vains. Le motif se
christianise donc et passe du carpe diem à la vanité.
Analyse du texte
Expression orale
3. La forme poétique est celle du sonnet : les vers sont
des alexandrins répartis en deux quatrains et deux tercets Critères de réussite de la lecture expressive
selon le schéma rimique suivant : ABBA ABBA CCD EDE. • La lecture est claire et audible.
La rupture attendue à la charnière du sonnet est mar- • La lecture adopte une tonalité lyrique.
quée par l’apparition de la première personne du singu- • Elle respecte la versification (« e » prononcés et
lier au vers 9. muets, diérèse sur « lions »).
• Elle met en relief les jeux de sonorité.
4. Les « journalières fleurs » évoquent le caractère éphé-
• Elle montre la charnière entre quatrains et tercets.
mère de l’existence.
L’adjectif « journalières », dans lequel on retrouve le nom Expression écrite
« jour », insiste sur la brièveté de la floraison. On attend de ce travail une assimilation du poème
5. Langue Ce poème propose une importante variété de « Mais si faut-il mourir ».
temps : On attend aussi de ce travail une assimilation du motif
– le présent (« ce beau flambeau qui lance une flamme », du carpe diem et donc des précédentes lectures.
v. 5) désigne une action en cours, particulièrement fugace Critères de réussite du poème
(celle de consumer) ;
– les futurs (« crèvera », v. 4, « éteindra », v. 6, « rom- • Le poème, qu’il soit en prose ou en vers, propose un
jeu de sonorités.
pront », v. 8) désignent le destin inexorable et tragique
• Il présente une énonciation à la première personne et
des instants fugaces exprimés au présent ;
un destinataire ( Jean de Sponde).
– les passés composés (« J’ai vu », v. 9, 12), évoquant le • Il privilégie la tonalité lyrique, voire élégiaque.
passé, sont liés à l’expérience personnelle de l’énoncia- • Il propose deux à trois arguments pour répondre à
teur et de son existence déclinante. Jean de Sponde.
6. Une allitération en [f ] apparaît au début de la deu- • Il utilise les motifs traditionnels du carpe diem.
xième strophe avec « flambeau », « flamme » « fumeuse »

25
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
▶ Histoire des arts p. 67 Analyse du texte
3. La mort est représentée par le biais de la description
La musique baroque
saisissante d’un cadavre en décomposition. Il s’agit d’une
Pour accompagner l’écoute de l’extrait, on pourra donner hypotypose.
aux élèves les paroles tirées du livret de John Dryden.
4. Langue Le préfixe « dé- » est répété à de nom-
What power art thou, who from below breuses reprises dans la première strophe : « Décharné »,
Hast made me rise unwillingly and slow « dénervé », « découverts », « dépoulpés », « dénoués »,
From bed of everlasting snow? « délaissent » (v. 3-4).
See’st thou not how stiff and wondrous old Ce préfixe exprime la privation, la cessation.
Far unfit to bear the bitter cold, décharné : privé de chair
I can scarcely move or draw my breath? dénervé : privé de nerf
Let me, let me freeze again to death. découverts : privés de couverture, de protection
Traduction proposée par l’université de Bordeaux 3 dépoulpés : privés de pulpe, c’est-à-dire de chair
Quelle puissance es-tu, toi qui, du tréfonds dénoués : sans nœud, sans lien
M’a fait lever à regret et lentement 5. Mots montrant une mort en mouvement
Du lit des neiges éternelles ? « vers » (v. 2), « délaissent » (v. 4), « tombe » (v. 5),
Ne vois-tu pas combien, raidi par les ans, « détournés » (v. 6), « Se distillent » (v. 7), « vers goulus »
Trop engourdi pour supporter le froid mordant, (v. 8), « Infecte » (v. 10), « mi-rongé », « difforme » (v. 11).
Je puis à peine bouger ou exhaler mon haleine ? Il s’agit de verbes d’action, d’êtres vivants ou bien d’un
Laisse-moi, laisse-moi geler à nouveau, adjectif qui caractérise une action en cours.
jusqu’à mourir de froid. 6. Champ lexical des cinq sens
Deux questions pourront guider cette écoute. Vue « découverts » (v. 3), « yeux » (v. 6),
1. Comment l’orchestre et le soliste donnent-ils l’impres- « difforme » (v. 11)
sion du froid ? Toucher « dépoulpés » (v. 4), « mains » (v. 5)
2. Comment appelle-t-on la tessiture particulière de
Ouïe –
la voix du chanteur ? En quoi s’accorde-t-elle bien à
l’extrait ? Odorat « pourriture » (v. 5), « puanteur » (v. 9),
Corrigé « Infecte l’air » (v. 10), « mauvaise senteur »
(v. 10), « nez » (v. 11)
1. Le style musical est figuratif : les répétitions (staccato)
des cordes et de la partie chantée évoquent le froid, les Goût « mangé » (v. 2), « goulus » (v. 8), « pâture »
tremblements. (v. 8), « mi-rongé » (v. 11)
2. Le chanteur est un contre-ténor – une des tessitures L’odorat et le goût sont particulièrement sollicités et ins-
masculines les plus hautes. Cette tessiture figure à mer- pirent le dégoût.
veille le personnage du génie, être merveilleux, glacé par 7. Langue Dans ce poème, on ne peut définir exacte-
le froid. ment l’énonciateur. On peut seulement émettre l’hy-
Ressource. Le dossier pédagogique de l’Opéra de Genève : pothèse qu’il s’agit du poète, au regard de la morale
V https://www.geneveopera.ch/fileadmin/documents/ délivrée dans le dernier tercet, du titre du recueil et du
dossiers_pedago/king_arthur/DPedago_1718_KingArthur. paratexte sur l’auteur. En revanche, on peut affirmer que
pdf cet énonciateur s’adresse directement à un destinataire
qu’il tutoie, grâce aux indices suivants : « pense » (v. 1),
« Fonde » (v. 13), verbes à la deuxième personne de l’im-
Lecture 5 J.-B. Chassignet, pératif présent et déterminant possessif « ta » (v. 12). Ce
destinataire n’est désigné que par le terme « Mortel »
Le Mespris de la vie et consolation (v. 1). Le destinataire est donc chacun de nous.
contre la mort p. 68 8. a. La strophe 4 est la suite logique et morale du poème,
puisque la « fragilité » (v. 12) renvoie à toute l’hypotypose
Découverte du texte développée dans l’ensemble du texte.
1. Le poème peut être qualifié par les adjectifs suivants : b. Le poème, en montrant le spectacle de la décompo-
« morbide », « écœurant », « pessimiste ». sition cadavérique, rappelle au lecteur que son corps est
2. À la lecture de la dernière strophe et du paratexte sur mortel, périssable, voué à disparaître. Cette leçon morbide
la source d’inspiration du poète, on peut en déduire que l’engage à placer sa foi en Dieu, qui promet l’éternité de
les intentions de Chassignet sont religieuses. Il souhaite l’âme. L’enjeu du sonnet est donc moral et religieux.
convertir à des principes de vie en accord avec la religion c. La dynamique du sonnet, où chaque vers converge vers
chrétienne. la chute, met en valeur la leçon dispensée par Chassignet.

26
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
Expression écrite Atelier Commentaire guidé
9. Proposition de plan détaillé
p. 70-71
I. L’expression des dommages du temps
1. De la décomposition à la disparition (l’énumération, le
préfixe « dé- », la formation des mots) ▶ Activités p. 71
2. La mort et le temps en action (les verbes de mouve- Étape 1
ment, les vers, la formation de « mi-rongé », v. 11)
1. Strophe 1. Souvenez-vous, Marquise, qu’un jour vous
II. La leçon morale délivrée par le sonnet
serez aussi vieille que moi.
1. Le dégoût comme expression de la vanité (description
Strophe 2. Le temps ravage les plus belles choses.
synesthésique)
Strophe 3. Cette règle du temps vaut pour tous, vous et
2. Une énonciation et une structure poétique propices
moi y compris.
à la morale (destinataire universel, accointances avec la
Strophe 4. Cependant j’ai assez de talent pour ne pas
fable)
craindre le temps.
Strophe 5. Les hommes que vous aimez seront oubliés,
▶ Texte écho p. 69
alors que je vivrai encore à travers ma poésie.
Baudelaire, « Une charogne » Strophe 6. Mes écrits pourraient célébrer votre beauté et
1. a. Le poète fait le récit d’une promenade bucolique : cela ne dépend que de moi.
« Rappelez-vous » (v. 1), « Au détour d’un sentier » (v. 3). Strophe 7. J’ai le pouvoir de vous rendre belle ou non
Il est accompagné d’une femme qu’il aime, comme le pour des siècles et des siècles grâce à ma postérité.
suggèrent les surnoms hypocoristiques « mon âme » Strophe 8. Alors vous feriez bien de me courtiser même
(v. 1), « mon ange », « ma passion » (v. 40). si je vous semble âgé.
b. Le poème décrit un cadavre d’animal : « une charogne 2. Tableau de caractérisation du texte
infâme » (v. 3). Qui ? Pierre Corneille.
c. Le poète parvient à exprimer de la beauté chez cet
Quand ? XVIIesiècle, durant le courant classique
objet répugnant, par différentes figures de style :
et le règne de Louis XIV.
– les comparaisons :
« Les jambes en l’air, comme une femme lubrique » (v. 5), Quoi ? La beauté éphémère face aux ravages
« Tout cela descendait, montait comme une vague, / Ou du temps et la frustration de l’amour
non partagé.
s’élançait en pétillant » (v. 21-22), « Et ce monde ren-
dait une étrange musique, / comme l’eau courante et le Comment ? Un texte poétique et versifié.
vent » (v. 25-26) ; Une tonalité lyrique et presque satirique.
– l’oxymore « carcasse superbe » (v. 13) ; Le motif du carpe diem.
– la métaphore de l’art à la huitième strophe : « Les Pourquoi ? Blâmer la vanité de la beauté et louer
formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve, / Une son propre talent.
ébauche lente à venir » (v. 29-30).
En outre, plus que la description d’une charogne, Étape 2
Baudelaire glorifie la « grande Nature » (v. 11) en la Les trois premières strophes
personnifiant et en évoquant les « cailloux » (v. 4), « le 3. a. Corneille met à la rime les noms « visage » et
soleil » (v. 9) ou encore « l’herbe » (v. 15). « âge », indiquant dès l’amorce du poème le thème du
2. a. Les trois dernières strophes sont une leçon, car vieillissement du corps humain, particulièrement per-
Baudelaire compare soudain la femme à la charogne : ceptible sur le visage.
« vous serez semblable à cette ordure » (v. 37), et il uti- b. Une allitération en [v] crée une harmonie dans la
lise le futur de l’indicatif et l’impératif : « vous serez » strophe : « visage », « vieux », « Souvenez-vous », « vaudrez ».
(v. 37, 41), « vous irez » (v. 43), « dites » (v. 45). Ces verbes Cette allitération confère une certaine douceur au ton
signalent que Baudelaire donne une leçon à sa desti- du poète, dont on peut se demander, à ce stade de la
nataire. Cette leçon rappelle à la femme que sa beauté découverte du texte, si il est sincère ou ironique.
n’est pas éternelle et que le sort de la charogne sera le 4. a. Le poète associe dans le poème le motif de la
sien : « telle vous serez » (v. 41). Seuls les vers du poète la beauté juvénile et celui du temps qui passe : les deux
conserveront pour l’éternité en en gardant « la forme et premiers vers énonçant cette idée (« Le temps aux
l’essence divine » (v. 47). plus belles choses / Se plaît à faire affront », v. 5-6) sont
b. Ce poème de Baudelaire ressemble à celui de Ronsard, repris par l’image traditionnelle (« Il saura faner vos
dans la mesure où les deux poètes affirment la puissance roses », v. 7) où les roses représentent la beauté de la
de la poésie face à la mort et au temps qui passe. jeune femme. Le thème de la fuite inexorable du temps
est repris à la strophe suivante : « Le même cours des
planètes / Règle nos jours et nos nuits » (v. 9-10).

27
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
b. Langue Dans la deuxième strophe, les présents « Se l’éloge de sa propre personne sont-ils des moyens de per-
plaît » et « Règle » évoquent un présent de vérité géné- suader Marquise d’aimer Corneille ? »
rale. Les présents « vous êtes » et « je suis » sont relatifs Les autres propositions sont incomplètes, alors que
à la jeunesse de Marquise et à la vieillesse de Corneille. celle-là énonce un problème, un paradoxe entre l’amour
Les futurs « Il saura » et « Vous serez » désignent la vieil- et le blâme.
lesse future de Marquise. Enfin, les passés composés « a 12. Proposition de plan détaillé
ridé » et « on m’a vu » représentent respectivement le I. Le temps, un ennemi pour tous
début de la vieillesse de Corneille et la jeunesse de ce 1. Le temps ternira la beauté de Marquise
dernier. Ce jeu sur les temps est particulièrement mis en 2. Car le temps est le même pour tous
valeur par le chiasme des vers 11 et 12 : « On m’a vu ce II. L’éloge de Corneille par lui-même
que vous êtes ; / Vous serez ce que je suis », où le passé 1. La cruauté du temps atténuée pour Corneille
de Corneille correspond au présent de Marquise et où le 2. Sa postérité traversera le temps
présent du poète annonce le futur de la jeune femme. III. Une stratégie de séduction
Les quatre strophes suivantes 1. Un chantage pour la postérité de Marquise
5. a. Dans la quatrième strophe, le vocabulaire mélio- 2. Un ton moralisateur
ratif « charmes » (v. 13) et « éclatants » (v. 14) n’est pas
Étape 4
destiné à Marquise mais à Corneille lui-même.
b. « Pour n’avoir pas trop d’alarmes » est un euphémisme 13. Proposition d’introduction
traduisant la modestie (feinte ?) du poète. En 1660, le dramaturge et poète Pierre Corneille, arrivé
à un âge avancé, tombe amoureux de Thérèse de Gorle.
6. Les quatrième et cinquième strophes mettent toutes
Cette comédienne et danseuse d’une rare beauté fait
deux en valeur une antithèse ; et la cinquième strophe
tourner la tête des plus grands écrivains de l’époque,
est construite en miroir de la quatrième strophe.
comme Molière ou Racine. Malheureusement pour
Dans la quatrième strophe, les « charmes / Qui sont
Corneille, la belle comédienne lui préfère ses rivaux, qui
assez éclatants » de Corneille s’opposent aux « alarmes /
ont l’avantage de la jeunesse. Vexé, mais pas défaitiste
De ces ravages du temps ». La cinquième strophe répète
pour autant, Corneille adresse donc à celle qu’on appelle
cette antithèse en l’inversant : les hommes qu’« adore »
« Marquise » un poème mélangeant paradoxalement
Marquise seront « usés », alors que le charme de
blâme et séduction. Nous nous demanderons alors
Corneille, qui tient à sa valeur en tant que poète, qu’elle
en quoi la crainte des ravages du temps et l’éloge de
« mépris[e] » pourrait bien « durer encore ».
sa propre personne sont des moyens de persuader
7. Corneille est convaincu de devenir célèbre : il évoque Marquise d’aimer Corneille. Nous analyserons d’abord le
le « crédit » (v. 26) qu’il aura « dans mille ans » (v. 23), combat perdu d’avance entre le temps et la beauté. Puis
auprès des générations futures (« Chez cette race nou- nous verrons que Corneille se sent étranger à ce problème
velle », v. 25). grâce, notamment, à la postérité rayonnante qu’il
La dernière strophe envisage pour lui-même. Enfin, nous montrerons qu’il
8. Un retournement de situation s’est opéré entre la pre- se sert de cette particularité dans une stratégie de
mière strophe et la dernière strophe. séduction mêlant le chantage à la morale.
La première strophe prenait la tonalité du blâme Proposition de conclusion
contre Marquise au quatrième vers (« Vous ne vaudrez Dans ce poème, Pierre Corneille tente donc une dernière
guère mieux »), mais aussi contre Corneille au vers 2 fois de persuader la jeune Thérèse de Gorle de succomber
(« A quelques traits un peu vieux »). Au contraire, la à ses charmes. Pour y parvenir, le poète met en place une
dernière strophe est louangeuse, autant pour Marquise, stratégie paradoxale : il critique le dédain de Marquise en
qui est « belle » (v. 29), que pour Corneille qui « vaut lui rappelant la menace du temps sur sa beauté. Dans le
bien qu’on le courtise » (v. 31). même temps, il profite de ce poème pour vanter ses propres
9. Langue Les modes utilisés placent cette dernière charmes et son talent en dépit de son âge. Ce retourne-
strophe sous le signe de la nécessité : le premier verbe ment permet alors au poète d’exercer un chantage sur la
est à l’impératif (« Pensez-y ») et exprime un conseil. Aux belle et jeune comédienne : sa beauté ne pourra traverser
vers suivants, le subjonctif des verbes « faire » et « cour- les époques « qu’autant qu’[il l’aura] dit ».
tiser » a une valeur de nécessité, de but. Remarque. Une activité classique et amusante consiste
10. Cette strophe peut évoquer le genre littéraire de à faire rédiger la réponse en vers de Marquise à Corneille.
la fable, avec cette morale énonçant un conseil (par les Ainsi la réponse imaginée par Tristan Bernard, puis
modes verbaux) et un paradoxe (séduction et vieillesse). chantée par Brassens, est la suivante :
Peut-être que je serai vieille,
Étape 3
Répond Marquise, cependant
11. La problématique adéquate pour ce texte est la J’ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,
troisième : « En quoi la crainte des ravages du temps et Et je t’emmerde en attendant.

28
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
Atelier Comparer des poèmes tutoie le lecteur et emploie la première personne pour se
désigner : « Souviens-toi ! » (v. 10), « Je suis Autrefois, / Et
modernes sur la fuite j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde ! ».
du temps p. 72-73 Texte 8. Arthur Rimbaud décrit d’abord le buffet, puis
s’adresse à lui dans le dernier tercet en le tutoyant : « Ô
buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires, / Et tu
▶ Activités p. 73
voudrais conter tes contes, et tu bruis » (v. 12-13).
Étape 1 Texte 9. L’énonciation, dans le texte de Ponge, demeure
1. Recherches impersonnelle. La présence du poète est indécelable,
Texte 7. Charles Baudelaire est un poète du milieu cependant la ligne 12 évoque la présence d’un « lecteur ».
du XIXe siècle. Contemporain du Parnasse, il marque le b. On peut rapprocher les deux premiers textes, qui
passage du romantisme au symbolisme, sans pouvoir se proposent de donner la parole aux objets évoqués,
être réduit à l’un de ces mouvements. Ses Fleurs du mal comme le montrent le « Souviens-toi ! » de Baudelaire et
paraissent en 1857 et sont censurées pour « outrage aux le pléonasme « conter tes contes » de Rimbaud.
bonnes mœurs ». Le recueil, marqué par la mélancolie 5. Ces objets n’ont rien d’ordinaire pour les poètes.
– que Baudelaire nomme spleen –, évoque à plusieurs Baudelaire personnifie par exemple l’horloge en « dieu
reprises le temps comme l’ennemi du poète. sinistre » dès le premier vers.
Texte 8. Arthur Rimbaud est un poète adolescent quand Rimbaud personnifie aussi le buffet en le dotant de
il compose ses plus célèbres poèmes sur des cahiers. « cet air si bon des vieilles gens » (v. 2).
Ils seront plus tard rassemblés sous le titre Cahiers de Ponge donne également vie à la bougie en la métamor-
Douai. Génie précoce, il cessera très tôt d’écrire pour se phosant en « plante singulière » (l. 1), en transformant
lancer dans une vie d’aventures. Son œuvre est associée sa flamme en « feuille d’or » (l. 4) et en lui donnant des
au mouvement symboliste. capacités humaines lorsqu’elle « s’incline » (l. 12) et « se
Texte 9. Francis Ponge (1899-1988) a fréquenté les noie » (l. 13).
auteurs surréalistes, mais son œuvre s’écarte de ce mou-
vement littéraire. Son recueil le plus connu, Le Parti pris Étape 3
des choses (1942) est une aventure poétique et lexico- 6. a. b. La description de l’horloge est clairement péjora-
graphique autour des objets les plus prosaïques de notre tive comme le montrent les expressions « dieu sinistre »
quotidien. (v. 1), « te dévore » (v. 7), « ma trompe immonde » (v. 12),
« Meurs, vieux lâche ! » (v. 24). Cette description crée un
Étape 2
sentiment d’angoisse pour le lecteur du poème.
2. Le premier point commun de ces trois poèmes est Rimbaud associe au contraire le buffet à la nostalgie
qu’ils portent tous pour titre un objet du quotidien. d’un temps heureux, grâce à un vocabulaire mélioratif :
3. a. La bougie peut évoquer la fuite du temps, car elle se « cet air si bon » (v. 2), « des parfums engageants » (v. 4),
consume. À mesure que la flamme brûle, la cire s’écoule « histoires » (v. 12), « tes contes » (v. 13).
et la taille de la bougie diminue. Cette cire part « en Une tonalité presque tragique se dégage de « La bou-
fumée ». C’est un motif classique des natures mortes gie » : le vocabulaire est tantôt mélioratif (« lueur », l. 2,
picturales. « feuille d’or », l. 4, « colonnette d’albâtre », l. 5), tantôt
b. L’horloge évoque de manière évidente la fuite du inquiétant (massifs d’ombre », l. 2-3, « très noir », l. 5,
temps, puisque sa fonction même est de le marquer et « l’assaillent », l. 6, « frémissent », l. 8). Pourtant, c’est
de le décomposer par secondes, minutes et heures. davantage le sentiment de surprise et de curiosité
c. Un buffet est un meuble de rangement. Par les objets devant l’originalité du poème qui domine à la lecture.
qu’il renferme, le buffet s’apparente à un témoin, à un
gardien des souvenirs d’une famille. Étape 4
4. a. Langue 7. Proposition d’introduction à la réponse organisée
Texte 7. Le poème « L’Horloge » présente un dispositif Ce corpus est composé de trois poèmes modernes. Le
énonciatif complexe. Le poème se présente comme une premier texte est un poème de Charles Baudelaire inti-
invocation de l’horloge (« Horloge ! », v. 1) par le poète tulé « L’Horloge » et appartenant au recueil Les Fleurs
qui nous associe à son cri (« nous », v. 2). Il cite ensuite du mal, publié en 1857. Le deuxième poème s’intitule
entre guillemets le discours de l’horloge qui occupe tout « Le Buffet ». Il est issu du recueil Cahiers de Douai du
le reste du poème. L’horloge s’adresse alors au poète ou jeune poète Arthur Rimbaud. Ce recueil, publié en 1870,
au lecteur en le tutoyant (« Souviens-toi », v. 2, 13, 17, contient les poèmes de son auteur alors encore adoles-
19, « tout te dira : Meurs », v. 24) et en utilisant la pre- cent. Enfin, l’auteur de « La bougie » est le poète Francis
mière personne (« Mon gosier de métal parle toutes les Ponge. Dans son recueil Le Parti pris des choses, publié
langues », v. 14). L’horloge cite elle-même le discours de en 1942, Ponge tente de définir les objets du quotidien
la seconde dans les vers 10 à 13. À son tour, la seconde de manière poétique. À partir de ces trois poèmes, nous

29
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
nous demanderons comment les objets du quotidien Prolongement artistique
peuvent exprimer la fuite du temps. Nous verrons tout
d’abord en quoi chaque objet est propre à évoquer le et culturel
temps. Puis nous montrerons que la personnification « Vanité des vanités… » p. 74-76
contribue à développer le motif de la fuite du temps.
Enfin, nous analyserons la tonalité de chaque poème
pour en déduire un lien avec la thématique du temps
▶ Docs 1 et 2 p. 74-75

qui passe. 1. Doc. 1 Dans le tableau de Pieter Claez, plusieurs objets


Proposition de plan sont symboliques de la vanité des choses terrestres :
I. Des objets propres à évoquer le temps qui passe – les objets du plaisir : le violon pour la musique, le verre
II. La personnification de ces objets à vin et la noix pour la gourmandise ;
III. Les tonalités pour évoquer la fuite du temps – les objets de l’étude : la plume tachée d’encre, l’encrier
8. Critères de réussite du poème renversé, le livre, la lampe à huile…
Il y a aussi une représentation de la fragilité de la vie :
• Pertinence du choix de l’objet pour exprimer la fuite
– la lampe à huile éteinte et la montre ouverte (accom-
du temps.
pagnée de sa clé), montrant son mécanisme, renvoient
• Travail poétique : personnification, images, richesse et
précision du vocabulaire. au temps qui passe ;
• Orthographe et syntaxe maîtrisées. – le verre à vin, en équilibre, rappelle la précarité de la
vie ;
– le crâne, repris par la noix ouverte, renvoie à la brièveté
▶ Lecture d’image p. 73 de l’existence et à la mort.
1. Recherches Charles Nègre est un peintre et photo- Doc. 2 Dans le tableau de Philippe de Champaigne, les
graphe français du XIXe siècle. Peintre de formation et objets sont tout aussi symboliques :
exerçant cet art durant la première moitié de sa vie, – la tulipe dans son vase symbolise la vanité de la beauté
Charles Nègre est un artiste novateur dans la seconde qui finira par se faner. Cette fleur symbolise aussi la
partie de sa carrière. En effet, cet artiste est l’un des pre- richesse (la culture de tulipes hybrides était un passe-
miers à considérer la photographie comme un art, et ce temps prisé de la noblesse du Nord). Enfin, comme la
dès les premiers prototypes d’appareils photographiques. rose, elle peut représenter la femme désirable ;
Il explore les différentes techniques photographiques et – le crâne rappelle la mort et la vanité de l’existence
invente même son propre procédé de gravure héliogra- humaine ;
phique avec un bain d’or pour produire ses œuvres. – le sablier évoque le temps qui passe.
2. La photographie, de manière générale, évoque la fuite 2. a. b. Les compositions des deux tableaux sont bien
du temps, puisqu’elle est capable de saisir l’instant plus différentes.
rapidement que n’importe quelle technique artistique. Doc. 1 Dans le tableau de Pieter Claez, les objets
Et, sur cette photographie en particulier, le motif de la semblent disposés pêle-mêle ; ils sont pourtant organi-
fuite du temps apparaît sous la forme du bouquet de sés de sorte que les objets sphériques se répondent :
fleurs commençant à se faner. La rose qui se fane n’est – d’un côté, la lampe à huile et la montre gravitent
d’ailleurs pas sans rappeler celle des poèmes étudiés autour de la boule de verre ;
dans ce chapitre. De même, l’arrière-plan de ce bouquet – de l’autre, le crâne semble décroître sous la forme du
n’est pas tout à fait uni, il semble vaporeux, comme si le verre, puis de la noix.
bouquet allait s’évaporer. Ces deux univers se retrouvent liés par la plume et le
violon.
3. On appelle ce type d’œuvre une vanité ou une nature
Doc. 2 Dans le tableau de Philippe de Champaigne, les
morte.
objets sont posés de manière frontale, à équidistance
Il existe de nombreux tableaux utilisant le motif du
les uns des autres ; et le crâne semble regarder fixement
bouquet de fleurs pour évoquer la fragilité de l’existence,
le spectateur. Le lien entre les objets réside encore une
par exemple :
fois dans les formes sphériques : celles du crâne, du vase
– Nature morte aux fleurs, Vanité, de Jan de Heem
et de la fleur. De même, la lumière vient se déposer de
(XVIIe siècle) ;
manière identique sur chaque objet et à partir du même
V https://www.louvre.fr/oeuvre-notices/
angle.
nature-morte-aux-fleurs-vanite
– Fleurs fanées, de Jules Valadon (1890) ; 3. a. Dans les deux tableaux, la source de lumière pro-
– ou encore Vase avec cinq tournesols, de Vincent Van vient d’une fenêtre.
Gogh (1888). Dans le premier, la fenêtre se réfléchit sur la boule de
verre et le verre.
Dans le second, elle apparaît sur le vase et le sablier.

30
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
Dans les deux cas, cette lumière peut symboliser un ail- ▶ Doc 6 p. 76
leurs, voire l’au-delà chrétien dans le premier tableau,
comme le suggère la croix latine que forme la fenêtre. 1. Recherches Un ready-made est un objet du quotidien
b. Dans la boule de verre du tableau de Pieter Claez, on qu’un artiste s’approprie tel quel, tout en le privant de
voit le peintre à son chevalet. sa fonction d’origine. Il lui ajoute un titre, une date, et,
On peut émettre l’hypothèse que le peintre révèle alors éventuellement, une inscription. Enfin, l’artiste manipule
sa propre vanité, celle aussi de l’art imitant la nature. cet objet en le fixant au mur, au sol, en le retournant ou le
suspendant, puis l’expose dans un musée, une galerie ou
un espace culturel. C’est le lieu, plus que l’objet lui-même,
▶ Doc 3 p. 75
qui va donner à l’objet le statut d’œuvre d’art. L’œuvre de
1. Sur cette gravure, deux images se superposent : celle Stéphane Pencréac’h s’inspire de cette technique : elle
d’une femme devant le miroir de sa coiffeuse et celle est composée d’une balance déjà existante, posée sur un
d’un crâne. socle et dont les plateaux accueillent deux crânes sculptés.
2. Cette vanité n’est pas religieuse : il s’agit d’une vanité 2. Le motif du crâne dénonce la vanité de l’existence
de la beauté, de l’apparence. En effet, la coiffeuse est un humaine : tous les hommes finiront sous cette forme,
meuble exclusivement dédié à la beauté féminine, et le quelle que soit leur ambition. La balance est le symbole
nombre de flacons posés dessus laisse penser que leur de la justice, de l’équité. L’artiste explique ainsi l’asso-
propriétaire passe un temps important à soigner son ciation originale de ces deux motifs symboliques : « La
apparence. vanité a toujours été un outil iconographique de relati-
Le sens de cette vanité est alors de mettre en garde la visation de la vie, la mort ayant toujours le dernier mot.
femme : sa beauté ne sera pas éternelle. Ici elle est mise en balance par elle-même. » Ces deux
éléments associés peuvent également évoquer le célèbre
▶ Doc 4 p. 76 papyrus égyptien de la pesée des âmes.

1. Plusieurs objets rappellent la tradition des vanités


dans cette toile : le crâne, le verre, le balustre comme
élément de technique architecturale, les papiers éparpil- Lecture cursive Paul Verlaine,
lés. Ces objets mis en scène dans un désordre apparent, Poèmes saturniens p. 77
sur une table, rappellent la disposition des vanités du
XVIIe siècle.
▶ Activités p. 77
2. Ces objets sont des symboles fréquents dans les vani-
tés. On les retrouve pour la plupart dans le tableau de Ce recueil n’est pas forcément de lecture facile ; cepen-
Pieter Claez V doc. 1, p. 74. Ce tableau fait partie d’un dant, il est court et propose une certaine unité de thème
ensemble de vanités (de Cézanne, Braque, Picasso) : le et de tonalité : il permet de découvrir le motif du memento
motif renaît ainsi dans la première partie du XXe siècle, mori et de la mélancolie dans une œuvre du XIXe siècle.
exprimant l’inquiétude de l’époque face aux événements • Recherches Dans son titre, le poète convoque la pla-
historiques. nète Saturne qui a plusieurs significations. Saturne est
une planète, mais aussi un dieu du panthéon romain,
▶ Doc 5 p. 76 titan et père de Jupiter. Par ailleurs, dans le système
astronomique et astrologique de Ptolémée, la planète
1. La technique utilisée pour cette œuvre est la sérigra- Saturne, soleil noir associé à la mélancolie, est considé-
phie. Il s’agit d’une technique d’imprimerie qui consiste rée comme l’adversaire du soleil. L’oxymore « soleil noir »
à utiliser des pochoirs interposés entre l’encre et le et sa signification placent le recueil de Verlaine sous le
support. signe de la morosité, comme le confirment les titres des
2. Le seul motif représenté sur cette œuvre, et qui est sections « Melancholia » et « Paysages tristes ».
fondateur de la tradition des vanités, est le crâne. • À l’intérieur des sections du recueil, de nombreux poèmes
3. Les couleurs utilisées sont bien différentes des vani- évoquent la mélancolie ou la fuite du temps : « Never-
tés de Pieter Claez et de Philipe de Champaigne. Les more », « Après trois ans », « Effet de nuit », « Soleils
tons sombres sont remplacés ici par des aplats jaunes, couchants » ou la célèbre « Chanson d’automne ».
orange et blancs. Ces couleurs intenses et acidulées • Des rapprochements entre les poèmes de Verlaine et
sont caractéristiques du pop art, de même que la reprise la peinture sont possibles : chez les peintres symbolistes
d’images iconiques. Ces couleurs détonnent avec le sujet bien sûr, mais aussi chez les peintres romantiques (Caspar
de l’œuvre et rendent l’ensemble d’autant plus frappant David Friedrich, Francisco de Goya ou encore les eaux-
pour le spectateur. fortes de Victor Hugo sont autant de pistes intéressantes).
Les rapprochements peuvent aussi être diachroniques
avec des œuvres d’Edvard Munch ou d’Edward Hopper.

31
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
Synthèse p. 78-79 l’expression « tuer le temps » et définir en quoi il s’agit
d’une occupation « ordinaire » et « légitime ». Est-elle
légitime parce que le temps est une menace ? Est-elle
▶ À construire p. 78
ordinaire parce qu’elle montre notre vanité ? Et quelle
Étape 1 vanité ? Et nos auteurs, en tuant le temps par leurs
1. Propositions de sélection poèmes, ne se montrent-ils pas également vaniteux ?
Lecture 1. « Comme à ceste fleur, la vieillesse / Fera ter- En soulevant ces questions lors du débat, les élèves
nir vostre beauté. » (v. 17-18) devront s’appuyer sur les textes du chapitre et sur des
# Nous retrouvons dans ce vers la comparaison entre la citations précises.
fleur et la femme, qui est filée dans le poème, ainsi que 5. Expression écrite
le motif de la beauté éphémère. Avant de commencer ce travail, il convient de définir ce
Lecture 2. « Regrettant mon amour et votre fier dédain. / qu’est une préface et à quoi elle sert.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain » (v. 12-13) Critères de réussite
# Le mode impératif caractérise le motif du carpe diem • Respect de la situation d’énonciation : éditeur et
et le blâme qui est à l’œuvre dans ce poème. lecteur.
Lecture 3. « Rome de Rome est le seul monument » (v. 9) • Définition et explication des différents motifs que
# Ce vers résume la déception du poète devant les ruines comprend le titre tempus fugit : le carpe diem,
la vanité, la fuite du temps, le memento mori.
antiques et sa conclusion sur la Ville éternelle.
• Justification du choix du titre.
Lecture 4. « Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mou- • Exploitation des textes du chapitre (citations
rir. » (v. 14) possibles).
# Ce dernier vers témoigne du paradoxe du poème, • Organisation de la pensée.
entre carpe diem (à l’impératif ) et memento mori. • Expression dans une langue correcte.
Lecture 5. « Puis connaissant l’état de ta fragilité, /
Fonde en Dieu seulement, estimant vanité / Tout ce qui ▶ Histoire des arts
ne te rend plus savant et plus sage. » (v. 12-14)
# La « fragilité » évoque l’hypotypose du poème, la 6. Présentation d’une vanité Le but de ce travail est
mention de « Dieu » donne l’orientation du poème et la similaire à celui d’un commentaire. L’objectif est de sen-
« vanité » éclaire le sens de l’hypotypose. sibiliser les élèves à la méthodologie de l’analyse d’un
support, qu’il soit plastique ou littéraire.
Étape 2 En suivant les étapes de manière consciencieuse, les
2. Expression orale Même si l’expression de goûts per- élèves produiront une introduction, un développement
sonnels peut être intimidante, on attendra une explica- exigeant l’analyse et l’interprétation d’éléments précis, et
tion étayée. une conclusion donnant un éclairage sur l’œuvre choisie.
L’élève devra présenter le texte, son titre, son auteur, On mettra en garde les élèves : le copié-collé consti-
son époque, et justifier son choix par au moins deux tue un plagiat. Ils sont donc invités à citer des sources
arguments. Ces derniers s’appuieront sur des citations sérieuses et de qualité : sites internet des musées, des
précises. bibliothèques, sites siglés « .org », etc.
3. Tableau de synthèse des textes 7. Création d’une vanité moderne La technique plas-
V voir tableau page suivante tique utilisée est libre, elle devra cependant respecter
le sujet de la vanité. Cela implique donc que les élèves
Étape 3
aient compris l’enjeu du Prolongement artistique et
4. Expression orale culturel pour éventuellement s’en inspirer.
Débat Le but de ce débat est avant tout de comprendre Le petit texte de commentaire qui devra accompagner
la citation et ses enjeux. cette réalisation plastique peut suivre les consignes de
On pourra renvoyer les élèves au poème « L’horloge » de l’activité précédente.
Beaudelaire V p. 72 pour expliquer le terme « monstre ».
Ils doivent également associer la première proposition à

32
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
Tableau de synthèse des textes V étape 2. 3, page précédente
Poète, titre Motifs du poème Formes et procédés poétiques marquants
Ronsard, • carpe diem • comparaison filée entre la rose et la femme
« Mignonne, allons voir si la • vanité de la beauté • personnification de la nature
rose » • mode impératif
Ronsard, • carpe diem • description péjorative
« Quand vous serez bien • fuite du temps • éloge de Ronsard par lui-même
vieille… » • blâme de la vanité • blâme du destinataire
• mode impératif
• sonnet
Du Bellay, • vanité • anaphore de « Rome »
« Nouveau venu, qui cherches • fuite du temps • enjambement
Rome en Rome » • personnification
• sonnet
Sponde, • carpe diem • métaphore du Tableau
« Mais si faut-il mourir… » • memento mori • reprise du premier hémistiche
• vanité de l’existence • valeur des temps
• sonnet et rupture aux tercets par l’apparition du « je »
Chassignet, • memento mori • hypotypose
Sonnet CXXV • vanité • description synesthésique
• le préfixe « dé- »
• mode impératif
• sonnet

33
CHAPITRE 1 • Tempus fugit… carpe diem !
2
CHAPITRE

Le sonnet amoureux
La poésie du Moyen Âge au XVIIIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant Cinq sonnets et une scène de théâtre comprenant un sonnet
lieu à une analyse • Lecture 1 : Francesco Pétrarque, « Ô pas épars… », p. 82
détaillée • Lecture 2 : Pierre de Ronsard, « Comme un chevreuil… », p. 83
• Lecture 3 : Louise Labé, « Ô beaux yeux bruns… », p. 84
• Lecture 4 : Olivier de Magny, « Ô beaux yeux bruns… », p. 85
• Lecture 5 : Pierre de Marbeuf, « À Philis », p. 86
• Lecture 6 : Molière, Le Misanthrope (acte I, scène 2), p. 87
Lectures • Nicolas Boileau, Art poétique, p. 80
complémentaires • Article « Sonnet » du Dictionnaire historique de la langue française, p. 81
• Hésiode, La Théogonie, p. 87
• Théophile Gautier, « L’art », p. 90
• Tristan Corbière, « Sonnet », p. 92
• Raymond Queneau, Cent Mille Milliards de poèmes, p. 92
• Alfred de Musset, « Sonnet », p. 93
• François Coppée, « Espoir timide », p. 93
Prolongement artistique et culturel • La fin’amor à l’origine du lyrisme amoureux
• Guillaume d’Aquitaine, « Par la douceur du temps nouveau… », p. 95
• Chrétien de Troyes, Le Chevalier à la charrette, p. 96
Moments de • Construction de la phrase, p. 82, 83 • Moderniser l’orthographe d’un sonnet, p. 85
grammaire • Valeur des temps verbaux, p. 83 • Pronoms personnels, p. 86
• Famille de mots, p. 84 • Déterminants possessifs, p. 86
Écrits • Rédiger un paragraphe d’analyse, p. 82 • Écrire un sonnet, p. 85
d’appropriation • Imaginer et développer une analogie, p. 83 • Créer un recueil de sonnets amoureux, p. 98
Écrits vers le bac Commentaire de texte Dissertation
• Rédiger une introduction, p. 84, 86 • Atelier : dissertation guidée, p. 90-91
• Proposer un projet de lecture, p. 86
Exercices d’oral • Lecture expressive en respectant les règles de la versification, p. 83, 86
• Lecture enregistrée à plusieurs voix en proposant un projet de lecture, p. 85
• Lecture à plusieurs d’un extrait de pièce, p. 89
• Débattre : le style, p. 89 ; l’expression du sentiment amoureux, p. 98
Exercices • Mettre un tableau en relation avec un poème, p. 87
de confrontation • Écrire des paragraphes argumentatifs de confrontation, p. 98
ou de synthèse • Synthèse, p. 98-99
Travaux de • Le mythe d’Amour et de Psyché, p. 80
recherche • L’école de Lyon, p. 84
• Cent Mille Milliards de poèmes de Raymond Queneau, p. 93
• Lancelot, p. 96
Lectures d’images • Pétrarque frappé par la flèche de l’Amour et couronné par Laure, p. 81
ou de films • Sandro Botticelli, La Naissance de Vénus, p. 87
• Vénus à sa toilette, p. 89
• Une enluminure du codex Manesse, p. 94
• Lancelot du lac, p. 96
Lectures cursives • Marie de France, Lais, p. 97
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 98-99

34
OBJECTIFS DU CHAPITRE Lecture 1 Fr. Pétrarque,
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude La poésie Le Chansonnier p. 82
du Moyen Âge au XVIIIe siècle. Il montre la façon dont
le sonnet fait l’objet de très nombreuses reprises et ▶ Activités p. 82
de réécritures. À partir du modèle de Pétrarque, qui
Découverte du texte
exprime son amour malheureux pour Laure, le thème
et la forme ne cessent d’être repris, avec virtuosité, 1. C’est la douleur qui pousse le poète à écrire : le poème
excès ou moquerie. est avant tout une plainte, et Pétrarque demande à tous
d’être les témoins de sa souffrance, ainsi qu’il l’exprime
• Il s’agit donc de bien maîtriser les caractéristiques
dans le dernier vers.
d’une des formes les plus célèbres de la poésie et
d’un de ses thèmes les plus courants – le lyrisme 2. Le poème est une série d’apostrophes initiées par
amoureux –, mais aussi de montrer comment des le vocatif « Ô ». Dans les quatrains, le poète s’adresse
contraintes formelles, celles du sonnet, permettent de d’abord à lui-même et se donne à voir comme un être
faire jaillir des images et des rapprochements frap- morcelé et souffrant : « pensers errants » (v. 1), « faible
pants, comme ceux que proposent Ronsard ou Mar- cœur » (v. 3), « pénible existence » (v. 7)… Dans les ter-
beuf. Ces derniers donneront l’occasion de découvrir cets, il s’adresse à Laure, son inspiratrice (« Ô visage
comment la réécriture, loin d’être un simple plagiat, charmant », v. 9), puis, plus largement, aux « nobles âmes
devient un jeu fécond qui offre l’occasion aux poètes amoureuses » (v. 12) et aux « ombres nues » (v. 13) pour
d’exprimer leur talent propre. leur demander de compatir à sa souffrance. On peut
noter que le cri de souffrance prend de l’ampleur en
• Le prolongement permettra de saisir tout ce que le
allant du « je » des quatrains à un cercle progressive-
lyrisme amoureux doit à la fin’amor de la littérature
ment élargi de destinataires.
médiévale.
3. Langue On a, en effet, une seule phrase, constituée,
dans les treize premiers vers, de groupes nominaux. Ces
groupes nominaux sont tous des apostrophes juxtapo-
sées qui indiquent à qui s’adresse le poète V activité 2,
Ouverture p. 80-81 supra et explicitent le sujet des verbes du vers 14, sujet
non exprimé car il s’agit du mode impératif : « Arrê-
tez-vous […] et voyez […] ». Il s’agit donc d’une seule
▶ Activités p. 81
phrase avec une cascade d’apostrophes et un effet de
1. Docs 2 et 4 a. C’est un poème de quatorze vers, qui chute au dernier vers.
est structuré en deux quatrains et deux tercets. 4. La douleur est marquée par une succession d’anaphores
b. Il a été inventé en Italie, et son origine vient du mot rythmées par le « ô », qui donnent au poème une tona-
soneto, « petite chanson ». lité pathétique. Elle s’exprime également à travers de
2. Docs 1 et 3 nombreuses figures rhétoriques, destinées à exprimer le
Recherches a. Éros en grec, ou Cupidon pour les Romains, paroxysme de la douleur, comme la métaphore des yeux
est le dieu de l’Amour et de la Puissance créatrice. devenus « fontaines » (v. 4) – hyperbole qui souligne
b. Doc. 1 Il s’agit du mythe de Psyché (« l’âme », en grec) l’intensité de la douleur – ou le déterminant exclamatif
et d’Éros, raconté par Apulée dans Les Métamorphoses. dans « quels maux » (v. 14) qui insiste sur la violence de
Psyché était une princesse si belle que le dieu Éros s’éprit celle-ci.
d’elle. Mais la jalousie d’Aphrodite la poursuivit et elle Une série d’oppositions permet aussi de lier les effets
dut affronter une série d’épreuves. La dernière épreuve de cet amour non satisfait, qui est à la fois un élan vers
l’ayant laissée presque morte, elle fut ranimée par un la vie et la source d’une profonde souffrance. Ainsi, on
baiser d’Éros qui devint ensuite son époux. trouve les antithèses « fugitifs/tenaces » (v. 1-2), « puis-
c. Doc. 3 Les personnages représentés sont Pétrarque, sants/faible » (v. 3), « pénible/douce » (v. 7), « plaines
Laure et Cupidon. et monts » (v. 8), « éperons/frein » (v. 10) et l’oxymore
d. Doc. 3 L’enluminure montre Pétrarque blessé par la « douce erreur » (v. 7). Le poète semble donc déchiré
flèche de Cupidon : il est tombé amoureux de Laure. entre des élans contradictoires qui le font souffrir.
Celle-ci est dès lors celle qui inspire ses textes au poète 5. Dans le premier tercet, on trouve une allégorie de
et le couronne. Cette enluminure souligne l’importance l’Amour sous les traits d’un cavalier tyrannique s’achar-
de la muse pour le poète, dont l’amour et la souffrance nant sur le poète, représenté ici par la métaphore filée
sont à l’origine du chant. du cheval : d’« éperons » (v. 10) à « regimber » (v. 11).

35
CHAPITRE 2 • Le sonnet amoureux
Expression écrite traditionnellement associé au renouveau et à l’amour.
6. Thèmes et motifs du pétrarquisme dans ce poème De même, l’« Aube » (v. 4) évoque cet élan vital qui saisit
• L’éloge de la dame et l’exaltation de l’amour du poète, la nature et les êtres.
caractérisé par l’intensité des sentiments et des désirs, la 6. Dans le deuxième quatrain, le lecteur suit les déplace-
perte de sa liberté et son égarement. ments du chevreuil grâce aux nombreuses indications de
Cet amour, bien que malheureux, est valorisé et idéalisé. lieu du poème : « Or sur un mont, or dans une vallée »
• La souffrance qui en résulte et l’appel implicite à la (v. 6), « Or près d’une onde » (v. 7). L’anaphore d’« Or »
compassion de la dame mais aussi à la compassion montre la variété des lieux parcourus par le chevreuil ;
universelle. et le rythme même des propositions qui s’amplifie, du
• Cet amour et cette souffrance en tant que moteur de vers 6 au vers 7, semble indiquer un espace infini qui
l’écriture du sonnet. s’ouvre devant lui. Sa liberté est mise en valeur par l’ad-
jectif « Libre », en tête du vers 8, et par les verbes de
mouvement, « folâtre » et « conduit » (v. 8), qui mani-
Lecture 2 P. de Ronsard, festent son parcours sans but précis. Rien ne le restreint,
ainsi que l’indique le vers 5, avec la répétition de « et »
Les Amours de Cassandre p. 83
qui souligne tout ce qui lui est permis.
7. La rapidité et la violence de la mort du chevreuil sont
▶ Activités p. 83
soulignées par une rupture au vers 10 introduite par
Découverte du texte l’adverbe « Sinon », qui a ici une valeur privative. Deux
1. Ce poème est construit sur la comparaison entre le vers, les vers 11 et 12, suffisent à montrer la mort bru-
poète et un chevreuil, comme l’indiquent les comparants tale du chevreuil, victime d’un « trait meurtrier » (v. 11).
« Comme » (v. 1) et « Ainsi » (v. 12). La redondance « empourprée de son sang », qui met en
valeur la couleur rouge du sang, souligne la cruauté de
2. Il s’agit de la description d’un coup de foudre, l’œil de
cette mort violente.
la femme aimée (v. 13) blessant à jamais le poète. On
retrouve l’image de l’arc de Cupidon. V doc. 3, p. 81 8. Langue À partir du vers 12, le temps dominant est
le passé, avec l’imparfait « j’allais » (v.12) et le passé
Analyse du texte simple « tira » (v. 14), alors que, précédemment, tout le
3. Langue Le poème est composé d’une unique et très poème était au présent (« détruit », v. 1, « s’enfuit », v. 4,
longue phrase : une longue comparaison occupe les onze « folâtre », « conduit », v. 8, « n’a », v. 9, « est », v. 10). Le
premiers vers, et le dernier tercet forme la proposition présent du comparant est un présent à valeur de vérité
principale, qui permet de découvrir le comparé (le poète) générale, tandis que le passé du dernier tercet permet
et de théâtraliser, en une chute brutale, la violence du au poète d’évoquer un récit personnel racontant sa ren-
coup de foudre amoureux. contre amoureuse.
4. Éléments d’analogie 9. Le dernier vers permet de comprendre la comparaison
avec le chevreuil : la cruauté des chasseurs est compa-
Chevreuil Poète
rable à celle du premier regard de Cassandre.
Hors de son bois […] j’allais… Le « trait » des flèches (v. 11) est repris par « mille traits »
s’enfuit (v. 14) – le passage au pluriel et l’hyperbole amplifiant
le printemps sur l’avril de mon âge la souffrance du poète. Cette première blessure d’amour,
(v. 13) irréparable, ce premier regard qui fait souffrir pour
Libre folâtre où son pied j’allais sans espoir de toujours sont ainsi mis en valeur par Ronsard : la liberté
le conduit : / De rets ni dommage (v. 12) et l’insouciance de la jeunesse prennent fin avec cette
d’arc sa liberté n’a crainte première rencontre.
(v. 8-9)
Expression écrite
D’un trait meurtrier un œil […] / Tira d’un
10. Critères de réussite du paragraphe
empourpré de son sang coup mille traits dans
(v. 13) mon flanc (v. 13-14) • L’élève utilise des comparaisons et des métaphores
afin de créer une analogie entre l’animal et la
5. Le moment choisi est celui où le printemps triomphe personne.
de l’hiver. L’enjambement des vers 1 à 2 met en valeur • Des caractéristiques précises de l’animal sont mises
ce moment. La saison hivernale est caractérisée par des en évidence. Le vocabulaire est varié et riche.
adjectifs évoquant l’absence de mouvement et de gaieté • L’analogie n’est dévoilée qu’à la fin du texte, dans
(« oiseux », « morne », v. 2), tandis que la douceur du prin- les dernières lignes.
temps est ensuite mise en valeur (« herbette emmiel- • La langue est soignée, une attention particulière
lée », v. 3). L’adjectif mélioratif « emmiellée » forme un à la syntaxe est apportée.
contraste à la rime avec « gelée » (v. 2). Le printemps est

36
CHAPITRE 2 • Le sonnet amoureux
Expression orale 7. a. Langue Le verbe « ardre » vient du latin ardere,
11. Critères de réussite de la lecture du poème « s’enflammer », « se passionner ». Il existe dans la même
famille les mots « ardeur », « ardent », « ardemment ».
• Respect des règles de versification : on sera attentif b. La métaphore filée du feu est présente à travers les
aux « e » qui doivent être entendus et aux liaisons.
termes suivants : « flambeaux », « ardre » (v. 11), « feux »
• On valorisera la mise en évidence du rythme vif
(v. 12) et « étincelle » (v. 14). Cette métaphore tradition-
du poème, ainsi que les différents lieux parcourus par
le chevreuil. nelle du feu amoureux souligne l’ardeur de la poétesse
et lui permet de déclarer sa « flamme » à l’homme qui
a suscité chez elle un tel amour. Elle sert également de
reproche, car ce feu est source de souffrances. L’ensemble
des parties du corps énumérées dans les vers qui pré-
Lecture 3 L. Labé, Sonnets p. 84 cèdent est d’ailleurs repris par le terme « flambeaux »,
qui renvoie à ce qui attise la flamme amoureuse : à la
▶ Activités p. 84 fois le désir et la douleur.
8. Cette métaphore filée conduit à une chute originale
Découverte du texte
du sonnet dans le dernier vers. En effet, ces flammes
1. Le sonnet évoque un amour qui n’est pas réciproque. vives n’ont créé aucune étincelle chez l’homme aimé,
2. Le poème est adressé au poète Olivier de Magny, mais qui n’éprouve, lui, aucune passion amoureuse : le feu ne
il n’est pas nommé dans le texte ; le poème prend ainsi s’est pas propagé, et la métaphore souligne ainsi que cet
une valeur universelle. L’homme aimé apparaît d’abord amour n’est pas réciproque.
sous la forme de métonymies qui énumèrent les dif-
Expression écrite
férentes parties de son corps, puis à travers le pronom
« toi » (v. 12 et 14). 9. Recherches Ces recherches rapides permettront de
rédiger l’introduction du commentaire.
3. Il s’agit d’un blason V chap. 3, p. 100. En énumérant
les différentes parties du corps de l’être aimé – son Vers le commentaire
regard, son front, ses cheveux… –, la poétesse rend Proposition d’introduction rédigée
concrète l’absence de ce corps et donne à son poème Louise Labé est une poétesse du XVIe siècle ayant
un tour audacieux qui rend sensible sa douleur d’être appartenu à l’école de Lyon. Ce groupement d’intellec-
éloigné de l’objet de son désir. tuels et de poètes favorise une littérature féminine en
accueillant des poétesses comme Pernette du Guillet ou
Analyse du texte Louise Labé. L’amour est au cœur des débats. On réflé-
4. L’anaphore du vocatif « Ô » structure le texte. chit à des questions de morales sociales et conjugales, à
5. a. On retrouve la même structure que dans le poème la place de la femme. Louise Labé est issue d’une famille
de Pétrarque. bourgeoise et est surnommée la Belle Cordière, en raison
Le poème de Louise Labé apparaît donc comme une réé- de la profession de sa famille et de sa grande beauté.
criture ou une variation du modèle pétrarquiste. C’est une femme cultivée qui, s’inspirant de l’œuvre de
b. La tonalité dominante est celle de la plainte. Pétrarque, compose des poèmes en les accompagnant au
L’anaphore du « Ô » donne l’impression d’une déplora- luth. Le poème que nous allons étudier, « Ô beaux yeux
tion. On trouve le champ lexical de la douleur (« larmes », bruns… », est adressé à Olivier de Magny, un poète dont
v. 2, « tristes plaints », v. 5, « morts », v. 7, « maux », v. 8, elle s’éprit. Dans ce poème, elle reprend avec audace les
« plaintif », v. 10), et la ponctuation exclamative montre codes de la poésie masculine, le corps de l’homme deve-
l’intensité de la souffrance de la poétesse. Ce poème à la nant l’objet du désir féminin. Nous nous demanderons
tonalité pathétique est donc une élégie. comment ce poème élégiaque dresse le tableau à la fois
c. Quand on relève le vocabulaire de la douleur, on de l’être aimé et de la poétesse. Nous verrons, dans une
observe qu’il se concentre, dans les six premiers vers, première partie, que ce poème est une plainte amou-
autour des larmes et de la plainte. Les termes deviennent reuse, qui célèbre, dans une seconde partie, l’amour et
plus concrets et plus forts (« morts », v. 7, « maux », v. 8) le désir de la poétesse, opposés à l’indifférence de l’être
à la fin des quatrains. Les hyperboles aux vers 7 et 8 avec aimé.
la récurrence du terme « mille », ainsi que l’adjectif au
superlatif « pires », amplifient cette souffrance.
6. On trouve un jeu d’opposition dans les deux derniers
vers du quatrain : « noires nuits » (v. 3) est en antithèse
avec « jours luisants » (v. 4), les deux termes formant
un chiasme qui semble enfermer la poétesse dans une
douleur sans répit.

37
CHAPITRE 2 • Le sonnet amoureux
Lecture 4 O. de Magny, Expression orale
5. On valorisera les lectures expressives et originales
Les Soupirs p. 85 qui feront ressortir l’idée du duo amoureux. On pourra
notamment valoriser des jeux d’échos et de répétition.
▶ Activités p. 85

Découverte du texte
1. Langue
Orthographe modernisée du poème Lecture 5 P. de Marbeuf,
Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés, Recueil de vers p. 86
Ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
Ô noires nuits vainement attendues, ▶ Activités p. 86
Ô jours luisants vainement retournés :
Découverte du texte
Ô tristes plaintes, ô désirs obstinés,
Ô temps perdu, ô peines dépendues, 1. Le poète s’adresse à une femme aimée qu’il appelle
Ô mille morts en mille rets tendues,
Philis. Il la tutoie : « Ton amour » (v. 13).
Ô pires maux contre moi destinés : 2. Les analogies sont très nombreuses entre la mer et
l’amour, dans ce poème :
Ô pas épars, ô trop ardente flamme
– la proximité phonique des mots (paronomase) ;
Ô douce erreur, ô pensées de mon âme,
– le jeu sur le sens propre et le sens figuré du mot
Qui çà, qui là, me tournez nuit et jour,
« amertume » (v. 1, 2) ;
Ô vous mes yeux, non plus yeux mais fontaines, – le caractère dangereux : « on s’abîme » (v. 3), on court
Ô dieux, ô cieux, et personnes humaines, le risque de traverser un « orage » (v. 4), on peut y faire
Soyez pour dieu témoins de mon amour. « naufrage » (v. 8).
2. a. Ce poème propose une variation de celui de Louise – le courage qu’il faut pour les affronter : si on ne veut pas
Labé uniquement dans les tercets, puisque les deux qua- prendre le risque de souffrir, mieux vaut éviter l’amour et
trains sont identiques. la mer (deuxième quatrain) ;
b. On peut parler de réponse car, alors que Louise – la proximité mythologique : l’amour et la mer sont
Labé se plaint que son feu n’est pas partagé, Olivier de liés par le biais d’Aphrodite, déesse de l’Amour née de
Magny lui répond en prenant à témoin de son amour les l’écume de la mer (premier tercet).
« dieux », les « cieux » et les « personnes humaines » Analyse du texte
(v. 13). Il semble donc bien répondre à la poétesse en lui
3. Le poète joue sur les paronomases, avec des termes
indiquant qu’il partage son amour et sa souffrance.
très proches en sonorités (« la mer », « l’amour » et
3. L’expression de la douleur se trouve amplifiée par « l’amer », v. 1) et les renforce par des allitérations en
l’énumération (plus de vingt groupes nominaux se suc- [m] et en [l] dans le premier quatrain, qui donnent une
cèdent, précédés par le vocatif « ô » en anaphore), par musicalité très douce et liquide.
la répétition de « vainement » (v. 3-4), associée au paral- Les alexandrins sont réguliers ; leur césure à l’hémistiche
lélisme des deux vers, et de « mille » au vers 7. Cette en 6//6 donne un mouvement de balancier au poème,
intensité de la souffrance amoureuse est accentuée par mouvement renforcé par les nombreux parallélismes :
les hyperboles aux vers 7, 8, 11 et 12. aux vers 2, 5, 6, 10. Ces mouvements binaires et réguliers
Expression écrite évoquent le roulis de la mer.
4. Critères de réussite du sonnet 4. Alors que le poète avait insisté sur les analogies
entre l’amour et la mer, à partir du vers 11, le connec-
• Le poème écrit respecte les règles du sonnet : teur « Mais » souligne l’opposition qui existe entre les
disposition des vers et versification.
deux, opposition annoncée au vers précédent par l’an-
• Le thème principal est celui de la douleur : on trouve
tithèse « eau/feu ». On retrouve la métaphore filée de
le vocabulaire de la souffrance, et l’élève a recours
aux procédés du registre pathétique : ponctuation l’amour comme une flamme ardente : « brasier amou-
expressive, anaphore, images… reux » (v. 12), « brûle » (v. 13), et le mot « feu » est présent
• L’élève s’inspire visiblement des sonnets déjà lus et trois fois dans les tercets. L’eau apparaît naturellement
reprend les thèmes et motifs du pétrarquisme. comme l’élément susceptible de vaincre le feu : « fournir
• La syntaxe est respectée. Il n’y a pas de fautes des armes » (v. 11), et le verbe « éteindre » est présent
d’orthographe ni de grammaire. deux fois dans le dernier tercet.
5. La rime significative dans le dernier tercet est la rime
« amoureux », « douloureux » (v. 12, 13).

38
CHAPITRE 2 • Le sonnet amoureux
Cette souffrance extrêmement forte et personnelle Expression orale
avait été annoncée au début du poème par les termes 8. Critères de réussite de la lecture expressive
« amer » (v. 1), « s’abîme » (v. 3), « maux », « souffre »
(v. 6). • Respect des règles de versification : on sera attentif
aux « e » qui doivent être entendus et aux liaisons.
La douleur est aussi perceptible dans les termes « brûle »,
• On valorisera la mise en évidence du rythme du
« si fort douloureux » (v. 13, avec les deux adverbes
poème : rythme binaire et sonorités.
intensifs « si fort », qui soulignent la violence de cette
douleur), « larmes » (v. 14). L’hyperbole du vers 13 est
redoublée par la métaphore « la mer de mes larmes » ▶ Histoire des arts p. 87
(v. 14). Ainsi celui qui choisit d’aimer sait qu’il s’expose à Le motif littéraire et pictural de la naissance
une extrême souffrance. de Vénus
6. Langue Analyse de texte et lecture d’image
Pronoms personnels : on (× 2), s’, il (× 2), se, ils, me, j’. • Le portrait qui nous est donné d’Aphrodite dans le texte
Déterminants possessifs : sa (mère), ton (amour), son d’Hésiode est avant tout celui d’une très belle femme.
( feu), mes (larmes). On insiste sur sa grâce : « charmante » (l. 7), « entre-
La situation d’énonciation est ainsi celle des poèmes tiens séducteurs », « ris gracieux » (l. 18), « charmes »
lyriques amoureux : le « je » du poète s’adresse au « tu » (l. 19). Cette beauté a surtout pour fonction de séduire,
de l’être aimé. et la duplicité possible de la déesse est envisagée dans le
b. Dans les trois premières strophes, les pronoms et terme « mensonges » (l. 19). Elle est celle qui est accom-
les déterminants sont généraux (« on » et « il(s) ») : il pagnée de l’Amour (l. 15-16) et qui le suscite (l. 19).
s’agit d’une réflexion universelle. Dans le dernier tercet, • Le tableau représente bien la déesse sortant de la mer.
on trouve au contraire des pronoms et déterminants de À la différence du texte d’Hésiode, elle apparaît cette
première et deuxième personnes du singulier : le poète fois dans une grande conque. On retrouve la beauté, la
parle de lui et s’adresse de manière intime à la femme grâce et la volupté évoquées par le texte, avec les che-
aimée. veux longs, le corps dénudé et l’expression souriante et
lointaine de la déesse.
Expression écrite
• Le tableau de Botticelli et le poème de Marbeuf se
7. Vers le commentaire rejoignent surtout dans l’évocation de la naissance de
Proposition de problématique Vénus aux vers 9 et 10 : « La mère de l’amour eut la
Comment le poète mêle-t-il les thèmes de la mer et de mer pour berceau, / Le feu sort de l’amour, sa mère sort
l’amour pour faire partager sa souffrance amoureuse ? de l’eau ». On assiste, dans ces vers et dans le tableau,
Plan comme le titre de Botticelli l’indique, à ce moment où
I. Une comparaison virtuose entre la mer et l’amour Vénus sort de l’eau, engendrée par l’écume de la mer.
II. Une élégie amoureuse
Proposition d’introduction rédigée
Pierre de Marbeuf est un auteur baroque du début
du XVIIe siècle qui a vécu la majeure partie de sa vie
Lecture 6 Molière,
en Haute-Normandie, dans la région de Rouen, où il Le Misanthrope p. 88-89
publiera ses livres. Il a étudié le droit avec Descartes et
est connu pour ses œuvres poétiques, ainsi que pour son ▶ Histoire des arts p. 89
talent satirique. Son sonnet « À Philis », le plus célèbre
de ses poèmes, est représentatif du baroque dans son Le mouvement maniériste
analogie habile entre la mouvance de l’eau et le senti- • Les détails du tableau, la finesse des traits du dessin
ment amoureux, ainsi que pour son souci du détail et (les drapés, les détails des corps…) et la composition
des sonorités. Nous nous demanderons donc comment d’ensemble donnent à ce tableau un style maniériste. Le
le poète mêle les thèmes de la mer et de l’amour pour mouvement du bras droit de la femme paraît artificiel.
faire partager sa souffrance amoureuse. Nous verrons, • On peut trouver une certaine artificialité et du manié-
dans une première partie, que le sonnet est construit risme dans les différents sonnets que nous avons lus, qui
sur une comparaison virtuose entre la mer et l’amour, et, proposent des jeux de mots, des anaphores en cascade et
dans une deuxième partie, qu’il exprime la douleur de des images frappantes. D’autre part, les références sont
l’amour sur un ton élégiaque. savantes et liées à l’Antiquité et à l’amour.

▶ Activités p. 89

Découverte du texte
1. Philinte loue le sonnet, tandis qu’Alceste le critique
avec virulence.

39
CHAPITRE 2 • Le sonnet amoureux
2. a. Relevé du sonnet qui peuvent paraître artificiels, car très éloignés du
L’espoir langage courant – à l’expression de sentiments profonds
L’espoir, il est vrai, nous soulage, et douloureux, difficiles à dire mais sincères.
Et nous berce un temps, notre ennui ; On peut aussi opposer « nature » (dernier mot d’Alceste
Mais, Philis, le triste avantage, et de l’extrait, l. 45) et culture : toute expression humaine
Lorsque rien ne marche après lui ! n’est-elle pas, par essence, culturelle ? Le reproche que
Vous eûtes de la complaisance ; fait Alceste n’a pas réellement de sens, concernant la cri-
tique d’une œuvre d’art qui ne peut relever de la nature.
Mais vous en deviez moins avoir ;
Et ne vous pas mettre en dépense
Pour ne me donner que l’espoir.
S’il faut qu’une attente éternelle
Pousse à bout, l’ardeur de mon zèle, Atelier Dissertation guidée
Le trépas sera mon recours. p. 90-91
Vos soins ne m’en peuvent distraire :
Belle Philis, on désespère, ▶ Activités p. 91
Alors qu’on espère toujours.
Étape 1
Versification 1. Termes importants du sujet
ABAB CDCD EEF GGF • sonnet : poème à forme fixe. (Le terme renvoie au
Les rimes sont alternées dans les quatrains ; les tercets domaine sur lequel porte le sujet. Il s’agira ici de parler
sont formés d’une rime plate, puis de rimes embrassées. de poésie, et plus précisément du sonnet.)
b. On peut noter que ce ne sont pas les mêmes rimes • forme contraignante : forme fixe. Écrire un sonnet
dans les quatrains, alors que la règle du sonnet impose impose au poète de respecter des règles formelles
un retour des mêmes rimes pour harmoniser les qua- strictes, ce qui aura nécessairement un impact sur sa
trains. Les vers sont des octosyllabes, un vers inhabituel façon de rédiger.
pour un sonnet mais non défendu. • l’idée : le sujet du poème, ce que le poète a voulu
3. Les reproches d’Alceste sont nombreux mais vont tous exprimer.
dans le même sens : il reproche à Oronte d’avoir utilisé • plus intense : avec plus de force.
des images et un style trop éloignés du langage courant,
2. Le verbe de la consigne est « justifiez ».
ce qui donne, d’après lui, un aspect artificiel au texte et
Il ne s’agit donc pas de « discuter » : ce verbe incite à
le rend peu compréhensible.
simplement montrer en quoi la phrase de Baudelaire
4. Oronte apparaît inquiet dès sa première réplique et
est juste, pas à en discuter les limites ni à exprimer son
justifie par avance ce qu’on pourrait reprocher à son
désaccord.
texte. Il indique ensuite qu’il a passé peu de temps à
l’écrire. 3. Le lien logique dans la citation est « parce que » : il
Philinte se montre bienveillant et encourageant ; il loue s’agit d’un lien de causalité.
facilement le poème. 4. Question posée à travers cette citation
Alceste est critique et virulent ; il utilise un langage En quoi les contraintes formelles du sonnet ont-elles pour
péjoratif pour qualifier le sonnet. effet de donner plus de force aux propos des poètes ?
Expression orale Étape 2
5. Critère de réussite de la lecture à trois 5. a. Théophile Gautier associe le travail du poète à
celui du sculpteur dès le vers 4, qui met sur le même
• On valorisera les élèves qui parviendront à bien faire
ressortir le caractère de leur personnage. plan « Vers, marbre, onyx, émail » en tant que matériaux
difficiles à travailler (« D’une forme au travail / Rebelle »,
6. Débat Il faut mettre cette question en relation avec v. 2-3) pour l’artiste, qu’il soit écrivain ou sculpteur.
la deuxième question de l’étude du tableau maniériste On trouve le champ lexical de la sculpture dans tout le
V page précédente. On peut en effet trouver une cer- texte : « Statuaire » (v. 13), « argile », « pétrit » (v. 14),
taine artificialité et du maniérisme dans les différents « carrare » (v. 17), « paros » (v. 18), « filon / D’agate »
sonnets que nous avons lus, qui proposent des jeux de (v. 26-27), « Le buste » (v. 43), « Sculpte, lime, cisèle »
mots, des anaphores en cascade et des images frap- (v. 53), « bloc » (v. 56). Ces injonctions faites au poète sont
pantes, et se trouvent ainsi à grande distance du langage celles que l’on pourrait faire à un sculpteur.
courant. Cependant cette virtuosité verbale ne fait-elle b. Gautier compare les vers à des pierres très dures et
pas partie du plaisir de la lecture ? difficiles à travailler (v. 2-4) : pour lui, un poète doit lutter
On veillera à ce que les élèves associent une certaine avec les mots et l’expression pour produire une forme
recherche poétique, un goût du détail et de la formule – parfaite.

40
CHAPITRE 2 • Le sonnet amoureux
6. a. On retrouve, dans le texte de Baudelaire, l’image Atelier Jouer avec le sonnet
d’une forme dure avec laquelle l’artiste doit lutter : « la
beauté du métal et du minéral bien travaillés » (l. 3-4). p. 92-93
b. D’après Baudelaire, le sonnet peut accueillir des
formes d’expression très diverses, de la plus légère à la ▶ Activités
plus sérieuse. Il a aussi l’avantage d’être court, ce qui
Étape 1
impose à l’idée d’être concise et évite au lecteur d’avoir
à se concentrer trop longtemps. 1. Corbière associe à sa « recette » plusieurs champs
lexicaux, qui font image.
Étape 3 • Le champ lexical de l’armée :
7. a. La concision est une règle évidente du sonnet. « uniforme » (v. 2), « pas », « peloton » (v. 3), « soldats de
• Il faut donner l’idée en peu de vers, ainsi on évite les plomb » (v. 5).
vers pompeux que récite Oronte dans Le Misanthrope. Ce lexique exprime la rigidité et la régularité du sonnet,
• Cela permet aussi de ne pas lasser le lecteur, comme le les mots et les vers se mettant en ordre de bataille pour
souligne Baudelaire. L’idée doit pouvoir être exprimée avec constituer le poème.
force en peu de mots. Tous les sonnets que nous avons lus, Mais cette vision martiale est adoucie par la référence
en dépit de leur faible ampleur, quatorze vers, expriment aux soldats de plomb : le sonnet est un jeu poétique.
avec une grande force la douleur ressentie en aimant. • Le champ lexical de la technique prend ensuite le
b. Les contraintes entraînent un travail poétique précis. relais :
• En contraignant le poète, le sonnet l’oblige à recourir « railway » (v. 6), « fils du télégraphe » (v. 7), « pieu » (v. 8),
à des procédés poétiques et littéraires qui donnent de la « fil », « jalon » (v. 9), « Télégramme » (v. 10).
force à son expression. Le jeu sur les anaphores, qui est Ce réseau lexical croise la thématique de la construction
lancé par Pétrarque et repris avec virtuosité par Louise et celle de la communication.
Labé ou Olivier de Magny, démultiplie l’expression de la • Le champ lexical de la science vient occuper la fin du
souffrance. sonnet :
• Avec sa recherche poétique imposée par la métrique et « Archimède » (v. 11), « preuve », « addition » (v. 12),
ses images bien choisies, le sonnet frappe l’imagination du « 4 et 4 = 8 » (v. 13), « 3 et 3 » (v. 14).
lecteur. Ainsi, à partir d’une analogie entre la mer et l’amour, Le sonnet devient alors le résultat d’une formule
Marbeuf déploie une véritable virtuosité dans les sonorités mathématique.
et le rythme des vers pour nous faire entendre le flux et Cependant, ce lexique se trouve lui-même associé
le reflux de la mer. Ce travail d’orfèvre emporte le lecteur, à la fantaisie : Pégase est une créature chimérique,
sensible à l’amertume commune de l’amour et de la mer. l’expression « Ô lyre ! Ô délire ! Ô… » reprend les rimes
c. La dynamique du sonnet permet des effets de chute du « Bateau ivre » de Rimbaud.
qui donnent une véritable force à l’idée évoquée. Ces trois champs lexicaux mettent donc en évidence
• Tout d’abord, la chute inattendue du sonnet nous le paradoxe que représente le sonnet : à la fois rigide
marque. Dans « Comme un chevreuil » de Ronsard, la et quasi mathématique par les contraintes formelles
comparaison – dévoilée à la toute fin du poème – entre qu’il impose, le sonnet permet l’expression d’une parole
l’animal libre et insouciant, cruellement blessé par poétique libre et inédite.
le chasseur, et le poète donne à ressentir la blessure 2. Recherches Raymond Queneau est un écrivain
d’amour de façon très suggestive. français cofondateur de l’Oulipo (Ouvroir de littérature
• Le dernier vers permet aussi parfois de couronner potentielle), groupe d’artistes et de mathématiciens qui
l’idée. Dans le sonnet de Pétrarque, formé d’une seule proposent de créer des œuvres littéraires à partir de
phrase très longue, la proposition principale est consti- contraintes mathématiques.
tuée par le dernier vers. Ainsi, cet appel à être témoin de Le recueil de Queneau est caractéristique des produc-
la souffrance du poète prend toute sa force. tions oulipiennes : c’est un livre d’artiste, c’est-à-dire un
Étape 4 objet-livre qui fait lui-même œuvre de littérature poten-
Il s’agit de travailler particulièrement la capacité à rédi- tielle. Il a été publié en 1961.
ger, puisque les idées ont déjà été repérées dans le travail Il se compose de dix feuilles, découpées en quatorze
précédent. lanières, qui comportent chacune un vers et corres-
Critères de réussite de la partie rédigée pondent aux quatorze vers d’un sonnet. Ce sonnet poten-
tiel présente le schéma de rimes suivant : ABAB ABAB
• Langue correcte et soignée.
CCD EED.
• Capacité à ménager des transitions entre les idées et
Une formule mathématique permet de calculer le
à utiliser les connecteurs logiques à bon escient.
• Capacité à insérer des exemples dans le propos. nombre de sonnets que ce dispositif peut proposer : 1014,
• Écrire sans trace de subjectivité : pas de « je » ni de soit cent mille milliards.
vocabulaire évaluatif.

41
CHAPITRE 2 • Le sonnet amoureux
Étape 2 Prolongement artistique et
3. On acceptera toutes les propositions cohérentes.
Version originale du sonnet culturel La fin’amor à l’origine
Se voir le plus possible et s’aimer seulement, du lyrisme amoureux p. 94-96
Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,
Sans qu’un désir nous trompe, ou qu’un remords nous Le motif courtois apparaît à l’origine de la poésie de
[ronge, langue française (dès le XIe siècle) : il se diffuse dans
Vivre à deux et donner son cœur à tout moment ; les romans ou dans le grand chant courtois. Il dessine
une conception de l’amour que la tradition poétique
Respecter sa pensée aussi loin qu’on y plonge,
lyrique continuera au moyen de motifs poétiques qui
Faire de son amour un jour au lieu d’un songe,
deviendront classiques. La connaissance des œuvres
Et dans cette clarté respirer librement –
courtoises, expression de la fin’amor, permet d’établir
Ainsi respirait Laure et chantait son amant. l’origine de la tradition lyrique amoureuse telle qu’on
Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême, la retrouve dans les poèmes de la Pléiade d’abord, mais
C’est vous, la tête en fleurs, qu’on croirait sans souci, aussi, par exemple, dans le lyrisme romantique.
C’est vous qui me disiez qu’il faut aimer ainsi.
Et c’est moi, vieil enfant du doute et du blasphème, ▶ Les origines p. 94
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci : Lecture d’image
Oui, l’on vit autrement, mais c’est ainsi qu’on aime. 1. L’homme est représenté comme un chevalier : le
Alfred de Musset, « Sonnet », Poésie nouvelles (1850). bandeau supérieur présente son blason et un heaume
4. Sonnet remis en ordre est posé à l’arrière-plan de l’image, derrière le genou
gauche de l’homme. De plus, il pratique la fauconnerie,
Chère âme, si l’on voit que vous plaignez tout bas
activité de chasse réservée à la noblesse.
Le chagrin du poète exilé qui vous aime,
On raillera ma peine et l’on vous dira même 2. Le motif floral forme un cocon autour des deux amou-
Que l’amour fait souffrir, mais que l’on n’en meurt pas. reux. La nature, très présente dans la lyrique courtoise,
est souvent l’auxiliaire des amants : on peut mentionner
Ainsi qu’un mutilé qui survit aux combats,
la ronce qui relie le tombeau de Tristan à celui d’Yseut
L’amant désespéré qui s’en va, morne et blême, dans le roman de Bédier issu des légendes médiévales,
Loin des hommes qu’il fuit et de Dieu qu’il blasphème, mais aussi l’image des mêmes amants dans le « Lai du
N’aimerait-il pas mieux le calme du trépas ? chèvrefeuille » de Marie de France, représentés sous la
Chère enfant, qu’avant tout vos volontés soient faites ! forme d’un chèvrefeuille enlaçant un noisetier.
Mais, comme on trouve un nid rempli d’œufs de
[fauvettes, ▶ Le grand chant courtois p. 95
Vous avez ramassé mon cœur sur le chemin ;
1. La nature est présente dans le poème avec :
Si de l’anéantir vous aviez le caprice, – les termes « bois », « oiseau » (v. 2), « l’aubépine »
Vous n’auriez qu’à fermer brusquement votre main, (v. 13), « feuilles et verts rameaux » (v. 18) ;
– Mais vous ne voudrez pas, j’en suis sûr, qu’il périsse ! – les références aux saisons, aux conditions climatiques :
François Coppée, « Espoir timide », L’Exilée (1877). « temps nouveau » (v. 1), « clair printemps » (v. 4), « À la
pluie et aux frimas blancs » (v. 15), « à l’aube au soleil
levant » (v. 17), « au matin éclairci » (v. 19).
2. La saison évoquée est le printemps. C’est, dans la tra-
dition courtoise, le motif de la reverdie, qui marque le
début des amours et des aventures chevaleresques.
3. Le lien amoureux est décrit grâce à l’image de l’aubé-
pine, fleur fragile et délicate, puisqu’elle « est tremblante
et souvent frémit » (v. 14).

▶ Les romans courtois p. 96


Recherches et lecture d’image
1. Lancelot du Lac est un chevalier de la Table ronde,
compagnon du roi Arthur. Il est élevé par la fée Viviane,
puis paraît à la cour arthurienne et devient l’un des meil-
leurs chevaliers de la Table ronde. Il tombe amoureux de
la reine Guenièvre, la femme de son ami Arthur.

42
CHAPITRE 2 • Le sonnet amoureux
Le personnage de Lancelot est le héros du roman de Synthèse p. 98-99
Chrétien de Troyes Le Chevalier à la charrette (vers
1180), puis de Lancelot, premier roman en prose, écrit
par un anonyme vers 1225.
▶ À construire p. 98

2. a. Lancelot traverse d’abord l’épreuve du pont de Étape 1


l’épée : il doit franchir une rivière en se déplaçant sur le 1. Travail personnel d’appropriation
tranchant d’une épée qui lui blesse les mains et les pieds On veillera à ce que les caractéristiques essentielles du
(on voit les gouttes de sang sur l’enluminure). Ensuite, sonnet aient été repérées. Il faut inciter à la reformula-
Lancelot est confronté à des lions qui se révèlent finale- tion des éléments appris.
ment être une illusion maléfique. Cette illusion dissipée, 2. Expression orale De manière évidente, certains mots
il découvre la tour du château de Baudemagu, le père peuvent être associés à plusieurs poèmes et ce choix
de Méléagant. Du haut de la tour, le roi et sa captive peut se justifier.
Guenièvre observent Lancelot. Le lendemain, Lancelot • flèche : « Comme un chevreuil » de Ronsard.
combat Méléagant pour délivrer la reine. Le poème évoque avant tout la blessure provoquée par
b. Ces épisodes successifs coexistent dans l’image, qu’il l’amour, rapide et fatal comme une flèche.
faut lire comme une bande dessinée, de gauche à droite. • pétrarquisme : « Ô pas épars… » de Pétrarque.
Ainsi l’image illustre-t-elle ici le récit. Le poème fait partie de ces sonnets qui sont à la source
des motifs et thèmes relevant du pétrarquisme.
• Pléiade : « Comme un chevreuil » de Ronsard.
Lecture cursive Le mouvement de la Pléiade s’inscrit dans la veine
pétrarquiste et compose de nombreux sonnets amoureux,
Marie de France, Lais p. 97
comme ce poème.
• duo : « Ô beaux yeux bruns… » de Louise Labé et le
Les Lais de Marie de France, de lecture facile et
sonnet du même titre d’Olivier de Magny.
agréable dans leur adaptation en français moderne,
Ces deux sonnets forment un duo : le second répond au
sont une bonne introduction au monde courtois et à
premier et chacun a pour destinataire l’autre poète.
son code amoureux. L’extrait proposé permet de prendre
• chute : tous les sonnets de ce chapitre.
conscience qu’il s’agit en fait de longs poèmes narratifs.
Ils présentent tous une chute, c’est une caractéristique
du genre.
▶ Activités p. 97
• baroque : « À Philis » de Marbeuf.
Ces activités pourront prendre place dans le carnet cultu- Ce poème est caractéristique du mouvement baroque,
rel de l’élève. marqué par l’image d’un monde mouvant comme celui
• Critères de réussite de l’eau et par des images détaillées et précieuses, à
l’excès parfois.
Illustration des lais par un détail symbolique • parodie : « L’espoir », sonnet écrit par le personnage
• Le détail choisi est pertinent. d’Oronte, dans Le Misanthrope.
• Le choix est justifié. Molière parodie, dans ce sonnet, le côté artificiel des
• L’illustration proposée est adaptée et accompagnée sonnets amoureux.
de sa source complète.
Résumé d’un des lais Étape 2
• Le résumé respecte les divers éléments du récit. Expression écrite
• Il comporte 300 mots (avec une tolérance de 30 mots). 3. Proposition de paragraphe argumentatif
• La langue est correcte. Ces poèmes peuvent apparaître avant tout comme une
Caractéristiques de l’amour courtois célébration de l’amour. La présence de l’être aimé est
• Les éléments attendus sont relevés : amour hors évoquée dans tous les poèmes, souvent sous forme de
mariage entre nobles personnages, puissance de la métonymies : les yeux notamment sont très présents.
dame dont l’amoureux devient le vassal, liaison secrète, L’aimé(e) est d’ailleurs souvent le destinataire du sonnet,
complicité de la nature, fin souvent tragique… qui l’invite à prendre conscience de l’amour éprouvé par
• L’élève a présenté ses conclusions de manière le poète. Dans plusieurs textes, le poète se place sous la
adéquate : paragraphe rédigé, tableau, carte mentale… figure du dieu de l’Amour – Cupidon ou Vénus – et insiste
sur le pouvoir de cette divinité. Ainsi, ces poèmes sont des
odes à l’amour qui célèbrent sa puissance et l’être aimé.
Cependant, on note que, plus que l’amour, la souffrance
occupe la place principale dans ces sonnets. L’être
aimé est fréquemment vu comme un être qui inflige
des souffrances au poète : il l’enflamme et le blesse de

43
CHAPITRE 2 • Le sonnet amoureux
mille façons et, alors que le poète le supplie de mettre Critères de réussite du débat
un terme à ses douleurs, il reste apparemment souvent
• Les arguments sont pertinents et s’appuient sur des
insensible. exemples piochés dans les textes du chapitre.
4. Proposition de paragraphe argumentatif • La langue choisie pour s’exprimer à l’oral est correcte
Le lyrisme est l’expression des sentiments personnels. On et a recours à un vocabulaire précis et riche.
peut noter que tous ces sonnets sont écrits à la première • Les élèves savent écouter les arguments des autres
personne et expriment l’amour et la douleur du poète pour pouvoir y répondre et les contrer.
V activité 3, supra. Par ailleurs, on retrouve des éléments
caractéristiques du registre lyrique comme le « Ô » vocatif, Lecture cursive
les marques d’une émotion intense avec la ponctuation 5. Critères de réussite du recueil de sonnets
expressive et, notamment, les nombreuses exclamatives. • La consigne est respectée : les cinq sonnets sont bien
Étape 3 postérieurs au XVIIe siècle et traitent du sentiment
5. Débat Roxane ne peut se contenter d’une simple amoureux.
• Chaque auteur est présenté de façon claire, son
déclaration amoureuse : les mots d’amour, les expres-
mouvement culturel est précisé.
sions imagées et frappantes lui paraissent nécessaires • Les images choisies pour illustrer le recueil font
pour partager avec l’autre l’intensité des sentiments. La l’objet d’une référence précise et sont pertinentes
poésie est une façon délicate d’ouvrir son cœur et de par rapport aux poèmes.
faire ressentir à l’autre la puissance de l’émotion amou- • La préface présente un ton personnel, une langue
reuse ; c’est aussi une façon de la transmettre. correcte et justifie le choix des poèmes.
• Le travail est original et soigné.

44
CHAPITRE 2 • Le sonnet amoureux
3
CHAPITRE

Anatomie de la beauté féminine


La poésie du Moyen Âge au XVIIIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu • Lecture 1 : Clément Marot, « Blason du beau Tétin », « Blason du laid Tétin », p. 102-103
à une analyse détaillée • Lecture 2 : Mellin de Saint-Gelais, « D’un œil », p. 104-105
• Lecture 3 : Pierre de Ronsard, « Marie, vous avez la joue aussi vermeille… », p. 106
• Lecture 4 : Joachim Du Bellay, « Ô beaux cheveux d’argent… », p. 107
• Lecture 5 : Paul Scarron, « Vous faites voir des os quand vous riez, Hélène… », p 108
• Atelier : Louise Labé, « Tant que mes yeux pourront larmes épandre… », p. 110
• Atelier : Pierre de Marbeuf, « L’anatomie de l’œil », p. 112
Lectures • Poème de Marot sur l’accord du participe passé, p. 103
complémentaires • Molière, Le Misanthrope, acte II, scène 4 (la scène des portraits), p. 109
• La Bruyère, « De la mode », Les Caractères, p. 109
Groupement de textes complémentaires • Le blason dans la poésie moderne
• Charles Baudelaire, « Un hémisphère dans une chevelure », p. 114
• Guillaume Apollinaire, « Je pense à toi, mon Lou… » et un calligramme, p. 115
• André Breton, « L’union libre », p. 116
• Claude Roy, « Dormante », p. 117
• Léopold Sédar Senghor, « Femme noire », p. 118
Moments de grammaire • Histoire de l’accord du participe passé, p. 103
• Analyse logique de phrases, p. 104, 111
• Marques de l’énonciation, p. 104, 106
• Types de phrase, p. 107
• Modes verbaux, p. 108
Écrits d’appropriation • Écrire une définition du blason et du contre-blason, p. 103
• Récrire en français moderne, p. 103
• Réaliser une anthologie poétique sur les saisons du cœur, p. 105
• Composer un blason, p. 106
• Atelier : écrire un blason anatomique à la manière de Marbeuf, p. 112-113
Écrits vers le bac Commentaire de texte Dissertation
• Rédiger une analyse, p. 104,107 • Justifier à l’oral un jugement sur l’œuvre, p. 104
• Atelier : commentaire guidé, • Dissertation, p. 120
p. 110-111
Exercices d’oral • Lecture expressive, p. 103, 108, 117
• Justifier un jugement sur l’œuvre, p. 104
• Comparer deux poèmes, p. 107
• Réaliser une anthologie sonore, p. 118
• Débattre : l’image de la femme dans le blason, p. 120
Exercices de confrontation • Lecture 1 : Clément Marot, « Blason du beau Tétin », « Blason du laid Tétin », p. 102
ou de synthèse • Confrontation orale de deux sonnets, p. 107
• Au fil de la lecture sur les textes complémentaires, p. 114
Travaux de recherche • Les Grâces et les Muses, p. 100-101 • Le mythe d’Orphée, p. 117
• La Fornarina de Raphael, p. 106 • Ayana V. Jackson, p. 118
• Le motif des baigneuses, p. 117 • Le portrait à la Renaissance, p. 120
Lectures d’images • Raphaël, Les Trois Grâces, p. 100
ou de films • Raphaël, Le Parnasse (détail), p. 101
• Hans Baldung, Les Trois Âges et la Mort, p. 103
• Sandro Botticelli, Le Printemps, p. 105
• Raphaël, La Fornarina, p. 106
• Man Ray, Le Violon d’Ingres, p. 116
Lectures cursives • Pablo Neruda, La Centaine d’amour, p. 119
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 120-121

45
joue d’un instrument qui n’est pas la lyre antique, mais
OBJECTIFS DU CHAPITRE un instrument de la Renaissance semblable à un violon,
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude La poésie la lyre à bras. À ses pieds coule la fontaine de Castalie,
du Moyen Âge au XVIIIe siècle. Il propose d’étudier un dont l’eau est réputée donner l’inspiration poétique à
genre (le blason) à partir de sa naissance au XVIe siècle celui qui la boit. Il est le dieu protecteur des Arts et de
et dans son développement jusqu’au XVIIe siècle (et la Beauté. Les neuf Muses sont réparties de chaque côté
jusqu’au XXe siècle pour le groupement complémen- et représentent chacune un art. Deux groupes de quatre
taire). C’est l’occasion d’inscrire le chapitre dans un Muses sont symétriques, la dernière est représentée de
parcours d’histoire littéraire qui montrera l’évolution dos. Elles font le lien (par les regards et les gestes) entre
des formes poétiques. D’autre part, le motif littéraire le dieu Apollon et les autres personnages du tableau qui
(éloge de la beauté féminine) permet de nombreux sont les grands poètes de l’Antiquité et de la Renaissance.
liens avec l’histoire des arts ainsi que l’observation de On peut reconnaître certaines Muses à leurs attributs.
ses variations : de l’éloge au blâme, l’éloge ironique… • À la droite d’Apollon, Calliope, en blanc, tient la trom-
• Les formes poétiques représentées sont, de même, pette de la renommée, et représente la Poésie épique.
très diverses : blason traditionnel, sonnet, poème en • En face de Calliope, en bleu, Terpsichore, qui tient une
vers libre, en prose, calligramme. Ce chapitre sera lyre, est la Muse de la Danse.
l’occasion d’un panorama des formes poétiques et • De dos, en robe jaune, Erato, qui tient un luth (anachro-
permettra d’initier les élèves de seconde aux règles nisme), est la Muse de la Poésie lyrique.
prosodiques. • À droite pour le spectateur, Polymnie, la Muse de la
Rhétorique, est identifiable à sa main droite en action,
• Le chapitre pourra enfin démarrer une réflexion sur
qui harangue l’auditoire.
la place du corps de la femme dans les représenta-
tions artistiques : image allégorique de la beauté par • On peut encore identifier Melpomène, à gauche, Muse
association à la figure de Vénus, objet de passion, de la Tragédie, et Thalie, à droite, Muse de la Comédie :
de désir, ou objet tout court. Les œuvres proposées toutes deux tiennent un masque entre les mains.
se font l’écho des différentes manières d’aborder la • La tablette noire est sans doute un attribut d’Uranie,
beauté féminine. Muse de l’Astronomie.
• À gauche, les deux Muses enlacées seraient alors Clio
(Muse de l’Histoire) et Euterpe (Muse de la Musique).
3. Docs 2 à 4 Dans les trois œuvres, on observe l’associa-
Ouverture p. 100-101 tion de la notion de beauté à la femme. Dans le quatrain
de Du Bellay, le vers 2 « Je n’écris de beauté, n’ayant
▶ Activités p. 101 belle maîtresse » exprime cette association.
C’est la femme qui inspire à l’artiste son discours (poé-
1. Doc. 2 Recherches Dans la mythologie grecque, ce
tique ou pictural) sur la beauté.
groupe de trois personnages féminins est appelé les Cha-
rités. Elles représentent la beauté, le charme, la sensua- 4. Doc. 1 La (re)découverte des médecins antiques à la
lité et la fécondité. Repris dans la mythologie romaine Renaissance change le regard sur le corps. Les savants
sous le nom des Gratiae (« Grâces » en français), le font des dissections et produisent des dessins anato-
groupe se compose traditionnellement de trois person- miques (Vésale) pour expliquer le fonctionnement du
nages allégoriques : Euphrosyne (l’Allégresse), Thalie corps, et les artistes recherchent les lois mathématiques
(l’Abondance) et Aglae (la Beauté). qui régissent les proportions parfaites (ex. : L’Homme de
Elles constituent un motif courant dans la peinture de la Vitruve de Léonard de Vinci).
Renaissance où elles sont très souvent représentées nues
et associées en une ronde. On les trouve chez Botticelli
V p. 105, Raphaël, Cranach…
2. Doc. 3 a. et b. Recherches Cette fresque orne un mur
Lecture 1 Cl. Marot,
de la chambre de la Signature (un cabinet de travail du Blasons anatomiques p. 102-103
pape) au Vatican. Elle a été commandée à Raphaël par le
pape Jules II. La pièce comprend plusieurs fresques célèbres Cette première lecture propose de confronter deux
représentant la raison, la foi, la justice et l’art. Elle est conti- œuvres qui forment une sorte de diptyque poétique.
guë à la célèbre fresque L’École d’Athènes. V p. 65 Ces poèmes ont la particularité de fonder le genre du
Ce détail central de la fresque de Raphaël représente blason : Marot, alors en exil, envoie à la cour le premier,
Apollon entouré des neuf Muses sur le mont Parnasse. « Blason du beau Tétin », pour la divertir et se rappeler à
La figure d’Apollon, reconnaissable à sa couronne de lau- son bon souvenir. Le succès du poème entraîne une série
rier, est centrale, et mise en valeur par les quatre arbres de joutes poétiques qui installe le genre du blason dans
qui forment comme un dais au-dessus du personnage. Il la poésie de cour.

46
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
Pour cette première lecture, nous faisons le choix de ne « petite boule d’ivoire « pour tripe réputé » (v. 15)
donner qu’un extrait des deux poèmes dans une version /Au milieu de qui est « emprunté ou dérobé […] /
modernisée. assise/ Une fraise ou De quelque vieille chèvre
une cerise » (v. 6-8) morte » (v. 16-18)
▶ Activités p. 103 « gauche » (v. 15) « propre pour en Enfer nourrir
« mignon » (v. 15) l’enfant de Lucifer » (v. 19-20)
Découverte du texte
1. Ces deux poèmes se lisent en miroir, l’un étant la Ce relevé permet de mettre en avant deux réseaux lexi-
version dégradée et burlesque de l’autre. Tous deux caux qui s’opposent :
décrivent un sein sous forme d’éloge ou de blâme. – beauté, blancheur, fraîcheur, fermeté, petitesse, ron-
2. Évidemment, les adjectifs « beau » et « laid » des deur, association au fruit, d’une part ;
titres respectifs sont pertinents, mais au premier texte – flétrissure, grandeur, avachissement, laideur, associa-
on associera aussi la jeunesse (« jeune », « frais »…) et tion au monde animal et au diable, d’autre part.
au second la vieillesse (« vieux », « abîmé »…). Langue On pourra, pour compléter le relevé, et en rela-
tion avec le programme de grammaire, faire repérer les
3. Les Trois Âges et la Mort est un motif pictural connu propositions subordonnées relatives des deux poèmes.
pour évoquer la fuite du temps et la course de la vie
humaine. Ce tableau représente un enfant, une jeune Expression orale
femme et une vieille femme : c’est l’image du vieillisse- 7. Outre la lecture expressive, on pourra travailler la
ment qui se termine par la présence en arrière-plan de la prononciation du « e » dans le vers. La lecture du contre-
Faucheuse, allégorie de la mort. Le lien entre les figures blason montrera l’aspect comique, satirique du texte.
est signifiant : la vieille femme semble tirer vers elle la
Expression écrite
jeune femme et est elle-même emmenée par la mort qui
lui tient le bras. Le nourrisson tient le manche de la faux 8. Proposition de définitions rédigées
et ferme ainsi le « cercle de la vie ». Des symboles comme • Le blason, tel que Marot l’invente dans la première
le sablier (le temps), le globe (l’universalité) posé sur le partie du XVIe siècle, est un poème qui fait l’éloge d’une
sablier, la chouette (messagère de la mort) soulignent et partie du corps féminin. Composé d’octosyllabes agen-
guident cette lecture allégorique. La jeune femme res- cés en rimes suivies, il se construit sur une apostrophe
semble à la vieille femme trait pour trait, ce qui permet de anaphorique désignant la partie du corps que le poète
mettre en évidence les signes de l’âge (que l’on retrouvera loue. Non exempt de grivoiserie, il est davantage comique
étudiés à l’activité 6). Pourtant leur regard et leur position que lyrique.
les opposent. Ces deux figures s’opposent ainsi comme les • Le contre-blason, tel que Marot l’invente également
deux poèmes : même sujet, vision épidictique (éloge ou dans la première partie du XVIe siècle, est un poème qui
blâme), mise en valeur de la jeunesse associée à la beauté blâme une partie du corps féminin. Composé d’octosyl-
et de la vieillesse associée à la laideur. labes agencés en rimes suivies, il se construit sur une apos-
trophe anaphorique désignant la partie du corps que le
Analyse comparée des deux extraits poète décrit. Grivois et satirique, il est avant tout comique.
4. Marot choisit une forme poétique simple qui devient
le modèle des blasons du début du XVIe siècle : des octo- ▶ Histoire de la langue p. 103
syllabes et des rimes suivies.
La langue française du XVIe siècle
5. Les deux poèmes se construisent sur une anaphore
de l’apostrophe « Tétin » : le poète s’adresse sous forme Cette activité permet de s’intéresser à l’histoire de la
d’éloge ou de blâme à une partie du corps féminin qui se langue et de l’orthographe. Le XVIe siècle en constitue en
voit ainsi morcelé. C’est une caractéristique du blason tel effet une époque importante.
qu’il a été conçu à l’origine par Marot. • Proposition de réécriture du poème
6. Le relevé est limité aux adjectifs et images : Enfants, écoutez une leçon :
Notre langue a cette façon
Caractéristiques Caractéristiques
Que le terme qui va devant
du beau Tétin du laid Tétin
Régit volontiers le suivant.
« refait » (v. 1) « flat » (v. 2) Les vieux exemples je suivrai
« plus blanc « Grand’ » (v. 2) Pour le mieux : car, à dire vrai,
qu’un œuf » (v. 1) « longue » (v. 2)
La chanson fut bien ordonnée,
« de satin blanc » (v. 2) « besace » (v. 4)
« tout neuf » (v. 2) « grillé » (v. 11) Qui dit « Mon amour vous ay ai donnée » :
« plus beau que nulle « pendant » (v. 11) Et Du Bateau est étonné,
chose » (v. 4) « flétri » (v. 12) Qui dit « Mon amour vous ay ai donné ».
« dur » (v. 5) « laid » (v. 14) Voilà la force que possède
Le féminin quand il précède.

47
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
Or je prouverai par bons témoins, • Phrase 3 (v. 21-32) : Quand l’œil-soleil l’illumine, le
Que tous les pluriels n’ont font pas moins : poète est heureux.
Il faut dire en termes parfaits, • Phrase 4 (v. 33-40) : Cette chaleur nouvelle renforce son
« Dieu en ce monde nous a faits » ; amour.
Il faut dire en paroles parfaites : 4. Le poète s’exprime à la première personne. Ses
« Dieu en ce monde les a faites », marques sont nombreuses : pronom personnel sujet
Et il ne faut pas dire, en effet, « je » (v. 13, 18, 28), réfléchi « me » (v. 13), complément
« Dieu en ce monde les a fait » « moi » (v. 7, 22), « me » (v. 33), possessif « des miens »
Ni « nous a fait » pareillement, (v.15) ; déterminant possessif « mon » (v. 5, 20, 22, 24, 29,
Mais « nous a faits » tout rondement. 39) et « mes » (v. 26, 27, 37).
• Marot s’intéresse à l’accord du participe passé. En sui- Il s’adresse à l’œil en l’apostrophant (« Œil », v. 1, 5, « Bel
vant ses préconisations, on peut établir une règle : si œil », v. 14) et en le vouvoyant : pronom personnel sujet
le mot concerné par le participe passé est placé avant « vous » (v. 13, 33), complément « vous » (v. 18, 21) ;
ce participe, alors on accorde le participe avec ce mot. déterminant possessif « vos » (v. 35).
Cette « règle » permet d’expliquer l’accord actuel du par- 5. La métaphore associe l’œil et le soleil au vers 5 : « Œil,
ticipe passé employé avec être (accord avec le sujet) et le seul soleil de mon âme ». L’œil est ainsi comparé à un
avec avoir (accord seulement avec le COD placé avant astre qui, tel le soleil sur le monde, régit la vie intérieure
l’auxiliaire). du poète. Cette métaphore météorologique est filée tout
Remarque. Pour comprendre le premier exemple de le long du poème pour développer le thème des relations
Marot, il faut savoir qu’« amour » est alors souvent amoureuses : « temps froid, ou […] chaleureux » (v. 10),
considéré comme un nom féminin. Cette hésitation « temps pluvieux, ou serein » (v. 11), « qu’il pleuve »
sur le genre du mot demeure en français moderne où (v. 14), « obscure nuée » (v. 15), « s’éclaircit » (v. 17). Cette
« amour » est masculin au singulier et féminin au plu- métaphore permet d’évoquer des saisons du cœur dans
riel (« des amours malheureuses »). Cependant, le mot lesquelles l’hiver image des relations froides et distantes,
a tendance à devenir masculin dans les deux cas depuis le printemps le renouveau de l’amour, l’été la plénitude
le début du XXe siècle. Il partage cette bizarrerie avec les amoureuse : « Mon triste hiver » (v. 20), « un beau prin-
mots « orgue » et « délice ». temps » (v. 25), « un bouillant été » (v. 40).
6. L’œil possède un pouvoir sur les sentiments :
« éblouir » (v. 3), « éjouir » (v. 4), « Qui rend mes esprits
tout contents » (v. 26), « Je sens renaître […] / Dans mon
Lecture 2 M. de Saint-Gelais, cœur dix milles pensées / Si douces » (v. 28-30), « jouir
tant de ce plaisir » (v. 34), « mes sens allumer » (v. 37). On
Œuvres poétiques p. 104-105 comprend ce pouvoir du regard comme une métonymie
de la femme aimée dont l’amour passe par le regard.
Ce texte, contemporain de l’œuvre de Marot, offre une
première variation sur le genre du blason en en faisant Expression orale
un poème lyrique. 7. Cette activité prépare à la dissertation : il s’agit de jus-
tifier un jugement sur l’œuvre. La tonalité comique voire
▶ Activités p. 104 grivoise du poème de Marot est absente. Le blason devient
un discours de l’amoureux soumis aux affres de l’amour
Découverte du texte
selon qu’il lit de la froideur ou de la chaleur dans le regard
1. Le poème fait l’éloge d’une partie du corps féminin, de la femme aimée. Pour justifier le lyrisme du poème, on
l’œil. Sa versification est simple : des octosyllabes en rimes pourra se référer à la fiche 11. V p. 480
suivies. Le poème constitue donc un blason de l’œil. On montrera ainsi que le poème :
2. Le poète s’adresse à l’œil par une apostrophe anapho- – présente les marques de la première personne ;
rique (v. 1, 5, 14). Il en fait l’éloge et dit le pouvoir que – évoque les sentiments personnels du poète ;
l’œil a sur lui. Nous comprenons ainsi l’œil comme la – a recours à la nature pour les imager ;
métonymie de la femme aimée, dont les sentiments – est musical.
passent par le regard.
Expression écrite
Analyse du texte 8. Cette activité prépare au commentaire : il s’agit de
3. a. et b. rédiger une analyse à partir des repérages de l’activité 5.
Langue • Phrase 1 (v. 1-4) : La beauté et la clarté de l’œil L’étape 4 de la fiche 18 V p. 534 pourra servir de guide
ne laissent personne indifférent. méthodologique.
• Phrase 2 (v. 5-20) : Cet œil est comme un soleil : quand On veillera particulièrement à l’association des exemples
il est froid et distant, le poète est malheureux. à une interprétation.

48
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
Activité supplémentaire • À gauche, le groupe représente les trois Grâces : elles
On pourra comparer ce poème à « La courbe de tes symbolisent la beauté, le charme, la sensualité et la
yeux… » de Paul Éluard, dans le recueil Capitale de fécondité.
la douleur (1926), qui affirme, dans un lyrisme plus • Enfin, le personnage masculin est Mercure dont on
moderne, la puissance du regard amoureux. reconnaît les attributs : le casque, les sandales ailées et
le caducée. C’est le dieu du Commerce et du Ravitaille-
ment, mais aussi le messager des dieux. De son caducée,
▶ Lecture de l’image p. 105
il chasse les nuages de l’hiver pour permettre l’avène-
Le Printemps, Sandro Botticelli ment du printemps.
Ce célèbre tableau de Botticelli a été peint pour Laurent Botticelli fait du printemps la saison de l’amour et de la
de Médicis. Œuvre de la première Renaissance, il est beauté, promesse de fécondité.
peint selon la technique de la tempera ou détrempe (pig-
ments liés par de la colle ou de l’œuf ) sur un panneau de ▶ Histoire littéraire p. 105
bois. La peinture à l’huile est alors en train de faire son
apparition en Italie. Le motif littéraire et pictural des saisons
1. Le tableau est une allégorie du printemps : les Cette activité propose la création d’une anthologie poé-
couleurs sont chaleureuses, la végétation luxuriante tique sur les saisons du cœur. Il s’agit de réaliser un calen-
présente des fleurs et des fruits (des orangers). Une drier regroupant douze poèmes évoquant les saisons et
jeune femme voit des fleurs sortir de sa bouche, alors les associant à un sentiment. La recherche de poèmes se
qu’une autre les jette à la volée. Les personnages fémi- fera sans difficulté tant le motif est courant.
nins se ressemblent et leur beauté est mise en valeur : On pourra proposer d’inscrire cette anthologie dans un
corps longilignes, traits fins, chevelures blondes. Le carnet culturel ou bien demander la réalisation d’un
petit cupidon annonce des amours à venir. Deux per- objet (recueil, calendrier, boîte à poèmes…) plus créatif.
sonnages masculins encadrent les figures féminines :
l’un souffle tel le vent et l’autre arrête les nuages. Le
printemps, saison du renouveau après les rigueurs de
l’hiver, annonce les dons de la nature généreuse, les
amours naissantes.
2. L’arrière-plan du tableau forme un écrin végétal Lecture 3 P. de Ronsard,
sombre sur lequel se découpent les personnages peints
avec des couleurs claires et chaudes. Le personnage cen- Second Livre des Amours p. 106
tral est particulièrement mis en valeur par les arbres
Dans ce poème, la tradition du blason se fond dans
qui forment un cadre autour de lui. De part et d’autre,
un lyrisme amoureux : il s’agit de célébrer la beauté de
deux groupes de trois personnages forment une sorte
Marie. La forme du sonnet, autre héritage de Marot,
de chorégraphie, car le tableau évoque le mouvement :
condense le portrait dans la dynamique concise de ses
dans la partie droite du tableau, tournant le dos à la zone
quatorze vers.
sombre (les arbres n’y ont ni fleurs ni fruits) et froide (le
vert et le bleu dominent), les trois personnages sont liés
par un mouvement qui les dirige au centre du tableau. ▶ Activités p. 106
La partie gauche est occupée par la ronde de trois jeunes Découverte du texte
filles. Enfin, le personnage masculin à l’extrême gauche
1. Langue Le poète s’adresse à Marie, qu’il apostrophe
rappelle le personnage central par la couleur rouge du
au vers 1 et vouvoie ensuite grâce au pronom personnel
vêtement.
sujet « vous » (v. 1, 2, 5, 9, 13, 14), au pronom personnel
3. Recherches La recherche sur les personnages vient complément « vous » (v. 8) et aux déterminants posses-
confirmer les analyses précédentes. sifs « vos » (v. 6, 7, 12) et « votre » (v. 12).
• Le groupe des trois personnages de droite est constitué Nous observons donc une première variation du blason :
de Zéphyr, allégorie du Vent de printemps qui enlève le poème ne s’adresse plus à une partie du corps (le tétin,
la nymphe Chloris. Leur union transfigure celle-ci en la l’œil…), mais à la femme admirée et louée.
déesse Flore, divinité latine des Fleurs et de la Fertilité,
2. a. Ce blason prend la forme d’un sonnet V Fiche 15,
représentée le plus à gauche dans le groupe.
p. 510, ce qui l’éloigne encore du modèle des premiers
• Au centre, la déesse Vénus, déesse de l’Amour et de
blasons.
la Beauté, est représentée telle une vierge (le signe de
b. Le dernier vers permet d’opposer l’apparence physique
la main évoque une bénédiction). Son ventre rebondi
de Marie, délicate et sensuelle, à son caractère. Ronsard
(comme celui des autres jeunes femmes du tableau) est
signifie-t-il par ce trait que Marie résiste à ses avances ?
une promesse de fécondité.

49
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
Analyse du poème Critères de réussite du blason
3. a. Tableau de repérage • Le poème fait l’éloge du corps (vocabulaire du corps
Partie du corps Caractérisation associé à des images et à un vocabulaire mélioratifs).
• Le poème s’adresse à la femme.
joue (v. 1) « aussi vermeille / Qu’une rose • Le poème respecte les règles de versification.
de mai » (v. 1-2) • La langue est correcte.
cheveux (v. 2) « De couleur châtaigne » (v. 3)
lèvres (v. 6) « une mignarde abeille [y] forma ▶ Image et recherches p. 106
son doux miel savoureux » (v. 5-6)
1. La Fornarina est la fille du boulanger.
yeux (v. 7) « rigoureux » (v. 7)
« Amour [y] laissa ses traits » (v. 7) 2. Son modèle pourrait être Margarita Luti, fille d’un
boulanger de Sienne dont Raphaël tomba amoureux (le
voix (v. 8) « Pithon [la] fit à nulle autre
nom de ce dernier apparaît brodé sur le ruban qui orne
pareille » (v. 8)
le bras de la jeune fille).
tétins (v. 9) « Comme deux monts de lait […]
façonne » (v. 10-12) 3. Ce qui rapproche les deux œuvres est la beauté simple
du modèle.
bras (v. 12) « De Junon » (v. 12)
sein (v. 12) « des Grâces » (v. 12)
front et main (v. 13) « de l’Aurore » (v. 13)
Deux réseaux lexicaux se croisent dans la description
de Marie : celui de la nature et celui de la mythologie. Lecture 4
La Marie célébrée ici par Ronsard est Marie Dupin, une J. Du Bellay, Les Regrets p. 107
jeune paysanne angevine dont il tomba amoureux. Sa
poésie devient alors plus simple et sensuelle, le portrait Ce nouveau sonnet offre une variante intéressante :
se faisant bucolique. Les comparants évoquent la fraî- c’est un blason ironique. Reprenant les codes de l’éloge
cheur et la beauté d’une nature simple (châtaigne, miel, en les appliquant à une caractérisation négative du per-
fromage frais). sonnage féminin, il compose un contre-blason original.
On peut en outre observer que ce portrait morcelé de la Comme dans le « Blason du laid Tétin », nous retrouvons
jeune fille semble suivre l’ordre du regard du poète : du la vieillesse associée à la laideur.
visage au buste puis à l’attitude générale.
b. Ces réseaux lexicaux donnent de la jeune fille l’image
simple et fraîche d’une paysanne, associée à la beauté
▶ Activités p. 107

des déesses de la mythologie. Découverte du texte


4. Cinq figures mythologiques permettent de faire 1. Cette réécriture du poème est une activité qui a pour
l’éloge de Marie. but de familiariser les élèves avec la langue du XVIe siècle.
• Amour : nom donné à Cupidon (romain) ou Éros (grec). Récrire permet la compréhension du texte et c’est sou-
C’est le dieu de l’Amour qui, armé de son arc, tire des vent à ce stade que les élèves comprennent la nature
flèches (« traits ») d’argent dans le cœur de ses victimes. ironique du blason qui leur a échappé à la première lec-
• Pithon : il s’agit de Peithó, Océanide, fille de Thétys et ture. Nous proposons une simple modernisation de l’or-
d’Océan. Déesse de la Persuasion, elle devient une com- thographe, mais on peut aussi demander une réécriture
pagne d’Aphrodite-Vénus et d’Éros-Cupidon. en français moderne.
• Junon : déesse du Panthéon romain, associée à la Proposition de réécriture du poème
déesse grecque Héra, femme de Zeus. À l’origine c’est, Ô beaux cheveux d’argent mignonnement retors !
comme son nom l’indique (Juno, en latin, vient de juve- Ô front crêpé, et serein ! et vous face dorée !
nis, « jeune »), une déesse de la Jeunesse et de la Force Ô beaux yeux de cristal ! Ô grande bouche honorée,
vitale. Qui d’un large repli retrousse tes deux bords !
• Les Grâces : groupe de trois divinités représentant la Ô belles dents d’ébène ! Ô précieux trésors,
beauté, le charme, la sensualité et la fécondité. Qui faites d’un seul rire toute âme enamourée !
• Aurore : déesse mythologique de l’Aurore, elle est Ô gorge damasquinée en cent plis figurée !
condamnée par Vénus à aimer des mortels. Et vous beaux grands tétins, dignes d’un si beau corps !
Expression écrite Ô beaux ongles dorés ! Ô main courte et grassette !
5. Cette activité pourra prendre place dans un éventuel Ô cuisse délicate ! et vous jambe grossette,
carnet culturel de l’élève. Et ce que je ne puis honnêtement nommer !

50
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
Ô beau corps transparent ! Ô beaux membres de glace !
O divines beautés ! pardonnez-moi de grâce,
Lecture 5 P. Scarron, Recueil de
Si pour être mortel, je ne vous ose aimer. quelques vers burlesques p. 108-109
Remarque. La réécriture perturbe la métrique du vers
Cette dernière lecture s’inscrit dans le genre du
(v. 2, 6 et 7). On pourra faire observer l’accord de l’adjectif
contre-blason, mais, plus tardive, elle se fait morale, à la
« grand » (v. 3), alors encore épicène, et que l’on retrouve
manière des œuvres du XVIIe siècle. Le blason est ici une
dans « grand-mère » ou dans le toponyme « grand-rue ».
satire de la rieuse.
Analyse du poème
2. Ce sonnet se rapproche du blason par plusieurs ▶ Activités p. 108
caractéristiques :
Découverte du texte
– l’énumération de diverses parties du corps : cheveux,
front, face, yeux, bouche, dents, gorge, tétins, ongles, 1. Le poète s’adresse à « Hélène » (v. 1).
main, cuisse, jambe, corps, membres. Notons que l’ordre 2. Le poème est un sonnet régulier. V Fiche 15, p. 510
de ce portrait reprend en le continuant celui proposé par 3. Ce poème est un contre-blason : c’est un blâme.
Ronsard dans son éloge de Marie ;
4. Le poète critique le rire d’Hélène et son caractère de
– les marques de l’éloge : la répétition de « beau(x) »,
« rieuse », c’est-à-dire moqueuse.
« belles ».
3. Langue a. Le blason est constitué jusqu’à l’avant-der- Analyse du poème
nier vers de phrases nominales qui sont autant d’apos- 5. Le premier quatrain est consacré à la description
trophes aux parties du corps. Elles se manifestent des dents d’Hélène. Leur description est péjorative :
par l’emploi de l’interjection « Ô » et sont de formes « guère blancs » (v. 2), « fragments » (v. 3), « noirs comme
exclamatives. l’ébène » (v. 3), « cariés et tremblants » (v. 4).
b. Cette forme évoque l’éloge : l’interjection et la forme 6. Le second quatrain s’attaque au rire d’Hélène.
exclamative expriment l’admiration. Il est marqué par l’hyperbole : « vous éclatez à vous
4. À regarder de plus près la caractérisation des parties rompre les flancs » (v. 6) évoque son rire explosif et
du corps, le blâme apparaît : violent dont les conséquences sont évoquées au dernier
les cheveux sont indisciplinés (« retors », v. 1), le front et vers du quatrain « Peut les [les os des dents] mettre à vos
la gorge ridés (« crêpé, damasquinée, cent plis », v. 2, 7), pieds, déchaussés et sanglants ».
le teint sombre (« doré », v. 2), la bouche déformée et La mention de « la toux » et de « l’haleine » suggère la
pendante, les dents noirs (« ébène », v. 5), les yeux sans mauvaise santé du personnage et accentue l’aspect mal-
couleur (« de cristal », v. 3), le corps imposant (« grands sain du portrait.
tétins », « jambe grossette », v. 8, 10)… 7. Langue Dans les deux tercets apparaissent des
Expression écrite verbes à l’impératif (« Ne vous mêlez donc plus », v. 9,
« Fréquentez », « devenez », v. 10, « Riez », v. 13) et au
5. Cette activité constitue une préparation au commen-
subjonctif (« que vous creviez », v. 14). Le poète donne
taire. Le paragraphe reprendra en les rédigeant les ana-
un conseil à Hélène au premier tercet, celui de cesser
lyses des activités 2 à 4. Les élèves pourront s’appuyer sur
de rire. Devant l’indifférence d’Hélène, le poète jette
la méthode de rédaction. V Fiche 18, p. 534
sa malédiction, dans la chute du sonnet, par l’emploi
Expression orale du subjonctif : « Pourvu que vous creviez de rire, il me
6. Cette activité de confrontation pourra s’appuyer sur suffit. »
les observations suivantes : 8. La virulence de la critique transparaît dans les hyper-
– forme poétique des textes ; boles et la violence des termes utilisés : le registre est
– caractéristiques du genre du blason et, notamment, nettement satirique.
ordre de la description ;
Expression écrite
– énonciation ;
– vocabulaire caractérisant les parties du corps ; 9. Vers le commentaire
– registres (lyrisme bucolique d’une part, ironie et grivoi- Proposition de plan du commentaire
serie d’autre part) ; I. Un contre-blason du rire
– enjeux : déclaration d’amour ou de dégoût. 1. Un contre-blason du sourire
a. La description des dents
b. Des dents au rire
2. Une description très péjorative
a. Des caractérisants péjoratifs
b. Un sourire malsain

51
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
II. Une satire violente de la rieuse 2. Tableau de caractérisation
1. Le portrait en action d’une rieuse Qui ? Quand ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ?
a. L’adresse à la rieuse : Hélène Louise au milieu son sonnet montrer
b. L’évocation hyperbolique du rire d’Hélène Labé, du amour au lyrisme l’amour
2. Conseils et malédiction du poète poétesse XVIe siècle inquiet douloureux malheureux
a. Utilisation de la dynamique du sonnet : du blason à lyonnaise pour comme
la satire Olivier source de
b. Les conseils du poète de Magny l’inspiration
c. La malédiction finale poétique

Expression orale Étape 2


10. La lecture du poème nécessite un travail préalable Les deux quatrains
de repérage des « e » prononcés, des liaisons et diérèses. 3. La poétesse s’exprime à la première personne : elle
emploie le pronom personnel sujet « je » (v. 9, 10) et de
▶ Histoire littéraire p. 109 nombreux déterminants possessifs : « mes » (v. 1, 10),
« ma » (v. 4, 5, 11), « mon » (v. 12, 14).
Les portraits satiriques au XVIIe siècle
Elle s’adresse à l’être aimé en le tutoyant : elle emploie
• Dans l’extrait du Misanthrope, Géralde est vaniteux : il le pronom personnel complément « toi » (v. 2, 8) et le
s’enorgueillit de ses connaissances haut placées. Iphis, déterminant possessif « tes » (v. 6).
dans Les Caractères fait preuve d’un autre genre de vanité : Le poème est majoritairement écrit au futur simple de
il est victime de la mode. Ce sont, dirait-on aujourd’hui, un l’indicatif : « pourront » (v. 1), « pourra » (v. 4, 5), « vou-
snob et une fashion victim (« victime de la mode »). dra » (v. 7), « sentirai » (v. 10), « Prierai » (v. 14), indiquant
• Ces deux portraits sont des portraits en action : ce n’est que la poétesse envisage l’avenir.
pas le physique du personnage qui est décrit, mais ses 4. Langue Les deux quatrains enchaînent les proposi-
actions, qui permettent de révéler son portrait moral. tions subordonnées conjonctives temporelles, intro-
duites par la locution conjonctive « Tant que » (repris par
le « que » vicariant, v. 3). Ils ne forment pas une phrase
Atelier Commentaire guidé – complète, et le lecteur attend la proposition principale
constituant le premier vers du premier tercet.
L. Labé, Sonnets p. 110-111 5. Le poème évoque des éléments du corps : les yeux (à
travers les larmes), la bouche (à travers la voix), la main.
▶ Activités p. 111
Mais c’est pour évoquer l’état d’âme : « larmes » (v. 1),
Étape 1 « sanglots et soupirs » (v. 3), « esprit » (v. 7).
1. Proposition de réécriture en français moderne La tonalité du poème est élégiaque : c’est un lyrisme
Tant que mes yeux pourront répandre des larmes, malheureux qui regrette le bonheur passé (v. 2).
À regretter le bonheur vécu avec toi ; 6. À la rime, les verbes sont omniprésents, entremê-
Et que ma voix pourra résister aux sanglots et soupirs lant l’expression de la détresse amoureuse (« larmes
Et un peu se faire entendre ; épandre », « regretter », « aux sanglots et soupirs résis-
ter », « contenter », « comprendre ») et la nécessité du
Tant que ma main pourra tendre les cordes
chant poétique (« faire entendre », « cordes tendre »,
Du luth délicat, pour chanter tes grâces ;
« chanter »).
Tant que l’esprit pourra se contenter
De ne vouloir rien sauf de te comprendre ; Les deux tercets
7. Le premier tercet débute par la proposition principale
Je ne souhaite point encore mourir.
qui conclut la première phrase du poème. L’expression y
Mais quand je sentirai mes yeux taris,
est simple et directe et comporte le seul verbe au pré-
Ma voix cassée, et ma main impuissante, sent : « Je ne souhaite encore point mourir » (v. 9). Les
Et mon esprit, en ce mortel séjour, conditions exprimées par les subordonnées introduites
Ne pouvant plus montrer les signes d’une amante ; par « tant que » font du chant poétique la seule contre-
Je prierai la mort de noircir mon plus clair jour. partie acceptable d’une vie amoureuse malheureuse.
Remarque. Les deux-points ne sont pas utilisés comme 8. La deuxième phrase du poème débute par la conjonc-
dans la langue moderne. Ils équivalent ici au point-vir- tion de coordination « Mais » (v. 10) exprimant l’opposi-
gule. Étienne Dolet, dans son traité De la punctuation en tion. En écho aux quatrains, on retrouve les yeux sources
langue françoyse (1540), indique que le signe des deux- des larmes, la voix source du chant, la main qui joue de
points « tient le sens en partie suspens », alors que le la musique. Mais ils sont caractérisés différemment : les
point « conclud la sentence ». yeux sont taris, la voix « cassée », la main « impuissante ».

52
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
Le chant n’est plus possible, et la poétesse appelle alors Atelier Écrire un texte
la mort dans le second tercet.
L’ensemble du texte d’imitation – P. de Marbeuf,
9. La poétesse dévoile le pouvoir consolateur du chant « L’anatomie de l’œil » p. 112
lyrique dans le poème. Elle s’inscrit ainsi dans la lignée des
grands poètes élégiaques, renouvelant le mythe d’Orphée. ▶ Activités p. 113
10. L’activité poétique devient alors sa seule raison de
Étape 1
vivre.
1. Ce blason est original car il ne fait pas l’éloge lyrique
Étape 3 de la femme admirée ou aimée. Il décrit objectivement
11. C’est la deuxième problématique qui convient à l’organe de l’œil.
l’analyse du poème. 2. Le schéma permet de lever certaines difficultés lexi-
Les liens entre l’amour et la poésie sont paradoxaux car cales liées à l’emploi de termes scientifiques. Marbeuf
l’inspiration poétique qui permet au poète de chanter se livre en effet à une description anatomique de l’œil.
l’amour vient de la douleur de l’amour perdu.
3. L’extrait présenté est composé de cinq quatrains
12. Proposition de plan détaillé d’alexandrins proposant des rimes croisées. L’alternance
I. La douleur d’aimer entre rimes masculines et féminines est respectée.
1. L’amour perdu
4. Le texte est au présent de vérité générale. Marbeuf
2. L’expression élégiaque du regret
décrit l’œil en général et non un œil particulier.
II. Le chant consolateur
1. Les liens entre l’amour et la poésie 5. Le premier quatrain propose une vision générale et
2. La poésie nécessaire et vitale extérieure de l’œil. Les trois quatrains suivants détaillent
son anatomie interne. Le dernier quatrain évoque l’uti-
Étape 4 lité de l’œil.
13. Exemple de grille d’évaluation 6. La première strophe compare l’œil à une forteresse
ou d’autoévaluation du commentaire avec les termes « château » (v.1), « pont-levis » (v. 3),
Réalisé « garde-corps » et « remparts » (v. 4).
à améliorer * 7. Le vocabulaire scientifique domine les trois quatrains
Non réalisé
satisfaisant ** suivants.
très bien ***
8. a. La fonction conclusive du dernier quatrain est
Introduction annoncée par le terme « Bref » (v. 17).
Présentation de l’auteur Une fois l’œil décrit, le poète en rappelle la fonction qui
et de l’œuvre est de « [connaître] tout l’univers » (v. 18).
Problématique b. Le chiasme du vers 18 met en valeur le paradoxe de
l’œil qui peut tout saisir sauf lui-même.
Plan pertinent
et annoncé Étapes 2 et 3
Développement Cette activité pourra prendre place dans un éventuel
Le développement carnet culturel de l’élève.
est construit : parties Critères de réussite du blason anatomique
et sous-parties présentes
et articulées logiquement. • Le texte décrit objectivement et scientifiquement
une partie du corps humain.
Des analyses sont • Le vocabulaire est précis et juste, incluant le lexique
proposées : citations de l’anatomie.
du texte et interprétation. • Le mouvement du texte imite le modèle :
Le commentaire reprend une première partie décrit l’aspect général extérieur,
les éléments de la lecture une deuxième s’applique à décrire l’anatomie interne,
linéaire. une dernière conclut sur la fonction de la partie
du corps choisie.
Conclusion
• Si la forme est versifiée, les règles de versification
Correction de la langue sont respectées.
• La langue est correcte (syntaxe et orthographe).

53
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
Groupement de textes tes cheveux », l. 1) qui affirme la puissance évocatoire de
la chevelure (« Mon âme voyage sur le parfum », l. 6) ;
complémentaires – § 3, 4 et 5. Ils détaillent ce voyage réalisé grâce à la
Au fil de la lecture p. 114 mémoire affective : des sensations délivrées par la cheve-
lure font apparaître des souvenirs de voyage ;
Le parcours proposé dans le chapitre montre l’origine – § 6. Comme une boucle, il revient à la prière initiale
et les variations du genre du blason dans les bornes et conclut le poème : « Quand je mordille tes cheveux
temporelles du programme. Ce groupement de textes élastiques et rebelles, il me semble que je mange des
complémentaires illustre la fortune du genre, à partir du souvenirs » (l. 23-24).
XIXe siècle et du renouveau de la poésie lyrique. Il permet 5. C’est par les sensations que le processus mémoriel
de mettre en évidence l’évolution des formes poétiques est déclenché (principe de la mémoire affective). Chaque
du XIXe siècle au XXe siècle. sensation liée à la chevelure en entraîne une autre liée
au souvenir (c’est le principe de la synesthésie, ou des
« correspondances » selon le terme de Baudelaire : une
combinaison de différentes sensations s’appelant l’une
Texte complémentaire 8 l’autre.). Ainsi le poète évoque-t-il les sensations :
Ch. Baudelaire, – olfactives : « l’odeur de tes cheveux » (l. 1), « un mou-
choir odorant » (l. 3), « tout ce que je sens » (l. 5), « où l’at-
Le Spleen de Paris p. 114 mosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et
par la peau humaine » (l. 10-11), « l’odeur du tabac mêlé
Si le poème peut se lire comme un blason de la che-
à l’opium et au sucre » (l. 19-20), « odeurs combinées du
velure, il exploite aussi le motif de la femme muse, la
goudron, du musc et de l’huile de coco » (l. 21-22) ;
chevelure emportant le poète dans un voyage intérieur
– visuelles : « tout ce que je vois » (l. 5), « où l’espace
et poétique. Ce poème concrétise en outre le projet
est plus bleu et plus profond » (l. 10), « d’hommes vigou-
esthétique que Baudelaire exposait à son éditeur Arsène
reux de toutes nations et de navires de toutes formes
Houssaye quand il lui présentait le recueil des Petits
découpant leurs architectures fines et compliquées sur
Poèmes en prose : « une prose poétique, musicale sans
un ciel immense » (l. 13-14), « l’infini de l’azur tropical »
rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour
(l. 20-21) ;
s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondu-
– tactiles : « l’éternelle chaleur » (l. 15), « les caresses de
lations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ».
ta chevelure » (l. 16), « bercées par le roulis impercep-
tible du port » (l. 17-18), « sur les rivages duvetés de ta
▶ Activités p. 114
chevelure » (l. 21), « les gargoulettes rafraîchissantes »
Découverte du texte (l. 18) ;
1. La chevelure de la femme permet au poète de s’échap- – gustatives : « Quand je mordille tes cheveux élas-
per par le rêve vers un monde exotique qui lui rappelle tiques et rebelles, il me semble que je mange des souve-
ses voyages (« Mon âme voyage sur le parfum », v 6). nirs » (l. 23-24) ;
– auditives : « tout ce que j’entends » (l. 5-6), « chants
2. Bien qu’en prose, ce poème est un blason car il évoque
mélancoliques » (l. 12-13).
une partie du corps féminin, la chevelure. La structure
La chevelure de la femme a le pouvoir de réactiver les
du poème rappelle celle du blason, puisque chaque
souvenirs du poète et de faire apparaître, par l’intermé-
amorce de paragraphe invoque la chevelure de la femme :
diaire des sens, un monde exotique.
« Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes
cheveux » (l. 1), « Si tu pouvais savoir tout ce que je vois !
tout ce que je sens ! tout ce que j’entends dans tes che-
veux ! » (l. 5-6), « Tes cheveux contiennent tout un rêve »
(l. 8), « Dans l’océan de ta chevelure, j’entrevois » (l. 12), Texte complémentaire 9
« Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve » (l. 16),
« Dans l’ardent foyer de ta chevelure, je respire » (l. 19).
G. Apollinaire, Poèmes à Lou
3. Le poème est original car la chevelure de la femme p. 115
n’est pas décrite, elle ne fait pas directement l’objet d’un
éloge. C’est sa puissance d’évocation qui est célébrée par Ici encore, la tradition lyrique du blason croise les
le poème. recherches formelles de la poésie moderne. Elle croise
aussi l’expérience de la guerre ; et l’évocation de la
4. Le poème se compose de sept paragraphes et de trois
femme aimée ne relève pas tant de l’éloge que de l’ex-
parties :
pression de la présence ressentie de la femme aimée
– § 1 et 2. Ils constituent une prière sensuelle à la femme
dans l’univers de la guerre.
(« Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de

54
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
▶ Activités p. 115 aimée. Dans l’extrait sont évoqués la chevelure, la taille,
la bouche, les dents, la langue, les cils, les sourcils, les
Découverte du texte tempes, les épaules, les poignets et les doigts.
1. Le texte est un poème : la disposition des vers (majo- 2. Le poème est construit par l’accumulation de
ritairement des alexandrins) en strophes (cinq distiques phrases nominales et l’anaphore « Ma femme à/
et un quatrain pour cet extrait) et la présence de rimes au(x)… ». Chaque partie du corps est alors décrite par
en témoignent. On pourra faire remarquer aux élèves une métaphore.
l’absence de ponctuation caractéristique de la poésie
3. Les comparants appartiennent majoritairement au
d’Apollinaire.
lexique de la nature : les animaux, les végétaux, les miné-
Mais le poème est aussi une lettre. Il présente en effet
raux. La femme devient ainsi un monde sous la plume du
une énonciation similaire à celle de la lettre : le poète
poète surréaliste.
s’y exprime en son nom à la première personne, et le
destinataire est clairement identifié (« mon Lou », v. 1) et
présent à travers les marques de la deuxième personne
▶ Lecture d’image p. 116

du singulier. Le poète évoque au présent la situation qu’il 1. Man Ray associe de manière surréaliste le dos de la
vit (« ce soir », v. 3). L’amorce du poème, enfin, est carac- femme à un violon en dessinant à l’encre des ouïes sur
téristique du style épistolaire (« Je pense à toi », v.1). la photographie. La forme du dos est l’élément commun
2. Le poète associe la femme et la guerre grâce à des qui justifie ce rapprochement.
métaphores et des comparaisons : « ton cœur est ma 2. Tout comme André Breton s’inspire de la tradi-
caserne / Mes sens sont tes chevaux ton souvenir est tion poétique pour construire son blason surréaliste
ma luzerne (v. 1-2), « Ta bouche est la blessure ardente V Texte 10, p. 116, Man Ray s’inspire de la tradition
du courage » (v. 6), « Nos fanfares éclatent dans la nuit picturale. Sa baigneuse rappelle celle de La Baigneuse
comme ta voix » (v. 7), « Nos 75 sont gracieux comme de Valpinçon, célèbre tableau d’Ingres : pose du modèle,
ton corps / Et tes cheveux sont fauves comme le feu d’un turban, drapé… La référence à Ingres et à la peinture
obus qui éclate au nord » (v. 9-10). Ainsi, à l’expérience académique permet d’autre part de revendiquer la pho-
vécue de la guerre se superpose le souvenir de la femme tographie comme un art.
aimée.
3. « Avoir un violon d’Ingres » est une expression qui
3. Cette évocation prend la forme d’un blason origi- met d’abord le spectateur sur la piste du célèbre peintre
nal, puisqu’elle décrit différentes parties du corps de la dont la photographie s’inspire. Ensuite, elle éclaire l’en-
femme : cœur, bouche, voix, corps, cheveux, mains. jeu du cliché. Elle signifie « avoir une passion » (Ingres,
Découverte du calligramme bien que peintre, se passionnait pour la pratique du
violon). On peut alors comprendre l’image comme une
1. Proposition de définition du calligramme
double déclaration : au modèle d’abord, Kiki de Mont-
Le calligramme est un dessin constitué par les mots du
parnasse, dont Man Ray était amoureux ; à la photogra-
poème et représentant ce que le poème évoque.
phie ensuite, à laquelle Man Ray donnera ses lettres de
2. Ce calligramme relève du blason car il décrit Lou par noblesse.
les mots et par l’image. On y repère l’évocation du nez,
de l’œil, de la bouche, de la forme ovale du visage, du cou, ▶ Histoire littéraire p. 116
du buste et du cœur de Lou.
L’image surréaliste
Cette activité propose l’analyse d’images surréalistes.
Elle permet, outre l’objectif d’histoire littéraire, de tra-
vailler l’analyse d’une figure et l’expression de cette ana-
Texte complémentaire 10 lyse à l’écrit ou à l’oral.
A. Breton, Clair de terre, p. 116 Exemple d’analyse
« Ma femme à la chevelure de feu de bois » (v. 1)
Le poème et l’image associée montrent comment l’es- • Comparé : la chevelure
thétique surréaliste s’appuie sur des formes lyriques Comparant : le feu de bois
traditionnelles pour les renouveler, notamment par un • Éléments communs : la couleur, l’aspect brillant ou
travail sur l’image insolite. lumineux, la forme des flammes évoquant des mèches
folles.
▶ Activités p. 116
• Sens ajouté : l’aspect chaleureux, réconfortant, hypno-
Découverte du texte tique du feu de bois peut constituer une piste. Le mouve-
1. Ce poème relève du blason car il décrit de manière ment ondoyant des flammes en est une autre.
élogieuse différentes parties du corps de la femme

55
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
Texte complémentaire 11 être la préparation des Questions d’ensemble V p. 118,
qui proposent de constituer une anthologie sonore des
Cl. Roy, Clair comme le jour poèmes du chapitre.
p. 117
▶ Histoire des arts p. 117
Le poème de Claude Roy réinvestit les caractéristiques Les baigneuses sont un motif fréquent dans la peinture
formelles et thématiques du blason moderne étudiées et la sculpture. Elles sont l’occasion de mettre en scène
précédemment chez Baudelaire, Apollinaire ou Breton. Il le corps dénudé, permettant ainsi à la fois d’en magni-
reprend aussi le motif pictural de la baigneuse. La singu- fier la beauté et d’exposer la maîtrise de l’artiste. Dans
larité de ce poème blason est qu’il est narratif. l’Antiquité, le motif de Vénus anadyomène (« sortie des
eaux ») ou des nymphes aquatiques donne l’occasion de
▶ Activités p. 117
traiter ce thème. Dans la mythologie chrétienne, le motif
Découverte du texte de « Suzanne au bain » est abondamment représenté.
1. Le texte peut être associé au genre du blason car il Dans l’art moderne, le motif se sécularise : ce sont des
décrit de manière élogieuse et morcelée le corps d’une femmes au bain (la mode de l’orientalisme y est pour
jeune fille allongée sur la plage. Le poète évoque ses pieds, beaucoup) ou des baigneuses à la plage.
ses yeux, ses jambes, ses cheveux, ses bras, son regard.
2. Les quatre premiers quatrains invoquent la figure de
la jeune fille à la deuxième personne du singulier, consti-
tuant ainsi une apostrophe anaphorique qui structure le Texte complémentaire 12
poème : « Toi ma dormeuse » (v. 1), « toi ma songeuse » L. S. Senghor,
(v. 3), « toi ma berceuse » (v. 7), « toi que j’attends toi
qui te perds » (v. 8), « Mon oublieuse […] / toi qui me Chants d’ombre p. 118
trompes… » (v. 13-14).
Le cinquième quatrain, telle une chute du poème, met Cette dernière lecture associe le blason, la modernité
en scène le poète face à la dormeuse. formelle et l’engagement de l’artiste. Poète de la négri-
tude, Senghor fait ici l’éloge de la femme africaine, loin
3. Le poème raconte le réveil d’une jeune fille endor-
des clichés coloniaux qui ont pu y être attachés.
mie sur la plage sous le regard du poète. Il évolue de
l’observation de la jeune endormie à l’angoisse de la
perdre, puis à la jalousie : « mon souci » (v. 7), « toi qui ▶ Activités p. 118
me trompes avec le vent avec la mer » (v. 14). Il met en Découverte du texte
scène son regard : « je t’attends je t’attends je guette ton 1. Comme dans les autres poèmes du groupement, le
retour » (v. 17). regard du poète s’attarde sur différentes parties du corps
4. Recherches Orphée est la figure tutélaire du poète de la femme pour en faire l’éloge : ses mains, sa chair,
lyrique dans la mythologie grecque. Ayant perdu sa sa bouche, sa voix, sa peau, sa chevelure. Il se construit
femme, Eurydice, le poète se rend dans les enfers afin par une apostrophe qui rythme le poème : « Femme nue,
de la ramener sur terre. Son chant exceptionnel charme femme noire » (v. 1, 6, 11, 16).
Hadès qui lui rend Eurydice à la condition qu’il ne la 2. La forme, entre vers libres et versets, rend ce poème
regarde pas avant d’être sorti des enfers. Sur le chemin, original. On peut aussi noter qu’il ne s’adresse pas à
Orphée se retourne et la perd ainsi à jamais. Le reste de une femme en particulier, qui serait la femme aimée ou
sa vie est consacré à chanter la perte de la femme aimée. admirée, mais aux femmes noires en général.
On peut interpréter de diverses manières cette référence :
3. Le poète célèbre d’abord la femme mère (« J’ai grandi
– de manière narrative : tant que la jeune fille dort, le
à ton ombre », v. 3), puis la femme sensuelle, dans le
poète peut la rêver sienne, mais il la perd à son réveil.
reste du poème.
– de manière esthétique : la jeune fille est la muse inspi-
ratrice du poète. Son chant lui est consacré. 4. Le poète associe la femme à l’Afrique en la comparant
à la savane (v. 8), au tam-tam (v. 9), à une gazelle (v. 13).
Expression orale
5. L’interprétation du poème demande à l’élève de ▶ Recherches p. 118
reconstituer les pauses du texte selon les règles de la
syntaxe. C’est une activité d’appropriation intéressante 1. Ayana V. Jackson est une artiste afro-américaine
puisque l’élève ne peut faire l’impasse sur le sens du texte. contemporaine. Photographe, elle travaille sur la repré-
En outre, le poème est écrit en alexandrins qui, bien que sentation des Noirs dans l’art. Ses clichés reprennent
libérés des règles prosodiques classiques, imposent un souvent les codes des portraits célébrant la beauté fémi-
rythme particulier au poème. Enfin, cette activité peut nine en prenant comme modèle des femmes noires.

56
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
• Pour consulter son site Synthèse p. 120-121
V https://www.ayanavjackson.com/
• Une interview en français
V http://nothingbutthewax.com/culture/ayana-v-jackson-
▶ À construire p. 120

quelle-est-notre-histoire-lorsque-nous-prenons-le- Étape 1
controle-de-la-narration/7170/ 1. Proposition de définition
2. Ses photographies ont la volonté d’offrir une représen- Le blason est un genre poétique introduit par Clément
tation des femmes noires qui remette en cause l’image Marot en France dans la première moitié du XVIe siècle. Il
habituelle : en effet, le regard des Occidentaux souligne fait l’éloge d’une ou plusieurs parties du corps féminin. À
généralement la misère, le folklore, la condition de l’origine, sa forme poétique est simple : octosyllabes ou
domestique. décasyllabes en rimes suivies. Il évolue avec l’histoire de
la poésie et prend des formes diverses.
Étape 2
Expression orale
Questions d’ensemble p. 118 2. Pistes de correction
On sera particulièrement attentif aux arguments qui, à
Cette activité de mise en voix des poèmes pourra être l’issue du chapitre, doivent être consistants et dévelop-
associée à un carnet personnel, surtout si celui-ci est réa- pés : les élèves pourront évoquer la richesse des images,
lisé sur un support numérique. la dynamique du poème, son registre…
La mise en voix nécessite de réinvestir l’analyse du
3. Tableau de synthèse des textes
poème, qui permet une lecture juste et sensible du texte.
V voir tableau page suivante
Étape 3
Expression orale
Lecture cursive P. Neruda, 4. Débat
Pistes de correction
La Centaine d’amour p. 119 Simone de Beauvoir observe que la poésie de Breton fait
de la femme un objet.
Le recueil de Pablo Neruda comprend cent sonnets
Cette critique peut être étendue à de nombreux blasons :
d’amour répartis en quatre temps : matin, midi, soir et
non seulement la femme n’y est qu’un objet, mais encore
nuit, évoquant différentes phases de la passion amou-
elle y est morcelée, détaillée par le regard du poète. Mis à
reuse du poète pour Matilde Urrutia. Les images simples
part Louise Labé – qui est le sujet et l’objet de sa poésie –,
et insolites, souvent inspirées de la nature, créent un
aucune femme évoquée ne s’exprime.
lyrisme moderne et propre à toucher les lecteurs adoles-
cents. Ce recueil peut aussi accompagner le chapitre 2 Expression écrite
sur le sonnet amoureux. 5. Vers la dissertation Ce sujet appelle un plan de dis-
sertation thématique qui envisage les différentes places
▶ Activités p. 119 possibles des femmes dans les poèmes.
Proposition de plan
L’anthologie réalisée pourra prendre place dans un éven-
I. La femme, objet poétique
tuel carnet culturel.
1. La femme admirée
Critères de réussite de l’anthologie 2. La femme blâmée
• Présence d’au moins un blason parmi les quatre II. La femme aimée
poèmes choisis. 1. La femme aimée, destinataire du poème ?
• Justification pertinente : émotion, originalité 2. La femme désirée
des images… III. La femme inspiratrice
• Adéquation des images. 1. La muse
• Présence de la source complète des images. 2. La femme, allégorie de la Beauté
• Mise en page, soin de la réalisation.
• Qualité de la langue dans les textes de présentation. Histoire des arts
6. Cette activité propose des recherches autour d’une
période fondatrice de l’histoire de la peinture euro-
péenne. Elle pourra prendre place dans un éventuel car-
net culturel de l’élève.

57
CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
On renverra les élèves à ces sites pour se documenter. Critères de réussite du dossier
• Histoire du portrait
• Choix adéquat des cinq œuvres.
V https://www.augustins.org/ • Mention précise de la source des œuvres.
documents/10180/15597167/fgen02s.pdf • Paragraphe de présentation : pertinence
• Histoire et définition du portrait des informations données.
V https://www.ac-orleans-tours.fr/fileadmin/user_upload/ • Texte de présentation générale : pertinence
ia37/PDF/Missions/actions_culturelles/beaux-arts/ du contenu.
Dossier_pédagogique_PORTRAIT_Lariven.pdf • Mise en page soignée.
• Qualité de la langue : vocabulaire, syntaxe,
orthographe.

Tableau de synthèse des textes V étape 2. 3., supra


Auteur, titre Date Mouvement Forme poétique Vision de la femme
Cl. Marot, 1534 – octosyllabes, la femme jeune, objet
« Blason du beau Tétin » rimes suivies du désir
Cl. Marot, 1534 – octosyllabes, la vieille femme, objet
« Blason du laid Tétin » rimes suivies de dégoût et de moquerie
M. de Saint-Gelais, 1574 – octosyllabes, le pouvoir de la femme
« D’un œil » (publication) rimes suivies aimée sur le poète
P. de Ronsard, 1555 la Pléiade sonnet la beauté sensuelle et simple
« Marie, vous avez la joue d’une paysanne
aussi vermeille… »
J. Du Bellay, 1556 la Pléiade sonnet une vision ironique, un blâme
« Ô beaux cheveux de la vieillesse
d’argent… »
P. Scarron, 1654 – sonnet le portrait satirique
« Vous faites voir des os… » d’une femme : une rieuse
L. Labé, 1555 l’école sonnet la femme poétesse tirant son
« Tant que mes yeux (publication) de Lyon inspiration de la souffrance
pourront larmes épandre… » amoureuse
P. de Marbeuf, 1628 – quatrains d’alexandrins, n’évoque pas la femme,
« L’anatomie de l’œil » rimes croisées mais l’organe de l’œil
Ch. Baudelaire, 1869 – poème en prose une approche sensuelle
« Un hémisphère dans une (publication) de la chevelure qui invite
chevelure » au voyage
G. Apollinaire, 1914 – vers libres l’image de la femme aimée
« Je pense à toi mon comme soutien pendant
Lou… » la guerre
G. Apollinaire, 1914 – calligramme la femme aimée comme
calligramme objet d’admiration et de désir
A. Breton, 1931 le surréalisme vers libres la femme sensuelle,
« L’union libre » femme-monde
Cl. Roy, 1943 – quatrains d’alexandrins la femme rêvée, fantasmée
« Dormante »
L. Sédar Senghor, 1945 la négritude versets la femme mère, femme
« Femme noire » sensuelle

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CHAPITRE 3 • Anatomie de la beauté féminine
4
CHAPITRE

Le poète en prison
La poésie du Moyen Âge au XVIIIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu Quatre poèmes ou extraits de poèmes de poètes emprisonnés
à une analyse détaillée • Charles d’Orléans, « En regardant vers le pays de France », p. 124
• François Villon, « Frères humains… », p. 126
• Clément Marot, « Épître au roi pour sa délivrance », p. 128
• André Chénier, « Au pied de l’échafaud j’essaye encore ma lyre », p. 130
Lectures complémentaires • Lecture d’une chanson, p. 125
• Théophile de Viau, « Lettre à son frère », p. 132
• Guillaume Apollinaire, « À la Santé », p. 134
Prolongement artistique et culturel • La ballade
• François Villon, « Ballade des dames du temps jadis », p. 136
• Jean de La Fontaine, « Ballade III pour le second terme à M. Fouquet », p. 137
• Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac (acte I, scène 4), p. 138
Moments de grammaire • L’expression de la première personne, p. 125
Écrits d’appropriation • Réécrire une ballade en prose et en français moderne, p. 125
• Écrire une requête « à la manière de », p. 129
• Atelier : écrire une lettre fictive, p. 134-135
Écrits vers le bac Commentaire de texte
• Rédiger le plan détaillé, p. 127, 131
Dissertation
• Atelier : dissertation guidée, p. 132-133
Exercices d’oral • Lire un poème à voix haute, p. 125
• Justifier le choix d’un auteur à l’oral, p. 129
• Proposer une lecture expressive et collective d’un poème, p. 131
• Présenter un poème choisi et appris, justifier le choix, p. 139
Exercices de confrontation • Synthèse, p. 140-141
ou de synthèse
Travaux de recherche • Établir le contexte d’une œuvre, p. 135
• Max Jacob, p. 140
Lectures d’images • Enluminure du XVe siècle, p. 124
ou de films • François Villon, Le Testament : la Ballade des pendus, p. 127
• Vincent Van Gogh, La Cour de prison, p. 135
Lectures cursives • Jean Cassou, Trente-Trois Sonnets composés au secret, p. 139
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 140

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c. Les couleurs joyeuses du vitrail, le confort de la cel-
OBJECTIFS DU CHAPITRE lule (une table, une chaise, une bougie, des plumes, une
• Le chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude La poésie fenêtre…), l’attitude de John Bunyan qui écrit et ses
du Moyen Âge au XVIIIe siècle et s’articule autour du riches vêtements manifestent une image étonnamment
thème de l’emprisonnement. Il pose la question du positive de sa captivité.
rapport entre la création poétique et l’inspiration d. La plume de John Bunyan et les manuscrits du Tasse
dans le contexte de l’enfermement : que signifie être renvoient à l’inspiration qu’ils trouvent dans leur cellule
emprisonné, pour le poète ? Comment l’expérience et au réconfort que l’écriture apporte. Ces objets évoquent
de la prison influence-t-elle l’écriture poétique ? De aussi les œuvres qu’ils ont écrites : La Jérusalem délivrée
manière plus générale, ce chapitre interroge aussi les du Tasse et Le Voyage du pèlerin pour Bunyan, dont on
fonctions de la poésie : pourquoi écrire en prison et voit une partie sur les colonnes qui entourent le vitrail.
qu’exprimer ? 3. Docs 1 et 3 La fenêtre est un motif poétique qui sym-
• Le chapitre suit donc un chemin chronologique, qui bolise la liberté et l’inspiration.
permettra aux élèves de découvrir également des Elle représente la création poétique comme une ouver-
formes poétiques traditionnelles, parfois oubliées ture vers un ailleurs, souvent meilleur, ou l’envol vers un
aujourd’hui. Enfin, le choix des poèmes a été guidé idéal à atteindre.
par le souci de permettre aux élèves de rencontrer 4. Le nuage de mots peut être élaboré collectivement et
certains grands poètes de la tradition française. il est souvent un appui efficace pour formuler des problé-
• La contextualisation occupe une place particulière matiques qui guideront le chapitre.
ici : nécessaire à la compréhension immédiate des Propositions de problématiques
textes, elle ouvre à la (re)découverte d’époques sou- • En quoi l’enfermement est-il pour les poètes un moyen
vent méconnues des élèves. d’exprimer leurs sentiments ?
• Enfin, la difficulté des textes, pour des élèves de • En quoi la prison est-elle une expérience unique dans
seconde, justifie que leur étude s’attache en priorité la vie d’un poète, qu’il va vouloir retranscrire dans son
à l’élucidation du sens des poèmes, aux procédés œuvre ?
saillants et à l’analyse de la tonalité générale de ces • Comment l’expérience de la prison renvoie-t-elle le
œuvres. poète à des questions existentielles ?
• Comment l’expérience de la prison transforme-t-elle
• En prolongement, les élèves découvriront la forme l’homme, le poète, l’œuvre ?
poétique de la ballade, particulièrement en vogue • Pourquoi et comment écrire quand on est en prison ?
dans la poésie de la fin du Moyen Âge et du début
du XVIe siècle. Cette forme, aujourd’hui oubliée des
poètes, s’est trouvée continuée dans la chanson popu-
laire, notamment dans les pays anglophones.

Lecture 1 Charles d’Orléans,


Ballades p. 124-125
Ouverture p. 122-123
▶ Lecture d’image p. 124

▶ Activités p. 122 1. Charles d’Orléans se trouve à la fenêtre de la tour de


Londres, blanche, au centre de la miniature.
1. Le Tasse a été interné à cause de sa santé mentale
fragile. 2. La miniature représente plusieurs épisodes successifs
Le pasteur John Bunyan a été emprisonné pour avoir de sa captivité. Ces épisodes successifs coexistent dans
refusé de se convertir à l’anglicanisme et pour avoir l’image, qu’il faut lire comme une bande dessinée, de
continué à prononcer ses sermons en public. gauche à droite.
À gauche, le départ des troupes – quand Charles
2. Docs 2 et 3 a. Bunyan regarde le ciel à travers la d’Orléans, au pied de la tour, est encore libre – rappelle
fenêtre de sa cellule. que Charles d’Orléans a été fait prisonnier suite à la
b. La lumière vient de l’étoile très brillante dans le ciel. défaite française à Azincourt.
Elle représente la présence divine et rappelle l’étoile dite Au centre, il est captif à la tour de Londres.
du berger qui a guidé les Rois mages vers le berceau En bas à droite, il est en train d’écrire dans la salle du
de Jésus, selon la tradition chrétienne : elle est l’étoile château : sans doute des poèmes, puisque c’est pendant
qui montre le chemin et guide vers la vérité divine. Elle ses vingt-cinq années de captivité qu’il a rédigé ballades,
symbolise aussi l’inspiration de Bunyan, qu’il trouve sans rondeaux et rondels.
doute dans la parole divine.

60
CHAPITRE 4 • Le poète en prison
▶ Activités p. 125 b. Les élèves devront ajouter :
– les pronoms sujets manquants des verbes ;
Découverte du texte – les articles manquants devant les noms ;
1. a. Charles d’Orléans choisit d’écrire une ballade. – parfois, certaines prépositions.
b. Le poème est composé de trois couplets (des sep- Remarque. L’expression du regret du pays natal est un
tains), suivis d’un envoi (un quatrain). Chaque strophe topos poétique que l’on retrouve dans le sonnet XXXI des
se termine par le refrain « De voir France que mon cœur Regrets de Du Bellay « Heureux qui comme Ulysse… »
aimer doit ». Les mêmes rimes reviennent, selon une ou dans son sonnet IX « France, mère des arts... ».
structure en ABABBCC. V Caractérisation de la ballade,
p. 136, 508 ▶ Chanson écho p. 125
2. La dernière strophe, appelée « envoi », a pour rôle de
Un chanteur contemporain inspiré
conclure le poème. Charles d’Orléans clôture son poème
par Charles d’Orléans
par un éloge de la paix : « Paix est trésor qu’on ne peut
• La musique de Laurent Voulzy, bien que sur un support
trop louer » (v. 22). C’est en effet à la guerre qu’il doit de
électro, rappelle les sonorités des chansons médiévales,
ne pouvoir rentrer dans son pays, la France.
notamment avec le chœur.
3. Langue Le poète emploie huit verbes à la première • Voulzy conserve du poème de Charles d’Orléans le pre-
personne : « souloye » (v. 4), « commençai » (v. 5), « Je mier vers « En regardant vers le pays de France » et la
m’avisai » (v. 8), « je vois » (v. 10), « tournai » (v. 12), rime en « ance » au vers 2.
« chargeai » (v. 15), « aurai » (v. 20), « Je hais » (v. 23). • Il ajoute le thème de l’amour. Si Charles d’Orléans est
On constate que cinq d’entre eux n’ont pas de pronom exilé et prisonnier de guerre, le poète Voulzy est « prison-
sujet exprimé. En ancien français – comme en latin –, nier volontaire » (v. 5) de l’amour.
l’omission du pronom personnel sujet est courante, ce qui
n’est pas le cas en français moderne où il est obligatoire.
4. Expression orale Pour la lecture, on veillera à la Lecture 2 François Villon,
bonne prononciation des « e » muets et au respect de
la ponctuation. On indiquera aux élèves que la syllabe Poésie diverse p. 126-127
« oi » ou « oye » se prononce alors « wé ». (Voir les rimes
« faisoit »/« doit », v. 6-7, ou « lassoit »/« doit », v. 13-14 : ▶ Lecture d’image p. 127
une prononciation modernisée supprimerait la rime.)
1. La pauvreté des pendus surprend : leurs vêtements
5. Le refrain vient souligner le regret du poète d’être sont modestes. Celui du milieu paraît même nu. Le des-
loin de son pays natal. Ce thème manifeste la tonalité sin est presque enfantin : composé de quelques lignes, le
élégiaque du poème. trait est stylisé (la représentation du visage se résume à
6. L’espoir renaissant du poète est exprimé par l’allégorie deux points et deux traits), sans profondeur, et présente
de l’Espérance représentée par une « nef », un bateau qui parfois des proportions fantaisistes (représentation des
transporte les souhaits du poète vers la France (v. 15-18). pieds).
7. Charles d’Orléans espère la paix, car il sait que c’est 2. La simplicité du dessin renforce paradoxalement le
elle qui mettra fin à sa captivité et qui lui permettra de pathétique de la scène. Les pendus ont de grands yeux
rentrer en France. noirs qui semblent nous regarder. Leur visage est expres-
8. Charles d’Orléans exprime dans sa ballade une plainte sif, même s’il est simplement dessiné : on les imagine
intime : le mal du pays. Il le fait grâce à une forme musi- nous interpeller, ce qui est extrêmement troublant
cale : la ballade (retour des mêmes rimes et du refrain). puisqu’ils sont morts.
Il fait aussi l’éloge de son pays natal. Son poème remplit
donc deux fonctions majeures de la poésie : lyrique et ▶ Activités p. 127
épidictique.
Découverte du texte
Expression écrite 1. François Villon, pour cette ballade, utilise des strophes
9. a. Critères de réussite de la réécriture de la ballade « carrées » composées de trois dizains en décasyllabes.
• La fidélité de la traduction.
L’envoi est un quintil en décasyllabes. Toutes les strophes
• La correction de la syntaxe : la construction des phrases se terminent sur un refrain d’un vers. La structure des
doit correspondre à l’usage du français moderne. rimes suit le schéma suivant : ABABBCCDCD. Ce
schéma alterne rimes féminine et masculine.
Ce travail peut faire l’objet d’une réflexion autour de la
notion de traduction : l’ancien français est-il une « autre 2. Situation d’énonciation
langue » ? Qu’est-ce qu’être « fidèle » ? Le sens des mots Des pendus s’adressent à leurs « frères humains » en
change-t-il ? vie. Ils semblent encore sur la potence, et « morts » si
l’on en croit la description de leurs corps mutilés aux

61
CHAPITRE 4 • Le poète en prison
strophes 1 et 3 ainsi qu’au vers 19. Mais leur âme n’a sommes transsis » (v. 15) et « Nous sommes morts »
pas encore atteint le paradis puisqu’ils prient les vivants (v. 19), à laquelle il oppose une personnification de l’âme
de les recommander à Dieu. Villon les décrit dans ce qui tourmente : « âme ne nous harie » (v. 19). L’âme vit
« moment » particulier, ce passage de vie à trépas où se encore, à la différence du corps.
joue leur salut. Le moment et le lieu d’où ils parlent font 9. Les pendus craignent d’être envoyés en enfer à cause
donc l’originalité de cette énonciation. de leurs mauvaises actions :
3. Le refrain signale que cette ballade est une sorte de « quoique fûmes occis / Par justice » (v. 12-13), « Nous
prière adressée aux vivants pour le salut de l’âme des préservant de l’infernale foudre » (v. 18).
pendus. Le thème du pardon, de l’absolution, est donc au Strophe 3
centre du poème. 10. Cette strophe est particulièrement macabre : Villon
Analyse du texte y développe le tableau réaliste des corps mutilés com-
mencé à la strophe 1.
Strophe 1
La figure de l’hypotypose construit un véritable tableau
4. Les pendus demandent aux vivants d’avoir pitié d’eux
des corps décomposés par les éléments naturels : pluie,
et de prier Dieu de pardonner leurs mauvaises actions. Les
soleil, oiseaux, vent. Là encore, le poète se plaît à don-
verbes à l’impératif viennent confirmer ces demandes :
ner des précisions très crues : « Pies, corbeaux nous ont
« N’ayez les cœurs contre nous endurcis » (v. 2). Mais c’est
les yeux cavés, / et arraché » (v. 23-24), « Plus becque-
surtout le refrain, sous forme de prière, qui exprime cette
tés d’oiseaux que dés à coudre » (v. 28). Rien ne semble
demande à quatre reprises : « Mais priez Dieu que tous
donc épargner ces pendus, soumis aux charognards et
nous veuille absoudre ! » (v. 10, 20, 30, 35).
aux intempéries.
5. Le réalisme de la description des corps vient des
Envoi
termes crus employés : la « chair » est « piéça dévorée et
11. Dans l’envoi, les pendus s’adressent à Jésus. Ils évo-
pourrie » (v. 6-7), les os deviennent « cendre et poudre »
luent donc dans leur prière puisqu’ils demandent direc-
(v. 8). Villon ne cache pas la réalité de la décomposition
tement à Jésus de leur pardonner et de sauver leur âme.
des corps des pendus. La situation est également précisée
Il n’y a plus d’intercesseurs.
dans le vers 5 de manière réaliste, puisque le poète men-
tionne qu’ils sont « attachés, cinq, six ». Le lecteur peut 12. Les cinq vers de l’envoi sont scandés sur un rythme
donc visualiser la scène avec clarté. L’utilisation du verbe 4/6. La régularité traduit la solennité de la prière et la
« voyez » au présent de l’indicatif renforce l’impression gravité de la demande des pendus, pour qui le salut
de réalisme, le poète nous place dans le tableau : « Vous de l’âme et la peur de l’enfer ne peuvent souffrir ni
nous voyez » (v. 5). « moquerie » (v. 34) ni « dédain » (v. 12).
6. Dans le vers 9, les pendus craignent que les vivants 13. Cette strophe récapitule les thèmes du poème, car
ne se moquent de leur souffrance et que personne ne on y retrouve le ton de la prière, la nécessité de prier
se soucie d’eux. Cette crainte s’exprime aussi au vers 2. pour son salut et le thème du pardon.
Strophe 2 Expression écrite
7. L’opposition entre le « nous » et le « vous » signale 14. Vers le commentaire
l’opposition entre les morts et les vivants. Proposition de plan détaillé
8. a. Le pardon est explicitement associé, dans le refrain, I. Une scène réaliste et pathétique
à la foi catholique, par la mention de la Vierge Marie 1. Une scène macabre.
(v. 16) et de Dieu. Il s’appuie sur la conception chrétienne a. Une scène de potence clairement identifiable.
du salut et du jugement dernier. Dieu pardonne ou # « cinq, six », « attachés ».
condamne l’âme des morts, mais les prières des vivants b. La présence explicite de la mort.
et la Vierge Marie peuvent intercéder auprès de lui pour # occis », « transsis », « nous sommes morts ».
réclamer sa « grâce » (v. 17). c. Des cadavres en décomposition.
b. C’est cette possible intercession qui fonde la fraternité # La description des corps passe par une hypotypose
entre les pendus et les vivants. Celle-ci est exprimée à macabre. Les termes utilisés sont crus et les éléments
l’amorce du poème dans l’apostrophe « Frères humains » (vent, soleil, etc.) signalent la violence faite aux corps
(v. 1), puis dans la deuxième strophe : « Si frères vous meurtris.
clamons » (v. 11). # « la chair » « dévorée et pourrie », « les os », « Pies,
c. Enfin, le pardon est lié à l’opposition entre l’âme et corbeaux nous ont les yeux cavés », « Plus becquetés d’oi-
le corps, car le corps redevient cendre et poussière, mais seaux que dés à coudre ».
l’âme, dans la conception chrétienne, rejoint Dieu et # danse macabre provoquée par le vent.
entre ou non au Paradis. Le poème de Villon explicite # le vent les « charrie ».
clairement la distinction entre corps et âme. Il men- 2. Les pendus suscitent la compassion : ils font pitié et en
tionne en effet deux fois la mort des pendus : « puisque appellent à la pitié.

62
CHAPITRE 4 • Le poète en prison
a. Villon insiste sur la durée du supplice : le poème est au Lecture 3 Clément Marot,
présent et le poète utilise plusieurs termes qui marquent
la durée de la décomposition. « Épître au roi
# « piéça », « puis ça, puis là », « sans cesser », « Jamais pour sa délivrance » p. 128-129
nul temps nous ne sommes assis ».
b. Les pendus en appellent à la pitié du lecteur :
# « N’ayez les cœurs contre nous endurcis », « si pitié de
▶ Activités p. 129

nous pauvres avez » (impératifs). Découverte du texte


Ils reconnaissent leurs torts : 1. Marot, emprisonné, écrit au roi François Ier pour obte-
# « nous fûmes occis /Par Justice », « excusez-nous ». nir de lui sa libération.
II. Un memento mori : la leçon de fraternité des pendus 2. Le ton de la lettre est comique et satirique.
1. Une leçon universelle. Marot adopte un tel ton pour séduire le roi et obtenir son
a. Une opposition paradoxale entre les vivants et les pardon. Il veut lui donner envie, grâce à son humour, de
morts. faire preuve de clémence à son égard.
# v. 1, v. 15.
b. Une leçon de fraternité, de charité et de vertu. Analyse du texte
# Les pendus en appellent à la pitié des vivants et leur 3. a. Marot évoque son incarcération avec humour en
enjoignent également de ne pas les juger ni de s’en comparant la prison à un monastère (v. 4-5). Il invente les
moquer (v. 3-4, 11-12, 34), ce qui est une façon de rappeler mots « Saint-Marry » et « Saint-Pris » pour signaler qu’il
à tous la condition de mortel. Quiconque aura besoin, le est attristé d’avoir été emprisonné. Ce sont des jeux de
jour de sa mort, de la bienveillance des autres pour le salut mots irrévérencieux, car Marot associe des lieux religieux
de son âme. Les pendus rappellent en outre aux vivants la à une prison.
fraternité qui les lie, en tant qu’hommes (v. 1 et 11). Le ton est déjà satirique puisque, par la distance humo-
2. Un poème religieux : une prière à Dieu. ristique, Marot dénonce son enfermement : il a été
a. L’opposition de l’âme et du corps. « cloîtré ».
# Cette opposition correspond à la vision chrétienne du b. Marot est également irrévérencieux au vers 14 : il
corps qui redevient poussière, quand l’âme, au contraire, continue sa plaisanterie associant institution religieuse
rejoint Dieu. Cette opposition est marquée dans le et institution pénitentiaire, et mentionne l’absence de
poème par la description des corps en décomposition « mot[s] de Jésus-Christ » dans son arrêt.
(strophes 1 et 3) et par la réaffirmation de l’éternité de 4. Marot raconte son arrestation du vers 8 au vers 31.
l’âme (v. 19). Il emploie plusieurs procédés pour rendre la scène
b. Une prière pour le salut de l’âme. comique :
# Le ton de la prière est clairement exprimé à la fin – il nomme les policiers « pendards » (v. 8 : dignes d’être
de chaque strophe. C’est le refrain : v. 10, 20 et 35. Ce pendus, comme s’ils étaient les coupables) et « pail-
refrain donne au poème le ton d’une complainte. L’en- lards » (v. 28) ;
jeu est de demander la « grâce » de Dieu, son pardon, – il rend le récit vivant en parlant de lui à la troisième
pour éviter les foudres de l’enfer : v. 16-18, les pendus personne pour évoquer sa surprise (v. 11-12) et en utili-
recherchent l’intercession de la Vierge Marie puis celle sant le discours direct (v. 17-20) ;
de Jésus (v. 31-32). Dans la conception chrétienne, ces – il se compare à une jeune mariée, donnant au comique
deux figures peuvent intercéder pour obtenir le pardon irrévérencieux une tonalité grivoise : « Et m’ont mené
de Dieu. ainsi qu’une épousée, / Non pas ainsi, mais plus roide un
3. Un memento mori. petit » (v. 30-31) ;
a. La généralisation du discours poétique. – il emploie des questions rhétoriques qui traduisent son
# Le pronom « tous » dans le dernier vers, situé de sur- étonnement et plaident son innocence (v. 11, 24-26).
croît dans l’envoi, autorise à élargir l’interprétation de ce
5. a. Marot a payé son avocat en lui offrant « une
« tous » : ce ne sont sans doute pas que les pendus mais
bécasse, / Une perdrix, et un levraut aussi » (v. 36-37).
bien l’ensemble des hommes. Le terme est d’ailleurs uti-
b. Il souhaite à son avocat, d’une part, d’avoir les deux
lisé dans le vers précédent en apostrophe et au pluriel :
jambes cassées (v. 35) et, d’autre part, d’être emprisonné :
« Hommes ».
« Mieux que ceux-ci, je veux qu’on me délivre, / Et que
b. Une situation d’énonciation inhabituelle qui inscrit le
soudain à ma place on les livre » (v. 43-44).
poème dans une perspective universelle.
c. Marot fait la satire des avocats en les comparant à
# Cette ballade suggère « cinq, six » locuteurs – les
des « faiseurs de pipée » (l. 41), qui utilisent de la glu
pendus, v. 5 –, qui s’adressent à un destinataire pluriel et
pour attirer les clients, leur dérober leur bien, sans pour
universel : « Frères humains » (v. 1 et 11). Villon propose
autant les faire libérer. Il les associe donc à des chasseurs,
donc bien dans cette ballade une réflexion sur le péché,
des prédateurs intéressés.
le pardon et la condition de l’homme mortel.

63
CHAPITRE 4 • Le poète en prison
6. a. Marot exprime sa requête au roi du vers 45 au 3. v. 1-24
vers 48. # L’attente horrible du bourreau par le poète.
b. Il clôt sa lettre en s’excusant auprès du roi de n’avoir v. 25-39 (1er hémistiche)
pu se rendre directement chez lui pour lui exposer sa # L’expression des sentiments du poète, dominé par la
requête. Il rappelle son emprisonnement en utilisant peur et les regrets.
l’expression « n’avoir pas eu le loisir », expression iro- v. 39 (2e hémistiche)-48
nique à l’opposé de sa situation. Ce dernier trait d’esprit # Retournement de situation : le poète se ressaisit et en
est destiné à amuser le roi. appelle au pouvoir de l’« encre » et de l’« amertume ».
v. 49-85
Expression orale
# L’élan satirique et vengeur du poète qui dénonce la
7. Critères de réussite de la réponse tyrannie.
• Réponse construite et fluide. v. 86-88
• Pertinence des arguments convoqués pour justifier le # Le ton pathétique du poète qui en appelle à la vertu.
propos :
– la forme poétique apporte du rythme et de la
Analyse du texte
fluidité à la requête et renforce le comique du texte ; 4. Le poète sait qu’il va mourir. Il se sait « Au pied de
– elle montre surtout la virtuosité de Marot poète, qui l’échafaud » (v. 3) attendant son « tour » (v. 4).
peut plaire au roi ; 5. De nombreuses images montrent que les dernières
– la tonalité satirique souligne les traits d’esprit de
heures en prison de Chénier sont effrayantes et sombres.
Marot, sa capacité à prendre du recul sur sa situation.
La première partie du poème commence par une
La requête n’est donc pas une complainte. Là encore,
elle séduira le roi avec plus d’efficacité ; personnification de l’horloge (v. 5-8), qui apparaît comme
– l’irrévérence et la satire de la justice peuvent aussi celle qui va amener la mort, qui va sonner le glas. Plus
amuser le roi sans lui manquer de respect. La critique encore, Chénier attend le « messager de mort » (v. 13),
de la cupidité des avocats est en effet assez convenue. qui l’appelera pour l’emmener à l’échafaud. Cette image
• Capacité de synthèse. convoque la mythologie grecque et fait du bourreau
une divinité infernale (« Le messager de mort, noir
Expression écrite recruteur des ombres », v. 13). L’image est développée
8. Critères de réussite de la requête avec les sonorités des vers 13 à 19 en « on » et « en »,
qui imitent les pas du possible messager et manifestent
• Respect de la forme poétique : décasyllabes.
la menace pesant sur le poète. La rime d’« ombres » et
• Structure de l’épître : petite introduction, récit d’une
mésaventure, requête, petite conclusion. de « sombres » (v. 13 et 15) renforce la noirceur de la
• Utilisation du registre satirique. scène. La personnification des « murs effrayés » (v. 12)
• Utilisation des procédés de l’épître de Marot : est une hypallage exprimant la peur des condamnés. La
comparaisons, questions rhétoriques, discours direct, métaphore des vers en « dards persécuteurs de crime »
jeux de mots, traits d’esprit… (v. 17) exprime l’angoisse de Chénier de ne pouvoir
terminer le poème (v. 10-11 et 19) et dénoncer avec
suffisamment de force l’injustice de sa condamnation.
6. La lassitude du poète est exprimée dans le second
mouvement, très lyrique. Le rythme du vers 36, très sac-
Lecture 4 André Chénier, cadé et rapide (1/1/1//2/2/2), exprime son dégoût de la
Iambes p. 130-131 vie. Les exclamatives et le tiret du vers 37 soulignent son
désir d’en finir : il appelle la mort et y voit une délivrance.
▶ Activités p. 131 Le rythme ascendant (2/4/6) du vers traduit l’espoir de
délivrance. Le poète se sent découragé, et l’enjambe-
Découverte du texte ment du vers 38-39 met en valeur l’adjectif « abattu »
1. André Chénier utilise l’alternance de l’alexandrin et et le verbe « Cède » au début du vers suivant. Rien, à ce
de l’octosyllabe. Les rimes sont croisées. Ce choix rythme stade, ne semble pouvoir redonner du courage au poète.
le poème et regroupe les vers en quatrains. Chénier 7. Dans la dernière partie du poème, le poète s’adresse à
transpose ainsi le rythme iambique, issu de la poésie la « Justice » et à la « Vérité » (v. 49).
grecque (distiques de douze syllabes et de huit syllabes).
8. Le poète reprend courage dès le vers 39, habilement
Ce choix prosodique crée un rythme à la fois heurté et
ponctué d’un tiret à la césure, qui marque explicitement
répétitif particulièrement adapté pour transcrire la voix
le changement de ton et le sursaut du poète. Le rythme,
du poète condamné.
ascendant dans le deuxième hémistiche (1/1/4), traduit
2. La mort, le désir de vengeance ainsi que la lutte contre clairement le sursaut et le regain d’espoir.
la tyrannie, pour la justice et la vérité sont les thèmes qui
traversent ce poème.

64
CHAPITRE 4 • Le poète en prison
9. Chénier voit dans la poésie une arme dès le début du Atelier Dissertation guidée
poème, puisqu’il compare ses vers à des « dards persé-
cuteurs du crime » (v. 17). La métaphore est reprise avec p. 132-133
force au vers 47 : « Dans l’encre et l’amertume une autre
arme trempée ». L’épée devient « foudre » (v. 57), capable ▶ Activités p. 133
de venger les outrages faits à la Justice et à la Vérité.
Étape 1
Le vers suivant rappelle, avec l’image du « carquois »
(v. 58), que la poésie est pour Chénier l’art de lancer des 1. Verlaine exprime sa souffrance et ses craintes.
flèches. Il continue de filer la métaphore avec l’image du 2. Reformulation b.
« sceptre d’airain » (v. 72, sceptre dont la forme rappelle
Étape 2
la masse et que la lourdeur de l’airain rend dangereux) et
du « poignard » (v. 76). 3. a. La supplique qui ouvre le poème de Théophile de
Viau est : « Mon frère, mon dernier appui » (extrait 1, v. 1)
10. La poésie est vengeresse pour Chénier. Elle répare
et celle qui ferme « Rare frère, ami généreux » (extrait 4,
les injustices. Elle se dresse face à la tyrannie et au bour-
v. 25).
reau pour les anéantir et rétablir la Justice et la Vérité.
Viau écrit ce poème pour demander de l’aide à son frère
Le poète l’exprime clairement aux vers 47-48, 56-60,
et lui exprimer sa souffrance. Ce poème est donc une
77-85.
requête. C’est un poème de circonstance, également
11. Les quatre questions rhétoriques des vers 77 à 85 lyrique.
amplifient la tonalité polémique du poème, car elles b. La tonalité de l’extrait 2 est tragique, tant le désespoir
rappellent le pouvoir de la poésie à défendre les oppri- du poète est grand. L’image finale de la flamme et des
més contre les « pervers » (v. 84), à « cracher » sur les serpents (v. 19-20) exprime la peur de l’enfer. Le passage
bourreaux et « chanter [le] supplice » des victimes (v. 85). se fait aussi lyrique, privilégiant l’expression des senti-
L’énumération de ces questions crée un rythme ascen- ments douloureux du poète.
dant, épique. Le poète se fait chevalier vengeur des c. Dans l’extrait 3, la poésie permet au poète de s’éva-
« justes massacrés » (v. 78). Chénier termine ainsi son der par le souvenir, car il convoque les sensations du
poème sur un souffle persuasif éloquent. « dehors » : le goût des fruits (pavie, brugnon, abricots,
Expression écrite fraises, figues, melons, muscats). Les deux strophes mul-
tiplient les références aux couleurs et à la sensualité
12. Vers le commentaire
(évocation de femmes, de baisers). Les termes employés,
Proposition de plan détaillé
volontairement très poétiques (Caliste, v. 7, « aquilons »,
I. La description terrifiante d’une mort proche
v. 16, l’« asile » des rochers, v. 20), inscrivent également
1. Le dernier jour d’un condamné ?
le poème dans la tradition des bucoliques et convoquent
2. Le spectre terrifiant de la mort approchant
l’imaginaire d’un éden perdu (abondance de la nature).
II. Un poème au lyrisme déchirant
Le « dehors » est donc à la fois réel et mythique.
1. Un cri désenchanté et désespéré
d. Dans l’extrait 4, la révolte s’exprime à la fois dans les
2. Un appel à la poésie salvatrice
exclamatives, l’anaphore de l’adverbe « tant » (v. 3-4), les
III. La poésie : une arme pour dénoncer
énumérations et les questions rhétoriques. Les allitéra-
1. La poésie, une arme vengeresse et engagée
tions en [v] et en [f ] viennent aussi exprimer le désir de
2. Le poète, défenseur de la Justice et de la Vérité
vengeance du poète aux vers 18 et 19.
Expression orale 4. Ce poème de Théophile de Viau est une requête qui
13. Critères de réussite de la lecture expressive lui permet d’exprimer ses sentiments et de s’évader. Il a
• La lecture rend compte de la compréhension du donc une fonction lyrique. La révolte qu’il exprime en
poème. fait même un poème engagé.
• Elle met en valeur les mouvements du poème. 5. On retrouve la poésie de circonstance (avec la requête)
• Elle respecte la versification : « e » muet, diérèses, dans le poème de Marot.
enjambements… La fonction lyrique est exprimée dans ceux de Charles
• Elle respecte les diverses tonalités. d’Orléans, Villon et Chénier.
• Le partage de la lecture est inventif. (On valorisera le
Le poème de Chénier est également engagé.
choix de lire à plusieurs un même passage, d’alterner
avec rapidité…) Étape 3
6. Proposition de plan détaillé
I. Le poète incarcéré exprime sa souffrance par la
poésie.
1. Il exprime son désespoir, sa mélancolie.
# Ex. L’extrait 2 de Viau.

65
CHAPITRE 4 • Le poète en prison
2. Il exprime son angoisse. b. Pablo Picasso a également été interrogé par la police
# Ex. Le premier mouvement du poème de Chénier, qui dans cette affaire.
attend la mort. c. Apollinaire est resté à la prison de la Santé du 7 au
# Ex. La peur de l’enfer des pendus de Villon. 12 septembre. Il connaissait en effet un suspect, Géry
3. Il exprime sa révolte. Pieret, qui avait quelques années auparavant dérobé
# Ex. L’extrait 3 du poème de Viau. au Louvre des statuettes et des masques phéniciens.
II. Ses poèmes peuvent avoir d’autres fonctions. Le voleur était en fait Vincenzo Peruggia, un vitrier ita-
1. Exprimer une requête : poésie de circonstance. lien qui avait participé à la mise sous verre de grandes
# Ex. Les poèmes de Villon et de Viau. œuvres du Louvre. Pour l’anecdote, il garda La Joconde
2. S’engager pour une cause. cachée sous son lit pendant deux ans, avant de vouloir la
# Ex. Le dernier mouvement du poème de Chénier fait revendre et d’être dénoncé à la police.
de sa plume « une arme » de Justice et de Vérité. 2. Apollinaire appartient au courant de la modernité et
3. Faire réfléchir sur la condition humaine : poésie des avant-gardes du début du XXe siècle. Il fréquente les
philosophique. grands peintres de cette époque, comme Picasso. Il a une
# Ex. Le poème de Villon comme memento mori. relation passionnelle avec la peintre Marie Laurencin.
Remarque. On pourrait ajouter dans ce plan la fonction On voit la modernité de son poème d’abord à l’absence
ludique de la poésie (jouer avec les mots, ex. le poème de ponctuation. Il est en effet le premier à avoir sup-
de Villon), la possibilité de s’évader (ex. l’extrait 2 de primé la ponctuation des poèmes. On voit également
Viau) ainsi que la fonction épidictique – louange ou la modernité à la variété des vers utilisés : octosyllabes
blâme (ex. le poème de Charles d’Orléans). (en I) puis alternance d’heptasyllabes et de vers de deux
Étape 4 syllabes (en II) ou encore alternance de décasyllabes,
d’hexasyllabes et d’octosyllabes (en IV). Notons que,
Proposition de paragraphe rédigé V Plan I.1., supra
depuis Verlaine, le vers impair est aussi une marque
Dans un premier temps, le poète incarcéré exprime sa
de modernité et de musicalité. Certains enjambements
souffrance grâce à la poésie. Quand la sentence est grave
sont également audacieux : « Je suis le quinze de la /
ou les conditions d’enfermement difficiles, le poète peut
Onzième » (v. 11-12), puisque Apollinaire sépare l’article
sombrer dans le désespoir. La poésie devient alors un
du nom, groupe normalement soudé.
lieu d’expression privilégié de son découragement. André
Chénier, condamné à la guillotine lors de la Terreur après Étape 2
la Révolution française, sait qu’il va mourir. Son recueil 3. Le titre est ironique, car il suggère un poème joyeux.
Iambes a d’ailleurs été rédigé lorsqu’il attendait son exé- Il joue en effet sur l’expression « à ta santé », que l’on
cution. Dans le deuxième mouvement du célèbre poème exprime dans des moments de convivialité pour partager
« Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre », un verre. Or ici, le poème évoque une incarcération dans
il cède au désespoir. Dans un cri déchirant, il appelle la la prison parisienne de la Santé, fort peu associée à une
mort avec impatience : « Vienne, vienne la mort ! – Que image positive de « santé ».
le mort me délivre ! » Il évoque ensuite son « cœur
4. Lazare de Béthanie est, dans les Évangiles, le frère
abattu » et son découragement. L’expressivité de la ponc-
de Marthe et Marie. Il est rapporté, dans l’évangile de
tuation et le rythme ascendant des vers renforcent la vio-
Jean (11, 1-44), que Jésus l’aurait ressuscité quatre jours
lence des sentiments éprouvés face auxquels le lecteur
après sa mort. Apollinaire se présente comme un Lazare
reste difficilement insensible. On comprend combien le
inversé dans la strophe 2 de la partie I. Sa cellule évoque
lyrisme sert ici la plainte du poète et lui permet, pour
pour lui la tombe de Lazare mais, à la différence de ce
quelques vers au moins, sinon d’apaiser, du moins d’exté-
dernier, il n’en est pas encore sorti. L’emprisonnement
rioriser un désespoir insupportable.
est donc pour lui associé à une mise à mort.
5. a. Le poète évoque avec réalisme sa vie en prison :
– le décor : « ma cellule » (v. 1), « Les vitres » (v. 14), « La
Atelier Écrire une lettre fictive voûte » (v. 20), « la cellule d’à côté » (v. 27), « le geôlier »
p. 134-135 (v. 30), « ces murs tout nus » (v. 33)…
– la vie en prison : le numéro de matricule (« le quinze
▶ Activités p. 135 de la / Onzième », v. 11-12), « la promenade » du matin
(v. 22), les clefs du geôlier (v. 29-30), le temps qui passe
Étape 1 dans l’ennui (v. 33, 45)…
Recherches b. Le poème d’Apollinaire, dans sa partie III, rappelle le
1. a. Apollinaire a été arrêté le 7 septembre 1911, accusé tableau de Van Gogh lorsqu’il évoque les tours de cour
d’être lié à l’affaire du vol de La Joconde, tableau qui des prisonniers (v. 23). La métaphore de la fosse aux ours
avait disparu du Louvre le 21 août 1911. Il a été incarcéré (v. 25) renvoie aussi à l’étroitesse de la cour du tableau de
à la prison de la Santé, à Paris. Van Gogh, amplifiée par les hauts murs. Dans le tableau

66
CHAPITRE 4 • Le poète en prison
comme dans le poème, on retrouve également la pâleur choix de l’octosyllabe permet un retour fréquent de la
des couleurs (v. 34, et tons de rose et de bleu du tableau). rime et une souplesse dans le rythme car, contrairement
Rapprochons enfin l’absence d’horizon dans le poème à l’alexandrin et au décasyllabe, ce vers n’a pas de césure.
(v. 51) comme dans le tableau. 2. Recherches Villon convoque douze femmes réputées
6. a. Le poète exprime ses sentiments dans les vers 4, pour leur beauté, leur sensualité, leur pureté ou leur
7-8, 9-10, 37-40, 43-44 et 56. Il ressent du désespoir, de la amour.
solitude, l’impression de perte de soi. • Flora est une courtisane romaine. Elle est évoquée
b. Ces émotions donnent au poème une tonalité par Plutarque et Lactance, et passe au Moyen Âge pour
pathétique. l’exemple même de la belle courtisane.
• Archipiadès est en fait Alcibiade, un élève de Socrate.
Étape 3
Mais en raison d’une mauvaise traduction, il passait pour
7. Critères de réussite de la lettre une femme.
• Respect des codes de la lettre privée : mise en page et • Thaïs peut évoquer deux personnes : une célèbre cour-
organisation. tisane d’Athènes, compagne d’Alexandre le Grand ou
• Respect de la situation d’énonciation : Apollinaire à sainte Thaïs, une courtisane repentie égyptienne, célèbre
son ami Picasso. pour sa très grande beauté. Convertie au christianisme,
• Structure de la lettre : association entre les conditions elle resta trois ans en pénitence dans la cellule de son
de détention et les sentiments d’Apollinaire. couvent. Elle mourut quatorze jours après en être sortie.
• Fidélité au poème d’Apollinaire mais capacité à ne • Écho est une nymphe. Elle tomba amoureuse de
pas reprendre exactement les termes du poète.
Narcisse, qui finit par l’abandonner.
• Héloïse est l’amante d’Abélard. Leur amour est l’em-
blème des amours impossibles. Héloïse est un symbole
de la fidélité.
Prolongement artistique • La reine qui commanda que Buridan, un philosophe du
Moyen Âge, fût « jeté dans un sac en Seine » est proba-
et culturel La ballade p. 136-138 blement l’une des brus du roi Philippe Le Bel.
• Blanche est une des brus du roi Philippe le Bel, accusée
Le groupement est constitué de trois ballades : de la d’adultère, ou peut-être Blanche de Castille.
« Ballade des dames du temps jadis » à la célèbre ballade • Berthe au grand pied est la mère de Charlemagne,
de Cyrano dans la pièce éponyme, en passant par une femme de Pépin le Bref.
ballade de La Fontaine. L’objectif premier de ce parcours • Béatrice est l’amour du poète Dante, qu’il a célébrée
est évidemment de faire découvrir aux élèves une forme dans La Divine Comédie.
poétique particulière, forme dite fixe. Nécessairement, • Haramburgis est en fait Érembourg du Maine, la
ils vont aussi se confronter à l’évolution de la forme à comtesse du Maine.
travers les siècles : l’ouverture à un texte théâtral du • Jeanne est Jeanne d’Arc.
XIXe siècle offre une réflexion intéressante à ce propos.
3. Le refrain rappelle la fuite du temps. L’image de la
Elle permet en outre d’approfondir la réflexion sur les
neige évoque le cycle des saisons mais aussi l’inéluctable
genres littéraires, les frontières et leur dialogue.
fonte des neiges à chaque fin d’hiver. L’interrogation de
Villon dans ce poème est donc celle d’un memento mori
et du tempus fugit V chap. 1 : l’éclat des femmes évo-
quées s’est éteint avec le temps, comme les neiges dispa-
Texte 7 Fr. Villon, « Ballade raissent. La question est à la fois nostalgique et résignée.
des dames du temps jadis »
p. 136

1. La ballade de Villon est traditionnelle dans sa forme.


C’est une petite ballade, composée de trois huitains d’oc- Texte 8 J. de La Fontaine,
tosyllabes et d’un envoi sous forme de quatrain. La struc- « Ballade III pour le second
ture des rimes, croisées, est la suivante : ABABBCBC.
Cette forme est musicale, d’abord parce que, tradition- terme à M. Fouquet » p. 137
nellement, la ballade est chantée et accompagnée de
musique. Ensuite, le retour du refrain, un même vers à 1. a. Le vers 1 évoque la construction de la ballade,
la fin de chaque strophe, participe de la musicalité, tout puisque La Fontaine en donne la structure : trois dizains
comme le retour des questions qui jalonnent le poème suivis d’un quintil pour l’envoi. Il exprime aussi l’avancée
dans un phénomène de reprise anaphorique. Enfin, le de son poème dans la strophe 3.

67
CHAPITRE 4 • Le poète en prison
b. c. Il y a trois strophes suivies d’un envoi (d’une demi- didascalie qui suit immédiatement ce vers achève de
strophe). Un refrain jalonne chaque fin de strophe. Les présenter la ballade comme en train de se faire : « Il fait
strophes sont « carrées » et l’on retrouve le refrain à la fin ce qu’il dit, à mesure ».
de chaque strophe. La ballade de La Fontaine est donc
conforme aux règles.
c. La Fontaine écrit une grande ballade.
d. Cette ballade est construite sur quatre rimes : en « é », Lecture cursive J. Cassou,
« ète », « our » et « ôtre ».
2. Les vers 3-6 et 26 témoignent de la mauvaise grâce de Trente-Trois Sonnets composés
La Fontaine à écrire sa ballade. Les termes « sornette » au secret p. 139
(v. 12) et « besogne » (v. 22) donnent aussi une image
négative du travail auquel il se livre. La lecture d’un recueil de poèmes sensibilise les élèves à
3. Pour dire le refrain, La Fontaine parle d’abord en son une lecture plus libre et sensible. Il n’est pas nécessaire
nom (v. 10), puis il fait parler Colin (v. 20), et enfin son de lire le recueil dans l’ordre des poèmes ; et sa brièveté
mécène, Nicolas Fouquet (v. 30). Dans l’envoi, la parole ne sera pas un obstacle à sa découverte.
est indirecte et plus indéterminée, puisque La Fontaine Le recueil de Jean Cassou pique la curiosité par le
évoque le « langage de cour » (v. 34). Le trait d’humour contexte de son écriture et la gageure que sa composi-
de La Fontaine est habile, car ce procédé lui permet tion a exigée.
d’éviter les reproches de son mécène. Ce dernier est en Il permettra de réactiver les connaissances sur la forme
effet invité à déduire de la ballade de La Fontaine que ce fixe du sonnet abordée dans les chapitres précédents ou,
n’est pas parce que le poète a promis une ballade qu’il va au contraire, de la découvrir.
la lui écrire puisque, « en langage de cour / Promettre est Ce recueil approfondit enfin la réflexion sur les rapports
un, et tenir est un autre » (v. 34-35). Enfin, l’envoi permet entre inspiration et enfermement. Les élèves pourront
au poète de lancer une pointe critique contre l’hypocri- exploiter les connaissances acquises dans le chapitre
sie de la cour, ses flatteries et mensonges. La Fontaine pour mieux comprendre l’enjeu des poèmes.
reste ainsi fidèle au ton à la fois léger et satirique qui
fait son talent. ▶ Activités p. 139
4. Le petit récit plaisant que La Fontaine insère évoque 1. Avant de lire le recueil
indirectement l’argent qu’il reçoit de son mécène. Colin a. Le mot « compagnon », dans le contexte de la prison,
peut en somme rappeler Nicolas Fouquet, et la jeune exprime la fraternité et le lien indéfectible qui unit les
fille flouée La Fontaine. Là encore, le poète justifie habi- prisonniers. Le « compagnon », dans le contexte de la
lement le retard qu’il a pris pour écrire la ballade : son Seconde Guerre mondiale, désignait aussi la fraternité
mécène ne peut le lui reprocher puisqu’il a sans doute lui des résistants.
aussi du retard pour payer son poète, ou peut-être est-il b. Comme le sonnet est une forme fixe, il simplifie la
même le Colin de l’histoire qui floue la jeune fille-poète. mémorisation des poèmes. Jean Cassou, privé de papier
et de crayon, a ainsi pu retenir et retravailler plus facile-
ment ses textes. La contrainte formelle, loin d’entraver la
création, la facilitait.
Texte 9 Ed. Rostand, 2. Pendant la lecture
Cyrano de Bergerac p. 138 a. b. L’enjeu de ces deux questions est de rendre les
élèves actifs pendant leur lecture, de faciliter leur prise
1. La ballade de Cyrano est régulière : c’est une petite de notes et de leur permettre d’appréhender la composi-
ballade, composée de huitains en octosyllabes et d’un tion du recueil, à travers les thèmes abordés. Elles visent
quatrain pour l’envoi. On retrouve le refrain à la fin de aussi à les inciter à réinvestir les questionnements posés
chaque strophe. dans le chapitre.
2. Cette ballade semble improvisée, parce que Cyrano 3. Oral
la déclame en pleine querelle et en se battant à l’épée Critères de réussite de la présentation du sonnet
contre le vicomte qui vient de le traiter péjorativement • Juste mémorisation du poème.
de « poète » (v. 1). Il annonce la situation comme un défi • Mise en voix expressive.
qu’il se lance à lui-même : « Je vais tout ensemble en • Capacité à proposer un oral structuré : introduction,
faire une et me battre » (v. 7). Il précise un peu plus loin conclusion, organisation de la présentation.
« choisir » ses rimes, en utilisant un présent d’énoncia- • Capacité à justifier un choix : au moins deux
tion qui renforce l’impression d’improvisation : « Atten- arguments, étayés d’exemples précis.
dez !… Je choisis mes rimes… Là, j’y suis » (v. 12). La • Capacité à comparer des textes.

68
CHAPITRE 4 • Le poète en prison
Synthèse p. 140-141

▶ À construire p. 140

Étape 1
1. Tableau de synthèse des textes des lectures
Mouvement Forme
Auteur, titre Date Thèmes abordés
éventuel poétique
Charles d’Orléans, 1415-1425 • poésie médiévale • ballade • l’exil
« En regardant vers le pays • la nostalgie du pays natal
de France »
François Villon, – • poésie médiévale • ballade • la mort
« Frères humains… » • la rédemption
• la charité
• le memento mori
Clément Marot, 1527 • humanisme • épître • l’humour et les traits d’esprit
« Épître au roi • précurseur de La • la satire des avocats
pour sa délivrance » Pléiade • la séduction par la poésie
André Chénier, « Comme 1794 • fin des Lumières • iambes • la révolte contre l’injustice
un dernier rayon, comme • précurseur du • le désespoir et la peur de la mort
un dernier zéphyre… » romantisme • la poésie comme arme de dénonciation

2. b. Pour répondre à ces deux questions, il pourrait être


intéressant de passer par un nuage de mots avec la
Auteur, titre Fonction
classe.
Charles d’Orléans, • exprimer sa mélancolie De manière générale et sans entrer dans le détail, le
« En regardant vers le • s’évader en imaginant la « cri » renvoie à l’expression des sentiments et au lyrisme
pays de France » vie hors de la prison
d’une part, à la révolte d’autre part. Il exprime la puis-
François Villon, • réfléchir et faire sance du genre poétique. Le « cri habillé » formule l’idée
« Frères humains… » réfléchir sur la condition du travail poétique, de la contrainte formelle notam-
humaine ment. Le cri poétique a cela d’ambigu qu’il n’est pas tout
Clément Marot, « Épître • dénoncer, combattre à fait spontané.
au roi pour sa délivrance » l’injustice c. Les exemples seront à choisir parmi les lectures et les
André Chénier, • dénoncer, combattre textes complémentaires du chapitre, mais aussi parmi
« Comme un dernier l’injustice les poèmes trouvés par les élèves dans l’activité a.
rayon, comme un dernier • se révolter d. Critères de réussite de la première partie rédigée
zéphyre… » • décrire l’horreur et la
• Annonce de la partie puis annonce de chaque sous-
peur de la mort
partie au début de nouveaux paragraphes.
• se redonner du courage
• Utilisation de mots de liaison pour jalonner la
pensée.
Étape 2
• Structure de chaque paragraphe : démonstration
3. Expression orale L’activité n’est pas prescriptive. claire de l’idée.
Elle vise surtout à réactiver une culture transmise, à • Pertinence et variété des exemples.
s’apercevoir que l’on ne sait pas « rien » et à partager • Analyse des exemples.
ses connaissances de manière collective. Elle prépare la • Insertion correcte des citations.
dissertation de la question suivante. • Correction de la syntaxe et de l’orthographe.
4. Expression écrite
Vers la dissertation
a. Recherches Né en 1876 et mort en 1944, Max Jacob
est un peintre moderniste, un poète et un romancier
français. Il est très lié aux avant-gardes du début du
XXe siècle, à des artistes comme Pablo Picasso, Guillaume
Apollinaire, Amedeo Modigliani. Il a fréquenté toute sa
vie les milieux artistiques français.

69
CHAPITRE 4 • Le poète en prison
Le genre romanesque et son évolution
▶ Activité p. 142 • Roman sentimental
Genre romanesque qui privilégie les sentiments. Le
D’autres exemples de roman français, du Moyen Âge roman d’amour existe depuis la Grèce antique, on le
au XVIIIe siècle retrouve au Moyen Âge avec la légende de Tristan et
• Roman de chevalerie Yseult, et il se poursuit jusqu’au XXIe siècle.
Genre du Moyen Âge qui raconte les amours et les com- ! Belle du Seigneur d’Albert Cohen (XXe siècle). On
bats héroïques de chevaliers de la cour du légendaire roi appelle plus spécifiquement roman sentimental le
Arthur. roman populaire, dit « à l’eau de rose », souvent appelé à
! Chrétien de Troyes, Érec et Énide, Yvain ou le Chevalier tort « romantique », par exemple ceux de Marc Levy ou
au lion, Perceval ou le Conte du Graal. Guillaume Musso.
! Au XVIe siècle, Cervantes écrit Don Quichotte, qui est • Roman épistolaire
une parodie où le chevalier ne se bat plus que contre des Genre littéraire très à la mode aux XVIIe et XVIIIe siècles,
moulins à vent. qui se caractérise par un échange de lettres. Parfois, il
• Roman pastoral s’agit des lettres d’un seul personnage, parfois ce sont les
Genre romanesque (mais aussi théâtral ou poétique des lettres de deux épistoliers, et parfois de tout un groupe
XVIe et XVIIe siècles) qui se caractérise par le récit des aven- de personnages.
tures amoureuses de bergers et de bergères délicats et ! Les Lettres portugaises de Guilleragues (XVIIe siècle) est
raffinés qui vivent dans un décor idyllique. un roman constitué de cinq lettres toutes rédigées par
! Au XVIe siècle, Cervantes écrit Galatée. la religieuse Mariana à un officier français qui fut son
! Au XVIIe siècle, Charles Sorel écrit une parodie de amant.
roman pastoral, Le Berger extravagant. ! Les Lettres persanes de Montesquieu (XVIIIe siècle)
! Au XVIIIe siècle, la pastorale est à nouveau à la mode – est un roman polyphonique. Deux Persans voyagent en
Marie-Antoinette fait construire un hameau dans le parc Europe, ils échangent des lettres entre eux, avec leurs
de Versailles où elle peut jouer à la bergère. Bernardin de amis et leurs parents restés en Perse.
Saint-Pierre écrit Paul et Virginie qui s’inspire du roman ! Inconnu à cette adresse de Kathrine Kressmann-Taylor
pastoral. (XXe siècle) est un roman duo. Deux amis échangent des
• Roman psychologique lettres : Martin qui, en 1932, est retourné dans son pays,
Genre romanesque qui raconte moins des aventures que l’Allemagne, et Max, un marchand de tableaux juif, resté
les motivations et les sentiments des personnages. en Californie. Ils écrivent aussi à d’autres personnages,
! En France, après La Princesse de Clèves, on trouve de mais on n’a pas leurs lettres.
nombreux romans psychologiques, surtout au XIXe siècle,
avec Le Rouge et le Noir ou La Chartreuse de Parme de
Stendhal, puis, au XXe siècle, Thérèse Desqueyroux de
Mauriac.
• Roman philosophique
Genre romanesque qui suscite la réflexion du lecteur ou
critique la société.
! Au XVIe siècle, Gargantua de Rabelais, notamment les
chapitres sur l’utopie de Thélème, au XVIIe siècle Les Aven-
tures de Télémaque de Fénelon, au XXe siècle L’Étranger
de Camus reflètent la philosophie de ces auteurs.

71
5
CHAPITRE

Alexandre Dumas, Pauline (1838)


Le roman et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu Quatre extraits de Pauline
à une analyse détaillée • Lecture 1 : La rencontre avec Pauline, p. 148-149
• Lecture 2 : La scène de chasse, p. 150-151
• Lecture 3 : Le duo, p. 152-153
• Lecture 3 : Seule dans le château ?, p. 154-155
Lectures complémentaires • Deux extraits de poèmes de Gérard de Nerval, p. 144-145
• Extrait de l’éloge de Dumas, p. 146
• Extrait de récit de voyage par Alexandre Dumas, p. 147
• Extrait de nouvelle de Théophile Gautier, p. 155
Moments de grammaire • Propositions, p. 149, 155
Écrits d’appropriation • Écrire une scène, p. 153 ; un récit gothique, p. 155 ; un récit omniscient, p. 159 ;
un paragraphe associant un tableau et un personnage, p. 164 ; un récit inspiré
de Pauline, p. 164 ; une interview, p. 164
Écrits vers le bac Dissertation
• Atelier : dissertation guidée, p. 156-157
Commentaire de texte
• Rédiger un paragraphe, p. 149, 151, 153, 155, 159
Exercices d’oral • Présenter un tableau, p. 149 ; un extrait de Pauline, p. 151
• Pratiquer la lecture expressive, p. 151, 155
• Chercher les caractéristiques communes d’Horace et de don Juan, p. 153
Exercices de confrontation Atelier • Dissertation guidée
ou de synthèse • Charles Perrault, « La Barbe Bleue », p. 156-157
• Alexandre Dumas, Pauline, p. 156-157
• Amélie Nothomb, Barbe Bleue, p. 156-157
• Atelier : analyser la narration dans un récit • Alexandre Dumas, Pauline, p. 158-159
• Synthèse, p. 164-165
Travaux de recherche • Le mot « mélancolie », p. 145
• Alexandre Dumas, p. 146
• Le motif du rossignol associé à l’amour, p. 149
• Le personnage de don Juan, p. 153
Lectures d’images ou de films • Ralph Albert Blakelock, Moonlight Sonata, p. 149
• Frans Snyders, Chasse au sanglier, p. 150
• Victor Hugo, Vieux Burg dans l’orage, p. 155
Prolongement artistique et culturel • Rebecca d’Alfred Hitchcock
• La séquence d’ouverture : présentation de Manderley, p. 83
• La présence insistante du passé, p. 83
• La découverte de la chambre de Rebecca, p. 83
• Deux personnages de femme, p. 84
• Questions d’ensemble, p. 84
Lectures cursives • Emily Brontë, Les Hauts de Hurle-Vent, p. 163
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 164-165

72
• Doc. 4. La jeune femme regarde vers le bas, le regard
OBJECTIFS DU CHAPITRE vide. Son visage est morne. Les couleurs foncées com-
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude Le roman plètent la tristesse de l’ensemble.
et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle. Pauline est • Doc. 5. La mélancolie est moins évidente ici. Les deux
un roman du XIXe siècle qui peut être étudié en œuvre premières strophes évoquent une possibilité de bonheur,
intégrale car il est accessible aux élèves de seconde, à travers les verbes au conditionnel. La dernière strophe
particulièrement en début d’année scolaire. Cette montre que le poète a perdu la femme qui aurait pu l’ai-
œuvre est caractéristique du roman romantique et mer : « Non », « finie », « Adieu », « Le bonheur passait
gothique de cette période. – il a fui ! ». Cette impossibilité de bonheur conduit à la
• Pauline présente une narration originale, qui alterne mélancolie.
les narrateurs et les points de vue. Cette particularité 2. Ces documents semblent se rattacher au romantisme.
est approfondie dans un atelier dédié à l’étude de la Ils s’inscrivent dans le XIXe siècle européen, excepté le
narration. premier portrait qui est plus tardif.
• Le motif littéraire présent dans Pauline, celui de la Ils expriment une souffrance comparable au mal-être
femme menacée par son mari, est exploité dans un romantique. Cette souffrance est celle du moi (docs 1
groupement complémentaire sur les réécritures de et 5). Elle trouve un écho dans la nature, miroir des sen-
Barbe Bleue. timents (doc. 2).

• La lecture cursive des Hauts de Hurle-Vent reprend 3. En observant les documents, on suppose que le roman
également les traits reconnaissables du roman roman- sera romantique. Il exprimera les souffrances des per-
tique, présent en Europe au XIXe siècle. sonnages. On peut imaginer que certaines scènes du
roman auront pour cadre un paysage rappelant celui de
• Pour compléter ce chapitre, le film Rebecca met en Friedrich (les ruines d’une abbaye). Ce roman impliquera
image les procédés qui contribuent à créer la tension un homme et une femme.
chez le lecteur de roman. La tonalité sera certainement lyrique ou pathétique.

Entrée dans l’œuvre p. 146-147


Ouverture p. 144-145
▶ Activités p. 146
▶ Activités p. 145
• Dans ce discours on peut relever plusieurs marques de
1. a. Recherches l’éloge :
Mélancolie : « état affectif plus ou moins durable de – le vocabulaire mélioratif :
profonde tristesse, accompagné d’un assombrissement « honneurs », « génie » (l. 2), « Héros », (l. 5), « œuvre
de l’humeur et d’un certain dégoût de soi-même et de étourdissante », « inépuisable fécondité littéraire »
l’existence ». © Trésor de la langue française (l. 20-21), « prodige » (l. 21), « Force de la littérature »
Ce mot vient du grec mélas (« noir ») et kholê (« bile ») ; (l. 22), « force de la nature » (l 23), « foisonnante, luxu-
il signifie étymologiquement la bile noire. Cela renvoie riante » (l. 24), « généreuse lumière » (l. 26) ;
à la théorie médicale ancienne selon laquelle le corps – le lexique de la profusion :
est gouverné par des humeurs. La bile noire, une de ces « Des centaines de livres, des milliers de personnages et
humeurs, favorise la tristesse et l’hypocondrie. des millions de mots » (l. 8-9), « folle prodigalité » (l. 18),
b. On peut associer le mot « mélancolie » aux cinq « œuvre étourdissante », « inépuisable fécondité lit-
documents. téraire » (l. 20-21), « foisonnante, luxuriante » (l. 24),
• Doc. 1. On repère le lexique de la tristesse et du deuil : « généreuse » (l. 26) ;
« ténébreux », « veuf », « inconsolé », « morte », « Soleil – le contraste avec les critiques injustes de la société :
noir », « Mélancolie ». Cette strophe exprime la tristesse « injustice » (l. 2-3), « affronter les regards d’une société
de l’homme ayant perdu sa bien-aimée. française » (l. 14), « Elle lui fera grief de tout » (l. 16),
• Doc. 2. On remarque un paysage sans vie, composé de « trop de caricaturistes de l’époque voudront le réduire »
ruines et d’arbres morts. La tristesse est également repré- (l. 17-18), « lui contester la paternité d’une œuvre étour-
sentée par les couleurs sombres comme le gris et le noir. dissante » (l. 19-20).
• Doc. 3. L’homme représenté a le regard dans le vide. Il • Ce discours met en avant différents aspects de la vie
semble ne penser à rien. Cette impression est renforcée de Dumas :
par son attitude : il est enfoncé dans sa chaise, les mains – sa famille avec ses ancêtres esclaves (« elle marquait
dans les poches. Les couleurs froides complètent la tona- déjà au fer la peau de ses ancêtres esclaves », l. 4) et son
lité mélancolique de l’ensemble. père héros de l’armée (« Héros des guerres de la Révolu-
tion et de l’expédition d’Égypte », l. 5) ;

73
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
– les critiques qu’il a dû subir (« affronter les regards
d’une société française », l. 14) ; ÉCOSSE
– puis la vie libre et joyeuse qu’il a choisie (« il choisit de
vivre sa vie », l. 24).
• Pour qualifier Dumas vu par Jacques Chirac, on peut
proposer plusieurs adjectifs : généreux, courageux, tra-
vailleur, décalé, métis, orphelin…
• Ce discours ne permet pas de rattacher Dumas à un Londres
courant littéraire précis. J. Chirac évoque le personnage
de Porthos, qui apparaît dans la célèbre trilogie de Le Havre

romans historiques de Dumas : Les Trois Mousquetaires Trouville


Paris
(1844), Vingt Ans après (1845) et Le Vicomte de Brage-
lonne (1850). Dumas exploitera beaucoup cette forme de Pfeffers
roman.
Mais Pauline (1838) relève du roman romantique et Doma d’Ossola
Sesto Calende
gothique. En effet, Dumas s’inscrit avant tout dans le (tombe de Pauline)
courant romantique.
Recherches p. 146
• Les principales œuvres de Dumas sont :
– pour les romans : la trilogie des Trois Mousquetaires, Le
Comte de Monte-Cristo (1846), La Reine Margot (1845)…
– pour le théâtre : Henri III et sa cour (1829), Kean
(1836)…
Les élèves peuvent facilement connaître les noms des Fond de carte © Yurii Andreichyn/Shutterstock
mousquetaires (Athos, Porthos, Aramis ou d’Artagnan)
pour avoir vu des adaptations des romans de Dumas.
• Pauline (1838) a une place particulière dans l’œuvre de Lecture 1 La rencontre
Dumas, car il s’agit de son premier roman.
avec Pauline p. 148-149
▶ Activités p. 147
▶ Activités p. 149
Dumas a eu l’idée de ce roman après son voyage en
Suisse. La mystérieuse Pauline y apparaît plusieurs fois, Découverte du texte
accompagnant Alfred. Mais le texte ne donne pas la clé 1. a. Le narrateur est Alexandre, ami d’Alfred de Ner-
de cette énigme. Le roman s’attache donc à donner une val (« je reconnus Alfred de Nerval et Pauline », l. 35).
vie à cette femme mystérieuse. L’extrait se situe au début de l’œuvre, quand Alexandre
Le personnage d’Alfred s’inspire de Gérard de Nerval, raconte cette rencontre, avant qu’Alfred complète son
qui est un ami de Dumas. Comme Nerval, Alfred a assez récit.
d’argent pour voyager. Il aime une femme qui ne lui rend b. Alexandre observe son ami Alfred et sa compagne
pas son amour. Il voyage en Europe, vers l’Allemagne et de voyage, Pauline. Au début de l’extrait, il ne sait pas
la Suisse. Il est ami avec Alexandre, un des narrateurs de qui il s’agit (« Ils étaient deux, un jeune homme et
du roman. une jeune femme », l. 28-29). Il les reconnaît grâce à la
On voit donc que le romancier se fonde sur des souve- lumière du postillon (« je reconnus Alfred de Nerval et
nirs personnels et sur les personnes qui l’entourent. Il Pauline », l. 35).
propose une explication romanesque à un mystère réel- 2. Cet extrait prend place dans une auberge (« la grosse
lement rencontré. porte de l’auberge grinça sur ses gonds », l. 21-22), près
de la ville italienne de Doma d’Ossola (« le roulement
▶ Au fil de l’œuvre p. 147 lointain d’une voiture se fit entendre venant de Doma
• Pauline est particulièrement associée à la Normandie, d’Ossola », l. 7-9). L’action se déroule la nuit (« La nuit,
avec le château d’Horace V image, p. 155 et l’abbaye de comme je l’ai dit, était si pure », l. 25).
Grand-Pré V doc. 2, p. 144. Puis elle est fortement asso- 3. Le chant de l’oiseau est important, car le rossignol est
ciée à la Suisse et à l’Italie où elle passera la fin de sa vie désigné comme « l’oiseau de Juliette » (l. 10), symbole
(image, p. 149). du sentiment amoureux. Il annonce le thème de l’union
• Parcours des personnages. V carte colonne de droite entre Alfred et Pauline. Puis il prend une nouvelle signi-
fication, car le chant cesse après le départ de Pauline. Le

74
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
narrateur imagine alors que ce chant est celui de l’âme – [ que je voulus qu’elle sût du moins que quelqu’un
de Pauline (« cet oiseau qui avait chanté, c’était l’âme priait pour que son âme tremblante et prête à s’envoler
de la jeune fille qui avait dit son cantique d’adieu à la n’abandonnât pas sitôt avant l’heure le corps gracieux
terre », l. 69-71). La fin du chant du rossignol annonce qu’elle animait.]
alors la mort de Pauline. " proposition subordonnée conjonctive
De plus, le chant de l’oiseau est une manifestation de la " « voulus » est conjugué au passé simple, il est dans
nature qui environne le couple et qui est en harmonie une proposition subordonnée exprimant la conséquence,
avec lui. Il renforce l’aspect romantique du texte. introduite par « si… que ». Ce temps inscrit l’action dans
une réalité.
Analyse d’un passage du texte
– [ qu’elle sût du moins que quelqu’un priait pour que
4. Les circonstances qui facilitent la reconnaissance du son âme tremblante et prête à s’envoler n’abandonnât
couple par le narrateur sont la pureté de la nuit (« La pas sitôt avant l’heure le corps gracieux qu’elle animait.]
nuit, comme je l’ai dit, était si pure », l. 25) et la lumière " proposition subordonnée complétive
apportée par le postillon (« le postillon sortit avec une " « sût » est conjugué à l’imparfait du subjonctif, car il
lumière […], un rayon de clarté passa sur la figure des suit un verbe de volonté (« voulus »).
voyageurs », l. 32-34). – [ que quelqu’un priait pour que son âme tremblante et
5. Les personnages sont « un jeune homme et une jeune prête à s’envoler n’abandonnât pas sitôt avant l’heure le
femme » (l. 28-29). Le jeune homme soutient la jeune corps gracieux qu’elle animait.]
femme, qui semble abandonnée à lui (« la tête renversée " proposition subordonnée conjonctive
en arrière sur le bras du jeune homme qui la soutenait », " « priait » est conjugué à l’imparfait de l’indicatif, car
l. 30-32). il se trouve dans une proposition conjonctive, COD du
Ils ne sont nommés qu’à la ligne 35, c’est-à-dire à la moi- verbe « sût ».
tié de l’extrait. Cela crée un effet d’attente : comme le – [ pour que son âme tremblante et prête à s’envoler
narrateur, le lecteur ignore qui arrive dans la voiture. n’abandonnât pas sitôt avant l’heure le corps gracieux
6. La répétition qui montre une sorte de prédestination qu’elle animait.]
est « Toujours lui et toujours elle ! » (l. 36), reprise par " proposition subordonnée conjonctive
« Toujours elle » (l. 38). " « abandonnât » est conjugué à l’imparfait du subjonc-
La phrase qui renforce cette impression est le commen- tif, car il se trouve dans une proposition subordonnée qui
taire du narrateur : « il semblait qu’une puissance plus exprime le but, introduite par « pour que ».
intelligente que le hasard nous poussait à la rencontre – [ qu’elle animait.]
les uns des autres » (l. 36-38). " proposition subordonnée relative
" « animait » est conjugué à l’imparfait de l’indicatif, car
7. Plusieurs termes et expressions suggèrent que Pau-
il se trouve dans une proposition subordonnée relative
line ne fait plus vraiment partie du monde des vivants :
qui décrit une réalité.
« si pâle, si mourante » (l. 39-40), « plus qu’une ombre »
(l. 40), « ces traits flétris » (l. 41) et « son âme tremblante • Les verbes des propositions subordonnées sont à des
et prête à s’envoler » (l. 50-51). temps passés pour respecter le contexte passé du récit.
Les verbes à l’indicatif expriment des actions ancrées
8. a. La première intention du narrateur est d’appe-
dans la réalité : l’agonie de Pauline. On observe que les
ler Alfred (l. 46). Il ne réalise pas cette action car il se
verbes au subjonctif expriment les souhaits d’Alexandre,
rappelle que Pauline ne veut pas être vue (l. 46-48). En
qui s’opposent à la réalité. En effet, Alexandre souhaite
effet, lors de leurs précédentes rencontres, Pauline a
que Pauline vive encore, alors qu’elle est mourante.
tout fait pour éviter un contact avec Alexandre : Alfred
s’est enfui dans une barque (« Alfred de Nerval, que 9. a. L’âme de Pauline est qualifiée de « tremblante et
j’espérais avoir pour compagnon de voyage, avait hâté prête à s’envoler » (l. 51). Ces adjectifs révèlent que Pau-
le départ des bateliers, et, quittant la rive au moment line est à la fin de sa vie, à cause du poison qu’elle a bu
où j’en étais encore éloigné de trois cents pas, m’avait dans l’abbaye de Grand-Pré.
fait de la main un signe, à la fois d’adieu et d’amitié », b. Le procédé utilisé est la prolepse : le narrateur
chap. I) ; Pauline a pris le risque de tomber dans un pré- annonce un événement qui va avoir lieu. Ce procédé per-
cipice (« cette femme étrange, pareille à une de ces fées met de situer la rencontre dans l’histoire de Pauline et
qui se penchent au bord des torrents et font flotter leur de comprendre ainsi l’analepse qui suivra, quand Alfred
écharpe dans l’écume des cascades, s’inclina sur le préci- reprendra l’histoire à son commencement.
pice et passa comme par miracle », chap. I). Expression écrite
b. Langue
10. Proposition de paragraphe rédigé
• – [Et pourtant un sentiment de si mélancolique pitié
Lors de la dernière rencontre entre Alexandre et Pauline,
m’entraînait vers elle]
la jeune femme paraît très affaiblie. Elle semble déjà
" proposition principale
morte. Dans ce passage, la nature reflète l’intériorité de

75
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
Pauline. Ainsi la pureté de Pauline est présente dans la Lecture 2 La scène de chasse
pureté de la nuit qui les entoure (« La nuit, comme je l’ai
dit, était si pure », l. 25). On retrouve également la fragi- p. 150-151
lité de Pauline dans le chant de l’oiseau, immatériel et
qui cesse quand Pauline disparaît (« cet oiseau qui avait ▶ Activités p. 151
chanté, c’était l’âme de la jeune fille qui avait dit son
Découverte du texte
cantique d’adieu à la terre », l. 69-71). Ensuite l’agonie
de Pauline est symbolisée, tel un memento mori, par le 1. Ce souvenir est raconté par Pauline (« Je le vis ainsi
bouquet qu’Alexandre lui offre, accompagné d’une prière pour la première fois », l. 65-66) à Alfred (« – C’était donc
(« Je mis la carte au milieu des branches d’orangers, de lui ? m’écriai-je », l. 64).
myrtes et de roses que j’avais cueillies, et je laissai tom- 2. Première partie : Le récit de la scène de chasse (l. 1-63).
ber le bouquet dans la voiture », l. 56-58). Enfin, la nuit Deuxième partie : Un portrait d’Horace de Beuzeval
annonce la mort de Pauline, le dernier rayon de lumière (l. 64-83).
qui tombe sur elle est le dernier regard qu’Alexandre 3. L’image donnée d’Horace est complexe. Il apparaît
peut poser sur cette femme. Pour conclure, cet extrait d’abord comme le sauveur de Paul : « cette scène dont il
présente une caractéristique romantique marquée en avait été le héros » (l. 68). Il est un homme froid et coura-
faisant de la nature le reflet fidèle de l’intériorité d’un geux qui n’hésite pas à tirer sur le sanglier, au risque de
personnage mourant. tuer son ami : « il était ferme et calme, comme s’il eût eu
Expression orale sous les yeux une simple cible » (l. 31-32).
Ensuite, Pauline fait de lui un portrait physique qui
11. Critères de réussite de la présentation du tableau
semble contredire cette première impression : « pâle,
• Le tableau est accompagné de ses références précises. et plutôt petit » (l. 69), « il paraissait à peine avoir vingt
• L’émotion est précisément identifiée. ans » (l. 71), « la présence habituelle d’une pensée
• La présentation commence par la description rapide sombre » (l. 76-77), « des mains de femme » (l. 78).
du tableau : titre, sujet si le titre n’est pas explicite, On peut en conclure qu’Horace est un personnage com-
nom du peintre, date de composition, technique
plexe qui paraît cacher de sombres secrets.
utilisée, format.
• Les procédés picturaux observés sont nommés et 4. La froideur d’Horace au milieu de cette scène agitée
montrés sur le tableau. Ils sont ensuite interprétés paraît d’abord une qualité (« ferme et calme », l. 31) pour
pour suggérer l’émotion annoncée. sauver la vie de Paul, mais devient ensuite un élément
inquiétant (« tant était froide, au milieu de l’exaltation
générale, la figure de cet homme qu’une mère remerciait
▶ Lecture d’image p. 149
de lui avoir conservé son fils », l. 81-83). Pauline ayant
1. Ce tableau baigne dans une atmosphère romantique perçu la menace que représente Horace, elle n’éprouve
car ses couleurs sont foncées, ce qui suggère la tristesse. pas de sentiments positifs pour ce dernier : « m’inspira
De plus, il représente la nature par le biais d’une forêt plutôt un sentiment de répulsion que de sympathie »
et d’un lac. Enfin, la scène est nocturne, or la nuit est un (l. 79-80). Le lecteur comprend que la relation entre ces
refuge apprécié des romantiques. deux personnages ne sera pas heureuse.
2. La source de lumière est la lune. Elle éclaire faible- Expression écrite
ment le lac. Les arbres et le premier plan restent dans 5. Proposition de paragraphe d’analyse rédigé
l’ombre. Cette scène de chasse constitue un premier portrait d’Ho-
3. Ce tableau pourrait illustrer le début du texte, dans race de Beuzeval. Il prend place dans le récit rétrospectif
lequel est évoqué un « massif d’arbres » (l. 1), « dont les fait par Pauline à son compagnon de voyage, Alfred de
racines baignaient dans l’eau » (l. 2). Nerval. La narratrice est donc Pauline, qui exprime les
sentiments qu’Horace lui a inspirés ce jour-là (« m’ins-
▶ Histoire littéraire p. 149 pira plutôt un sentiment de répulsion que de sympa-
thie », l. 79-80). Elle s’adresse à Alfred dans un dialogue
Le motif littéraire du chant du rossignol au style direct (« – C’était donc lui ? m’écriai-je », l. 64).
Les textes proposés dans l’encadré montrent que ce motif Le point de vue de ce récit est, par conséquent, interne.
littéraire n’est pas propre au romantisme. Au même Pauline donne ses impressions sur la scène (« Ce que je
titre que tous les autres motifs littéraires, il dépasse les viens de vous dire s’était passé en moins d’une minute »,
limites des courants littéraires. On pourra ainsi regrouper l. 27-28) et sur Horace (« pâle, et plutôt petit », l. 69, « de
des textes d’époques et de pays différents. belles dents », l. 78). Le lecteur comprend ainsi que Pau-
line n’est pas tombée naïvement amoureuse d’un héros :
elle a déjà conscience de la menace que peut représenter
Horace (« la présence habituelle d’une pensée sombre »,

76
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
l. 76-77). L’alternance de points de vue des personnages Le récit de Flaubert montre le chasseur comme un
au fil du roman, passant de la narration d’Alfred à celle homme sanguinaire, qui tue par plaisir : il abat de nom-
de Pauline, permet d’avoir accès à leur intériorité de breux animaux sans parfois prendre le temps de récupé-
manière successive. rer ses proies. De plus, l’un des animaux tués par Julien
est le messager de son avenir malheureux. Les proies
Expression orale
sont montrées comme vulnérables et nobles, à l’inverse
6. Il semble judicieux de choisir un passage de la scène de Julien.
de chasse (l. 1-63), qui est particulièrement rythmée.
Critères de réussite de la présentation du tableau
On peut proposer une lecture à plusieurs voix. Même si
les interventions sont rares, elles sont particulièrement • La présentation commence par la description rapide
touchantes. du tableau : titre, sujet si le titre n’est pas explicite,
On rappellera que le rythme vif de cette scène ne se tra- nom du peintre, date de composition, technique
duit pas forcément par une lecture rapide. utilisée, format.
• Le tableau est accompagné de ses références précises.
• Les images données du chasseur et de la proie sont
▶ Lecture d’image p. 150 clairement définies.
1. Le peintre montre la violence de la scène par l’appa- • Les procédés picturaux observés sont nommés et
rition fréquente des dents des animaux, des mâchoires montrés sur le tableau. Ils sont ensuite interprétés
pour suggérer l’aspect de la chasse mis en valeur.
ouvertes et par l’entrelacement des corps des chiens et
du sanglier. Le contraste entre le blanc de certains chiens
et la masse brune des autres animaux contribue à don-
ner l’impression d’un combat au corps à corps.
2. Ce tableau donne l’image d’un sanglier agressif, pré- Lecture 3 Le duo p. 152-153
dateur plutôt que proie. En effet, on remarque sa gueule
ouverte, un regard agressif et une posture d’attaque face ▶ Activités p. 153
aux chiens. Cette image correspond à celle qui est don-
née dans le texte. Découverte du texte
1. Les trois étapes de l’extrait :
▶ Histoire des arts p. 151 – lignes 1-20 : La mise en place du duo ;
– lignes 21-46 : Le duo chanté par Pauline et Horace ;
Le motif littéraire et pictural de la chasse – lignes 47-56 : Les suites du duo pour Pauline.
• Expression orale Horace s’illustre dans une autre scène L’évanouissement de Pauline s’explique par l’intensité,
de chasse, au même chapitre VII, lors de la chasse au tigre. qui va crescendo, de son émotion. Tout d’abord, elle ne
Ce récit prend place après cette scène de chasse. Il est souhaitait pas chanter et est paralysée par la demande
raconté par Paul, décidé à valoriser son sauveur. qui lui est faite (l. 3-5) ; puis elle découvre que son par-
Cette scène met en avant l’orgueil d’Horace, qui défie tenaire est Horace et un frisson lui court « par tout le
ses compagnons d’alors de tuer une tigresse avec un seul corps » (18-19) ; ensuite elle « tressaill[e] (l. 26), « trem-
poignard. Mais elle montre aussi son courage face au bl[e] (l. 31) et chante avec une « expression de crainte »
danger : il affronte le fauve qu’il tue de dix-sept coups de (l. 32) lorsqu’elle comprend qu’Horace en profite pour
poignard. Il est lui-même blessé. lui déclarer son amour, en public (l. 33-38) ; enfin l’émo-
• Lecture cursive tion de Pauline est à son comble (« un voile de flamme
a. On doit rappeler les circonstances de cette chasse : s’abaissa sur mes yeux », l. 41, « un frisson me passa par
la place de l’animal chassé, l’image du chasseur, éven- les veines […] et je m’évanouis », l. 45-46), quand elle
tuellement les procédés utilisés afin de mettre en valeur sent la main d’Horace toucher la sienne puis l’haleine et
un aspect particulier de la scène analysée. On rappellera le souffle de ce dernier dans ses cheveux et ses épaules.
que chaque genre littéraire exploite des procédés spéci- 2. Pauline n’est pas maîtresse de son destin. Tout d’abord
fiques : pour le poème V Fiche 15, p. 512 ; pour le récit Mme M… lui demande de chanter le duo de Don Gio-
V Fiche 14, p. 498-506. vanni (l. 1-2). Pauline ne peut refuser car sa mère se joint
Critères de réussite de la présentation de l’extrait à leur hôte pour qu’elle accepte (l. 5-7). Ensuite Pauline
ne choisit pas celui qui va chanter avec elle (« Un jeune
• La présentation commence par la description rapide
homme vint se placer de l’autre côté de la comtesse »,
du texte : titre, résumé rapide, nom de l’auteur, date
l. 16-17), il s’impose à elle (« il était trop tard pour me
de publication, courant littéraire.
• Le texte est ensuite lu de manière expressive. retirer, tous les yeux étaient fixés sur nous », l. 22-23).
Enfin, quand Pauline rentre chez elle, le papier qu’elle
b. Le poème de Vigny valorise le loup, en le personni- découvre lui impose une déclaration d’amour qu’elle n’a
fiant, et exprime la honte du poète de faire partie du jamais formulée (« Vous m’aimez !… », l. 56).
groupe des chasseurs.

77
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
3. a. Le chant interprété par les deux personnages est 8. a. Pauline commence à s’évanouir quand le comte
extrait d’un opéra de Mozart, Don Giovanni (1787). Cette la touche : « je sentis que le comte s’était rapproché de
œuvre est inspirée du mythe de don Juan, grand séduc- mon côté, sa main toucha ma main » (l. 40-41), « je sen-
teur mais aussi libertin qui devra se soumettre à l’auto- tis son haleine passer dans mes cheveux, son souffle cou-
rité divine. rir sur mes épaules » (l. 44-45).
Ce passage est le moment où don Giovanni, par caprice, b. Pauline ressent des signes avant-coureurs de son éva-
décide de séduire Zerline, une paysanne sur le point de nouissement : « un voile de flammes s’abaissa sur mes
se marier (acte I). yeux » (l. 41), « un frisson me passa par les veines, je jetai
b. Ce duo annonce l’union entre Pauline et Horace. en prononçant le mot amor un cri dans lequel s’épui-
sèrent toutes mes forces » (l. 45-46).
Analyse d’un passage du texte
c. Le champ lexical du corps est présent : « main » (l. 40,
4. a. Dans ce duo, le comte adopte un ton que Pauline 41), « yeux » (l. 41), « haleine », « cheveux », « souffle »
ne lui connaissait pas : « des intonations d’une gaieté (l. 44), « épaules », « veines » (l. 45). Il montre que Pau-
si fine et si gracieuse » (l. 28-29). En effet, le comte a line s’est laissée envahir physiquement par le chant
déjà chanté devant les invités un morceau de Schubert, qu’elle interprète. Elle s’y implique totalement, sans
d’une voix « puissante qui venait de nous faire frémir » aucune retenue.
(l. 27-28). Cela révèle la duplicité du personnage d’Horace.
Pauline, quant à elle, est oppressée par la peur : « je Expression orale
dis en tremblant » (l. 30-31), « il y avait dans ma voix 9. Recherche a. Don Juan est un personnage mythique.
une telle expression de crainte » (l. 31-32). Pourtant elle Il est difficile d’attester son existence réelle. Ce person-
connaît très bien ce duo : « j’avais chanté si souvent ce nage se construit au fil des œuvres qui le mettent en
duo que je ne pouvais opposer une bonne raison à leurs scène : Tirso de Molina, L’Abuseur de Séville et le Convive
instances » (l. 9-11). de pierre (1630) ; Molière, Dom Juan ou le Festin de
Ces intonations montrent qu’Horace est sûr de lui, pierre (1665) ; Mozart, Don Giovanni (1787)… Cepen-
décidé à séduire Pauline, voire à l’épouser. À l’inverse, dant, certaines caractéristiques perdurent : don Juan
Pauline est terrifiée par la menace qui plane sur elle. Elle est un séducteur à qui aucune femme ne résiste ; il ne
semble très lucide sur ce qui l’attend, beaucoup plus que cherche que son plaisir ; il ne respecte pas les règles
le lecteur qui peut facilement prendre la peur de Pauline sociales, morales ou religieuses.
pour de la mièvrerie à ce stade du récit. b. Horace peut être rapproché de don Juan, car il est
b. La voix d’Horace est celle d’un séducteur : « ce qu’il y capable de séduire les femmes (il peut chanter de
avait d’amour dans la voix du comte » (l. 33-34), « ce qu’il manière très séduisante). Il séduit Pauline, puis la sœur
mit de séduction et de promesses dans cette phrase » d’Alfred. De plus il agit selon son plaisir, sans respecter
(l. 35). aucune règle : il est un brigand sur les routes de Nor-
La voix de Pauline est celle d’une femme effrayée : « il mandie, en compagnie de ses amis. Il vole, tue, viole avec
y avait dans ma voix une telle expression de crainte » un grand sentiment d’impunité. Il met également en jeu
(l. 31-32), « le cri de la détresse la plus profonde » (l. 39). sa vie, lorsqu’il se livre à la chasse au tigre, par exemple.
5. La réplique du comte qui annonce leur relation mou- Rien ne semble avoir d’importance pour lui, comme
vementée est : « io cangerò tua sorte » (l. 35). pour don Juan.
6. Les spectateurs sont enthousiasmés par ce qu’ils Expression écrite
croient être le talent des deux interprètes : « dès la pre- 10. Proposition de paragraphe rédigé
mière phrase un murmure d’applaudissement courut-il Lors d’un bal donné par Mme M…, Pauline est invitée
par toute la salle » (l. 29-30), « les applaudissements à chanter un duo extrait du Don Giovanni de Mozart.
contenus éclatèrent » (l. 32). Elle ignore que son partenaire sera le comte de Beuze-
Ils apprécient donc l’excellence, la sincérité du jeu des val. Se produit alors une scène de séduction originale. En
interprètes, sans savoir que les intonations amoureuses effet, les deux personnages dialoguent avec des paroles
d’Horace et le trouble de Pauline reflètent leurs écrites pour d’autres personnages, mais qui conviennent
sentiments authentiques. à leur situation : « tout cela était si applicable à moi, ce
7. Pauline écoute le comte jouant le rôle d’un grand duo semblait si bien choisi pour la situation de mon
séducteur. Il est difficile de savoir ce qui relève de la maî- cœur » (l. 36-37). Horace dit alors à Pauline : « viens, ma
trise d’Horace et ce qui relève des projections de Pau- bien-aimée » (l. 34), « je vais changer ton destin » (l. 35).
line : « Je ne puis vous dire ce qu’il y avait d’amour dans Pauline se voit obligée de lui répondre : « vite… je n’ai
la voix du comte » (l. 33-34), puis « ce qu’il mit de séduc- plus de force » (l. 37-38), puis de conclure, avec Horace :
tion et de promesses dans cette phrase » (l. 35). « Allons-y, allons-y, mon/ma bien-aimé(e) » (l. 43-44).
On peut également relever la modalisation : « ce duo Pauline subit ainsi, devant le public, une déclaration
semblait si bien choisi pour la situation de mon cœur » d’amour qu’elle ne souhaite pas entendre. Cette impres-
(l. 36-37). sion est renforcée par le mot que le comte lui laisse à son

78
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
insu, et qui lui dicte les sentiments qu’elle doit éprouver : j’aperçus distinctement un homme qui venait d’ouvrir
« Vous m’aimez ! » (l. 56). On voit donc que Pauline est l’un des battants de la grille et le tenait entrebâillé, tan-
emportée malgré elle dans une liaison qui la terrorise. dis que deux autres, portant un objet que je ne pouvais
11. Critères de réussite de la transposition de la scène distinguer, franchissaient la porte que leur compagnon
referma derrière eux. Ces trois hommes ne s’avançaient
• Les personnages se trouvent dans une situation pas vers le perron, mais tournaient autour du château ;
contemporaine crédible. Aujourd’hui, on ne donne
cependant, comme le chemin qu’ils suivaient les rappro-
plus de bals où l’on fait chanter les invités. On peut
chait de moi, je commençai à reconnaître la forme du
penser à un cours de chant, par exemple.
• Les deux personnages se trouvent dans la même fardeau qu’ils portaient ; c’était un corps enveloppé dans
situation que Pauline et Horace : Horace aime un manteau », chap. XI).
Pauline, il veut la séduire, mais Pauline, jeune et Analyse d’un passage du texte
innocente, a peur de lui.
• Le duo reflète ces mêmes sentiments. On attend 3. a. b.
une œuvre assez récente. Il peut s’agir de musique, Ce qui effraie Pauline Sens associé
de théâtre ou d’une scène de film que les jeunes gens
doivent interpréter. « je sentais le froid me gagner le toucher
• L’écriture de la scène alterne les répliques du duo lentement » (l. 33-34)
et l’analyse des sentiments des personnages avec « il cessa, interrompu par un autre l’ouïe
un point de vue interne focalisé sur la jeune fille. bruit » (l. 42), « le parquet craqua »
(l. 49), « des pas s’approchèrent et
heurtèrent une chaise » (l. 50-51)
▶ Image p. 152
4. a. Le sentiment qui domine Pauline est la peur :
La cantatrice est très proche physiquement de son par-
« sans regarder autour de moi » (l. 35), « je tirai le drap
tenaire. La main de ce dernier semble prête à la cares-
par-dessus ma tête » (l. 36-37), « dans l’agonie de la ter-
ser. Mais son regard est au loin. Elle ne lui fait pas face,
reur » (l. 56).
comme si elle voulait échapper à son étreinte sans en
b. Physiquement, la peur de Pauline se voit de plusieurs
avoir le pouvoir. On voit donc que la jeune femme est
manières : « Je restai une heure à peu près ainsi sans
attirée par le jeune homme, mais craint également son
songer même à la possibilité du sommeil » (l. 37-38),
pouvoir sur elle.
« j’écoutais le travail incessant de l’ouvrière nocturne »
(l. 41), « le cou raidi, retenant mon haleine, la main sur
mon cœur pour l’empêcher de battre » (l. 46-47), « tous
Lecture 4 ces détails, ils sont présents à ma mémoire comme si
j’étais là encore » (l. 54-56). Pauline est donc sujette à
Seule dans le château ? p. 154-155
l’insomnie, elle est hypersensible aux bruits (elle entend
une araignée qui tisse sa toile), son cœur s’emballe et sa
▶ Activités p. 155
mémoire a retenu tous les éléments de manière extrê-
Découverte du texte mement précise.
1. § 1 (l. 1-17) : La flamme de la bougie s’éteint. 5. a. Afin de préserver le suspense, le narrateur détaille
§ 2 (l. 18-31) : Le feu s’éteint progressivement : il est tous les petits bruits entendus par Pauline, en alternant
minuit. avec leur identification et les réactions de Pauline. Ainsi
§ 3 (l. 32-48) : Pauline se couche, mais elle entend le bruit la révélation finale est retardée.
de la porte de la bibliothèque. b. Langue Les propositions qui dominent dans les lignes
§ 4 (l. 49-56) : Pauline entend des pas qui s’approchent 49 à 56 sont des propositions indépendantes, juxtaposées
d’elle. ou coordonnées. Ce type de construction permet d’imiter
§ 5 (l. 57-74) : Horace passe la tête dans l’alcôve du lit de la succession des pensées, de manière peu ordonnée, dans
Pauline. l’esprit troublé de Pauline : « [ Je ne m’étais pas trompée],
Le lecteur découvre, en même temps que Pauline, [le parquet craqua sous le poids d’un corps] ; [des pas s’ap-
qu’Horace fait partie du groupe de brigands qui terro- prochèrent] [ et heurtèrent une chaise] ; [mais sans doute
risent les routes de Normandie. celui qui venait craignit d’être entendu], [ car tout bruit
2. Ce qui inquiète Pauline est réel : « Cette fois, ce n’était cessa aussitôt], [ et le silence le plus absolu lui succéda].
plus une crainte vague et sans cause qui m’agitait, c’était [L’araignée reprit sa toile…] » (l. 49-53).
quelque crime bien réel qui rôdait autour de moi et dont 6. Les éléments du texte qui montrent qu’il s’agit d’un
j’avais de mes yeux distingué les agents » (l. 1-4). En effet, dialogue sont le pronom personnel de deuxième per-
en observant les alentours du château la nuit, Pauline a sonne et l’apostrophe de la narratrice à son destinataire :
vu les brigands entrer dans le parc (« Les volets étaient « voyez-vous » (l. 54) ainsi que l’interjection : « Oh ! »
poussés seulement, j’en écartai un, et au clair de la lune (l. 54). Tous ces éléments appartiennent au langage oral.

79
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
L’intérêt de donner le point de vue de Pauline est que le • Expression écrite
lecteur a accès de manière très personnelle à toutes les Critères de réussite du récit
suppositions de la jeune femme, à toutes ses sensations, à
• Le cadre est réaliste.
tous ses sentiments. De plus, il découvre en même temps • La description met l’accent sur l’isolement de la grotte
que Pauline la terrible réalité : Horace est un criminel. et son obscurité.
Expression orale • Le texte peut exploiter les effets de lumière
pour créer des hallucinations, comme le feu dans
7. Critères de réussite de la lecture expressive les deux textes étudiés.
• Le ton varie entre les suppositions de Pauline et ce • Le lieu de la grotte peut être exploité : présence
qu’elle entend réellement. d’animaux sauvages, de peintures rupestres…
• La révélation de l’identité d’Horace apparaît comme • L’isolement du personnage est justifié. Il peut être dû
le point d’orgue de cet extrait. à une cause naturelle : la nuit, un orage, une tempête
• L’utilisation de la ponctuation expressive est de neige…
particulièrement intéressante. • Pour renforcer l’inquiétude et les doutes du lecteur,
le personnage peut être dans un état anormal,
8. Pauline ferme les yeux en voyant son mari, car elle justifiant les hallucinations dont il est victime. Il peut
sait qu’il est capable de tuer un homme ou un animal être malade, blessé, terrifié car poursuivi…
de sang-froid. Par conséquent, si elle représente une • Le récit est correctement rédigé : il respecte les temps
menace pour lui, elle sait qu’il la tuera sans hésiter. Si du récit, utilise les pronoms de manière cohérente,
elle ferme les yeux, peut-être pensera-t-il qu’elle dort et alterne récit et pensées du personnage…
qu’elle ne l’a pas vu. C’est pour elle un moyen de se pro-
téger. Une protection provisoire, puisqu’elle découvrira la
cachette des brigands, ce qui la condamnera.
Expression écrite Atelier Dissertation guidée –
9. Vers le commentaire Perrault, Dumas, Nothomb
Proposition de plan du paragraphe de commentaire
• Idée principale : l’expression d’une peur profonde p. 156-157
Ex. « bondir d’effroi » (l. 9), « je n’étais préservée de l’éva-
nouissement que par la terreur même » (l. 28-29), « dans ▶ Activités p. 157
l’agonie de la terreur » (l. 56).
Étape 1
• Éléments d’analyse : le champ lexical de la peur (termes
forts) ; la peur, thème principal du texte ; la peur renforcée 1. a. Création : « acte consistant à produire et à former
par la culpabilité (Horace a interdit à Pauline de venir). un être ou une chose qui n’existait pas auparavant ».
© Trésor de la langue française
Plan du commentaire complet V activité 1.c., p. 457
Réécriture : fait de « donner une nouvelle version d’un
texte déjà écrit ». © Trésor de la langue française
▶ Image p. 155 Ces deux termes paraissent opposés puisque l’un s’ap-
Différents éléments picturaux contribuent à créer une puie sur ce qui existe déjà, alors que l’autre invente une
atmosphère angoissante : chose qui n’existe pas encore.
– les couleurs sombres (camaïeu de brun et noir) ; b. Peut-on dire que quand un écrivain produit un texte, il
– la silhouette du château ; reprend forcément ce qui a été écrit auparavant ?
– l’isolement du château ; La thèse sous-entendue par le sujet est que toute créa-
– le ciel nuageux. tion littéraire est une forme de réécriture.
2. La question posée est fermée : elle appelle à discuter
▶ Texte écho p. 155 la thèse.
3. a. Ces textes illustrent un aspect du sujet proposé,
• Ce que le personnage perçoit réellement : « ce que
puisque ce sont différentes manières de raconter l’his-
j’avais pris pour de vaines peintures » (l. 3), « je n’en-
toire de Barbe bleue. Ils peuvent donc être utilisés
tendais rien que le tic-tac de la pendule et le sifflement
comme exemples.
de la bise d’automne » (l. 7-8), « La pendule sonna onze
b. Le premier texte est un conte merveilleux : on observe
heures » (l. 13).
la mise en place de la clé magique qui va condamner la
Ce qui relève de l’hallucination : « le feu prit un étrange
femme curieuse. Le rythme est plutôt rapide.
degré d’activité » (l. 1), « les prunelles de ces êtres enca-
Le deuxième texte est bien plus lent : Pauline met beau-
drés remuaient et scintillaient d’une façon singulière »
coup de temps à se rendre jusqu’au repaire des criminels.
(l. 4-5), « leurs lèvres s’ouvraient et se fermaient comme
C’est prévisible car il s’agit d’un extrait de roman, genre
des lèvres de gens qui parlent » (l. 5-7), « Le vibrement du
plus long que le conte. La tonalité est plus sombre car les
dernier coup retentit longtemps » (l. 13-14).

80
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
crimes sont plus détaillés et vus par le regard de Pauline, • Molière, Tartuffe (1669) : comédie qui dénonce les faux
la future victime. dévots dans la société du XVIIe siècle. Molière crée une
Le troisième texte est extrait d’un court roman. La tona- histoire originale, qu’il met en scène dans une comédie
lité est plus humoristique que dans les autres extraits. qui s’attache à un sujet sérieux. On parle de comédie
On voit une remise en question du motif littéraire morale.
de Barbe bleue : la future victime refuse de s’inscrire • Balzac, Le Père Goriot (1834) : histoire créée à partir
dans la lignée macabre. À la fin du roman, l’assassin d’un fait divers. Balzac invente un monde complet, qui
mourra de la même manière qu’il a tué ses précédentes donnera La Comédie humaine, concurrente de l’état civil.
compagnes. • Queneau, Exercices de style (1947) : 99 fois la même
anecdote, inspirée du quotidien. L’histoire n’a pas d’in-
Étape 2
térêt en soi. L’intérêt de l’œuvre est justement sa propre
4. a. Le troisième extrait se moque du conte merveilleux réécriture, qui semble presque infinie.
mis à l’écrit par Perrault. On remarque notamment que
l’assassin assume parfaitement ses crimes comme une Étape 3
sorte d’œuvre d’art. De plus, le dialogue entre l’homme 8. Propositions d’exemples
et sa compagne révèle une sorte de négociation pour a. La Fontaine reprend les apologues d’Ésope pour en
qu’elle prenne place dans la suite déjà commencée. Mais faire des fables versifiées au XVIIe siècle.
la victime refuse. Dans ce texte, elle paraît avoir le choix, b. Cervantès parodie les romans de chevalerie dans Don
contrairement au conte où elle est condamnée à cause Quichotte (1605).
d’un défaut présenté comme typiquement féminin, la c. Zola met en scène des antihéros dans ses romans afin
curiosité. de montrer une évolution de l’époque (Claude Lantier, le
b. Recherches peintre maudit de L’Œuvre en 1886).
• Hommage : « marque, témoignage de respect, de recon- d. Aloysius Bertrand invente le poème en prose, dans
naissance, de gratitude envers quelqu’un ou quelque Gaspard de la nuit (posth. 1842), pour exprimer le mal-
chose ». © Trésor de la langue française être romantique.
• Pastiche : « œuvre artistique ou littéraire dans laquelle 9. Plan de dissertation
l’auteur imite en partie ou totalement l’œuvre d’un maître I. Les créations littéraires sont souvent des réécritures.
ou d’un artiste en renom par exercice, par jeu ou dans une 1. L’auteur reprend un thème traditionnel, pour s’inscrire
intention parodique ». © Trésor de la langue française dans la tradition littéraire.
• Parodie : « texte, ouvrage qui, à des fins satiriques ou Ex. La Fontaine reprend les apologues d’Ésope pour en
comiques, imite en la tournant en ridicule une partie ou faire des fables versifiées au XVIIe siècle.
la totalité d’une œuvre sérieuse connue ». © Trésor de la 2. L’auteur reprend un thème traditionnel, mais le modi-
langue française fie, parfois pour le parodier.
• Réinterprétation : action de donner un sens nouveau Ex. Cervantès parodie les romans de chevalerie dans
et personnel à une œuvre qui existe déjà. Don Quichotte (1605).
5. • Lecture 1 (« La rencontre avec Pauline », p. 148) : II. Mais certaines créations littéraires représentent
le motif du chant du rossignol, ainsi qu’une allusion à une rupture avec les textes déjà écrits.
Roméo et Juliette. 1. L’auteur modifie un thème traditionnel, car l’époque
• Lecture 2 (« La scène de chasse », p. 150) : le motif lit- est nouvelle, il faut donc actualiser les histoires.
téraire de la scène de chasse. Ex. Zola met en scène des antihéros dans ses romans
• Lecture 3 (« Le duo », p. 152) : un extrait de Don Gio- afin de montrer une évolution de l’époque (Claude Lan-
vanni de Mozart. tier, le peintre maudit de L’Œuvre en 1886).
• Lecture 4 (« Seule dans le château ? », p. 154) : le début 2. L’auteur modifie la manière d’écrire, invente un nou-
de « La Barbe bleue », ainsi que l’atmosphère typique veau langage pour dire des choses nouvelles.
des romans gothiques et fantastiques du XIXe siècle. Ex. Aloysius Bertrand invente le poème en prose, dans
6. On peut imaginer un texte littéraire qui ne serait Gaspard de la nuit (posth. 1842), pour exprimer le mal-
absolument pas une réécriture. Ce serait un projet de lit- être romantique.
térature radicalement novateur. L’auteur voudrait explo- Étape 4
rer une nouvelle voie artistique.
10. Critères de réussite de la dissertation
7. a. et b. Propositions d’exemples
• Rabelais, Pantagruel (1532), Gargantua (1534) : des his- • Le sujet est compris.
• Le sujet est traité avec des arguments pertinents.
toires de géants, inspirées de légendes celtiques. Rabe-
• Les arguments sont illustrés par des exemples
lais écrit deux romans : des fictions en langue française.
pertinents et variés. Ces exemples sont analysés.
• Du Bellay, Les Regrets (1558) : recueil de sonnets consa- • Le devoir est organisé avec une introduction,
crés à l’amour du pays natal (et non de la femme aimée), un développement et une conclusion.
en langue française et en alexandrins.

81
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
• L’introduction suit les étapes données. V Fiche 19, Pauline quand elle boit le poison, grâce au récit de cette
p. 544 dernière (extrait 2, l. 9-16).
• Le développement suit un plan pertinent 6. Le point de vue omniscient aurait permis d’avoir
en deux parties au moins, avec deux sous-parties toutes les informations en un seul récit. L’intérêt de mul-
au minimum. tiplier les narrateurs est que le récit se construit petit à
• La conclusion suit les étapes données. V Fiche 19, petit, au fil de la lecture. Le lecteur reconstitue une sorte
p. 544
de puzzle, en fonction de ce que chaque personnage
• Le devoir est rédigé de manière compréhensible, avec
apporte. De plus, les récits enchâssés permettent d’avoir
de nombreux connecteurs. Le vocabulaire employé
est varié et précis. Les phrases sont correctement des points de vue internes sur chaque partie du récit.
construites. L’orthographe est maîtrisée. Étape 3
Expression écrite
7. Proposition de paragraphe
Dans Pauline, Dumas multiplie les points de vue internes
Atelier Analyser la narration pour construire son récit. Par exemple, la libération de
Pauline est d’abord racontée du point de vue d’Alfred,
dans un récit – A. Dumas, puis du point de vue de Pauline. Le premier intérêt est
Pauline p. 158-159 que ce sont les deux personnages concernés par cet évé-
nement, chacun d’un côté de la grille de la cellule. Le
▶ Activités p. 159 lecteur connaît donc les pensées d’Alfred (« Ce bruit, au
lieu de diminuer mon courage, me le rendit tout entier »,
Étape 1 l. 11-12) et de Pauline (« J’attendais avec anxiété », l. 22).
1. Chronologie des événements Cela permet au lecteur de percevoir la sensibilité propre
Horace à chaque personnage. De plus, le récit à la première per-
enferme Alfred entre Pauline se jette sonne donne au lecteur une impression de sincérité et
Pauline dans dans à genoux d’authenticité, car il est raconté par celui qui a vécu les
le caveau. le souterrain. à la grille. événements. Le lecteur n’imagine pas qu’un narrateur
personnage puisse ne pas lui raconter la vérité. Pour
conclure, la multiplication des points de vue internes
Alfred arrive Alfred voit permet au lecteur d’avoir une vision des événements du
à l’abbaye. Pauline. récit plus complète et plus fidèle à la réalité.
2. Dans le caveau, Alfred découvre Pauline. Elle est 8. Pour donner de l’intérêt au récit, il faudra insister sur
d’abord désignée comme « une femme assise, les bras les pensées d’Alfred et de Pauline. De plus, il faut veiller
tordus, les yeux fermés et mordant une mèche de ses au rythme du récit, afin de créer une tension dans ce
cheveux » (extrait 1, l. 20-21). Son identité n’est révélée moment particulier. En effet, l’action se déroule assez
que plus tard (l. 28), créant un effet d’attente. rapidement, mais il est intéressant de créer un effet d’at-
3. Pauline voit Alfred entrer dans le caveau. Elle le tente : Alfred parviendra-t-il à délivrer Pauline ?
désigne par le pronom « vous » (extrait 2, l. 26). Critères de réussite du récit

Étape 2 • Le récit respecte et ordonne les événements


du roman. V Chronologie des événements, dans
4. a. Extrait 1 : Alfred raconte l’histoire à Alexandre.
l’étape 1, colonne de gauche
Extrait 2 : Pauline raconte l’histoire à Alfred. • Le récit insiste sur les pensées d’Alfred et de Pauline,
b. On appelle ce type de narrateur un narrateur person- en utilisant un point de vue omniscient.
nage, car Alfred et Pauline font partie de l’histoire qu’ils • Le récit décrit l’abbaye, de nuit.
racontent. Ils s’expriment en utilisant le pronom « je » • Le récit est correctement rédigé : il respecte les temps
(« je m’arrêtai un instant » extrait 1, l. 1 ; « je marchai du récit, utilise les pronoms de manière cohérente,
vers la pierre » extrait 2, l. 1). alterne récit et pensées du personnage…
5. a. L’extrait 1, raconté par Alfred à Alexandre, appar-
tient au niveau 2 de la narration.
L’extrait 2, raconté par Pauline à Alfred, appartient au
niveau 3 de la narration.
b. Ce double récit du même événement permet d’avoir
des détails sur la captivité de Pauline, vue de l’intérieur
et de l’extérieur de la cellule. Le lecteur sait, par exemple,
où se trouve le caveau de Pauline dans l’abbaye grâce au
récit d’Alfred (extrait 1, l. 14-20). Il sait aussi ce que pense

82
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
Prolongement artistique Doc 4. Le plan pied fait à nouveau de Mrs de Winter un
petit être fragile et effrayé, qui se tient encore les mains
et culturel Rebecca (1940) comme un enfant qui a commis une erreur ou une bêtise.
p. 160-162 Elle est prise au piège entre Mrs Danvers, qui se tient
droite et est bord cadre, la balustrade au premier plan
du cadre et le tableau surdimensionné à l’arrière-plan.
▶ La séquence d’ouverture : Mrs Danvers semble en outre beaucoup plus grande que
présentation de Manderley p. 160 Mrs de Winter dans ce plan.
1. a. Le déplacement de la caméra en travelling avant à Doc 5. Le cadrage, cette fois, met Mrs de Winter davan-
travers des silhouettes d’arbres peut faire naître un sen- tage en valeur (plan rapproché). Ce cadrage permet
timent d’inquiétude autour de cette demeure. La gran- d’insister sur sa féminité, ses atouts. La jeune épouse
deur de la maison qui se révèle progressivement derrière porte une robe sophistiquée avec décolleté (robe por-
les arbres peut également faire naître un sentiment tée par le personnage du tableau, doc. 4), sa coiffure est
de peur, de malaise, même si on passe éventuellement plus élaborée. Mais son regard est porté vers un coussin
par l’émerveillement dans un premier temps (forêt et brodé d’une initiale, « R ». Le corps de Mrs de Winter
manoir constituent les topoï du conte). ainsi incliné sur le coussin, son visage fermé montrent
b. Les ombres qui apparaissent sur la façade de la maison sa fascination, voire son obsession, pour la broderie et ce
renforcent cette notion de malaise. Les contrastes lumière/ qu’elle représente.
ombre rendent la maison vivante (au sens de personnifi- b. Les fourrures, l’initiale brodée, voire la robe portée par
cation) : le spectateur découvre tour à tour une demeure Mrs de Winter, incarnent le personnage représenté sur la
occupée, puis une maison abandonnée, en ruines… Les peinture : Rebecca, la première Mrs de Winter.
lumières qui oscillent aux fenêtres disproportionnées 3. Ces objets, ces initiales sont répartis dans différentes
prêtent un caractère mystérieux à la demeure. pièces de la demeure : dans la chambre de Rebecca
c. Le paysage inspire un sentiment d’inquiétude, précé- (docs 3 et 5), dans son bureau, dans la maison de la plage
demment suggéré par la brume que traversait le specta- et sur les murs de la maison (doc. 4). Cette omniprésence
teur à travers le parc, mais aussi par le choix d’un bois, de Rebecca fait naître un sentiment d’oppression. La
caractérisé par la pénombre, qui environne la demeure. nouvelle arrivante ne peut pas exister (elle n’a d’ailleurs
Les arbres de ce parc ressemblent à des silhouettes pas de prénom, d’identité avant de devenir Mrs de Win-
décharnées, squelettiques. Les éléments sont réunis ter) dans un lieu à l’image de la précédente épouse, elle
pour faire naître la peur chez le spectateur, tout en éveil- est vulnérable.
lant sa curiosité. La demeure apparaît à l’arrière-plan du 4. Les objets et initiales incarnent la défunte dans la
cadre entre des branchages qui donnent l’impression maison – maison qui prend vie en continuant à faire exister
de l’enfermer mais aussi de la mettre en valeur : une Rebecca. Ils fonctionnent comme une personnification,
manière pour Hitchcock de la révéler progressivement, voire des métonymies.
comme un bijou dans un écrin ou un lieu inaccessible.
Le spectateur, comme la voix off féminine, doit d’abord ▶ La découverte de la chambre
affronter les obstacles du parc pour accéder à la demeure.
de Rebecca p. 161
▶ La présence insistante du passé 5. Docs 6 à 13 a. On constate une variation importante
p. 160
d’échelle de plan : (par ordre d’apparition) plan demi-en-
semble, plan taille/américain, gros plan, plan d’ensemble,
2. a. L’élève doit être attentif à la place du personnage deux plans taille, deux plans pied.
dans le cadre, ainsi qu’à la manière dont elle est filmée. On varie l’axe de prise de vue également : dos, face,
Ainsi, il faut remarquer qu’elle paraît souvent soumise au contrechamp en caméra subjective, de profil, de face avec
décor et aux accessoires : les vêtements à l’arrière-plan un changement d’axe de prise de vue, de profil, de dos.
du document 3 (manteaux de fourrures et robes de soi- Ces variations permettent de créer du rythme, mais aussi
rée), la peinture (doc. 4) et, enfin, un coussin brodé d’une et surtout de faire naître du suspense, une tension.
initiale « R » (doc. 5). b. Les ombres accroissent le sentiment d’insécurité.
Doc 3. Mrs de Winter est au bord du cadre (bord Lorsqu’elles sont projetées sur le visage de Mrs de Winter
cadre), contre une porte, ce qui constitue un cadre avec (doc. 7), elles inspirent un sentiment de malaise et ren-
Mrs Danvers en symétrie de l’autre côté (surcadrage). forcent la tension de la scène, comme dans le doc. 8.
L’attitude de Mrs de Winter (qui se tient les mains) tra- Dans le doc. 9, les ombres sont d’autant plus inquié-
duit une forme de peur. Elle donne l’impression d’être tantes qu’elles sont difficilement identifiables : ce sont
une enfant qui se fait gronder… On peut également être juste des silhouettes, dissimulées derrière les voilages,
attentif à sa tenue : peu élaborée et de couleur claire, en et qui semblent démesurées dans l’espace de la pièce.
opposition à la couleur de la tenue de Mrs Danvers. Ces mêmes ombres donnent l’impression d’assister à un

83
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
ballet mécanique. Elles donnent vie à la maison : une 10. Docs 15, 16, 18 à 21 Il s’agit cette fois de quali-
ombre plane sur la jeune femme. fier une personne, un caractère à partir des relevés et
Les voilages permettent de ralentir l’action, d’accentuer le constats précédents.
suspens : dans les docs 10 et 11, Mrs de Winter entre pro- Mrs Danvers peut donc paraître : inquiétante, terrifiante,
gressivement dans la seconde partie de la pièce. De plus, maléfique. On fera éventuellement remarquer une grada-
si on s’intéresse aux notions de placement de caméra et tion suggérée par la représentation cinématographique.
de point de vue, le spectateur peut comprendre que le 11. Il est évident que l’idée de tension, de conflit,
réalisateur préfère suggérer le hors-champ (ce qui ne se n’échappera pas aux élèves. Ils pourraient également y
voit pas à l’écran mais que le regard du personnage ou voir un rapport de force et donc un échange des rôles :
le son font exister) pour créer de l’attente. Les voilages Mrs Danvers a tout de la maîtresse de maison, quand
contribuent également à la création d’un univers fantas- Mrs de Winter semble être une employée qui multiplie
tique (docs 9, 10, 11 et 13). Ils constituent une frontière, les erreurs. Mrs Danvers cherche à dominer, voire anéan-
une transition entre la réalité et le fantastique. tir, la jeune épouse.
6. Docs 6, 7, 9, 12, 13 a. Il faudra pour cette question être
attentif à la place du personnage non seulement dans ▶ Questions d’ensemble p. 162
le cadre, mais aussi par rapport aux éléments du décor.
L’héroïne est très souvent au centre du cadre (excepté Il s’agit de rédiger un bilan des différents procédés ciné-
dans le doc. 9), alors surcadrée par les murs, couloirs ou matographiques repérés.
rideaux. Elle est parfois en amorce (bord cadre, cachée • Hitchcock et le suspense
par une plante dans le doc. 9) ou à un tiers du bord cadre – Un montage qui alterne des plans d’échelles diffé-
(doc. 13), selon la règle des tiers (le cadre est divisé en rentes et qui varie les angles et axes de prise de vue.
trois bandes verticales et trois bandes horizontales). – Des contrastes clair-obscur.
L’idée est de la représenter comme une femme écrasée, – Des décors qui semblent immenses, qui enferment le
ridicule dans cet espace trop grand pour elle, au milieu personnage et suggèrent un hors champ inquiétant.
de meubles trop imposants et de tissus trop lourds : la • Les caractéristiques du cinéma gothique
jeune épouse n’est pas à sa place. – Une demeure inquiétante, sombre, aux multiples
b. Mrs de Winter doit se sentir vulnérable, telle une pièces, dont certaines sont fermées ou inaccessibles.
proie. Elle est perdue dans un labyrinthe ou un temple – Des ombres, des contrastes de clair-obscur.
dédié à Rebecca. On peut aussi parler de peur. – Une héroïne perdue dans une grande maison, victime
d’un personnage maléfique.
▶ Deux personnages de femme p. 162 – Une héroïne qui doit évoluer, déambuler, courir dans
une maison semblable à un labyrinthe.
7. La jeune Mrs de Winter est souvent montrée en
– Une intrigue en forme de récit d’apprentissage : l’hé-
victime. Elle apparaît comme surprise, acculée, dominée
roïne doit dépasser ses craintes et s’affirmer face aux
par Mrs Danvers.
personnages hostiles (même s’il s’agit de la famille) pour
Mrs Danvers apparaît soit au premier plan, en très gros
construire son identité et exister.
plan, derrière les voilages, comme mise en scène. Tou-
jours très droite et vêtue de noir, dans l’ombre ou dans
un contraste clair-obscur, elle est une ombre malfaisante.
8. Docs 14, 16, 17, 19, 20 Il faut différencier trois types
de projection :
– les ombres projetées sur Mrs de Winter la piègent et
traduisent le mal qui l’oppresse. Dans le doc. 20, le spec-
tateur peut presque identifier des mains autour du cou Lecture cursive E. Brontë,
de Mrs de Winter ; Les Hauts de Hurle-Vent p. 163
– celles projetées sur Mrs Danvers ou autour d’elle
peuvent représenter son caractère inquiétant, voire Ce roman est proposé à la lecture car il illustre les carac-
maléfique. Elle est un zombie sorti des ténèbres ; téristiques du roman romantique européen. Il a sa place
– celles projetées sur le décor enferment les personnages. parmi les classiques de la littérature. Cette lecture per-
9. Docs 16, 18, 20 Le décor est surchargé, il est étouffant met l’ouverture à une littérature autre que française.
et est un piège pour Mrs de Winter. Les portes, les voi- De plus, on peut rapprocher les personnages d’Horace
lages sont surdimensionnés et occupent souvent tout le et de Heathcliff, qui mêlent le sentiment amoureux et la
cadre ou les deux tiers du cadre. Même à l’arrière-plan, volonté de faire souffrir leurs proches.
ils sont très présents et interdisent toute idée d’échappa- Pour finir, ce roman propose un volume de lecture plus
toire. Les ombres et voilages prêtent un caractère mysté- imposant que Pauline, avec un rythme et une narration
rieux, voire inquiétant, au lieu. très différents.

84
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
▶ Activités p. 163 – Edgar Linton, propriétaire de Thrushcross Grange,
époux de Catherine, père de Catherine.
• Informations sur le roman – Isabelle Linton, sœur d’Edgar Linton, épouse de
Titre : Les Hauts de Hurle-Vent (Wuthering Heights) Heathcliff, mère de Linton Heathcliff.
Auteur : Emily Brontë (1818-1848) – Nelly Dean, gouvernante de Catherine, narratrice du
Date de parution : 1847 roman.
Nombre de pages : env. 400 pages • Caractéristiques liées au courant romantique
Résumé. M. Earnshaw, père de Hindley et de Catherine, – Les personnages souffrent, ils incarnent le mal-être
adopte Heathcliff, un bohémien. À sa mort, les conflits romantique.
entre Hindley et Heathcliff grandissent, parallèlement – Les personnages trouvent refuge dans la nature, la
à la tendresse entre Heathcliff et Catherine. Hindley lande qui entoure les Hauts de Hurle-Vent.
se marie et perd sa femme juste après la naissance de – Les personnages sont dominés par leurs sentiments,
son fils, Hareton. Catherine, quant à elle, épouse un par leur exaltation.
homme riche, Edgar Linton, avec qui elle part vivre. – L’action se déroule dans des lieux isolés, propices aux
Elle laisse Heathcliff seul avec Hindley, rendu fou et passions violentes.
alcoolique par le chagrin. Pensant être abandonné par
Catherine, Heathcliff s’enfuit dans la lande. Catherine
tombe malade en le cherchant. Elle survit mais sera
changée à jamais : elle devient sujette à des crises de
nerfs.
De retour chez Hindley, Heathcliff le ruine au jeu et
Synthèse p. 164-165

s’approprie le domaine familial. Il passe du temps


avec Catherine, mais ne s’entend pas avec son mari, ▶ À construire p. 164
Edgar. Poussé par un désir de vengeance, il épouse Étape 1
Isabelle, la sœur d’Edgar, qui s’est entichée de lui. Il la 1. Comme les romans gothiques, Pauline prend place
maltraite. Suite à une crise particulièrement violente, dans des lieux sombres et isolés, par exemple le château
Catherine tombe gravement malade. Elle meurt après du comte Horace ou l’abbaye de Grand-Pré. L’intrigue est
avoir avoué ses sentiments à Heathcliff et avoir donné organisée autour d’une action inquiétante et négative,
naissance à la fille d’Edgar, Catherine. Isabelle, quant le meurtre par Horace de sa jeune épouse. Les person-
à elle, donne naissance à Linton, le fils d’Heathcliff. nages typiques du roman gothique sont mis en scène : la
Dix-sept ans plus tard, Edgar et Hindley sont morts. femme persécutée (Pauline), le bandit (Horace).
Toujours poussé par la vengeance, Heathcliff arrange Certaines scènes sont très fréquentes dans les romans
un mariage entre son fils et la fille de Catherine. Lin- gothiques, comme la porte secrète qui s’ouvre sur une
ton meurt assez vite après son mariage. Les biens de vision horrible, par exemple lorsque Pauline ouvre la
Catherine ne lui appartiennent plus, ils reviennent porte secrète du château pour découvrir Horace et ses
désormais à Heathcliff, qui met la maison en location amis prêts à violer puis à tuer la jeune Anglaise. On
et retient Catherine chez lui. Elle tombe peu à peu trouve aussi de nombreuses scènes nocturnes, quand
amoureuse d’Hareton, qu’Heathcliff a maintenu dans Alfred va chercher Pauline dans l’abbaye, par exemple.
l’inculture et la servitude, par esprit de vengeance
envers son père, Hindley. Heathcliff devient dépressif, Étape 2
arrête de se nourrir et finit par mourir. Il est enterré à 2. Expression orale
côté de Catherine et d’Edgar. La fille de Catherine et Critères de réussite de la présentation de l’extrait
Hareton vont se marier.
• Le passage choisi est présenté : numéro du chapitre,
Image. Les élèves pourront choisir parmi les couver-
place dans le roman (qui est le narrateur ?), résumé
tures des différentes éditions du roman. Il ne faut pas du passage.
oublier de donner les références de l’illustration choisie. • La lecture est expressive.
• Deux arguments, associés à des exemples précis,
• Personnages principaux
justifient le choix du passage.
– M. Earnshaw, propriétaire des Hauts de Hurle-Vent,
père de Catherine et d’Hindley. 3. V Le romantisme, p. 40
– Catherine, fille de M. Earnshaw, sœur d’Hindley, Carte mentale
épouse d’Edgar Linton, mère de Catherine. V page suivante
– Hindley, fils de M. Earnshaw, frère de Catherine, époux
de Frances, père de Hareton.
– Heathcliff, fils adoptif de M. Earnshaw, époux d’Isabelle
Linton, père de Linton Heathcliff.

85
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
Proposition de carte mentale
Les principales caractéristiques du romantisme français

L’expression des sentiments La nature, miroir des sentiments


« Pauline n’avait que moi, les liens « La nuit était orageuse, j’entendais le tonnerre
qui nous unissaient se resserraient au loin, et le bruit de la mer qui se brisait sur la
chaque jour davantage par plage venait jusqu’à moi. Il y avait dans mon cœur
l’isolement ; chaque jour je sentais une tempête plus terrible que celle de la nature,
que je faisais un pas dans son et mes pensées se heurtaient dans ma tête
cœur, chaque jour un serrement Romantisme plus sombres et plus pressées que les vagues de
de main, chaque jour un sourire, français l’océan. » (chap. XII)
son bras appuyé sur mon bras, à partir de 1820
sa tête posée sur mon épaule, Pauline publié
était un nouveau droit qu’elle en 1838 La fuite dans un autre espace
me donnait sans s’en douter « je me remets tout entière à votre honneur, car
pour le lendemain, et plus elle je n’ai que vous au monde : vous seul savez que
s’abandonnait ainsi, plus, tout en j’existe.
aspirant chaque émanation naïve Oui, vous l’avez supposé avec raison, il faut que je
de son âme, plus je me gardais de quitte la France. Vous alliez en Angleterre, vous
lui parler d’amour, de peur qu’elle m’y conduirez ; mais je n’y puis pas arriver seule
ne s’aperçût que depuis longtemps et sans famille ; vous m’avez offert le titre de votre
nous avions dépassé les limites de sœur ; pour tout le monde désormais je serai
l’amitié. » (chap. XIV) Mlle de Nerval. » (chap. V)

4. Expression écrite Enfin, on remarque l’amour platonique qui unit Pauline


Critères de réussite du paragraphe de justification et Alfred. Ce lien est caractéristique du romantisme. En
effet, la réalité s’oppose à leur bonheur. Leur amour est
• Le personnage choisi est présenté : nom, rôle dans
le roman, lien avec les autres personnages, traits indissociable de la souffrance : quand Pauline avoue son
caractéristiques (physiques et moraux). amour à Alfred, elle meurt. La satisfaction des attentes
• Le passage du roman choisi illustre des traits d’Alfred est liée à une nouvelle souffrance, celle du deuil.
caractéristiques identifiés précédemment. 6. Débat
• Le passage dans le roman est situé : chapitre, Éléments de réponse
situation dans l’intrigue. • La lecture de Pauline montre l’état d’esprit des roman-
• Le paragraphe relève des citations pertinentes pour
tiques du XIXe siècle.
chaque trait caractéristique du personnage.
• Le roman montre les caractéristiques du roman
• Le tableau date du XIXe siècle.
• Le tableau est présenté : titre, peintre, date gothique, qu’on peut trouver aujourd’hui dans certains
de réalisation, technique, format. films (ex. Sleepy Hollow, T. Burton, 1999).
• Le paragraphe relève des éléments picturaux • Le roman raconte une histoire d’amour aux multiples
représentant le personnage choisi. rebondissements, il est distrayant.
• Pauline montre la vie d’une jeune fille du XIXe siècle : vie
Étape 3 quotidienne, arrangement du mariage…
Expression orale Expression écrite
5. a. b. Pauline donne plusieurs visions de l’amour. Tout 7. Critères de réussite du récit
d’abord, il existe le sentiment amoureux de Pauline pour
• Le cadre est réaliste et cohérent avec le roman.
Horace. Il est un mélange de l’amour que peut ressen- • Le cercueil ne contient pas le corps de Pauline mais
tir une jeune fille naïve du XIXe siècle et de la peur que peut contenir autre chose (une lettre, un objet…).
lui inspire légitimement la personne d’Horace. On y voit • La justification de la disparition du corps est
la représentation des appréhensions qui animent une cohérente avec le reste du roman (pas d’interventions
jeune fille du XIXe siècle. surnaturelles, par exemple).
Ensuite, on peut observer l’amour qu’Horace éprouve • Le rôle d’Alfred est exploité : il peut avoir été
pour les femmes. Il semble aimer Pauline sincèrement, manipulé et ignorer que le cercueil est vide ;
même si le sentiment prend peu de place dans sa vie. Sa à l’inverse, il peut être complice de Pauline.
femme ne l’empêche pas de se livrer à son brigandage. Il • Le récit est correctement rédigé : il respecte les temps
apprécie d’avoir une épouse qui peut tenir convenable- du récit, utilise les pronoms de manière cohérente,
alterne récit et pensées du personnage…
ment son château normand. Lorsqu’il décide d’épouser
la sœur d’Alfred, le sentiment semble davantage lié à la 8. 1. V p. 146 2. V p. 147 3. V p. 147 4. V p. 146
menace et à la vengeance qu’à un lien sincère.

86
CHAPITRE 5 • Alexandre Dumas, Pauline
6
CHAPITRE

Émile Zola, La Bête humaine (1890)


Le roman et le récit du XVIIIE siècle au XXIE siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant Cinq extraits de La Bête humaine
lieu à une analyse • Lecture 1 : L’incipit du roman, p. 170-171
détaillée • Lecture 2 : Un héros victime de son hérédité, p. 172-173
• Lecture 3 : La Lison, p. 174-175
• Lecture 4 : Le procès, p. 176-177
• Atelier : commentaire guidé, p. 178
Groupement de textes complémentaires
• Honoré de Balzac, Ferragus, chef des Dévorants, p. 182
• Eugène Sue, Les Mystères de Paris, p. 183
• Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, p. 184
• Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, p. 185
• Émile Zola, Paris, p. 186
Lectures • Émile Zola, un texte sur Claude Monet, p. 167 ; deux textes sur le naturalisme, p. 169 ;
complémentaires La Bête humaine, extrait sur la vitesse des trains, p. 175
Moments • Temps verbaux, p. 170, 179 • Construction des phrases, p. 177, 179
de grammaire • Paroles et pensées rapportées, p. 173, 177 • Syntaxe, p. 179
Écrits d’appropriation • Décrire un paysage urbain à la manière de Zola, p. 171
• Écrire la plaidoirie de l’avocat de Cabuche, p. 177
• Écrire un incipit de roman à partir d’un tableau de Paris, p. 186
• Écrire le récit du drame à travers les yeux d’un personnage de Thérèse Desqueyroux, p. 187
Écrits vers le bac Commentaire de texte Dissertation
• Expression écrite, p. 170, 175 • Expression écrite, p. 173
• Atelier : commentaire guidé, p. 179 • Exercice à l’oral, p. 173
Exercices d’oral • Débattre : l’intérêt de la description, p. 170 ; le déterminisme, p. 173
• Expliquer l’enjeu de la lecture, Texte écho, p. 175
• Jouer un interrogatoire, p. 177
• Développer une analyse à partir de mots imposés, p. 188
• Proposer une définition synthétique du naturalisme, p. 188
• Exprimer son ressenti sur le texte, p. 188
Exercices • Activités Au fil de l’œuvre, p. 169
de confrontation • Un extrait de Zola et un tableau de Monet, p. 171
ou de synthèse • Questions Au fil de la lecture, p. 182
• Deux extraits de L’Éducation sentimentale et de Bouvard et Pécuchet, p. 184-185
• Questions d’ensemble sur le Groupement de textes complémentaires, p. 186
• Comparaison des personnages de Thérèse Desqueyroux et de Jacques Lantier, p. 187
• Synthèse, p. 188-189
Travaux de recherche • Le portrait de Zola, peint par Manet, p. 168 • Gustave Caillebotte, p. 180
• La famille de Jacques Lantier, p. 169 • Le baron Haussmann et ses travaux, p. 181
• Honoré Daumier, p. 177 • La genèse de Thérèse Desqueyroux, p. 187
Lectures d’images • Claude Monet, La Tranchée des Batignolles, p. 171
ou de films • Lewis Hine, Mécanicien à la pompe à vapeur dans une centrale électrique, p. 174
• Honoré Daumier, Le Défenseur, p. 177
• Atelier : analyser une œuvre d’art • Gustave Caillebotte, Le Pont de l’Europe, p. 180
• É. Th. Thérond, Vue de la place de l’Étoile projetée, p. 181
Lectures cursives • François Mauriac, Thérèse Desqueyroux, p. 187
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 188-189

87
OBJECTIFS DU CHAPITRE Entrée dans l’œuvre p. 168-169

• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude Le roman


et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle. Il pose la
▶ Activités p. 168

question de la relation entre l’écrivain et son époque : • Les élèves devront composer une notice biographique
l’écrivain est-il le peintre de son époque ? Où se situe de Zola à partir de la lecture de cette page.
la limite entre la représentation de la réalité et la Critères de réussite de la notice
fiction ? En quoi la littérature peut-elle engager une
• Les informations essentielles du texte sont repérées.
réflexion anthropologique ?
• Ces informations sont restituées de manière
• Ce roman d’Émile Zola permet d’envisager les synthétique.
engagements des écrivains réalistes et naturalistes • Le nombre de mots indiqué est respecté.
au XIXe siècle. En situant son action dans l’univers du
chemin de fer, Zola devient le témoin de l’émergence
d’un monde ouvrier, d’une société et d’un paysage en ▶ Recherches p. 168
transformation. De plus, il inscrit son roman dans une 1. Selon le site du musée d’Orsay, où est conservé
réflexion scientifique sur l’hérédité en suivant l’itiné- le portrait d’Émile Zola par Édouard Manet : Zola
raire d’un criminel-né, soumis à ses pulsions. Cepen- « s’intéresse surtout aux artistes rejetés par la cri-
dant, ce roman est également l’occasion pour Zola de tique officielle ». En 1866, il écrit sur Manet dans
critiquer la justice, ou plutôt l’injustice, d’une société La Revue du XXe siècle et le défend à nouveau l’année sui-
des apparences. vante, à l’occasion de son exposition particulière organi-
sée en marge de l’Exposition universelle. Zola considère
l’artiste, contesté par les partisans de la tradition, comme
l’un des maîtres de demain dont la place est au Louvre.
En 1867, l’article est publié sous la forme de la mince
Ouverture p. 166-167 brochure à couverture bleue que l’on retrouve dans le
tableau étudié, placée bien en évidence sur la table.
▶ Activités p. 167 En guise de remerciement, Manet propose à l’auteur de
faire son portrait. Ce portrait scelle le début d’une amitié
1. Docs 1 et 4 Le roman se déroule dans le milieu des
fidèle entre Manet et Zola, tous deux à la recherche du
chemins de fer, comme le prouvent les locomotives
succès.
présentes sur le dessin de L’Illustration et sur la toile
de Monet. Ces deux documents datent respectivement 2. Les séances de pose sont organisées dans l’atelier de
de 1890 et de 1877 : on peut en déduire que le roman se Manet, rue Guyot, à Paris. L’environnement est reconsti-
déroule dans la seconde moitié du XIXe siècle. tué pour l’occasion, avec des éléments caractéristiques
de la personnalité, des goûts et du métier de Zola.
2. Doc. 2 La couverture de La Vie populaire suggère
Au mur, on reconnaît une reproduction d’Olympia de
également le thème du désir amoureux et des relations
Manet, un tableau qui suscita un vif scandale au Salon de
conjugales.
1865 mais que Zola considérait comme le chef-d’œuvre
3. Doc. 1 Ce document nous montre que Zola observe et de Manet. Derrière celle-ci, se trouve une gravure d’après
s’immerge pleinement dans le milieu sur lequel il décide le Bacchus de Velázquez, qui manifeste le goût com-
d’écrire. Il souhaite maîtriser le sujet par l’observation et mun au peintre et à l’écrivain pour l’art espagnol. Une
l’expérience avant d’écrire son roman. estampe japonaise d’Utagawa Kuniaki II représentant
4. Doc. 2 Par l’inscription en bleu sur le montant du lit, on un lutteur complète l’ensemble. L’Extrême-Orient, qui
comprend que ce « grand roman inédit » paraît d’abord a révolutionné la conception de la perspective et de la
sous la forme de feuilleton, deux fois par semaine. Ce couleur dans la peinture occidentale, tient une place
mode de parution n’est pas étonnant pour l’époque : ces essentielle dans l’avènement de la nouvelle peinture.
publications régulières permettent aux auteurs de vivre Un paravent japonais, placé à gauche de la composition,
et de se faire connaître rapidement. Honoré de Balzac a rappelle cette importance. Zola pose assis à sa table de
fait connaître La Cousine Bette (1846) de la même façon, travail. Il tient un livre à la main, probablement L’Histoire
par exemple. des peintres de Charles Blanc, très souvent consulté par
Manet. Sur le bureau, un encrier et une plume symbo-
lisent le métier d’écrivain.

88
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
▶ Activités p. 169 Lecture 1 L’incipit du roman
• Doc. 1 Le travail du romancier naturaliste n’est pas le p. 170-171
pur fruit de son imagination. Il est comparable à celui
d’un enquêteur ou d’un sociologue. En effet, l’auteur se La première lecture propose de s’arrêter au seuil du récit :
met « en campagne » (l. 8) en s’adressant aux « hommes qu’attend-on du début d’un récit ? Qu’apprend-on sur le
les mieux renseignés sur la matière » (l. 9-10). Il collec- travail de l’écrivain réaliste par le cadre qu’il donne à
tionne « les mots, les histoires, les portraits » (l. 11-12), son récit ?
se renseigne dans des « documents écrits » (l. 14) et
« visit[e] les lieux » (l. 16). ▶ Activités p. 170
• Docs 2 et 3 Peindre une famille permet à Zola de prou-
Découverte du texte
ver que « L’hérédité a ses lois » (doc. 2, l. 5). En l’occur-
rence, les Rougon-Macquart se transmettent une forme 1. Le décor du roman nous plonge dans un univers
de « débordement des appétits » (l. 7), qui se mani- industriel, celui des quartiers parisiens entourant la gare
feste en « vertus » et « vices » (l. 14) chez les différents Saint-Lazare.
personnages. Propositions d’adjectifs
gris, industriel, fuligineux, enfumé, urbain.
• Recherches Le choix du personnage à présenter est à
la liberté de l’élève. 2. Cet incipit nous présente brièvement Roubaud.
– Gervaise Macquart (la mère) 3. Ce texte est effectivement conforme à un début de
C’est le personnage principal de L’Assommoir. roman tel qu’on peut le concevoir : le cadre spatial est
– Anne Coupeau (demi-sœur) dite Nana présenté (« impasse d’Amsterdam », l. 7), ainsi que l’un
C’est le personnage principal du roman éponyme Nana. des personnages principaux (« Roubaud », l. 1).
– Étienne Lantier (le frère) Le lecteur est immédiatement plongé dans l’histoire du
Il apparaît aussi dans L’Assommoir et dans Germinal, personnage, avec un début in medias res : « En entrant
dont il est le personnage principal. dans la chambre, Roubaud posa sur la table le pain d’une
– Claude Lantier (le frère) livre, le pâté et la bouteille de vin blanc » (l. 1-2).
Il apparaît aussi dans L’Assommoir et dans L’Œuvre, dont
Analyse du texte
il est le personnage principal.
4. a. Le personnage principal de ce début de roman est
appelé par son nom de famille : Roubaud. Il appartient
au monde des chemins de fer : sont évoqués son métier
▶ Au fil de l’œuvre p. 169
de « sous-chef de gare » (l. 5), « sa gare du Havre » (l. 33)
• Propositions de titres et le « métier » qui le « reprenait » (l. 35).
Chap. I. Jalousie et meurtre b. La seule action qu’il réalise, une fois entré dans l’ap-
Chap. II. Appétits financiers, amoureux et meurtriers partement, est d’ouvrir une fenêtre et de s’y accouder
Chap. III. La découverte du corps (l. 5-6). Cette action banale détermine le reste de l’extrait,
Chap. IV. Un interrogatoire sous tension puisqu’elle ouvre ainsi une fenêtre sur la description du
Chap. V. Le pouvoir de la séduction paysage que Roubaud regarde.
Chap. VI. La fin d’un mariage et la naissance d’une liaison 5. Langue §1 Les verbes sont conjugués au passé simple
Chap. VII. Immobilisés dans la neige (« posa », l. 1, « s’y accouda », l. 6), exprimant les actions
Chap. VIII. Aveux et liaison consommée successives de Roubaud, ou au passé antérieur (« avait
Chap. IX. Un projet de meurtre avorté dû », l. 4), afin de préciser une action antérieure.
Chap. X. Flore contre la Lison § 2 et 3 Tous les verbes sont conjugués à l’imparfait de
Chap. XI. Insatiable Séverine description.
Chap. XII. Un procès injuste et un train dément § 4 Retour au passé simple lorsque l’on revient aux
• En raison du très grand nombre de résumés disponibles pensées de Roubaud (« s’intéressa », l. 32). Puis les trois
sur Internet, on rappellera aux élèves que le copié-collé derniers verbes sont conjugués à l’imparfait d’habitude
constitue un plagiat. On pourra également ajouter que la (« venait » l. 33, « descendait », l. 34, « reprenait », l. 35).
plupart des sources de ces résumés ne sont pas certifiées 6. a. La scène se déroule à Paris : « impasse d’Ams-
et que ce travail est censé les aider dans leur lecture. terdam » (l. 7), « le quartier de l’Europe » (l. 11), « la rue
• On précisera aux élèves que les trois citations choisies de Rome » (l. 16), le « tunnel des Batignolles » (l. 23-24).
pour caractériser le personnage de leur choix devront Tous ces lieux existent encore aujourd’hui et se trouvent
être tirées du roman dans son ensemble et non du pre- au nord-ouest de Paris.
mier chapitre seulement. b. En dehors des habitations, ce sont surtout les « halles »
(l. 17) et les voies de chemins de fer qui sont décrites :
« grandes lignes » (l. 18), « la bouilloterie » (l. 20), « le

89
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
pont de l’Europe » (l. 21-22), « étoile de fer » (l. 22), ▶ Histoire des arts p. 171
« les trois doubles voies » (l. 25), « branches de métal »
(l. 26-27), « postes d’aiguilleur » (l. 28), « wagons », Confronter texte et image
« machines », « rails » (l. 30). 1. Le sujet du tableau est un premier point commun
7. a. Indications spatiales apparentant la description avec le texte de Zola, puisqu’il représente un pont, des
à la composition d’un tableau voies de chemin de fer et des wagons.
• La description des hauteurs De plus, ces deux vues sont identiques, puisque la toile
« haute maison » (l. 8), « au cinquième, à l’angle du toit » s’intitule La Tranchée des Batignolles et que Zola évoque
(l. 9-10), « trouant » (l. 11), « agrandir » (l. 12), « un ciel le « tunnel des Batignolles » (l. 23-24).
[…] traversé de soleil » (l. 13-14). Par ailleurs, ces deux œuvres n’ont que treize ans d’écart
• Puis le regard semble redescendre et utilisent toutes deux une palette de couleurs ternes et
« En face, sous ce poudroiement » (l. 15), « À gauche » grises, à l’exception d’une touche de rouge.
(l. 16), « l’œil plongeait » (l. 19), « à droite » (l. 22), 2. Mots du texte pouvant évoquer la technique
« au-delà » (l. 23), « en bas » (l. 24), « le vaste champ » impressionniste
(l. 24-25), « se perdre sous » (l. 27), « en avant » (l. 28). « poudroiement » (l. 15), « se brouillaient, s’effaçaient »
b. Les couleurs de ce « tableau » sont ternes et froides : (l. 16), « enfumés » (l. 18), « allaient se perdre » (l. 27),
« ciel gris », « d’un gris humide » (l. 13-14), « se brouil- « l’effacement confus » (l. 29), « tachait » (l. 31).
laient, s’effaçaient » (l. 16), « vitrages enfumés » (l. 18), 3. Ce tableau est représentatif des transformations de
« fer » (l. 22), « métal » (l. 27), « l’effacement confus » Paris :
(l. 29). La seule tache de couleur est celle du « grand – il témoigne de la révolution industrielle incarnée par
signal rouge [dans] le jour pâle » (l. 30-31) Ces couleurs les multiples ramifications de voies de chemins de fer au
renforcent l’aspect industriel et triste du lieu. premier plan ;
Expression écrite – on distingue à l’arrière-plan l’architecture nouvelle des
immeubles haussmanniens.
8. Premiers pas vers le commentaire rédigé, ces deux
paragraphes utiliseront le travail réalisé au cours des 4. Expression écrite Les élèves sont donc invités à
questions précédentes. choisir l’une des œuvres suivantes :
– La Gare Saint-Lazare de Claude Monet (p. 167) ;
Proposition de plan
– Le Pont de l’Europe de Gustave Caillebotte (p. 180) ;
1. Un incipit traditionnel
– Vue de la place de l’Étoile, projetée d’Émile Théodore
a. Une description des lieux et d’une époque
Thérond (p. 181) ;
b. Une description réaliste
– Vue du canal Saint-Martin d’Alfred Sisley (p. 184-185).
c. La présentation d’un personnage principal
2. Un incipit original Critères de réussite de la description
a. Un début in medias res • La description comporte des indications spatiales
b. Une description à travers le regard du personnage organisatrices.
c. Une description à la manière d’une peinture • La description rend compte des couleurs du tableau
en variant les adjectifs.
Expression orale • La description emploie des verbes conjugués
9. Débat Ce débat se compose de deux questions per- à l’imparfait.
mettant de revaloriser le récit de description, souvent • Le vocabulaire permet d’évoquer la technique
mal aimé des élèves : considérée par eux comme un artistique du peintre.
moment de pause dans le récit, la description devient
souvent synonyme d’ennui. L’enjeu est donc de partir de
ce constat pour le nuancer avec la deuxième question.
Les élèves pourront dès lors évoquer les notions de point
de vue, d’esthétique méliorative ou péjorative, de sus-
pens, d’horizon d’attente (confirmé ou non), etc. Lecture 2 Un héros victime
Critères de réussite du débat de son hérédité p. 172-173
• Le débat a été préparé en amont.
Cette deuxième lecture permet d’observer l’entreprise
• Le débat propose plusieurs points de vue.
anthropologique de Zola dans ce roman. Ce passage
• Chaque point de vue développe des arguments
appuyés sur des sources : textes étudiés pendant pose en effet la question de l’hérédité et, en particulier,
l’année, lectures personnelles… la question d’un instinct criminel héréditaire.
• Chaque participant exprime sa pensée de manière Par ailleurs, ce texte est absolument novateur dans le
calme et réfléchie. point de vue narratif qu’il adopte.
• Chaque participant respecte la parole de l’autre.

90
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
▶ Activités p. 173 à la bête enragée » (l. 14-17). Le narrateur évoque égale-
ment une « rage aveugle, une soif toujours renaissante »
Découverte du texte (l. 41). Une forme de rage différente semble toucher
1. Peu avant cet extrait, Jacques Lantier s’est arrêté son frère aîné, qui « se dévorait à vouloir être peintre, si
rendre visite à sa tante Phasie. Après le souper, Jacques rageusement, qu’on le disait fou de son génie » (l. 10-11).
Lantier et Flore, une jeune fille rustaude, font une pro- 5. a. Description des crises de Jacques : l. 14 à 18.
menade nocturne. C’est au cours de cette promenade Dans ces lignes, Zola cherche à montrer que son per-
que Flore, emplie de désir, s’offre à Jacques, mais soudain sonnage est victime de pertes de contrôle de lui-même,
ce dernier s’enfuit en courant et longe la voie de chemin comme un symptôme pathologique. Il montre égale-
de fer en essayant de reprendre ses esprits. ment que Jacques se bat contre ces crises, notamment en
2. Cet extrait est particulièrement intéressant dans la évitant l’alcool. Le meurtrier devient finalement victime.
construction de Jacques Lantier, puisqu’on apprend qu’il b. À plusieurs occasions, Jacques et son comportement
n’est pas un criminel de sang-froid. Il est beaucoup plus sont comparés à un animal enragé : « la bête enragée »
complexe : il lutte contre ses envies de meurtre et s’in- (l. 17), « une sauvagerie », « les loups mangeurs de
terroge sur leur origine. Enfin, nous apprenons qu’à cette femmes » (l. 21), la « rage aveugle » (l. 41).
lutte intérieure s’ajoute une profonde solitude. 6. Dans la dernière phrase, Zola pose finalement la ques-
Analyse du 1 paragraphe du texte
er tion suivante : L’instinct criminel ne serait-il pas un trait
génétique, hérité même de la préhistoire ?
3. Langue La narration adopte le point de vue de Jacques
Il faut relever le sous-entendu biblique sur les femmes,
Lantier.
causes de « la première tromperie » (l. 44). De plus, on
• Présence de nombreux verbes de pensée
comprend l’association à la planche de crânes de crimi-
« s’efforçait », « aurait voulu comprendre » (l. 1), « se
nelles de Lombroso : si l’instinct criminel était héréditaire,
comparait » (l. 2), « s’était questionné » (l. 3), « sentait »
il pourrait peut-être avoir une incidence anatomique.
(l. 12), « obéissait » (l. 16), « ayant remarqué » (l. 18),
« réfléchissant » (l. 23), « Il se rappelait » (l. 28), « il se Expression écrite
souvenait » (l. 31) ; 7. L’adverbe « uniquement », dans la question, sous-
• Ponctuation des phrases interrogatives témoignant entend que Zola est loin de penser que la criminalité est
d’un questionnement intérieur seulement héréditaire.
« Qu’avait-il donc de différent, lorsqu’il se comparait
Propositions d’exemples pour les deux paragraphes
aux autres ? » (l. 1-2), « Puisqu’il ne les connaissait pas,
§1 L’argument d’une criminalité héréditaire
quelle fureur pouvait-il avoir contre elles ? » (l. 40), ainsi
# Ex. Le texte de la Lecture 2 ;
que les lignes 42 à 44.
# Ex. La fin du chap. VIII (après une nuit avec Séverine,
4. a. Jacques Lantier est le fils de Gervaise Macquart Jacques cherche une femme à tuer) ;
et d’Auguste Lantier (le père est absent de l’arbre). Il a # Ex. Flore, cousine de Jacques, et son instinct de
un grand frère, Claude Lantier, et un petit frère, Étienne meurtre (chap. VII et X).
Lantier. Enfin, il a une demi-sœur, Anne Coupeau. §2 Les limites de cet argument
b. On apprend que sa mère l’a eu « très jeune, à quinze # Ex. Chap. I, le plan de Roubaud pour tuer Grandmorin ;
ans et demi » (l. 4), qu’elle est très « enfant » et son « père # Ex. Misard, qui réussira à empoisonner la tante Phasie
gamin comme elle » (l. 7). On apprend aussi que ce père aux chap. II (les soupçons) et X (la mort) ;
avait un « mauvais cœur [qui] devait coûter à Gervaise # Ex. Séverine, une tueuse en devenir, voulant se débar-
tant de larmes. » (l. 8). D’une manière générale, le nar- rasser de son mari aux chap. VIII (à la fin) et IX (elle éla-
rateur admet que « La famille n’était guère d’aplomb, bore un plan pour tuer Roubaud au détour d’un hangar).
beaucoup avaient une fêlure » (l. 11). Il révèle aussi
l’ivrognerie de la famille : « les pères, les grands-pères, Expression orale
qui avaient bu, les générations d’ivrognes » (l. 19-20) 8. Débat Les élèves sont invités à se servir des argu-
semblent avoir « gâté » (l. 20) le sang familial. Il évoque ments trouvés à la question précédente et à y ajouter
même une « rancune amassée de mâle en mâle, depuis d’autres arguments, issus de leur culture personnelle.
la première tromperie au fond des cavernes » (l. 43-44). Critères de réussite du débat
c. Pour Jacques Lantier, la conséquence de cette héré-
dité est de s’interdire de boire de l’alcool, puisque « la • Le débat a été préparé en amont.
• Le débat propose plusieurs points de vue.
moindre goutte d’alcool le rendait fou » (l. 18). De plus, il
• Chaque point de vue développe des arguments
sent « cette fêlure héréditaire » (l. 12) lorsqu’il est pris de s’appuyant sur des sources : textes étudiés pendant
« crises » (l. 13), « de subites pertes d’équilibre, comme l’année, lectures personnelles…
des cassures, des trous par lesquels son moi lui échappait, • Chaque participant exprime sa pensée de manière
au milieu d’une sorte de grande fumée qui déformait calme et réfléchie.
tout. Il ne s’appartenait plus, il obéissait à ses muscles, • Chaque participant respecte la parole de l’autre.

91
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
Lecture 3 La Lison p. 174-175 (l. 20-21). La locomotive porte « un nom de femme, la
Lison » (l. 18), et elle a « des qualités rares de brave
femme » (l. 23-24). Elle est « douce, obéissante » (l. 24).
▶ Activités p. 175
Et le texte se termine sur « la personnalité de la machine,
Ce passage, comme de nombreux autres du roman, la vie » (l. 33).
montre la relation particulière qu’entretient Jacques 6. Jacques éprouve de la « tendresse » (l. 17), une « dou-
Lantier avec sa locomotive. Une relation d’autant plus ceur caressante » (l. 18). Le narrateur dit même qu’il
singulière que la locomotive est la seule à calmer les « l’aimait d’amour, sa machine » (l. 19).
ardeurs meurtrières de Jacques. Dans ce passage, Zola
7. Alors que Zola est extrêmement précis dans son voca-
propose une description méliorative et personnifiée de
bulaire, il emploie des termes imprécis en fin de texte :
« la Lison ».
« mystère de la fabrication » (l. 31) et « ce quelque chose
Découverte du texte que le hasard du martelage » (l. 32). Il montre ainsi que
1. Jacques entretient une relation de complicité, de la Lison possède une particularité inexplicable, de l’ordre
confiance, voire d’amour, avec sa locomotive. de la magie.
2. L’oxymore « la bête humaine » est difficile à identifier Expression écrite
dans ce passage. Dans la précédente Lecture, on peut 8. Propositions d’arguments exemplifiés
penser qu’il désigne Jacques Lantier, à la fois homme • La locomotive possède un nom (l. 18).
doué de conscience et bête sauvage assoiffée de sang. • Elle possède un corps presque humain (l. 10-11).
Mais, dans ce texte, c’est la locomotive qui semble • Elle possède une personnalité humaine (l. 23-24).
prendre des caractéristiques humaines. • Elle déclenche des sentiments chez Lantier (l. 17-19).
Analyse du texte • Et elle semble même vivante (« la vie », l. 33).
3. a. Lexique spécifique au chemin de fer
« charbon » (l. 1), « machines au repos » (l. 3), « un chauf- ▶ Texte écho p. 175
feur du dépôt » (l. 5), « le foyer », « des escarbilles » (l. 6), • Expression orale Au cours de cette activité, les élèves
« machines d’express », « à deux essieux couplés » (l. 8), seront invités à resituer le texte dans son époque. L’enjeu
« métal » (l. 13), « Compagnie de l’Ouest » (l. 14-15), est de comprendre la métamorphose d’un monde rural
« vaporisation » (l. 25), « tiroirs » (l. 27), « combustible », enclavé dans un monde urbain ou, tout du moins, dans
« tubes » (l. 28), « chaudière » (l. 29), « martelage » (l. 32). un nouvel espace de transit.
b. L’emploi d’un lexique propre à ce métier est très éclai- Pour qualifier ce monde rural, Zola parle de « désert,
rant sur les habitudes et le travail des cheminots. On sans une âme à qui se confier » (l. 2-3). Et pourtant, cet
apprend aussi qu’il s’agit d’un travail de manutention qui espace connaît « continuellement » (l. 4) le passage « des
exige la manipulation de pièces métalliques, comme lors trains » (l. 5) contenant « tant d’hommes et de femmes »
du « bandage des roues » (l. 26) ou du « réglage parfait (l. 4). Alors que nous ne sommes qu’au XIXe siècle, Zola
des tiroirs » (l. 27). Ce travail très physique comporte éga- envisage même la mondialisation : « Ça, c’était le pro-
lement plusieurs métiers, comme celui du « martelage » grès, tous frères, roulant tous ensemble, là-bas, vers un
(l. 32) ou celui de « l’ouvrier monteur » (l. 33). pays de cocagne » (l. 9-10).
4. Si Zola admet que les conditions de travail sont dif- Mais il entrevoit déjà l’un des inconvénients de la mon-
ficiles et qu’il n’est pas rare de se retrouver « noir de dialisation : celui du trop grand nombre de personnes,
charbon » (l. 1), il porte également un regard admiratif de la priorité donnée au collectif au détriment de l’in-
sur cet univers. Il dit des machines qu’elles sont « d’une dividu : « toutes les faces se noyaient, se confondaient,
élégance fine et géante » (l. 9), il reconnaît la « beauté comme semblables, disparaissant les unes dans les
souveraine des êtres de métal » (l. 12-13) ainsi que « la autres » (l. 15-16).
précision dans la force » (l. 13) et « le mystère de la fabri- Cette métamorphose est d’ailleurs violente pour la tante
cation, ce quelque chose que le hasard du martelage Phasie, comme le montre le vocabulaire : « le coup de
ajoute au métal » (l. 31-32). tempête des trains » (l. 4-5), « fuyant à toute vapeur »
5. a. Vocabulaire pouvant s’appliquer aux locomotives (l. 5), « Le torrent coulait, en ne laissant rien de lui »
ou aux êtres vivants (l. 16).
« élégance fine et géante » (l. 9), « bras » (l. 10), « poitrail Cette violence est à rapprocher notamment du tableau
large » (l. 10-11), « reins allongés et puissants » (l. 11). Train à pleine vitesse d’Ivo Pannaggi V p. 175, avec ses
b. La locomotive semble se transformer en femme. lignes géométriques, ses angles aigus ainsi que ses cou-
c. La transformation ne concerne pas uniquement leurs contrastées.
l’aspect physique relevé dans la question a, mais aussi
le caractère. Certaines machines sont qualifiées de
« dociles », « rétives », « courageuses » ou « fainéantes »

92
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
Lecture 4 Le procès p. 176-177 6. Langue Zola rend le témoignage de Cabuche peu
convaincant en utilisant par trois fois l’anaphore « il ne
savait pas » (l. 21-23). Il fait en outre parler Cabuche de
▶ Activités p. 177
manière populaire et un peu naïve : « c’étaient des men-
Cet extrait, à la fois tragique et extrêmement satirique, teries » (l. 31), « elle qui était une dame, tandis que lui
montre la facette polémique de Zola. L’écrivain refuse avait fait de la prison et vivait en sauvage ! » (l. 32-34 :
d’écrire la fin de roman attendue par le lecteur et offre à la syntaxe se trouve simplifiée par les propositions jux-
la place le spectacle d’une justice scénarisée. taposées). Enfin, à la fin de son témoignage, Cabuche ne
s’exprime plus que par « monosyllabes » (l. 35).
Découverte du texte
7. Langue Zola rapporte les paroles de différentes façons :
1. Cet extrait donne une image ridicule de la justice.
– le discours direct libre ;
Le président reste sourd aux témoignages des accusés.
Ce discours se passe de guillemets et de verbe introduc-
Ces derniers semblent déjà coupables de par leur simple
teur de parole : « non, non ! » (l. 30).
apparence : « l’air féroce et bas, deux bandits » (l. 10). Et
– le discours indirect libre.
des déductions illogiques sont faites : « On remarqua
« il ne l’aimait point, il ne la désirait point, c’étaient des
aussi le profond désintéressement où les deux accusés
menteries » (l. 30-31).
étaient l’un de l’autre, comme une preuve d’entente pré-
Ainsi, les voix de Cabuche et du narrateur s’enchevêtrent
alable » (l. 49-52).
et nous donnent une idée de la simplicité du vocabulaire
2. Le président du procès semble vouloir non seulement et des phrases de Cabuche.
se débarrasser de cette affaire au plus vite, mais aussi
8. Indices montrant que les aveux de Roubaud sont
montrer son génie et sa perspicacité : « Quand les inter-
peu convaincants
rogatoires furent terminés, l’affaire était jugée, tellement
• Le point de vue dépréciatif de l’accusation sur son
le président les avait menés avec adresse » (l. 55-57).
témoignage qualifié de « système » (l. 38).
Analyse du texte • Le fait que Roubaud s’exprime de manière déroutante,
3. Le narrateur adopte le point de vue de la foule ou « en phrases hachées, presque incohérentes, avec des
du président du procès : Jacques « passionna les dames » pertes subites de mémoire, les yeux si troubles, la voix si
(l. 6), Roubaud est « cravaté en monsieur qui se néglige » empâtée » (l. 40-42).
(l. 11-12), Cabuche est « le type même de l’assassin, des • Sa conclusion « à quoi bon dire la vérité, puisque c’était
poings énormes, des mâchoires de carnassier » (l. 15-16). le mensonge qui était logique ? » (l. 46-47) passe pour du
« dédain agressif à l’égard de la justice » (l. 48).
4. Cabuche et Roubaud sont décrits de manière
péjorative. 9. Zola se moque du raisonnement illogique prêtant une
• Cabuche est ainsi caractérisé par les termes « assas- complicité entre Roubaud et Cabuche :
sin », « poings énormes », « mâchoires de carnassier » – avec l’hyperbole « profond désintéressement » (l. 50) ;
(l. 15-16), « qu’il ne fait pas bon rencontrer » (l. 17), – en évoquant l’« entente préalable » (l. 51-52), le « plan
« mauvaise impression » (l. 19), « passion bestiale » habile » (l. 52), l’« extraordinaire force de volonté »
(l. 27), « bégayer », « si brusque et si violente colère » (l. 52-53) dont on les soupçonne, alors qu’ils étaient
(28-29). auparavant qualifiés de « face hébétée » (l. 13) et d’« air
• Roubaud est qualifié par les expressions « veston de […] bas » (l. 10) ;
couleur sombre » (l. 11), « qui se néglige », « son air – par l’emploi hyperbolique de l’adverbe « uniquement » :
vieilli » (l. 12), « sa face hébétée et crevant de graisse » « Ils prétendaient ne pas se connaître, ils se chargeaient
(l. 12-13), « les yeux si troubles, la voix si empâtée » (l. 42). même, uniquement pour dérouter le tribunal » (l. 53-55).
5. a. La foule se comporte comme le public d’une pièce 10. Le verdict du procès était écrit d’avance car, parmi
de théâtre ou d’un spectacle qui dévisage les témoins et les « quelques témoins, sans importance » (l. 60-61), se
accusés, les juge, et murmure des commentaires. trouve le vrai assassin, Jacques Lantier. Cela montre que
b. Ce public se manifeste dans le « frémissement de la justice ne veut pas chercher le coupable, puisqu’elle en
curiosité » (l. 3), « les têtes [qui] ondulèrent » (l. 5), a trouvé un d’entrée de jeu.
« Jacques, surtout, [qui] passionna les dames » (l. 5-6), Expression orale
« des appréciations [qui] s’échangeaient » (l. 9), de « vio-
11. Déroulement de l’activité
lents murmures » (l. 20) et, enfin, « deux dames [qui]
• Une phase de relecture en groupes du chapitre sur le
s’évanouirent » (l. 62).
meurtre de Séverine (chap XI).
c. « Violents murmures » est un oxymore : ces deux
• Concertation des groupes sur les questions possibles et
termes sont de sens opposés. Par cette figure de style, on
la tournure de la scène.
comprend que la foule ne peut s’empêcher de faire des
Les élèves peuvent s’appuyer sur des notes écrites, afin
commentaires d’indignation tout en essayant de rester
de s’entendre sur les questions à poser et les réponses
discrète.

93
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
de Cabuche. Attention ! Les paroles de Cabuche doivent Atelier Commentaire guidé –
rester fidèles au niveau de langue du personnage.
• La scène est jouée devant la classe. É. Zola, La Bête humaine p. 178-179
Expression écrite
▶ Activités p. 179
12. L’enjeu de cette activité est de familiariser les élèves
à l’argumentation et, plus particulièrement, à la tradition Étape 1
rhétorique. 1. Propositions de titres
Ils doivent écrire un discours judiciaire dans le but de § 1 Une vaine tentative pour échapper à la fatalité.
défendre Cabuche. On attend un discours organisé en § 2 Le spectacle terrifiant du choc.
différentes parties : § 3 La détresse des voyageurs.
– un exorde (une phrase d’accroche) ; § 4 Le dernier souffle de la locomotive.
– une narration (l’énoncé des faits) ; 2. Tableau de caractérisation du texte
– une confirmation (les arguments qui découlent logi-
quement des faits) Où ? • Chapitre X, vers la fin du roman, avant
– une réfutation (une critique notamment de l’argument le meurtre de Séverine.
de la « passion bestiale » utilisé contre Cabuche) ;
– une péroraison (une conclusion cherchant à émouvoir). Qui ? • Pratiquement tous les personnages
principaux sont présents :
Il faut donc prévoir à la fois des arguments logiques
Jacques, Pecqueux, la Lison, Séverine,
(logos) et des tournures pathétiques (pathos).
Flore, Misard, Cabuche et les voyageurs
du train.
▶ Image p. 177
Quoi ? • La narration des dernières tentatives
1. Recherches Honoré Daumier (1808-1879) est un pour arrêter le train.
graveur, peintre et sculpteur, qui s’est particulièrement • La description du choc et de l’agonie
illustré dans le domaine de la caricature politique. Il de la locomotive.
commence en effet une carrière de caricaturiste en 1830 • Le discours direct des cris
en réalisant des lithographies pour La Caricature, une des voyageurs.
revue dans laquelle il se moque des politiciens de la
Monarchie de juillet. En 1832, il est d’ailleurs condamné Comment ? • Tonalité tragique.
à six mois de prison pour avoir caricaturé Louis-Philippe • Personnification de la machine.
• Champ lexical de l’agonie.
en Gargantua. Après cet incident, malgré la censure, il
• Progression programmée par la phrase :
continue cette carrière en caricaturant les bourgeois et
« C’était l’inévitable » (l. 1).
leurs mœurs.
2. Cette image est parodique : au premier plan, à gauche, Étape 2
l’avocat, la larme à l’œil, les yeux ahuris et le regard tra-
3. La phrase courte « C’était l’inévitable. » est une phrase
gique, montre sa cliente accusée. Cette dernière, au lieu
programmatique de la catastrophe racontée par la suite.
d’adopter le visage de celle qui est accusée à tort, affiche
Sa brièveté donne une intensité dramatique au passage
au contraire un petit sourire satisfait et ne semble pas
et le place sous le signe de la fatalité.
s’intéresser à la plaidoirie de son avocat, puisqu’elle
regarde ailleurs. 4. Ce verbe est répété pour montrer que la locomotive
continue d’avancer, malgré tous les efforts de Jacques.
Cette anaphore renforce l’intensité dramatique du
paragraphe.
5. Jacques et Pecqueux manifestent différemment leur
peur.
• Pecqueux, même s’il est qualifié de « fou de peur »
(l. 16), conserve un instinct de survie et saute du train
en marche.
• Jacques, au contraire, est paralysé par la peur : il est
« raidi à son poste » (l. 16-17), ses gestes sont inconscients
« sans qu’il le sût » (l. 18), et sa « main droite [est] cris-
pée sur le changement de marche » (l. 17-18). On ne sait
si c’est la peur ou l’amour pour sa locomotive qui l’em-
pêche de sauter.

94
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
6. Langue • Les participes présents « fumante » et 13. Le deuxième procédé, qui renforce cette personnifi-
« soufflante » ont une valeur durative. cation et qui est utilisé par trois fois, est la comparaison
• « Cessait » a aussi une valeur durative, car il s’agit avec une créature monstrueuse :
d’un imparfait à durée indéterminée (sans début ni fin « qui grondaient, pareils à des râles furieux de géante »
précisée). (l. 49-50), « rouges comme le sang » (l. 53), « semblable à
• L’imparfait « traînait » a une valeur de description. une cavale monstrueuse » (l. 57-58).
• Le passé simple d’action soudaine et de premier plan 14. a. Dans la dernière phrase, plusieurs mots suggèrent
« vint » prend le dessus sur les autres verbes. la mort de la locomotive : « une affreuse plaie bâillant »
7. La présence de Misard, Cabuche et Flore dramatise la (l. 61-62) et, surtout, « l’âme continuait de sortir » (l. 62).
scène en les plaçant en spectateurs impuissants. Leurs b. Langue La syntaxe de la dernière phrase mime
gestes et leur attitude en témoignent : « les bras en l’agonie :
l’air » (l. 24-25), « les yeux béants » (l. 25), « l’épouvante – elle est particulièrement longue (comme une agonie).
les clouait » (l. 24). Elle s’étend de la ligne 54 à la ligne 63 ;
8. Champ lexical de la destruction (très riche) – cette phrase est, d’autre part, une parataxe de propo-
« abominable craquement », « débâcle informe » (l. 28), sitions juxtaposées. Les virgules et les points-virgules
« débris », « réduits en miettes » (l. 29), « enchevêtre- qui la rythment imitent le halètement d’une personne
ment de toitures défoncées » (l. 31), « roues brisées » en train d’agoniser ;
(l. 32), « morceaux de vitre » (l. 33), « broiement » (l. 34), – les propositions, plus ou moins longues, sont mimé-
« écrasement sourd » (l. 35), « éventrée », « culbutait » tiques de cette respiration irrégulière.
(l. 36), « fendues » (l. 37), « volaient en éclats » (l. 38). Étape 3
9. Deux figures de style participent à l’exagération et à la 15. Proposition de problématique
dramatisation de la scène. Comment Zola parvient-il à donner une dimension
• L’accumulation par énumération, l. 29-33 dramatique et tragique à un accident ferroviaire ?
Dans cette énumération, la taille des pièces du train
Proposition de plan
devient de plus en plus petite pour montrer la vitesse de
I. Une course inéluctable vers la mort
la destruction. On commence par le wagon entier pour
1. La notion de fatalité
terminer sur la fragilité des morceaux de vitre.
a. Analyse de la première phrase
• La simultanéité des actions dans la syntaxe, l. 36-40
b. L’anaphore du verbe « allait » et de tous les verbes de
Cette simultanéité se traduit par les verbes à l’imparfait
mouvement
et au plus-que-parfait, montrant des actions placées sur
2. Une locomotive à bout de souffle
le même plan : « culbutait » (l. 36), « volaient » (l. 38) et
a. Le refus de s’arrêter : l’analyse des phrases de forme
« étaient tués » (l. 39-40). Cette simultanéité dans la des-
négative et des verbes de refus
truction de la Lison, des pierres et des chevaux s’opère
b. La personnification de la locomotive en vieille femme
aussi par le biais de la locution conjonctive « tandis
affaiblie
que » (l. 37) et de la conjonction de coordination « et »
3. Une gestion différente de la peur
(l. 38).
a. Pecqueux : sa folie de vivre
10. Les chevaux, à la fois causes (puisqu’ils étaient au b. Jacques : sa paralysie, l’homme et la machine ne font
milieu de la voie) et victimes de l’accident, permettent plus qu’un
de dramatiser la scène. II. Le spectacle de la catastrophe
Cet attelage est métaphorique de la locomotive, et 1. Des spectateurs et victimes impuissants
la mort violente des chevaux annonce celle de la a. Misard, Cabuche et Flore immobiles
locomotive. b. Le discours tragique des voyageurs blessés
11. La parole rapportée a une tonalité tragique : l’appel 2. Un train en poussière
à l’aide (« au secours ! ») se transforme en supplication a. Analyse de la gradation de la destruction des wagons
(« mon Dieu ! »), pour devenir enfin la constatation b. Des catastrophes simultanées : analyse de la syntaxe
d’une vérité tragique (« je meurs ! ») (l. 44-45). des l. 36-40
12. La machine est personnifiée à travers le vocabulaire 3. Les chevaux
de l’anatomie : a. La cause et les victimes de la catastrophe : une mort
« les reins », « le ventre » (l. 47), « haleine » (l. 50), « le violente
sang même de ses entrailles » (l. 53), « plaie » (l. 61). b. Un attelage métaphorique de la locomotive, qui pro-
Les sons qu’elle émet semblent également humains : gramme la personnification et l’agonie de la machine
« souffles » (l. 49), « râles furieux » (l. 49-50). III. L’agonie de la Lison
Cette personnification permet de dramatiser la scène : 1. Une machine personnifiée
en donnant vie à la machine, l’auteur peut la faire mou- a. Par l’anatomie (vocabulaire du corps humain)
rir de manière d’autant plus tragique. b. Par la voix (« souffle », « râle »)

95
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
2. Un géant de fer à terre 3. Propositions d’adjectifs
a. Les symptômes de la destruction (« robinets arra- Le paysage est urbain, estival, ensoleillé, métallique, fer-
chés », « tuyaux crevés », « roues en l’air ») roviaire, haussmannien. (Les personnages marchent en
b. Analyse des comparaisons du dernier paragraphe. effet sur le trottoir d’un pont métallique. En arrière-plan,
3. La mort de la locomotive on distingue des immeubles haussmanniens et, sur la
a. Une blessure fatale (« le sang », la « plaie », « l’âme » droite du tableau, une petite locomotive.)
à analyser) D’après le titre de l’œuvre, la scène représentée est le
b. Une syntaxe mimétique de l’agonie (dernière phrase) pont de l’Europe, non loin de la gare Saint-Lazare, dans
le quartier des Batignolles, à Paris.
Étape 4
4. Deux classes sociales sont représentées sur ce tableau :
16. Proposition d’introduction rédigée
– les bourgeois ;
À la fin du XIXe siècle, Zola entreprend le projet colos-
À leur tenue, l’homme et la femme côte à côte sont des
sal de raconter l’histoire d’une famille sous le Second
bourgeois. L’homme porte un chapeau haut de forme, ce
Empire, et ce, en vingt romans. Parmi ces ouvrages, La
qui semble être un nœud papillon et une redingote croi-
Bête humaine relate l’histoire de Jacques Lantier, un
sée. La robe de la femme est sophistiquée. Elle comporte
homme aux pulsions meurtrières, qui ne trouve la séré-
des jupons et de la dentelle. De plus, cette femme porte
nité que lorsqu’il est à bord de sa locomotive nommée la
elle aussi un chapeau et une ombrelle.
Lison. Dans ce passage, Flore, folle de jalousie, a décidé
– les ouvriers.
de mettre un terme aux trajets Le Havre-Paris en faisant
En revanche, le personnage de dos en arrière-plan est
dérailler le train. S’ensuit une scène d’accident absolu-
un ouvrier, avec sa casquette plate et son bleu de travail.
ment spectaculaire. Mais comment Zola parvient-il à
De même, le personnage accoudé à la rambarde est lui
donner une dimension dramatique et tragique à un acci-
aussi ouvrier. Il porte une blouse grise et un couvre-chef
dent ferroviaire ? Nous verrons dans un premier temps
plutôt plat.
que cette scène débute par une course inéluctable vers
la mort. Puis nous montrerons ce que cette catastrophe Étudier la composition de l’œuvre
a de spectaculaire. Enfin, nous analyserons le processus 5. Deux lignes de forces se croisent de manière presque
d’agonie de la locomotive chérie par Jacques Lantier. perpendiculaire. La première part du chien, pour s’en-
fuir dans la trouée bleue entre les deux immeubles. La
seconde, horizontale, part du balcon filant de l’immeuble
de gauche, pour se terminer par le pont à droite, en arrière-
Atelier Analyser une œuvre plan. La première ligne crée un effet de profondeur.
6. Le chien a pour fonction d’accompagner ce mouvement
d’art – G. Caillebotte, de plongée et de profondeur du tableau, puisqu’il longe
Le Pont de l’Europe p. 180-181 l’ombre du pont et guide le regard vers les immeubles.
Rédiger l’analyse
▶ Activités p. 180
7. Expression écrite
Analyser l’œuvre Critères de réussite de l’analyse
1. Recherches Gustave Caillebotte (1848-1894) est un • Un paragraphe d’introduction présente le peintre, son
peintre, collectionneur et mécène de la seconde moitié époque, son courant, ainsi que l’œuvre étudiée.
du XIXe siècle. Il est notamment un soutien indéfectible • L’organisation de l’analyse s’appuie dans
des peintres impressionnistes dont il finance des expo- les paragraphes suivants sur les réponses
sitions et achète des toiles. Durant cette époque, il vit aux questions des activités 2 à 6.
dans le Paris haussmannien, qu’il peint à de multiples • L’analyse est approfondie et propose des éléments
reprises. Et si ses toiles rappellent en de nombreux supplémentaires.
points le mouvement des impressionnistes, sa technique • Un dernier paragraphe, faisant la synthèse
est cependant plus proche de l’art photographique, car des précédents paragraphes, sert de conclusion.
Caillebotte donne à ses peintures une profondeur de
champ et de puissants effets de perspective. ▶ Activités p. 181
2. Dans cette toile intitulée Le Pont de l’Europe et réa-
Recherches
lisée en 1876, Caillebotte utilise une technique presque
réaliste, à la manière de Manet. En outre, cette toile offre 1. Le baron Haussmann (1809-1891) est un haut fonc-
une plongée oblique particulièrement étonnante pour tionnaire, homme politique français et préfet de la Seine
l’époque. de 1853 à 1870. Il est connu pour avoir dirigé la transfor-
mation – considérable – de Paris sous le Second Empire,
du sommet des immeubles jusqu’aux égouts.

96
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
2. Outre la construction d’immeubles, on lui doit les ave- Texte complémentaire 6
nues et boulevards (boulevard Haussmann, avenue des
Champs-Élysées, avenue Foch…) et de grands espaces H. de Balzac, Ferragus,
verts (le parc des Buttes-Chaumont, le parc Monceau, le chef des Dévorants p. 182
parc Montsouris). Il crée également des circuits d’adduc-
tion de l’eau, un réseau moderne d’égouts et de grands
abattoirs à la Villette pour fermer ceux présents dans la
▶ Activités p. 182

ville et améliorer les conditions d’hygiène. Découverte du texte


3. Ces travaux répondent d’abord à la demande de 1. • Adjectifs qualificatifs péjoratifs
Louis-Napoléon Bonaparte, qui veut faire de Paris une « déshonorées » (l. 1), « assassines » (l. 4), « vieilles »
ville aussi moderne que Londres, reconstruite après le (l. 5), « sales » (l. 6), « mercantiles » (l. 7), « de mauvaise
grand incendie de 1666. De plus, ces travaux répondent compagnie » (l. 9-10), « morne » (l. 18), « déserts » (l. 19),
à une volonté de faciliter les transports de personnes et « babillarde », « active », « prostituée » (l. 20), « infâme »
de marchandises dans une ville jusqu’à présent consti- (l. 23), « méchantes » (l. 24), « étroites » (l. 25), « assas-
tuée de rues étroites. Enfin, Haussmann souhaitait, par sines » (l. 27).
ces travaux, assainir la ville, particulièrement insalubre. • Adjectifs qualificatifs mélioratifs
4. Doc. 2 Cette vue est particulièrement représentative « nobles » (l. 2), « honnêtes » (l. 3), « jeunes » (l. 3), « esti-
de la volonté de faciliter le transport des personnes et mables », « propres » (l. 6), « ouvrières, travailleuses »
des marchandises : la place offre un large espace de (l. 7), « belle » (l. 12), « large », « grande » (l. 13).
circulation permettant la liaison entre les multiples 2. Une personnification de la ville, de ses rues et de
avenues. Et la largeur de la place et des avenues per- ses maisons, est filée tout au long du texte, comme le
met une meilleure circulation de l’air, dans une volonté prouvent les adjectifs relevés à la question précédente.
hygiéniste. 3. Cette phrase interrogative (l. 23) s’adresse directement
Expression écrite au lecteur et cherche son approbation.
5. Éléments de réponse 4. On pourrait synthétiser « l’esprit de Paris » avec les
• Matériaux : la pierre de taille pour la façade, le zinc ou adjectifs suivants :
l’ardoise pour le toit, le fer forgé pour les balcons. complexe, multifacette, bigarré, changeant, diversifié.
• Ces immeubles dépassent rarement six étages et ont : 5. Cette description donne à voir Paris dans toute sa
– un rez-de-chaussée haut de plafond pouvant abriter complexité : chaque qualificatif, qu’il soit péjoratif ou
des commerces ; mélioratif, est associé au nom d’une rue, d’une place ou
– un premier étage, nommé « entresol », pour le loge- d’un quartier.
ment des magasins ou le stockage des marchandises ; On peut relever les toponymes : « la rue Montmartre »
– un deuxième étage « noble », avec balcons et encadre- (l. 11), « la rue de la Paix » (l. 12), « la rue Royale » (l. 15),
ments de fenêtre plus ornementés. Les riches propriétaires « la place Vendôme » (l. 16), « les rues de l’île Saint-
y vivent parce qu’il y a moins de marches à monter ; Louis » (l. 16-17), « La place de la Bourse » (l. 20) et « La
– des troisième et quatrième étages plus classiques, avec rue Traversière-Saint-Honoré » (l. 23).
des encadrements de fenêtre plus simples. Des balcons
individuels ont pu apparaître à la fin de la période hauss- ▶ Au fil de la lecture p. 182
mannienne. La petite bourgeoisie vit à ces étages ;
• Cette description est avant tout esthétique, car elle
– un balcon filant au cinquième étage, qui n’est pour-
développe une personnification de la ville, de ses rues,
tant pas noble. Ce balcon répond uniquement à un souci
places et maisons. Mais elle est également symbolique
d’équilibre dans l’esthétisme de la façade. Les personnes
des habitants de la ville, de l’esprit qui règne à Paris.
qui y logent disposent de moins de moyens financiers
que celles vivant aux étages inférieurs ;
– un dernier étage, sous les toits, de très petits logements
mansardés servant de combles ou d’appartements pour Texte complémentaire 7 E. Sue,
les bonnes et domestiques des étages inférieurs. Les Mystères de Paris p. 183
• Les éléments qui rendent l’immeuble haussmannien
reconnaissable sont sur sa façade : uniformité de taille,
de décors et de couleur, toits mansardés, balcons filants.
▶ Activités p. 183

• Ces immeubles offrent des innovations importantes : Découverte du texte


– le nombre important de fenêtres, qui laisse entrer la 1. Un homme et un groupe de femmes, dont on ne
lumière et fait circuler l’air ; connaît pas le nombre, sont présentés dans cet extrait.
– les débuts d’un système de tout-à-l’égout ; À la lecture du texte, on peut présumer qu’il s’agit de
– une salle d’eau pour les appartements les plus riches. personnages suspects. En effet, l’homme, « d’une taille

97
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
athlétique, vêtu d’une mauvaise blouse » (l. 1-2), s’enfonce Texte 9. Le canal est « fermé par les deux écluses »
dans un quartier de « malfaiteurs » (l. 6), dans lequel « il (l. 2), « Il y avait au milieu un bateau plein de bois, et
se sentait sur son terrain » (l. 26-27). Les femmes, qui sont sur la berge deux rangs de barriques » (l. 2-3), « Au-delà
dans la rue, chantent des « refrains populaires » (l. 32) et du canal, entre les maisons que séparent des chantiers,
sont « embusquées sous des porches voûtés » (l. 31). On le grand ciel pur se découpait en plaques d’outremer,
apprendra plus loin que ce sont des prostituées. et sous la réverbération du soleil, les façades blanches,
2. Le décor parisien est décrit de manière inquiétante les toits d’ardoises, les quais de granit éblouissaient.
et péjorative. Une rumeur confuse montait du loin dans l’atmosphère
tiède ; et tout semblait engourdi par le désœuvrement du
3. Pour évoquer les rues sordides, Sue mêle les champs
dimanche et la tristesse des jours d’été » (l. 4-7).
lexicaux (obscurité, insalubrité).
• Des informations précises sur les personnages
Les rues sont « obscures, étroites, tortueuses » (l. 3). Le
Texte 8. Frédéric Moreau a « dix-huit ans » (l. 10-11), est
quartier est un « rendez-vous aux malfaiteurs » (l. 6),
« nouvellement reçu bachelier » (l. 22-23) et va bientôt
« lugubre » (l. 10). La lumière est « blafarde » (l. 10), l’eau
« faire son droit » (l. 26).
du ruisseau « noirâtre » (l. 12), et les maisons sont tout
Texte 9. Les deux personnages sont de taille et d’appa-
aussi sombres (« couleur de boue », « aux châssis ver-
rence différentes : « Le plus grand, vêtu de toile, marchait
moulus et presque sans carreaux », l. 13-14). L’adjectif
le chapeau en arrière, le gilet déboutonné et sa cravate
« infect » est répété deux fois (l. 15) et les boutiques sont
à la main. Le plus petit, dont le corps disparaissait dans
« misérables » (l. 23).
une redingote marron, baissait la tête sous une visière
pointue » (l. 10-14). Bouvard travaille dans un « bureau »
▶ Au fil de la lecture p. 182
(l. 26) et Pécuchet est « employé » (l. 27).
• Cette description est documentaire : elle renseigne le 2. a. L’atmosphère parisienne n’est pas la même dans
lecteur sur l’apparence d’un quartier, les personnes qui ces deux descriptions.
l’habitent et le Palais de justice qui est érigé à cet endroit. Texte 8. Le deuxième paragraphe montre l’agitation
Mais elle est surtout symbolique. La connotation péjora- d’une ville bruyante avec ses « matelots » (l. 4), le « bruis-
tive donnée à cette description crée en effet un horizon sement de la vapeur » (l. 6) et « la cloche, à l’avant, [qui]
d’attente : on présage qu’un crime ou un méfait est sur tintait sans discontinuer » (l. 7). Le quatrième paragraphe
le point de se dérouler dans un tel décor. fait basculer le texte dans une atmosphère mélancolique,
à travers le regard du personnage principal : « immo-
bile » (l. 13), « il contemplait des clochers » (l. 14-15), « il
embrassa, dans un dernier coup d’œil » (l. 17-18) et « il
Textes complémentaires 8 et 9 poussa un grand soupir » (l. 20-21).
Texte 9. L’atmosphère est lourde (« chaleur de trente-
G. Flaubert, L’Éducation trois degrés », l. 1) et triste : le boulevard est « désert »
sentimentale (l. 1), « l’atmosphère tiède », « tout semblait engourdi par
le désœuvrement du dimanche et la tristesse des jours
et Bouvard et Pécuchet p. 184-185 d’été » (l. 6-7).
b. Dans ces deux extraits, la description de la ville s’op-
▶ Activités p. 185 pose à celle des personnages.
Texte 8. La ville grouillante et bruyante s’oppose au
Découverte des deux textes
caractère mélancolique de Frédéric Moreau.
1. On trouve des éléments caractéristiques des romans Texte 9. Le désœuvrement et la solitude de l’espace
réalistes. urbain s’opposent à la rencontre et à la discussion spon-
• Des lieux parisiens à la toponymie connue tanée entre Bouvard et Pécuchet, qui « s’assirent à la
Texte 8. « quai Saint-Bernard » (l. 2), « l’île Saint-Louis » même minute, sur le même banc » (l. 16). L’absence d’ac-
(l. 18), « la Cité », « Notre-Dame » (l. 19), « Nogent-sur- tivité de la ville annonce symboliquement et malicieuse-
Seine » (l. 24), Le « Havre » (l. 28). ment la vacuité et la vanité des deux personnages.
Texte 9. « le canal Saint-Martin » (l. 2), « la Bastille »
(l. 9), le « Jardin des Plantes » (l. 9-10).
• Des lieux décrits avec précision
▶ Au fil de la lecture p. 182

Texte 8. « des barriques, des câbles, des corbeilles de • Ces deux descriptions sont documentaires car elles
linge », « les matelots [qui] ne répondaient à personne », regorgent de toponymes et d’informations sur les lieux.
« les colis [qui] montaient entre les deux tambours », « le Mais elles sont surtout symboliques : en s’opposant à
bruissement de la vapeur » (l. 3-6), « les deux berges, peu- l’état d’esprit des personnages, elles créent par contraste
plées de magasins, de chantiers et d’usines » (l. 8), « des une focalisation sur eux.
clochers, des édifices » (l. 15).

98
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
Texte complémentaire 10 Questions d’ensemble p. 186

É. Zola, Paris p. 186 • On attend d’un incipit de roman :


– des informations sur le lieu et l’époque ;
▶ Activités p. 186 – la présentation d’un personnage principal ;
Découverte du texte – une tonalité programmatrice de la suite du roman.
Finalement, on attend toutes les réponses aux questions :
1. Outre le lieu, cet incipit délivre des informations :
où ? quand ? qui ? comment ? éventuellement, pourquoi ?
– temporelles ;
• Ces incipit font découvrir des aspects différents de la
« vers la fin de janvier », (l. 1), « dès huit heures » (l. 2)
même ville. La ville de Paris est tantôt assassine, noble,
« après deux mois de froid terrible, de neige et de glace »
malfamée, angoissante, bruyante, grouillante, mélanco-
(l. 5).
lique, morne, triste, miséreuse et riche.
– sur la dichotomie de Paris ;
Ces incipit sont à l’image des personnages qu’ils présentent,
D’un côté, « l’est de la ville, les quartiers de misère et de
ou leur sont au contraire opposés. Le personnage de Sue
travail » (l. 7-8), de l’autre, « l’ouest, […] les quartiers de
correspond tout à fait au quartier insalubre et inquiétant
richesse et de jouissance » (l. 9-10).
dans lequel il évolue. Au contraire, Frédéric Moreau est
– sur un personnage, qui va être le personnage principal
immobile et mélancolique face à une ville grouillante d’agi-
de l’ouvrage ;
tation. De même, la rencontre joyeuse et spontanée entre
« l’abbé Pierre Froment » (l. 1), « maigre et sombre, vêtu
Bouvard et Pécuchet contraste avec le désœuvrement qui
de sa soutane mince » (l. 18).
semble engourdir la ville. Enfin, l’abbé Pierre Froment est
2. Points communs entre les deux incipit aussi sombre que la ville qui se déroule à ses pieds.
• Une même palette de couleurs • Écriture La contrainte de cet écrit est d’abord de trou-
« couleur de plomb » (l. 6), « fumées roussâtres » (l. 8), ver un tableau de Paris, qu’importe l’époque. Les photo-
« pâle » (l. 13), « noir de suie » (l. 14). graphies sont donc exclues.
• Une évocation du caractère industriel de la ville
Critères de réussite de l’incipit
« travail » (l. 8), « chantiers », « usines » (l. 9).
• Une description impressionniste, aux contours diffus • Le texte propose une description du lieu.
« brume épaisse » (l. 7), « fumées », « où l’on devi- • Le texte donne des indications sur l’époque, le temps.
nait » (l. 8), « brouillard » (l. 10), « voile fin, immobile de • La description peut imiter la pratique artistique
vapeur », « On devinait à peine » (l. 11). du tableau choisi.
• Le texte présente un personnage.
3. L’abbé Pierre Froment est à l’image de la description de • Ce personnage entretient un lien de ressemblance ou
ce paysage parisien : « maigre et sombre » (l. 18). Le pre- d’opposition avec la ville de Paris.
mier adjectif évoque la « misère » des quartiers de l’est de • L’élève ne commet pas d’anachronisme.
la ville, le second rappelle la palette de couleurs sombres • L’élève adapte son niveau de langue à la tonalité
de la description, telle que la « couleur de plomb ». correspondante.
• L’élève écrit dans une langue correcte.
▶ Au fil de la lecture p. 182

• Cette description est encore une fois documentaire,


grâce aux toponymes et aux informations données sur Lecture cursive Fr. Mauriac,
les différents quartiers de la ville. Elle est également
esthétique, puisque l’auteur utilise une palette de cou-
Thérèse Desqueyroux p. 187
leurs et une technique de description qui rappellent
le mouvement impressionniste et l’incipit de La Bête ▶ Activités p. 187
humaine V p. 170. Enfin, elle est symbolique : l’atmos- • Recherches François Mauriac s’inspire d’un fait divers
phère « morne » (l. 6) d’un Paris « voilé de nuées » (l. 15), pour écrire son roman Thérèse Desqueyroux. À la fin du
semble calquer l’humeur de l’abbé Pierre Froment, printemps 1905, à Bordeaux, Henriette Canaby est accusée
caractérisé de « sombre » (l. 18). d’avoir empoisonné son mari. En effet, en mai 1905, son
mari malade fait venir le médecin. Ce dernier diagnostique
une grippe infectieuse, mais ne parvient pas à le guérir.
Cependant, Henriette Canaby ne semble pas accablée de
tristesse face à l’état de santé de son mari. Devant cette
attitude, la rumeur d’un empoisonnement circule très vite
dans le quartier puis la ville. Les journalistes s’emparent
de l’histoire, le médecin mène l’enquête et, finalement, la
justice ouvre une véritable enquête en juin 1905.

99
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
• Expression écrite Pour expliquer cette citation dans • Lecture 2. Problématique d.
un développement argumenté, les élèves sont invités à Éléments de réponse
analyser la notion d’enfermement. – la généalogie du personnage : les frères, la mère, « les
Mauriac évoque d’abord l’enfermement de la famille. pères, les grands-pères » (l. 19), tous portent en eux « une
Il convient donc d’expliquer les tensions familiales à fêlure » (l. 11) ;
l’œuvre dans ce roman, de rappeler également que le – les symptômes des « crises » (l. 13) de Jacques Lantier,
mariage Desqueyroux n’est en somme qu’un contrat ses « subites pertes d’équilibre, comme des cassures, des
financier entre deux familles de notables. trous par lesquels son moi lui échappait » (l. 14-15) ;
L’enfermement est aussi au sein même du couple, – l’inscription du héros dans une généalogie plus
puisque les deux époux ne se comprennent pas et que ancienne, celle des hommes du « fond des cavernes »
Thérèse se sent prisonnière de son mari. (l. 44), malgré tous les efforts de Lantier pour lutter
Enfin, pour Thérèse, l’enfermement est également géo- contre cette fêlure héréditaire.
graphique : les pinèdes d’Argelouse deviennent peu à • Lecture 3. Problématique g.
peu une forme d’enfer pour elle. Éléments de réponse
• Expression écrite Dans ce travail, les élèves sont invités La personnification progressive de la machine :
à choisir un personnage du roman, d’imaginer son récit – la personnification de la machine est d’abord physique
du drame et comment il comprend le geste de Thérèse. (les « bras », « le poitrail » et les « reins », l. 10-11) ;
L’avocat Duros, le docteur Pédemay, Anne de la Trave ou – la machine est ensuite personnifiée à travers le regard
encore Bernard Desqueyroux sont les personnages les de Lantier, qui lui a donné un « nom de femme » (l. 18)
plus intéressants pour ce travail. et « l’aimait d’amour » (l. 19) ;
On pourra demander aux élèves un récit avec un point – la machine semble enfin prendre « vie », avoir une
de vue interne. Cependant, on veillera à expliquer la dif- « personnalité » (l. 33) et un « caractère » (l. 21), grâce à
férence entre un monologue intérieur et un récit à point « ce quelque chose » (l. 32) relevant presque de la magie.
de vue interne. De même, on rappellera que la compré- • Lecture 4. Problématique f.
hension du geste de Thérèse doit correspondre au per- Éléments de réponse
sonnage du roman, en tenant compte de son caractère – la description péjorative des personnages : Lantier qui
et de sa relation avec l’accusée. « passionna les dames » (l. 6), Cabuche et Roubaud à
• Expression écrite Dans ce travail comparatif, il est « l’air féroce et bas, deux bandits » (l. 10) ;
essentiel de veiller à ce que les élèves ne séparent pas – le peu de crédit donné aux témoignages de Cabuche et
les deux œuvres : au contraire, chaque paragraphe doit de Roubaud. L’un est accusé de « passion bestiale » (l. 27)
montrer un point commun ou une divergence entre les et l’autre de « chercher et inventer les détails » (l. 43-44) ;
deux personnages. – un procès écrit d’avance, qui ne laisse aucune chance
On pourra demander un paragraphe d’introduction pour aux accusés, « tellement » le président avait mené les
présenter les œuvres et ce travail comparatif. interrogatoires « avec adresse » (l. 56-57).
Quelques pistes de réflexion Étape 2
• Le paradoxe de l’assassin-victime Expression orale
• Des personnages aux fêlures psychologiques 3. Éléments de réponse
• L’enfermement moral • Paris
– Paris ville industrielle
– Paris refuge des amants
– Paris lieu de manipulation de Camy-Lamotte et de
Jacques Lantier par Séverine
• Vérité
– la vérité sur le président Grandmorin
Synthèse p. 188-189 – les aveux de Séverine à Jacques
– la vérité omise par Camy-Lamotte
▶ À construire p. 188 – la vérité des témoignages de Cabuche et de Roubaud
lors du procès
Étape 1 • Bête humaine
1. 2. • Lecture 1. Problématique h. – un oxymore
Éléments de réponse – la locomotive qui prend vie
– l’ouverture du regard sur Paris par le biais de la – Jacques comme bête sanguinaire luttant pour rester
« fenêtre » (l. 6) à laquelle s’« accouda » Roubaud ; humain
– la description d’un paysage ferroviaire avec ses – la fragilité d’une Séverine pourtant assoiffée de sang
« branches de métal » (l. 26-27) et sa palette de couleurs – Cabuche qui a tout d’une bête et qui pourtant fait
« d’un gris humide » (l. 13-14). preuve d’une grande humanité

100
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
• Criminel-né Ce sujet invite les élèves à approfondir leur réflexion sur
– une notion à discuter le lieu et l’époque où se déroulent les extraits. Ils peuvent
– la soif meurtrière et héréditaire de Jacques notamment partir du Texte écho, p. 175. En effet, la fin
– les nouveaux criminels Roubaud et Séverine du XIXe siècle est un moment crucial de transformation
• Culpabilité sociale et industrielle. L’émergence de l’industrie, notam-
– Jacques pétri du remords de ses crimes ment ferroviaire, transforme le paysage parisien et sa
– l’absence de culpabilité de Séverine population. Ce « progrès » intensifie la dichotomie entre
– la montre du président Grandmorin comme seule trace deux Paris : celui des bourgeois et celui des ouvriers. La
de culpabilité pour le couple Roubaud confrontation de ces deux univers devient alors un ter-
– la culpabilité de Cabuche envers son amour perdu rain de jeu infini pour les romanciers du XIXe siècle qui
– la culpabilité de Flore, qui se suicide après l’accident tentent d’en comprendre les rouages et les injustices.
ferroviaire Expression orale
4. Proposition de définition 6. On attend de ce travail une opinion nuancée sur la fin
Le roman naturaliste inscrit son récit dans la réalité du roman, puisqu’on demande aux élèves d’évoquer des
contemporaine et dans des univers et des milieux sou- émotions et sentiments.
vent inexplorés jusqu’alors par le roman (ici, les ouvriers, Il convient d’organiser ces différents sentiments en
les chemins de fer). Le romancier naturaliste y développe autant de parties (deux ou trois). Chaque partie sera
une intrigue qui met en exergue les déterminismes accompagnée d’une justification du sentiment ou de
naturels et sociaux (dans le roman, les personnages de l’émotion par des citations. En outre, les élèves sont invi-
Jacques Lantier, de Cabuche). tés à mettre en relation les émotions éprouvées à la lec-
ture de ce passage avec l’ensemble du roman : en quoi
Étape 3
ce passage détonne-t-il avec le reste du roman ? Ou, au
Expression écrite
contraire, cette fin leur semble-t-elle logique ?
5. On attend de ce travail une introduction, dans
laquelle les élèves présentent les textes étudiés dans le
parcours, la question et l’annonce d’un plan thématique.
Puis chaque paragraphe donne un élément de réponse à
cette question en mettant les textes en commun.

101
CHAPITRE 6 • Émile Zola, La Bête humaine
7
CHAPITRE

Andrée Chedid,
« Les métamorphoses de Batine » (1992)
Le roman et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu Lecture intégrale des « Métamorphoses de Batine »
à une analyse détaillée • Lecture 1 : L’incipit de la nouvelle, p. 194 • Activités, p. 201
• Lecture 2 : Une situation de crise, p. 196 • Activités, p. 201
• Lecture 3 : La métamorphose du peintre, p. 198 • Activités, p. 201
• Lecture 4 : La chute de la nouvelle, p. 199-200 • Activités, p. 201
Lectures complémentaires • Extrait de poème d’Andrée Chedid, p. 190
• Définition de la nouvelle par Chedid, p. 191
• Extrait d’entretien avec Chedid, p. 192
• Incipit des dix nouvelles de L’Artiste et autres nouvelles de Chedid, p. 193
• Félix Fénéon, vingt nouvelles de Nouvelles en trois lignes, p. 204
Prolongement artistique et culturel • Petite histoire de la nouvelle
• Marguerite de Navarre, Heptaméron, p. 206
• Guy de Maupassant, « Une partie de campagne », p. 207
• Franz Kafka, « La métamorphose », p. 208
Moments de grammaire • Valeur des temps, p. 201
• Discours rapportés, p. 201
Écrits d’appropriation • Continuer un incipit de nouvelle, p. 193
• Proposer une réécriture théâtrale d’un passage de la nouvelle, p. 201
• Interpréter le titre d’une œuvre, p. 201, 209
• Récrire une nouvelle en trois lignes à la manière de Félix Fénéon, p. 205
• Écrire l’incipit d’une nouvelle, p. 205
• Réaliser une couverture pour une nouvelle du recueil, p. 210
Écrits vers le bac Dissertation
• Atelier : dissertation guidée, p. 202
• Rédiger une dissertation, p. 210
Commentaire de texte
• Répondre à la problématique, p. 201
Exercices d’oral • Proposer un résumé de la nouvelle étudiée, p. 201
• Confronter la nouvelle à la définition du genre donnée par l’auteure, p. 201
• Commenter une quatrième de couverture, p. 205
• Élaborer une quatrième de couverture, p. 210
Exercices de confrontation • Confrontation de la nouvelle à la définition du genre donnée par l’auteure, p. 201
ou de synthèse • Comparaison de dix nouvelles de Félix Fénéon, p. 205
• Synthèse, p. 210
Travaux de recherche • Le mot « fait divers », p. 205
• Des images de costumes et de lieux de l’époque victorienne, p. 209
Lectures d’images ou de films • Andrée Chedid, « La robe noire », tapuscrit, p. 193
• Domingo Djuric, L’Atelier de Dado, p. 197
• Lucian Freud, Autoportrait, p. 199, 201
Lectures cursives • Suggestions de nouvelles à chute, p. 208
• Thomas Hardy, Les Petites Ironies de la vie, p. 209
• Suggestions de prolongements (lectures, film, audio), p. 210-211

102
OBJECTIFS DU CHAPITRE Andrée Chedid et L’Artiste
• Ce court chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude Le et autres nouvelles p. 192-193
roman et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle.
• Il propose l’étude d’un recueil de nouvelles contem- ▶ Activités p. 192
poraines. Cette étude s’attache particulièrement à
• Andrée Chedid évoque positivement sa double culture :
la définition du genre de la nouvelle et à l’étude de
« Je suis très heureuse d’appartenir à ce monde du Moyen-
ses caractéristiques narratologiques. L’analyse de la
Orient » (l. 25), affirme-t-elle, « j’ai un sentiment très fort
construction du récit pourra ainsi préparer un chapitre
d’appartenance » (l. 28-29), dit-elle encore en parlant de
sur le roman. Le travail proposé sur le recueil L’Artiste
l’Égypte. Mais elle précise que c’est à Paris qu’elle se sent
et autres nouvelles d’Andrée Chedid est accompagné
« bien, libre » (l. 31). Chez Chedid, la double culture est
d’un prolongement artistique et culturel sur l’histoire
davantage une force qu’une souffrance. Elle reprend à
de la nouvelle.
son compte les mots de Kundera qui parle d’un « exil
• Le recueil L’Artiste et autres nouvelles est un grou- libérateur ».
pement, élaboré non par Andrée Chedid, mais par
• Elle choisit le français pour « sa clarté, sa précision »
l’éditeur, d’un ensemble cohérent de nouvelles. Ces
(l. 5). Ainsi le compare-t-elle à du « cristal » (l. 6), maté-
dernières évoquent l’univers métissé de culture
riau d’une grande clarté et taillé avec beaucoup de préci-
orientale d’Andrée Chedid et abordent de nombreux
sion pour lui donner son éclat.
thèmes : l’enfance, l’art, la guerre, la fuite du temps,
la mort, le bonheur et la réalisation de soi, thèmes • Sa singularité revendiquée paraît être incompatible
propres à intéresser le lecteur adolescent. Bien que avec un mouvement, une école littéraire.
leur qualité littéraire soit indéniable, leur lecture est • Doc. 2 Le tapuscrit correspond bien au travail de cor-
facile et pourra constituer une passerelle entre le tra- rection évoqué dans l’interview : « Mes feuillets sont cou-
vail d’analyse littéraire au collège et au lycée. verts de corrections de toutes les couleurs » (l. 7-8). Elle
• Nous avons choisi de travailler une nouvelle dans explique que le choix du français, qui n’est pas sa langue
son intégralité, puis de déployer des activités sur le maternelle, l’« oblige à la rigueur » (l. 7) et mentionne sa
recueil en entier. L’analyse des « Métamorphoses de pratique assidue du dictionnaire (l. 9-10).
Batine » permet de mettre en évidence les ressorts
narratifs de la nouvelle à chute, de saisir la nécessité ▶ Activités p. 193
de concision et de variation du rythme du récit dans Critères de réussite de l’expression écrite
la nouvelle. Le premier atelier est une initiation à la
dissertation sur œuvre et le second propose un travail • Le texte est cohérent avec l’incipit, du point de vue
d’écriture sur le récit. De nombreux écrits d’appropria- des informations sur le cadre spatio-temporel et sur
le personnage.
tion proposent des travaux faisant entrer les élèves
• Le texte est cohérent avec l’incipit du point de vue
dans l’écriture d’analyse sans pour autant demander
des choix narratifs : temps, narrateur, étape du récit…
un écrit formalisé tel un commentaire. • Le texte respecte les règles de syntaxe.

Ouverture p. 190-191 Andrée Chedid,


▶ Activités p. 191
« Les métamorphoses
1. Doc. 4 a. C’est la concision de la nouvelle, d’une part,
de Batine » p. 194-201
qui intéresse Andrée Chedid et le travail sur le langage
qu’elle impose, d’autre part. ▶ Activités p. 201
b. Proposition de définition Découverte de la nouvelle
La nouvelle raconte une histoire, fait exister des person-
1. Expression orale
nages sans se diluer et en s’inquiétant de la rigueur et de
Proposition de résumé
la justesse de son langage.
Un journaliste annonce la venue d’un visiteur presti-
2. Doc. 1 Les deux thèmes lyriques sont l’amour et, sur- gieux chez le vieux peintre Batine. Aussitôt tous ses
tout, la fuite du temps. voisins, sous la houlette de Wadiha, s’empressent de net-
3. Docs 1 à 3 Les documents évoquent l’Orient (doc. 2), toyer l’immeuble, le capharnaüm de l’artiste et l’artiste
le travail de l’artiste (doc. 3), la fuite du temps (doc. 1). lui-même, afin de les rendre présentables, et préparent
une réception. Le visiteur se révèle être un galeriste à la

103
CHAPITRE 7 • Andrée Chedid, « Les métamorphoses de Batine »
recherche d’un artiste original et pittoresque pour relan- – Au sein de ce sommaire, on repère plusieurs pauses
cer sa galerie. Déçu par la propreté des lieux et l’aspect descriptives : un portrait physique (l. 33-50), une descrip-
trop net de son habitant, il repart immédiatement. La tion de l’atelier (l. 51-80).
nouvelle se clôt sur le fou rire de Batine et la promesse à emploi de l’imparfait de description.
d’un festin entre amis. b. Chedid rythme son récit en alternant scène, sommaire
2. C’est une nouvelle à chute, au sens où toutes les et pause. On note aussi la présence de courts dialogues
actions racontées tendent vers une chute inattendue et qui animent scènes et sommaires.
ironique. c. Le narrateur à la troisième personne est omniscient : il
peut ainsi évoquer le présent et le passé des personnages.
3. Personnages principaux
– Batine : vieux, pauvre, artiste, misanthrope, désabusé… 3. Description des personnages
– Wadiha : énergique, autoritaire, généreuse… Personnages Traits physiques
4. a. La nouvelle se passe au Caire : certaines notations Batine « le vieil homme » (l. 27),
évoquent d’abord un environnement oriental, mais il ni « soigneux ni ordonné » (l. 32),
faut attendre la dernière partie de la nouvelle pour le 87 ans (l. 33-34), « âge
voir confirmer (« l’Anubis Palace, situé au bord du Nil », canonique » (l.35),
l. 471-472). « permettrait à ses poils, cheveux,
b. Le Caire est la ville natale de l’auteure. barbe et ongles de pousser selon
leur pente naturelle » (l. 38-39),
« pantalon blanc », « chemise
rouge » (l. 44-45),
Lecture 1 « pieds nus » (l. 48), « pattes
d’autruche à la membrane
L’incipit de la nouvelle p. 194-195
fibreuse et rêche » (l. 49).
On peut ajouter le paragraphe
Comment plonger le lecteur dans un univers inédit final (l. 171-175), qui évoque le
lorsque l’on dispose de deux pages ? Voilà l’enjeu, pour pouvoir de séduction de Batine.
le nouvelliste, de l’incipit du récit. Le début de nouvelle
Wadiha « corpulente voisine » (l. 10),
doit en effet remplir sa fonction narrative tout en diver-
« pesante soixantaine » (l. 22),
tissant le lecteur. « chair généreuse » (l. 74)

▶ Activités p. 201 Le repasseur « un homme tout en jovialité et


(et son épouse) en muscles » (l. 86-87)
Analyse de la nouvelle Le boulanger et son –
1. a. La nouvelle s’ouvre sur l’annonce d’une « prodi- fils, le barbier, le
gieuse nouvelle » (l. 3). Ce début in medias res plonge le marchand de tabac, le
lecteur dans l’action en débutant par l’élément déclen- gendarme du quartier,
cheur du récit. le maître d’école
b. Le récit ne dévoile pas le contenu du message, le lec-
4. L’impression qui se dégage est celle d’un « caphar-
teur sait simplement qu’il concerne le personnage de
naüm » (Lecture 2, l. 309), d’un entassement chaotique
Batine (sur la divulgation partielle du contenu secret du
d’objets. Outre le désordre d’une vie accumulée là et
télégramme, voir Lecture 2, l. 217-223 et 248-249). Mais
présentant ses « strates archéologiques », ce lieu semble
il insiste sur son importance par les termes « prodigieuse
entièrement consacré à l’activité artistique de Batine.
nouvelle » (l. 3), « l’heureux bénéficiaire de l’événement »
(l. 6), « le secret » (l. 7) et par la présence du journaliste 5. a. La peinture de Batine est décrite avec les yeux
sur les lieux (l. 1). de Wadiha comme une « production véhémente, déré-
c. Le récit prend le temps de donner au lecteur les élé- glée, criarde » (l. 95), au point qu’elle ne lui trouve pas
ments de la situation initiale : cadre, portrait des per- de sens : « Qu’est-ce que ça représente, pouvez-vous me
sonnages principaux, lien entre ces personnages, récit le dire ? Un coup de feu ? Des éclairs, des poussières ?
rétrospectif rapide du passé des personnages. Du sang, des soleils, des larmes ? C’est n’importe quoi !
Des gribouillis ! Du charabia ! » (l. 101-104). Ces termes
2. a. b. Langue
évoquent une peinture sans doute abstraite, du moins
• l. 1-29 : scène
peu figurative, aux couleurs et aux mouvements violents.
à emploi majoritaire du passé simple (action principale
De même, Wadiha ne se reconnaît pas dans les portraits
du récit) en alternance avec l’imparfait (arrière-plan du
que Batine fait d’elle (l. 93-94). Enfin, cette peinture est
récit).
décrite par Batine lui-même comme l’expression irré-
• – l. 30-174 : sommaire
pressible de son monde intérieur : « ça sort comme ça
à emploi majoritaire de l’imparfait (action répétée) et
veut, voilà tout ! » (l. 106-107).
du plus-que-parfait (action antérieure au récit).

104
CHAPITRE 7 • Andrée Chedid, « Les métamorphoses de Batine »
b. Batine se débarrasse de ses œuvres : il les offre ou les • Troisième mouvement : l. 286-350
jette (l. 81-83). Pour exprimer ce détachement de l’artiste Le grand ménage
envers son œuvre, Andrée Chedid utilise la métaphore de b. Cette phrase fait suite aux l. 27-29 du premier extrait :
l’arbre : « On aurait dit un pommier vigoureux et prodigue « Enfoncé dans son fauteuil à bascule, le vieil homme,
dont les fruits, arrivés à maturation, se décrochent sans voluptueusement engourdi, contemplait les dernières
que l’arbre les retienne » (l. 116-118). Cette métaphore, à lueurs du jour s’affichant sur la palette du ciel. »
connotation méliorative, contrebalance la vision péjorative 2. Les deux paragraphes opposent le calme (« silences »,
de Wadiha. Batine est-il un artiste incompris ? Chedid l. 176, « tranquille », l. 177) dans lequel baigne Batine à
insiste sur la destruction des tableaux. Elle crée ainsi un l’excitation de ses visiteurs (« surexcités », l. 178, « quatre
personnage original et pittoresque et, par petites touches, à quatre », l. 179-180, « se ruèrent », l. 180).
évoque les doutes liés à la création artistique : « J’y crois
3. Au lieu d’interrompre le récit par une pause descrip-
et je n’y crois pas » (l. 145), affirme ainsi Batine à propos
tive, la narratrice fait en sorte que la scène racontée
de sa production artistique. Le regard de Wadiha permet
contienne les éléments descriptifs et en constitue le pré-
de confirmer les souffrances de la création : « Rappe-
texte. L’irruption de la troupe de voisins dérange l’atelier :
lez-vous… À certaines périodes, je vous ai vu souffrir, vous
ses habitants (Batine et quelques animaux) sont surpris.
évertuer, vous surmener. Vous mangiez debout. Vous par-
En racontant cette intrusion qui chasse chats et volatiles,
liez à peine. Je vous voyais peindre, défaire, recommencer »
Chedid accumule les notations descriptives qui précisent
(l. 127-130). Cette manie de tout jeter permet en outre,
le décor, sans interrompre le récit par une pause. Citons,
au détour d’une phrase, de laisser percevoir au lecteur les
pour exemple : « Immobile sur un canapé éventré, le
drames qui ont pu jalonner le destin de son personnage :
second chat, au poil d’ébène, pris de panique, se réfu-
« C’était aussi dans la nature de Batine de ne jamais se
gia derrière l’amoncellement de bidons, de torchons,
souvenir des peines et des chagrins passés » (l. 124-126),
de balais, de fagots, de boîtes de couleurs séchées, de
« Tu ajouteras la chemise en soie et la cravate noire de ce
châssis hors d’usage, de chevalets en morceaux et de la
mariage auquel, par chance, j’ai échappé ! » (l. 162-163).
baignoire en zinc remplie de bouteilles vides » (l. 184-
6. Expression écrite 189). Dans cette phrase, la fuite du chat est l’occasion
Proposition de réponse d’énumérer les objets occupant l’espace de l’atelier. Ces
Ce début de nouvelle est réussi car il est doublement objets associent le lexique du matériel artistique à celui
efficace. D’une part, il plonge le lecteur in medias res, de l’usure et du délabrement.
le laissant dans l’attente de la révélation du secret que
4. a. Certains indices ancrent l’action dans le temps et
partagent les personnages. D’autre part, il remplit les
en dessinent la chronologie : « soleil couchant » (l. 175),
fonctions de l’incipit en présentant succinctement le
« le soleil qui sombrait, lentement » (l. 241-242), « le
cadre spatio-temporel et les personnages principaux de
soleil se dissipait » (l. 245), « Demain, sept heures du
la nouvelle ; mais il le fait en variant les rythmes du
soir » (l. 248), « vingt-quatre heures pour nous préparer »
récit. Ainsi l’enchaînement de scène, de sommaire et de
(252-253), « la nuit entière » (l. 312), « À l’aube » (l. 348).
pauses descriptives permet par brèves touches de brosser
b. Le motif du soleil couchant revient plusieurs fois
le portrait du vieil artiste, de son atelier et de son travail,
(l. 175, 240-247). Il est l’occasion d’une pause descriptive
de présenter le personnage débonnaire de Wadiha et les
particulièrement poétique (l. 243-247), qui évoque le
rapports qu’elle entretient avec Batine.
regard d’artiste que poserait Batine sur ce spectacle. Le
motif peut aussi symboliser la fin de vie de Batine.
c. L’extrait dure une nuit, du coucher du soleil à l’aube.
Lecture 2 5. La première scène est rendue vivante par la présence
d’animaux : « trois poussins » (l. 182), « le chat tigré »
Une situation de crise p. 196-197
(l. 183), « le second chat » (l. 185), « quatre poules »
(l. 190), « le coq » (l. 193). Ceux-ci permettent l’évocation
La nouvelle, par sa concision, ne peut s’attacher à dessi-
du décor dans lequel se situe l’action. L’amoncellement
ner le destin entier du personnage. Elle en isole alors un
d’objets et de plantations rend également le passage par-
moment de crise.
ticulièrement pittoresque et vivant.
▶ Activités p. 201 6. La visite est considérée par les habitants comme un
événement très important, « extraordinaire » (l. 205),
Analyse de la nouvelle « Considérable » (l. 206), « Une chance pour les jeunes
1. a. Propositions de titres du quartier » (l. 207). Cette importance est évoquée de
• Premier mouvement : l. 175-272 manière comique dans les dialogues de l’extrait : ainsi la
L’annonce de la mystérieuse visite à Batine gradation ascendante « un honneur pour toi, pour nous
• Deuxième mouvement, très court : l. 273-285 tous […] Pour notre cité et pour toute la nation » (l. 233-
L’origine du télégramme 235), ou la graphie « ex-cep-tion-nel » (l. 262), qui laisse

105
CHAPITRE 7 • Andrée Chedid, « Les métamorphoses de Batine »
entendre l’insistance avec laquelle le mot est prononcé. b. La tonalité est épico-comique. La toilette du peintre
Les habitants du quartier comptent tirer un bénéfice de est présentée comme une « opération » (l. 352), les cinq
cette visite : « Cela changera le cours de ta vie ! conclut femmes « comme un bataillon de mouches » (l. 360-361).
le repasseur. – Et des nôtres, renchérit le maître d’école » Leurs actions sont mises en valeur par l’énumération de
(l. 209-210). verbes au passé simple dont elles sont les sujets et le
7. Cette fois, c’est le grand nettoyage de l’atelier qui per- peintre l’objet : « les femmes empoignèrent Batine »
met d’associer action et description du décor. (l. 353), « le dévêtirent » (l. 354), « saisirent Batine, le
Langue L’accumulation des verbes au passé simple rend soulevèrent, le plongèrent » (l. 390-391), « l’aspergèrent,
le passage vivant : « vidèrent » (l. 317), « frottèrent, grat- le savonnèrent, le frottèrent, grattèrent la plante de ses
tèrent, récurèrent » (l. 318-319), « brossèrent » (l. 322), pieds » (l. 401-403), « poncèrent ses genoux, ses coudes ;
« Décapèrent, astiquèrent, peignirent » (l. 323), « ran- curèrent oreilles et narines ; frictionnèrent ses épaules et
gèrent » (l. 326-327), « pulvérisèrent » (l. 329), « fit le son cou » (l. 405-406).
vide » (l. 336), « s’empara » (l. 338), « se jetèrent » (l. 342), La dimension comique est accentuée par les invectives du
« se disputèrent » (l. 343). Les phrases enchaînent ainsi vieil homme à leur encontre : « sorcières », « marâtres »,
les actions dans des propositions indépendantes jux- « barbares » (l. 392-393), « Maudites vieilles » (l. 404).
taposées, exprimant leur déroulement rapide, tout en Enfin, le passage est émaillé de notations grivoises sur la
énumérant les éléments qui constituent l’immeuble de virilité vieillissante de Batine.
Batine. 3. a. b. Langue Chedid utilise toutes les possibilités du
8. Expression écrite et orale discours rapporté : le discours direct dans le dialogue,
Cette activité permet aux élèves de prendre conscience signalé par un tiret ; le discours indirect (« Retrouvant
des particularités de la scène narrative, puisque seuls les ses esprits, il leur demanda d’une voix assurée où elles
passages constituant strictement une scène peuvent être voulaient en venir » l. 366-367) ; et le discours indirect
adaptés au théâtre. libre (l. 383-389 ou l. 428-435). Le dernier passage au
Critères de réussite de la réécriture théâtrale style indirect libre rapporte les pensées de Batine : c’est
par altruisme que le vieux peintre laisse les habitants du
• Les dialogues sont conservés. quartier métamorphoser son atelier et sa personne.
• Le récit est réduit et transformé, pour ses éléments
essentiels, en didascalies.
• Les notations descriptives sont supprimées et servent
à la conception du décor.
• L’analepse est supprimée. Lecture 4
• La mise en page du texte de théâtre est respectée. La chute de la nouvelle p. 199-200

La dernière scène de la nouvelle constitue la chute


attendue mais imprévisible du texte.
Lecture 3 La métamorphose
du peintre p. 198 ▶ Activités p. 201

Analyse de la nouvelle
Continuant l’action du texte précédent, ce passage fait
écho au titre de la nouvelle. Après avoir modifié le décor 1. a. Les nouveaux personnages sont Steve Farrell et son
en le nettoyant et le rangeant, Wadiha, telle un metteur assistante.
en scène, façonne le personnage du vieux peintre. b. Ils sont caractéristiques du monde occidental, d’une
société du spectacle américanisée. Ils en possèdent les
▶ Activités p. 201 codes : « Mercedes grise » (l. 467-468), « chauffeur »
(l. 470), « Anubis Palace » (l. 471), « l’équipe de télévi-
Analyse de la nouvelle sion » (l. 476-477), « une secrétaire à la chevelure auburn,
1. L’autoportrait de Lucian Freud évoque la métamor- au physique de vedette » (l. 484-485), « d’élégantes
phose. L’œuvre semble inachevée : une partie du visage lunettes cerclées de noir, dont les verres à peine teintés »
est mise en peinture, alors que le reste est demeuré à (l. 481-482). Les dialogues les caractérisent de même,
l’état d’esquisse. Cela peut évoquer le personnage appa- employant l’anglais (« How special! », l. 488), et consi-
raissant, surgissant de la feuille blanche, ou, au contraire, dérant les habitants avec un certain mépris (« le peintre
le personnage disparaissant, se résorbant dans la blan- baragouine dans toutes les langues », l. 494-495). C’est la
cheur de la feuille. confrontation de deux mondes qui se prépare.
2. a. Ce passage renvoie au titre de la nouvelle, dans la 2. Chedid étire le temps de l’action en repoussant la ren-
mesure où il montre en action une métamorphose de contre finale : le dialogue (l. 488-499), la montée de l’es-
Batine. Notons cependant le pluriel du titre : la référence calier (l. 500-533) retardent la confrontation, en même
à cette scène n’épuise pas le sens du titre. temps qu’ils permettent à l’auteure de préciser la nature

106
CHAPITRE 7 • Andrée Chedid, « Les métamorphoses de Batine »
de l’intérêt de Steeve Farrell pour Batine et de program- portrait moral se déduit de leurs actes, ils ont un passé,
mer le fiasco final et la chute de la nouvelle. des sentiments, un langage propre qui les font prendre
3. Les véritables intentions du visiteur sont précisées corps dans notre esprit au fur et à mesure de la lecture ;
des lignes 523 à 533. Les personnages ne le savent pas – malgré ces réussites, la nouvelle est concise, économe.
encore, seuls les lecteurs sont dans la confidence et Tous les détails servent le récit ;
comprennent à quel point le travail de Wadiha et de sa – enfin, l’auteure apporte une attention aux mots, à la
troupe aura été à l’encontre des désirs de Steve Farrell. rigueur de l’expression qui permet cette réussite de la
nouvelle.
4. a. Dans la représentation du galeriste, Batine est
b. On pourra trouver la nouvelle à la fois comique par
« une sorte de vieux Noé hirsute » (l. 528).
le récit, tendre par le regard posé sur les personnages,
b. Il rencontre en la personne de Batine « un homme de
et profonde par son discours en filigrane sur la fuite du
haute taille » (l. 537), « correctement vêtu d’un costume
temps, l’ironie du destin, le règne des apparences, les
sombre, comme n’importe quel directeur d’agence »
affres de la création.
(l.537-538).
5. Le personnage de Steve Farrell exprime la conster-
nation et la déception : « surprit désagréablement »
(l. 510-511), « une véritable commotion » (l. 520), Atelier 1
« machinalement » (l. 544), « bredouillant » (l. 546), « le Dissertation guidée p. 202-203
souffle coupé » (l. 550). Il exprime son désappointement
« I was abused… trompé » (l. 550). Ce sujet de dissertation, tout en étant ambitieux, consti-
Wadiha, quant à elle, est pleine d’espérance : « le cœur tue une bonne initiation pour des élèves de seconde, car
battant » (l. 543). les exemples ne leur manqueront pas : ils ont, en général,
Batine, enfin, n’exprime ses sentiments par un fou rire lu assez de romans et de nouvelles, durant leur scolarité
qu’à la fuite du visiteur (l. 575-576). ou leurs loisirs, pour nourrir et illustrer leur réflexion.
6. La joie de Batine est explosive (« éclata d’un rire
homérique », l. 576-577) et se manifeste par la destruc- ▶ Activités p. 203
tion du personnage (l. 577-583) créé pour l’occasion par
Étape 1
les habitants. De cette manière, il se métamorphose à
nouveau, retrouvant son apparence du début de la nou- 1. a. La citation oppose la nouvelle au roman.
velle, mais empli d’un nouvel élan : « Batine sentit des b. Les expressions caractérisent la nouvelle par rap-
ailes lui pousser partout » (l. 595). port au roman en y associant des termes péjoratifs :
« ombre », « déshydraté ».
c. Thèse reformulée : la nouvelle n’est pas un roman réduit.

Andrée Chedid, 2. La question posée par le sujet appelle à discuter la


thèse : la nouvelle est-elle un petit roman ou possède-
« Les métamorphoses de t-elle des caractéristiques qui en font un genre à part
Batine » p. 194-201 entière ?
3. Baudelaire oppose aussi la nouvelle au roman. Il
▶ Activités p. 201 accorde à la nouvelle l’avantage de la concision qui, telle
une contrainte féconde, va la rendre plus intense que le
Questions d’ensemble roman. En effet, il considère que tous les éléments de la
1. Expression écrite On veillera particulièrement à nouvelle doivent être pensés dans la perspective unique
exploiter le pluriel du titre : les deux métamorphoses de de l’effet à produire sur le lecteur.
Batine et les trois états du peintre dans la nouvelle. On
Étape 2
pourra, pour aider les élèves, faire comparer le person-
nage au début et à la fin : certes, il retrouve son allure 4. La nouvelle et le roman sont les deux genres narratifs
d’artiste original, mais son état d’esprit est modifié. les plus représentés : ils racontent tous deux des histoires.
2. Expression orale 5. a. Les sujets traités dans les romans et les nouvelles
a. On trouve les éléments de définition de la nouvelle : sont divers : rien ne leur est interdit.
– « Les métamorphoses de Batine » racontent une b. On trouve dans le recueil de Chedid différents thèmes
histoire, au sens où le récit possède une situation (l’enfance, la guerre, la folie…), et les élèves pourront sans
initiale, un élément déclencheur (la visite annoncée), des doute citer quelques nouvelles de Maupassant ou de Poe.
péripéties (la métamorphose de Batine et de son atelier) 6. Les deux textes de Baudelaire montrent très bien
et une situation finale ; comment une nouvelle peut constituer une expérience
– la nouvelle fait ensuite « exister des personnages » : de lecture forte car unique, alors que la lecture d’un
Batine et Wadiha sont décrits physiquement, et leur roman nécessite son fractionnement en épisodes. Les

107
CHAPITRE 7 • Andrée Chedid, « Les métamorphoses de Batine »
élèves connaissent souvent la difficulté de se replonger Atelier
dans un univers romanesque abandonné quelques jours.
7. Ici, les élèves pourront s’appuyer sur l’ouverture du Écrire une nouvelle p. 204-205
chapitre, qui évoque le travail de novelliste d’Andrée
Cette activité propose de travailler le rythme du récit :
Chedid (doc. 4, p. 191) : la concision nécessite beaucoup
il s’agit, en prenant pour modèle Chedid ou Fénéon, de
de rigueur, le travail de réécriture du tapuscrit de l’auteur
réduire ou de développer tout ou partie d’une nouvelle.
(doc. 2, p. 193) en témoigne.
Étape 3 ▶ Activités p. 205
8. Cette activité pourra être réalisée en groupes, afin
Étape 1
que les petits lecteurs bénéficient de l’apport des autres
élèves. 1. a. Recherches Fait divers : événement sans portée
générale qui appartient à la vie quotidienne. – n. m. plur.
9. Proposition d’organisation du développement
Rubrique de presse comportant des informations rela-
I. La nouvelle est proche du roman
tives à des faits quotidiens relevant de domaines variés
1. (b.) La nouvelle se rattache comme le roman aux genres
(accidents, infractions, crimes, etc.). © Larousse 2014
narratifs, avec une histoire, des personnages, un narrateur.
b. Malgré les événements tragiques racontés, la tonalité
2. (d.) La nouvelle peut traiter tous les sujets.
comique domine : c’est ce que l’on appelle l’humour noir.
3. (f.) La nouvelle peut s’adresser à tous les publics.
c. Langue Les nouvelles proposées contiennent une à
II. Mais la nouvelle a des caractéristiques particulières
quatre phrases. La majorité d’entre elles est constituée
1. (e.) Une nouvelle est courte, donc elle se lit rapide-
d’une unique phrase. Ces phrases sont généralement
ment : on s’en souvient très bien.
verbales et présentent le plus souvent plusieurs propo-
2. (a.) L’écriture d’une nouvelle est contraignante, car une
sitions juxtaposées pour souligner l’enchaînement fatal
nouvelle est courte.
des actions. Quand un lien de subordination est présent,
3. (c.) La nouvelle, par sa brièveté, implique des effets de
c’est généralement une subordonnée relative, donnant
style très concentrés.
des précisions sur un nom.
Étape 4 Exemple d’analyse logique (nouvelle 5)
10. Pour la rédaction du devoir, on pourra renvoyer les [Dormir en wagon fut mortel à M. Émile Moutin, de
élèves à la méthode. V Fiche 12, p. 544 Marseille] (phrase verbale simple). [Il était appuyé contre
la portière] ; [elle s’ouvrit], [il tomba]. (phrase verbale
Exemple de grille d’évaluation Réalisé Non- complexe constituée de trois propositions indépendantes
ou d’autoévaluation à améliorer *, réalisé
juxtaposées)
de la dissertation satisfaisant **,
très bien ** d. C’est généralement la chute qui est mise en valeur
par la structure des phrases.
Introduction
2. Le narrateur est impersonnel et adopte un point de
Présentation du sujet vue externe. Il transcrit les apparences, tel un témoin, de
Problématique manière objective et sans jugement.
Plan pertinent et annoncé 3. On relève :
– des images comiques : « scalpant » (l. 3), « moisson-
Développement
nait » (l. 5), « tritonnaient » (l. 55) ;
Le développement est construit : – des litotes ironiques : « Ce souci de régir un grand
parties et sous-parties présentes peuple » (l. 43-44), « ayant froissé la susceptibilité d’un
et articulées logiquement.
gendarme » (l. 58-59).
Des arguments sont proposés,
4. Exemple de réponse
expliqués.
Des exemples commentés 1. 2.
illustrent les arguments. Lieu l’Île-Saint-Denis le cimetière
Le commentaire reprend les de Saint-Denis
éléments de la préparation. Personnage(s) M. Poulbot Mlle Mélinette
Conclusion Fait(s) chute de la vol de fleurs
La conclusion propose une cloche artificielles
réponse à la question posée. Circonstance(s) la rentrée depuis son
Correction de la langue des écoliers enfance
Conséquence(s) blessure à la tête arrêtée

108
CHAPITRE 7 • Andrée Chedid, « Les métamorphoses de Batine »
5. Expression orale Texte complémentaire 8
Dans la présentation, on pourra relever, pour les justifier,
les caractéristiques suivantes : M. de Navarre, Heptaméron
– un humour noir et une cruauté infinie ; p. 206
– trois lignes ;
– faits divers ;
– ironie.
▶ Activités p. 206

1. a. b. Le caractère édifiant est marqué par le passage


Étape 2
dans lequel la devisante se propose d’illustrer par un
6. Proposition de réécriture récit la vertu des dames, afin de modifier le jugement
Au Caire, un galeriste américain à la recherche de pit- négatif du précédent devisant : « une dont la vertu puisse
toresque s’annonça chez le peintre Batine. Le quartier démentir sa mauvaise opinion » (l. 3-4).
en émoi briqua l’immeuble, l’atelier et le peintre pour
2. Les thèmes abordés sont les relations conjugales et
les rendre plus présentables : le visiteur déçu décampa
adultères. Au titre de la nouvelle, le lecteur peut imagi-
aussitôt pour la plus grande joie du vieil original.
ner comment la dame vertueuse échappe par la mort
7. Critères de réussite des réécritures aux poursuites de son valet.
• Les trois lignes rendent bien compte de l’ensemble de 3. Les indications de lieu (Amboise, Blois) et la référence
la nouvelle. au roi François Ier ancrent le récit dans le réel.
• La chute est mise en valeur par la syntaxe.
• Le vocabulaire laisse percevoir l’ironie du narrateur.
• La langue est correcte.

Étape 3 Texte complémentaire 9


8. Critères de réussite de l’incipit G. de Maupassant, « Une partie
• Le récit se restreint à l’incipit.
• Le récit débute in medias res.
de campagne » p. 207
• Le récit présente le cadre spatio-temporel
et les personnages. ▶ Activités p. 207
• Le rythme est varié : alternance de scène, 1. Le narrateur emploie le pronom indéfini « on », qui
de sommaire, de pause.
désigne, à la manière de la langue familière, la famille
• Le dialogue est présent.
• La langue est correcte. Dufour, mais possède aussi une visée généralisante,
incluant lecteur et narrateur.
2. a. La description du paysage devient un élément de la
narration. Le narrateur rend compte de la contemplation
admirative des personnages : « on s’était mis à regarder
Prolongement artistique la contrée » (l. 15), « une admiration les avait saisis »
(l. 18), « l’on apercevait » (l. 22), « on entrevoyait » (l. 26).
et culturel Petite histoire b. Cette description fait référence à des lieux réels :
de la nouvelle p. 206-208 « l’avenue des Champs-Élysées » (l. 14), « la porte Mail-
lot » (l. 15), « pont de Neuilly » (l. 16), « rond-point de
Illustrant une rapide histoire de la nouvelle, ces trois Courbevoie » (l. 18), « Argenteuil » (l. 19), « les buttes de
textes sont emblématiques des trois grands âges du Sannois et le Moulin d’Orgemont » (l. 20-21), « l’aque-
genre : l’origine au XVIe siècle, l’âge d’or avec la nouvelle duc de Marly » (l. 21), « la terrasse de Saint-Germain »
réaliste du XIXe siècle et les aventures plus contempo- (l. 22-23), « le nouveau fort de Cormeilles » (l. 24).
raines du genre avec Kafka. 3. Le personnage qui focalise l’attention du lecteur est
Avec ce dernier choix, et la lecture cursive consacrée à Mme Dufour. Cette attention particulière est orchestrée
Thomas Hardy, on montrera que l’engouement pour la par le narrateur, qui donne d’abord la raison de cette
nouvelle gagne l’ensemble des littératures européennes partie de campagne (la fête de Mme Dufour, l. 2), pré-
à partir du XIXe siècle. cise le prénom de la fêtée (Pétronille, l. 2-3), mentionne
sa « robe de soie cerise extraordinaire » (l. 10), puis son
attendrissement face au paysage (l. 17).

109
CHAPITRE 7 • Andrée Chedid, « Les métamorphoses de Batine »
Texte complémentaire 10 l’auteure, qui exploite de nombreuses possibilités de la
nouvelle.
Fr. Kafka, L’ancrage à Paris ou au Caire, lié à la biographie d’Andrée
« La métamorphose » p. 208 Chedid, est un point commun important.
On pourra faire émerger les cohérences thématiques :
l’amour sous toutes ses formes, la vieillesse, la mort.
▶ Activités p. 208
2. Critères de réussite de la couverture
1. a. Le début in medias res plonge le lecteur dans le récit Première de couverture
au réveil de Gregor Samsa, alors même qu’il découvre sa
• Le choix de l’image est pertinent.
métamorphose. Il n’assiste pas à celle-là, mais à l’horrible • Les mentions attendues sont présentes.
et difficile prise de conscience par le personnage de son • La mise en page est soignée.
nouveau corps d’insecte. Quatrième de couverture
b. Pour cela, Kafka utilise le point de vue interne : le
• Le texte de présentation est pertinent et ne dévoile
récit transmet les sensations et perceptions du person- pas la fin de la nouvelle.
nage. Ce point de vue permet au lecteur de vivre ce réveil • La langue est correcte.
extraordinaire aux côtés du personnage.
2. La nouvelle illustre parfaitement le fantastique : le Étape 2
monde dans lequel évolue le personnage est donné pour 3. a. Les critères valables pour toutes les nouvelles sont :
réel (la chambre de Gregor), mais les événements narrés un récit court, réaliste, contemporain. Les autres critères
paraissent surnaturels. Le lecteur hésite : Grégor est-il ne rendent compte que d’une partie des nouvelles.
en proie à une hallucination ? On retrouve l’hésitation b. Proposition de définition
caractéristique du fantastique. V Todorov, p. 357 Les nouvelles d’Andrée Chedid sont de courts récits de
cinq à quinze pages. De tonalité réaliste, elles évoquent
l’époque contemporaine. Leur action promène le lec-
teur entre Paris et Le Caire. Certaines sont resserrées
Lecture cursive Th. Hardy, autour d’une situation de crise ou présentent une chute
Les Petites Ironies de la vie p. 209 inattendue.
Étape 3
▶ Activités p. 209 4. La nouvelle « Les métamorphoses de Batine » pourrait
La lecture du recueil présente plusieurs intérêts. donner lieu à un roman : on peut imaginer de développer
Tout comme dans le recueil d’Andrée Chedid, le lecteur le passé de Batine (un mariage raté est évoqué ; on pourra
prend plaisir à lire ces nouvelles à chute. également donner l’explication de son mode de vie parti-
De plus, la lecture de ces nouvelles familiarise les élèves culier), son rapport à l’art, sa relation avec Wadiha.
avec le récit classique du XIXe siècle, riche en description, 5. L’unité du recueil est à envisager du côté de la réa-
en analyse psychologique, sans pour autant présenter de lisation de soi : les personnages sont divers, mais tous
difficulté. vont connaître l’aboutissement de leur destin (tragique
Enfin, c’est l’occasion de découvrir un grand conteur de ou heureux) au cours de la nouvelle.
la littérature anglophone. 6. Ce sujet de dissertation permet d’initier les élèves
1. 2. Recherches à la dissertation sur œuvre. Pour cette initiation, nous
3. Écriture proposons de limiter la dissertation à l’illustration de la
Les activités proposées pourront prendre place dans le citation.
carnet personnel de l’élève. Proposition de plan
I. Les nouvelles de Chedid présentent bien
un tournant du destin du personnage.
1. Elles évoquent une situation de crise.
Synthèse p. 210-211 2. Elles racontent souvent la mort du personnage.
3. Elles peuvent aussi évoquer une prise de conscience.
▶ À construire p. 210 II. Les nouvelles de Chedid évoquent bien
un ébranlement insolite du quotidien.
Étape 1 1. Un événement surprenant vient bouleverser la vie
1. Tableau de confrontation des nouvelles du personnage.
V page suivante 2. Le personnage subit un bouleversement intérieur
Du point de vue de l’écriture, on pourra faire remar- insolite.
quer aux élèves la variété des choix narratifs opérés par 3. Certaines nouvelles sont à la limite du fantastique.

110
CHAPITRE 7 • Andrée Chedid, « Les métamorphoses de Batine »
Tableau de confrontation des dix nouvelles V étape 1.1., page précédente

Titre Temps Temps de Construction


Lieux Personnages Narrateur
de la nouvelle de l’histoire la narration du récit
« L’artiste » la banlieue • Albert trois crises 5 pages passage de récit chronologique
parisienne (et Germaine, évoquées sur la 1re à la de trois crises du
sa femme) trois ans 3e personne personnage, chute
« L’enfant Paris • Omar-Paul plusieurs mois, 11 pages 3e personne récit chronologique
des manèges » • Maxime Balin une crise dans à chute
• Madeleine le destin des
deux personnages
« Mort une ville en • M. quinze min., 7 pages 3e personne récit chronologique
au ralenti » guerre • le jeune homme une situation de
• un couple âgé crise
« L’homme- Paris • le narrateur plusieurs années 7 pages passage de récit chronologique
tronc et son • l’homme-tronc la 1re à la
voyageur » 3e personne
« Mon père, Le Caire • la narratrice plusieurs années 7 pages 1re personne récit chronologique
mon enfant » • son père
« Le Grand une ville • Om Khalil quelques jours, 9 pages 3e personne récit chronologique
Boulevard » (orientale ?) • Saïd une situation de
• Yassine crise
« Face aux Paris • la narratrice quelques mois 5 pages 1re personne récit chronologique
violettes » • Juanita
« L’enfant l’Égypte • Sam quelques années 5 pages 3e personne récit chronologique
refusé » • Magda à chute
« Les corps – • elle – 6 pages 3e personne récit itératif
et le temps » • son fils
« Les Le Caire • Batine deux jours, 15 pages 3e personne récit chronologique
métamorphoses • Wadiha une situation de à chute
de Batine » • Steve Farrell crise

111
CHAPITRE 7 • Andrée Chedid, « Les métamorphoses de Batine »
8
CHAPITRE

Patrick Modiano, Dora Bruder (1997)


Le roman et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu Quatre extraits de Dora Bruder
à une analyse détaillée • Lecture 1 : L’enquête débute, p. 216-217
• Lecture 2 : Deux enquêtes mêlées, p. 218-219
• Lecture 3 : La fin de l’enquête, p. 220-221
• Atelier : Le Paris de Dora, p. 222-223
Lectures complémentaires • Lecture d’une interview, p. 214 ; d’un article, p. 215
• Textes échos tirés d’œuvres de Modiano, p. 214, 217
Groupement de textes complémentaires • Histoire et récit
• Hélène Berr, Journal, p. 226
• Charlotte Delbo, Aucun de nous ne reviendra, p. 227
• Robert Antelme, L’Espèce humaine (texte et Préface), p. 228-229
• Primo Levi, Si c’est un homme, p. 230
Moments de grammaire • Pronoms personnels, p. 219
• Temps verbaux, p. 221, 223
Écrits d’appropriation • Écrire à partir d’une photographie, p. 217, 219 ; un article de presse, p. 221 ;
un scénario, p. 222 ; un portrait, p. 225
Écrits vers le bac Commentaire de texte
• Exercice à l’oral, p. 219
• Atelier : commentaire guidé, p. 222-223
Dissertation
• Initiation à la dissertation : compréhension d’une citation-sujet, p. 219
• Dissertation, p. 232
Exercices d’oral • Expliquer l’enjeu de la lecture, p. 217
• Présenter un projet de lecture, p. 219
• Débattre : interprétation de la fin du texte, p. 221 ; cinéma de fiction
ou documentaire, p. 225
• Note d’intention d’un réalisateur, p. 225
Exercices de confrontation • Questions Au fil de la lecture, p. 226
ou de synthèse • Synthèse, p. 232-233
Travaux de recherche • Établir le contexte d’une œuvre, p. 219
• Annette Zelmann, p. 221
• Les initiales N. N., p. 229
• La Résistance, p. 231
Lectures d’images ou de films • Une interview de Modiano, p. 214
• Le discours de Modiano lors de sa réception du prix Nobel, p. 215
• Henri Gayot, L’Appel, p. 229
• Atelier : faire le récit de l’Histoire au cinéma • Louis Malle, Lacombe Lucien,
p. 224-225
• Joseph Kessel, L’Armée des ombres, p. 231
Lectures cursives • Joseph Kessel, L’Armée des ombres, p. 229
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 232-233

112
OBJECTIFS DU CHAPITRE Patrick Modiano
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude Le roman et Dora Bruder p. 214-215
et le récit du XVIIIe siècle au XXIe siècle.
• Il pose la question des rapports de l’Histoire et du ▶ Activités p. 214
récit : comment l’écrivain peut-il faire le récit de l’His- 1. Doc.1 Modiano, né en 1945, fait de la période de l’Oc-
toire ? Comment le travail d’écriture peut-il se mettre cupation le « terreau » de son existence : c’est la période
au service du récit historique ? Sans compter que où ses parents se sont rencontrés, où il a été conçu.
l’Histoire dont il est question dans le chapitre n’est Celle-ci est omniprésente dans son œuvre, si bien qu’il
pas une histoire lointaine et embellie de légendes : reçoit le prix Nobel de littérature en 2014 pour « son art
c’est l’histoire brutale de la Seconde Guerre mondiale de la mémoire avec lequel il a […] dévoilé le monde de
et de la Shoah. l’Occupation ».
• L’œuvre de Modiano permet de poser cette ques-
tion et de voir s’organiser la réponse singulière de ▶ Activités p. 215
l’auteur au fil du texte : le roman est abandonné au 1. Docs 2 et 3 a. Les livres de Modiano présentent tous
profit de l’enquête biographique et autobiographique, une part autobiographique, beaucoup d’entre eux s’appa-
les documents d’archives sont retranscrits de manière rentent à une enquête, et la plupart se passent à Paris.
abrupte, l’enquêteur-narrateur exprime ses doutes C’est ainsi que Modiano affirme qu’il écrit « toujours le
et ses échecs, là où le romancier compléterait les même livre ».
béances de l’Histoire grâce à l’imagination.
b. Dora Bruder occupe malgré tout une place à part, car
• Cette œuvre à l’appartenance générique incertaine ce récit n’est pas un roman.
est en outre caractéristique de la production littéraire
moderne et contemporaine. À l’« ère du soupçon »
répond ici l’abandon du romanesque, l’intrication du
biographique et de l’autofiction. Lecture 1
L’enquête débute p. 216-217

La première lecture propose d’analyser un des seuils


du récit : qu’attend-on du début d’un récit ? Comment
Modiano se plie-t-il à cet exercice ? En quoi cette pre-
Ouverture p. 212-213 mière page est-elle programmatique du livre à venir ?

▶ Activités p. 213 ▶ Activités p. 217

1. Dora Bruder évoque la période de l’Occupation : l’an- Découverte du texte


nonce de Paris-Soir est datée du 31 décembre 1941 ; la 1. Cette question vise à rassembler les représentations
photographie d’André Zucca montre en premier plan des élèves.
des panneaux de signalisation écrits en allemand et en On attend des premières pages d’un roman :
français. – la découverte du cadre spatio-temporel ;
2. L’extrait de l’entretien raconte la genèse du roman : la – la présentation des personnages ;
découverte par Modiano de la petite annonce signalant – la découverte des caractéristiques narratives et stylis-
la disparition de Dora. tiques du texte ;
3. L’extrait de l’entretien évoque un « pressentiment » – la création d’un horizon d’attente.
(l. 12), celui de la tragédie qui se dessine derrière cette 2. Cette première page associe :
annonce et qui est confirmé par des recherches au – des éléments traditionnels (c’est le début de l’enquête,
Mémorial de la Shoah : Dora et sa famille ont disparu en justifiée par la découverte de l’annonce) ;
déportation. Modiano cite alors Serge Klarsfeld, qui sera – et des éléments plus déroutants (le personnage de
très actif dans les recherches de documents d’archives Dora est évacué très rapidement de l’incipit, alors que le
liés à Dora et à la famille Bruder. titre du livre en fait l’héroïne).
4. Ces éléments permettent de dégager un horizon de Analyse du texte
lecture : le livre est ancré dans la réalité historique de la 3. Dora Bruder n’apparaît que dans les quelques lignes
Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement dans de l’annonce. Cependant, cette annonce permet une pré-
celle de la déportation et du génocide des Juifs. On peut sentation du personnage : état civil, lieu de résidence,
alors imaginer que ce pourrait être une biographie ou un portrait physique.
roman historique.

113
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
4. Le reste du texte est consacré aux souvenirs personnels Expression écrite
du narrateur, ce qui peut paraître incongru au lecteur. 7. Critères de réussite du récit
5. a. Le narrateur évoque différentes époques de son
• Le texte évoque différentes époques du passé (scènes
passé. Les dates et le découpage du texte en paragraphes ou évocation d’habitudes) en différents paragraphes.
permettent de les identifier. • Le texte emploie les temps du discours (présent, passé
• Dans le premier paragraphe, « Il y a huit ans » (l. 1) composé, imparfait).
renvoie au moment de la découverte de l’annonce, en • Un élément lie les différentes époques.
1988, soit huit ans avant l’écriture du livre (doc. 2, p. 212). • La langue est correcte, le vocabulaire riche et varié.
• L’enfance est évoquée dans les troisième et quatrième • La copie est lisible et bien mise en page.
paragraphes : « Dans mon enfance » (l. 13).
• Le cinquième paragraphe évoque « mai 1958 » (l. 31) Expression orale
et les « événements d’Algérie » (l. 32). Le narrateur est 8. Critères de réussite de l’explication
alors un adolescent de treize ans.
• La synthèse de l’analyse du texte est bien réalisée :
• La fin du texte, à partir du sixième paragraphe, évoque l’incipit est déroutant car il laisse très peu de place
Modiano, jeune adulte, en 1965 (« l’hiver 1965 », l. 33, et à Dora et évoque différents souvenirs du narrateur.
« janvier 1965 », l. 40). Ce narrateur semble tisser des liens entre Dora
Remarque. Ce texte est un support intéressant pour et des événements de sa propre existence.
faire analyser les temps verbaux : le récit rétrospectif est • L’horizon d’attente est pertinent après l’analyse de
réalisé aux temps du discours (alternance présent/passé l’incipit : on attend une enquête qui mêlera les récits
composé/imparfait de l’indicatif ). Ce système est très de la vie de Dora et ceux de l’expérience du narrateur.
courant dans la littérature contemporaine.
b. Le mot qui fait le lien entre toutes les époques, mais ▶ Texte écho p. 217
aussi avec Dora, est « Ornano » (l. 11, 12, 30, 34, 41). C’est
La première version, romanesque, de l’histoire
ici le nom d’un boulevard parisien.
• Modiano reprend l’annonce avec quelques modifica-
c. Le mot « Ornano », présent d’abord dans l’annonce,
tions : le nom, la couleur des vêtements, l’âge de la jeune
fait surgir des souvenirs appartenant à différentes
fille, le numéro de l’adresse. Un narrateur à la première
époques de la vie du narrateur. Le processus psychique
personne mène le récit. La question de l’enquête ou de
est celui de la mémoire affective : une sensation (ici
la recherche est présente.
auditive ou visuelle) fait ressurgir des images du passé.
Ces différents moments ont un autre point commun : • Cependant, c’est la jeune fille elle-même qui confie
l’idée de disparition ou d’absence d’une femme (Dora, la l’annonce au narrateur. Elle n’a donc pas péri dans les
mère du narrateur, puis son amie). Ils évoquent aussi des camps de concentration nazis.
moments tragiques de l’Histoire : l’Occupation, puis la
guerre d’Algérie. Ce sont ces différents échos qui tissent
la trame du texte.
d. C’est l’inscription dans un lieu (le quartier du boule- Lecture 2 Deux enquêtes
vard d’Ornano dans le 18e arrondissement de Paris) et
une époque (l’Occupation, période où disparaît Dora et
mêlées p. 218-219
période qui hante Modiano) qui lient d’abord Dora et le
Cette deuxième lecture permet d’étudier le travail de
narrateur. La dernière phrase du texte, mystérieuse, place
Modiano tissant la biographie de Dora Bruder et sa
aussi le texte sous le signe de la disparition.
propre expérience. En quoi ce passage éclaire-t-il la fonc-
6. L’évocation du photographe est étonnante. Le narra- tion du jeu de miroirs entre Dora et l’auteur ? Comment
teur, tel un narrateur omniscient de roman, paraît bien le Modiano remplit-il les zones d’ombre de son enquête ?
connaître : outre son portrait physique, Modiano connaît
son histoire. La photographie est centrale dans l’œuvre
de Modiano, et cette importance peut permettre de
▶ Activités p. 219

comprendre la place du photographe ici : c’est le photo- Découverte du texte


graphe qui fixe le souvenir sur la pellicule. Les photogra- 1. Il se dégage du texte une atmosphère triste, froide,
phies sont alors des traces du passé. Ce photographe est oppressante.
de plus installé devant la caserne de Clignancourt. Cette
2. Dora et Modiano ont fait tous les deux une fugue à
situation peut se lire comme une annonce programma-
l’âge de quinze ans.
tique de l’internement de Dora à la caserne des Tou-
relles, sur laquelle se trouve l’inscription « Zone militaire Analyse du texte
Défense de filmer ou de photographier ». 3. a. – Paris occupé devient une prison. (l. 1-4)
V Commentaire guidé, p. 222 – Les lois antijuives se renforcent. (l. 5-11)

114
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
– Le narrateur compare les conditions de sa propre fugue Expression orale
à celle de Dora et établit des points communs : la sensa- 8. Proposition de projet de lecture
tion d’enfermement, l’hiver, la solitude. (l. 12-21) Problématique
– Le couvre-feu est levé dans Paris le 14 décembre 1941. Comment ce passage permet-il de comprendre le travail
(l. 22-30) de Modiano dans Dora Bruder ?
b. Langue Dans la première partie du texte (para- Plan
graphes 1 et 2), les pronoms personnels désignent, d’une I. La part de l’Histoire et des recherches biographiques
part, Dora et son père (« l’ », « elle », « la », « il »), d’autre II. Le jeu de miroirs
part, le narrateur (« je »). La deuxième partie du texte 9. La lecture de cette citation permet de dégager cer-
(paragraphe 3) débute sur un « nous » (l. 12) généralisant taines caractéristiques du style de Modiano :
(le narrateur, Dora et les autres adolescents fugueurs) et – la construction du texte par « échos » : dans la Lec-
se termine avec l’emploi du « vous » (l. 20), qui associe le ture 1, le texte tisse sa cohérence par la reprise du nom
lecteur. Dans le dernier paragraphe, « on » est indéfini et « Ornano » ; dans la Lecture 2, les motifs de l’enferme-
désigne l’ensemble des Parisiens. ment et de l’obscurité parcourent le passage ;
4. Les éléments biographiques – la part de « silence » : il appartient au lecteur de com-
– l’adresse du pensionnat de Dora (l. 3) ; pléter ce que le texte comprend d’implicite, d’éclairer les
– la mention de l’hôtel des parents ; « zones de pénombre » ; dans la Lecture 2, qui cherche
– la non-déclaration de Dora à la Préfecture de police. les motifs de la fugue de Dora, l’auteur suggère d’une
Les éléments historiques part le rapprochement avec sa propre expérience de la
– les lois antijuives : référence à l’ordonnance relative fugue, d’autre part, il évoque la fin du couvre-feu, sans
au contrôle des Juifs, accompagnée d’une citation de exprimer clairement qu’il pourrait être l’élément déclen-
celle-ci : « les changements survenus dans la situation cheur de la fugue. À partir de ces éléments suggérés, le
familiale devront être signalés » (l. 7-8) ; lecteur construit son propre récit de la fugue de Dora ;
– la levée du couvre-feu imposé aux Parisiens, le – la revendication d’un style simple, qui ne soit pas
14 décembre 1941 (l. 21) ; « virtuose » ni « oratoire » : Dora Bruder est écrit dans
– la mention des conditions météorologiques de l’hiver un style simple. Le vocabulaire est courant, la syntaxe
1941 (l. 16) ; assez simple. Modiano utilise peu de figures de style.
– l’heure allemande (l. 28-29). Le travail de l’écrivain est pourtant là, mais il n’est pas
5. Le narrateur utilise des procédés de modalisation ostentatoire ni ne relève de l’ornement. Ainsi la phrase
pour exprimer ses doutes : « Mais il semble que ce qui vous pousse brusquement à
– « Je doute que », associé au subjonctif (l. 8) ; la fugue, ce soit un jour de froid et de grisaille qui vous
– l’emploi modal du verbe « devoir » : « Il devait penser » rend encore plus vive la solitude et vous fait sentir encore
(l. 10) ; plus fort qu’un étau se resserre. » (Lecture 2, l. 17 à 21)
– l’emploi du conditionnel : « soupçonnerait » (l. 10). présente une construction complexe qui lui donne son
amplitude, utilise la métaphore pour évoquer le senti-
6. Modiano propose d’expliquer la fugue de Dora à
ment d’enfermement douloureux, joue sur les sonorités
l’aune de sa propre expérience (l. 12-21) : c’est d’abord
avec ses voyelles sourdes et l’alternance de consonnes
la sensation de solitude et d’enfermement, puis la sai-
dures et de sifflantes qui expriment la souffrance.
son hivernale. Ensuite il propose la levée du couvre-feu
comme élément déclencheur de la fugue (l. 22-30). Expression écrite
7. Le thème de l’enfermement parcourt le passage : 10. Critères de réussite de la description
Dans le premier paragraphe, les personnages sont dou-
• Le texte produit décrit bien la photographie
blement enfermés. D’abord dans Paris occupé : « la ville du paysage (et non simplement le paysage) : le texte
devenait une prison obscure » (l. 1-2) ; ensuite, pour est uniquement descriptif et emploie le vocabulaire
Dora, « derrière les hauts murs » de son pensionnat (l. 3) de la photographie et de l’observation.
et, pour ses parents, dans leur chambre d’hôtel où ils • La description exploite les éléments de
sont « confinés » (l. 4). Cet enfermement est repris par la photographie et de sa légende ; elle suit
la métaphore « vous fait sentir encore plus fort qu’un une progression (en s’appuyant par exemple sur
étau se resserre » (l. 20-21). Le couvre-feu et l’obscurité les différents plans).
(« la nuit tombait dans l’après-midi », l. 29-30) renforcent • La langue est correcte (syntaxe et orthographe),
cette sensation. On peut ajouter les lois antijuives qui le vocabulaire juste et varié.
enferment les personnages dans une identité qui les
rend vulnérables aux persécutions.

115
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
▶ Recherche p. 219 Lecture 3
Établir le contexte La fin de l’enquête p. 220-221
Le contexte historique
Cette dernière lecture propose naturellement la page
• Les lois antijuives finale de l’ouvrage. Quel bilan Modiano tire-t-il de son
– Le 27 septembre 1940 , l’Allemagne nazie ordonne enquête ?
un recensement des Juifs dans la zone occupée. C’est
l’origine du « Fichier des Juifs » de la Préfecture de ▶ Activités p. 221
police. Au terme de ce recensement qui dure jusqu’au
19 octobre 1941, les Juifs reçoivent une nouvelle carte Découverte du texte
d’identité où la mention « juif » est inscrite en lettres 1. On apprend que Dora et ses parents ont été déportés
rouges. et ont disparu à Auschwitz.
– Le 3 octobre 1940 , le gouvernement de Vichy fait
paraître au Journal officiel un texte qui instaure un 2. • La déportation de Dora et de son père (l. 1-11)
« statut des juifs » : définition d’une « race juive », • La déportation de Cécile Bruder (l. 12 à 20)
interdiction aux Juifs d’exercer certaines fonctions • Les traces de Dora dans Paris (l. 21-31)
(fonction publique, métiers artistiques). • La conclusion de la quête de Modiano (l. 32-37)
– À partir du 4 octobre 1940 , les préfets peuvent
interner « les étrangers de race juive ». Analyse du texte
– L’ordonnance du 24 octobre 1940 impose le 3. a. Les deux premières parties du texte (l. 1-20) sont
recensement des entreprises juives. Les entreprises essentiellement constituées d’informations historiques :
juives doivent apposer un panneau « Judisches lieux de détention, convois de déportation, rafles.
Geschäft » (« Entreprise juive »). Cette ordonnance est
b. Recherches La rafle du Vél’d’Hiv (vélodrome d’Hiver),
suivie en avril 1941 par l’interdiction aux Juifs d’avoir
une activité commerciale. les 16 et 17 juillet 1942, voit l’arrestation en vue de leur
– Le 29 mars 1941 est créé le Commissariat général déportation de plus de 13 000 personnes (dont un tiers
aux questions juives qui encadre la politique antijuive. d’enfants) par la police française de Vichy. Elle concerne
– Le 29 mai 1942, une ordonnance allemande les Juifs étrangers ou apatrides. Seule une centaine de
impose aux Juifs le port de l’étoile jaune. V Texte personnes sur l’ensemble des « raflés » ont survécu.
complémentaire, p. 226 4. Modiano suppose d’abord que Dora a refusé de quit-
• L’hiver 1941 ter Drancy pour rester avec son père. L’emploi du verbe
L’hiver 1941 est un hiver exceptionnellement froid. De « deviner » (l. 9) signale qu’il s’agit d’une hypothèse du
mi-décembre à mi-janvier les températures négatives narrateur. Une phrase interrogative montre qu’il espère
sont historiquement basses et la neige abondante. ensuite que Cécile Bruder a pu voir une dernière fois sa
fille (l. 17-18).
• Le couvre-feu
Durant l’Occupation, un couvre-feu était imposé de 5. Langue • Des lignes 1 à 25, le récit est écrit au système
22 heures à 6 heures du matin. Cependant, en réaction du passé : le temps de référence est le passé simple (asso-
à des actes de résistance, considérés par les Allemands cié à l’imparfait, au plus-que-parfait et au conditionnel
comme des attentats terroristes, le couvre-feu pouvait exprimant le futur dans le passé). C’est le récit rétrospec-
être avancé à 18 heures. tif d’un passé révolu.
• La fin du texte est au système du présent : le temps de
• L’heure allemande
base est le présent d’énonciation évoquant le moment
Après leur victoire en 1940, les Allemands imposent leur
de l’écriture. Il est associé au passé composé et au futur
heure dans la zone occupée : l’heure est donc avancée
simple. C’est le discours du narrateur.
d’une heure par rapport à l’heure d’été française, ce qui
explique que la nuit tombe très tôt (l. 29-30). 6. Les traces de Dora dans le paysage urbain sont le
vide et le silence : « aussi désert et silencieux que ce
Le contexte biographique jour-là » (l. 26-27). La dernière phrase du paragraphe
• Modiano fait une fugue au même âge (15 ans) que précédent explique cette sensation du narrateur (« La
Dora, à la même saison (le milieu de l’hiver). Il fuit aussi ville était déserte, comme pour marquer l’absence de
un pensionnat, celui de Jouy-en-Josas où il est collégien. Dora »). Cette perception est paradoxale, puisque la ville
est active : « même le soir, à l’heure des embouteillages,
quand les gens se pressent vers les bouches de métro »
(l. 28-29). De même, la gare du Nord, par association
d’idées, renvoie le narrateur à la déportation de Dora
(l. 29-31).

116
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
7. L’enquête se termine sur un échec, puisque le narra-
teur ne parvient pas à élucider les circonstances de la
Atelier Commentaire guidé –
fugue de Dora. Cet échec est signifié par le verbe qui Le Paris de Dora p. 222-223
débute le paragraphe final : « J’ignorerai toujours » (l. 32).
8. a. La dernière phrase est une phrase non-verbale ▶ Activités p. 223
complexe. Elle reprend le mot « secret ». Ce mot est Étape 1
précisé par les adjectifs « pauvre » et « précieux », qui
1. a. b. Le trajet débute « rue de la Gare-de-Reuilly » à
constituent une caractérisation oxymorique du secret de
Paris, rue proche du pensionnat du Saint-Cœur-de-Marie,
Dora : ce secret est insignifiant au regard de l’Histoire et
situé au « 60 et 62 rue de Picpus » V Lecture 2, l. 1, 3. Les
pourtant il est précieux car, inaliénable, il représente une
lieux évoqués dessinent un trajet entre le 12e arrondis-
sorte de résistance à la volonté nazie de contrôler et de
sement de Paris, où se situe le pensionnat de Dora, et le
faire disparaître entièrement des êtres.
20e arrondissement où est située la caserne des Tourelles
b. Les forces qui se sont opposées à Dora sont évoquées dans laquelle elle fut internée avant d’être transférée à
dans une énumération qui propose une gradation : « les Drancy : « métro à Nation » (l. 5), « station Picpus » (l. 9),
bourreaux, les ordonnances, les autorités dites d’occupa- « avenue de Saint-Mandé » (l. 7, 10), « rue des Archives.
tion, le Dépôt, les casernes, les camps, l’Histoire, le temps Rue de Bretagne. Rue des Filles-du-Calvaires » (l. 13),
– tout ce qui vous souille et vous détruit » (l. 35-37). Les « rue Oberkampf » (l. 14), « rue des Pyrénées. Rue Ménil-
premiers termes évoquent l’époque sombre de l’Occupa- montant » (l. 15), « rue Saint-Fargeau » (l. 16), « boule-
tion et de la déportation. Les deux derniers termes sont vard Mortier » (l. 12, 18).
plus généraux et dépassent le cadre de l’époque pour
2. Tableau de caractérisation
envisager la condition même de l’homme avec un accent
baudelairien dans l’apposition « tout ce qui vous souille Qui ? Patrick Modiano.
et vous détruit ». Quand ? En 1996, il retrace les années 1941
Expression orale et 1942, années d’occupation, à Paris.
9. Débat L’objectif de l’activité est de s’approprier l’ana- Quoi ? Une enquête sur la disparition d’une
lyse du dernier paragraphe et d’établir un échange sur jeune fille juive, Dora Bruder.
l’enjeu de l’œuvre à la lumière de cette dernière page. Comment ? Un texte biographique mêlant pièces
On pourra demander aux élèves de trouver trois argu- d’archives et récit de l’enquête.
ments illustrés par des références au texte pour alimen- Pourquoi ? Ne pas laisser s’effacer la trace des vies
ter le débat. prises par les nazis.
Expression écrite
Étape 2
10. Recherches On trouve, sur Internet, plusieurs docu-
ments retraçant le destin tragique d’Annette Zelmann, 3. Langue Le récit rétrospectif est mené aux temps
ainsi que des photographies. du discours. L’étude de ces temps permet de mettre en
On mettra en garde les élèves : le copié-collé constitue lumière deux époques du récit :
un plagiat. D’autre part, il leur faudra évaluer le sérieux – le présent du narrateur commentant son récit (« me
des sources, confronter les documents (ils ne donnent semble-t-il », l. 10) ou évoquant sa promenade du 28 avril
pas tous la même version de la mort de Jean Jausion, par 1996 grâce à une alternance de passé composé (« J’ai
exemple). eu », l. 1 ; « J’ai marché », l. 4…) et d’imparfait (« Je la
On pourra demander aux élèves de travailler la mise en voyais », l. 2 ; « J’étais », l. 5) ;
page de leur article en tenant compte des codes jour- – la recréation des actions de Dora au plus-que-parfait
nalistiques : création d’un chapeau, d’un sous-titre, d’un (« s’était éloignée », l. 1), à l’imparfait (« retardait », « se
encadré, d’images… La plupart des traitements de texte promenait », l. 6) et au conditionnel présent à valeur de
proposent des maquettes à adapter qui permettent de futur dans le passé (« franchirait », « traverserait », l. 6).
structurer la page en colonnes. Enfin, on relève le présent de vérité générale, qui évoque
la permanence des lieux (« est », « descend », l. 12).
4. Les verbes indiquant le déplacement sont nombreux
dans le texte, qu’il s’agisse d’exprimer la promenade du
narrateur ou les déplacements de Dora : « s’était éloi-
gnée » (l. 1), « en suivant » (l. 1-2), « longeant » (l. 2),
« ai marché » (l. 4), « rentrer », « descendaient » (l. 5),
« franchiraient », « traverserait », « se promenait » (l. 6),
« passe » (l. 8), « sortait » (l. 9), « rejoindre » (l. 12), « ai
suivi » (l. 13), « traverser » (17), « ai longé » (l. 22).

117
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
De même, de nombreux lieux parisiens sont évoqués Dora : « Et pourtant, sous cette couche épaisse d’amné-
V étape 1, activité 1, ainsi que des indicateurs spatiaux : sie, on sentait bien quelque chose, de temps en temps, un
« À droite » (l. 9, 15), « vers le sud » (l. 12), « dans le écho lointain, étouffé, mais on aurait été incapable de dire
quartier » (l. 4, 7), « devant la bouche de métro » (l. 8), quoi, précisément » (l. 29-30). La structure hachée, morce-
« le long de la rue » (l. 15), « Dans la dernière partie de lée, de la phrase souligne la difficulté de percevoir cette
la rue » (l. 16), « juste avant la porte des Lilas » (l. 18), présence, qui est évoquée de manière vague : « quelque
« Derrière le mur » (l. 26)… chose […] écho lointain, étouffé […] quoi ».
5. L’atmosphère qui se dégage est négative. Elle évoque Cette idée est reprise par la comparaison : « C’était
l’absence et la désolation. comme de se trouver au bord d’un champ magnétique,
sans pendule pour en capter les ondes. » (l. 30-31)
Boulevard « plus froid et plus désolé que
de Picpus l’avenue de Saint-Mandé », « pas 8. La mention du panneau apparaît deux fois dans le
d’arbres » (l. 10), « la solitude » (l. 11) texte, ce qui lui donne une importance particulière. Cette
importance est redoublée par le choix typographique :
Rue de « Les blocs d’immeubles du 140
Ménilmontant étaient déserts » (l. 16) dans sa première occurrence, la citation est rapportée en
majuscules (reproduisant la typographie de la plaque),
Rue Saint- « un village abandonné » (l. 17)
sur trois lignes, isolée du récit. Elle proscrit la photogra-
Fargeau
phie, le film, c’est-à-dire toute trace de ce qui s’est passé
Boulevard « désert » (l. 20), « perdu dans un dans les murs de la caserne, lieu où étaient internées
Mortier silence si profond que j’entendais le des jeunes femmes pendant la période de l’Occupation.
bruissement des platanes » (l. 20-21)
Cette plaque rappelle la volonté de faire disparaître, d’ef-
Caserne des « un no man’s land, une zone de vide facer certains êtres, ainsi que l’avait programmé la poli-
Tourelles et d’oubli » (l. 26-27) tique d’extermination nazie.
Cette description évoque la tristesse et la solitude. Elle Étape 3
fait écho aux sentiments du narrateur et à ceux qu’il Proposition de plan
prête à Dora pour expliquer sa fugue V Lecture 2. I. Une promenade dans le Paris de Dora Bruder
6. Le narrateur évoque la manière dont il recrée en pen- 1. Une promenade parisienne à l’itinéraire lourd de sens
sée le trajet de Dora : 2. Un paysage empreint de solitude
« J’ai eu la certitude, brusquement » (l. 1), « Je la voyais » II. Pour comprendre et lutter contre l’oubli
(l. 2), « j’ai senti peser la tristesse » (l. 4), « J’étais sûr » 1. Le narrateur voyant, recomposant le passé
(l. 5), « Je me suis dit » (l. 26). Marcher sur les pas de Dora, 2. L’absence et l’oubli
dans le même environnement, lui permet de s’identifier
à elle et d’imaginer ce qu’elle a fait ou ressenti, ce qui Étape 4
l’a poussée à fuguer. Cette reconstitution a pour départ Proposition d’introduction
une association de mots : « Peut-être parce que le mot C’est une petite annonce parue dans Paris-Soir en
“gare” évoque la fugue » (l. 2-3). Mais ce ne sont que des décembre 1941, et retrouvée par hasard par Modiano,
hypothèses et le narrateur est souvent en proie au doute. qui conduit le romancier à enquêter sur la disparition
Il emploie des modalisateurs (« me semble-t-il » [l. 10], de Dora Bruder et à consigner son enquête dans un livre
« j’avais l’impression » [l. 17]) ou la tournure interroga- paru en 1996. Plus que la biographie de Dora, dont il
tive (« Peut-être sortait-elle parfois de cette bouche de peine à retrouver la trace, l’auteur de ce récit raconte son
métro ? » [l. 9]). enquête à travers le Paris de Dora. Ainsi, dans cet extrait,
7. Le passage est traversé par le thème de l’oubli : « J’ai le narrateur refait-il, en avril 1997, le trajet emprunté
oublié » (l. 8), « plus personne ne se souvenait de rien » par la jeune fille cinquante-cinq ans auparavant, espé-
(l. 26), « zone de vide et d’oubli » (l. 27), « couche épaisse rant percevoir les traces de Dora dans les lieux traver-
d’amnésie » (l. 29). Ce thème fait écho à la sensation de sés. Nous nous demanderons alors comment Modiano
vide et d’absence ressentie lors de la promenade ($ ques- tente de recréer un passé qui lui échappe. Nous mon-
tion 5), comme si les traces de Dora avaient complètement trerons d’abord que le passage évoque une promenade
disparu. Cette sensation est décuplée lorsque le narra- dans le Paris de Dora Bruder, puis nous analyserons en
teur évoque la caserne des Tourelles, lieu d’internement quoi cette promenade permet à Modiano de comprendre
de Dora avant Drancy et la déportation. Ce constat est Dora et de lutter contre l’oubli.
marqué par la phrase construite sur une opposition : « Les Proposition de conclusion
vieux bâtiments des Tourelles n’avaient pas été détruits Modiano, dans cet extrait, nous a donc conduits sur les
comme le pensionnat de la rue de Picpus, mais cela reve- traces de Dora à travers le Paris qu’elle avait traversé en
nait au même » (l. 27-28). À la destruction matérielle de 1941. Il s’agissait pour lui de retrouver les traces de Dora,
l’un fait écho la destruction des souvenirs dans l’autre. tel un voyant, dans les lieux qu’elle avait pu fréquenter.
Cependant, le narrateur y ressent peut-être la présence de Mais ces lieux sont marqués par l’oubli et ne laissent rien

118
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
deviner de la fugue de Dora, fugue que Modiano recom- Étape 2
pose en imagination. C’est ainsi le travail du romancier 2. Expression orale
qui rappelle le souvenir de Dora que le temps et l’His- L’intérêt est que l’élève puisse s’interroger sur la manière
toire ont effacé. Comme la promenade inaugurée par dont il veut représenter un pan de la collaboration, de
Modiano en juin 2015, ce livre inscrit Dora dans la géo- l’Histoire : quel est mon message ? Qu’est-ce que je veux
graphie parisienne et en assure le souvenir. montrer ? Comment je procède ?
L’activité se décompose en deux temps :
– un temps de réflexion à l’écrit (au brouillon) ;
Atelier Faire le récit de – un temps de restitution orale à l’aide d’un support audio
ou vidéo. L’exercice de restitution orale peut être une vidéo
l’Histoire au cinéma – L. Malle, de l’élève en train de formuler ses choix de réalisation.
Lacombe Lucien p. 224-225 Le temps de réflexion/de l’écriture
Il peut permettre à l’élève de choisir une séquence
▶ Activités p. 225 importante pour la compréhension et l’intrigue (action
ou personnage) et/ou une séquence ambitieuse sur le
Pour commencer
plan cinématographique. L’élève peut alors relever les
Docs 2 à 6 L’élève doit repérer les différentes étapes du différentes tenues et donner du sens à ces différences,
récit et constater l’évolution du personnage principal. qu’elles témoignent d’une évolution du personnage ou
– La découverte du lieu d’exercice de la collaboration non. Même chose pour les différents modes de déplace-
– La puissance par l’arme ment du personnage. Le réalisateur en herbe peut aussi
– La scène de combat contre la Résistance se demander où placer les objets de l’histoire.
– La famille et les menaces
Exemples
– L’amour pour la jeune fille
• La séquence de découverte de la maison des collabos
Étape 1 Une séquence riche en tension, avec une variété de
1. Expression écrite points de vue et une échelle de plans variable. Il faudra
Même si les élèves ont vu le film, ils peuvent tenir compte alors faire repérer les procédés majeurs de la séquence.
des différents documents présentés dans le manuel pour • La séquence de la traque des résistants
observer les attitudes, les tenues de Lucien et son rap- Le travail sonore, l’utilisation de plans d’ensemble, de
port à l’autre. plans poitrine, la notion de hors champ et du montage
Il convient également d’attirer leur attention sur la alterné.
séquence d’ouverture du film V Texte 6, p. 224 qui pré- L’élève peut également repérer la manière dont le per-
sente en quelques minutes un personnage complexe, sonnage principal est progressivement filmé :
paradoxal : attentif aux détails, soucieux de bien faire, et – au QG de la collaboration ;
violent. – chez le tailleur (en outre, quelle lumière caractérise ce
Le portrait doit mettre l’accent sur l’évolution du person- lieu, cet intérieur ?).
nage principal, les contradictions qui le caractérisent, sa
Critères de réussite de la note d’intention
sensibilité, son évolution dans l’espace (de la campagne
à la ville, activités extérieures/intérieures), sa fascination Compétences artistiques et culturelles
pour les armes. L’élève peut également s’interroger sur • Situer son travail de réalisation par rapport à des
l’innocence/la méchanceté du personnage, ainsi que sur œuvres, auteurs, courants cinématographiques ou
vidéographiques.
son rapport à l’honneur, à la trahison.
• Avoir une approche réflexive sur la représentation du
L’élève doit alterner exemples de plans/de scènes
réel et la question du point de vue.
extrait(e)s du film et interprétations. • Présenter les œuvres, auteurs et courants étudiés
Critères de réussite du portrait rédigé pendant l’année.
• Exposer une démarche active de spectateur.
• Description physique (selon les temps majeurs du film).
• Faire preuve d’ouverture culturelle à d’autres arts.
• Exemples de contradiction dans les actions.
• Exemples de contradiction morale. Compétences techniques et méthodologiques
• Le rapport à la violence est traité. • Mener à son terme un projet individuel et collectif.
• Le rapport entre les déplacements et la progression • Prendre en compte la question posée.
de l’intrigue est traité. • Utiliser le vocabulaire d’analyse cinématographique.
• Le rapport du personnage aux autres est traité. • Exprimer et défendre ses choix d’écriture, de tournage
• Exemples cinématographiques (images, son, rythme) et de montage.
signifiants. • Développer une démarche d’analyse critique.
• Arguments et exemples variés.
• Emploi de connecteurs.

119
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
La proposition audio ou vidéo • Steven Spielberg, La Liste de Schindler (1994)
• La proposition audio peut être le commentaire de • Claude Berri, Lucie Aubrac (1996)
l’élève-réalisateur avec des apports sonores qui créent • Roman Polanski, Le Pianiste (2002)
l’ambiance de la future réalisation. • Paul Verhoeven, Black Book (2006)
• Bryan Singer, Walkyrie (2008)
• La proposition vidéo peut :
• Rose Bosch, La Rafle (2009)
– mettre en scène l’élève qui expose son projet et pré-
• Robert Guédiguian, L’Armée du crime (2009)
sente des supports ;
• Quentin Tarentino, Inglorious Basterds (2009)
– être un montage d’extraits de films (ou du film), de
• Edward Zwick, Les Insurgés (2009)
photo-board ou story-board.
• Laszlo Nemes, Le Fils de Saul (2015)
Étape 3 Ce groupe devra démontrer l’importance de l’identifica-
3. Doc. 6 Expression écrite tion au héros/à l’héroïne, du travail du montage et de
Le professeur établira ses propres critères d’évaluation la fréquente musique extradiégétique qui fait naître de
en fonction de ses attentes stylistiques, grammaticales, l’émotion, du rythme qui redonne vie à des situations de
syntaxiques, et du respect du contexte (avoir 20 ans en tension.
juin 1944). Groupe 2 (documentaire)
• Michel Zimbacca, Lionnière terre captive (la vie à la
Mémo pour l’écriture du scénario
ferme pendant la Seconde Guerre mondiale) (1947)
• Respect du découpage séquentiel : Séquence1 1, • Alain Resnais, Nuit et Brouillard (1956)
intérieur, jour, maison-salon. • Jean-Gabriel Périot, Eût-elle été criminelle ? (2006)
– Possibilité d’indiquer des scènes. • Bernard Favre, Cette lumière n’est pas celle du soleil
– Possibilité d’indiquer les mentions « flash-back »,
(2014)
« ellipse », pour éclairer la construction du récit.
• Sabrina Van Tassel, La Cité muette (2015)
• Écriture au présent à la troisième personne. • David Korn-Brzoza et Olivier Wieviorka, Après Hitler
• Description en images et en sons. (2016)
– Pas de psychologie ni d’éléments subjectifs. • Sébastien More, Auschwitz Muzeum (2017)
– Pas d’éléments narratifs (ça fait dix ans qu’il travaille • Michaël Prazan, La Passeuse des Aubrais (2017)
dans cette entreprise…).
• Claude Lanzmann, Les Quatre Sœurs (2018)
– Pas de dialogues continus sans références au décor,
• Christophe Weber, Franck Mazuet, Résistants, colla-
aux actions, gestes, attitudes…
bos : une lutte à mort (2018)
• Dialogues.
Ce groupe devra démontrer l’importance des images d’ar-
– Indication claire du personnage qui parle.
– Possibilité d’indiquer un ton, un accent, etc. entre
chives, la possibilité de revenir sur les lieux historiques, le
parenthèses. crédit accordé aux témoignages, au choix d’une voix off.
– Pas de guillemets ni de verbes introducteurs (dit-il…). Les arguments pourront s’appuyer sur des exemples
– Pas de discours indirect. précis de séquences, de situations extraites des films ou
• Construction dramatique. documentaires.
– Progression de l’intrigue. On valorisera les groupes qui projettent et exploitent des
• Caractérisation des personnages. extraits de films ou de documentaires, ainsi que ceux qui
• Ambiance sonore. détournent les arguments du groupe opposé, afin d’en
– Pas d’indication sur les musiques extradiégétiques montrer les limites (ex. les limites du montage, de la
(ajoutées au montage). musique qui manipulent le spectateur ; le documentaire,
Indications techniques acceptées : qui propose souvent une musique extradiégétique pou-
– voix off ; vant aussi orienter la réception du spectateur).
– certaines indications nécessaires à la compréhension Critères de réussite du débat
du scénario (carton2).
• Capacité à répartir la parole au sein d’un groupe et à
1. unité de temps, de lieu et d’action. s’écouter.
2. insertion d’un plan fixe avec des éléments de narration écrits.
• Capacité à organiser, varier les arguments et exemples.
• Capacité à développer une thèse.
4. Débat Les élèves peuvent s’éloigner de la représenta- • Capacité à exploiter les supports cinématographiques.
tion de la collaboration et élargir à la représentation de • Capacité à être réactif, à démontrer les limites de la
la Seconde Guerre mondiale. thèse adverse.
Propositions de films • Capacité à mettre en valeur la notion de réception.
Groupe 1 (cinéma de fiction)
• Ernst Lubitsch, To Be or Not To Be/Jeux dangereux (1942)
• Jean-Pierre Melville, L’Armée des ombres (1969)
• Louis Malle, Au revoir les enfants (1987)

120
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
Texte complémentaire 7 Texte complémentaire 8
H. Berr, Journal p. 226 Ch. Delbo, Aucun de nous
Ce texte est un journal intime, il n’a pas été écrit pour
ne reviendra p. 227
être publié et a été composé, au départ, par une jeune fille
Aucun de nous ne reviendra est un recueil de textes
dans l’ignorance du destin tragique qui l’attendait. Pour-
autobiographiques en prose poétique évoquant la
tant, à mesure que l’on avance dans la lecture, le journal
déportation à Auschwitz de son auteure. Il fait partie
se fait plus sombre, comme pressentant l’obscurité qui
d’un ensemble plus vaste, Auschwitz et après, dont il est
s’abat sur le monde, et les derniers mots qui précèdent la
le premier tome. Bien qu’écrit en 1946, il ne fut publié
déportation d’Hélène sont « Horror, horror, horror ».
qu’en 1965. Durant l’Occupation, Charlotte Delbo parti-
cipe à un groupe de Résistance. Elle est arrêtée avec son
▶ Activités p. 226
mari. Elle fait partie du seul convoi de femmes dépor-
1. Hélène évoque ses sentiments le premier jour où tées politiques, fichées « Nuit et Brouillard », envoyées
elle doit porter l’étoile jaune : « je ne croyais pas que ce vers Auschwitz le 24 janvier 1943. Parmi ce convoi de
serait si dur » (l. 2), « Mais c’est dur » (l. 5). Elle n’analyse 230 femmes, on compte 49 rescapées. Charlotte Delbo
pas ses sentiments, mais on perçoit la honte et la volonté explique cette proportion importante de survivantes par
de conserver sa dignité dans ses gestes : « J’ai porté la la solidarité organisée entre ces femmes résistantes et
tête haute, et j’ai si bien regardé les gens en face » l’obsession qu’elles ont de survivre pour témoigner.
(l. 3-5) ; puis la tristesse : « Cela a fait jaillir les larmes
à mes yeux, je ne sais pourquoi » (l. 26-27) ; l’angoisse ▶ Activités p. 227
que cela modifie les sentiments de Jean Morawiecki qui
deviendra son fiancé : « Je craignais que toute notre ami- 1. L’univers concentrationnaire apparaît dans toute sa
tié ne fût soudain brisée » (l. 44-45). La réaction de Jean monstruosité dans cette évocation de l’appel. L’appel est
est vive : « j’ai vu qu’il avait été frappé en plein cœur » quotidien et concerne toutes les déportées, qui sont ali-
(l. 42-43), mais ne remet pas en cause leur amitié : « il a gnées par milliers dans la cour centrale du camp, debout
été très gentil » (l. 46-47). Pour ce qui est du reste de la et en silence. À chaque erreur, l’appel recommence. Il
population, Hélène retient qu’elle est montrée du doigt : peut durer des heures, quelles que soient les conditions
« Deux gosses dans la rue nous ont montrées du doigt en météorologiques, et voit les plus faibles s’écrouler, ce qui
disant : “Hein ? T’as vu ? Juif.” » (l. 8-10), « j’ai vu la jeune signifie la mort. S’y oppose la solidarité des déportées
fille me montrer à son compagnon » (l. 16-17). Deux qui se soutiennent pour résister.
femmes, en revanche, lui sourient. Quand on la regarde, 2. Le froid constitue dans cette scène un ennemi supplé-
elle n’arrive pas à analyser cette attitude : « un monsieur mentaire et redoutable. C’est une force agissante : « le
chic me fixait : je ne pouvais pas deviner le sens de ce froid qui souffle » (l. 15), « Le froid nous dévêt » (l. 25) ;
regard » (l. 22-24). Ce journal permet donc au lecteur de un monstre animalisé : « des griffes de froid » (l. 20) ; une
ressentir, au travers du récit d’Hélène, les émotions qui menace : « coupantes de froid » (l. 18). Il pénètre et saisit
assaillent la jeune fille lors de cette épreuve. le corps et les entrailles et se confond avec elles : « un
squelette de froid » (l. 14-15), « Le cœur est rétréci de
▶ Ressources supplémentaires froid » (l. 29-30), « Les poumons claquent dans le vent de
glace » (l. 28-29).
Le Journal d’Hélène Berr, paru en 2008, a été préfacé par
3. La narratrice prend le risque de s’abandonner à la mort :
Modiano. Voici un extrait de cette préface.
elle s’évanouit, ce qui lui fait prendre le risque que les nazis
Il y avait sûrement en 1942 des après-midi où la guerre la sélectionnent pour la tuer. Elle est sauvée par la vigilance
et l’Occupation semblaient lointaines et irréelles dans d’une autre déportée, Viva, qui la somme de se relever.
ces rues. Sauf pour une jeune fille du nom d’Hélène
Berr, qui savait qu’elle était au plus profond du mal- ▶ Ressources supplémentaires
heur et de la barbarie : mais impossible de le dire aux
passants aimables et indifférents. Alors, elle écrivait Un extrait d’une conférence donnée par Charlotte Delbo
un Journal. Avait-elle le pressentiment que très loin à New York en 1972 peut éclairer l’articulation du témoi-
dans l’avenir, on le lirait ? Ou craignait-elle que sa voix gnage et du projet littéraire dans son ouvrage.
soit étouffée comme celle des millions de personnes Transformer en littérature la montée de la bourgeoisie
massacrées sans laisser de traces ? Au seuil de ce livre, du xixe siècle, et voilà Balzac. Transformer en littéra-
il faut se taire maintenant, écouter la voix d’Hélène ture la vanité et la médisance des gens du monde, et
et marcher à ses côtés. Une voix et une présence qui voilà Proust. Transformer en littérature Auschwitz, et
nous accompagneront toute notre vie. voilà pour moi. La littérature n’est pas l’avatar, la méta-
Hélène Berr, Journal © Tallandier (2008, rééd. Points, 2009). morphose ultime d’un événement ou d’un réel. Elle est

121
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
infiniment plus que cela. Elle est réel et transcendance La soumission est exprimée par leur position : la légère
du réel. Elle est art, c’est-à-dire création : elle est sens et plongée place les spectateurs dans la position des gardes.
porteuse de sens. 2. Les initiales « N. N. » signifient Nacht und Nebel
Violaine Gelly et Paul Gradvohl, Charlotte Delbo (« Nuit et Brouillard »). C’est une directive nazie prise en
© Fayard (2013). 1941 qui prévoit que les prisonniers (résistants, opposants
• Une émission de France Inter à propos de Charlotte politiques) disparaissent sans laisser de trace, et qu’au-
Delbo : cune information ne soit donnée sur leur sort. Le chef
V https://www.franceinter.fr/emissions/nous-autres/ des SS, Himmler, l’explique ainsi : « Notre Führer est d’avis
nous-autres-25-janvier-2013 qu’une condamnation au pénitencier ou aux travaux for-
cés à vie envoie un message de faiblesse. La seule force
de dissuasion possible est soit la peine de mort, soit une
mesure qui laissera la famille et le reste de la population
Texte complémentaire 9 dans l’incertitude quant au sort réservé au criminel. La
R. Antelme, L’Espèce humaine déportation vers l’Allemagne remplira cette fonction. »
p. 228-229

▶ Activités p. 229 Texte complémentaire 10


1. Robert Antelme choisit « l’imagination » (texte écho, Pr. Levi, Si c’est un homme p. 230
l. 27), c’est-à-dire qu’il écrit un récit qui s’appuie sur la
recomposition de son expérience pour la donner à voir Primo Levi, avec Si c’est un homme, choisit le récit rétros-
au lecteur. Ce travail d’écriture littéraire est pour lui pectif réaliste et précis pour traduire son expérience des
nécessaire pour pouvoir transmettre l’expérience des camps. L’œuvre est écrite en 1947, mais est, comme celle
camps de concentration. de Charlotte Delbo, publiée plus tard (1959 en Italie).
2. Robert Antelme évoque d’abord la nécessité impé-
rieuse du témoignage et la justifie par une double dif- ▶ Activités p. 230
ficulté : d’une part, le témoignage est rendu impossible 1. La déshumanisation passe d’abord par la généralisa-
par l’émotion qu’il suscite chez le rescapé : « À peine tion. Le monde concentrationnaire est constitué de deux
commencions-nous à raconter, que nous suffoquions » groupes : les bourreaux (« on », « un SS ») et les déportés
(texte écho, l. 16-18) ; d’autre part, le récit qu’ils font est (« nous », « je »). Au sein de ces groupes, l’individu est
tellement inimaginable qu’il en devient incroyable : « À gommé (pas de nom). Les déportés faisant la queue à
nous-mêmes, ce que nous avions à dire commençait l’infirmerie sont individualisés par leur pathologie (« une
alors à nous paraître inimaginable » (texte écho, l. 18-19). grosse hydrocèle », l. 7-8).
3. Les détenus organisent un spectacle où chacun chante Ensuite, on remarque que les déportés sont à la merci
ou déclame un poème. Ce dispositif est expliqué par des bourreaux. La structure syntaxique des phrases du
Gaston dans la première partie du texte. Il permet non premier paragraphe en témoigne : le sujet des verbes est
seulement de lutter contre la déshumanisation : « Ils ont le « on » des bourreaux ; le « nous » COD, désignant les
pu nous déposséder de tout mais pas de ce que nous déportés, subit l’action. Ces derniers sont laissés dans
sommes. Nous existons encore. » (l. 28-29), mais aussi de l’incertitude de leur sort, ne comprennent pas ce qui leur
recréer une communauté humaine que les difficultés de est dit.
la survie avaient mise à mal : « il faut que nous tenions et Enfin, le traitement des déportés malades est inhumain,
que nous soyons tous ensemble » (l. 32-34). Le même type absurde : la douche et le comptage sont répétés plusieurs
d’expérience est vécu par Charlotte Delbo qui, avec ses fois. La fin du deuxième paragraphe donne une indica-
camarades, monte Le Malade imaginaire à Ravensbrück. tion sur le temps passé (« debout depuis dix heures, et
Elle raconte aussi comme elle collectionnait les poèmes nus depuis six », l. 20). Primo Levi évoque le spectacle de
dont elle se souvenait par cœur. Germaine Tillon, quant cette attente : « une longue file de squelettes nus » (l. 36).
à elle, a écrit une opérette en déportation. La poésie, le La conséquence de cette déshumanisation est, comme
théâtre sont des moyens de restaurer et de conserver son dans le texte de Charlotte Delbo, la tentation de l’aban-
humanité dans un lieu où tout vise à la détruire. don évoquée dans le dernier paragraphe.
2. Le récit est précis, réaliste, factuel, mais, et par là
▶ Image p. 229 même, bouleversant.
1. Les détenus sont représentés de dos, tous identiques, en
rangs réguliers. On ne peut pas, dans cette représentation,
▶ Ressources supplémentaires
les individualiser. Ils apparaissent dans les faisceaux lumi- Le poème liminaire de Si c’est un homme est donné dans
neux, certains nettement, d’autres comme déjà effacés. les activités de synthèse. V p. 232

122
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
Lecture cursive J. Kessel, Synthèse p. 232-233

L’Armée des ombres p. 231


▶ À construire p. 232
Ce court roman est de lecture facile. Il s’articule à la Étape 1
séquence car il offre un autre regard sur la période de
1. Modiano affirme « tout cela ne pouvait finir que par
l’Occupation : il s’agit ici de décrire l’activité des résis-
un livre qui ne serait pas un roman » (doc. 2, p. 214). Le
tants. La lecture de la préface est capitale pour com-
livre de Modiano est, en effet, difficilement classable du
prendre l’enjeu du roman : publié clandestinement en
point de vue générique :
1943, c’est un roman quasi hagiographique sur la figure
– l’enquête sur Dora relève du biographique ;
du résistant. L’éloge est assumé par Kessel, qui recom-
– le récit de l’enquêteur relève de l’autobiographie. Cer-
pose les faits d’armes entendus à Londres en confidence.
tains critiques voient de l’autofiction dans le fait d’avoir
Ce roman est intéressant en outre par la réflexion qu’il
accordé si étroitement la destinée de Dora et celle du
suscite sur le lien entre fiction et Histoire. Le roman est
narrateur.
présenté par l’auteur comme une fictionnalisation de la
S’il y a ici du romanesque, c’est dans la tentation que
réalité (en l’occurrence pour interdire l’identification des
nous avons tous d’« écrire » le roman de Dora pendant
personnages).
sa fugue et de combler les vides de l’enquête.
Enfin, l’écriture de Kessel doit beaucoup au reportage et
au cinéma : l’incipit proposé en découverte est très ciné- 3. a. Tableau de caractérisation
matographique. On pourra montrer son adaptation dans Textes Genre narratif Narrateur Enjeux
le film de Melville, L’Armée des ombres : ces séquences
P. Modiano, enquête + récit 1re célébrer la
sont quasiment identiques. Dora autobiographique personne mémoire de
Bruder Dora
▶ Activités p. 231
H. Berr, journal intime 1re consigner
1. Recherches Cette activité pourra trouver sa place Journal personne ses
dans un carnet de lecture personnel. Il s’agit d’associer souvenirs,
le texte à des recherches historiques, compétence déjà impressions,
travaillée. V p. 219 sentiments
et réflexions
2. Cette activité pourra être réalisée en classe.
Ch. Delbo, récit 1re témoigner
▶ Ressources supplémentaires Aucun de autobiographique personne de son
nous ne et poétique expérience
On trouve de nombreuses ressources pour l’étude reviendra des camps
conjointe du livre et du film. nazis
• Le Musée de la résistance et de la déportation du Cher : R. Antelme, récit 1re témoigner
V http://www.resistance-deportation18.fr/spip. L’Espèce autobiographique personne de son
php?article208 humaine expérience
• Sur le réseau Canopé : des camps
V https://www.reseau-canope.fr/cndpfileadmin/ nazis
mag-film/films/larmee-des-ombres/le-film/ Pr. Levi, récit 1re témoigner
• Sur le site de la Daac de l’académie de Poitiers : Si c’est autobiographique personne de son
V http://ww2.ac-poitiers.fr/daac/spip.php?article181 un homme expérience
des camps
nazis

b. La particularité du journal intime, c’est que, n’étant


pas destiné à la publication, il a un seul destinataire,
qui est aussi l’auteur et le narrateur du journal. Après
sa publication, cette situation d’écriture le rend parti-
culièrement touchant et précieux quant à sa fonction
testimoniale.
Étape 2
4. Expression orale
Pistes de correction
La cohérence narrative du livre se fabrique dans l’imbri-
cation de l’enquête et des éléments autobiographiques.

123
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
Ce jeu de miroirs que crée le livre entre Dora et le narra- 6. a. Le poème liminaire de Si c’est un homme s’adresse
teur se développe particulièrement grâce à : au lecteur contemporain, comme l’exprime l’apostrophe
– la géographie parisienne commune : le quartier de initiale du poème : « Vous qui vivez en toute quiétude/
Dora est aussi celui du narrateur V Textes 1 et 4 ; Bien au chaud dans vos maisons » (v. 1-2).
– l’expérience commune de la fugue d’adolescence b. La demande formulée par le poème au lecteur se
V Texte 2 ; caractérise par l’emploi de cinq verbes à l’impératif :
– l’Occupation et la judéité : Dora est déportée car juive – « Considérez » (l. 5 et 10) ;
V Texte 3 ; Modiano évoque son père, juif également, – « N’oubliez pas », « ne l’oubliez pas » (l. 15-16) ;
mais échappant à la déportation. – « Gravez ces mots » (l. 17) ;
5. Expression écrite – « Pensez-y » (l. 18) ;
Proposition de plan – « Répétez-les à vos enfants » (l. 20).
Dissertation Le sujet, tel qu’il est posé, amène à repérer Ces cinq verbes enjoignent le lecteur à prendre connais-
et exposer les éléments du texte qui justifient la citation. sance des horreurs de la Shoah en les observant (« consi-
Les expressions imagées « lancent des appels », « signaux dérez »), à les garder en mémoire (« N’oubliez pas »,
de phare », « éclairer la nuit », demandent à être analy- « Gravez »), à réfléchir à cette période de l’Histoire
sées. Le verbe « douter » associé à l’adverbe « malheureu- pour comprendre ce qui s’est passé (« Pensez ») et à
sement » traduit la déception anticipée de cette quête. transmettre cette mémoire aux générations suivantes
I. Une quête non aboutie (« Répétez »).
Il s’agira dans cette première partie de vérifier les termes c. Expression écrite
de la citation à l’aune de notre lecture du roman. Critères de réussite de la définition
1. La nuit comme double image de la déportation et de
l’oubli • Rédaction de la définition : présent de vérité générale,
absence de la première personne, réflexion générale.
2. Une narration-enquête
• La définition tient compte de l’observation du
3. L’échec de la quête
poème et des quatre étapes qu’il définit : connaître,
II. Une victoire cependant mémoriser, réfléchir et transmettre.
La seconde partie propose une lecture plus générale de la
citation et la nuance : si l’enquête est un échec partiel, le
livre remet en lumière le destin de Dora et d’autres per-
sonnages qui avaient sombré dans l’oubli de l’Histoire.
1. Le souvenir de Dora
2. Le devoir de mémoire
3. Une définition du travail de l’écrivain
Remarque. L’image du « phare » et du travail de l’écri-
vain rappelle le poème de Baudelaire « Les phares ».
Après avoir évoqué des « phares » de l’histoire des arts
dans les quatrains précédents, Baudelaire conclut par ces
trois derniers quatrains :
Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C’est pour les cœurs mortels un divin opium !
C’est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C’est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !
Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857), « Les phares ».

La mission que Baudelaire confère à l’artiste, qui est


de crier la révolte des humains contre le mal, permet
d’éclairer la citation de Modiano et de lui donner une
portée plus générale.

124
CHAPITRE 8 • Patrick Modiano, Dora Bruder
Le genre théâtral et son évolution
▶ Doc. 1 p. 234 ▶ Doc 2 p. 235

Dionysos assis sur une panthère Deux listes de personnages


Recherches 1. a. Les deux pièces se réfèrent au personnage prin-
1. Dionysos est le dieu de la Vigne et du Vin, mais aussi cipal, désigné par son nom (Bérénice) ou par une péri-
celui du délire mystique, de l’inspiration. phrase (le Malade imaginaire).
Sa légende mêle des éléments empruntés à la Grèce et à La pièce de Racine nous situe dans l’histoire romaine :
l’Asie mineure. Il est le fils de Zeus et de Sémélé. Sa mère Bérénice est un personnage historique. Princesse de
tombe foudroyée après avoir été aveuglée par les éclairs Judée, elle est née en 28 et fut la maîtresse de Titus,
qui entouraient son amant, qu’elle avait voulu voir dans qu’elle connut en Galilée quand il vint écraser la révolte
toute sa puissance. Zeus lui enlève immédiatement l’en- juive contre Rome.
fant qu’elle portait et le coud dans sa cuisse. Après sa Le Malade imaginaire présente d’emblée un personnage
naissance, il le transporte en Asie pour qu’il échappe à comique : l’hypocondriaque, un maniaque dont les excès
la jalousie d’Héra. Plus tard, Dyonisos découvre les joies divertiront le spectateur.
du vin et, en compagnie des Bacchantes, parcourt l’Inde b. Il s’agit, pour la tragédie de Racine, de l’Antiquité
qu’il conquiert. C’est à partir de ce moment-là qu’on romaine : le Ier siècle. La comédie de Molière se situe à
le voit accompagné d’un cortège triomphant constitué l’époque contemporaine de Molière, le XVIIe siècle.
d’un char tiré par des panthères et orné de pampre et de c. Les personnages de Racine appartiennent à la haute
lierre. Revenu en Grèce, il pratique les Bacchanales, fêtes aristocratie : Titus est empereur ; Bérénice, reine. Les
où les femmes saisies d’un délire mystique parcourent la personnages de Molière sont des bourgeois : médecins,
campagne en poussant des cris rituels. apothicaire, notaire…
Dionysos est donc un dieu étranger, subversif, dans la d. Bérénice s’annonce comme une tragédie historique,
mesure où il introduit le désordre et le délire. Les fêtes inspirée de l’histoire romaine, à l’instar de Britannicus,
en son honneur sont des processions débridées dans les- du même auteur. On imagine d’emblée que l’intrigue
quelles les participants portent des masques et célèbrent tournera autour de Titus et de Bérénice. On voit se des-
la terre et la fécondité. Ces cortèges à l’origine des comé- siner une opposition liée à leurs origines respectives :
dies, tragédies et drames satyriques font de lui le dieu du Rome et la Palestine. On peut émettre l’hypothèse d’une
théâtre. Euripide évoque dans Les Bacchantes le retour intrigue basée sur l’amour et la politique.
de Dionysos à Thèbes et sa fureur face à la ville impie. En ce qui concerne la pièce de Molière, on peut antici-
Sur Dionysos et les Bacchantes d’Euripide, voir : per une intrigue familiale, une affaire de mariage avec la
V http://www.fabriquedesens.net/ présence du notaire et d’un couple d’amoureux. On peut
Dionysos-par-Jean-Pierre-Vernant relever aussi le thème de la médecine avec les médecins
et l’apothicaire.
2. a. Dionysos est assis sur une panthère qu’il domine.
Cette rapide comparaison fait apparaître nettement les
Celle-là évoque l’origine étrangère mais aussi la sauva-
différences entre la tragédie et la comédie : personnages
gerie du dieu. Dionysos est en effet un dieu redoutable
de haut rang/personnages ordinaires ; ancrage dans
pour qui ignore sa puissance. On le représente égale-
l’histoire (éloignement dans le temps ou dans l’espace)/
ment sur un char tiré par des ânes.
ancrage dans la société contemporaine du dramaturge ;
b. Il s’agit du thyrse, bâton orné de lierre et terminé par
opposition des thématiques (conflit entre amour et poli-
une pomme de pin ou un bouquet de feuilles de vigne.
tique/mariages contrariés, peinture des ridicules).
13 Le dithyrambe est un poème lyrique chanté à la
louange de Dionysos, poème dont la verve est sans doute
à l’origine du théâtre.

125
9
CHAPITRE

Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur (1669)


Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant Cinq extraits du Tartuffe
lieu à une analyse • Lecture 1 : Un conflit familial, p. 240-241
détaillée • Lecture 2 : Le portrait d’un faux dévot, p. 242-243
• Lecture 3 : L’hypocrite dévoilé, p. 244-245
• Lecture 4 : La stratégie de l’imposteur, p. 246-247
• Atelier : acte I, scène 4, p. 248-249
Lectures • Molière, Dom Juan, acte V, scène 2, p. 239
complémentaires • Luc Bondy, analyse du personnage d’Orgon, p. 251
Groupement de textes complémentaires • Scènes de famille
• Henrik Ibsen, Une maison de poupée, p. 252
• Jean Anouilh, Antigone, p. 253
• Eugène Ionesco, La Cantatrice chauve, p. 254
• Bernard-Marie Koltès, Le Retour au désert, p. 255
• Yasmina Reza, Conversations après un enterrement, p. 256
Moments • Proposition subordonnée relative, p. 241
de grammaire • Valeurs de l’imparfait, p. 243
Écrits • Rédiger un dialogue, p. 241
d’appropriation • Défendre un point de vue, p. 243
• Prolonger une tirade, p. 243
Écrits vers le bac Commentaire de texte Dissertation
• Construire une problématique, p. 245 • Écrire une analyse, p. 251
• Rédiger une introduction, p. 245 • Proposer un plan détaillé de dissertation, p. 258
• Enrichir un plan de commentaire, p. 247
• Atelier : commentaire guidé, p. 248-249
Exercices d’oral • Imaginer un projet de mise en scène, p. 241
• Lecture expressive, p. 243
• Débattre : le personnage de Tartuffe, p. 245 ; les personnages d’Orgon et de Tartuffe, p. 258
• Lire une scène à haute voix, p. 247
• Présenter un diaporama de présentation de la pièce, p. 258
Exercices • Questions Au fil de l’œuvre, p. 239 • Questions d’ensemble sur le Groupement
de confrontation • Comparer trois mises en scène, p. 251 de textes complémentaires, p. 256
ou de synthèse • Questions Au fil de la lecture, p. 252 • Synthèse, p. 258-259
Travaux de • L’œuvre de Molière, p. 237
recherche • Le mot « imposteur », p. 239
• Les personnages d’imposteurs dans la littérature du XVIIe siècle, p. 239
• L’étymologie des mots « hypocrite » et « personnage », p. 239
• L’idéal de l’honnête homme au XVIIe siècle, p. 241
• La scène à témoin caché, p. 251
• L’inspiration antique de Molière, p. 258
Lectures d’images • Étudier quatre représentations du personnage de Tartuffe, p. 237
ou de films • Mise en scène de Stéphane Braunschweig, p. 241
• Comparer deux affiches, p. 243
• Comparer trois mises en scène, p. 251
Lectures cursives • Eugène Ionesco, La Leçon, p. 257
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 258-259

126
3. Recherches • L’œuvre de Molière est composée d’une
OBJECTIFS DU CHAPITRE trentaine de comédies en vers ou en prose. Certaines
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude Le théâtre sont accompagnées de ballet. Le dramaturge pratique
du XVIIe siècle au XXIe siècle. Il s’agit, dans l’étude de la farce dans le style italien de la commedia dell’arte, à
l’œuvre intégrale, de s’interroger sur la structure et la laquelle il emprunte des personnages types, tel Scapin.
progression de l’action, ainsi que sur les relations et Molière adapte aussi des pièces du théâtre antique : son
tensions entre les personnages. L’étude de la pièce Amphitryon reprend, à quelques scènes près, celui de
sera également éclairée par un travail sur les mises Plaute, et L’Avare est une adaptation de l’Aulularia (La
en scène du Tartuffe. Marmite).
• Le Tartuffe est l’histoire d’une manipulation : un des • Tartuffe a été censuré deux fois par le pouvoir religieux
ressorts de l’action repose sur l’habileté de Tartuffe (en 1664 et 1667).
à abuser Orgon qui, contre l’avis de toute sa famille Dans la Préface de sa pièce, Molière répond à ses détrac-
(sauf Mme Pernelle, la mère d’Orgon), impose le faux teurs en définissant ce qu’est pour lui la comédie.
dévot dans son logis. C’est son propre aveuglement Si l’emploi de la comédie est de corriger les vices des
qui mène Orgon à la catastrophe de l’acte IV, scène 7 : hommes, je ne vois pas par quelle raison il y en aura
« La maison m’appartient, je le ferai connaître », lui de privilégiés. Celui-ci est, dans l’État, d’une consé-
rappelle Tartuffe. Mais la pièce est une comédie et le quence bien plus dangereuse que tous les autres ;
dénouement heureux : il s’agit de corriger les mœurs et nous avons vu que le théâtre a une grande vertu
par le rire (castigat ridendo mores). pour la correction. Les plus beaux traits d’une sérieuse
morale sont moins puissants, le plus souvent, que
ceux de la satire ; et rien ne reprend mieux la plupart
des hommes que la peinture de leurs défauts. C’est
une grande atteinte aux vices que de les exposer à la
risée de tout le monde. On souffre aisément des répré-
Ouverture p. 236-237 hensions ; mais on ne souffre point la raillerie. On
veut bien être méchant, mais on ne veut point être
▶ Activités p. 237 ridicule.
1. Docs 2 et 3 Le costume en satin rouge de Tartuffe Molière attribue à la comédie deux fonctions : corri-
dans le doc. 2 et son vêtement noir dans le doc. 3 le ger les mœurs et faire rire. Dans ses pièces, il exploite
représentent clairement comme un homme d’Église (le tous les genres dramatiques comiques : farce, comédie
rouge est la couleur des habits des cardinaux et le noir de mœurs, comédie-ballet. Le comique dans les pièces
celle des prêtres). Mais le rouge évoque aussi le diable et de Molière cherche à attirer l’attention sur des défauts
connote la violence et la passion. (l’avarice, la fausse dévotion, la vanité…) pour mieux les
2. Docs 1 à 4 Dans la mise en scène de Michel Fau tourner en ridicule et les dénoncer.
(doc. 2), Tartuffe est plutôt comique : son costume de 4. Docs 3 et 4 Le sous-titre de la pièce est l’Imposteur.
satin rouge dessiné par Christian Lacroix l’apparente à Dans le doc. 3, Tartuffe, homme d’Église, est cependant
un cardinal grotesque. L’effet est renforcé par le maquil- quasiment allongé sur une femme, dont les épaules sont
lage blanc qui évoque celui d’un clown. dénudées, et semble prêt à la violer. On peut donc imagi-
En revanche, les trois autres représentations sont ner qu’il va tromper son entourage en se faisant passer
inquiétantes. pour un homme d’Église.
Dans le doc. 1, le costume ainsi que le maquillage, noirs, Dans le doc. 4, si on observe seulement le haut du per-
donnent à Depardieu un air effrayant ; l’effet est ren- sonnage représenté, on voit un religieux, une personne
forcé par le cadrage qui montre le personnage occupant à l’allure pieuse (chapeau, tête légèrement penchée,
tout l’espace. évoquant la soumission, la réflexion). En revanche, les
Dans le doc. 3, Tartuffe est penché sur Elmire qui se tentacules qui prolongent le bas de la soutane peuvent
trouve dans l’incapacité de se libérer de son emprise. laisser penser que ce personnage va manipuler les autres
Enfin, l’affiche (doc. 4), qui montre un Tartuffe dont la de façon sournoise.
soutane est prolongée par des tentacules, est sans équi-
voque : il s’agit d’un personnage dangereux prêt à fondre
sur sa proie.

127
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
Entrée dans l’œuvre 4. Langue a. Une antonomase est la figure qui trans-
forme un nom propre en nom commun.
Molière et Le Tartuffe p. 238-239 Un tartuffe est une personne hypocrite.
b. Le nom propre « Dom Juan » est également entré
▶ Recherches p. 239 dans la classe des noms communs : un don juan est un
séducteur (on parle également de « donjuanisme »).
1. Imposteur : substantif qui signifie « celui qui abuse
Certains objets sont désignés par le nom d’une marque
autrui par des mensonges, de fausses promesses, dans
(un frigidaire, un post-it, un stabilo…) ou d’une personne
le but d’en tirer un profit matériel ou moral ». L’impos-
(une poubelle, un sandwich, le macadam…).
teur cherche également « à abuser autrui sur sa propre
personne, en feignant les apparences de la vertu, de la
sagesse, de l’intégrité, du savoir ». © Trésor de la langue ▶ Activités p. 239
française 5. Dans la scène qui précède (acte V, scène 1) l’extrait
Vauvenargues fait de l’imposture la matrice de toutes les de Dom Juan présenté en doc. 1, Dom Juan a prétendu
fausses apparences : « L’imposture est le masque de la devant son père, Dom Louis, qu’il se repentait de son
vérité ; la fausseté, une imposture naturelle ; la dissimu- comportement passé. À la scène 2, devant son valet Sga-
lation, une imposture réfléchie ; la fourberie, une impos- narelle, étonné et ravi du retournement de son maître,
ture qui veut nuire ; la duplicité, une imposture qui a il se livre à un éloge de l’hypocrisie, qu’il justifie en
deux faces. » Introduction à la connaissance de l’esprit humain affirmant qu’il s’agit d’un « vice à la mode » (l. 2-3) qui
2. Propositions de personnages imposteurs passe pour une vertu. De plus, il s’agit d’un « vice privi-
au XVIIe siècle légié » (l. 16-17) qui jouit d’une « impunité souveraine »
• Dom Juan (l. 20-21).
# Molière, Dom Juan ou le Festin de Pierre (1665) Molière fait directement référence à la censure subie par
Dom Juan est un imposteur avec les femmes : il leur sa pièce Tartuffe : la charge de Dom Juan vise la cabale
laisse croire qu’il les aime et qu’il est prêt à les épouser, des dévots, notamment quand il évoque les « grima-
alors qu’il a pour seul objectif de les séduire et de les ciers » (l. 31).
abandonner ensuite. 6. Dans cette tirade, Dom Juan décrit l’hypocrite comme
• Sosie un « personnage » (l. 4), soulignant ainsi sa dimension
# Molière, Amphitryon (1668) théâtrale. L’effet est renforcé par le champ lexical du
Le valet poltron d’Amphitryon veut se faire passer aux théâtre : « art » (l. 9), « jouer ».
yeux d’Alcmène pour un brave guerrier, et Mercure L’hypocrite est celui qui joue la comédie et fait sem-
usurpe l’identité de Sosie. blant d’être celui qu’il n’est pas : « grimaces », « sous cet
• Onuphre habit ».
# La Bruyère, Les Caractères (1688) 7. L’hypocrisie est considérée comme le mal du
Le moraliste fait le portrait d’un faux dévot. Onuphre XVIIe siècle. Elle est par exemple dénoncée par Molière
soigne son apparence, « il joue son rôle », « il est habillé dans Le Misanthrope à travers Alceste, lorsqu’il reproche
simplement ». La Bruyère ajoute : « mais commodément, son hypocrisie à son ami Philinte qui a salué chaleureu-
je veux dire d’une étoffe fort légère en été, et d’une autre sement un homme qu’il connaissait à peine.
fort moelleuse pendant l’hiver ». Le sacrifice d’Onuphre Outre l’hypocrisie des faux dévots, certains auteurs de
n’est donc qu’un artifice pour duper les autres. l’époque classique dénoncent celle des courtisans à la
• Arrias cour du roi : c’est le cas de La Fontaine dans ses Fables
# La Bruyère, Les Caractères (1688) (1668), notamment dans « Les animaux malades de la
La Bruyère fait le portrait inverse de l’honnête homme peste », ainsi que La Rochefoucauld dans ses Maximes
du XVIIe siècle : Arrias monopolise la parole et se montre (1664).
grossier en société. Il affirme ainsi tout savoir, prétend
connaître un ambassadeur, avant d’être démasqué.
3. • Hypocrite : nom et adjectif qui vient du grec
hupokritês, « comédien ».
• Personnage : substantif, issu du latin persona, qui signi-
fie d’abord « visage », puis « masque ».
• Dans le théâtre classique, le comédien de théâtre est
celui qui porte un masque, se faisant ainsi passer pour
ce qu’il n’est pas.

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CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
▶ Au fil de l’œuvre
• Structure du Tartuffe

Personnages Résumé
I, 1 Tous les personnages, sauf Mme Pernelle se dispute avec les autres personnages à propos de Tartuffe.
Tartuffe et Orgon
I, 2 Cléante, Dorine Dorine fait le portrait d’Orgon : elle raconte comment son maître s’est
transformé depuis sa rencontre avec Tartuffe.
I, 3 Elmire, Marianne, Damis, Elmire confirme les propos de Dorine.
Cléante, Dorine
I, 4 Orgon, Cléante, Dorine Orgon s’inquiète de Tartuffe, alors que Dorine lui parle de la maladie d’Elmire.
I, 5 Orgon, Cléante Cléante tente de ramener, sans succès, Orgon à la raison, concernant Tartuffe.
II, 1 Orgon, Mariane Orgon apprend à sa fille qu’il veut lui faire épouser Tartuffe.
II, 2 Orgon, Dorine, Mariane Dorine intervient pour défendre les intérêts de Mariane auprès d’Orgon.
II, 3 Dorine, Mariane Dorine incite Mariane, passive, à résister à la décision de son père.
II, 4 Valère, Mariane, Dorine Suite à un malentendu, une querelle éclate entre Mariane et Valère, mais ils
finissent par se réconcilier.
III, 1 Damis, Dorine Damis, choqué par le projet de mariage, veut faire un scandale.
III, 2 Tartuffe, Laurent, Dorine Tartuffe apparaît pour la première fois : il affiche sa piété avec ostentation.
III, 3 Elmire, Tartuffe Elmire demande à Tartuffe de ne pas épouser Mariane ; celui-ci fait des
avances pressantes à Elmire.
III, 4 Damis, Elmire, Tartuffe Damis, qui a entendu les propos de Tartuffe à Elmire, menace de le dénoncer.
III, 5 Orgon, Damis, Tartuffe, Elmire Damis dénonce Tartuffe à son père.
III, 6 Orgon, Damis, Tartuffe, Orgon, aveuglé par la duplicité de Tartuffe, chasse et déshérite son fils.
III, 7 Orgon, Tartuffe Tartuffe convainc Orgon que sa famille complote contre lui et menace de partir.
IV, 1 Cléante, Tartuffe Cléante demande sans succès à Tartuffe de favoriser la réconciliation entre
Orgon et Damis.
IV, 2 Dorine, Elmire, Mariane, Cléante Dorine informe les autres que le mariage de Mariane avec Tartuffe aura lieu
le soir même.
IV, 3 Orgon, Elmire, Mariane, Cléante, Malgré les supplications de Mariane, Orgon reste inflexible et maintient le
Dorine mariage.
IV, 4 Elmire, Orgon Elmire exige qu’Orgon se mette sous la table pour démasquer Tartuffe.
IV, 5 Tartuffe, Elmire, Orgon Elmire fait mine de séduire Tartuffe, qui lui fait des avances très pressantes.
IV, 6 Orgon, Elmire Orgon se montre quand Tartuffe sort de la pièce.
IV, 7 Tartuffe, Elmire, Orgon Tartuffe, démasqué, chasse Orgon, affirmant être chez lui dans cette maison.
IV, 8 Elmire, Orgon Orgon reconnaît qu’il a fait don de sa maison à Tartuffe.
V, 1 Orgon, Cléante Orgon explique à Cléante que son ami Argas lui a remis une cassette
compromettante, qu’il a confiée à Tartuffe.
V, 2 Damis, Orgon, Cléante Damis propose son aide à son père.
V, 3 Mme Pernelle, Mariane, Elmire, Orgon cherche à convaincre sa mère, en vain, de la malhonnêteté de Tartuffe.
Dorine, Damis, Orgon, Cléante
V, 4 M. Loyal, Mme Pernelle, Orgon, M. Loyal, huissier, vient expulser Orgon et sa famille de leur maison.
Damis, Mariane, Dorine, Elmire,
Cléante
V, 5 Orgon, Cléante, Mariane, Elmire, Mme Pernelle reconnaît la malhonnêteté de Tartuffe.
Mme Pernelle, Dorine, Damis
V, 6 Valère, Orgon, Cléante, Elmire, Valère vient avertir Orgon qu’il va être arrêté, car il a été dénoncé par Tartuffe
Mariane, Mme Pernelle, Dorine, au sujet des papiers confiés par Argas.
Damis
V, 7 Tous les personnages, Tartuffe Tartuffe, triomphant, revient avec un exempt, mais ce dernier a reçu l’ordre
et l’Exempt d’arrêter Tartuffe et non Orgon, à qui le Prince pardonne, ainsi qu’à Argas.

129
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
• Tartuffe apparaît à la scène 2 de l’acte III, créant ainsi jusqu’au vers 40. Mais à partir du vers 41, quand Damis
une forme de suspense, d’attente, et mettant fin à l’ex- évoque Tartuffe pour la première fois, même si elle n’est
position de la pièce. Cette arrivée tardive a permis aux pas du tout convaincue par son petit-fils et par Dorine, le
spectateurs de se faire une idée du personnage à travers rapport de force s’inverse, car elle parle beaucoup moins
les propos des autres personnages, notamment dans la que les autres personnages.
scène d’exposition. V Lecture 1, p. 240-241
Analyse du texte
Au sujet de cette arrivée tardive de Tartuffe, Molière
écrit : « J’ai mis tout l’art et tous les soins qu’il m’a été 3. Mme Pernelle reproche tout d’abord à Elmire d’auto-
possible pour bien distinguer le personnage de l’hypo- riser chacun et chacune à s’exprimer librement chez elle
crite d’avec celui du vrai dévot. J’ai employé pour cela (« On n’y respecte rien, chacun y parle haut », l. 11), mais
deux actes entiers à préparer la venue de mon scélérat. » également d’être coquette et trop dépensière (« Vous
Préface de Molière êtes dépensière et cet état me blesse », l. 19), donnant
un mauvais exemple aux enfants d’Orgon, son mari.
• Critères de réussite de l’étude du rapport
À Dorine elle reproche son manque de réserve malgré sa
d’un personnage avec Tartuffe
fonction de domestique : « Vous êtes [… ] / Un peu trop
• Choix d’un personnage qui affronte Tartuffe à forte en gueule, et fort impertinente » (l. 13-14).
plusieurs reprises : Elmire, Damis, Dorine. Elle prétend que Damis est un « sot » (v. 16) qui se
• Capacité à analyser les liens entretenus entre conduit mal, donnant ainsi du « tourment » (v. 20) à son
ce personnage et Tartuffe et l’évolution de ces liens : père, et que Mariane est hypocrite : « vous faites la dis-
scènes de conflit, recours à l’ironie… crète […] / Mais il n’est, comme on dit, pire eau que l’eau
• Choix de l’image, avec des commentaires
qui dort » (v. 21-23).
sur les choix des costumes :
– des gravures, dessins de comédiens du XVIIe siècle ; Enfin, aux yeux de Mme Pernelle, Cléante fait la leçon :
– ou des photographies extraites de représentations « Sans cesse vous prêchez des maximes de vivre » (v. 37).
théâtrales des XXe ou XXIe siècles. 4. Le comique repose d’abord, dans ces vers, sur le fait
que Mme Pernelle interrompt Cléante, comme elle
l’a fait avec les autres personnages de la scène. Dans
la tirade (v. 34-40), le recours à la gradation « Je vous
estime fort, vous aime et vous révère » laisse croire que
Lecture 1 Un conflit familial Mme Pernelle va faire les louanges de Cléante ; or, dans
p. 240-241 les six vers qui suivent, elle critique son comportement
et dit que si cela ne tenait qu’à elle elle le chasserait de
la maison d’Orgon.
▶ Activités p. 241
5. En énumérant ainsi les vices supposés des personnes
Découverte du texte de son entourage, devant ces personnes elles-mêmes,
1. • Mme Pernelle est le seul personnage de cette scène Mme Pernelle pense faire preuve d’honnêteté et de sin-
d’exposition à dresser un portrait flatteur de Tartuffe : cérité (« je ne mâche point ce que j’ai sur le cœur », v. 40).
« C’est un homme de bien, qu’il faut que l’on écoute » Son désir de sincérité apparaît dans les termes familiers
(v. 42), « Et tout ce qu’il contrôle est fort bien contrôlé » qu’elle emploie lorsqu’elle s’adresse à eux : « Un peu
(v. 52). Elle est aveuglée par l’hypocrisie de Tartuffe. Les trop forte en gueule » (v. 14), « Vous êtes un sot » (v. 16),
autres personnages en font un portrait très péjoratif. « vous n’y touchez pas » (v. 22), « vêtue ainsi qu’une prin-
• Damis est le premier à évoquer Tartuffe (v. 41), et l’ex- cesse » (v. 30).
pression « Votre Monsieur Tartuffe », reprise par « ce 6. Recherche L’honnête homme représente l’idéal du
beau Monsieur-là » (v. 48), montre le mépris qu’il a pour comportement juste et équilibré au XVIIe siècle. C’est un
lui. Le fils d’Orgon décrit Tartuffe comme un imposteur individu qui sait être raisonnable en toutes choses.
(« usurper », v. 46) et un tyran (« un pouvoir tyrannique », Dans Tartuffe, c’est Cléante qui incarne l’idéal de l’hon-
v. 46). nête homme. Il évite l’affrontement et s’efforce de régler
• Dorine, la servante, lui reproche également son despo- les conflits entre les autres personnages. Ainsi, c’est lui
tisme (« il contrôle tout », v. 51) et sa tentative de main- qui, au début de l’acte IV, demande – sans succès – à
mise sur la maisonnée (« On ne peut faire rien qu’on ne Tartuffe de réconcilier Orgon et Damis. Il est également
fasse des crimes », l. 50, « De voir qu’un inconnu céans lucide et cherche à montrer à Orgon qu’il est dupé par
s’impatronise », l. 62). Elle rappelle qu’il était sans le sou Tartuffe en lui expliquant la différence entre vraie dévo-
avant de rencontrer Orgon, qui l’a installé dans la maison tion et fausse dévotion : « Les bons et vrais dévots, qu’on
(« un gueux qui, quand il vint, n’avait pas de souliers », doit suivre à la trace, / Ne sont pas ceux aussi qui font
l. 63). tant de grimace. / Hé quoi ! vous ne ferez nulle distinc-
2. Mme Pernelle domine par ses longues tirades et tion / Entre l’hypocrisie et la dévotion ? » (acte I, scène 6,
sa façon d’apostropher celles et ceux qui l’entourent v. 329-332).

130
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
7. Langue « Qu’un gueux qui, quand il vint, n’avait pas Lecture 2 Le portrait
de souliers / Et dont l’habit entier valait bien six deniers, /
En vienne jusque-là que de se méconnaître » d’un faux dévot p. 242-243
• « qui n’avait pas de soulier »
à proposition subordonnée relative complément de ▶ Lecture d’images p. 243
l’antécédent « gueux » (« quand il vint » est une pro-
1. • L’affiche de gauche (2013) met en valeur les vices
position subordonnée circonstancielle de temps, incluse
(les péchés, selon la religion) du personnage :
dans la relative)
– sa cupidité, avec les billets de banque, les lingots d’or
• « dont l’habit entier valait bien six deniers »
et la demeure, en haut à gauche (l’acte V dévoile le vrai
à proposition subordonnée relative complément de
but de Tartuffe : s’emparer des biens d’Orgon) ;
l’antécédent « gueux »
– sa gourmandise, représentée en haut à droite (dans
Les deux propositions subordonnées relatives sont ici
l’acte I, scène 4, Dorine décrit la façon dont Tartuffe
adjectives et complètent le substantif « gueux » (comme
s’empiffre alors qu’Elmire est malade) ;
le ferait un adjectif ). Elles sont introduites par deux pro-
– sa lubricité, manifestée par les jambes de femmes
noms relatifs : « qui » (sujet du verbe « avoir ») et « dont »
(acte IV, scène 5, Tartuffe agit avec Elmire de façon bru-
(complément du nom « gueux »). Elles soulignent l’insis-
tale et dominatrice).
tance de Dorine à rappeler l’état de Tartuffe quand il
• Sur l’affiche de droite (1983), Tartuffe tient un crucifix,
s’est présenté, pour la première fois, à Orgon.
et sa tête est dans un écran de télévision. Cette image
Expression écrite insiste sur l’imposture de Tartuffe : il se présente à l’ex-
8. Critères de réussite du dialogue térieur comme un parfait dévot V Lecture 2, p. 242-243,
mais c’est un imposteur, un faux dévot.
• Contextualisation qui tient compte de l’époque où
le Tartuffe a été écrit. 2. Expression écrite
• Reformulation précise qui montre une bonne Critères de réussite de l’écrit argumenté
compréhension de la scène d’exposition.
• Emploi des temps du discours. • Formulation d’arguments qui montrent que la pièce
• Emploi des discours direct et indirect. et le personnage de Tartuffe sont compris.
• Références précises (avec des citations) à la pièce
Expression orale de Molière.
9. Pour imaginer une mise en scène d’un extrait de
la scène d’exposition, on pourra ajouter les consignes ▶ Activités p. 243
suivantes.
Découverte du texte
1. Disposez tous les personnages de la scène d’exposition
dans un schéma représentant la scène vue d’en haut. 1. C’est à l’église, où il va tous les jours, qu’Orgon ren-
2. Choisissez les costumes : du XVIIe siècle, contempo- contre Tartuffe.
rains… Vous pouvez sélectionner des morceaux d’étoffe, 2. Orgon est aveugle à la fausse dévotion de Tartuffe
des accessoires… et se montre généreux avec Tartuffe (« Je lui faisais des
Critères de réussite du projet de mise en scène dons », v. 13).
Tartuffe agit de manière ostensible pour être remarqué
• Justification des choix effectués. par Orgon et les autres fidèles : « Il attirait les yeux de
• Lecture qui souligne la compréhension du texte :
l’assemblée entière » (v. 5), « Il faisait des soupirs, de
– lecture expressive (émotions exprimées…) ;
– articulation permettant une bonne compréhension grands élancements » (v. 7).
du texte ; Analyse du texte
– respect de la ponctuation ;
3. a. Tartuffe se fait remarquer d’Orgon par des attitudes
– respect des liaisons.
pieuses : « se mettre à deux genoux » (v. 4), « il poussait
sa prière » (v. 6), « Et baisait humblement la terre » (v. 8).
▶ Lecture d’image p. 241 Ce qui séduit Orgon, c’est également la grande modestie
apparente de Tartuffe (« d’un air doux », v. 3, « humble-
1. Les costumes des personnages, dans la mise en scène
ment », v. 8, « avec modestie », v. 13, « C’est trop, me disait-il,
de Braunschweig, sont contemporains : Damis porte
c’est trop de la moitié », v. 15) et sa générosité feinte (« Aux
un jean et un tee-shirt, Elmire une robe de chambre, et
pauvres, à mes yeux, il allait le répandre », v. 18).
Cléante est vêtu d’un costume porté par les hommes
b. Langue Le recours à l’imparfait, dans la tirade d’Or-
aujourd’hui.
gon, souligne la régularité des actions de Tartuffe qui
2. Avec ce choix, le metteur en scène actualise la pièce
sont présentées comme habituelles, quotidiennes.
de Molière, l’ancre dans la réalité d’aujourd’hui, confron-
Cet aspect répétitif dénote une certaine fausseté, une
tant ainsi le public à un univers contemporain.
absence de spontanéité.

131
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
4. Les agissements de Tartuffe, s’ils dupent Orgon, ne Lecture 3 L’hypocrite dévoilé
paraissent pas sincères au spectateur. En effet, l’osten-
tation de Tartuffe souligne son manque de sincérité : p. 244-245
« il venait, d’un air doux, / Tout vis-à-vis de moi » (v. 3-4),
« à tous moments » (v. 8), « il me devançait vite » (v. 9), ▶ Activités p. 245
« à mes yeux » (v. 18). Avec ses « soupirs », ses « grands
Découverte du texte
élancements » (v. 7), Tartuffe a pour seul souci de donner
de lui une image de dévot. 1. Tartuffe est apparu pour la première fois, à la scène
précédente (III, 2). En présence de Dorine, il s’est montré
5. Inconsciemment, Orgon, par l’emploi d’hyperboles,
ostensiblement dévot (« ma haire avec ma discipline »).
souligne la duplicité de Tartuffe : « Par l’ardeur dont au
Le spectateur le connaît encore essentiellement à tra-
Ciel il poussait sa prière » (v. 6), « Et plus que moi six
vers les propos des autres personnages. Ici, c’est son désir
fois il s’en montre jaloux » (v. 24), « jusqu’où monte son
pour Elmire qu’il exprime.
zèle » (v. 25).
2. S’il exprime et manifeste son désir, Tartuffe conserve
6. Les vers 21-24 montrent qu’Orgon se trompe sur les
malgré tout le masque du dévot. En effet, dans sa tirade,
intentions de Tartuffe. Ce dernier, en dénonçant à Orgon
tout en rappelant qu’il est dévot, il cherche à justifier ses
les hommes cherchant à séduire Elmire (« Il m’avertit
sentiments pour Elmire et son comportement (« L’amour
des gens qui lui font les yeux doux », v. 23), manifeste sa
qui nous attache aux beautés éternelles / N’étouffe pas
propre jalousie (« il s’en montre jaloux », v. 24). L’aveu-
en nous l’amour des temporelles », v. 18-19), afin de
glement d’Orgon, concernant le désir de Tartuffe pour
montrer que les deux sont, à ses yeux, compatibles. Il
Elmire, durera jusqu’à l’acte IV, scène 5 – scène, pour
mélange lexiques religieux et galant.
Orgon, de la révélation de la duplicité de Tartuffe.
3. Dans cette scène, Elmire souhaite convaincre Tartuffe
7. Les trois derniers vers de la tirade d’Orgon soulignent
de ne pas épouser Mariane, sa belle-fille, qu’Orgon lui
sa naïveté, voire sa sottise. En effet, Orgon vante Tar-
a promise. Or, Tartuffe lui fait savoir clairement que ce
tuffe, qui prétend se repentir parce qu’il a écrasé une
mariage ne l’intéresse pas : « Ce n’est pas le bonheur
puce… Cet argument ridicule, qui clôt la tirade, renforce
après quoi je soupire » (v. 11).
la charge réalisée par Molière contre les faux dévots et
ceux qui les défendent. Analyse du texte
Expression écrite 4. Elmire cherche à éloigner Tartuffe par le discours
(« laissez, je suis fort chatouilleuse », v. 3) et physique-
8. Critères de réussite de la tirade
ment (cf. la didascalie « Elle recule sa chaise »). Tartuffe,
• Respect du contexte qui montre que la tirade a été lui, rapproche sa chaise (suite de la même didascalie)
comprise. et semble tout près d’Elmire, car il décrit précisément
• Les deux situations décrites par Orgon ont eu lieu à l’étoffe de sa robe : « que de ce point l’ouvrage est mer-
l’extérieur de la maison et dans un espace fréquenté : veilleux ! » (v. 4).
à l’église, dans la rue…
• Emploi des temps du discours. 5. Au début de sa tirade (v. 18-22), Tartuffe parle de la
• Emploi de procédés pour souligner le ton admiratif beauté des femmes de manière générale, sans les dési-
d’Orgon : hyperboles, modalisateurs (adverbes, gner directement mais en employant des termes géné-
adjectifs) qui soulignent l’attitude, l’emphase riques : « beautés » « temporelles », « ouvrages parfaits
de Tartuffe. que le Ciel a formés » et « vos pareilles ». Le déterminant
• Emploi du champ lexical du ravissement et possessif « Nos » (v. 20) désigne l’ensemble des hommes.
de la vénération. La conjonction « Mais » (v. 23) marque le changement :
On pourra proposer le vocabulaire suivant aux élèves. Tartuffe s’adresse maintenant directement à Elmire.
• ravissement : au XVIIe siècle, le mot a un sens figuré bien 6. Aux vers 27-29, pour justifier non seulement son désir,
plus fort qu’aujourd’hui et évoque un bonheur extrême mais également sa déclaration à Elmire, il présente les
(on est comme enlevé par l’admiration qui vous saisit). femmes, et plus particulièrement Elmire, comme créées
• vénérer : montrer un très grand respect. par Dieu (« l’auteur de la nature ») et à son image (« Au
Expression orale plus beau des portraits où lui-même il s’est peint »). Il lui
est donc impossible de résister à cet amour divin.
9. Critères de réussite de la lecture expressive
7. Au cours de ces onze vers (v. 18-29), Tartuffe articule
• Articulation claire. discours religieux et amoureux. Dans les vers 18-19,
• Respect des liaisons. il associe le mot « amour » à la fois aux « beautés
• Ton adapté aux émotions d’Orgon.
éternelles » (beautés créées par Dieu) et aux beautés
• Respect des règles de métrique : règle du « -e » muet/
« temporelles » (les femmes), passant subtilement du
non muet en fin de mot…
• Posture corporelle adaptée. divin à la femme. Au vers 20, les « sens […] charmés »

132
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
évoquent l’amour et le désir charnel, compensés, au pareilles », « les cœurs transportés », « Et d’une ardente
vers suivant, par la référence aux « ouvrages parfaits amour sentir mon cœur atteint », « ardeur secrète ».
que le Ciel a formés ». Il déclare ensuite ouvertement C’est Cupidon qui est responsable de cet amour. Tartuffe
son amour à Elmire, « les yeux sont surpris, et les cœurs fait d’Elmire une créature de Dieu et la place au-dessus
transportés » (v. 25), qu’il légitime en faisant d’Elmire des autres femmes par l’emploi du superlatif : « Mais il
une « parfaite créature » de Dieu. étale en vous ses plus rares merveilles ».
8. Dans la dernière partie de la tirade, Tartuffe se livre Proposition d’introduction au commentaire
à une forme de chantage : son bonheur ou son malheur Auteur de comédies, Molière est un des dramaturges
dépendra de la décision d’Elmire. Le parallélisme dans les plus prolifiques du XVIIe siècle, siècle du classicisme.
la construction et l’antithèse au dernier vers (« Heureux, Avec Le Tartuffe, pièce qui sera tout d’abord censurée,
si vous voulez, malheureux, s’il vous plaît ») souligne la Molière dénonce l’hypocrisie de son temps, et plus
pression exercée par Tartuffe sur Elmire. particulièrement celle des faux dévots. Dans la scène 3
9. Erratum. Il s’agit des scènes 1 et 4 de l’acte III et non II. Cette de l’acte III, alors que Tartuffe est apparu pour la
erreur sera corrigée dans une prochaine édition. première fois dans la scène précédente, le spectateur
Ces répliques annoncent la confrontation entre Damis et découvre l’habileté de l’imposteur, qui, par un discours à
Orgon. V Lecture 4, p. 246-247 la fois galant et empreint de religion, veut séduire Elmire,
la femme d’Orgon. Nous nous demanderons quelle
Deux dernières répliques de la scène 1 de l’acte III stratégie Tartuffe emploie pour tenter de manipuler
Damis Elmire. Pour répondre à cette question, nous étudierons
Non : je veux voir, sans me mettre en courroux. d’abord la manière dont Elmire cherche à échapper
Dorine à l’emprise de Tartuffe ; dans un second temps, nous
Que vous êtes fâcheux ! Il vient. Retirez-vous. analyserons comment Tartuffe articule discours galant
Damis va se cacher dans un cabinet et discours religieux pour séduire Elmire.
qui est au fond du théâtre. Expression orale
Deux premières répliques de la scène 4 de l’acte III 11. Débat Dom Juan, Célimène et Tartuffe sont trois
Damis, sortant du cabinet où il s’était retiré. personnages qui nient ou transgressent la loi et les
Non, Madame, non : ceci doit se répandre. codes moraux en vigueur au XVIIe siècle : Dom Juan est
J’étais en cet endroit, d’où j’ai pu tout entendre ; un libertin et défie Dieu, choquant ainsi la morale des
Et la bonté du ciel m’y semble avoir conduit spectateurs ; Célimène est une coquette qui entend
Pour confondre l’orgueil d’un traître qui me nuit, profiter de la liberté que lui offre son veuvage et refuse
5 Pour m’ouvrir une voie à prendre la vengeance de s’attacher à un seul homme ; Tartuffe, enfin, est un
imposteur qui profite de l’hospitalité et de la crédulité
De son hypocrisie et de son insolence,
d’Orgon pour s’emparer de tous ses biens et tenter de
À détromper mon père, et lui mettre en plein jour
séduire sa femme. Tartuffe est-il jeune ou bien est-il un
L’âme d’un scélérat qui vous parle d’amour.
« vieillard ridicule » ?
Elmire
• Arguments en faveur d’un Tartuffe jeune et séduisant
Non, Damis : il suffit qu’il se rende plus sage, – Son assurance et son audace face aux autres person-
10 Et tâche à mériter la grâce où je m’engage.
nages (Elmire, III, 3 ; Damis, III, 6 ; Orgon, IV, 7).
Puisque je l’ai promis, ne m’en dédites pas. – Sa certitude quant à son pouvoir de séduction sur
Ce n’est point mon humeur de faire des éclats : Elmire.
Une femme se rit de sottises pareilles, • Arguments en faveur d’un Tartuffe plus âgé
Et jamais d’un mari n’en trouble les oreilles. – On imagine mal Mme Pernelle admirer un individu
jeune.
Expression écrite
– C’est un stratège accompli : le dénouement dans
10. Vers le commentaire l’acte V révèle qu’il a déjà escroqué plusieurs personnes
Proposition de problématique et est recherché par la police.
Quelle stratégie Tartuffe emploie-t-il pour tenter de
manipuler Elmire ?
L’intérêt de la scène
La scène 3 de l’acte III est essentielle, car il s’agit de la pre-
mière scène dans laquelle Tartuffe se dévoile et montre
qui il est vraiment, à savoir un faux dévot. Il utilise un
discours habile et précieux en le légitimant par la reli-
gion. La préciosité du discours repose sur les métaphores
liées à l’amour : « Ses attraits réfléchis brillent dans vos

133
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
Lecture 4 La stratégie ailleurs, plus Tartuffe dévoile, aux yeux du spectateur
et des autres personnages présents, son hypocrisie, plus
de l’imposteur p. 246- 247 Orgon le défend, l’appelant « mon frère ».
Expression orale
▶ Activités p. 247
4. Critères de réussite de la lecture à haute voix
Découverte du texte
• Articulation claire.
1. Nous sommes au début de la scène, et Tartuffe choisit • Respect des liaisons.
de s’accuser pour échapper à sa mise en accusation par • Ton adapté aux émotions d’Orgon et de Damis.
Damis. Sa première tirade s’ouvre sur un « Oui », don- • Respect des règles de métrique : règle du « -e » muet/
nant l’impression qu’il est prêt à accepter les accusations non muet en fin de mot…
formulées à son encontre et à se confesser. Il se présente • Posture corporelle adaptée : prise en compte des
à Orgon comme « Un malheureux pécheur » (v. 3) et un didascalies et du dialogue qui soulignent la posture
dévot que Dieu met à l’épreuve : « le Ciel, pour ma puni- de chacun des trois personnages.
tion, / Me veut mortifier » (v. 7-8). S’adressant à Damis,
il est prêt, dit-il, à se mettre « à genoux » (v. 33) pour Expression écrite
mieux se confesser. Il emploie une série de qualificatifs 5. Vers le commentaire
pour mieux s’accuser : « un méchant, un coupable / Un Proposition de plan détaillé
malheureux pécheur, tout plein d’iniquité, / Le plus grand I. L’efficacité de la stratégie de Tartuffe
scélérat » (v. 2-4). 1. L’auto-accusation
2. Dans cette scène, Tartuffe est en mauvaise posture, Tartuffe s’accuse pour échapper à la mise en accusation
car un témoin, Damis, a assisté aux avances qu’il a faites par Damis.
à Elmire. Sa stratégie, qui consiste à s’accuser, le sauve. à Ex. « Oui, mon frère » (v. 2) : l’ouverture de la première
Au début de la deuxième tirade de la scène, Tartuffe ne tirade de Tartuffe sur un « aveu » et une connivence.
ment pas et se présente à Orgon tel qu’il est, hypocrite : à Ex. « je les ai mérités ; / Et j’en veux à genoux souffrir
« Vous fiez-vous, mon frère, à mon extérieur ? » (v. 23). l’ignominie, / Comme une honte aux crimes de ma vie »
Pourtant Orgon ne le croira pas (s’il le croyait, son uni- (v. 32-34) : Tartuffe donne l’impression de se confesser
vers s’effondrerait). et présente l’accusation de Damis comme une épreuve
Dans le passage étudié (v. 29-34), Tartuffe s’adresse direc- divine.
tement à celui qui l’accuse, Damis ; mais cette fausse 2. L’aveu feint
confession vise en réalité Orgon, également présent. à Ex. Le recours aux hyperboles par Tartuffe pour diluer
L’hypocrisie de Tartuffe est mise en valeur par la série l’accusation afin de la rendre invraisemblable aux yeux
de termes qu’il emploie pour s’accuser : « traitez-moi d’Orgon et discréditer ainsi Damis : « je suis un méchant,
de perfide, / D’infâme, de perdu, de voleur, d’homicide » un coupable » (v. 2), « Le plus grand scélérat » (v. 4),
(v. 29-30). Cette gradation, qui mélange des vérités (l’in- « chargé de souillures » (v. 5), « amas de crimes et d’or-
famie et la perfidie du faux dévot) et des propos qui dures » (v. 6).
semblent outranciers (l’accusation d’homicide), donne à Ex. Dans la première partie de la scène, les deux lon-
l’impression que Tartuffe est sincère. Il présente cette gues tirades d’aveu de Tartuffe sont également un moyen
accusation comme une épreuve divine sur son chemin d’empêcher Damis de parler en occupant l’espace verbal
de martyr, de saint homme : « je les ai mérités ; / Et j’en de la scène.
veux à genoux souffrir l’ignominie, / Comme une honte 3. L’impuissance de Damis
aux crimes de ma vie » (v. 32-34). Crédule et incapable de à Ex. Tartuffe fait mine de défendre Damis pour mieux
voir que Tartuffe dit la vérité, Orgon prendra immédiate- disqualifier sa parole : « ne vous emportez pas » (v. 40),
ment sa défense. « Laissez-le en paix. S’il faut, à deux genoux, / vous
3. Orgon est incapable de voir et d’accepter la vérité sur demander sa grâce… » (v. 43-44). Ces propos hypocrites
Tartuffe (à savoir son hypocrisie), même lorsqu’elle sort décuplent la colère d’Orgon contre son fils : « Ingrat ! »
de sa bouche, tant sa fascination pour lui est grande. La (v. 43), « Coquin ! vois sa bonté ! » (v. 45).
première question d’Orgon (v. 1) annonce qu’il met en à Ex. Orgon interrompt Damis chaque fois que celui-ci
doute l’accusation de Damis contre Tartuffe et, à chaque veut dénoncer Tartuffe, ce que manifestent les points de
tentative d’accusation de Tartuffe par son fils, il inter- suspension : « Quoi ! la feinte douceur de cette âme hypo-
rompt plus brutalement ce dernier : « Ah ! traître » (v. 15), crite / Vous fera démentir… ? » (v. 17-18), « Quoi ? ses
« Tais-toi » (v. 18, 37, 38), « Paix » (v. 45, deux occurrences). discours vous séduiront au point… » (v. 36), « Il peut… »,
Il va jusqu’à le déshériter (v. 67). Orgon est victime de « J’enrage. Quoi ? je passe… » (v. 38), « Donc… », « Quoi ?
la connivence hypocrite de Tartuffe, qui lui donne du je… » (v. 45). Ces quelques relevés montrent que l’espace
« mon frère » (v. 2) et le choisit contre sa famille : il dés- de Damis, dans le discours, diminue jusqu’à se réduire à
hérite son fils et se choisit un soi-disant « frère ». Par des bribes de phrase.

134
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
II. Un conflit familial violent 3. Les éléments comiques de la scène
1. Les jeux de scène à travers les didascalies
Comique • Les répétitions d’Orgon :
à Ex. Les didascalies concernent toutes Orgon, à une de mot « Et Tartuffe ? », « Le pauvre homme ! ».
exception près. L’alternance répétée de « À Tartuffe »,
« À son fils » (parfois au sein d’une même réplique) crée Comique • Orgon se détourne très rapidement de
un effet mécanique et comique car elle montre Orgon de geste Cléante, qui l’accueille chaleureusement,
pour s’inquiéter de Tartuffe.
comme une marionnette ridicule et affolée.
2. Le crescendo de la violence Comique • Dorine décrit, en parallèle, l’état d’Elmire,
Orgon s’emporte contre son fils. de qui se dégrade, et celui de Tartuffe qui, au
à Ex. Dans la première partie de l’extrait, après avoir situation contraire, s’améliore.
cherché à le faire taire (« Tais-toi », v. 18, 37, 38), Orgon • La réaction d’Orgon qui s’inquiète de
menace son fils : « Si tu dis un seul mot, je te romprai les Tartuffe, qui est en bonne santé, et reste
indifférent aux douleurs de sa femme
bras » (v. 39).
durant sa fièvre.
à Ex. Dans la seconde partie, face à la résistance de
Damis quant à la décision d’Orgon de marier Tartuffe et Comique • Dorine ironise quand elle constate
Mariane, il menace physiquement son fils (« Un bâton ! de qu’Orgon ne s’intéresse pas à l’état
un bâton », v. 63), puis le déshérite. caractère fiévreux d’Elmire mais s’inquiète pour le
bien portant Tartuffe :
« Pour réparer le sang qu’avait perdu
madame, / But, à son déjeuner, quatre
grands coups de vin ». (v. 32-33)
Atelier Commentaire guidé • Orgon est tout à fait sourd aux propos de
Dorine concernant l’état de sa femme ; il
p. 248-249 est obsédé par Tartuffe. Il est ridicule, car
il plaint un homme en bonne santé et ne
▶ Activités p. 249 saisit pas l’ironie de Dorine.

Étape 1 4. a. Le récit de Dorine représente Tartuffe comme un


1. a. Tableau personnage repoussant, presque animal, « Gros et gras »,
« la bouche vermeille » (v. 12). Il s’empiffre devant Elmire
Qui ? • Molière
(« Il soupa, lui tout seul, devant elle / Et fort dévotement
Quand ? • 1669 il mangea deux perdrix, / Avec une moitié de gigot en
• Mouvement du classicisme. hachis », v. 16-18, « But, à son déjeuner, quatre grands
V Histoire littéraire, p. 32 coups de vin », v. 33). Dorine montre également l’égoïsme
• Règne de Louis XIV, qui a alors 29 ans.
de Tartuffe car, tandis qu’Elmire souffre, il mange et dort
Quoi ? • Thème de l’hypocrisie, notamment en toute sérénité : « Il soupa, lui tout seul, devant elle »
celle des faux dévots. (v. 16), « Où sans trouble il dormit jusques au lende-
• Orgon, un riche bourgeois, a installé main » (v. 26).
Tartuffe, un faux dévot, chez lui, contre
b. Le récit des actes de Tartuffe est mis en parallèle avec
l’avis de sa famille.
la maladie d’Elmire, pour mieux souligner l’égoïsme du
Comment ? • Le Tartuffe est une comédie. personnage. Les répliques de Dorine se répondent deux à
• On relève plusieurs types de comique deux, opposant l’état d’Elmire à la conduite de Tartuffe :
dans l’extrait. V activité 3, infra • « Madame eut avant-hier la fièvre jusqu’au soir, / Avec
Pourquoi ? • Orgon manifeste déjà sa fascination un mal de tête étrange à concevoir » (v. 9-10)
pour Tartuffe. à « Tartuffe ? Il se porte à merveille, / Gros et gras, le
b. Le texte est extrait de l’acte I, scène 4 : le spectateur teint frais, et la bouche vermeille » (v. 11-12).
découvre Orgon et son aveuglement pour Tartuffe. • « Le soir, elle eut un grand dégoût […] était encor
cruelle ! » (v. 13-15)
Étape 2 à « Il soupa […] gigot en hâchis » (v. 16-18).
2. a. Les personnages de cette scène sont Orgon, Cléante • « La nuit se passa […] il nous fallut veiller » (v. 19-22)
(le frère d’Elmire) et Dorine (la servante). Le spectateur à « Pressé d’un sommeil agréable […] jusques au len-
ne connaît que Cléante et Dorine. demain » (v. 23-26).
b. Malgré sa tentative, Cléante ne parvient pas à dia- • « À la fin […] tout aussitôt » (v. 27-29)
loguer avec Orgon, qui exige des nouvelles de Tartuffe. Il à « Il reprit courage […] quatre grands coups de vin »
s’agit donc d’un dialogue entre Dorine et Orgon. Cléante (v. 30-33).
observe l’échange et en parlera avec Orgon à la scène c. Face à la réaction d’Orgon qui, malgré les mauvaises
suivante. nouvelles concernant sa femme, s’enquiert uniquement

135
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
de Tartuffe, Dorine décrit ce dernier avec ironie ; l’adverbe Proposition d’une partie de commentaire rédigée
« dévotement », renforcé par l’adverbe « fort » (v. 17), V Plan I.2., supra
contraste avec sa gloutonnerie. La phrase « Il reprit cou- Répondant aux questions pressantes d’Orgon, Dorine
rage […] quatre grands coups de vin » (v. 30-33) souligne décrit le comportement de Tartuffe pendant la maladie
par contraste l’état d’Elmire qui a subi une saignée. d’Elmire. Le récit de Dorine représente Tartuffe comme
d. On relève une progression dans l’ironie de Dorine, qui un personnage repoussant, presque animal : « Gros et
cherche à faire réagir Orgon sur l’état de santé d’Elmire. gras », « la bouche vermeille » (v. 12). Au vers 12, l’énu-
Face à son absence d’intérêt pour sa femme, la dernière mération renforce la dimension caricaturale du portrait,
réplique de Dorine est une antiphrase à la fois ironique charge satirique contre Tartuffe. Il s’empiffre devant
et amère : « Et je vais à madame annoncer par avance / Elmire (« Il soupa, lui tout seul, devant elle / Et fort dévo-
La part que vous prenez à sa convalescence » (v. 35-36). tement il mangea deux perdrix, / Avec une moitié de
5. a. Alors que Dorine décrit à Orgon un Tartuffe glou- gigot en hachis », v. 16-18, « But, à son déjeuner, quatre
ton, égoïste, le premier reste aveugle à son hypocrisie. grands coups de vin », v. 33). Dorine montre également
L’indifférence d’Orgon à l’égard de sa femme qui souffre l’égoïsme du faux dévot, car, tandis qu’Elmire souffre, il
laisse au spectateur l’image d’un mari indigne. mange et dort en toute sérénité : « Il soupa, lui tout seul,
b. Dans cette scène, Orgon réagit comme si Tartuffe devant elle » (v. 16), « Où sans trouble il dormit jusques
faisait partie de sa famille proche. Il a choisi Tartuffe au au lendemain » (v. 26). Les éléments du portrait de Tar-
détriment de sa famille et est obsédé par lui. tuffe par Dorine renvoient à la satisfaction des besoins
corporels (manger, boire, dormir), en complète contradic-
6. Cette scène fait partie de l’exposition de la pièce car,
tion avec les enseignements religieux.
d’une part, Orgon apparaît pour la première fois, et le
spectateur découvre sa fascination pour Tartuffe. D’autre
part, le portrait de Tartuffe, commencé dès la scène 1 par
l’entourage d’Orgon, s’étoffe dans cette scène avec ce
qu’en dit Dorine.
Atelier Comparaison de trois
Étape 3
mises en scène p. 250-251
7. Proposition de plan détaillé
I. La fonction de Dorine
1. Donner des nouvelles du foyer
▶ Activités p. 251

2. Révéler, de manière comique, le vrai caractère de Étape 1


Tartuffe 1. La scène 5 de l’acte IV a un double enjeu : faire tom-
II. L’obsession et la folie d’Orgon ber le masque de Tartuffe et obliger Orgon à voir qui
1. Son aveuglement pour Tartuffe est vraiment le faux dévot. Grâce au stratagème d’Elmire,
2. Un personnage transformé en marionnette Orgon finira par sortir de son aveuglement.
III. Un dialogue de sourds Propositions de titre
1. Orgon sourd aux propos de Dorine • Le masque tombe
2. Une ironie de plus en plus féroce dans les propos de • L’hypocrite démasqué
Dorine
2. Elmire est contrainte de demander à Orgon de se
Étape 4 cacher sous la table, car ce dernier est aveugle à l’hy-
8. Proposition d’introduction rédigée pocrisie de Tartuffe. Comme le dit le metteur en scène
Auteur de comédies, Molière est un des dramaturges Luc Bondy : « Il est victime d’une obsession. » Orgon ne
les plus prolifiques du XVIIe siècle, siècle du classicisme. croit ni Damis quand il dénonce le faux dévot, ni Tartuffe
Avec Le Tartuffe, qui sera tout d’abord censuré, Molière lorsqu’il avoue ses forfaits à la scène 6 de l’acte III. Elmire
dénonce l’hypocrisie de son temps, et plus particuliè- doit lui montrer qui est Tartuffe pour le convaincre.
rement celle des faux dévots. Dans la scène 4 de l’acte 3. Recherches
I, le spectateur découvre Orgon et son obsession pour D’autres scènes à témoin caché au théâtre
Tartuffe. En effet, tandis que Dorine lui donne des nou- • Le Mariage de Figaro (1778) de Beaumarchais
velles d’Elmire, son épouse, qui a été malade pendant Chérubin, dans la scène 8 de l’acte I, se cache derrière
son absence, Orgon ne se préoccupe que de Tartuffe, un fauteuil pour ne pas être vu par le comte, et entend
qui est en parfaite santé. Nous allons étudier comment ce que ce dernier dit à Suzanne. Puis le comte se cache
cette scène comique complète la présentation du couple à son tour pour ne pas être vu par Basile qui arrive chez
Orgon-Tartuffe. La fonction de Dorine fera l’objet d’une Suzanne. V photographie, p. 289
première partie, puis nous analyserons comment se • L’Illusion comique (1635) de Corneille
manifeste l’obsession d’Orgon pour Tartuffe et, enfin, Grâce aux pouvoirs magiques d’Alcandre, Pridamant
nous verrons que cette scène est un dialogue de sourds. devient spectateur de la vie de son fils, Clindor.

136
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
• Britannicus (1669) de Racine Étape 3
Néron a ordonné à Junie de rompre avec Britannicus dans 6. Critères de réussite de l’analyse
un entretien, qu’il observe caché dans la scène 6 de l’acte II.
V Lecture 3, p. 268 • La description des différents éléments constitutifs
de la mise en scène est précise.
Étape 2 • L’analyse de ces éléments tient compte de l’intention
4. a. c. Éléments du décor et costumes du metteur en scène :
• L’élément commun à ces trois propositions de mise en – mise en scène ancrée dans la réalité du XVIIe siècle,
mise en scène actualisée ;
scène est la table couverte d’une nappe ou d’un drap
– espace encombré ou au contraire vide, fonctions
qui la recouvre tout entière, et sous laquelle Orgon s’est des costumes, du maquillage, dimension symbolique
caché à la demande d’Elmire, pour piéger Tartuffe. de certains éléments du décor…
• Dans le doc. 1, le décor est très dépouillé, minimal :
murs en béton, étagères vides et table recouverte d’un
drap blanc. Comme le décor, les costumes situent l’in-
trigue à notre époque. Elmire est habillée en blanc et Texte complémentaire 6
rose pâle, tandis que le noir et blanc du vêtement de
Tartuffe évoquent sa duplicité.
H. Ibsen, Une maison de poupée
Dans le doc. 2, le choix des couleurs, noir et blanc, du p. 252
décor et des costumes ancre la pièce dans l’époque
contemporaine. Ces deux couleurs pourraient également ▶ Activités p. 252
avoir une portée symbolique, représentant le double
visage, l’imposture de Tartuffe. Découverte du texte
Enfin, dans le doc. 3, le décor est assez classique et 1. Nora parle plus qu’Helmer, et la scène se termine
évoque un intérieur bourgeois du XVIIe siècle. La table, par sa tirade. En effet, elle a besoin de convaincre son
couverte de vaisselle, laisse voir qu’un repas a eu lieu. Le mari qu’elle le quitte, alors qu’il n’y croit pas. C’est aussi,
grand crucifix, accroché au milieu du mur, frappe par sa pour Nora, une façon de prendre son autonomie que de
démesure et souligne l’ascendant pris par Tartuffe sur prendre toute la parole, de finalement parler sans don-
Orgon, dans sa maison. Le costume d’Elmire renvoie à ner prise à une réaction de son mari, sans lui laisser la
sa classe sociale – la bourgeoisie –, tandis que celui de possibilité de répondre.
Tartuffe évoque le prêtre. 2. Les phrases exclamatives et interrogatives d’Helmer
b. Choix des comédiens montrent d’abord sa stupéfaction (« Qu’est-ce que tu
Dans les docs 1 et 2, les comédiens sont jeunes, alors viens de dire ? », l. 4), puis sa colère (« Je te l’interdis ! »,
que, dans le doc. 3, le comédien qui incarne Tartuffe est l. 10) et son incompréhension (« c’est révoltant ! », l. 21).
plus âgé, renvoyant à une image plus traditionnelle du
3. À travers ce dialogue, Ibsen cherche à dénoncer la
personnage de Tartuffe. V activité 11, p. 245
condition des femmes au XIXe siècle, réduites à leurs rôles
d. Attitudes de Tartuffe et d’Elmire
d’épouse et de mère et dépendantes de leur mari (« C’est
• Dans le doc. 1, la concupiscence de Tartuffe se manifeste
là que je trouverai le plus facilement un moyen de subve-
ouvertement : c’est une scène de viol qui est montrée par
nir à mes besoins », l. 14-15).
le metteur en scène. Elmire est coincée et terrorisée par
Tartuffe. Dans les docs 2 et 3, Elmire et Tartuffe discutent,
mais, dans le doc. 2, Elmire semble méfiante, sur le qui-
vive. Dans le doc. 3, elle est souriante, cherchant à pousser Texte complémentaire 7
Tartuffe à se dévoiler (nous sommes au début de la scène).
• Pour les deux metteurs en scène, Tartuffe est un pré-
J. Anouilh, Antigone p. 253
dateur. Dans les docs 1 et 2, Elmire n’a pas besoin de
séduire Tartuffe pour qu’il l’approche, la touche, car elle
▶ Activités p. 253

sait qu’il le fera de lui-même. Dans le doc. 3, Elmire tend Découverte du texte
un piège à Tartuffe en minaudant, l’obligeant à tomber 1. Antigone et sa sœur Ismène se disputent au sujet de
son masque de dévot. la sépulture de leur frère, Polynice. Antigone veut enter-
5. Critères de réussite de l’explication rer son frère, contre l’ordre du roi Créon, son oncle, et
Ismène l’implore de ne pas le faire.
• Faire le lien, de manière explicite, entre le texte (IV, 5)
et la mise en scène choisie. 2. Ismène, l’aînée des deux sœurs, veut obéir à Créon car,
• Montrer ce que la mise en scène choisie met en roi de Thèbes, il est le plus fort, et le peuple le soutient :
valeur et son efficacité. « Et ils pensent tous comme lui dans la ville » (l. 36), « Ils
• Préciser l’effet provoqué sur le spectateur par cette nous hueront » (l. 40). Ismène ne veut pas souffrir : « Oh !
mise en scène : dégoût, frayeur, colère… je ne peux pas, je ne peux pas… » (l. 68).

137
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
3. Antigone refuse de se plier à la loi édictée par son trouve la maison de famille, dont elle est propriétaire.
oncle, alors qu’Ismène tente de comprendre la décision Elle déclare qu’elle a l’intention de s’y installer avec ses
de Créon : « je comprends un peu notre oncle » (l. 7-8). enfants, mais Adrien, qui y vit, y est hostile.
Antigone rappelle qu’enfant elle devait obéir, ce qu’elle ne 2. L’échange entre Mathilde et Adrien est tendu, ils
veut plus faire : « Il fallait comprendre qu’on ne peut pas parlent avec amertume et éprouvent de la colère l’un
toucher à l’eau, […] qu’on ne doit pas manger tout à la contre l’autre, bien qu’ils ne se soient pas vus depuis
fois » (l. 22-26). Elle est jeune, veut être libre de ses actes longtemps. Ils s’expriment avec une certaine ironie :
(« Je comprendrai quand je serai vieille », l. 32-33), ce qui « J’ai pris l’habitude de ne plus me chamailler pendant
l’oppose à l’attitude raisonnable d’Ismène, dans son rôle les quinze années de ton absence, et ce serait dur de s’y
d’aînée (« j’ai bien réfléchi […] Je suis l’aînée », l. 1-2). remettre » (l. 3-5), « Et si l’âge t’a calmé » (l. 6).
3. Adrien semble dominer la scène car il est « en haut de
l’escalier », comme l’indique la didascalie initiale. Pour-
Texte complémentaire 8 tant, c’est Mathilde qui affirme son intention de rester et
lui rappelle qu’elle est l’aînée (« mon petit frère », l. 27).
E. Ionesco, La Cantatrice chauve
p. 254

▶ Activités p. 254
Texte complémentaire 10
Découverte du texte
Y. Reza, Conversations
1. a. L’absurde dans ce dialogue repose tout d’abord sur après un enterrement p. 256
le fait que certains propos n’ont pas de sens : « Et quand
n’y a-t-il pas de concurrence ? – Le mardi, le jeudi et le ▶ Activités p. 256
mardi » (l. 10-11). Par ailleurs, le dialogue ne progresse
Découverte du texte
pas, notamment quand M. et Mme Smith disent la
même chose : l. 21-23 et l. 24-25, alors que la conjonction 1. Alex s’adresse à son père qui est mort. Il règle ses
de coordination « Mais » (l. 24), au début de la tirade de comptes avec lui (« tu peux pas gueuler. Maintenant c’est
M. Smith, laisse penser qu’il va contredire sa femme. moi qui gueule tout seul », l. 2-3, « À douze ans tu m’as
b. Les spectateurs sont d’abord décontenancés par ce giflé », l. 5, « tu ne m’as même pas dit », l. 7), s’adresse
dialogue absurde, puis amusés. à lui au présent (« Tu es obligé de m’écouter », l. 1) et
emploie l’impératif, comme s’il était encore vivant.
2. Malgré l’incohérence des propos, il s’agit bien d’une
scène de dispute entre époux. Tout d’abord, chacun réagit 2. On éprouve de la compassion pour Alex, qui ne s’est pas
vivement à ce que dit l’autre : « Tu dis ça pour m’humi- remis de ce conflit avec son père et continue d’en souffrir,
lier ? » (l. 19, la réplique étant précédée de la didascalie impuissant : « Maintenant c’est moi qui gueule tout seul
« offensée »), « Les hommes sont tous pareils ! » (l. 21), […] j’ai l’impression d’être un petit vieillard » (l. 2-4). Mais
« Mais qu’est-ce que tu dirais […] ? » (l. 24). De plus, à la scène a également une dimension comique, en raison
la fin de l’extrait, une tentative de réconciliation opérée des propos tenus par Alex : « t’as les narines pleines de
par M. Smith répond au schéma classique de la dispute : terre » (l. 1-2), « je m’agite comme un roquet » (l. 4).
« Oh ! mon petit poulet rôti […] ! Viens, nous allons
éteindre et nous allons faire dodo ! » (l. 33-40).
Questions d’ensemble p. 256

Texte complémentaire 9 • Les textes d’Ibsen et d’Anouilh font réfléchir, le premier


sur la condition et l’émancipation des femmes, le second
B.-M. Koltès, Le Retour au désert sur la notion de liberté. Antigone, dans son obstination
p. 255 à vouloir enterrer son frère, nous émeut également. La
première scène de La Cantatrice chauve donne le ton
▶ Activités p. 255 absurde de la pièce et repose sur le comique. L’extrait
du Retour au désert caractérise les personnages, expose
Découverte du texte leurs liens et leur histoire personnelle. Enfin, le mono-
1. Mathilde et Adrien sont frère et sœur et ont une rela- logue d’Alex nous touche et donne le ton.
tion conflictuelle (« J’ai pris l’habitude de ne plus me • Les cinq extraits du corpus se situent entre la fin du
chamailler pendant les quinze années de ton absence », XIXe siècle et la fin du XXe siècle. Ils ont une dimension
l. 3-4). On apprend qu’après avoir vécu en Algérie où elle comique et une dimension tragique. Le tragique repose sur
a connu la guerre, Mathilde revient dans la ville où se le sérieux des thèmes : le désir de liberté et d’émancipation

138
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
chez Ibsen et Anouilh, la difficulté de communiquer entre Synthèse p. 258-259
les individus chez Ionesco, la violence des liens familiaux
chez Koltès et Reza, chez qui s’ajoute le contexte de l’en-
terrement. Pourtant, les cinq textes ont également une
▶ À construire p. 258

dimension comique. Chez Ibsen, c’est l’incrédulité d’Hel- Étape 1


mer, figé dans ses représentations archaïques, qui est ridi- 1. Recherche Molière s’est inspiré de quelques auteurs
cule. Dans Antigone, le comique réside dans la description, de l’Antiquité grecque ou latine. Certaines de ses comé-
par Ismène, des gardes comme des animaux (« leurs têtes dies sont des adaptations de pièces du théâtre antique.
d’imbéciles, congestionnés », l. 44-45, « leur regard de Amphitryon reprend l’Amphitryon de Plaute, L’Avare est
bœuf », l. 46). Chez Ionesco, c’est l’absurdité des répliques une adaptation de l’Aulularia (La Marmite). Psyché
qui est comique. Enfin, si, dans le dialogue chez Koltès, reprend un passage des Métamorphoses d’Apulée. Les
le registre ironique domine, chez Reza, c’est la dérision adaptations sont parfois partielles. Il emprunte, par
avec laquelle Alex parle de lui-même qui est touchante exemple, quelques éléments des Adelphes de Térence,
et comique. pour L’École des maris ; Les Fourberies de Scapin
reprennent la structure du Phormion de Térence.
2. Erratum. Faire lire les trois (et non un seul) Placets au roi rédigés
Lecture cursive par Molière. Cette erreur sera corrigée dans une prochaine édition.
Lettre de placet : demande écrite adressée au roi pour
Eugène Ionesco, La Leçon p. 257
obtenir une faveur, une grâce, un soutien, une justice.
Arguments dans les deux préfaces et les placets
▶ Activités p. 257
• Molière a écrit Le Tartuffe de bonne foi.
• L’emprise du professeur sur l’élève se manifeste par • Dans sa pièce, il a distingué vrai dévot et faux dévot :
le recours aux impératifs : « sachez-le » (l. 1), « souve- le spectateur ne pourra pas se tromper sur la vraie cible.
nez-vous-en » (l. 2), « N’étalez donc pas » (l. 9), « Écou- • La comédie est un genre élevé, elle a pour origine la
tez » (l. 10), « Taisez-vous. Restez assise, n’interrompez religion.
pas… » (l. 19-20), et par le fait qu’il parle de plus en plus. • La comédie a pour vocation de corriger les mœurs en
Au début de la scène, l’élève interrompt le professeur tournant en ridicule les vices humains.
mais, à partir de la ligne 19, le professeur accapare la 3. Dans Le Tartuffe, Molière cherche à dénoncer l’hypo-
parole dans une longue tirade. crisie des faux dévots, mais aussi à tourner en dérision
La supériorité du professeur est encore renforcée par la ceux et celles qui se laissent aveugler par ces derniers.
différence d’âge (la didascalie initiale précise que le pro- Dans cette comédie, le spectateur suit le long chemine-
fesseur a « 50 à 60 ans », alors que l’élève a 18 ans). ment d’Orgon vers la révélation, la prise de conscience
• Marie, la bonne, intervient peu dans la pièce. À chaque de son incrédulité face à l’hypocrisie de Tartuffe.
intervention, elle donne des conseils au professeur et le 4. Critères de réussite de la réponse
met en garde : « Excusez-moi monsieur, faites attention,
• Capacité à faire des liens entre les personnages types
je vous recommande le calme », « C’est bien, monsieur,
que sont Tartuffe et Orgon et des personnes actuelles.
Vous ne direz pas que je ne vous ai pas averti » et le
• Capacité à circonscrire la réflexion au thème de
réprimande. Après chacune de ses interventions, l’auto- l’hypocrisie, mais en l’élargissant à d’autres champs
rité, puis la violence du professeur sont plus manifestes. (politique, médiatique…) que celui de la religion.
Ses interventions soulignent donc la montée de l’inten-
sité dramatique et structurent la pièce qui ne comporte Étape 2
ni acte ni scène. Expression orale
• La fin de la pièce est à la fois tragique et comique : le 5. Critères de réussite de la présentation
tragique repose sur le meurtre de l’élève et le brassard
Diaporama
avec la croix gammée que la bonne remet au profes-
• Pertinence des supports.
seur ; le comique est grinçant et repose sur l’outrance de • Les commentaires des supports ne sont pas de
la situation, puisqu’une nouvelle élève est attendue et simples descriptions.
subira, sans doute, le même sort. Oral
• Critères de réussite de l’association de citations aux • Respect du temps imparti par diapositive.
personnages • Pas de lecture des notes.
• Articulation claire.
• Choix qui montrent que le caractère des personnages • Respect des liaisons.
et l’intention du dramaturge ont été compris. • Posture corporelle adaptée : regarder le groupe classe,
• Justifications qui font les liens avec la pièce. se tenir droit(e)…

139
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
6. a. b. Propositions de questions Étape 3
Une maison de poupée Expression orale
• Quelles sont les revendications de Nora ? 7. Débat Orgon se croit hors d’atteinte et tout-puissant.
à Elle veut être indépendante de son mari et s’émanci- Il est le père de famille et exerce son pouvoir de façon
per du rôle traditionnellement dévolu aux femmes. autoritaire, et ce d’autant plus qu’il est sous l’influence
• Les arguments d’Helmer sont-ils convaincants ? de Tartuffe. C’est le cas de la scène 1 de l’acte II, où il
à Helmer n’est pas convaincant : au début de la scène, il apprend à sa fille Mariane qu’elle va épouser Tartuffe.
se contente de réagir brutalement, puis il utilise des argu- Dorine cherche à le dissuader (scène 2), mais Orgon
ments dépassés, qui représentent pour Nora des raisons de refuse de se laisser infléchir. Dans l’acte III, scène 6, il
le quitter : « Quitter ton foyer, ton mari et tes enfants ! » manifeste sa toute-puissance de père en déshéritant
(l. 18), « Tu es avant tout épouse et mère » (l. 28). Damis. Il reste également inflexible quand Mariane lui
Antigone dit qu’elle ne veut pas épouser Tartuffe (IV, 3).
• En quoi Ismène et Antigone sont-elles opposées ? Tartuffe, dès la scène 3 de l’acte III, se sent invulnérable
à Ismène agit d’une façon qui paraît raisonnable, en et fait une cour pressante à Elmire. Dans la scène 6 du
formulant des arguments concrets et qui devraient même acte, malgré le témoignage de Damis, il abuse
convaincre (« Il est plus fort que nous », l. 35, « Ils nous encore Orgon. Dans la scène 5 de l’acte IV, il cherche à
hueront », l. 40), alors qu’Antigone revendique sa liberté convaincre Elmire de devenir sa maîtresse. Dans la der-
et agit de manière impulsive. nière scène de la pièce, certain de son bon droit et gardant
• Qui a le dessus à la fin de cette scène ? son ton faussement dévot, il affirme avoir dénoncé Orgon
à Ismène avance des arguments convaincants, mais pour « l’intérêt du Prince ». L’imposteur devient domina-
Antigone, par son refus d’écouter sa sœur, de respecter teur face aux réticences d’Orgon et de sa famille.
la loi malgré le risque de mourir, est plus forte qu’elle. Expression écrite
La Cantatrice chauve 8. Vers la dissertation
• Qu’est-ce qui déclenche la dispute entre les deux Problématique Le Tartuffe est-il trop profondément
personnages ? humain pour nous faire rire ?
à Ils se disputent parce que M. Smith trouve les ques- Proposition de plan détaillé de dissertation
tions de sa femme « idiotes » (l. 18). I. Le Tartuffe a une dimension humaine indéniable.
• En quoi cette scène est-elle la parodie d’une scène de 1. Des personnages touchants dans lesquels le specta-
dispute traditionnelle ? teur peut se reconnaître.
à L’absurdité des propos échangés montre l’intention de à Ex. Elmire est obligée de trouver un stratagème pour
Ionesco de parodier la scène de dispute traditionnelle. convaincre son mari de l’hypocrisie de Tartuffe (IV, 5, 6) ;
Le Retour au désert Cléante incarne l’honnête homme ; Damis, chassé par
• Quel est le motif de dispute entre Mathilde et Adrien ? son père, revient à l’acte V, prêt à l’aider.
à L’intention de Mathilde de s’installer dans la maison 2. Des éléments d’intrigue proches de la réalité et que le
de famille dans laquelle Adrien vit déclenche la dispute. spectateur est susceptible de reconnaître.
• Comment se manifeste la révolte de Mathilde ? à Ex. La tyrannie d’un père à l’égard de sa fille (II, 1) ;
à Dès sa première réplique, Mathilde déclare son Orgon déshérite et chasse son fils, Damis (III, 6) ; la dupe-
« énervement » (l. 9) ; dans la deuxième, elle évoque sa rie et l’hypocrisie de Tartuffe.
« rancune » (l. 19) et parle à Adrien de façon ironique II. Pourtant, l’objectif d’une comédie est de faire rire.
(« Quelles racines ? Je ne suis pas une salade », l. 14, 1. Des personnages types, proches de la caricature.
« mon cher Adrien », l. 15, « mon vieil Adrien », l. 35). à Ex. Mme Pernelle, personnage de la dévote ; Dorine,
Conversations après un enterrement la servante de comédie prête à aider les amoureux.
• En quoi Alex est-il touchant ? 2. Des situations comiques.
à Il est touchant, car sa révolte contre son père mort à Ex. Orgon caché sous la table (IV, 5).
semble vaine : « j’ai l’impression d’être un petit vieillard. III. Il y a la distance du théâtre entre l’intrigue
Je gueule, je m’agite comme un roquet » (l. 3-4). et le spectateur, même si ce dernier est touché.
• Quel décalage peut-on relever entre les didascalies et le 1. Les procédés du texte.
début du monologue d’Alex ? à Ex. Le comique de mot et de situation : Orgon trans-
Dans les didascalies, Alex a l’air calme, voire serein. Le formé en marionnette comique (répétitions : « Et Tar-
lecteur peut même penser qu’il va méditer sur la tombe tuffe ? », « Le pauvre homme ! »), l’ironie de Dorine (I, 4).
de son père (« Il regarde le sol un long moment. Enfin il 2. L’importance de la mise en scène.
s’accroupit. Un temps »). Or, dès le début du monologue, à Ex. La mise en scène de Braunschweig : malgré l’an-
il interpelle brutalement son père (« Écoute-moi papa », crage dans l’époque contemporaine (costumes, décors…),
l. 1, « t’as les narines pleines de terre », l. 1-2) et le met au la vraisemblance de certaines situations (scène de
défi de parler (« tu peux pas gueuler », l. 2). viol, IV, 5), les choix du metteur en scène soulignent la
théâtralité : le décor semble s’enfoncer dans le sol (IV, 6).

140
CHAPITRE 9 • Molière, Le Tartuffe ou l’Imposteur
10
CHAPITRE

Jean Racine, Britannicus (1669)


Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant Quatre extraits de Britannicus
lieu à une • Lecture 1 : La scène d’exposition : le conflit mère-fils, p. 264-265
analyse détaillée • Lecture 2 : La naissance d’une passion dévorante, p. 266-267
• Lecture 3 : La scène à témoin caché : des paroles à double sens, p. 268-269
• Lecture 4 : Quand la mère et le fils se déchirent, p. 270-271
Lectures • Roland Barthes, Sur Racine (extrait sur l’espace tragique), p. 265
complémentaires • Article à propos de Britannicus, p. 272
• Jean Racine, extraits des Première et Seconde Préfaces de Britannicus, p. 263, 272
• Entretien avec Gildas Bourdet, p. 274 ; avec Stéphane Braunschweig, p. 274
Moments de • Valeur des temps verbaux, p. 265
grammaire • Adjectifs et subordonnées relatives, p. 267
• Ponctuation, p. 269
• Pronoms personnels, p. 271
Écrits • Réaliser une fiche ou une carte mentale pour présenter la pièce, p. 262
d’appropriation • Rédiger une note pour une actrice, p. 265 ; un texte destiné à promouvoir une pièce, p. 279
• Écrire une lettre, p. 271 ; une note d’intention, p. 275
• Atelier : imaginer une mise en scène, p. 274-275
Écrits vers le bac Commentaire de texte Dissertation
• Vers le commentaire, p. 267 • Atelier : dissertation guidée, p. 272-273
• Rédaction d’un paragraphe d’analyse, p. 269 • Dissertation, p. 280
Exercices d’oral • Mise en voix, lecture, p. 267, 279
• Comparaison de textes, p. 269
Exercices • Questions Au fil de l’œuvre, p. 263
de confrontation • Comparaison de deux extraits, p. 269
ou de synthèse • Synthèse, p. 280-281
Travaux de • Les personnages historiques principaux, p. 261, 263
recherche • Iconographies sur les personnages, p. 263
• Les mots du théâtre grec, p. 276
• L’Hôtel de Bourgogne, p. 277
• Les mots du théâtre à l’italienne, p. 278
Lectures • Analyse d’une affiche, p. 261, 280
d’images • Analyse d’un dispositif scénographique, p. 265
ou de films • Eugène Delacroix, Portrait du comédien Talma interprétant Néron, p. 267
Prolongement artistique et culturel • Évolution du lieu théâtral
• Photographie du théâtre d’Épidaure, p. 276
• Pieter Balten, La Foire paysanne, p. 276
• Une parade au théâtre de la foire Saint-Laurent devant la loge de Nicolet, p. 277
• André Degaine, L’Hôtel de Bourgogne en 1647 , p. 277
• Photogramme de l’Hôtel de Bourgogne, dans Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, p. 277
• Photographie du Grand-Théâtre de Bordeaux, p. 278
Lectures cursives • Wajdi Mouawad, Assoiffés, p. 279
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 280-281

141
Après « trois ans de vertus » (acte II, scène 2, v. 462), le
OBJECTIFS DU CHAPITRE « monstre naissant » (doc. 2, l. 9, p. 263) va montrer sa
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude Le théâtre vraie nature.
du XVIIe siècle au XXIe siècle. Il permet d’aborder 2. Recherches a. On montrera ici comment Racine
l’étude de la tragédie classique tout en faisant le lien s’empare des personnages historiques pour en faire des
avec des mises en scène contemporaines. personnages de tragédie.
• On se propose donc de mettre en perspective passé • Néron (37-68)
et présent : qu’avons-nous à apprendre de cette tra- Fils d’Agrippine la Jeune et de Domitius Ænobarbus.
gédie historique ? Pourquoi est-elle encore jouée Il perd son père à trois ans. Agrippine, sa mère, épouse en
aujourd’hui ? Elle raconte la dernière journée d’un troisièmes noces son oncle, l’empereur Claudius, devenu
jeune homme assassiné quatre mois après la mort de veuf. Elle lui fait adopter et désigner comme successeur
son père. Cet assassinat marque aussi le début de la Néron, qu’elle marie à Octavie, la sœur de Britannicus.
carrière d’un monstre : Néron, jusque-là aimé de son Au début de la pièce, Néron est empereur depuis un an ;
peuple. il a dix-sept ans.
• On peut aussi faire remarquer que c’est la première " Pour Racine, qui suit en cela Tacite, Néron « a toujours
tragédie romaine de Racine : ce dernier souhaite se été un très méchant homme » (Préface de 1670). Mais, au
confronter à Corneille sur son terrain et il va peu à moment où commence la pièce, il n’a pas encore tué sa
peu imposer une nouvelle esthétique. mère ni brûlé Rome. Racine dépeint ce « monstre nais-
sant » dans son cercle privé, avec ses intimes, et notam-
• L’action correspond aux débuts de l’ascension de ment Narcisse, son mauvais génie, son âme damnée.
Néron, porté au pouvoir par sa mère, Agrippine, qui a Néron cherche à asseoir sa légitimité politique en faisant
manœuvré pour écarter Britannicus, fils de Claudius, enlever Junie, descendante d’Auguste et fiancée à Britan-
en faisant adopter Néron par l’empereur. L’histoire nicus. Il entend éliminer une menace et s’imposer contre
tisse plusieurs thématiques : la relation mère-fils, Agrippine comme seul maître de Rome : « Mais Rome
mais aussi le thème des frères ennemis. Elle propose veut un maître et non une maîtresse » V Lecture 4, p. 270-
une réflexion sur le pouvoir et la vertu. Les héros 271. Il tombe amoureux de Junie et découvre la violence
sont des adolescents. Ils ont le même âge, à peu près, de ses propres pulsions V Lecture 2, p. 266-267. Néron est
que les élèves. L’éveil à l’amour, le désir de s’affirmer donc un empereur qui veut assurer son pouvoir en élimi-
contre une mère envahissante, la rivalité entre frères, nant ses rivaux, mais aussi un fils qui veut se détacher de
l’influence des adultes (Burrhus, Narcisse) sont autant sa mère pour vivre à sa guise ses propres désirs.
de thèmes par lesquels on peut entrer dans la pièce. • Britannicus (41-55)
• On peut aussi se confronter aux sources et comparer Fils de Claudius (10 av. J.-C.-54) et de Messaline (20-48).
la pièce au livre XIII des Annales de Tacite pour voir ce Son nom évoque les victoires de Claudius en Bretagne
que Racine retient de l’histoire et comment il se plie (actuelle Grande-Bretagne).
aux goûts de son époque. Il meurt à l’âge de quatorze ans (Racine lui en donne 17).
On a très peu d’informations historiques sur lui.
" Pour Racine, c’est un personnage naïf qui se laisse
duper facilement. Il ne se doute de rien et se laisse aller à
sa joie quand Junie, au contraire, est en proie à un sombre
pressentiment (V, 1). Racine le vieillit pour en faire le rival
Ouverture p. 260-261 de Néron en amour. Junie et Britannicus sont unis par un
amour sincère ; les deux demi-frères sont opposés en tous
points. Le personnage est propre à inspirer la pitié, l’un des
▶ Activités p. 261
deux ressorts de la tragédie. Hormis Junie, il n’a que des
1. Doc. 2 La pièce se situe à Rome, dans une chambre ennemis. Narcisse, son conseiller, est un traître.
du palais de Néron. Cette chambre est en fait une • Agrippine la Jeune (16-59)
antichambre, au seuil de l’appartement de Néron. Le Arrière-petite-fille d’Auguste, fille de Germanicus et sœur
mémoire des décorateurs de l’Hôtel de Bourgogne de Caligula. Née à Cologne en 15.
mentionne : « Palais à volonté. Il faut deux portes, deux Elle arrive à Rome pour le triomphe de son père. Peu
fauteuils pour le IVe acte ; des rideaux. » Les fauteuils après, Germanicus meurt, sans doute assassiné. À treize
serviront pour la scène entre Néron et Agrippine (IV, 2) ans, elle épouse son cousin, Domitius Ænobarbus, avec
où l’on trouve la didascalie suivante : « Agrippine s’as- qui elle a un fils, Lucius Domitius, futur Néron. À la mort
seyant. » Les rideaux seront utilisés dans la scène à de Tibère (second empereur romain, après Auguste), son
témoin caché (II, 6). frère Caligula devient empereur. Elle tente de le faire
L’action se déroule en 55, l’année du meurtre de Britan- assassiner, mais il la fait exiler. À la mort de Caligula,
nicus par Néron, et marque le tournant de son règne. Claudius, son oncle, devient empereur, et elle revient à

142
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
Rome. Elle se remarie puis épouse son oncle à la mort m’avez ravie, / Si vous le souhaitez, prenez encor ma vie »
de son deuxième mari en 49. Elle fait adopter Néron par (v. 60-62, p. 270).
Claudius. En 54, Claudius meurt empoisonné, et Agrip- • Junie
pine gouverne à travers Néron, son fils. Celui-ci finira par De la famille d’Auguste. Sœur de Lucius Silanus, qui
la tuer en 59, après s’être débarrassé de Britannicus. devait épouser Octavie, mais qui se donna la mort après
" Dans la lignée de Tacite, Racine fait d’Agrippine une avoir été accusé d’inceste avec sa sœur.
mère autoritaire, dominatrice et castratrice, dont il est " Racine fait de Junie la fiancée de Britannicus, imagi-
difficile de savoir si elle aime ou si elle déteste son fils. nant ainsi une intrigue amoureuse à côté de l’intrigue
Elle cherche à régner à travers lui et considère Junie politique. C’est une jeune femme libre et fière, sincère-
comme une rivale. Cette mère monstrueuse a élevé un ment éprise de Britannicus. À l’acte V, le peuple prend
fils qui se révèle aussi monstrueux qu’elle. Elle pressent parti pour elle et favorise sa fuite hors du palais.
sa mort de manière très lucide : « J’ai fait ce que j’ai b. L’arbre généalogique de la famille impériale romaine
pu : vous régnez, c’est assez. / Avec ma liberté, que vous permet de montrer leurs liens de parenté.

La descendance (simplifiée) d’Auguste


Auguste (30 av. J.-C.-14) se marie trois fois
+ 1. Clodia pas de descendance
+ 2. Scribonia
+ 3. Livia + Tibère en 1er mariage

Julia l’Aînée + Agrippa Tibère Drusus


seule enfant
d’Auguste

Julia la Jeune + Lucius Silanus Agrippine l’Aînée + Germanicus Claudius + Messaline

Æmilia + Appius Antonia Octavie Britannicus ( 55)

Junie Caligula Agrippine la Jeune ( 59) + Domitius Ænobarbus

Nero

3. Doc. 2 On peut en effet dire que les personnages fonc- l’amour désintéressé. Elles représentent deux formes
tionnent par duos de figures opposées. opposées d’amour : l’amour captatif d’Agrippine pour
• Les frères ennemis. Néron et Britannicus Néron (Stéphane Braunschweig part d’ailleurs du prin-
Ils sont opposés en tout : l’un est vicieux, l’autre vertueux ; cipe qu’elle n’aime pas son fils V interview précédant la
l’un est seul, l’autre aimé ; l’un a le pouvoir, l’autre non ; captation de sa mise en scène, p. 274) et l’amour oblatif
l’un est le fils illégitime, l’autre le fils légitime. de Junie pour Britannicus.
• Le père de substitution et la mère abusive. Burrhus 4. La pièce a été écrite en 1669. Racine a trente ans, et sa
et Agrippine notoriété est grandissante depuis Andromaque (1667).
L’un incarne la vertu, la morale, la loi ; l’autre incarne le Avec Britannicus, il s’attaque à un sujet dont les lettrés
vice, le mensonge, la dissimulation. Tous deux ont parti- du temps raffolent et dans lequel s’est illustré Corneille
cipé à l’éducation de Néron. avec Cinna en 1641 : l’histoire romaine. Les ennemis de
• Le bon et le mauvais conseiller. Burrhus et Narcisse Racine (le parti cornélien) lui avaient reproché de ne pas
Burrhus est un tribun et soldat, qui incarne les valeurs avoir le sens de l’Histoire.
traditionnelles de la société. Narcisse est un affranchi, La première de Britannicus a lieu le 13 décembre 1669 à
un ancien esclave. Burrhus est une figure de l’honnête l’Hôtel de Bourgogne. La salle est pleine de concurrents
homme, du serviteur de l’État qui cherche à mener l’em- inamicaux, Corneille a réservé une loge pour lui tout seul.
pereur vers un pouvoir vertueux. Narcisse est un adepte C’est un échec, marqué par l’arrêt des représentations au
de Machiavel, qui flatte les bas instincts du Prince et bout de la septième. Échec d’autant plus injustifié pour
l’encourage à gouverner comme un tyran. Racine qu’il s’agit de la pièce qu’il a le plus travaillée.
• La mère abusive et l’amante sacrificielle. Agrippine L’année suivante, Racine tient sa revanche avec la publi-
et Junie cation de la pièce. Elle est jouée à la cour, et le roi donne
La sécheresse et le calcul caractérisent Agrippine, alors le signal des applaudissements ; puis c’est, toujours en
que Junie incarne la bonté, la générosité, la pureté et 1670, le triomphe de son Bérénice sur Tite et Bérénice

143
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
de Corneille. Le public a fait son choix : Racine succède titre Britannicus, qui convient mieux à la « tristesse
à Corneille, imposant une esthétique dramatique qui majestueuse » (Préface de Bérénice, 1670) de la tragédie.
délaisse la leçon politique au profit de la peinture de • Recherches Néron assassine sa mère en 59 et il serait
l’âme humaine. à l’origine de l’incendie de Rome. On peut se référer à ce
5. On fera repérer les différents codes de la tragédie et qu’en dit Tacite dans les Annales, livres XIII et XIV.
du classicisme : histoire romaine, inspiration antique
Au fil de l’œuvre p. 263
(Tacite, Suétone), personnages nobles, motifs tragiques
(frères ennemis, double fil politique et amoureux, enjeux Critères de réussite des activités
moraux, peinture pessimiste de l’âme humaine). On Résumé de la pièce
rappellera le but de la tragédie : susciter la terreur (per- • Le résumé par acte est complet et personnel.
sonnages monstrueux et imprévisibles) et la pitié (per- • L’orthographe et la syntaxe sont maîtrisées.
sonnages innocents et persécutés). On mettra en valeur Travail sur les personnages
la façon dont Racine retravaille ses modèles antiques • Les citations sont pertinentes.
en les édulcorant parfois (il n’est pas question des turpi- • L’image représente bien le personnage.
tudes sexuelles des personnages, des soupçons d’inceste • La source complète de l’image est donnée.
qui pèsent sur Néron et Agrippine, par exemple) pour se Avis personnel
plier aux bienséances classiques. • Le paragraphe est rédigé.
6. Doc. 3 L’affiche est celle de la captation de la mise • L’avis est justifié par des arguments pertinents.
en scène de Stéphane Braunschweig. Elle expose d’em- • La syntaxe et l’orthographe sont maîtrisées.
blée le parti pris de ce dernier de faire de Racine notre
contemporain. Le costume des personnages, ainsi que le
décor épuré, situe la pièce de nos jours. La pièce suscite
alors une réflexion sur le pouvoir politique aujourd’hui,
un questionnement sur les motivations intimes des déci-
sions politiques, sur l’influence de la vie privée sur la vie Lecture 1 La scène d’exposition :
publique. le confit mère-fils p. 264-265
Agrippine et Néron sont les deux personnages représen-
tés : un Néron quadragénaire et une Agrippine sexagé-
naire. Leur costume est identique : il est l’uniforme du
▶ Activités p. 265
pouvoir et fait apparaître le côté masculin, dominateur, Découverte du texte
d’Agrippine. La première lecture propose de façon très classique d’étu-
dier un extrait de la scène d’exposition. C’est l’occasion
de poser les principes de l’exposition et de découvrir les
Entrée dans l’œuvre enjeux de la tragédie. L’extrait choisi permet de mettre
en regard les points de vue d’Albine et d’Agrippine.
Jean Racine et Britannicus 1. Comme toujours chez Racine, la pièce commence au
p. 262-263 moment de la crise. C’est l’aube, Agrippine, pour voir
Néron, en est réduite à attendre à sa porte. Étonnée par
▶ Activités p. 262 ce comportement, Albine la questionne et apprend que
Néron, qui se conduisait jusque-là en fils docile et lais-
Il s’agit de donner aux élèves des repères chronologiques
sait régner sa mère à sa place, entend être le seul maître
précis et d’inscrire l’œuvre dans son contexte esthétique
de Rome : l’attaque du vers 37 mentionne ainsi la chute
et littéraire.
politique d’Agrippine, l’accumulation des compléments
circonstanciels du vers 38 mimant cette déchéance.
▶ Activités p. 263
2. Langue La tirade d’Agrippine s’ouvre sur un constat
• Les pièces de Racine portent généralement le nom du désabusé au présent d’énonciation (« Je vois mes hon-
personnage principal : Andromaque, Phèdre… Or, dans neurs croître et tomber mon crédit », v. 16), puis elle
Britannicus, il y a trois personnages principaux, qui sont évoque à l’imparfait l’époque révolue où elle était la
Agrippine, Néron, Britannicus. Certes, Racine affirme que maîtresse de Rome et faisait la loi au sénat (« J’étais
le sujet de sa tragédie est la mort de Britannicus, mais il de ce grand corps, l’âme toute puissante », v. 22). Elle
écrit aussi que sa tragédie est « la disgrâce d’Agrippine » emploie également le passé simple, temps de l’accom-
(Seconde Préface) et parle du « monstre naissant » pli, pour relater les étapes de sa disgrâce (v. 25-36) : « Il
(autant de titres possibles). Cependant, la tragédie doit m’écarta du trône où je m’allai placer » (v. 36). La tirade
susciter la terreur et la pitié et provoquer la catharsis : s’achève sur un retour à la situation présente au présent
c’est sans doute pour cette raison qu’il choisit comme d’énonciation (v. 37-40).

144
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
3. Le conflit date du jour où Néron est devenu empereur Les élèves devront également réfléchir à l’état dans
aux yeux du monde (v. 25-28). L’épisode est mis en valeur lequel se trouve Agrippine au moment où commence
par la redondance : « Ce jour, ce triste jour » (v. 25). L’em- la pièce. On peut s’appuyer sur la photographie de la
ploi des mots « gloire » et « univers » à la rime insiste mise en scène de Brigitte-Jaques Wajeman : c’est l’aube,
sur la grandeur de Néron et met en valeur l’amertume Agrippine est en pyjama, on peut imaginer qu’elle n’a
d’Agrippine face à ce qu’elle a perdu. On peut s’interro- pas dormi de la nuit, elle est furieuse. Elle se retrouve
ger sur la nature des liens qui l’unissent à Néron. C’est pour la première fois peut-être devant une porte fermée.
un combat de fauves qui se dessine. 2. Le jeu de la comédienne
4. Albine représente l’opinion du peuple de Rome La question pour le comédien est celle de l’incarnation,
(« nous », v. 3), pour qui Néron reste un empereur ver- de la construction du personnage. La mise en scène doit
tueux, déférent envers sa mère. Face à elle, Agrippine servir le texte. On attendra des élèves qu’ils réfléchissent
développe ses arguments : Néron a changé, il échappe à l’attitude d’Agrippine lorsqu’elle écoute Albine au
à sa mère, qui voit son pouvoir décliner. La fonction début de la scène, pour leur faire prendre conscience que
d’Albine, dans cette scène, est d’aiguiser la curiosité du le comédien ne joue pas seulement quand il parle.
spectateur : Agrippine se trompe-t-elle sur son fils ? Les déplacements. Il s’agit dans cet extrait de traduire
l’impatience, l’énervement, mais aussi l’inquiétude. Dif-
5. L’action débute in medias res. La scène d’exposition
férents partis pris sont possibles. Dans la mise en scène
doit fournir au spectateur les éléments nécessaires à la
de Jean-Louis Martinelli, au début de la pièce, Agrippine
compréhension de l’histoire : lieu, époque, personnages,
est assise par terre devant la porte de Néron ; on peut
action en cours, genre dramatique, tonalité. Il faut aussi
aussi imaginer une Agrippine qui fait les cent pas.
rendre la scène le plus vivante possible.
La gestuelle. De manière générale, la tragédie appelle un
L’extrait choisi commence par une réplique d’Albine, qui
jeu plutôt hiératique, statique, une certaine économie de
représente l’opinion publique. Pour les Romains, Néron
mouvements. On attirera l’attention des élèves sur le fait
est un fils attentionné, qui respecte sa mère et partage
que tous les déplacements doivent être motivés.
le pouvoir avec elle. Agrippine occupe la première place
La diction des vers. On rappellera aux élèves les règles
aux côtés de son fils : elle est honorée à l’égal de l’empe-
de diction de l’alexandrin. On pourra attirer leur atten-
reur. La réplique d’Albine montre l’étendue du pouvoir
tion sur le fait que les mots importants sont souvent à
d’Agrippine, qui tient à la fois le rôle d’épouse et de mère
des places stratégiques du vers : attaque, césure, rime.
auprès de Néron. Mais Agrippine révèle à Albine le carac-
Un metteur en scène peut choisir – ou pas – de faire
tère trompeur des apparences : Néron cherche à l’évincer
entendre la langue de Racine dans toute son étrangeté.
du pouvoir.
Les émotions. Agrippine passe par diverses émotions
Le dialogue permet d’instruire le « procès » de Néron, à
dans sa tirade : la colère, la nostalgie, le regret de sa
charge et à décharge. Il introduit aussi les thématiques
toute-puissance, la tristesse, le dépit, voire l’inquiétude.
de l’être et du paraître, de la dissimulation, du mensonge
On attend une analyse de tout ou partie de la tirade,
et de la vérité, du public et du privé, thématiques que
ainsi que des propositions concrètes pour traduire ces
l’on retrouvera dans la pièce. Le spectateur est invité à
émotions. On pourra faire remarquer la nécessité des
se méfier des signes qui peuvent se révéler trompeurs.
ruptures dans une longue tirade.
Expression écrite Ce travail gagne à être préparé en amont avec les élèves.
6. Quelques pistes pour guider le travail Il pourra être précédé d’une analyse de mise en scène
1. La fable du personnage (celle de Stéphane Braunschweig, par exemple).
On attendra des élèves une réflexion approfondie sur les
rapports de la mère et du fils, qui s’appuiera non seule- ▶ Histoire des arts p. 265
ment sur l’extrait mais aussi sur leur connaissance du Doc. 1 L’espace tragique dans Britannicus
personnage historique d’Agrippine. • Le premier lieu, non représenté sur scène, est la chambre
On pourra leur suggérer de construire la fable du person- de Néron : le lieu du pouvoir, selon Barthes. La scène se
nage (son histoire) : passe dans l’antichambre, au seuil de l’appartement de
– une jeune femme ambitieuse, qui a connu des heures Néron. On a, dans Britannicus, un deuxième lieu : la porte,
sombres et qui est prête à tout pour assurer sa position selon Barthes (l. 12-18), le seuil qu’Agrippine n’a plus le
sociale ; droit de franchir. Le troisième lieu est l’extérieur : le palais
– une mère qui s’est occupée seule de son fils (le père de de Néron. C’est un lieu dangereux où l’on arrête les jeunes
Néron meurt lorsqu’il a trois ans), qui lui est très attaché ; filles la nuit, où se trouvent l’armée, le sénat, où l’on empoi-
– une femme politique chevronnée et dangereuse (elle a sonne. On pourrait ajouter que, si l’on quitte le palais, on
empoisonné Claudius et mis Néron au pouvoir) ; peut échapper à la mort violente : Junie parvient ainsi à
– une mère qui ne comprend plus son fils, qui sent qu’il se rendre chez les Vestales. Le palais est un lieu plein de
lui échappe et qui a la ferme intention d’avoir une expli- pièges où les murs « peuvent avoir des yeux » (II, 6, v. 21,
cation décisive avec ce dernier. p. 268). L’espace participe pleinement au tragique.

145
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
• Néron interdit à sa mère l’accès à sa chambre, lieu à la 3. Néron semble prêt à tout pour assouvir ses pulsions.
fois d’intimité et de pouvoir. Il veut rompre le lien char- Il a fait enlever Junie pour des motifs politiques, puis est
nel qui l’attache à elle et lui barrer l’accès à ses pensées. tombé amoureux d’elle. Il éprouve pour elle un amour
Échapper à son influence exige de ne plus la voir (II, 2, qu’il est incapable de lui exprimer et qui prend son ori-
v. 496-510). La véhémence de Néron envers Agrippine dit gine dans la souffrance et dans les larmes. Sa confidence
en creux l’amour qu’il lui vouait jusqu’alors. à Narcisse commence par « c’en est fait », ce qui fait pen-
ser au spectateur qu’il n’y aura pas de retour en arrière
Doc. 2 Un dispositif scénographique
possible et que l’enlèvement de Junie est le premier des
• Jean-Louis Martinelli a fait le choix d’un dispositif innombrables forfaits de Néron.
épuré qui évoque la cour intérieure d’un palais romain,
4. Talma est un très grand acteur du XIXe siècle. Il pose
l’atrium avec au centre la fontaine, l’impluvium. De
ici en costume romain, ce qui scandalisa à l’époque
hauts murs entourent l’espace central, ménageant plu-
(au XVIIe siècle, les tragédies étaient jouées en habits de
sieurs entrées et produisant une impression d’enferme-
cour) : il propose en effet de jouer les œuvres historiques
ment. La chambre de Néron est matérialisée par un haut
en costumes d’époque. Il apparaît jambes nues, assis sur
mur de brique en fond de scène, qu’on ne distingue pas
un trône, portant la couronne de laurier – ce symbole
sur l’image. Au centre se trouve un plateau de bois tour-
de victoire, de génie et d’immortalité que les Romains
nant inséré dans un sol en béton bleuté. Le lieu fonc-
utilisaient pour célébrer leurs généraux victorieux. Il est
tionne comme un piège dont on ne peut s’échapper que
vêtu d’un manteau pourpre, symbole de puissance. Ce
par le ciel (la mort ?). Les formes circulaires dominent,
manteau, d’abord porté par les généraux sous la répu-
nous sommes dans une arène où l’on s’affronte : allusion
blique, est ensuite porté exclusivement par l’empereur.
aux jeux du cirque qu’affectionnait Néron ? au cercle
À l’arrière et au-dessus du trône, on devine un dais de
vicieux ? C’est aussi un espace de passage qui nous
tissu rouge, symbole de puissance. Cependant, Néron
est montré. Le plateau central tourne : roulette russe ?
(Talma) a le regard rêveur, tourné vers le ciel, comme si
manège politique des différents conseillers (cf. acte IV) ?
quelque chose lui manquait : le pouvoir absolu ? l’amour
L’accès à la chambre de Néron est impossible, il n’y a pas
de Junie ?
de porte dans le mur de brique.
Rappel. Ce sont les romantiques qui ont imposé l’idée
• On retrouve, dans ce dispositif, les trois lieux dont parle de la couleur locale et recherché l’exactitude historique.
Barthes : la chambre de Néron suggérée par le mur plein
est bien « l’antre mythique, […] le lieu invisible » (l. 3-4) Analyse du texte
et inaccessible. L’antichambre, « la scène proprement 5. Le premier mouvement correspond à la scène de pre-
dite » (l. 9), est une sorte d’arène, lieu d’affrontement mière vue (l’arrivée de Junie, le coup de foudre de Néron
entre les protagonistes. L’extérieur est présent dans le et sa sidération, v 4-17) ; le second mouvement, au récit
dispositif, matérialisé par les sorties ménagées entre les du fantasme de Néron imaginant la conversation qu’il
murs, qui apparaissent comme des espaces resserrés et a été incapable d’avoir avec Junie. On a donc d’abord
qui suggèrent le danger de chaque sortie. Nous avons l’apparition de Junie, puis les sentiments du voyeur.
ici un espace tragique, à la fois intemporel et historique. Le récit exploite le thème galant du ravissement, mais
cette fois-ci au sens propre : Néron a ravi Junie, qui a
ravi Néron. Le motif galant prend une dimension inquié-
tante. L’intérêt se porte donc d’abord sur Junie (les cir-
constances de son enlèvement, sa douleur, sa beauté),
Lecture 2 La naissance puis sur Néron (son aphasie, la façon dont il se peint la
d’une passion dévorante p. 266-267 scène et le rôle qu’il y joue en imagination).
6. Champ lexical de l’ombre : « nuit », « les ombres ».
▶ Activités p. 267 Champ lexical de la lumière : « brillaient », « flam-
beaux » (2 occurrences), « armes ».
Découverte du texte Néron peint un tableau en clair-obscur, qui renforce l’in-
1. Racine retarde le moment de présenter Néron, ce qui tensité dramatique de la scène. Cette technique pictu-
aiguise la curiosité du spectateur. C’est un procédé fré- rale, utilisée notamment à l’époque baroque, accentue
quent : Tartuffe n’apparaît qu’à l’acte III, dans la pièce les contrastes et fait dominer l’ombre.
éponyme de Molière, par exemple. V chap. 9, p. 236 7. a. Junie apparaît en victime, en martyre. Sa beauté, sa
2. Néron raconte comment il est tombé amoureux de mise négligée contrastent avec « le farouche aspect de ses
Junie, en la voyant arriver sans défense et en pleurs fiers ravisseurs » (v. 12), dont la sauvagerie est soulignée
devant les soldats. L’amour de Néron pour Junie est placé par deux adjectifs redondants, « farouche » et « fiers »
sous le signe de l’impuissance (« j’ai voulu lui parler, et (au sens étymologique de « sauvages »). Elle lève les yeux
ma voix s’est perdue », v. 15) et de la monstruosité (« J’ai- vers le ciel comme si elle suppliait Dieu de la sauver. La
mais jusqu’à ses pleurs que je faisais couler », v. 21). description emprunte à l’iconographie religieuse.

146
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
b. Langue Les adjectifs et subordonnées relatives qui pouvoir de Narcisse, sorte d’âme damnée de Néron. Il est
caractérisent le personnage de Junie mettent en avant amené à s’interroger sur les origines de la monstruosité
sa gracieuse fragilité. de l’empereur et sur la responsabilité de Narcisse.
« Triste », v. 5 (adjectif qualificatif apposé à « l’ », pronom Par ailleurs, Néron trahit sa perversité, jusqu’alors dissi-
représentant Junie au vers précédent), « [ses yeux] mouil- mulée, quand il évoque sa victime dans un tableau en
lés [de larmes] » (participe passé employé comme adjec- clair-obscur. La scène se passe la nuit, mais la détresse
tif épithète), « Qui brillaient au travers des flambeaux et de la jeune femme est mise en valeur par le contraste
des armes », v. 7 (subordonnée relative complément du des « flambeaux » et de l’éclat métallique des armes.
nom « yeux »), « Belle », v. 8 (adjectif qualificatif apposé Junie a tous les attributs d’une martyre : les larmes, « le
à « l’ », pronom représentant Junie), « [une beauté] qu’on simple appareil / D’une beauté qu’on vient d’arracher au
vient d’arracher au sommeil », v. 9 (subordonnée relative sommeil » (v. 8-9), les yeux levés vers le ciel. Sa beauté
complément du nom « beauté »), « timides [douceurs] », est soulignée par l’adjectif « belle » et le substantif
v. 13 (adjectif qualificatif épithète). « beauté » placés à l’attaque des vers 8 et 9. L’évocation
c. C’est le contraste entre l’innocence sans défense et la s’achève sur la vision des gardes chargés d’arrêter Junie.
brutalité de ses ravisseurs qui provoque le désir de Néron. Leur cruauté est soulignée par l’allitération en [f ] : « le
Cette proie sans défense réveille son instinct de prédateur. farouche aspect de ses fiers ravisseurs » (v. 12). Le tableau
8. Lexique dominant dans la description de l’amour renvoie à la thématique du viol. La description est propre
de Néron pour Junie : « pleurs » (v. 21), « grâce » (v. 22), à susciter la pitié du spectateur et l’effroi face à celui qui
« soupirs », « menace » (v. 23), « amour » (v. 24). Néron se délecte de cette scène.
s’imagine en train de convaincre Junie de son amour. Il Le comportement de Néron est d’autant plus étrange
se délecte de sa résistance et emploie la violence pour qu’il est incapable de parler et qu’il demeure sidéré,
la convaincre. Les pulsions sadiques du jeune homme comme pétrifié face à Junie : « J’ai voulu lui parler, et
apparaissent clairement, même si l’on reste pour l’ins- ma voix s’est perdue : / Immobile, saisi d’un long éton-
tant dans le domaine du fantasme. nement » (v. 15-16). Les deux vers disent la violence de
l’amour et l’incapacité de communiquer. L’empereur
Expression écrite apparaît comme muré en lui-même. Et c’est le récit d’un
9. Vers le commentaire fantasme qu’il livre au spectateur.
Néron, qui vient d’apparaître au début de l’acte II, révèle à Néron imagine un dialogue avec Junie et une relation
Narcisse sa passion pour Junie dans la scène 2. Cet extrait empreinte de sadisme : « J’aimais jusqu’à ses pleurs,
constitue un coup de théâtre : le spectateur apprend les que je faisais couler. / Quelquefois, mais trop tard, je lui
vraies raisons de l’enlèvement de Junie. Il complète aussi demandai grâce ; / J’employais les soupirs, et même la
le portrait de Néron, le « monstre naissant ». Sur le plan menace » (v. 21-23). La passion se présente comme une
dramaturgique, on a un récit respectant les unités de lieu relation cruelle, excessive, démesurée. Néron amoureux
et de temps, les bienséances et la vraisemblance. Le récit devient insomniaque. Le fantasme permet la réalisation
informe aussi le spectateur d’événements dont il n’a pas des désirs : « je croyais lui parler » (v. 20) renvoie à « J’ai
été témoin. Il a ici une fonction supplémentaire : il donne voulu lui parler » (v. 15). La complexité des sentiments
à la pièce sa profondeur émotionnelle en proposant un est soulignée. Néron se peint tout à tour faible et sup-
double portrait : celui de la victime et celui du bourreau. pliant (« je lui demandais grâce ; / J’employais les sou-
Proposition de corrigé de la seconde partie pirs », v. 22-23), puis menaçant, despotique ( « J’aimais
du commentaire jusqu’à ses pleurs que je faisais couler », l. 21, « et même
Le spectateur voit enfin le personnage de Néron, le la menace », v. 23). Ces expressions antithétiques révèlent
« monstre naissant » de Racine. Sa perversion apparaît les contradictions dans lesquelles il se débat.
clairement dans le récit de sa rencontre ambiguë avec Son amour pour Junie est dépeint comme malsain. Il ne
Junie. Néron évoque ensuite une scène fantasmatique peut se réaliser que dans l’imaginaire. La vision de la jeune
révélatrice et semble incapable d’éprouver autre chose femme est obsessionnelle : « De son image en vain j’ai
qu’un amour malsain pour sa victime. voulu me distraire. / Trop présente à mes yeux je croyais lui
La rencontre de Néron avec Junie est placée sous le signe parler » (v. 19-20). Le récit de Néron révèle la complexité
de l’ambiguïté. On a dans cet extrait une mise en abîme du personnage, sa perversion, son incapacité à communi-
du regard. Le dispositif utilisé met en scène cette mons- quer, mais aussi son désarroi, ses doutes face à la violence
truosité : Narcisse regarde Néron évoquer le regard qu’il de son amour. On voit se dessiner l’image du tyran, qui
a porté sur Junie, et le spectateur est mis lui aussi en utilise son pouvoir pour satisfaire ses désirs privés.
position de voyeur. Il a accès aux replis les plus secrets de Expression orale
l’âme d’un Néron encore peu sûr de lui. Le jeune homme
10. Ce travail pourra ne porter que sur quelques vers par
s’en remet complètement à Narcisse, auquel il demande,
élève et être préparé à la maison. Il permet de revenir
d’une certaine façon, la permission d’aimer Junie (« Nar-
sur les contraintes de la versification, de montrer que la
cisse, qu’en dis-tu ? », v. 28). Le spectateur entrevoit ici le
diérèse et les rimes éclairent le sens du texte.

147
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
Lecture 3 La scène à témoin Analyse du texte
4. a. La scène commence comme un entretien galant.
caché : des paroles à double Britannicus est heureux de voir Junie. Il a confiance en
sens p. 268-269 Narcisse et ne pense pas que l’entretien que ce dernier
lui a ménagé avec sa maîtresse est un piège. Il s’attend à
▶ Activités p. 269 ce que Junie joue sa partition dans ce duo amoureux, ce
qui est impossible.
Découverte du texte b. Langue Les tournures interrogatives montrent l’em-
1. Dans cette scène célèbre, Néron espionne Junie et pressement de Britannicus. Les phrases exclamatives
Britannicus : « Caché près de ces lieux, je vous verrai, traduisent la profondeur de ses sentiments et son inquié-
Madame. / Renfermez votre amour dans le fond de votre tude. Il s’attend à ce que Junie réponde à ses avances et
âme » (II, 3, v. 679-680). l’assure à son tour de tout son amour. Tout à sa joie, il ne
Il faut donc dissimuler Néron en fond de scène, afin remarque pas sa froideur, puis la lui reproche. À travers
qu’il puisse à la fois observer Junie et Britannicus et les phrases déclaratives de la fin de la tirade, il somme
être vu par les spectateurs. On peut choisir de le cacher Junie de s’expliquer. Ses questions rhétoriques se trans-
complètement, mais il est sans doute plus intéressant forment peu à peu en interrogations angoissées devant
de faire en sorte qu’il ne soit qu’à moitié dissimulé, le mutisme de Junie (« Vous ne me dites rien ? », v. 15).
comme dans la mise en scène de Martinelli V photo- 5. Junie est partagée entre le désir de sauver Britan-
graphie, p. 268. Le tragique de la scène sera renforcé si nicus, et donc de l’éconduire, et celui de lui témoigner
le spectateur, placé en surplomb, peut voir Néron obser- son amour, et donc de le perdre. Elle est en proie à un
vant Britannicus et Junie. On peut aussi imaginer que dilemme tragique. Elle cherche, en semblant célébrer la
Néron, placé en fond de scène, n’est pas dissimulé du grandeur de Néron, à avertir Britannicus que l’empereur
tout. Le manuscrit des décorateurs de l’Hôtel de Bour- les espionne.
gogne mentionne des rideaux destinés à cette scène.
6. La tirade de Britannicus comporte deux mouve-
On pourra faire réfléchir les élèves aux conséquences des
ments : une série d’interrogations, puis une injonction
différents partis pris.
adressée à Junie, qui ne fera que conforter Néron dans
2. Les paroles de Britannicus s’adressent à Junie et indi- l’idée qu’un complot se trame contre lui. Britannicus
rectement au spectateur ; celles de Junie à Britannicus, évoque ses partisans, qu’il présente comme nombreux
indirectement au spectateur, mais aussi à Néron. On (« Chacun semble des yeux approuver mon courroux »,
peut donc parler de triple énonciation la concernant. v. 29), puis Agrippine à l’aide d’une périphrase (v. 30),
3. Le tragique de la scène est lié à cette situation de et enfin le sénat et le peuple à travers une métonymie
communication faussée. Néron a forcé Junie à jouer le (« Rome, de sa conduite elle-même offensée… », v. 31). Il
rôle d’une femme qui veut rompre avec son amant. Ce cherche à rassurer Junie et provoque son propre malheur,
dernier interprète les réticences, la retenue de Junie d’une part en révélant à Néron l’étendue de l’amour de
comme de la froideur et se croit délaissé, alors que c’est la jeune femme à son égard (« Qu’est devenu ce cœur
l’amour de Junie pour lui, son désir de le protéger qui se qui me jurait toujours / De faire à Néron même envier
manifestent dans ses paroles. nos amours ? », v. 25-26), d’autre part en lui apprenant à
On peut parler ici d’ironie tragique, dans la mesure où quel point on le déteste.
l’ignorance de Britannicus l’amène à prononcer des 7. Le quiproquo s’accentue au fur et à mesure de la
paroles susceptibles de le perdre : il révèle à Néron qu’il scène. La tirade de Junie commence par une exclama-
a le soutien d’Agrippine, se définit comme l’ennemi de tion (« Ah ! Seigneur… », v. 32) qui montre son désar-
Néron, qu’il qualifie d’oppresseur. Le spectateur, comme roi. Elle tente de sauver Britannicus en faisant de lui un
Junie, craint le pire : Britannicus croit sauver son bon- admirateur de Néron, elle cherche à l’excuser. Ces pro-
heur en mentionnant l’appui de la mère de l’empereur, pos étrangement élogieux visent à faire comprendre à
alors qu’il fait son malheur en révélant à Néron qu’il Britannicus qu’ils sont observés, mais celui-ci répond en
intrigue dans son dos. Néron, tel un dieu vengeur, a tout exprimant d’abord son dépit. L’emploi de « Madame »
pouvoir sur lui et ne pourra manquer d’en faire usage. en incise au milieu du vers 41 instaure une distance. La
Les trois personnages sont placés dans une situation réplique se termine par des reproches et l’on voit ici per-
également tragique : Britannicus, croyant faire son bon- cer la jalousie de Britannicus. Le nombre de questions
heur, se précipite dans le malheur ; Junie est aux prises ainsi que les points de suspension au vers 47 (« Ah ! si
avec un dilemme au terme duquel elle va perdre Britan- je le croyais… ») montrent la douleur de Britannicus, qui
nicus ; Néron est le spectateur muet de l’amour des deux réagit en homme blessé. La scène se termine par deux
jeunes gens. Tout-puissant, il échoue pourtant à se faire courtes répliques : l’une de Junie qui, pour ne pas se tra-
aimer de Junie, mais aussi d’Agrippine qui, à ce que dit hir, préfère se taire et l’autre de Britannicus qui s’adresse
Britannicus, complote contre lui. cette fois à Narcisse, marquant ainsi la fin de la scène.

148
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
Expression écrite Lecture 4 Quand la mère
8. Critères de réussite du paragraphe d’analyse
et le fils se déchirent p. 270-271
• La réponse s’appuie sur l’analyse de la scène, mais
aussi sur la scène suivante (II, 7) ainsi que sur les Pour une documentation autour de cette scène permet-
scènes 2 et 3 de l’acte II. On peut aussi y inclure les tant une comparaison entre différentes mises en scène :
scènes 7 et 8 de l’acte III.
V https://www.reseau-canope.fr/edutheque-theatre-en-acte
• On attend un résumé rapide des liens entre les trois
personnages, une définition de l’amour qui les unit :
de l’amour captatif de Néron à l’amour oblatif de ▶ Activités p. 271
Junie pour Britannicus.
Découverte du texte
• Le paragraphe étaye la thèse de Racine sur la
toute-puissance de Néron, qui se comporte en 1. Néron reproche à Agrippine de ne pas lui faire
marionnettiste avec Junie. Il souligne le tragique de la confiance (v. 1-5). Il lui reproche son égoïsme, sa soif
situation. Néron tout-puissant ne peut être aimé de de pouvoir. Il fait valoir le fait que son comportement
Junie, qui aime Britannicus, non seulement parce que n’a visé qu’à l’affaiblir (v. 9-13), à le faire passer pour un
ce dernier lui fut destiné mais aussi parce qu’il est fantoche qu’elle manipule. Elle a porté atteinte au pou-
persécuté. voir de l’empereur en allant contre les usages de Rome
• La lecture des paragraphes faite en classe qui veut « un maître, et non une maîtresse » (v. 17). Il
peut permettre de montrer le mécanisme du
lui reproche enfin d’avoir pris le parti de Britannicus.
désir triangulaire et d’approfondir l’analyse des
Néron apparaît ici en fils qui n’hésite pas à s’adresser
personnages de Junie et de Britannicus.
• Le paragraphe s’appuie sur des citations. à sa mère avec insolence (« sans vous fatiguer du soin
de le redire », v. 2) et en empereur capable d’analyser sa
Expression orale situation politique.
9. a. Néron est placé dans la même position. C’est un 2. Cette dernière phrase annonce un revirement de la
voyeur, et ceci apparaît très clairement dans la photo- part de Néron. Il semble se rendre aux arguments de sa
graphie de la mise en scène de J.-L. Martinelli V p. 268. mère, qui a fait jouer la fibre maternelle. Politicienne
Il est condamné à l’impuissance dans les deux scènes, machiavélique ou mère envahissante, Agrippine appa-
tour à tour spectateur de l’enlèvement de Junie et de raît ici dans toute son ambiguïté et sa puissance.
son amour pour Britannicus. Dans le premier cas, il ne 3. Cette scène est un des moments attendus de la tra-
peut parler ; dans le deuxième cas, il ne doit pas parler. Il gédie, puisqu’elle réunit les deux « fauves » : Néron et
s’immisce dans l’intimité de Junie et se repaît des souf- Agrippine. Ce tête-à-tête longuement différé par Néron a
frances qu’il lui inflige dans les deux cas. Dans la scène 6, enfin lieu. Agrippine révèle à son fils tout ce qu’elle a fait
on a encore plus nettement la vision du fauve qui guette pour lui et parvient (apparemment) à le faire changer
sa proie, tapi dans l’ombre. d’avis. Le spectateur découvre en même temps l’étendue
b. Le personnage de Junie est plus complexe qu’on ne des crimes de « l’implacable Agrippine » (II, 1, v. 483) et
pourrait le croire à première vue : c’est une victime, mais la fragilité de sa position. Cette scène de confrontation
ce n’est pas une jeune première insipide. Elle est en proie entre la mère et le fils amène à considérer l’hérédité de
à un dilemme tragique, mais elle n’est pas dépourvue de Néron, à s’interroger sur l’origine de sa monstruosité et
dignité et de fermeté, voire d’autorité. sur son incapacité à aimer. Elle aborde aussi la question
de la disgrâce d’Agrippine.
Enfin, l’acte IV est l’acte de la délibération : Néron ose
être lui-même, penser par lui-même, il se révèle au tra-
vers de revirements successifs. Ici, il semble se rendre aux
arguments d’Agrippine, puis à ceux de Burrhus, avant de
donner raison à Narcisse, ce qui signera l’arrêt de mort
de Britannicus.
Analyse du texte
4. L’argumentation de Néron est particulièrement bien
construite.
Sa tirade commence par une attaque en règle (v. 1-4).
On fera repérer l’ironie et l’insolence du ton : emploi du
verbe « fatiguer », incise de « Madame » à l’hémistiche
du vers 3. Vient ensuite l’accusation d’égoïsme (v. 5-8.) :
Néron a percé à jour Agrippine, ce qu’il souligne par
des précautions oratoires visibles dans l’emploi de la

149
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
parenthèse et de l’incise : « (j’ose ici vous le dire entre Atelier Dissertation guidée
nous) » (v. 7). Puis vient l’argument d’autorité : l’empe-
reur rapporte les propos de Rome (v. 9-13) et fait valoir p. 272-273
sa légitimité (v. 14-17). Il s’exprime au nom de Rome et
obéit à la raison d’État. Ce n’est plus le fils qui parle, ▶ Activités p. 273
c’est « le maître du monde » (I, 2, v. 180). Vient ensuite
Étape 1
l’exposé des faits (v. 18-28) : le peuple, le sénat, l’armée
ont témoigné à Agrippine leur réprobation. Néron donne 1. a. Thèse : La pièce raconte comment Néron devient
à sa mère une leçon de politique, en même temps qu’il un être monstrueux.
fait valoir sa patience (« chaque jour », v. 19, « cent fois », b. En quoi Racine nous plonge-t-il, avec Britannicus,
v. 23). Le dernier argument est de poids, puisqu’il assène dans le cerveau malade d’un monstre en devenir ?
un coup ultime à Agrippine en l’accusant de trahison 2. La question posée est une question ouverte : elle
(v. 29-35) : Néron apparaît comme celui qui se défend appelle à réfléchir sur les différents aspects de la mons-
contre un coup d’État fomenté par Agrippine et orchestré truosité de Néron.
par Pallas. 3. a. Les deux textes s’intéressent à la transformation
5. a. Langue On relève l’emploi des pronoms de la de Néron en monstre, à « la naissance du monstre ». Le
première et de la deuxième personne (« je », « me » et texte de Nicole Clodi insiste sur le lien entre deux aspects
« vous »), qui montrent l’éloignement du fils et de la de la monstruosité de Néron : la perversion sexuelle et
mère. Dans le vers 1, on trouve ainsi une construction la tendance au despotisme. Les sphères du public et du
symétrique des pronoms : « je me souviens » « je vous privé sont liées. Il définit trois manifestations de la mons-
dois », mais ceux-ci sont disposés de part et d’autre de truosité : « la tyrannie, le sadisme et la paranoïa ».
la césure. On trouve aussi le « ils » (v. 9), qui désigne Dans l’extrait de sa Première Préface de Britannicus,
l’opinion publique, enjeu de cette guerre pour le pou- Racine fait état de ses sources (Tacite) et justifie ses
voir, dans un discours rapporté ; mais il n’y a qu’un seul choix : c’est l’homme privé, plus que l’homme public, qui
« nous » qui se réfère à la situation d’énonciation : l’intéresse. Son sujet est la jeunesse de Néron, la trans-
« (j’ose ici vous le dire entre nous ») (v 7). Néron ose formation d’un jeune homme méchant en monstre.
enfin affronter sa mère. b. Le personnage mis en valeur est Néron, le « tyran
b. Les nombreuses occurrences du pronom « vous » à naissant » (texte 1), « le monstre naissant » (texte 2).
des places stratégiques du vers (à l’attaque, v. 8, 18, 23,
Étape 2
30, 34 ; à la rime, v. 8, 24) traduisent l’irritation de Néron,
sa volonté de se démarquer d’Agrippine et d’exister par 4. Proposition d’argumentation
lui-même. Et Rome est l’enjeu de ce combat. V tableau page suivante
6. Sous les formules respectueuses de Néron – l’emploi Étape 3
de « Madame » (v. 3), du « vous » –, la menace est à peine 5. Proposition d’introduction
voilée : Agrippine a trahi l’empereur, qui a l’appui de Racine fait représenter, en 1679, Britannicus, sa pre-
Rome et donc tout pouvoir sur elle. Le changement de mière tragédie romaine. Mais celle-ci n’ayant pas le
ton d’Agrippine, dans la réplique qui suit, montre qu’elle succès escompté, il répond à ses détracteurs dans sa
a conscience du danger. Cette scène met en valeur l’in- Première Préface, en expliquant qu’il a voulu peindre en
telligence politique de Néron. Néron, non l’incendiaire de Rome et le matricide, mais
Expression écrite « un monstre naissant ». Nous verrons donc en quoi la
pièce montre cette « naissance d’un monstre ». Nous
7. On incitera les élèves, pour enrichir leur travail, à se
nous attacherons d’abord à l’évolution du personnage de
documenter sur Sénèque et son rôle auprès de Néron.
Néron en soulignant comment le jeune empereur cruel
Critères de réussite de la lettre de l’acte I devient un monstre sanguinaire au dénoue-
• Le texte respecte les codes formels de la lettre. ment. Puis nous montrerons comment Racine s’attache
• Il emploie les temps du discours : présent, passé à la psychologie de son héros et fait œuvre de moraliste
composé, imparfait. en nous invitant à réfléchir sur les profondeurs de l’âme
• La langue est correcte, le vocabulaire et le niveau de humaine.
langue sont adaptés.
6. Propositions de paragraphes rédigés
• Il résume la scène et fait état des menées d’Agrippine
Partie I. Argument 1
contre Néron.
• Il révèle le désarroi de l’empereur, qui s’interroge sur Si Racine intitule sa pièce « Britannicus », c’est pour
les visées de sa mère : cherche-t-elle à le manipuler ? faire allusion au premier des crimes de Néron. Il s’at-
doit-il lui céder ? comment être un bon empereur ? tache ainsi à peindre l’évolution de l’empereur de Rome.
que faire de Britannicus et comment obtenir Junie ? La pièce débute à l’aube, Agrippine attend à la porte de
la chambre de son fils. Ce dernier a fait enlever Junie, la

150
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
Proposition d’argumentation V étape 2, activité 4, page précédente
Arguments Exemples
Partie I. Une tragédie qui montre l’évolution d’un jeune empereur cruel en monstre sanguinaire.
1. Si Racine intitule sa pièce Britannicus, c’est pour • I, 1, v. 25-30 " au début de la pièce, Néron est un empereur
faire allusion au premier des crimes de Néron. vertueux, aimé du peuple. Seule Agrippine pressent la vérité.
2. Néron est le personnage principal de la pièce, et il • I, 1, v. 55-58, 134-137 " le comportement de Néron, qui
apparaît dès le début comme inquiétant. refuse de voir sa mère et a fait enlever Junie, est l’objet de
tout l’acte I.
• I, 2, v. 235 " Burrhus lui-même ignore pourquoi Néron a fait
enlever Junie.
9. Néron est lié à sa mère par un amour maladif, une • I, 1, v. 6-7, 27-30 " Albine souligne cet attachement.
dépendance suspecte, dont il cherche à se défaire. • II, 2, v. 496-510 " Néron en fait l’aveu à Narcisse.
10. L’apparition retardée de Néron permet de mieux • Il faut attendre l’acte II pour voir Néron apparaître et être
souligner son caractère dangereux. présent dans toutes les scènes. Son aveu à Narcisse laisse
entrevoir sa perversité. V Lecture 2, p. 266
11. L’amour de Néron pour Junie est un amour • II, 3-6 " ces scènes font apparaître le voyeurisme, la cruauté
malade qui l’amène au crime. et le sadisme de Néron.
8. La structure de la pièce met en valeur la • L’acte I instaure le suspense sur les motivations de Néron,
transformation de Néron en monstre. l’acte II dévoile sa cruauté, l’acte IV montre ses revirements.
Il semble être manipulé par tous, mais est sous l’influence
de Narcisse, qui flatte ses désirs.
13. La pièce nous montre le passage à l’acte d’un • V, 7 " le récit par Burrhus de la mort de Britannicus
jeune homme perturbé. souligne l’absence de remords et la froideur de Néron
(v. 1707-1712). À la fin de la pièce, l’évolution de Néron
est achevée : c’est un monstre, dont les prochains crimes,
pressentis par Agrippine (V, 6, v. 1675), sont en germe.
Partie II. Une analyse de la psychologie du monstre et une réflexion sur les profondeurs de l’âme humaine.
4. Racine indique clairement le sujet de sa pièce dans • « Il ne s’agit pas dans ma tragédie des affaires du dehors.
ses deux Préfaces : montrer comment un homme Néron est ici dans son particulier et dans sa famille […]. »
cruel et puissant devient un tyran sanguinaire. V Première Préface
6. Le dispositif scénique créé par Racine est au service • La chambre de Néron est l’antre du monstre, une métaphore
de la perversité de l’empereur. Le palais est un lieu où de sa psyché. L’espace de la tragédie est un huis clos où
nul n’échappe au regard de Néron, alors qu’il peut se s’épanouissent les passions malsaines. Junie et Britannicus
rendre invisible. sont toujours sous surveillance. V L’espace tragique, p. 265
7. Racine nous amène à réfléchir sur les ressorts de • Agrippine, Néron et Narcisse sont trois personnages mus
l’ambition, de la jalousie, de la haine, de la peur. par l’ambition. L’étude du personnage de Narcisse montre
la duplicité de l’ambitieux, qui flatte les bas instincts de celui
dont il convoite la place.
3. Néron cherche à s’imposer comme empereur • Le motif des frères ennemis parcourt la pièce. La scène 8
légitime en faisant disparaître Britannicus. de l’acte III montre cette lutte : Néron aime aussi Junie, parce
qu’elle appartient à Britannicus. Les motivations politiques
se mêlent aux intérêts privés.
12. Racine cherche à nous montrer les pulsions • Néron est un personnage en devenir dans la pièce. Dans
secrètes qui échappent à Néron lui-même. la scène 2 de l’acte II, il se confie à Narcisse : il lui fait le récit
de sa rencontre avec Junie et lui demande conseil (v. 409).
Il est encore sous le joug d’Agrippine, qu’il n’ose défier (v. 496-
510). La scène 2 de l’acte IV le montre également partagé.
14. La pièce montre les hésitations de Néron devant • L’acte IV montre un Néron indécis, sous influence, qui
le crime. retarde le passage à l’acte. C’est un personnage mené par ses
désirs, ses passions mauvaises : sa volonté de puissance, mais
aussi son désir d’être aimé.
5. Racine montre comment les passions humaines • IV, 4, v. 1465-1480 " tout porte à croire que Néron se
triomphent de la raison et mènent au pire. décide à faire tuer Britannicus quand Narcisse lui apprend
qu’Agrippine l’a manipulé et que Rome se moque de lui. C’est
ce que suggère le vers 1480.

151
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
fiancée de Britannicus, son demi-frère, dans la nuit, et 2. Le décor ménage des profondeurs, un cadre dans
Agrippine est venue lui demander des explications. La lequel apparaît Albine, des recoins sombres où se cacher.
première scène expose la situation. Néron, fait remar- On peut placer Néron dans un coin du cadre, derrière
quer Albine, la confidente d’Agrippine, est un empereur le couple Britannicus-Junie. Néron, voyeur, contemple le
vertueux aimé du peuple : « Rome, depuis deux ans, par tableau que forme le couple Britannicus-Junie, tableau
ses soins gouvernée, / Au temps de ses consuls croit être dont il est lui-même le peintre, qu’il a agencé et mis en
retournée : / Il la gouverne en père. Enfin Néron naissant scène.
/ A toutes les vertus d’Auguste vieillissant » (v. 27-30). La
Étape 2
comparaison avec Auguste, empereur connu pour sa clé-
mence, est des plus élogieuses. Mais Agrippine pressent 3. Gildas Bourdet choisit un lieu qui évoque l’époque
la vérité : elle insiste sur l’hérédité de Néron et fait allu- de Racine, le XVIIe siècle, et l’établissement du pouvoir
sion au tempérament violent de Domitius, son père. Elle absolu. Il introduit dans ce lieu des éléments contempo-
évoque aussi sa propre hérédité : elle est la sœur de Cali- rains pour rapprocher les deux époques et insister sur
gula, l’empereur fou. Elle raconte également à Albine la l’aspect politique de la pièce.
façon dont Néron, jusqu’alors docile, l’a écartée du trône, Le choix de Stéphane Braunschweig est plus symbo-
lui montrant ainsi qu’il ne souhaitait plus gouverner lique : le décor est épuré. Il s’agit de reconstituer un lieu
avec elle. Le comportement de Néron laisse donc pré- de pouvoir contemporain.
sager le pire. 4. a. Chez Bourdet, le décor est réaliste : il s’agit d’une
Partie II. Argument 12 salle d’un palais du XVIIe siècle telle que peut la voir un
Racine cherche à nous montrer les pulsions secrètes qui visiteur contemporain V Texte 7, l. 7-10. Le décor de
échappent à Néron lui-même. Néron est un personnage Braunschweig, avec sa grande table V Texte 8, l. 14, est
en devenir : dans la pièce, c’est un jeune homme. Dans résolument contemporain et plus universel. Il évoque un
la scène 2 de l’acte II, il se confie à Narcisse : il lui fait le lieu lié au pouvoir exécutif.
récit de sa rencontre avec Junie et lui demande conseil. b. Les deux metteurs en scène insistent sur la dimension
Il est encore sous le joug d’Agrippine, qu’il n’ose défier politique de la pièce, le lien entre la sphère privée et la
ouvertement. Est-ce par reconnaissance ou par peur ? Il sphère publique et l’influence des conseillers.
est incapable de le dire. La scène 2 de l’acte IV le montre 5. Ils ont mis en valeur le moment de bascule du règne
également partagé entre amour et haine. Il défie sa mère de Néron : le passage à la monarchie absolue et les
avec insolence quand elle le laisse enfin parler. « Je me sacrifices politiques qu’elle implique, pour Bourdet ; la
souviens toujours que je vous dois l’Empire » (v. 1223), disgrâce d’Agrippine et le règne personnel de Néron, sa
lui lance-t-il avec ironie, pour changer un peu plus loin prise de pouvoir, pour Braunschweig. Ils cherchent tous
complètement de ton et s’incliner : « Hé bien donc ! pro- deux à montrer ce que la pièce a de contemporain. Il
noncez. Que voulez-vous qu’on fasse ? » (v. 1287). Et si le s’agit donc d’une réflexion sur les ressorts psychologiques
mal dont souffre Néron, son incapacité à reconnaître le du pouvoir politique.
désir de l’autre, à communiquer, prenait naissance dans
Étape 3
le désamour de sa mère ? Néron, qui ne sait aimer qu’en
grondant, en menaçant, n’est-il pas en quête de l’amour 6. 7. 8. 9. Pistes de correction
de cette mère qui l’a instrumentalisé ? On insistera sur la nécessité de proposer un projet cohé-
rent, ainsi que sur la justification des choix.
On encouragera les élèves à accompagner leur projet de
schémas et de photos.
Atelier Imaginer une mise
Étape 4
en scène p. 274-275 10. Critères de réussite de la note d’intention

▶ Activités p. 275 • Respect du plan suggéré.


• Emploi de la première personne du singulier et du
Étape 1 présent.
1. Le décor évoque l’époque contemporaine ; les cos- • Utilisation d’un vocabulaire précis.
tumes sont un mélange entre l’époque romaine (robe • Choix d’un parti pris clair.
• Cohérence du projet.
blanche d’Albine, manteau d’Agrippine, coiffure des deux
• Qualités d’analyse.
actrices) et l’époque contemporaine (pantalon de cuir de
Néron, robe et chaussures d’Agrippine dans la seconde
photographie). Le maquillage des acteurs renvoie aux
masques tragiques. On pourra faire noter la symbolique
des couleurs : rouge et noir pour Néron.

152
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
Prolongement artistique 4. Les spectacles sont éclairés à la chandelle – chan-
delles qui sont changées pendant les entractes. La durée
et culturel Évolution du lieu d’un acte est donc dépendante du temps que mettent les
théâtral p. 276-278 chandelles à se consumer.

▶ Doc. 1 p. 276 ▶ Doc. 4 p. 278

Le théâtre grec • Recherches Le théâtre à l’italienne


1. • La thymélé : autel de Dionysos au centre de l’orchestra. 1. • Scène : lieu où jouent les acteurs.
• L’orchestra : partie du théâtre qui accueille le chœur. • Avant-scène : devant de la scène (par opposition au
• Le parodos : passage situé entre les sièges des specta- fond de scène).
teurs et la skéné pour permettre l’entrée du chœur. • Rampe : éclairages situés à l’avant-scène, au sol (être
• La skéné : construction en bois située à l’arrière du sous les feux de la rampe).
proskénion. Elle sert de coulisses aux acteurs. • Manteau d’Arlequin : cadre de scène placé en arrière
• Le proskénion : estrade en bois sur laquelle jouent les du rideau, formé d’une frise de draperies peintes.
acteurs. • Rideaux : ils encadrent la scène de manière à s’ouvrir
• Le theatron : ensemble des gradins, lieu d’où l’on regarde. et à se fermer entre les actes.
• Côté cour : à droite de la scène pour le public.
2. Le théâtre grec est une institution, les spectateurs sont • Côté jardin : à gauche de la scène pour le public.
très nombreux. Ce divertissement a une fonction éducative • Fauteuil d’orchestre : fauteuil situé dans le parterre,
et politique. Aller au théâtre est un acte de citoyenneté. face à la scène.
3. Les masques font office de porte-voix (via leurs • Fond de scène : espace au fond de la scène (par oppo-
bouches agrandies). Les masques tragiques font ressen- sition à l’avant-scène).
tir la souffrance aux spectateurs. Les cothurnes donnent • Coulisses : espace situé de chaque côté de la scène, où
aux acteurs une démarche et une stature imposantes. se tiennent les acteurs quand ils ne sont pas sur scène.
4. Le chœur évolue dans l’orchestra et les acteurs jouent • Balcon : première galerie qui surplombe l’arrière du
sur le proskénion. parterre.
• Galerie : au-dessus du balcon.
▶ Doc. 2 p. 276 • Poulailler ou Paradis : dernier étage de balcon.
2. Dans ce type de théâtre, le public se répartit selon une
Le théâtre médiéval
hiérarchie économique et sociale. Les meilleures places
1. Ce tableau montre une représentation théâtrale de la sont les plus chères. Ce type de théâtre se développe à
fin du Moyen Âge. Les acteurs sont surélevés par rapport partir du XVIIe siècle, c’est un lieu où l’on va pour être vu.
aux spectateurs. Le rideau sert de coulisses, on aperçoit
3. Tous les lieux peuvent être utilisés pour faire du
un souffleur et un acteur qui récupère un accessoire.
théâtre : la Cartoucherie de Vincennes…
2. a. Les costumes des acteurs évoquent les costumes
des paysans, du peuple, semblables en cela à ceux du
public. On peut voir aussi dans le public, au premier plan,
un couple vêtu d’un costume plus riche. Lecture cursive
b. La posture du couple et la présence de deux autres Wajdi Mouawad, Assoiffés p. 279
personnages, qui arrivent pour les surprendre, suggèrent
une intrigue comique et un théâtre populaire.
c. Il s’agit sans doute d’une farce.
▶ Activités p. 279

3. Les réactions du public sont très diverses : certains • Expression écrite On incitera les élèves à prendre
semblent intéressés et participent au jeu, d’autres modèle sur de véritables programmes de théâtre trouvés
détournent le regard (le couple situé à droite du tableau). au CDI ou sur Internet.
Critères de réussite du texte de promotion
▶ Doc. 3 p. 277 • On sera sensible au respect du plan suggéré.
• On réfléchira avec les élèves sur les difficultés de mise en
Le théâtre au XVII siècle • Recherches
e
scène : comment montrer les deux époques racontées ?
1. Le peuple a droit au parterre, alors que la noblesse comment représenter Norvège, personnage imaginaire ?
peut prétendre à une loge. comment mettre en scène les différents lieux ?
2. Le choix des places dépend de critères économiques. • On réfléchira aux notions de parti pris et d’esthétique.

3. Il était d’usage que certains nobles prennent place sur • Travail de groupe On demandera aux élèves de choisir
scène. Ils payaient plus cher leur place. C’est Voltaire qui un passage qui leur semble représentatif de la pièce. Ils
fit abolir ce privilège. pourront proposer une mise en voix chorale.

153
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
Synthèse p. 280-281 Expression écrite
4. Dissertation
▶ À construire p. 280 Le sujet amène à repérer et à exposer les éléments du
texte illustrant la citation d’Aristote. Les termes « terreur »
Étape 1 et « pitié » doivent être définis et rattachés aux tonalités
1. Tableau de caractérisation de la tragédie classique tragique et pathétique. Britannicus met en scène des per-
Racine, Britannicus (1669) sonnages complexes et permet une réflexion sur les pas-
Sources • Tacite, Annales
sions. La lutte entre les personnages est propre à intéresser
historiques • Suétone, La Vie des douze Césars les spectateurs. On peut asseoir le plan sur cette phrase de
Époque évoquée • l’Antiquité romaine, en 55 la Seconde Préface : « Ma tragédie n’est pas moins la dis-
grâce d’Agrippine que la mort de Britannicus », qui oppose
Thèmes • la politique : l’ascension de Néron,
porté au pouvoir par sa mère l’implacable Agrippine à l’innocent Britannicus.
• la famille : la dynastie d’Auguste Proposition de plan de dissertation
• l’amour, la passion I. Britannicus ou le sacrifice de l’innocence et
Personnages • des personnages de haut rang : de la vertu : les aspects pathétiques de l’œuvre
principaux aristocratie impériale 1. Britannicus : un personnage pathétique
• un destin fatal a. Le fils légitime et sacrifié de Claudius
Forme du texte • cinq actes b. Le héros galant, l’amoureux accompli
• en vers (genre noble) c. Britannicus face à Néron : un jeune homme intègre et
Durée de l’action • 24 heures courageux, mais trop crédule
• La pièce débute très tôt le matin 2. Junie : une jeune femme belle, noble et courageuse
(« Quoi ! tandis que Néron a. Une jeune femme désirable
s’abandonne au sommeil », v. 1) et b. Une jeune femme qui ne plie pas sous la menace et
se termine le soir par l’assassinat
reste fidèle à celui qu’elle aime
de Britannicus lors d’un banquet
c. Une jeune femme dont le sacrifice final force l’admiration
donné par Néron.
3. Burrhus : un fidèle serviteur de l’État qui voit l’œuvre
Tonalités • tragique et pathétique
dominantes
de toute sa vie détruite en un jour
a. Un homme admirable : franchise, dévouement à l’Em-
Étape 2 pire, droiture
2. a. La règle des trois unités (lieu, temps, action). b. Le précepteur de Néron, qui voit ses leçons bafouées
Elle est en conformité avec les conditions même de la par son élève, devenu un monstre
représentation. Ces trois unités sont destinées à réduire II. Britannicus ou la réflexion sur l’origine du crime et
l’écart entre la fiction et la réalité : puisque le lieu de la de la monstruosité
représentation ne varie pas, le lieu de la fiction doit être 1. La disgrâce d’Agrippine
unique ; puisque le temps de la représentation n’excède a. Le parcours d’une ambitieuse
pas quelques heures, le temps de la fiction doit se limiter b. Une mère manipulatrice
à 24 heures ; la fiction doit se concentrer sur une intrigue c. Une mère sans cœur
principale. 2. La naissance d’un monstre : Néron
La règle de la vraisemblance. a. Des désirs inavouables
Selon les théories d’Aristote, le théâtre est une mimesis, b. Des penchants sadiques
une représentation du réel. Il doit donc viser la vraisem- c. La naissance d’un tyran
blance, c’est-à-dire donner une illusion du réel. 3. Narcisse
La règle de la bienséance. a. Un agent double
Elle interdit au dramaturge de représenter des scènes b. Un opportuniste
choquantes ou trop violentes. Celles-ci feront donc l’ob- c. Un mauvais génie, incarnation du mal
jet de récits. 5. a. Les élèves décriront d’abord l’affiche.
b. Ces règles ont été édictées en réaction aux excès du Puis on notera l’esthétique épurée, le caractère énig-
théâtre baroque. Le théâtre classique va, au contraire, matique, le jeu sur le noir et le blanc (le bourreau et la
rechercher la vraisemblance. victime ? le crime de Néron ?). On remarquera la super-
3. Racine fait de ces règles le moteur même de sa dra- position des deux têtes (rapport de pouvoir ? motifs des
maturgie. L’action de Britannicus commence in medias frères ennemis ? meurtre de Britannicus ?), les liens qui
res, au moment de la crise. Le lieu unique et le temps les unissent (emprise ? parole empêchée ?).
resserré participent au tragique. On commentera le parti pris : jouer sur l’épure, le symbo-
lique, les oppositions.
b. Les élèves seront invités à présenter leurs affiches ora-
lement et à expliquer leurs choix.

154
CHAPITRE 10 • Jean Racine, Britannicus
11
CHAPITRE

Beaumarchais, La Folle Journée


ou Le Mariage de Figaro (1778)
Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu Quatre extraits du Mariage de Figaro
à une analyse détaillée • Lecture 1 : La scène d’exposition, p. 286-287
• Lecture 2 : Le fauteuil, un accessoire essentiel, p. 288-289
• Lecture 3 : La cérémonie, p. 290-291
• Lecture 4 : Le monologue de Figaro, p. 292-293
Lectures • Beaumarchais, Préface au Mariage de Figaro, p. 294
complémentaires • Article sur Beaumarchais, p. 285, 296
• Entretien avec Antoine Vitez, p. 296
• Didascalies initiales du Mariage de Figaro, p. 287
• Note d’intention de Jean-Paul Tribout, p. 304
Groupement de textes complémentaires • Maîtres et valets de comédie
• Molière, Dom Juan (acte I, scène 2), p. 298
• Molière, Les Fourberies de Scapin (acte II, scène 7), p. 299
• Marivaux, L’Île des esclaves (acte I, scène 1), p. 300
• Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard (acte I, scène 8), p. 301
• Jean Genet, Les Bonnes (exposition), p. 302
Moments de grammaire • Pronom « on », p. 287
• Valeur du présent, p. 289
• Ponctuation expressive, p. 293
Écrits d’appropriation • Écrire une courte biographie, p. 284 ; un résumé, p. 285 ; des notes de mise en scène
et les justifier, p. 285, 287 ; un monologue, p. 293 ; une synthèse à partir
d’une recherche, p. 297
• Imaginer un décor, p. 285
Écrits vers le bac Commentaire de texte
• Écrire un paragraphe de commentaire, p. 287, 291
• Rédiger une partie entière de commentaire, p. 289
Dissertation
• Atelier : dissertation guidée, p. 294-295
• Dissertation, p. 304
Exercices d’oral • Débattre : l’enjeu politique de la pièce, p. 287
• Mettre en scène une situation à partir de la didascalie, p. 289, 291
Exercices • Questions Au fil de l’œuvre, p. 285
de confrontation • Analyse des accessoires et de leur rôle dans la pièce, p. 289
ou de synthèse • Questions d’ensemble sur le Groupement de textes complémentaires, p. 302
• Synthèse, p. 304-305
Travaux de recherche • Le personnage de Figaro, p. 283
• Les mots « exergue » et « badinage », p. 285
• Établir le contexte d’une œuvre, p. 297, 303
Lectures d’images • Analyser la photographie d’une mise en scène, p. 283, 287, 299
ou de films
Lectures cursives • Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, p. 303
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 304-305

155
2. Doc. 2 Recherches a. b. Figaro (le personnage et le
OBJECTIFS DU CHAPITRE nom sont inventés par Beaumarchais) est le valet du
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude Le théâtre comte Almaviva et le concierge du château. Il est entré
du XVIIe siècle au XXIe siècle et se concentre sur l’ana- au service du comte dans Le Barbier de Séville. Comme
lyse du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Créée à l’indique le titre, il exerçait le métier de barbier, mais il
la fin du XVIIIe siècle, cette pièce est particulièrement s’est mué en homme à tout faire du comte pour l’aider
intéressante pour sensibiliser les élèves au passage de à séduire Rosine, devenue la femme du comte Almavina
l’esthétique classique à ses premières contestations. dans Le Mariage de Figaro. Figaro apparaît aussi dans
• Le chapitre a ainsi été conçu pour faire prendre le dernier volet de la trilogie, La Mère coupable, dans
conscience aux élèves de deux spécificités majeures de laquelle il aide le fils naturel de Rosine et du page
cette pièce si représentative de l’esprit des Lumières. Chérubin à épouser la fille naturelle du comte Almaviva.
La première – la plus intéressante – est sa modernité :
modernité de la construction et du système des person-
nages (leur complexité, l’évolution du rapport maître-
valet, la place des femmes), modernité de la dramatur- Entrée dans l’œuvre p. 284-285
gie (rythme, rôle de l’accessoire, théâtralité). La seconde,
nourrie de la première, permet de saisir la dimension
révolutionnaire de la pièce, même s’il convient de ne
▶ Activités p. 284

pas forcer ce trait. Cette interprétation de la pièce est • La vie de Beaumarchais peut être qualifiée d’aven-
une construction a posteriori : s’il faut la comprendre – tureuse et aventurière. Il aime séduire et a exercé un
car toute lecture se nourrit des critiques ultérieures –, il nombre incroyable de métiers, d’horloger du roi à espion
ne faut pas nécessairement l’attribuer à Beaumarchais, et dramaturge. C’est un homme d’un grand esprit et
qui n’était pas un révolutionnaire – tant s’en faut. d’une énergie extraordinaire.
• Surtout, on espère que l’étude du Mariage de Figaro • La littérature prend une place prépondérante chez
permettra aux élèves de goûter à cette gaieté si chère à Beaumarchais dès ses trente-cinq ans. Il devient dra-
Beaumarchais, dont la pièce est un exemple savoureux. maturge et metteur en scène, fonctions qu’il ne cessera
• L’objectif, enfin, est de consolider la capacité des d’exercer. Ainsi, il écrit et fait jouer Le Barbier de Séville
élèves à appréhender l’évolution du genre théâtral, à en même temps qu’il conduit des missions d’espionnage
mieux inscrire les œuvres dans leur contexte esthé- en Angleterre (en 1774-1775). C’est également à lui que
tique. Le parcours sur les maîtres et valets du XVIIe siècle l’on doit les premières dispositions concernant les droits
au XXe siècle approfondit cette réflexion, grâce à des d’auteur. Il édite enfin les œuvres complètes de Voltaire
extraits d’œuvres du répertoire traditionnel français. en 1780. Ses liens avec la littérature sont donc variés.
Expression écrite
L’objectif de ce travail est de fixer des connaissances sur
Beaumarchais, afin de les réutiliser, en particulier, lors
Ouverture p. 282-283 de l’étude du célèbre monologue de Figaro. V Lecture 4,
p. 292-293
▶ Activités p. 283
Critères de réussite de la biographie
1. a. Doc. 1 À l’origine, la pièce s’intitule : La Folle • Structure de la biographie : chronologique et/ou
Journée ou Le Mariage de Figaro. thématique.
b. Doc. 3 Les accessoires (chaises et tables disposées sur • Mise en valeur du caractère aventurier de
scène comme pour une fête, robe blanche de Suzanne, Beaumarchais.
ballons multicolores et boule à facettes) évoquent une • Place de la littérature dans sa vie.
certaine gaieté, la fête, et plus précisément un mariage. • Correction de la syntaxe.
D’autre part, le choix des costumes, entre tradition et • Capacité à séduire le lecteur : originalité de la
modernité, signale le caractère contemporain de la mise présentation ou du ton utilisé.
en scène et donc une certaine volonté de ne pas suivre
les codes traditionnels, comme le suggère le troisième ▶ Activités p. 285
sens du terme « fou, folle ».
c. Doc. 4 La définition de l’adjectif « fou, folle » éclaire 1. Recherches Doc. 2. a. Un exergue est une « formule,
trois aspects de la pièce : sa gaieté, le désir du drama- pensée, citation placée en tête d’un écrit pour en résu-
turge de s’affranchir des convenances sociales, la volonté mer le sens, l’esprit, la portée ». © Trésor de la langue française
enfin de s’écarter des règles du classicisme. b. Le badinage est une manière légère et gaie de flirter,
Le spectateur s’attend donc à une pièce rythmée, joyeuse comme un jeu anodin auquel on se livre. Le terme s’op-
et transgressive pour son époque. pose au mot « raison » dans l’exergue.

156
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
c. L’exergue de la pièce montre que, si Beaumarchais Lecture 1 La scène d’exposition
cherche à divertir le spectateur, il souhaite avant tout le
faire réfléchir. p. 286-287
2. Doc. 1 La photographie représente le tout début de la
pièce dans la mise en scène de Jean-Paul Tribout. Dans ▶ Activités p. 287
cette sorte d’ouverture (durant laquelle résonne l’ouver- Découverte du texte
ture de l’opéra de Mozart), tous les personnages entrent 1. Figaro et Suzanne se trouvent dans la future chambre
en scène, se placent devant le décor et discutent. Le met- qu’ils occuperont après leur mariage. Figaro en mesure
teur en scène a donc choisi de mettre les personnages en la surface pour pouvoir la meubler.
situation de badinage. L’univers du théâtre est suggéré
2. Figaro est très amoureux de Suzanne et lui parle faci-
par les masques, les costumes évoquant le XVIIe siècle, et
lement de son amour. Il semble enthousiaste et char-
par les portes dans le décor.
meur. Il est un peu naïf aussi, car il ne comprend pas les
Pour aller plus loin, on pourra demander aux élèves de
véritables intentions du comte.
montrer que cette ouverture manifeste déjà les conflits
Suzanne, au contraire, semble plus raisonnable ; elle ne
entre les personnages.
se laisse pas faire par Figaro et fait preuve d’intelligence
3. Doc. 3 a. L’article convoque trois arguments pour et de malice.
qualifier la pièce de révolutionnaire :
3. a. Le comte est le seigneur du château. Il a l’intention
– la pièce critique les abus de la société d’Ancien
d’user du « droit du seigneur » avec Suzanne, droit qui auto-
Régime : « la critique d’une foule d’abus qui désolent la
risait le seigneur à avoir une relation sexuelle avec toute
société » (l. 12-13) ;
jeune femme de sa seigneurie, promise au mariage, avant
– elle remet en cause les privilèges de la noblesse : « faire
son mari. À l’époque de Beaumarchais, ce droit n’était plus
échouer dans son dessein un maître absolu que son
guère exercé par les seigneurs (l. 35-39 et 53-58).
rang, sa fortune et sa prodigalité rendent tout-puissant »
b. Beaumarchais construit une image négative du
(l. 6-8) et « Figaro a tué la noblesse » (l. 14) ;
comte, d’un seigneur autoritaire qui abuse de son rang
– l’histoire de la pièce prouve son caractère révolution-
social pour exercer un droit qui n’est plus pratiqué.
naire : non seulement elle a été censurée par les régimes
autoritaires et inégalitaires, mais elle a aussi été montée 4. Langue L’extrait propose cinq occurrences du pronom
pour commémorer la Révolution française (l. 15-18). indéfini « on ».
b. Cette pièce est devenue le symbole du combat contre • « On dit une raison », l. 18
la censure, d’abord parce qu’elle a été victime de la " « on » désigne Suzanne.
censure, ensuite parce qu’elle dénonce cette censure • « cette dot qu’on me donne », l. 45
et adopte une liberté de ton. Le journaliste la qualifie " le pronom désigne le comte.
d’« hymne à la libre parole et à l’insurrection » (l. 19-20). • « On le dit », l. 49
c. Beaumarchais est un auteur des Lumières. " le pronom désigne « les gens », la sagesse populaire.
• « on ne veut pas le croire », l. 50
" ce « on » semble jouer sur l’ambiguïté. Il renvoie à
▶ Au fil de l’œuvre p. 285
la « sagesse populaire », mais peut tout aussi bien, de
Critères de réussite des activités manière ironique, désigner Figaro.
Résumé de la pièce • « On a tort », l. 51
• Les résumés n’excèdent pas le nombre de lignes " ici, également, l’ambiguïté existe. Le sens indéfini
imposées et suivent la chronologie des événements. demeure (« on » serait « les gens », « tout le monde »)
mais, en réponse à Suzanne, Figaro peut aussi se dési-
Travail sur le personnage
gner lui-même.
• Les citations choisies sont plutôt brèves et
significatives : elles rendent compte du caractère du L’emploi du pronom « on » a pour rôle de soutenir la
personnage, de sa fonction dans l’intrigue et de ce vivacité de la scène en montrant un couple qui joue sur
qu’il représente, dénonce ou défend. les mots, manie l’ironie et les traits d’esprit. Le pronom
Conception et présentation du décor révèle la modernité des deux valets, que la pièce viendra
• Le décor prend en compte les didascalies. Le croquis
confirmer.
est clair, et sa légende utilise le vocabulaire du théâtre. 5. La gaieté de cette scène vient tout d’abord de la bonne
• Le décor imaginé met consciemment en valeur un humeur des personnages, en pleins préparatifs de mariage.
aspect de la pièce : comique, politique, esthétique… Ils sont donc d’humeur joueuse et se livrent à un certain
• La justification des choix s’appuie sur la connaissance badinage : « Oh ! que ce joli bouquet virginal, élevé sur la
et l’analyse de l’œuvre. tête d’une belle fille, est doux, le matin des noces, à l’œil
• La justification des choix prend la forme d’un ou amoureux d’un époux !… » (l. 5-7). Suzanne se moque
plusieurs paragraphes organisés.
même gentiment de Figaro : « Suzanne, riant. – S’il y venait
• La syntaxe et l’orthographe sont correctes.
un petit bouton, des gens superstitieux… » (l. 64-65).

157
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
Le rythme est donné par la brièveté des répliques, ainsi Pour présenter Suzanne, il évoque une « jeune personne
qu’en témoignent les stichomythies des lignes 11 à 19. adroite, spirituelle et rieuse, mais non de cette gaieté
On note aussi un usage récurrent des questions : une dou- presque effrontée de nos soubrettes corruptrices ». En
zaine dans l’ensemble de la scène. Le dialogue est ainsi d’autres termes, Suzanne est vertueuse et possède un
sans cesse relancé, ce qui donne une vivacité certaine à la « joli caractère ».
scène. La variété des sujets abordés signale un dialogue à On retrouve bien le caractère des personnages dans la
sauts et à gambades : surface de la chambre, accessoires scène d’exposition, si ce n’est que Figaro n’a pas com-
de Suzanne, attitude du comte – qui débouche sur la pris la manœuvre du comte et semble un peu naïf. Pour
moquerie de Suzanne imaginant Figaro en mari trompé. autant, Suzanne rappelle son espièglerie lorsqu’elle dit à
Les deux amoureux évoquent un sujet sérieux (le comte la fin de la scène : « De l’intrigue et de l’argent, te voilà
veut exercer son droit de cuissage sur Suzanne), mais dans ta sphère » (l. 69-70). L’aveu de Suzanne lui a ouvert
avec légèreté. La scène commence in medias res : Figaro les yeux et l’incite à ne pas se laisser faire.
est actif, il mesure la chambre à l’aide d’une toise. On • Le comte est présenté comme un noble : il fait ce que
peut aisément imaginer qu’il prend Suzanne dans ses bon lui semble. Il est corrompu (au sens de dépravé),
bras. La photographie de la mise en scène de J.-P. Tribout, mais badine avec les femmes « avec grâce et liberté » :
p. 287, les montre assis. Mais Figaro est sur l’accoudoir, « La corruption du cœur ne doit rien ôter au bon ton
prêt à se lever et à reprendre ses mesures. On imagine de ses manières. Dans les mœurs de ce temps-là, les
un jeu de scène vivant et actif. grands traitaient en badinant toute entreprise sur les
6. Le sujet abordé (le mariage, l’attitude du comte) femmes. » Le comte est présenté comme un séducteur,
et le rang social des personnages (valet et femme de ce que confirme la scène 1 : « Il y a, mon ami, que, las
chambre) relèvent de la comédie. Les éléments évoqués de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte
dans l’activité 5 signalent aussi le genre comique. Les Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez
répliques, parfois assez légères (le bouton sur le front de sa femme : c’est sur la tienne, entends-tu ? qu’il a jeté
Figaro), annoncent également la comédie qui s’ouvre. ses vues, auxquelles il espère que ce logement ne nuira
pas. » (l. 35-39)
Expression écrite
• Beaumarchais dénonce les privilèges que les nobles
7. Critères de réussite du paragraphe argumentatif
s’accordaient, faisant fi des désirs des gens à leur service.
• Le paragraphe est correctement structuré. On retrouve ici le caractère politique de la pièce : une
• Les éléments de réponse attendus sont présents : critique indirecte de la société d’ Ancien Régime et des
l’annonce du mariage, le conflit avec le comte. trois ordres. L’italique appliquée à l’expression « de ce
• Les exemples sont correctement insérés. temps-là » souligne aussi le point de vue de Beaumar-
• Les exemples sont analysés.
chais, qui entend que ces mœurs-là soient révolues.
• La démonstration est rigoureuse et complète.
• Expression écrite L’objectif de cet écrit d’appropriation
Expression orale est de stimuler la créativité des élèves en même temps
8. Débat que leur capacité à justifier et à penser un choix. En
Pour préparer le débat, on pourra rappeler aux élèves d’autres termes, ils vont indirectement se poser la ques-
l’article p. 285. tion de la fidélité – ou non – à la scène lue et étudiée.
On attend que le rythme et la légèreté de la scène soient
Critères de réussite du débat
toutefois conservés dans la mise en scène. Le choix de
• Prise de parole courtoise. l’écriture collective vise à susciter débats et discussions,
• Registre de langue adapté. et donc à faciliter la justification des partis pris.
• Argumentation claire à l’oral : les idées sont
exprimées et développées grâce à des exemples.
• Différenciation de l’expression orale et écrite : parler
▶ Image p. 287
correctement ne signifie pas mimer l’écrit. 1. Suzanne porte un serre-tête fleuri pour évoquer le
« petit chapeau » (l. 2), soit son bouquet de fleurs d’oran-
ger (didascalies, l. 4-5). La fleur d’oranger était le symbole
▶ Texte écho p. 287
de la virginité.
Les didascalies initiales du Mariage de Figaro 2. La photographie semble être prise au moment où
• Pour présenter Figaro, Beaumarchais évoque « son Suzanne explique à Figaro que le comte la convoite à
esprit » et conseille au comédien qui l’incarne de mettre son insu (l. 29-31 ou 35-41). Figaro regarde Suzanne avec
en valeur sa « raison assaisonnée de gaieté et de sail- attention et sérieux. Il pose les mains sur ses genoux,
lies ». Surtout, il lui recommande de ne pas alourdir ce dans une attitude qui n’est pas passive. Suzanne semble,
rôle, ce qui serait un contresens sur le personnage : « S’il elle, concentrée sur ce qu’elle dit (elle ne regarde pas
y mettait la moindre charge, il avilirait le rôle. » Figaro), un peu gênée aussi, mais rendue à l’évidence.

158
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
Lecture 2 Le fauteuil, Le fauteuil est révélateur des conflits, car l’apparition
du comte puis celle de Chérubin augmentent à chaque
un accessoire essentiel p. 288-289 fois la tension entre les personnages. S’il est porteur de
comique, le fauteuil permet également à Beaumarchais
▶ Activités p. 289 de faire des révélations aux personnages cachés :
– la révélation au comte, personnage très jaloux, d’une
Découverte du texte
possible liaison entre la comtesse et Chérubin ;
1. L’objectif de ce travail est de faciliter la compréhen- – la révélation finale, véritable retournement de situa-
sion du dispositif scénique et du jeu de cache-cache qui tion, que Suzanne n’épousera pas Figaro, si elle ne cède
s’opère dans la scène. Il s’agit aussi de montrer que lire pas au comte. Le ton se durcit.
une pièce est parfois moins efficace que de la voir (ou Cette scène souligne donc aussi les aspects négatifs du
la jouer). comte : jalousie et autoritarisme, qui seront la source des
2. La compréhension de la scène est rendue difficile nombreux conflits de la pièce.
à la lecture, car il faut toujours garder en tête où sont 7. Suzanne, comme le public, connaît le dispositif scé-
les personnages, où ils se déplacent et, surtout, à qui ils nique. Elle sait qui est là et qui entend. D’ailleurs, son
s’adressent. Les didascalies signalent d’ailleurs régulière- trouble (« Mon Dieu ! mon Dieu ! », l. 37) montre qu’elle
ment les destinataires : « à Basile » (l. 38), « à Suzanne » craint le pire et ne maîtrise plus la situation.
(l. 67). Beaumarchais ajoute des répliques « à part ». Il
8. a. La mise en abyme de la réplique vient de ce que
faut comprendre que le comte et le page sont tous les
le comte s’amuse à rejouer le moment où il a découvert
deux cachés puis que le comte se relève et se montre,
Chérubin caché derrière un rideau le matin même chez
mais que Chérubin reste caché et n’est découvert que
Fanchette. Et, en jouant la scène, il trouve de nouveau le
dans la dernière partie de la scène (l. 63).
petit page caché dans le fauteuil sous la robe de Suzanne.
Analyse du texte On a donc une mise en scène de la scène du matin : du
3. Les trois mouvements de la scène suivent exactement théâtre dans le théâtre, aussi appelé mise en abyme.
la révélation de la présence des deux personnages cachés. b. Langue Le présent est ici avant tout un présent de
• l. 1-31 : Basile entre en scène (l. 1). narration, puisque le comte raconte la scène du matin ;
" Dialogue entre Suzanne et Basile ; le comte et Chéru- mais c’est aussi un présent d’énonciation, puisqu’il joue
bin sont cachés. ce qu’il dit. Cela renforce le comique de la scène : le
• l. 32-63 : le comte révèle sa présence (l. 32). public sait ce qu’il va se passer et en rit d’avance.
" Dialogue entre Suzanne, Basile et le comte à propos Expression écrite
de Chérubin ; Chérubin reste caché. 9. Vers le commentaire
• l. 64 à la fin : Chérubin est découvert par un effet de Critères de réussite de la partie rédigée de commentaire
mise en abyme (l. 63).
" Le comte en colère demande des explications et • Mise en page : paragraphes, alinéas.
menace Suzanne d’annuler son mariage avec Figaro. • Structure des paragraphes : clarté de la démonstration
interne.
La scène est donc construite sur les rebondissements des
• Choix approprié des exemples et analyse pertinente.
apparitions successives des personnages cachés sur scène.
• Insertion correcte des exemples.
4. Basile révèle que Chérubin convoite la comtesse
Proposition de paragraphe 1 rédigé
(l. 23-26), puis s’excuse de ses paroles auprès du comte
Le fauteuil permet à Beaumarchais de manifester une
(l. 44-46).
certaine théâtralité. Au centre du dispositif scénique, il
5. La scène repose sur le comique de situation (les appa- permet en effet de révéler avec brio toutes les caractéris-
ritions successives) et sur le comique de caractère (la tiques du théâtre. Il est tout d’abord à l’origine des rebon-
jalousie du comte, la fausse naïveté de Chérubin). dissements qui rythment la scène. Le comte et Chérubin
6. Au début de la scène, le comte se cache pour ne pas sont cachés, l’un derrière et l’autre dans le fauteuil, dès le
être vu en présence de Suzanne. Quand il révèle sa pré- début de la scène. Une première « scène dans la scène »
sence à Basile, malgré la rumeur évoquée par ce der- est constituée par le dialogue entre Basile et Suzanne.
nier, il reste enjoué et rassurant, et se livre au badinage : Ce premier mouvement permet la révélation au comte
« Nous sommes deux avec toi, ma chère. Il n’y a plus de la rumeur concernant Chérubin et la comtesse. Cette
le moindre danger ! » (l. 42-43). Lorsqu’il découvre Ché- révélation en entraîne une autre : le comte sort de sa
rubin, il change de ton : « emporté » (l. 78), puis « en cachette. Le dialogue porte ensuite sur Chérubin et
colère » (l. 83) et « plus outré » (l. 91). aboutit à la mise en abyme qui révèle la présence de
La menace d’annuler le mariage, qui conclut la scène, Chérubin, nouveau rebondissement pour le comte et
signale qu’il est désormais en de très mauvaises dispo- Basile. Le dernier mouvement, de la ligne 64 à la fin, clôt
sitions envers Suzanne. Après le changement brutal de la scène sur un ton moins comique, ce qui constitue un
ton, sa colère va donc crescendo. nouveau retournement. Le jeu tourne au désavantage

159
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
provisoire de Suzanne, de Figaro et de Chérubin. Quatre 4. Le billet et l’épingle jouent un rôle majeur dans la
retournements de situation rythment donc cette scène scène.
et lui donnent une dimension éminemment théâtrale, 5. L’objectif de cette question est de faire comprendre aux
d’autant qu’elle repose sur la complicité du public et de élèves l’utilisation de l’espace théâtral. Il peut être aussi
Suzanne, les deux seuls à connaître la totalité du dispo- l’occasion de revoir le vocabulaire spécifiquement théâtral.
sitif scénique. Le comte « s’avance au bord du théâtre » (l. 40-41). Il est
Analyse des accessoires donc en avant-scène, bord plateau, côté cour ou côté jardin.
L’important est de le placer à l’opposé de Marceline, de
10. 11. Liste et fonctions des accessoires de l’acte I
Figaro et de Suzanne, qui se trouvent « de l’autre côté du
• sc. 1 la toise et le bouquet virginal
salon » (l. 38). Il s’agit aussi de faire comprendre que Figaro
" fonction informative
commente le jeu de scène du comte en temps réel.
• sc. 5-7 le bonnet et le ruban de la comtesse,
la romance de Chérubin (sc. 7) Analyse du texte
" fonction dramatique et psychologique 6. La cérémonie s’organise autour de Marceline et
(le sentimentalisme de Chérubin) Suzanne, les futures épousées. Elles sont conduites par
• sc. 8-9 le fauteuil Antonio, l’oncle de Suzanne, et Figaro (en fait, le fils
" fonction dramatique, comique de Marceline), auprès du comte pour recevoir de lui et
et symbolique (des conflits) devant témoins (donc devant tous les paysans du château,
• sc. 10 la toque virginale le juge, le maire et les domestiques) les toques dites
" fonction dramatique virginales, qui assurent que le comte renonce au droit de
On fera justifier les réponses, davantage pour lancer un cuissage. Les deux femmes seront donc vierges avant de
travail oral. L’activité vise surtout à familiariser les élèves connaître leur mari. D’ailleurs, après avoir posé la toque
au vocabulaire de l’analyse : les fonctions de l’accessoire. virginale sur la tête des futures mariées, le comte est
censé donner symboliquement les jeunes fiancées à leur
futur mari : Suzanne à Figaro et Marceline au docteur
(en fait, le père de Figaro).
Lecture 3 La cérémonie p. 290-291 Le comte et la comtesse sont au début assis pour mon-
trer qu’ils sont les maîtres de cérémonie. Cette position
▶ Activités p. 291 signale leur rang.
Découverte du texte 7. Les jeunes filles portent les attributs de la virginité :
« toque virginale », « voile blanc », « gants », « bouquets ».
1. La lecture de la scène est rendue difficile par la place
importante que les didascalies – et donc, le jeu de scène 8. Les deux futures mariées sont Marceline et Suzanne.
– y prennent. Elle oblige le lecteur à s’imaginer précisé- Marceline est accompagnée de Figaro, son fils, qui est
ment ce qu’il se passe et peut donner une impression de l’homme le plus proche de sa famille, et Suzanne est
confusion d’autant plus grande que les comédiens sont conduite par Antonio, son oncle, lui aussi le plus proche
nombreux. Cette scène serait donc plus à voir qu’à lire. membre de sa famille. L’usage voudrait que ce soit le
Elle préfigure en cela le théâtre du XXe siècle et signale – père de chacune des mariées qui les accompagne. Mais
encore une fois – la modernité de Beaumarchais et son en l’absence du père, on choisit l’homme de la famille le
sens aigu de l’écriture scénique. plus proche de la future mariée.
2. Quatre mouvements 9. Le chant et la danse renforcent le caractère cérémo-
l. 1-28 Tout le début de la cérémonie. nial de la scène et en amplifient la théâtralité : on est
l. 29-39 Suzanne donne le billet au comte. « au spectacle ». Chant et danse donnent aussi de la
l. 40-61 Le comte s’écarte pour lire le billet ; Figaro se gaieté à l’ensemble et rythmeront le jeu du billet.
moque du comportement de son maître. 10. Suzanne donne au comte le billet qui lui donne ren-
l. 62-64 Réplique isolée de la comtesse à Suzanne et dez-vous le soir même « sous les grands marronniers »
sortie des deux femmes. (IV, 3). Cela fait partie du piège tendu par la comtesse.
3. Le nombre de comédiens est élevé sur scène, car il 11. Le jeu des comédiens est censé être secret, puisque
s’agit de la cérémonie de la toque virginale. Si on lit Beaumarchais précise que les gestes doivent paraître natu-
attentivement les didascalies du premier mouvement, rels : « puis elle porte la main qu’elle a du côté des specta-
on a les gardes-chasse, l’Alguazil, les prud’hommes, teurs à sa tête, où le comte a l’air d’ajuster sa toque ; elle
Brid’oison, des paysans et des paysannes, six jeunes filles, lui donne le billet » (l. 31-33). L’expression « a l’air » signale
Antonio, Suzanne, Figaro, six autres jeunes filles, Marce- l’artificialité du jeu. Enfin, l’adverbe « furtivement » (l. 34)
line, Figaro, le docteur, le comte et la comtesse. L’effet exprime le caractère masqué du jeu du comte.
est donc très théâtral, assez solennel, pour le spectateur. L’échange a lieu « du côté des spectateurs », qui voient
Cette scène exige un plateau plutôt grand. la scène et en deviennent complices. Figaro ne voit pas

160
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
l’échange du billet, car il est positionné de l’autre côté. Il Lecture 4 Le monologue
ne sait donc pas que c’est Suzanne qui a donné ce billet
au comte. Il croit d’ailleurs que c’est « une fillette [qui l’] de Figaro p. 292-293
aura glissé dans sa main en passant » (l. 50-51).
12. Le comte est ridiculisé par sa hâte de lire le billet, ▶ Activités p. 293
puis quand il se pique avec l’épingle et, enfin, lorsqu’il Découverte du texte
se met à quatre pattes pour rechercher l’épingle qu’il a
1. Beaumarchais qualifie de « sombre » (l. 2) l’humeur
jetée. On est donc loin de la prestance attendue dans
de Figaro.
un tel moment de cérémonie ; surtout, le comte se com-
porte comme un jeune naïf qui reçoit pour la première 2. Figaro est tour à tour désespéré, déçu, puis en colère
fois le billet doux tant attendu (billet qu’il baise, l. 48). Il et revendicatif, enfin, de nouveau désespéré au terme du
tombe bien facilement dans le piège tendu par les deux monologue.
femmes, sans s’étonner du retournement soudain de 3. Habituellement un monologue est une séquence par-
Suzanne qui, jusqu’à présent, refusait très clairement ses ticulièrement statique. Le théâtre classique avait même
avances. pour habitude de placer le comédien, face public, plutôt
13. Les femmes sont à la manœuvre tout au long de immobile, pour véritablement déclamer son monologue.
cette scène, car ce sont elles qui ont imaginé et tendu Ici, Beaumarchais dynamise et revisite le monologue. Le
le piège. Elles manipulent, avec efficacité et finesse, à personnage est actif (« se promenant dans l’obscurité »,
la fois le comte et Figaro, qu’elles dominent sans avoir l. 1) : l’auteur casse donc le code « face public ». Les didas-
besoin d’user de belles paroles. Le rapport de domination calies jalonnent le propos et montrent Figaro toujours
est renversé : les deux personnages masculins, le comte agissant : « Il s’assied sur un banc » (l. 20) « Il se lève »
et Figaro, sont dupés. Beaumarchais exploite d’ailleurs (l. 49), « Il se rassied » (l. 56), « Il se lève en s’échauffant »
l’ironie de la situation, car Figaro se moque du comte, (l. 93), « Il retombe assis » (l. 95). En somme, le corps du
alors que lui aussi est dupé. Les « signes d’intelligence » comédien vient incarner l’humeur du personnage. On
(l. 59) entre les deux femmes manifestent leur compli- est déjà dans un jeu de scène moderne, presque réaliste.
cité : elles ne se laissent pas faire et ce ne sont plus les Le propos n’est pas dissocié du corps. Le monologue n’est
hommes qui incarnent l’intelligence et la malice. pas un morceau de bravoure : il témoigne physiquement
des aléas intérieurs d’un personnage complexe.
14. Suzanne et la comtesse vont échanger leurs habits.
Remarque. Ce monologue est un des plus longs du
Habillée comme Suzanne, c’est en fait la comtesse qui
théâtre français. Sur scène, il faut compter plus de dix
aura rendez-vous avec le comte, qu’elle pourra confondre.
minutes. Enfin, sa position – dans le dernier acte – est en
Expression écrite soi un défi aux usages : les monologues sont en général
15. Vers la dissertation situés dans les premiers actes, pas dans le dernier où le
Erratum. Il s’agit bien d’une activité Vers la dissertation temps n’est plus à la réflexion mais aux résolutions.
(et non Vers le commentaire). Cette erreur sera corrigée Analyse du texte
dans une prochaine édition du manuel.
4. a. Figaro s’est aussi laissé piéger par le déguisement
Proposition d’arguments et d’exemples
de la comtesse. Il pense avoir vu Suzanne avec le comte.
Le théâtre est un genre avant tout destiné à être vu.
Il se croit donc trahi par elle et en ressent une grande
1. Les situations sont souvent très visuelles. Leur seule
déception et tristesse. Le monologue commence là.
lecture peut donc les rendre difficiles à comprendre.
b. Il accuse les femmes en général, puis Suzanne, puis
" Ex. La cérémonie de l’acte IV, scène 9 est un véritable
le comte.
spectacle, appuyé sur le chant, la danse et un grand
c. Langue La ponctuation est expressive en ce début
nombre de personnages sur scène. Le plaisir est plus
de monologue. Le désespoir de Figaro est révélé par la
grand à voir cette scène qu’à la lire.
succession des quatre exclamatives qui ouvrent le mono-
" Ex. L’échange du billet dans cette même scène, la posi-
logue. Les points de suspension traduisent aussi son
tion des comédiens situés à l’opposé les uns des autres
écœurement, sa déception. Il n’imaginait pas une telle
peuvent ne pas être clairs à la lecture, d’autant que
trahison de Suzanne. Sans doute se sent-il perdu dans
Beaumarchais multiplie les espaces de jeu simultanés :
ses sentiments et la confiance qu’il lui portait.
d’un côté, le jeu du billet et de l’épingle, de l’autre, Figaro,
Marceline et Suzanne qui observent et commentent. 5. Figaro reproche au comte de s’être « donné la peine
2. Le jeu et la mise en scène renforcent le comique de de naître, et rien de plus » (l. 13-14), en d’autres termes
situation. de ne devoir son rang qu’à la nature et non à ses qualités
" Ex. Le jeu autour du fauteuil dans la scène 9 de l’acte I. personnelles. Il ajoute qu’il le trouve « assez ordinaire »
" Ex. Le rendez-vous entre la comtesse, habillée en (l. 14), alors que son statut social est extraordinaire. Beau-
Suzanne, et le comte, à l’acte V. marchais attaque ainsi assez directement les privilèges
accordés à la noblesse dans la société d’Ancien Régime.

161
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
6. L’opposition entre Figaro et le comte est syntaxique- 9. Figaro sombre et tragique
ment exprimée dans le passage par « tandis que » (l. 14), • Le champ lexical de l’obscurité traduit l’humeur du
conjonction qui sépare le mouvement en deux. La pre- personnage, désespéré.
mière partie évoque le comte, à qui Figaro s’adresse avec " « l’obscurité » (l. 1), « ton le plus sombre » (l. 1-2),
le pronom « vous » (à partir de la l. 9), qu’il oppose au « perdu dans la foule obscure » (l. 15), « La nuit est noire
« moi » (l. 15) de la deuxième partie. en diable » (l. 19), « obscur pensionnaire » (l. 57).
7. Figaro a été successivement vétérinaire, auteur de • Le champ lexical des sentiments exprime aussi sa
comédie, pamphlétaire, directeur de journal, meneur de désillusion.
jeu de cartes, barbier, puis homme à tout faire du comte " « moi comme un benêt » (l. 8), « je m’en dégoûte »
Almaviva. Ce récit rappelle la vie de Beaumarchais car, (l. 22), « partout je suis repoussé » (l. 23), « Mes joues
comme son personnage, il a exercé beaucoup de métiers, creusaient, mon terme était échu » (l. 36-37), « l’affreux
fréquenté les grands de son siècle, essuyé la censure… recors » (l. 38), « je laissai l’espérance et la liberté » (l. 48),
« Le désespoir m’allait saisir » (l. 73), « Pour le coup je
8. Le monologue de Figaro est un réquisitoire contre les
quittais le monde, et vingt brasses d’eau m’en allaient
inégalités sociales et la censure.
séparer » (l. 82-83), « l’illusion s’est détruite », « trop désa-
• Il critique les motifs de la censure :
busé… Désabusé ! » (l. 111), « tourments » (l. 113).
– la diplomatie ;
• Le champ lexical de la fatalité et de la destinée révèle
" « un envoyé… de je ne sais où » (l. 31) obtient l’inter-
que Figaro n’a pas pu choisir son destin. Les lois sociales
diction de sa comédie. L’énumération des lignes 32-35
ont eu raison de ses qualités personnelles.
englobe un large périmètre géographique (de l’Inde à la
" « Fils de je ne sais pas qui ; volé par des bandits »
Perse et le Maghreb). Figaro montre ainsi que la liberté
(l. 21-22), « Ô bizarre suite d’événements » (l. 95-96),
d’expression est soumise aux aléas géopolitiques. On
« Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le
pourra souligner l’actualité du propos.
savoir, comme j’en sortirai sans le vouloir » (l. 98-99).
– l’arbitraire ;
" On lui reproche de ne pas avoir des idées sociales et Figaro drôle et ironique
économiques en accord avec les décisions du pouvoir, ce • Le réseau lexical de l’autodérision montre que, si
qui lui vaut la prison sans sommation ni procès (l. 40-48). Figaro accuse certains de ses contemporains, il se moque
– l’hypocrisie. aussi de sa situation.
" L’accumulation des « ni » des l. 63-68 montre que l’on " « Las d’attrister des bêtes malades » (l. 26-27), « je
ne peut en réalité parler de rien. C’est la raison pour voyais de loin arriver l’affreux recors, la plume fichée
laquelle Figaro appelle ironiquement le journal qu’il dans sa perruque » (l. 38-39), « aussitôt je vois, du fond
crée Journal inutile (l. 71). Un tel journal ne peut donc d’un fiacre, baisser pour moi le pont d’un château fort,
être qu’hypocrite. C’est le sens de la leçon, devenue à l’entrée duquel je laissai l’espérance et la liberté »
célèbre, qu’en tire Figaro : « sans la liberté de blâmer, il (l. 45-48), « Las de nourrir un obscur pensionnaire, on
n’est point d’éloge flatteur » (l. 54-55). me met un jour dans la rue » (l. 56-58), « et, pour prix
• Il critique une société qui ne récompense pas le d’avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la
mérite. mienne ! » (l. 89-90).
– Figaro a étudié « la chimie, la pharmacie, la chirurgie » • Les termes ironiques
(l. 24), mais il ne peut pas exercer : " L’ironie a été étudiée dans l’activité 8 : s’y reporter pour
" « à peine me mettre à la main une lancette vétéri- les exemples.
naire » (l. 25-26). 10. Les énumérations donnent de Figaro une image
– La société ne choisit pas les plus compétents mais valo- complexe. C’est véritablement un personnage de théâtre
rise soit la naissance soit la manœuvre : qui annonce la modernité. Il ne se laisse en effet pas
" « on pense à moi pour une place, mais par malheur enfermer dans un type, comme c’est souvent le cas du
j’y étais propre » (l. 73-75), « il fallait un calculateur, ce valet de comédie. Il a une épaisseur psychologique et des
fut un danseur qui l’obtint » (l. 75-76), « je commençais contradictions. En ce sens, il est à l’image de l’individu
même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir- en construction que le XVIIIe siècle a fait naître : il pense
faire vaut mieux que le savoir » (l. 80-82). par lui-même, en dehors de son rang, et estime devoir
– Figaro remet donc en question toute l’organisation de conquérir et obtenir le bonheur auquel il a droit.
la société et accuse ceux qui la dirigent : La tonalité devient plus lyrique, précisément au moment
" « un de ces puissants de quatre jours » (l. 50), « il n’y où la voix de Figaro se fait intime, où il exprime la bles-
a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits » sure qu’il éprouve. La répétition de l’adjectif « désabusé »
(l. 55-56). et de « Suzon » (l. 111-112), les exclamatives et les points
Le réquisitoire de Figaro s’appuie donc sur l’ironie et le de suspension traduisent son amertume, peut-être aussi
registre polémique. un sentiment de fatigue et d’échec, de n’avoir pas réussi
à devenir ce qu’il aurait pu être.

162
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
Expression écrite Étape 3
11. Critères de réussite du monologue I. (g.) Une pièce censurée pendant quatre ans et dont
Louis XVI qualifiait la représentation d’« inconsé-
• Respect de la situation d’énonciation.
• Respect de la contrainte du monologue : seul en quence dangereuse »
scène. 1. (f.) Une critique de la justice
• Utilisation d’éléments concrets de la vie de 2. (d.) Une pièce féministe qui dénonce la place accordée
Beaumarchais. aux femmes dans la société
• Monologue structuré en différents mouvements. 3. (a.) Une critique des inégalités sociales
• Réquisitoire contre la censure dans au moins une II. (h.) Une pièce qui vise à divertir le public
partie. 1. (c.) Une pièce comique
• Variété des tons du personnage. 2. (e.) Une pièce très rythmée et variée
• Variété des tonalités : humour, pathétique, tragique, 3. (b.) Une pièce qui fait l’éloge du théâtre
comique, polémique…
• Utilisation des procédés du monologue de Figaro : Étape 4
énumérations, ponctuation expressive, ironie, 4. a. Beaumarchais relie la phrase citée dans le sujet
anaphore. à la fonction satirique de la comédie, dans la lignée
• Vivacité du ton.
des comédies d’Horace et de Molière : Castigat ridendo
• Introduction d’éléments de mise en scène à travers
les didascalies : un monologue actif.
mores (« Elle corrige les mœurs en riant »).
b. La préface évoque également la fonction morale et la
fonction comique du genre, qui sont liées à la fonction
satirique.
c. Propositions de citations
Atelier Dissertation guidée • « [L’auteur] est le peintre de leurs vices. » (l. 24)
• « toute comédie n’est qu’un long apologue » (l. 33-34)
p. 294-295
• « Les vices, les abus, voilà ce qui ne change point, mais
se déguise en mille formes sous le masque des mœurs
▶ Activités p. 295 dominantes : leur arracher ce masque et les montrer à
Étape 1 découvert, telle est la noble tâche de l’homme qui se
voue au théâtre. » (l. 50-54)
1. a. La reformulation doit expliciter la métaphore du
• « Soit qu’il moralise en riant, soit qu’il pleure en morali-
géant, présente dans la citation.
sant […], il n’a pas un autre devoir : malheur à lui s’il s’en
Proposition de reformulation
écarte ! » (l. 54-57)
Le théâtre est un genre littéraire dont le pouvoir est
• « On ne peut corriger les hommes qu’en les faisant
aussi grand que celui d’un géant : lorsqu’il s’attaque à
voir tels qu’ils sont. La comédie utile et véridique n’est
un sujet ou à un vice, pour les dénoncer ou les critiquer,
point un éloge menteur, un vain discours d’académie. »
il les terrasse.
(l. 57-60)
b. On peut en conclure que Beaumarchais explicite à
travers cette métaphore le fait que sa pièce a une visée 5. Lecture 1 : I. 2 et II. 2. Lecture 3 : II. 1, II. 2 et II. 3.
critique, voire satirique. Lecture 2 : II. 1 et II. 3. Lecture 4 : I. 3.
c. L’utilisation du verbe « suffire » et la question fermée 6. 7. Proposition d’enrichissement du plan
signalent un sujet qui appelle une discussion : le propos I. Une pièce censurée pendant quatre ans et dont
pourra être nuancé en un plan dialectique. Louis XVI qualifiait la représentation d’« inconsé-
quence dangereuse »
Étape 2
1. Une critique de la justice
2. Beaumarchais assigne à la comédie une visée sati- " comique de caractère : le juge Brid’oison est ridicule.
rique et morale. " III, 15 en entier.
Propositions de citations 2. Une pièce féministe qui dénonce la place accordée
• « Les vices, les abus, voilà ce qui ne change point, mais aux femmes dans la société
se déguise en mille formes sous le masque des mœurs " II, 21 : c’est grâce aux femmes que Figaro peut tromper
dominantes : leur arracher ce masque et les montrer à le comte en affirmant que c’est lui qui a sauté par la
découvert, telle est la noble tâche de l’homme qui se fenêtre et non Chérubin.
voue au théâtre. » (l. 50-54) " II, 24 : la comtesse imagine son stratagème.
• « On ne peut corriger les hommes qu’en les faisant " III, 16 : le rôle de Marceline, et ses répliques sur le sta-
voir tels qu’ils sont. La comédie utile et véridique n’est tut des femmes dans la société :
point un éloge menteur, un vain discours d’académie. » « Hommes plus qu’ingrats, qui flétrissez par le mépris les
(l. 57-60) jouets de vos passions, vos victimes ! »

163
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
« Dans les rangs même plus élevés, les femmes n’ob- exercent parfois encore à l’époque. Un tel acte serait
tiennent de vous qu’une considération dérisoire : leurrées qualifié aujourd’hui de viol. Toute l’intrigue est donc
de respects apparents, dans une servitude réelle ; traitées bâtie pour empêcher cet abus. [3. b.] Les femmes,
en mineures pour nos biens, punies en majeures pour dans Le Mariage de Figaro, n’occupent d’ailleurs des
nos fautes ! » rôles secondaires qu’en apparence. [4. b.] Très vite,
" V, 7 et dénouement : le piège de la comtesse a fonc- elles renversent les rapports de domination et mani-
tionné et le comte est obligé de s’amender. pulent les hommes. Le stratagème imaginé par la
3. Une critique des inégalités sociales comtesse fonctionne parfaitement, et la cérémonie
" III, 5 : confrontation entre le comte et Figaro, qui tra- de la toque virginale s’appuie sur l’ironie : le comte
duit les nouveaux rapports de force. Cette scène contient et Figaro sont dupés. Croyant mener la danse, ils la
la fameuse définition de la politique selon Figaro. subissent à leurs dépens. [3. c.] Mais c’est surtout la
II. Une pièce qui vise à divertir le public scène 16 de l’acte III qui donne à la pièce un accent
1. Une pièce comique féministe très moderne. [4. c.] Le personnage de Mar-
" II, 21 : comique de caractère (le jardinier Antonio), celine dénonce explicitement la place des femmes et
comique de mot et de farce. souligne combien elles sont victimes de la toute-puis-
" II, 16 : le retournement de situation final. sance masculine. Elle rappelle ainsi que les femmes
" II, 20 (et toute la pièce) : les répliques impertinentes assument seules des fautes commises aussi par les
de Figaro. hommes : « Dans les rangs même plus élevés, les
« S’il est ainsi, ce n’est pas moi qui mens, c’est ma femmes n’obtiennent de vous qu’une considération
physionomie. » dérisoire : leurrées de respects apparents, dans une
2. Une pièce très rythmée et variée servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens,
" V en entier, qui joue sur les rythmes et sur ceux qui punies en majeures pour nos fautes ! » Beaumar-
regardent, ceux qui se font duper. chais n’épargne personne dans une telle réplique : il
" alternance de scènes très comiques et de scènes plus inclut même la noblesse dans sa charge et montre
sérieuses (les répliques de Marceline dans l’acte IV, les à son public que l’irrespect des hommes contamine
dialogues entre Figaro et elle lorsqu’elle joue son rôle de toute la société. L’utilisation du terme « servitude »
mère : IV, 13, 15). ne laisse planer aucun doute sur le point de vue du
3. Une pièce qui fait l’éloge du théâtre dramaturge. [5.] La place que Beaumarchais accorde
" II, 4 et 6 : le chant de Chérubin, puis son déguisement. aux rôles féminins autorise donc à lire Le Mariage de
" II, 14 : la sortie de Chérubin par la fenêtre. Figaro comme une satire explicite du patriarcat.
" V : les femmes sont déguisées et ont échangé leur
identité.
" V en entier : on a un jeu efficace entre des person-
nages spectateurs et des personnages acteurs.
Étape 5
8. Pour ce travail, le critère de réussite majeur est celui Atelier Replacer l’écrivain et
de la construction du paragraphe en étapes V encadré
Conseils, p. 295. Il s’agit de montrer aux élèves qu’un l’œuvre dans leur siècle p. 296-297
paragraphe est en lui-même une démonstration.
Proposition de paragraphe rédigé V Plan I. 2., supra ▶ Activités p. 297
Les numéros intégrés dans le paragraphe qui suit ren- L’objectif de cet atelier est double.
voient aux étapes attendues. Comme le paragraphe pro- Il est tout d’abord culturel : approfondir la connaissance
pose plusieurs exemples, les numéros 3 et 4 apparaissent des élèves sur le siècle des Lumières.
forcément plusieurs fois (chaque exemple doit en effet Il est ensuite méthodologique : familiariser les élèves à
être introduit et analysé). la recherche et à la synthétisation de données collectées
[1.] Ensuite, Le Mariage de Figaro est une comédie qui sur Internet.
dénonce la place que la société du XVIIIe siècle accorde
aux femmes. [2.] Penseur des Lumières, Beaumar- Étape 1
chais rejoint ici les philosophes et invite ses contem- 1. Recherches On trouvera, en consultant l’exposition
porains à faire évoluer leur mentalité. [3. a.] Le sujet en ligne de la BNF, un site riche en ressources et très
de la pièce, la manière dont le comte est dupé et doit bien construit. La navigation et le repérage y sont aisés,
faire amende honorable à la fin de l’acte V, ancrent les entrées essentiellement thématiques.
fortement le propos dans la défense des femmes. Pour aider les élèves, un questionnaire serait le bien-
[4. a.] Le comte, en voulant user du droit de cuis- venu. On pourra s’inspirer de celui qui suit.
sage, révèle l’abus de pouvoir que certains seigneurs

164
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
Questionnaire sur les Lumières Texte 7
5. Selon Vitez, la pièce met en scène la contestation des
Vous allez effectuer une recherche sur le mouvement
des Lumières à partir du site Internet suivant : privilèges de la noblesse par le peuple. Elle remet en cause
V http://expositions.bnf.fr/lumieres/ les inégalités sociales : « Beaumarchais exprime de façon
nette le désir de renverser le pouvoir existant » (l. 5-6), « La
I. Naviguez dans la rubrique « l’exposition ». défaite des privilèges est clairement montrée » (l. 8-9).
1. Faites le compte rendu de la sous-rubrique
« les Lumières ». Vous utiliserez vos propres mots. 6. Paradoxalement, c’est le comte Almaviva qui repré-
2. Choisissez une autre rubrique parmi les trois sente le mieux ce combat dans la pièce, selon Vitez, car
suivantes : la religion – la science – l’universalité. son échec exprime le renversement social qui s’opère :
Faites-en aussi un compte rendu avec vos propres mots. « Oui, il est tragique, humilié devant sa femme et le petit
II. Naviguez dans la rubrique « arrêt sur ». Consultez
peuple de ses domestiques » (l. 10-11). L’échec du comte
les sous-rubriques (identiques aux précédentes mais exprime en miroir les revendications d’égalité du peuple.
plus développées) pour répondre aux questions. Étape 3
1. Dans quel espace mondial le mouvement
des Lumières s’est-il développé ? 7. Cet écrit d’appropriation réinvestit dans un para-
2. Quelles sont les trois idées qui se trouvent à la base graphe argumentatif les connaissances acquises lors des
de l’esprit des Lumières ? Expliquez précisément en lectures précédentes. L’atelier de dissertation guidée sera
quoi elles consistent. une source féconde de citations et d’exemples.
3. Quel est le rapport des Lumières à la religion ? Critères de réussite du paragraphe argumentatif
4. Pourquoi les philosophes des Lumières se sont-ils
intéressés à la science ? Quelle figure scientifique • Le paragraphe reprend les arguments proposés
domine les sciences au XVIIIe siècle ? en les explicitant et en les illustrant par des exemples
5. Quelle est la place de l’individu dans la philosophie pertinents.
des Lumières ? • Le paragraphe est construit (présence d’articulateurs).
6. Pourquoi les Lumières s’intéressent-elles à la • L’orthographe et la syntaxe sont maîtrisées.
diffusion du savoir et à l’éducation ?
7. Donnez deux exemples de détournement des idées
des Lumières à notre époque.
Textes complémentaires 8
III. Rendez-vous dans la rubrique « rencontres »,
puis « bande dessinée ». et 9 Molière, Dom Juan et
Des auteurs connus dans les domaines de la bande
dessinée ou du dessin de presse s’expriment dans des
Les Fourberies de Scapin p. 298-299
vidéos à propos des Lumières.
• Choisissez une vidéo parmi les trois suivantes : ▶ Activités p. 298
– Marjane Satrapi, « La religion »
1. Texte 8 Sganarelle ne répond pas avec une complète
– Plantu, « La politique »
– Gotlib, « La science » franchise à son maître, car il commence souvent par dire
• Expliquez ce que l’auteur retient de l’esprit des le contraire de ce qu’il pense, de ce qu’il vient de dire
Lumières et résumez son opinion concernant ou de ce qu’il va dire. Par exemple, il qualifie de « Fort
l’application de l’esprit des Lumières aujourd’hui. bonne » (l. 14) la vie menée par Dom Juan, alors qu’il
vient de se déclarer « scandalisé » (l. 12) par les agis-
2. La carte mentale peut être aussi élaborée en classe sements de son maître et que la phrase qui suit cette
collectivement à partir de la recherche faite en activité 1. affirmation s’ouvre sur un « Mais » contradictoire.
Étape 2 Dom Juan fait preuve d’autorité face à son valet et ne
supporte pas qu’il lui exprime quelque reproche. Il fait
Texte 6
mine de le questionner : « Comment ? Quelle vie est-ce
3. Le théâtre est un genre fort prisé au XVIIIe siècle : « Le
que je mène ? » (l. 13), « Y a-t-il rien de plus agréable ? »
siècle des Lumières a adoré le théâtre » (l. 1).
(l. 16), mais balaie ensuite toutes les remontrances de
4. L’auteur considère Beaumarchais comme un artiste Sganarelle et refuse son avis, de manière péremptoire,
des Lumières, car il pose sur la scène « tous les grands ainsi que le soulignent les impératifs (l. 21), l’insulte
problèmes esthétiques, moraux, sociaux et politiques (l. 27), voire la menace à peine masquée (l. 27-28).
qui ont agité ce siècle d’effervescence » (l. 4-6) et le fait Pour exprimer ses reproches, Sganarelle emploie divers
« dans le mouvement de la gaieté, de l’impertinence et procédés : la contradiction (cf. ci-dessus), l’euphémisme
d’une formidable débauche d’énergie » (l. 26-28) propre (« tant soit peu scandalisé », l. 12), la concession exagérée
à ce siècle. Enfin, il insiste sur l’enjeu des pièces de Beau- (l. 17-20). Enfin, il prétend ne pas parler de Dom Juan
marchais qui tiennent « un discours qui sonne la révolu- mais de « certains petits impertinents » (l. 31-32) dans
tion » (l. 31), devant « le public aristocratique qui rit de sa dernière réplique : « Je ne parle pas aussi à vous, Dieu
se voir mettre en pièces » (l. 39-40). m’en garde ! » (l. 29-30)

165
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
2. Texte 9 L’intelligence de Scapin se manifeste dans teau ; l’espace imaginaire du bateau, au loin, dont on voit
la façon dont il invente une histoire rocambolesque les voiles ; les coulisses. On imagine toute la variété que
et mensongère, sans cesse exagérée (cf. l’ajout d’une ces cinq espaces créent.
péripétie dramatique à chacune de ses répliques), afin La profondeur est d’autant plus grande que le décor à
de susciter la pitié de son maître et de réussir à lui sou- l’arrière est d’abord matérialisé par de vrais accessoires
tirer l’argent nécessaire. Il exagère également la fibre qui figurent les voiles d’un bateau et des filets de pêche.
paternelle de Géronte pour lui rendre tout refus impos- Mais ces voiles sont ensuite relayées par une peinture en
sible (l. 29-31). perspective cavalière qui laisse le ciel apparent. L’espace
Enfin, la malice de Scapin apparaît dans sa façon de scénique semble donc sans limite.
chercher à obtenir les cinq cents écus de son maître. En 3. Le décor est très éclectique, un peu disproportionné
effet, tout le début de la scène (l. 1-24) consiste à repous- même. Il est très spectaculaire et très visuel. Il absorbe
ser habilement cette annonce. D’abord, il annonce à ainsi tout de suite le spectateur dans la « fable ».
Géronte la « disgrâce » de Léandre : la nouvelle court sur
deux répliques, ce qui crée un effet d’emphase et, cumulé
au terme « disgrâce », parodie la tonalité tragique. Puis
il invente son histoire d’invitation devenue prise d’otage,
à la fin de laquelle seulement il énonce la demande de Texte complémentaire 10
rançon de cinq cents écus (l. 22). C’est à partir de là que Marivaux, L’Île des esclaves p. 300
débute le passage dans lequel Géronte répète sa célèbre
réplique « Que diable allait-il faire dans cette galère ? »,
à laquelle Scapin répond toujours par des arguments
▶ Activités p. 300

pertinents, sans jamais rappeler le montant de la rançon. Découverte du texte


3. a. b. c. Textes 8 et 9 ; Lecture 4 ; Le Mariage de 1. a. Le nom « Arlequin » inscrit déjà le personnage
Figaro, acte III, scène 5 Sganarelle, Scapin et Figaro sont dans le type du valet de comédie, en le plaçant dans la
tous les trois des valets intelligents, qui connaissent très droite lignée des personnages de la commedia dell’arte
bien leur maître et savent le manipuler. Cependant, de et des valets de Molière. Il semble également se laisser
Sganarelle à Figaro, on note une liberté de parole de aller à certains vices, comme la boisson (l. 19-23). Il obéit
plus en plus grande : Figaro s’affranchit davantage de apparemment aux ordres de son maître, qui utilise de
son maître, se sait capable d’indépendance. Il a d’ailleurs nombreux impératifs. Pour autant, il ne s’en laisse pas
exercé de nombreux métiers. Il ressemble plus à Scapin, conter, ainsi qu’en témoigne toute la fin de la scène où
dans sa liberté de jeu et son audace. Mais, contrairement il comprend qu’il n’est pas en danger, qu’il peut même
à ses deux prédécesseurs, Figaro peut remettre frontale- tirer parti de la situation. Il utilise alors un comique de
ment en question les privilèges du comte, alors que Sga- situation en sifflant et chantant, pour montrer qu’il n’a
narelle et Scapin doivent user de procédés toujours plus pas du tout l’intention d’obéir (l. 46 et 48). Il se rit même
inventifs pour exprimer le fond de leur pensée. Enfin, de la nouvelle situation qui est à son avantage : « je vous
Figaro est un personnage beaucoup plus complexe que plains, par ma foi, mais je ne saurais m’empêcher d’en
les deux autres. Il a davantage d’épaisseur psychologique, rire » (l. 52-53). Il est donc aussi intelligent que Scapin,
ainsi qu’en témoigne son long monologue. Il n’est plus le Sganarelle et Figaro !
valet type de comédie, tels que le sont encore Sganarelle b. Marivaux crée le jeu avec la bouteille, d’abord pour
et Scapin. susciter le rire et introduire une dimension farcesque
à cette scène d’exposition. Il joue aussi sur un effet
▶ Image p. 299 de contraste : un peu décrédibilisé par son alcoolisme,
Arlequin surprend par sa vivacité à comprendre la situa-
1. Le scénographe utilise toutes les possibilités de l’es- tion. Le jeu avec la bouteille n’est donc qu’un jeu, qui lui
pace scénique en créant plusieurs espaces de jeu. Si permet de se moquer de son maître, comme le montre
l’on voit Géronte et Scapin sur le plateau, on imagine son habileté à manier l’ironie : « Ah ! je vous plains de
qu’ils peuvent aussi jouer sur l’espace créé au-dessus de tout mon cœur, cela est juste. » (l. 43-44)
l’échelle côté jardin, juste derrière Scapin. L’échafaudage c. Arlequin a très bien compris qu’il n’a pas du tout inté-
placé côté cour offre aussi de multiples possibilités de rêt à quitter cette île et que le naufrage est une aubaine
jeu pour les comédiens. La scène est donc démultipliée pour lui : « Eh ! chaque pays a sa coutume : ils tuent
et joue sur des hauteurs différentes. les maîtres, à la bonne heure, je l’ai entendu dire aussi ;
2. Le scénographe renforce également la hauteur en mais on dit qu’ils ne font rien aux esclaves comme moi »
créant de la perspective. On a en tout cinq espaces de (l. 35-37). C’est la raison pour laquelle il rit, à la fin de
jeu, réels ou imaginaires : l’avant-scène, devant la balus- l’extrait, de la situation de son maître, qui se retrouve
trade ; le niveau de la balustrade ; derrière la balustrade, dans la position qui était la sienne : il risque de perdre
où les comédiens sont invisibles mais pourtant sur le pla- la liberté et la vie.

166
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
Texte complémentaire 11 Texte complémentaire 12
Marivaux, Le Jeu de l’amour J. Genet, Les Bonnes p. 302
et du hasard p. 301
▶ Activités p. 302

▶ Activités p. 301 Découverte du texte


Découverte du texte 1. La violence des rapports entre les bonnes et leur
maîtresse est marquée ici par le mépris que manifeste
1. Arlequin n’est pas à l’aise dans son rôle de maître :
Claire, qui joue la maîtresse, à l’égard de Solange. Elle
il ne réussit pas en effet à perdre les habitudes de sa
mime tous les travers de Madame, qui donne des ordres
condition. Il ne respecte pas les convenances dues au
contradictoires avec autoritarisme : « Ne te gêne pas, fais
rang des maîtres et se montre aussi un peu familier
ta biche. Et surtout ne te presse pas, nous avons le temps.
dans son comportement et dans son langage. Il utilise
Sors ! » (l. 9). Elle finit même par l’insulter en lui disant
les expressions « beau-père » (l. 6) et « femme » (l. 7),
qu’elle est « hideuse » (l. 26). Le ton est cassant, blessant.
alors qu’il n’est pas encore marié et, lorsque Dorante
le lui fait remarquer, il ne comprend pas et répète la 2. Les didascalies imposent aux comédiennes un jeu
bévue. Il emploie le mot « bagatelle » (l. 13) pour parler exagéré mais aussi mécanique : « Solange change sou-
de la cérémonie du mariage. Il appelle Silvia, déguisée dain d’attitude et sort humblement, tenant du bout des
en domestique, « la belle » (l. 20), lui dit qu’elle « est doigts les gants de caoutchouc » (l. 10-11). Elle semble
jolie » (l. 36), ce qui est évidemment inapproprié, alors contrefaire l’humilité pour correspondre à ce que la
qu’il vient épouser la jeune fille de la maison. Certaines maîtresse attend d’elle. Genet souligne, au début de la
tournures de ses phrases manifestent aussi une syntaxe scène, que le ton de Claire sera « d’un tragique exaspéré »
relâchée : « autant vaut » (l. 10-11), « Pardi » (l. 30). (l. 2), c’est-à-dire poussé à son paroxysme et donc peu
sincère.
2. Le jeu d’Arlequin souligne la manière cavalière dont
les maîtres traitent leurs employés : ils se croient tout
permis. Peut-être Marivaux met-il aussi en valeur l’hypo-
crisie des convenances sociales : Arlequin dit en somme
ce que les maîtres taisent habituellement. Questions d’ensemble p. 302
3. Silvia est surprise par l’attitude d’Arlequin et elle lui
1. • Sganarelle : un peu poltron mais plein de bon sens.
répond assez vivement et avec ironie : « C’est une baga-
• Scapin : malicieux.
telle qui vaut bien la peine qu’on y pense » (l. 14-15),
• L’Arlequin de L’Île aux esclaves : opportuniste.
« En effet, quelle si grande différence y a-t-il entre être
• L’Arlequin du Jeu de l’amour et du hasard : pataud.
marié et ne l’être pas ? » (l. 32-33). Elle relève même l’in-
• Les bonnes : plus caustiques et acerbes.
convenance des propos d’Arlequin auprès de Dorante :
« Bourguignon, on est homme de mérite à bon marché 2. Les extraits de Dom Juan, des Fourberies de Scapin
chez vous, ce me semble ? » (l. 18-19). et du Jeu de l’amour et du hasard sont particulière-
ment comiques. Le valet y est une source importante de
4. La dernière réplique de Silvia est intéressante car, sans
comique, soit par sa maladresse (Le Jeu de l’amour et du
le savoir, elle dit vrai. Aucun des deux personnages n’est
hasard), soit au contraire par son intelligence (Sganarelle
effectivement à sa place puisque Arlequin s’est déguisé
et Scapin). Le comique repose sur le caractère du valet
en Dorante et Dorante en Arlequin. Leur façon d’être et
(Arlequin), mais aussi sur la situation qu’il crée (Scapin,
leur idiolecte révèlent indirectement encore qui ils sont
Arlequin) ou l’à-propos de ses réponses (Sganarelle).
et quel est leur rang.
Cette réplique de Silvia est caractéristique de la double 3. Chez Molière, les valets reflètent les relations sociales
énonciation. Dite « à part », elle est adressée au public codifiées du XVIIe siècle : Sganarelle et Scapin répondent
qui connaît la situation exacte. Il se rit donc de la clair- à leurs maîtres, se jouent d’eux et savent les manipu-
voyance de Silvia. ler, mais ne sortent jamais de leur rang. Sganarelle, par
exemple, ne remet pas trop ouvertement en question
5. Une telle scène a pour effet d’amuser le spectateur. Le
Dom Juan. Arlequin, dans L’Île aux esclaves, se montre
comique repose non seulement sur les maladresses d’Ar-
déjà plus effronté : sa servitude n’est plus totale. Il tire
lequin (comique de caractère), l’étonnement de Silvia
parti de la situation : il n’est pas soumis à son maître et
(comique de situation), que nous venons d’étudier, mais
ne cherche pas à lui obéir quand il sait qu’il peut s’en
aussi sur la double énonciation. Relayée par la dernière
affranchir. L’extrait des Bonnes, écrit au XXe siècle, élargit
réplique de Silvia, elle place le spectateur dans une situa-
la réflexion : Genet exacerbe les rapports de servitude
tion de connaître ce qui se joue véritablement.
de classe et donne à voir leur violence sous-jacente et
intrinsèque. On quitte d’ailleurs le registre comique.

167
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
Lecture cursive A. de Musset, l’indifférence. Perdican séduit Rosette, en faisant en
sorte que Camille en soit témoin. Camille et Perdican se
On ne badine pas avec l’amour livrent à un véritable badinage, c’est-à-dire à un jeu, qui
p. 303 les empêche de vivre leur amour simplement et en vérité.
Le titre de la pièce, tiré d’un proverbe, fait donc figure
Par ce choix de lecture cursive, on entend initier les d’avertissement : il semble annoncer que tout badinage
élèves au théâtre romantique, même si On ne badine aura de fâcheuses conséquences. La mort de Rosette,
pas avec l’amour n’est pas exactement un drame roman- manipulée par les deux jeunes gens, rend leur amour –
tique. Les personnages principaux ne correspondent enfin déclaré – impossible. « Elle est morte. Adieu, Perdi-
en effet pas tout à fait aux héros romantiques tels que can », conclut Camille.
Lorenzaccio, Hernani ou Ruy Blas les incarnent. Ils Surtout, la pièce est aussi un « proverbe », genre de
restent plus ordinaires. L’ancrage historique de la pièce comédie inventé au XVIIe siècle, petite pièce légère et
est également peu marqué. Les élèves découvriront tou- rapide censée donner un enseignement moral. Musset,
tefois le mélange des genres et des registres, la variété avec ce drame, rappelle les méfaits de l’orgueil. C’est en
des tons et la diversité des lieux, qui rompent avec les effet la vanité qui rend l’amour de Camille et Perdican
règles du théâtre dit classique. impossible, et qui tue tragiquement Rosette.
De plus, les élèves découvriront l’expression romantique 3. Expression orale Recherches
de l’amour (et le lyrisme) et verront ainsi le passage du Propositions d’axes
marivaudage au sérieux des romantiques. La dimension I. La rupture avec les règles classiques
biographique de la pièce pourra apporter à ce sujet un – Pas d’unité de lieu ni de temps.
éclairage fécond. – Pas de règle de la bienséance : la pièce est violemment
On poursuivra aussi la réflexion sur la théâtralité. La anticléricale.
pièce n’en manque pas en effet, puisqu’elle joue beau- II. Le théâtre dans un fauteuil : une innovation de
coup sur la complicité avec le public, sur le jeu avec les Musset
accessoires (la lettre en est un exemple), sur les thèmes – La pièce paraît dans La Revue des deux mondes.
du double et sur la mise en abyme. III. Des personnages sublimes et grotesques
– Les sublimes : Perdican et Camille.
▶ Activités p. 303 – Les grotesques : Blazius et Bridaine, et même Pluche
et Blazius.
1. Le terme « couple » est à prendre au sens large, dans IV. Le mélange des registres : comique et tragique
cette question. – La scène d’exposition, comique et qui parodie le style
• La pièce réunit un triangle amoureux : Perdican aime sérieux ou savant, contraste avec la sensibilité exprimée
Camille, et Camille aime Perdican ; mais, de dépit, dans la scène 2.
Perdican séduit aussi Rosette. Cette dernière est le pivot – Tonalité tragique du dénouement.
malheureux de l’orgueil de Perdican et de Camille, qui
refusent de s’avouer leur amour et utilisent Rosette,
l’un pour rendre jalouse Camille, l’autre pour humilier
Perdican et l’obliger à se dévoiler. Synthèse p. 304-305
Camille et Rosette s’opposent dans leur approche de
l’amour : quand la première s’en méfie, la seconde croit ▶ À construire p. 304
naïvement aux serments de Perdican. La froideur de la
première s’oppose à la sensibilité de la seconde. Étape 1
• On peut aussi citer un couple grotesque : Blazius et 1. Cette activité est typique des exercices de tableaux
Bridaine. Contrepoints comiques burlesques, ils se dis- vivants, que l’on peut proposer aux élèves pour fixer la
putent « la meilleure place ». mémorisation d’une intrigue.
• On peut enfin citer un dernier couple, antithétique : Il est toujours intéressant de comparer les propositions,
Pluche et Blazius, les deux précepteurs de Camille et pour noter ce qui a davantage retenu l’attention de
Perdican. Ils s’opposent en tous points, physiquement et chaque groupe : les enjeux majeurs de la pièce se des-
moralement. Ils représentent exactement chacun leur pro- sinent alors le plus souvent.
tégé : Pluche est dévote, tandis que Blazius aime la vie. 2. Propositions d’exemples
2. Expression écrite L’intrigue illustre le proverbe du titre : a. Procédés g, l, n, r
elle montre deux jeunes gens qui badinent avec l’amour, " Lecture 2 (I, 9)
tout en s’interdisant de le vivre. " les déguisements de Chérubin (II, 6)
Camille et Perdican refusent de s’avouer leur amour et " V, 7 et suivantes : Suzanne et la comtesse ont échangé
inventent mille stratagèmes pour le cacher à l’autre : leurs vêtements
Camille prétend vouloir retourner au couvent, contrefait " Lecture 3 (IV, 9)

168
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
b. Procédés h, i, m Étape 2
" Lecture 1 (I, 1) 3. a. J.-P. Tribout souligne que la pièce de Beaumarchais
" Lecture 2 (I, 9) est progressiste dans les idées qu’elle porte (apologie de
" acte V la méritocratie, dénonciations féministes, l. 5-8, « charge
c. Procédé j progressiste du texte », l. 23), mais qu’elle marque éga-
" Lecture 4 (V, 3) lement par la gaieté et le rythme qui la caractérisent
" III, 5, 15, 16 (l. 11-14, l. 19-22).
d. Procédés o, p, q
b. Expression écrite
" Lecture 2 (I, 9)
Dissertation
" II, 16 : le retournement de situation finale
Proposition de plan
" II, 20 (et toute la pièce) : les répliques impertinentes
I. Le comique au service du sérieux : une pièce satirique
de Figaro
1. Le comique de caractère ou la dénonciation de la
e. Procédé f
justice (le cas Brid’oison)
" la chambre de Figaro et de Suzanne, la chambre de la
2. Le comique de situation ou la satire de la noblesse
comtesse, la salle du trône du château, la salle de fête du
(le cas Almaviva)
château, le parc, sous les marronniers
3. Le comique de mots ou l’apologie de la méritocratie
f. Procédé k
(le cas Figaro)
" l’origine de Figaro
II. L’équilibre entre sérieux et comique : une drama-
" le mariage de Marceline
turgie déjà moderne ?
" l’amour de Chérubin pour la comtesse
1. Un chef-d’œuvre de gaieté
2. La variété des tons : scènes sérieuses et comiques se
succèdent ou s’entremêlent
3. La théâtralité exhibée : une réflexion sérieuse sur le
genre de la comédie

169
CHAPITRE 11 • Beaumarchais, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro
12
CHAPITRE

Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde (1990)


Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu Quatre extraits de Juste la fin du monde
à une analyse détaillée • Lecture 1 : Le prologue, p. 310-311
• Lecture 2 : Les retrouvailles, p. 312-313
• Lecture 3 : Les souvenirs de la mère, p. 314-315
• Lecture 4 : Règlement de comptes, p. 316-317
Lectures complémentaires • Anne Ubersfeld, Lire le théâtre, p. 318
• Robert Abirached, La Crise du personnage dans le théâtre moderne, p. 320
• Entretien avec un metteur en scène, p. 318 ; avec une actrice, p. 320 ;
avec Xavier Dolan, p. 323
• Deux extraits de revues de cinéma, p. 323
Moments de grammaire • Valeur des temps verbaux, p. 311 ; des modes et temps verbaux, p. 315
• Analyse de la phrase, p. 317
Écrits d’appropriation • Écrire un monologue, p. 315, 321 ; une note à un comédien, p. 317 ; un article
de critique littéraire, p. 326
• Proposer un projet de décors et de costumes, p. 325
Écrits vers le bac Commentaire de texte Dissertation
• Plan détaillé de commentaire, p. 311 • Atelier : dissertation guidée, p. 318-319
• Introduction de commentaire, p. 313
Exercices d’oral • Mises en voix d’un monologue, p. 311
• Mise en jeu d’un monologue, p. 315
• Présentation d’une analyse de tableau, p. 317 ; d’une représentation artistique
(peinture, littérature, cinéma), p. 317
• Comparaison entre la pièce de Lagarce et le film de Dolan, p. 324
Exercices de confrontation • Questions d’ensemble sur le Prolongement artistique et culturel, p. 324
ou de synthèse • Comparaison de deux mises en scène, p 326
• Synthèse, p. 326-327
Travaux de recherche • La maladie du sida, p. 307
• La parabole du fils prodigue, p. 309
• L’histoire de Caïn et Abel, p. 317
• Le Titien, p. 317
• Le motif des frères ennemis dans l’histoire de l’art, p. 317
• L’étymologie des mots « littérature » et « théâtre », p. 319
Lectures d’images • Rembrandt, Le Retour du fils prodigue, p. 309
ou de films • Photographies de mises en scène, p. 312, 314, 326
• Titien, Caïn et Abel, p. 317
Prolongement artistique et culturel • Le film de Xavier Dolan
• Un moment suspendu entre une mère et son fils, p. 182
• La scène de repas familial, p. 183
• Une maison, plusieurs espaces, p. 184
• Étude d’un personnage : Antoine, le frère, p. 184
• Mise en scène des souvenirs, p. 185
• Deux métaphores à interpréter, p. 185
• Questions d’ensemble, p. 185
Lectures cursives • Jean Anouilh, Le Voyageur sans bagage, p. 325
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 327

170
La tonalité tragique de l’œuvre apparaît aussi à travers
OBJECTIFS DU CHAPITRE la frise (doc. 2), qui évoque une lutte inégale, et
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude Le théâtre l’isolement du personnage placé au premier plan sur les
du XVIIe siècle au XXIe siècle. Il permet d’aborder un documents 1 et 3.
auteur contemporain désormais classique. Le choix On retrouve par ailleurs, dans ces deux documents, deux
s’est porté sur un texte dont la nature testamentaire images de la famille. L’affiche montre un repas pris sur
n’échappe à personne. La thématique familiale et la la terrasse d’une maison, aux beaux jours, sans doute un
récente adaptation pour le cinéma de Xavier Dolan dimanche ou un jour férié. La photo de la mise en scène
peuvent faciliter l’entrée dans l’œuvre. est plus symbolique. On y voit un praticable en bois clair
• L’étude permet d’aborder le théâtre de Jean-Luc sur lequel se tiennent les personnages : trois femmes
Lagarce : ses thématiques, sa dramaturgie ainsi que d’âges différents (on saura ensuite qu’il s’agit de la mère,
sa langue. Sur le plan thématique, on verra comment de la belle-sœur et de la sœur), très droites, contemplent
la dimension intime de l’œuvre permet de toucher à un homme (dont le physique évoque celui de Jean-
l’universel. Sur le plan dramaturgique, on tentera de Luc Lagarce) tombé à terre. Un autre homme (le frère)
voir comment Lagarce part d’une histoire de famille l’enlace. Dans les deux cas, le personnage de l’homme
avec des personnages identifiables, puis brouille les apparaît isolé du reste de la famille ; il semble malade
pistes et ouvre le champ des possibles, déconstruisant sur le document 3. On s’attend donc à un drame familial.
ainsi les attentes du spectateur. On pourra réfléchir
sur ce qui fait la modernité de l’œuvre. On verra
aussi comment la langue de Jean-Luc Lagarce avec
ses creux, ses suspensions, ses ellipses, tente de dire Entrée dans l’œuvre
ce qui fait le prix de notre passage ici-bas : les liens
que l’on cherche à tisser, les mots que l’on parvient à
Jean-Luc Lagarce
prononcer, mais aussi les secrets que l’on tait. On ten- et Juste la fin du monde p. 308-309
tera enfin de définir ce qui fait le théâtre de Lagarce :
un théâtre où le langage fait vaciller les personnages ▶ Activités p. 309
et tient lieu d’action, un théâtre humble, loin de tout
décorum, un théâtre qui vise l’essentiel et qui résonne • Recherches
longtemps à l’oreille du spectateur. Parabole du fils prodigue (Luc 15, 11-32)
La parabole met en scène un père et ses deux enfants : le
fils aîné, fidèle, reste au domaine paternel, pendant que
le cadet court le monde et dilapide sa part d’héritage.
Ouverture p. 306-307 Affamé, il fait amende honorable et rentre chez son père.
Le père accueille ce fils perdu avec joie et fait tuer le
▶ Activités p. 307 veau gras pour lui. Le fils aîné est plein de rancœur, mais
le père lui dit de se réjouir du retour de son frère. La
1. Doc. 2 Recherches parabole met en avant la miséricorde divine.
a. La fresque évoque le sida. Le slogan, en espagnol, pro- La pièce de Jean-Luc Lagarce est une réécriture tragique
clame : « Tous ensemble, nous pouvons arrêter le sida. » de cette parabole. Louis revient chez lui après une longue
On rappellera que le sida est une maladie qui détruit absence. Il est malade et veut l’annoncer à sa famille. Pen-
les cellules du système immunitaire et qu’elle se trans- dant son absence, son frère, Antoine, a assumé la charge
met par voie sexuelle, sanguine, ou de la mère à l’enfant. de la famille. Comme le fils prodigue, Louis est d’abord
Elle est apparue en Afrique dans les années 1920 et une accueilli avec empressement par toute la famille, à l’ex-
pandémie s’est développée aux USA dans les années ception de son frère. À la différence de la parabole, Louis
1980. Elle touche notamment les milieux homosexuels. est le fils aîné, et non le fils cadet. Quand il revient, son
b. Dans les premières années, on associait souvent cette père est mort et les retrouvailles familiales font vite place
maladie à l’homosexualité ou à une sexualité dissolue. à la rancœur. Louis ne reste pas dans sa famille, il repart
La maladie fait encore aujourd’hui l’objet de nombreux sans avoir parlé de sa mort prochaine. La pièce de Lagarce
préjugés. est sombre : s’il y a de l’amour entre les êtres, il n’y a pas de
2. Docs 1 et 3 Les deux documents évoquent la pièce pardon, et l’incompréhension règne. Pour compléter ces
de Jean-Luc Lagarce. L’un est une affiche de la version remarques on peut faire lire la préface de l’œuvre dans la
anglaise du film de Xavier Dolan et l’autre une photo de dernière édition des Solitaires intempestifs, p. 10-11.
la mise en scène de Philippe Delaigue. • Doc. 1 On rappelera d’abord que Rembrandt est un
3. La confrontation des documents permet d’émettre des peintres les plus importants de l’école hollandaise.
des hypothèses sur le sujet de la pièce : l’annonce de la Celle-ci a mis à l’honneur les scènes de genre, et la scène
maladie du sida à la famille. biblique prend ici l’aspect d’une scène de retrouvailles

171
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
familiales, même s’il s’agit d’une toile de grand format se jouera donc derrière la banalité de la conversation,
(262 × 205 cm). Quand Rembrandt peint cette toile, il comme dans le théâtre de Tchekhov : « on parle de
a soixante-deux ans, et son fils Titus vient de mourir. Il choses et d’autres » (doc. 2, l. 8). Le doc. 3 met en avant
est ruiné. la motivation du personnage principal : il n’est pas venu
Composition se faire pardonner, il veut seulement annoncer sa mort
Le tableau de Rembrandt met au premier plan le couple et revoir les siens.
du père et du fils. D’autres personnages assistent à la On est loin de l’ambiance du tableau de Rembrandt
scène. L’un est assis dans l’ombre, et deux autres sont qui montre des personnages recueillis devant la scène
debout. On distingue, au fond à gauche, le buste d’une touchante formée par le père et le fils, à genoux, qui
femme. Le fils cadet est agenouillé sur une estrade, demande le pardon et la bénédiction de son père. Le
comme mis en scène. Le couple père-fils est décentré tableau de Rembrandt met en avant la réconciliation et
dans le tableau. Les personnages sont dans l’ombre, à le pardon. Il se dégage de la scène une grande tendresse,
l’exception du couple père-fils et d’un second personnage, ce qui ne semble pas être le cas chez Lagarce : « C’est
qui semble considérer la scène avec désapprobation. une pièce sur la famille, le corps et l’enfance. GLUPS ! »
Attitude des personnages (doc. 2, l. 11-12). Notons cependant que Rembrandt
Le père est un vieillard dont le visage éclairé traduit propose une vision sombre de l’épisode biblique : pas de
l’émotion et le recueillement. Il embrasse son fils à veau gras, l’heure n’est pas à la joie mais à la gravité.
genoux devant lui en signe de pardon. On voit nettement L’attitude opposée du père et du fils aîné (dont les
ses deux mains posées sur le dos de son fils. La main mains sont fermées) montre deux façons de réagir à la
droite est fine, alors que la gauche semble plus large : situation : l’accueil et le rejet.
s’agit-il d’une main de femme et d’une main d’homme ? • Docs 2 à 5 Lagarce a épuré son projet de départ en
On a beaucoup glosé sur ces deux mains d’apparence faisant disparaître deux personnages : « le Père » et
très différente. Le fils a la tête blottie contre le ventre de « l’Homme qui vit avec le fils aîné » (doc. 2, l. 9-11). Il
son père. On note un fort contraste dans les vêtements reprendra le personnage du père mort dans Pays lointain,
du père et du fils. Le père est vêtu d’un riche manteau dans lequel apparaissent aussi les amants de passage.
rouge, alors que le fils est en haillons, une cordelette lui L’absence du père exclut la possibilité d’une explication
tient lieu de ceinture. Ses chaussures sont usagées, l’une et d’une réconciliation ; l’absence de l’ami rend le propos
d’elles gît à côté de son pied nu. C’est un fils repentant, plus général. Le rejet de la famille ne vient pas de l’homo-
revenu de ses erreurs, et un père compatissant que le sexualité du fils aîné.
tableau nous donne à voir. Le personnage situé au second La question de l’homosexualité et le nom de la maladie
plan à droite du tableau, qui porte un manteau rouge sont tus dans Juste la fin du monde. La solitude de Louis
comme le père, pourrait être le frère aîné. Il contemple la est davantage mise en valeur. L’aspect tragique de l’œuvre
scène, visage fermé et debout. s’en trouve renforcé.
Couleurs, atmosphère On remarque aussi ce trait tragique dans les deux titres :
On peut noter le contraste entre les couleurs chaudes (le la métaphore météorologique de Quelques éclaircies
rouge, les ocres) et les tons sombres. Le personnage assis (doc. 2, l. 5) insiste sur les accalmies, les moments de
au second plan porte un chapeau noir bien visible. Il y bonheur, alors que Juste la fin du monde est un titre
a chez Rembrandt une volonté de dramatiser la scène beaucoup plus sombre, contenant une pointe d’ironie
biblique, de la représenter dans une théâtralité qui ou de dérision : ce n’est rien, ce qui arrive à Louis, c’est
interpelle le spectateur, comme le montre le jeu sur le « juste la fin du monde », la fin de son monde.
clair-obscur.
Pour une analyse plus complète du tableau :
V https://www.canal-educatif.fr/videos/art/31/rembrandt-
art-en-question-5/fils-prodigue.html
• Docs 1 à 3 Louis, comme le fils prodigue, revient au
domicile familial après une longue absence. Il n’est pas Lecture 1 Le prologue p. 310-311
accueilli par son père, qui est mort, mais par le reste de
la famille. Si ceux-ci sont contents de le revoir, ils veulent La première lecture se propose d’étudier le prologue, qui
aussi connaître les raisons de sa trop longue absence et prend la forme d’un monologue de Louis et que l’on peut
ne peuvent s’empêcher de régler des comptes. Louis, qui mettre en relation avec l’épilogue. Ce prologue, qui s’ins-
va mourir, ne reste pas dans la famille : ce retour ne sera pire du théâtre antique, fait de Louis le messager de sa
qu’une courte visite. Louis est le fils aîné, et non le fils mort prochaine. Les deux monologues qui encadrent la
cadet, à l’inverse de la parabole. pièce confèrent une certaine étrangeté à cette histoire
Le doc. 2 met l’accent sur les relations à l’intérieur de retrouvailles familiales : c’est un mort qui s’exprime.
de la famille. Ils ne communiquent pas sur les choses Le texte n’annonce pas une action, mais un récit, et il se
importantes : l’homosexualité, la maladie… L’essentiel présente sous une forme poétique.

172
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
▶ Activités p. 311 effectués dans une journée ou une année. Le prologue
commence par « Plus tard », ce qui suppose que le spec-
Découverte du texte tateur prend le récit de Louis en cours, il s’agit donc d’un
1. La photographie présente Jean-Luc Lagarce en train début in medias res.
de taper sur une machine à écrire. On pourrait très On note plusieurs indicateurs temporels, qui sont
bien imaginer que la mise en scène du prologue aille parfois contradictoires : « Plus tard », « l’année d’après »
dans cette direction. L’acteur semble porter une veste (cinq occurrences : l. 1, 4, 7, 12, 17), « maintenant » (l. 3),
de pyjama, qui nous renvoie à l’intimité de l’écriture. La « de nombreux mois » (deux occurrences : l. 5, 6). Nous
machine à écrire nous transporte dans les années 1990. sommes placés dans l’incertitude. Même incertitude
Le caractère rétrospectif des deux premières lignes du quant au lieu d’où parle le personnage : il s’agit sans
prologue : « Plus tard, l’année d’après / – j’allais mourir à doute d’une voix d’outre-tombe.
mon tour » est souligné par cette vision de l’écrivain à sa 5. a. Louis nous est présenté comme ayant une double
table de travail. personnalité : il passe pour « un homme posé » (l. 24),
2. Le monologue ressemble à un poème en vers libres. quelqu’un de déterminé, de sûr de lui, qui cherche à
L’architecture du texte et son inscription dans la page donner une image de maîtrise et d’autorité, d’assurance
rappellent un poème. On peut également repérer (l. 36-37). En réalité, c’est un homme qui doute, un homme
certaines figures de style souvent utilisées en poésie : les découragé (« de nombreux mois déjà que j’attendais à ne
anaphores, les répétitions. Le texte est constitué d’une rien faire, à tricher, à ne plus savoir », l. 5), qui peine à
longue phrase, qui progresse grâce aux redites précisant prendre des décisions et à agir (« comme on ose bouger
la pensée. On peut noter l’extrême attention portée parfois, / à peine », l. 8-9). Il attend des mois avant de
au choix des mots. C’est bien la fonction poétique du rendre visite à sa famille.
langage qui est sollicitée. L’ennemi dont il parle est sa maladie, dont il sait que
3. Le texte donne de nombreuses précisions temporelles l’issue fatale est proche (« et sans espoir jamais de sur-
qui n’aident pourtant pas le lecteur à se situer : « j’ai près vivre », l. 15, « ma mort prochaine et irrémédiable »,
de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je l. 28). On peut imaginer qu’il s’agit du sida.
mourrai » (l. 3). Comment peut-on parler de sa mort au b. Les rapports de Louis avec les siens, qu’il n’a pas vus
présent et au futur ? On s’interroge aussi sur les causes de depuis longtemps, semblent très distendus. Il est parti
la mort du personnage, sur sa maladie. De la même façon, pour des raisons que l’on ignore. Il se sent étranger à cette
la thématique du retour est évoquée (« je décidai de famille qui fait bloc contre lui. Il emploie les pronoms
retourner les voir, revenir sur mes pas », l. 18), mais on ne « les » (l. 18), « eux » (« les autres et eux », l. 23), puis
sait pas à qui précisément le personnage va rendre visite. l’énumération « aux autres, et à eux, tout précisément,
Pas d’exposition classique ici, mais une impression de toi, vous, elle, ceux-là encore / que je ne connais pas (trop
plonger au cœur d’un drame intime dont on ignore à tard et tant pis) » (l. 34-35). L’emploi de pronoms, là où
peu près tout. Ce prologue fait penser aux pièces de l’on attendrait des prénoms, marque la distance et le
Strindberg ou d’Ibsen et à l’atmosphère lourde que l’on conflit dans cette famille.
peut y trouver (l’Unheimliche, l’inquiétante étrangeté c. Argument de la pièce
freudienne). La visite de Louis à sa famille pour annoncer sa maladie
et sa mort prochaine.
Analyse du texte Enjeux de la pièce
4. a. Langue Le texte mélange les temps du récit au • Qu’est-ce qui a motivé le départ initial de Louis ?
passé (imparfait, passé simple) et les temps du discours • Qu’est-ce qui le sépare de sa famille ?
(présent, passé composé, futur simple). On a donc à la • Quelle est la source du conflit ?
fois un récit rétrospectif et un commentaire sur ce qui • Quelles seront les réactions de sa famille à l’annonce
va se passer. Ce prologue est postérieur à l’action qui va (qui n’aura pas lieu) de la mort prochaine de Louis ?
suivre. Contrairement au messager du théâtre antique, 6. Ce monologue est constitué d’une seule phrase, avec
Louis raconte sa propre histoire, et non celle d’un autre de nombreuses incises. Cette phrase mime la difficulté
personnage : il est « l’unique messager » (l. 29). En tant de dire ce que Louis ressent précisément et sa volonté
que narrateur, il annonce lui-même la date de sa mort : de chercher le mot juste, l’expression la plus précise pour
« j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet s’exprimer. On peut noter aussi l’emploi d’un vocabulaire
âge que je mourrai, / l’année d’après » (l. 3-4). courant avec de nombreuses répétitions : un style fausse-
b. La pièce se déroule « dans la maison de la Mère et ment simple. La mise en page du texte, avec ses passages à
de Suzanne, un dimanche, évidemment, ou bien encore la ligne, suggère de nombreux silences. V activité 2, supra
durant près d’une année entière » (didascalie précédant Pour la fonction poétique de ce texte V Alexandra Moreira
le Prologue, après la liste des personnages). Mais le pro- da Silva : « Briser la forme : vers un paysage “fractal” »,
logue comme l’épilogue sont placés dans un espace et Jean-Luc Lagarce dans le mouvement dramatique, p. 59,
un temps différents. Ils encadrent un départ et un retour Les Solitaires intempestifs.

173
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
Expression écrite 2. Le décor est symbolique : le tapis rouge délimite l’es-
7. Vers le commentaire pace de la maison. Une photo projetée sur le rideau de
On attendra des élèves qu’ils reprennent les principaux fond figure le voyage de Louis, l’ailleurs dont il vient et la
éléments d’explication vus précédemment. voie ferrée évoquée dans l’épilogue. Une lampe éclaire
Proposition de plan détaillé le plateau, suggérant encore le foyer familial. On peut
I. Une œuvre qui relève du drame intime voir aussi une rangée de chaises au fond de la scène, qui
1. La composante autobiographique de l’œuvre évoque les chaises que l’on dispose pour un spectacle.
V activité 1, supra Le choix d’un tel décor ancre la pièce dans un univers
V Entrée dans l’œuvre, p. 308-309 : rappel des liens entre contemporain, en même temps qu’il stylise le propos et
la pièce et la biographie de l’auteur (comparaison entre insiste sur la dimension universelle de ce drame intime.
Louis et Jean-Luc Lagarce) Il propose une mise en abîme du théâtre. Louis passe
2. Louis narrateur et personnage du drame en avant-scène comme un spectateur devant une scène
V activités 3 et 4, supra de théâtre. On peut alors imaginer que les retrouvailles
3. L’autoportrait d’un personnage divisé avec la famille sont le fruit de son imagination, les
V activité 5, supra quatre comédiens à contre-jour apparaissant comme des
II. Un style marqué par l’emploi d’une langue simple ombres, des fantômes, à moins que ce ne soit Louis pas-
et des silences sant comme un spectre.
1. Un texte poétique V activité 2, supra 3. Suzanne présente Catherine à Louis et Louis à Cathe-
2. Un théâtre du langage V activité 6, supra rine. La réplique s’adresse aux deux personnages. Les
retrouvailles manquent de naturel. On comprend aussi,
Expression orale dans cette première réplique, que Catherine et Louis ne
8. a. b. c. On peut compléter ce travail par une mise se connaissent pas.
en espace du monologue par petits groupes. On laissera
les élèves libres du dispositif utilisé et on les interrogera Analyse du texte
ensuite sur la manière la plus appropriée de mettre 4. a. La situation décrite est banale : Louis arrive dans sa
le texte en voix (diction neutre ou travail sur les émo- famille, tous l’attendent, et sa sœur cadette lui présente
tions ?), de le mettre en espace (où placer Louis dans sa belle-sœur qu’il ne connaît pas. Les personnages sont
ce prologue ? Est-il spectateur du drame qui va suivre ? gênés. La discussion porte sur les codes de la politesse :
Sommes-nous déjà dans la maison de la mère ?). On fera se serrer la main, s’embrasser…
ainsi apparaître la notion de parti pris de mise en scène. On peut ainsi relever la réplique de Suzanne avec le pré-
sentatif « c’est » (l. 1, 3), les formules de politesse « s’il
te plaît » (l. 6), « Je suis très content » (l. 14), « je suis
très heureux, vous permettez ? » (l. 30), et commenter la
Lecture 2 Les retrouvailles réplique de Suzanne (l. 20-28), qui porte sur le fait que
Louis doit embrasser sa belle-sœur en vertu des liens de
p. 312-313 parenté et non lui serrer la main.
b. La scène frise cependant l’absurde, du fait de la répéti-
Cette lecture permet de voir le fonctionnement du tion des prénoms dans la première réplique, puis aux lignes
dialogue dans la pièce. Les personnages ne se parlent pas 16 et 18 quand Catherine et Louis se serrent la main. Il y
vraiment ; on entrevoit, derrière les mots du quotidien, a aussi de l’absurde dans leur hésitation sur la façon de se
derrière la banalité du langage, une sous-conversation, saluer : se serrer la main ? s’embrasser ? Les personnages
qui rend l’atmosphère pesante. semblent découvrir des choses qu’ils savent déjà. La mère
s’étonne que Louis et Catherine ne se connaissent pas,
▶ Activités p. 313 puis elle admet qu’elle le sait très bien. Suzanne s’étonne
de les voir se saluer comme des étrangers, alors que ce
Découverte du texte
sont des étrangers. Antoine souligne l’inutilité des justi-
1. a. On reconnaît, sur la photographie de la mise en fications de Catherine. La scène fait penser, par certains
scène de Gil Lefeuvre, Louis, en avant-scène. Il porte un aspects, au passage des présentations dans La Cantatrice
chapeau, comme quelqu’un qui arrive de l’extérieur et chauve, pièce montée par Jean-Luc Lagarce.
découvre la famille restée dans l’ombre. Les personnages
5. a. Cette première scène remplit malgré tout sa fonc-
sont par couples : sans doute Antoine et Catherine côté
tion d’exposition. On peut identifier les caractéristiques
jardin et Suzanne et la mère de l’autre côté.
des différents personnages.
b. La place de chacun est significative : Louis est seul
Suzanne est comparée par son frère à un épagneul, c’est
en contrebas de la scène, les autres personnages figurent
elle qui prend les choses en main, qui essaie d’instaurer
les deux couples qui constituent la famille : le couple du
une atmosphère joyeuse. On peut imaginer un person-
frère cadet et le couple constitué par la mère et la fille,
nage en mouvement, extraverti.
qui vivent sous le même toit.

174
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
Catherine est conciliante, elle tente d’arrondir les angles courtes ou très longues. On peut donc imaginer diffé-
et d’être aimable. Elle trouve des excuses à Louis, qui rents débits de parole. Certaines phrases de trois lignes
n’est pas venu à son mariage. (par exemple, la dernière réplique de la mère, l. 43-45)
Antoine semble en retrait, il commente la scène d’une sont prononcées de manière rapide, comme l’indique la
façon qui traduit son agacement. ponctuation. Les déclarations de Suzanne et de la mère
La mère soliloque dans son coin et ne peut s’empêcher (l. 20-28 et 32-39) appellent au contraire une diction plus
d’émettre des jugements sur la façon dont vivent ses hachée, qui mime le temps de la réflexion.
enfants. On pourra proposer une mise en voix du texte à cinq
Louis, comme il le dit lui-même dans le prologue, apparaît élèves et montrer que les passages à la ligne indiquent
comme un homme posé, déférent envers sa belle-sœur. soit des changements d’adresse et d’intention (la
On sent qu’il existe des conflits entre Antoine et sa sœur, première réplique de Suzanne, par exemple), soit des
et que la mère n’a pas d’intimité particulière avec sa silences qui traduisent les sentiments des personnages (la
belle-fille. Mais c’est la tension entre Antoine et Louis gêne, par exemple, entre Catherine et Louis). Les silences
qui est au cœur de la scène. Ils ne s’adressent pas la sont donc éloquents chez Jean-Luc Lagarce. Ce travail per-
parole, et Suzanne et Catherine essaient de donner le met d’évoquer la question des intentions, des émotions,
change, alors que la mère réactive le conflit : « que la et la notion de sous-texte dans le travail du comédien. On
femme de mon autre fils ne connaisse pas mon fils, / met ainsi en avant la question de la représentation.
cela, je ne l’aurais pas imaginé, / cru pensable. / Vous
Expression écrite
vivez d’une drôle de manière » (l. 36-39).
b. C’est Suzanne qui mène la scène et qui fait le lien 8. Vers le commentaire
entre les différents personnages, mais ses efforts Proposition de problématique
tombent à plat. Cet extrait est-il une banale scène de retrouvailles qui
frise l’absurde ou une conversation pleine de sous-
6. La première réplique est particulièrement révélatrice
entendus qui révèle des tensions et des conflits au sein
de ce fonctionnement du langage qui insiste sur les
de la famille ?
fonctions phatique et métalinguistique. Suzanne tente
Proposition d’introduction
d’attirer l’attention de Louis en multipliant les adresses.
Jean-Luc Lagarce est un auteur et metteur en scène
Elle désigne Catherine : « C’est Catherine » (l. 1), puis se
contemporain, mort prématurément du sida. Il a écrit
tourne à nouveau vers Louis et insiste : « Elle est Cathe-
une œuvre nourrie d’éléments biographiques, qui aborde
rine » (l. 2). Elle fait de même avec Catherine. Il ne s’agit
les thèmes de la famille, de l’amour et de l’amitié. Dans
pas pour elle de leur donner une information, mais de
Juste la fin du monde, pièce publiée en 1990, il évoque
tenter de garder leur attention.
le retour de Louis chez les siens, du fils prodigue après
Le discours des personnages avance également par
une longue absence. La scène que nous étudions est une
reprises, redites pour clarifier ou préciser ce qui est dit.
scène de retrouvailles. Nous nous demanderons donc
On peut citer en particulier la première réplique de la
comment le dramaturge présente ses personnages. Nous
mère (l. 9-12). Les verbes « dire » et « connaître » sont
verrons que la scène évoque, dans un dialogue teinté
repris à différents modes (indicatif, impératif ) et à diffé-
d’absurde, le plaisir de se revoir, mais aussi les tensions
rentes personnes : « Ne me dis pas ça, […] ne me dites
familiales et les difficultés de communication.
pas ça, […] Tu ne dis pas ça », « ils ne se connaissent pas
[…] tu ne connais pas […] ? vous ne vous connaissez pas
[…] ? » Le même phénomène se produit dans la réplique
de Suzanne, l. 20-21, avec l’expression « serrer la main », Lecture 3 Les souvenirs
et dans la deuxième réplique de la mère, l. 32, avec le
verbe « connaître ».
de la mère p. 314-315
7. a. Alors que l’on peut s’attendre à une scène de dia- Cet extrait permet de montrer comment le théâtre
logue, on voit que les répliques ne se « répondent » pas. de Lagarce, après d’autres auteurs comme Büchner,
Louis ne répond pas à Suzanne quand elle lui présente Tchekhov, Ibsen, réinvente le drame en mettant en scène
Catherine. Il ne répond ni à la question posée par la mère, des personnages ordinaires, avec des préoccupations
(l. 11-12), ni à Suzanne quand elle s’étonne qu’il serre la ordinaires. Plus de catastrophe, de nœud et de dénoue-
main à Catherine (l. 17). La réplique de la mère (l. 32-39) ment, mais de multiples fractures entre des êtres qui ne
semble ne s’adresser à personne et relever du soliloque. parviennent pas à communiquer.
La scène fait donc apparaître un conflit latent, met en
avant l’absence de communication entre les membres de
la famille et la solitude de chaque personnage.
▶ Image p. 314

b. Langue Le texte ménage de nombreux passages à 1. Tous les personnages sont présents : côté jardin, Louis
la ligne, qui peuvent se traduire sur le plateau par des et la mère ; plus bas au centre, Suzanne et Catherine,
silences et des jeux de scène. Les répliques sont très côté cour : Antoine.

175
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
2. L’espace scénique est constitué de meubles empilés et La deuxième réplique engage la narration (« on prenait
évoque un grenier où l’on aurait mis au rebut le mobilier la voiture » répété deux fois, l. 12, 14), interrompue par
dont on ne veut plus. Il s’agit de la chambre de Louis qui des digressions, qui sont autant de jugements indirects
sert de débarras. sur la façon de vivre des enfants. La voiture est considé-
3. Cet empilement de meubles permet de jouer sur les rée comme un signe de réussite sociale. Louis n’en a pas.
hauteurs. La place des personnages est signifiante : la Suit une autre interruption du récit, pour des raisons
mère est tout en haut, séparée des autres dans une atti- grammaticales cette fois. La mère cherche-t-elle à ne pas
tude pensive. Louis regarde son frère et sa belle-sœur, commettre de fautes de français devant son fils aîné ?
mais ne semble pas participer à la conversation. Suzanne Puis la mère se perd dans l’évocation du père et de sa
a une attitude boudeuse. voiture. Elle emploie un langage courant, mais elle porte
une extrême attention à s’exprimer correctement, à
choisir le mot juste, à n’omettre aucun détail (« vieille et
▶ Activités p. 315
laide et faisant du bruit, trop », l. 22).
Découverte du texte Dans la troisième réplique, le sujet de la promenade
1. La mère évoque le passé avec nostalgie. Il s’agit d’une semble avoir été délaissé au profit de celui des diffé-
famille de classe moyenne, pas très fortunée. On ne peut rentes voitures de la famille. Parler de la promenade
donc s’empêcher de penser aux origines de l’auteur, dont dominicale est une façon de remonter le fil des souvenirs
les parents étaient ouvriers chez Peugeot à Sochaux, à heureux, de témoigner de l’ascension sociale du couple
cette période des Trente Glorieuses où l’industrie auto- à travers les différentes voitures acquises, de remonter le
mobile employait des villes entières. La mère évoque cours d’une vie. On voit également se dessiner en creux
une vie réglée par le travail hebdomadaire et le repos un portrait du père : beau parleur, sans doute un peu
du dimanche, une vie où l’on fait la même chose tous les hâbleur. Ce qui reste de lui, ce sont des images mais aussi
week-ends : repas dominical, puis promenade en voiture. des expressions, commentées par la mère : « il disait
Elle regrette cette époque de bonheur familial et déplore cela » (l. 35), « son mot » (l. 36). La dernière partie de
le mode de vie de ses enfants : « aujourd’hui vous ne cette réplique permet à la mère d’achever son récit, celui
faites plus ça » (l. 13). Elle évoque le passé avec nostalgie. d’une vie apparemment immuable. On peut d’ailleurs
On sent son admiration pour son mari (« je le regardais », noter que ce dernier s’achève comme il a commencé :
l. 19) et un certain amusement non dénué d’ironie face « tous les dimanches, on allait se promener » (l. 50).
à ses travers : son goût pour le luxe (la voiture « longue », Les incises « – ce que je raconte – » (l. 2) et « – je le
« aérodynamique », l. 32-33) et le clinquant (« rouge, regardais – » (l. 19) accordent encore plus d’importance
voilà, je crois ce qu’il aurait préféré », l. 38), ses manies aux anecdotes racontées. La première introduit une
(« il l’astiquait, un maniaque », l. 39), son langage (« des pause oratoire, destinée à capter l’attention de l’audi-
phrases pour chaque situation de l’existence », l. 48). On toire ; le verbe « regarder », dans la seconde, précise le
voit ainsi se dessiner en creux le portrait d’une femme verbe « voir » de la ligne précédente, auquel il ajoute une
éduquée dans le respect des traditions et la soumission notion d’intensité.
à son mari, une femme qui vit dans le passé. Ce récit de la mère permet ainsi une nouvelle fois de reve-
2. On peut interpréter la réponse de Suzanne de deux nir sur le travail du langage dans Juste la fin du monde.
manières opposées. Suzanne est irritée par ce récit On peut noter que l’extrême attention à la forme, qui est
qu’elle connaît par cœur et qui évoque une époque de celle de la mère, est aussi celle de l’auteur. Cette langue,
bonheur antérieure à sa naissance. Elle entend ce récit qui a toutes les apparences de la langue parlée, avec
comme un reproche, comme si sa naissance avait détruit ses répétitions, est en fait très travaillée, avec un souci
ce bonheur. On peut aussi imaginer que Suzanne ne maniaque du détail qui permet de cerner une pensée. La
connaît pas ce récit et qu’elle a envie de le connaître. mère précise à l’infini, sans arriver jamais à dire totale-
La réponse d’Antoine est pleine d’ironie à l’égard de son ment la douleur de la perte, le regret du passé.
père. Il ne partage visiblement pas l’admiration de la mère b. Langue Dans sa deuxième réplique, la mère emploie
et semble avoir été écrasé par ce père vantard. On peut les temps du récit au passé (imparfait, plus-que-parfait),
imaginer qu’il a de mauvais souvenirs de cette période. mais aussi le présent, temps de l’énonciation pour les
commentaires. En ce qui concerne le verbe « marier »,
Analyse du texte elle hésite entre l’indicatif et le subjonctif présent et elle
3. a. Le récit de la mère progresse par répétitions, tel un choisit finalement une formule moins littéraire et plus
récit mille fois ressassé qui a ses codes et ses formules : adaptée à un discours oral, remplaçant le « nous » par le
dans la première réplique, le mot « dimanche » est répété « on » : « qu’on ne soit mariés » (l. 18).
trois fois en début de vers (l. 2, 4, 5) ; même chose pour 4. Les interventions de Suzanne et d’Antoine n’inter-
le mot « rite », répété deux fois (l. 5, 6), puis remplacé par rompent pas le récit de la mère, qui ne les écoute pas,
le mot « habitude » (l. 7). La première réplique constitue ne leur parle pas. Elle dit d’ailleurs : « je ne crois / pas
une sorte d’exorde destiné à capter l’attention. avoir jamais connu leur père sans une voiture » (l. 15-16).

176
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
À qui s’adresse-t-elle ? À Catherine sans doute, mais • Il dit son énervement face à la joie béate de sa mère
aussi à Louis, qui va mourir, et pour qui elle évoque son lors de ces promenades du dimanche. Il se rappelle
enfance heureuse. Le récit de la mère est un des nom- les injonctions sans fin de celle-ci, leur intimant
breux soliloques de la pièce. Les récits des uns et des de remercier leur père, qui travaillait dur pour les
autres se croisent, on a rarement de « vrais » dialogues. emmener en promenade dans une belle voiture.
5. Le passé de la famille semble être fait d’épisodes dis- Le travail sur la langue
tincts. Ici il s’agit de « l’histoire d’avant » (l. 9). La réplique • On encouragera les élèves à imiter le style de
de Suzanne laisse entendre qu’il y a plusieurs histoires, Lagarce : répétitions, digressions, alternance entre
qui constituent une sorte de geste de la famille et que le passé et le présent, forte ponctuation (emploi de
l’on raconte inlassablement. tirets, de guillemets, pour citer les propos du père).
• On sera sensible à la façon dont ils reprendront des
6. a. La mère oppose le passé au présent. Elle se éléments du texte étudié.
replonge dans le passé en évoquant une image du père
au moment où elle l’a remarqué, avant même de lui b. Pour ce qui est du jeu, on encouragera les élèves à réflé-
parler : « avant qu’on ne soit mariés, je le voyais déjà / chir sur leur position dans la classe et à choisir un type de
– je le regardais – » (l. 18-19). On note la progression de jeu : en adresse ou en regard intérieur, par exemple.
« voir » à « regarder », qui implique la contemplation
(le verbe est isolé par deux tirets). La mère évoque avec
pudeur le moment où elle est tombée amoureuse du Lecture 4 Règlement
père et ce qui l’a séduite chez lui : il était le seul à avoir
une voiture, c’était un jeune homme prometteur. de comptes p. 316-317
b. La mère fait une remarque brève sur le mode de vie de
ses enfants : « aujourd’hui vous ne faites plus ça » (l. 13). Ce texte est un extrait du dialogue final entre Louis et
Elle évoque de façon très détaillée et avec plaisir sa vie Antoine. Antoine, qui n’a quasiment pas parlé pendant
passée, ce qui accentue la critique implicite du présent. la pièce, passe du non-dit à la logorrhée verbale, dans
un long soliloque où il déverse pêle-mêle sa colère, son
7. a. La réplique d’Antoine suggère un conflit avec le
inquiétude et sa frustration accumulées.
père. On fera remarquer qu’Antoine est perçu comme
celui qui n’a pas réussi dans la famille et on peut imagi-
ner que le père n’a jamais cessé de le comparer à Louis. ▶ Activités p. 317
b. La mère rapporte les paroles du père. Le terme « aéro- Découverte du texte
dynamique » (l. 33), entre guillemets, vient sans doute
1. Xavier Dolan traduit l’antagonisme des deux frères,
du père voulant montrer sa connaissance des voitures
qui regardent dans des directions opposées. La caméra
et sa fierté de posséder ce modèle. On apprend aussi
saisit Antoine (Vincent Cassel) en gros plan. La profon-
qu’il employait des expressions toutes faites, comme
deur de champ est faible, et Louis au second plan est
quelqu’un qui veut afficher ses connaissances et son
flou. Le visage d’Antoine est dur, fermé. Il est perdu dans
éducation. On a ensuite une autre carte postale de la
ses pensées avec un regard lointain.
vie de famille qui évoque le père astiquant sa voiture.
On imagine un homme fier de ce qu’il possède, un chef 2. C’est l’annonce du départ de Louis qui provoque ce
de famille qui a toujours le dernier mot, et on voit la soliloque. Antoine propose à Louis de l’accompagner, et
mère en femme soumise et admirative certes, mais aussi Suzanne aussi. Elle souhaite le retenir encore un peu,
lucide, voire ironique, quant aux défauts de son mari. qu’il dîne avec eux. Ce départ en fait resurgir un autre, et
tous les reproches accumulés et non formulés remontent
Expression écrite et orale à la surface.
8. a. Pistes de correction du monologue de Louis 3. Antoine est manifestement amer et en colère.
Les idées Analyse du texte
Louis prend le contrepoint de ce tableau idyllique.
4. a. L’antagonisme des deux frères remonte au départ
• Il décrit un père autoritaire, qui a toujours raison,
de Louis, vécu comme un abandon et une trahison par
et dont la vie se borne à son admiration pour les
voitures et à son besoin de montrer au voisinage sa Antoine.
réussite financière et sa famille parfaite. b. La gradation, présente dans la première ligne de la
• Louis se souvient de la réaction de son père quand il réplique d’Antoine, met en valeur cette information :
lui a dit qu’il partait à Paris pour devenir écrivain. « lorsque tu es parti, lorsque tu nous as quittés, lorsque
• Il peut évoquer aussi sa difficulté à parler de son tu nous abandonnas » (l. 2).
homosexualité avec son père. 5. a. De la ligne 9 à la ligne 26, Antoine évoque sa place
• Il évoque sa relation conflictuelle avec Antoine,
dans la famille. Il est « celui auquel il n’arrive jamais
le petit frère qui le suivait partout, leurs bagarres dans
rien ». La formule est répétée six fois avec des variantes,
la voiture, la corvée des promenades du dimanche.
lignes 10, 11, 13, 20, 25 et 26. Les guillemets encadrant

177
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
l’expression « à l’ordinaire » (l. 12) indiquent qu’il ne Expression écrite
s’agit pas des mots d’Antoine. Il suffit de remplacer les 7. Pistes de corrections de la note au comédien
pronoms de la première personne par des pronoms de
la deuxième personne pour entendre les membres de la Les idées
famille, la mère par exemple, s’adresser à Antoine : « Toi, Le metteur en scène conseille au comédien :
tu es la personne la plus heureuse de la terre. / et il ne • d’imaginer l’enfance et l’adolescence du personnage ;
Il est « le petit frère », avec tout ce qu’on peut
t’arrive jamais rien… » (l. 9-10).
imaginer d’admiration pour Louis, le grand frère. Il a un
b. Antoine est donc l’enfant sans problème, qui grandit complexe d’infériorité par rapport à Louis, qui vit dans
tout seul et qui n’a rien d’exceptionnel. Il révèle ici à quel une grande ville, qui a fait des études sans doute, qui a
point ce rôle lui a pesé (l. 17-26). Il évoque son désespoir une profession intellectuelle. Il s’est toujours senti mal
par la répétition de l’expression « ces petites fois » (l. 17, aimé par les parents : moins intelligent que son frère,
19) et la reprise de « je » en anaphore (l. 22-24). moins habile avec le langage. Il a vécu le départ de
6. a. Antoine laisse percer sa souffrance par des accents Louis comme un abandon, une trahison ; et, quand le
pathétiques lorsqu’il emploie le verbe « abandonner » père est mort, il est devenu le chef de famille.
• d’étudier attentivement la réplique du personnage.
pour parler du départ de Louis, lorsqu’il avoue ses accès
V p. 316
de désespoir avec des images poignantes : « j’aurais pu Antoine éprouve de la colère vis-à-vis de Louis, mais
me coucher par terre et ne plus jamais bouger » (l. 17), aussi beaucoup d’amour.
par exemple. Il fait l’aveu de sa culpabilité (l. 27-35). On On distingue trois moments dans la tirade d’Antoine.
relève aussi dans le texte beaucoup d’autodérision et l. 1-8 Colère et douleur dominent.
d’ironie – citons deux exemples : « rester là, comme un l. 9-6 Antoine parle, avec autodérision, de lui et de sa
benêt » (l. 8) et l’antiphrase « Moi, je suis la personne la place dans la famille.
plus heureuse de la terre » (l. 9). l. 27-35 Il oscille entre colère et tendresse.
b. L’implicite du texte, c’est l’amour – et sans doute Il convient donc de faire des ruptures dans le jeu, de
l’admiration – qu’Antoine voue à son frère, son désir de respecter la ponctuation et les mouvements du texte,
reconnaissance et sa tristesse de le voir partir. Il les lui de faire varier les états et les émotions.
• de faire éventuellement un travail corporel sur son
avoue d’ailleurs à demi-mot à la fin de l’extrait (l. 30-35).
personnage.
7. Langue Antoine est un « taiseux », il a une profession
Exemple de phrase intéressante manuelle. Le comédien peut aussi travailler sur sa
« Et les petites fois, elles furent nombreuses, ces petites posture.
fois où j’aurais pu me coucher par terre et ne plus jamais Le choix d’une forme
bouger, / où j’aurais voulu rester dans le noir sans plus • Cette note peut prendre une forme relativement
jamais répondre, / ces petites fois, je les ai accumulées libre : lettre, fiche, accompagnée ou non de
et j’en ai des centaines dans la tête, / et toujours ce documents iconographiques suggérant un type de
n’était rien au bout du compte, / qu’est-ce que c’était ? » personnage, une posture, un costume…
(l. 17- 21)
$ Cette phrase est composée de propositions indépen-
dantes coordonnées par « et » et de deux propositions
▶ Histoire des arts p. 317

relatives introduites par « où ». Il s’agit de caractériser Le motif pictural des frères ennemis
les moments de désespoir ou de tristesse d’Antoine.
Recherches
Le vocabulaire employé est assez pauvre. La phrase
commence comme une phrase déclarative et se termine • L’histoire de Caïn et Abel se trouve dans la Genèse
en interrogative. Les certitudes deviennent des doutes. (4, 1-16).
On peut noter aussi la reprise des « petites fois » par le Caïn et Abel sont les deux fils d’Adam et Ève. Caïn, l’aîné,
pronom « elles », qui traduit une insistance et évoque la cultive la terre. Abel est berger. Tous les deux présentent
langue orale. une offrande à Dieu : Caïn, des produits de la terre et
L’organisation de la phrase n’est ni traditionnelle ni Abel, les premiers-nés de son troupeau. Dieu préfère
incorrecte. La langue de Jean-Luc Lagarce se rapproche l’offrande d’Abel à celle de Caïn, qu’il refuse. Furieux,
de la langue parlée. Elle procède par reformulations suc- Caïn tue son frère et est banni par Dieu.
cessives, à la recherche du mot juste. On peut parler ici Cette histoire est un mythe fondateur, qui relate un
de redite, de digression. On peut qualifier l’organisation fratricide. Abel, le berger, incarne les pasteurs nomades,
de la phrase de répétitive, de ressassante. tandis que Caïn représente les sédentaires. Le drame
Pour une réflexion plus approfondie sur la langue de des deux frères oppose les hommes qui servent Dieu
Jean-Luc Lagarce V Armelle Talbot, « L’épanorthose de de manière sincère et ceux qui trichent ou se révoltent
la parole comme expérience du temps », dans Jean-Luc contre lui. C’est aussi le drame de la jalousie.
Lagarce dans le mouvement dramatique, Les Solitaires V André-Marie Gérard, Dictionnaire de la Bible, Robert
intempestifs, p. 255-269 Laffont, coll. « Bouquins »

178
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
• Le Titien (1488-1576) est un peintre vénitien. Atelier 1 Dissertation guidée
Envoyé très jeune en apprentissage dans un atelier de
mosaïque, il apprend ensuite la peinture avec les peintres p. 318-319
Bellini puis Giorgione. Il est peintre officiel de la république
de Venise, puis il passe au service du marquis de Mantoue. ▶ Activités p. 319
Il peint également des portraits de Charles Quint. Lors
Étape 1
d’un voyage à Rome, il découvre l’œuvre de Michel-Ange,
qui le marque profondément et fait évoluer son style vers 1. a. Ionesco oppose la littérature et le théâtre ; or le théâtre
le maniérisme. Il entre à l’Académie de dessin de Florence est un genre littéraire, comme le roman et la poésie.
en 1566 et meurt en 1576, sans doute de la peste. b. Recherches Le mot « littérature » est issu du latin
littera, « caractère d’écriture, lettre ».
• Son tableau Caïn et Abel représente Caïn écra-
La littérature désigne :
sant son frère sous son talon. Il l’a peint au retour de
– les œuvres écrites, le travail d’écriture ;
son voyage à Rome. Les deux hommes musclés font
– tout ce qui relève du travail de l’écrivain sur le langage,
penser aux personnages peints par Michel-Ange.
sur la langue ;
Le tableau joue sur les verticales et les horizontales :
– l’érudition, la culture générale.
l’homme à terre et l’homme debout, le rocher et le
b. Recherches Le mot « théâtre » vient du grec thea,
pilier derrière Caïn. Les mouvements sont mis en valeur.
« action de regarder ».
Abel se tient sur son bras droit et lève le gauche vers
Un texte de théâtre n’est donc pas un texte comme les
son frère, comme pour se protéger ou l’implorer. Le fond
autres. Il est fait pour être joué par des comédiens et
du tableau laisse voir un ciel crépusculaire, avec de gros
vu par des spectateurs. C’est pourquoi Ionesco oppose la
nuages sombres. On remarque la présence de plusieurs
littérature, le texte écrit, au théâtre, le texte joué, incarné
diagonales : la jambe droite et le bras gauche d’Abel
par des comédiens.
en forment une, la jambe droite de Caïn et la ligne du
nuage noir en forment une autre, de même pour le bord 2. Molière, comme Ionesco, insiste sur la nécessité de
du rocher (dans le coin inférieur gauche du tableau) et représenter le texte théâtral. Il souligne le fait que le texte
la jambe gauche de Caïn, superposée au bras gauche théâtral est un texte incomplet, « troué » (texte 5, l. 2).
d’Abel. Le pied de Caïn est placé perpendiculairement 3. Ionesco est écrivain de théâtre ; c’est pourquoi il
à cette troisième diagonale, au centre du tableau. Ces affirme qu’il ne fait pas de la littérature, mais une chose
lignes théâtralisent la scène et insistent sur la violence tout à fait différente : du théâtre. En faisant cela, il insiste
de cette lutte à mort. La lumière éclaire Abel, laissant avec provocation sur la spécificité du texte théâtral, telle
Caïn, le meurtrier, dans l’ombre. Le peintre semble ainsi que la définit aussi Molière : un texte de théâtre n’est pas
prendre parti pour la victime, l’homme à terre. un texte comme les autres. Il est joué par des comédiens
et vu par des spectateurs.
Expression orale
• Analyse du tableau Étape 2
On encouragera les élèves à aller de la description à l’in- 4. a Il est difficile de comprendre le texte de Lagarce
terprétation et à souligner en conclusion le parti pris par en dehors du jeu. Ce texte est en effet avant tout conçu
Le Titien. pour être joué.
• Le motif des frères ennemis dans l’histoire de l’art • Le texte est difficile à lire (texte 6, l. 3-4).
Le motif de Caïn et Abel est repris dans toute l’histoire • Nous n’avons aucun portrait physique des personnages,
de l’art. À la Renaissance, Caïn est valorisé, car il repré- aucune description de la maison. Nous avons très peu
sente la force de la civilisation, dans la mesure où il est d’indices sur le contexte. Le texte est « incomplet »,
celui qui cultive, transforme la terre ; à l’époque baroque, comme Le Misanthrope de Molière (texte 5).
cette histoire sert l’esthétique des contrastes ; pour les • Le texte est « troué », au sens où il est plein de non-dit.
romantiques, Caïn est une figure de l’Ange déchu. Nous n’avons jamais accès à l’intériorité des personnages,
En ce qui concerne les frères ennemis, on peut également excepté celle de Louis dans le prologue et l’épilogue. Nous
penser à Étéocle et Polynice, à Romulus et Rémus. On en sommes donc réduits à imaginer leurs pensées.
incitera les élèves à mettre en valeur les différences dans • Le texte est difficile à comprendre s’il n’est pas mis en
le traitement du mythe. Les œuvres qui s’inspirent de ce voix V Lecture 2, p. 313. Jean-Charles Mouveaux recom-
motif sont nombreuses. mande d’ailleurs la lecture à voix haute (texte 6, l. 5).
On peut citer, pour la littérature : b. La parole théâtrale chez Lagarce est très particulière ;
– Agrippa d’Aubigné, « Je veux peindre la France… » il y a plusieurs manières de jouer le texte.
dans Les Tragiques ; • Dans l’exemple de la première réplique de Suzanne
– Racine, Britannicus ; V chap. 10, p. 260 dans la scène 1 de la première partie V Lecture 2, p. 312,
– Victor Hugo, La Légende des siècles, L’Homme qui rit ; on peut imaginer plusieurs propositions de jeu. Suzanne
– Guy de Maupassant, Pierre et Jean. surprend le regard interrogatif de Louis sur Catherine, et

179
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
ses premiers mots répondent à l’interrogation muette de 3. Lagarce fait un travail poétique sur la langue, travail
Louis : « C’est Catherine » ; ou Suzanne fait les présenta- littéraire par définition.
tions assez cérémonieusement, elle regarde son frère et $ Ex. Le monologue du prologue ressemble à un poème
lui dit, en désignant Catherine : « C’est Catherine ». On en prose par sa mise en page, ses anaphores, ses rythmes
pourrait multiplier les hypothèses. ternaires, ses énumérations.
• Le prologue, l’épilogue et l’intermède ont des statuts $ Ex. D’une manière générale, tous les personnages de la
particuliers dans la pièce. On peut également imaginer pièce parlent la même langue, une langue qui utilise peu
différentes façons de les mettre en scène : par exemple, de vocabulaire, mais qui avance par répétitions, variations,
une voix off pour le prologue et l’épilogue, des voix à la recherche du mot le plus juste, le plus adéquat.
enregistrées arrivant de différents endroits pour $ Ex. Cette langue est une « fausse langue parlée », une
les petites scènes de l’intermède. On peut aussi utiliser la langue poétique, qui dit l’impossible communication
vidéo. Comme l’écrit Anne Ubersfeld, « la représentation entre des êtres qui s’aiment pourtant.
devra répondre à ces questions ». V Texte 5, p. 318, l. 13 Le théâtre de Jean-Luc Lagarce appartient donc sans
Étape 3 conteste à la littérature.

5. Construire son plan détaillé II. Pour autant, la spécificité du texte théâtral, destiné
Proposition de plan détaillé à être incarné et représenté, est très marquée dans le
I. Juste la fin du monde reprend le mythe littéraire des travail sur le langage de Juste la fin du monde, et les
frères ennemis et évoque la pesanteur des relations dialogues demandent le passage sur scène pour être
familiales en utilisant une forme qui se rapproche compris.
parfois de la poésie. Pour cette partie, on pourra reprendre et illustrer les
1. L’œuvre de Lagarce est nourrie de littérature, elle arguments trouvés dans l’étape 2.
reprend des motifs littéraires : ici, ceux du fils prodigue et Le texte de Lagarce appelle la représentation, il ne peut
des frères ennemis. On a donc une réécriture combinant se réaliser pleinement que dans la mise en scène.
des thèmes littéraires. Étape 4
$ Ex. Louis et Antoine sont deux frères. L’un a quitté 6. Proposition d’introduction rédigée
depuis longtemps la maison familiale et l’autre est resté Ionesco est écrivain de théâtre ; c’est pourquoi il affirme
pour s’occuper de sa mère et de sa sœur. On reconnaît qu’il ne fait pas de la littérature, mais une chose tout à
sans peine le thème du fils prodigue, à la différence près fait différente : du théâtre. En faisant cela, il insiste avec
que, quand Louis revient, son père est mort et personne provocation sur la spécificité du texte théâtral telle que
ne l’accueille en tuant le veau gras. De même Louis est la définit aussi Molière : un texte de théâtre n’est pas un
le frère aîné, pas le cadet. texte comme les autres. Il est joué par des comédiens et
$ Ex. Antoine accueille son frère avec hostilité, on le voit vu par des spectateurs. Nous verrons donc dans quelle
dès la première scène. Dans la scène 3 de la deuxième mesure cette formule peut s’appliquer à la pièce de
partie, il explose et dit à son frère tout ce qu’il a sur le Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde. Nous étudierons
cœur. On reconnaît là une variation du motif des frères d’abord les aspects textuels, littéraires, de cette œuvre,
ennemis. De Caïn et Abel à Pierre et Jean de Maupas- avant de voir que ce texte est un texte « troué », incom-
sant, ils sont nombreux en littérature. plet, qui a besoin d’être incarné, représenté.
2. Le théâtre de Lagarce s’inscrit dans une tradition, celle
Proposition de conclusion rédigée
du « tragique quotidien », que l’on trouve dans le théâtre
Juste la fin du monde est bien une œuvre qui reprend
du XIXe siècle chez Tchekhov, Ibsen ou Strindberg.
des mythes littéraires et s’inscrit dans une filiation, celle
$ Ex. Juste la fin du monde est une chronique familiale,
du tragique quotidien, du drame du langage et de l’in-
comme La Cerisaie ou Oncle Vania, un théâtre sans
communicabilité. Jean-Luc Lagarce reprend des thèmes
action dans lequel les personnages tiennent des propos
éternels : le fils prodigue, les frères ennemis, les querelles
banals mais lourds de sous-entendus.
familiales. Il rend également compte d’une époque où les
$ Ex. Comme dans Rosmersholm d’Ibsen, les person-
fils, parce qu’ils meurent plus jeunes que leurs parents,
nages semblent cacher des secrets. On ne sait rien des
doivent leur dire adieu et assumer leurs regards désap-
raisons qui ont poussé Louis à partir de chez ses parents.
probateurs et douloureux. Il appartient à cette génération
Le personnage du père semble être diversement appré-
d’écrivains trop tôt disparus, celle aussi d’Hervé Guibert.
cié par les membres de la famille. D’autre part, on ne
Mais Lagarce est un écrivain de théâtre, et son travail
comprend pas pourquoi Suzanne doit rester avec la mère.
sur le langage doit passer par la scène pour trouver sa
$ Ex. L’atmosphère onirique de l’intermède rappelle le
plénitude. Son œuvre a besoin de la mise en scène et
théâtre de Strindberg, entre naturalisme et symbolisme.
des différentes lectures qu’en proposent les metteurs en
$ Ex. Le théâtre de Lagarce est un théâtre de l’« ère du
scène pour exprimer ses différentes nuances. C’est sans
soupçon », comme celui de Nathalie Sarraute. On note
doute entre autres pour ces raisons que Xavier Dolan l’a
ainsi la présence d’une sous-conversation derrière les
adaptée récemment au cinéma.
échanges de politesses de la scène 1.

180
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
Atelier Étudier un personnage II, 2. Catherine voit Louis comme un gêneur, quelqu’un
qui vient troubler l’équilibre familial : « Je voudrais que
de théâtre p. 320 vous partiez. / Je vous prie de m’excuser, je ne vous veux
aucun mal, mais vous devriez partir. »
▶ Activités p. 321 • Antoine
I, 11. Antoine demande à Louis de ne pas lui raconter
Étape 1
d’histoires. Louis est un homme qui lit des journaux,
1. Un personnage tel qu’il apparaît dans un texte de qu’Antoine ne lit jamais. Pour Antoine, Louis regrette
théâtre est incomplet, car nous n’en avons pas de por- d’être venu. Il ne sait pas ce qu’il veut : « toujours été
trait. Nous ne connaissons ni son physique ni son passé. comme ça à regretter tout et son contraire ». Malgré son
Le personnage de théâtre est une sorte de « fantôme ton agressif, il déplore d’être devenu un étranger pour
provisoire », qui attend d’être incarné par un comédien. son frère : « tu ne me connais plus, il y a longtemps que
2. L’acteur peut s’appuyer sur les paroles du personnage, tu ne me connais plus ». Il lui reproche de chercher à tout
sur son langage. V Texte 8 rendre exceptionnel. Il cherche à le blesser.
Intermède, 4. Louis est « désirable et lointain, / distant ».
Étape 2
I, 6. « c’est lui, l’Homme malheureux »
3. La didascalie initiale mentionne le statut et l’âge des II, 2. « Oh, toi, ça va, “la Bonté même” ! »
personnages, ainsi que le lieu et la durée de la pièce. II, 2. Louis, enfant, se laissait battre par son frère, pour
Les personnages ont des prénoms banals, sauf Louis qui avoir le beau rôle.
porte un prénom de roi de France V I, 2, passage sur les II, 3. Louis jouait les mal-aimés, alors qu’il a été favorisé
rois de France. « Louis », c’est aussi « Lui » sur le plan des par tous au nom de « ce malheur soi-disant ». Louis joue
sonorités. La mère n’a pas de prénom, elle n’est définie un rôle, triche, se protège et fuit.
que par son statut de « Mère ». • La mère
Le lieu est banal, quotidien, il s’agit de la maison fami- I, 3. D’après Suzanne, la mère trouve que Louis a toujours
liale. On apprend ensuite qu’elle se situe à la campagne. fait ce qu’il avait à faire. On comprend qu’elle défend son
La durée est incertaine : « un dimanche, évidemment, fils aîné en toutes circonstances.
ou bien encore durant près d’une année entière ». Le I, 4. Louis, comme Antoine, n’aimait pas la friture de
modalisateur « évidemment », lourd de sous-entendus, carpe et les grenouilles à la crème. À l’adolescence, il se
évoque la tradition des repas de famille dominicaux, qui chamaillait beaucoup avec son frère, ils ne s’aimaient
sont souvent l’occasion de régler les conflits. Une grande pas, ils jouaient à se battre.
latitude est laissée au metteur en scène. I, 8. La mère sait que Louis est pressé de repartir, qu’il pense
4. a. b. c. Louis vu par les autres personnages avoir commis une erreur en venant. Elle pense qu’il sait
• Suzanne rester calme : « cette façon si habile et détestable d’être
I, 1. Elle s’étonne que Louis serre la main à Catherine, paisible en toutes circonstances ». Elle évoque son sou-
elle le trouve bizarre, cérémonieux. Elle s’étonne qu’il rire : « la trace du mépris, la pire des plaies ». Elle déplore
soit venu en taxi, trouve qu’il fait des manières, regrette l’incompréhension et la mésentente qui règnent entre ses
qu’il ne l’ait pas sollicitée pour aller le chercher à la gare. enfants et tente par ses explications d’empêcher une dis-
Elle ne le trouve pas affectueux et le regrette : « il n’em- pute. Elle reproche à Louis de n’avoir jamais voulu être res-
brasse jamais personne, / toujours été comme ça. » ponsable. Elle lui demande de permettre à Suzanne de le
I, 3. Suzanne regrette de n’avoir pas pris congé de Louis voir parfois et de prendre sa part des responsabilités fami-
lorsqu’il est parti. Il lui a manqué, elle pense qu’il en a liales pour alléger Antoine. Elle lui reproche d’être trop
été de même pour lui. Elle pense qu’il est un « homme lointain, trop peu accessible. Ces reproches sont autant de
habile ». Comme le reste de la famille, elle éprouve de manifestations d’un amour frustré.
l’admiration pour ses talents d’écrivain, mais elle lui 5. a. Dès le prologue, Louis se présente comme celui qui
reproche de ne leur écrire que des « lettres elliptiques ». joue un rôle (« me donner et donner aux autres une der-
Elle lui reproche son absence en creux lorsqu’elle dit : nière fois l’illusion d’être responsable de moi-même »).
« Nous n’avons aucun droit de te reprocher ton absence. » Il a eu des difficultés à prendre la décision de venir voir
Intermède, 4. Elle ne comprend pas pourquoi Louis n’est sa famille. Il apparaît comme un homme timide, fragile,
pas venu les voir plus souvent. qui doute de lui. Il ne sait pas quelle attitude adopter
• Catherine par rapport à Catherine, il peine à trouver le ton juste.
I, 2. Elle trouve Louis attentionné : elle a été touchée par V Lecture 2, p. 312-313
son mot et ses fleurs pour la naissance de sa fille. b. Louis est étranger à sa famille de multiples façons.
I, 6. Catherine rapporte les paroles d’Antoine, qui La première scène le montre cérémonieux et mal à
reproche à son frère son indifférence. Elle partage cette l’aise. Il ne connaît rien de la vie d’Antoine (sa femme,
idée : « Il croit, je crois cela, il croit que vous ne voulez ses enfants, son travail…) ni de Suzanne. La distance
rien savoir de lui. » géographique qu’il a mise entre eux est le signe d’un

181
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
éloignement beaucoup plus profond. Il est celui qui a Prolongement artistique
réussi, qui écrit, c’est un intellectuel. Son statut social et
son mode de vie urbain l’éloignent des siens. et culturel Le film
6. Le tableau de Munch montre un homme, les mains de Xavier Dolan p. 322-324
sur les oreilles, les yeux exorbités, qui traverse un pont et
pousse un cri. Il a la bouche grande ouverte. Le ciel est Les astérisques renvoient au Lexique proposé à la fin de
embrasé et la mer sous le pont semble déchaînée. Voici cette partie V p. 185.
ce que dit le journal de Munch : « Je me promenais sur
un sentier avec deux amis – le soleil se couchait – tout
d’un coup le ciel devint rouge sang. Je m’arrêtai, fatigué,
▶ Un moment suspendu
et m’appuyai sur une clôture – il y avait du sang et des entre une mère et son fils p. 322
langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville – 1. Erratum. Il faut s’appuyer sur les docs 1, 4, 5 et 6 pour répondre
mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété à cette série de questions. Cette omission sera corrigée dans une
– je sentais un cri infini qui passait à travers l’univers et prochaine édition.
qui déchirait la nature. » L’action se déroule dans la pénombre d’une pièce. La
La situation, évoquée dans l’épilogue, est similaire à pénombre (« un antre tout en angles et cloisons, aux
celle du personnage du tableau. Louis est perdu la nuit, couleurs étouffantes », doc. 5, l. 2-3, « c’est un film brun
dans le sud de la France, et il suit la voie ferrée. Il pense et bleu, un film terne, sombre », doc. 6, l. 10-11) est une
qu’il devrait pousser un cri mais, contrairement au per- des particularités de cette scène et de cette pièce.
sonnage du tableau, il ne le fait pas. Pourtant, les deux Xavier Dolan a voulu créer un lieu intime, propice à la
personnages ont des points communs car, si l’homme confidence. La pénombre peut également être synonyme
du tableau pousse un cri, celui-ci ne semble pas libéra- de secret : le lieu serait alors à l’image de la situation à
teur. Une atmosphère angoissante se dégage du tableau venir, un moment de révélations et de non-dits.
de Munch. La scène que rapporte Louis dans l’épilogue 2. a. Le chant des oiseaux permet dans un premier
nous le montre incapable de se réaliser, incapable d’être temps de rappeler la proximité avec le jardin, la présence
heureux et de savourer pleinement la vie. d’une vie et, dans un second temps, d’apporter un peu
Étape 3 de légèreté à la tension qui domine la scène. Ce chant
7. Expression écrite d’oiseaux peut être également vu comme un appel vers
Critères de réussite du monologue l’extérieur pour Louis.
b. La musique extradiégétique, qui revient comme un
• Le monologue évoque toutes les étapes prévues thème musical pour le personnage de Louis, principale-
dans le sujet : le passé commun, le départ de Louis, ment constituée de cordes, introduit un peu de douceur
l’absence et le retour de celui-ci, l’avenir envisagé. lorsque la mère et le fils se rapprochent et s’enlacent. Les
• Il s’appuie précisément sur le texte. V étape 2,
notes en boucle peuvent également traduire un moment
activité 4, supra
• Le monologue respecte les contraintes de l’écriture de vertige émotionnel de la part de Louis.
théâtrale. 3. Pour ce plan sur le voilage, on peut se poser la ques-
• Il est rédigé dans une langue correcte. tion du point de vue : est-ce le regard de Louis posé sur
• On valorisera les élèves qui auront écrit à la manière cette fenêtre entrouverte qu’un voilage recouvre ? Ou
de Lagarce. s’agit-il du regard du réalisateur ?
Ce long plan peut avoir plusieurs significations, qu’il
s’agisse du point de vue de Louis (et donc d’une caméra
subjective) ou d’un jeu de points de vue, sans que ce soit
explicitement une caméra subjective. En effet, Louis
apparaît au premier plan, la fenêtre à l’arrière-plan. Le
réalisateur cherche à troubler le spectateur en entrete-
nant la confusion sur le point de vue :
– Louis pose le regard sur le voilage ;
– Dolan s’accorde un temps suspendu ou accorde de l’in-
timité à ce moment mère/fils. Le spectateur peut respirer.
Associé à la musique extradiégétique, ce plan sur le voi-
lage peut traduire un moment de légèreté, d’harmonie,
un temps suspendu. Il peut également évoquer une envie
de s’échapper, de sortir de cet espace clos. La fenêtre et
son voilage annonceraient déjà la porte qui se situe à
l’arrière-plan du cadre à la fin du film.

182
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
Le voilage peut également représenter les sentiments ▶ La scène de repas familial p. 323
des personnages en scène dans cette séquence, ou
encore la vérité qui reste non dite, pour Louis comme 7. a. Les personnages sont d’abord montrés dans un
pour sa mère : Louis n’a pas révélé l’objet de sa visite : sa plan demi-ensemble*, tous réunis autour d’une table,
maladie et sa condamnation certaine. Martine a tenté Louis en bout de table et dans le fond du plan (pas au
de faire comprendre à Louis les attentes et souffrances premier plan). Gros plan sur les mains avec travelling
de Suzanne et d’Antoine (« On a peur du temps. Du vertical bas/haut pour arriver sur le visage de Louis dans
temps que tu nous donnes », puis « Autorise-les »). la pénombre. Très vite, les cadres se resserrent avec des
Il faut donc, pour cette question, exploiter les symboles, plans épaule de profil sur des duos : Suzanne au premier
l’idée de métaphore, les lumières et les dialogues de la plan et la mère à l’arrière-plan ; Antoine au premier plan
séquence. et Catherine en arrière-plan. Les regards se répondent.
Parfois, Louis est filmé de face. Parfois, gros plan sur
4. On demandera aux élèves pourquoi le personnage de
Louis, puis sur Catherine, intervenant discrètement ou
Louis regarde la caméra : ce regard-caméra* est-il une
silencieuse. Le cadrage s’inverse parfois, sur un principe
provocation ? un appel au secours ?
de profondeur de champ : Antoine devient flou au pre-
On peut également comprendre que Louis rend les spec-
mier plan et Catherine nette à l’arrière-plan (doc. 3).
tateurs complices de son mensonge ou de ce qu’il ne dit
Les élèves devront être sensibles :
pas à sa mère (pour la protéger).
– à l’orientation des regards dans le cadre, qui suggère
5. Pour répondre à la question de la représentation de l’idée d’échanges puis, très rapidement, celle de tension
la mère, il faut être attentif à la place de la mère dans ou de désaccord entre les personnages ;
le plan, dans la lumière, à la répartition de la parole, au – au rythme du montage, dont la relative rapidité montre
ton qu’elle emploie au fil de la séquence, ou encore à son l’enchaînement des échanges. Puis un rythme plus lent
débit de paroles et à ses actions. traduit une tension progressive ;
C’est Martine qui ouvre la séquence en ouvrant les – aux longs gros plans fixes de face sur Louis, traduisant
volets et en appelant Louis (voire le spectateur). La mère son malaise ;
est dans la pénombre, agit et parle. Elle monopolise la – aux plans demi-ensemble/moyen sur la table (doc. 2),
parole. Martine s’exprime alors posément, elle est sou- puis le retour aux banalités, puis le vide autour de la table.
vent filmée en gros plan, de profil et fumant. Au fil de b. La séquence s’ouvre sur un son en amorce (avant
la séquence, elle est filmée de face, toujours dans la l’image). Antoine raconte une histoire drôle. Il a le mono-
pénombre, et devient plus autoritaire. Tout en levant pole de la parole, puis échange avec Suzanne. La mère
son index, et d’un ton ferme comme pour donner un intervient de temps en temps pour relancer la conversa-
ordre, elle livre ses sentiments à Louis : « Je t’aime » et tion ou calmer les ardeurs. Catherine est caractérisée par
le répète (doc. 1). À partir de ce moment, elle est dans le son silence et un désaccord exprimé posément. Louis inter-
même cadre que son fils, qui se tient à distance ; puis, vient rarement pour répondre à Suzanne, puis s’exprime
après s’être parfumée (geste féminin et sensuel, voire de avec un ton lyrique sur « la maison de l’enfance ». La voix
séduction), elle l’enlace ; un gros plan montre la main de et les éclats de voix d’Antoine dominent ce repas familial.
la mère qui caresse le dos de son fils. Catherine, silencieuse, subit la scène, puis parvient à expri-
À travers cette séquence, on peut également orienter les mer son avis. Cette scène donne à entendre une « logor-
élèves sur l’importance de la sollicitation des sens : l’ouïe, rhée faussement fluide, venant se fracasser contre les
la vue, l’odorat et le toucher sont présents dans la scène. visages », propre au cinéma de Xavier Dolan (doc. 4, l. 5-6).
Moment de grande émotion pour les deux personnages. c. Les élèves devront être attentifs aux éléments qui
6. La question du rapprochement des corps est le prolon- composent le cadre, mais aussi à la place de la caméra
gement de la question précédente. (son axe de prise de vue).
Les élèves constateront qu’il y a peu de déplacements Antoine est toujours filmé de profil dans un plan épaule,
et de rapprochements de cadre, car l’action est princi- accompagné de Catherine à l’arrière-plan, dans un rapport
palement tournée en gros plan sur des visages de profil. de profondeur de champ, donc flou. Son regard est très sou-
Parfois, on passe de profil à face caméra. vent orienté vers la mère et la sœur, et parfois vers Louis.
Le cadrage et le montage suggèrent un champ-contre- Il convient alors d’aborder la question du point de vue.
champ* et, par conséquent, une distance entre mère et Lorsque Antoine se tourne vers Louis, il semble regarder
fils. Cette distance se vérifie lorsqu’un plan américain les le spectateur. Cette scène est donc principalement obser-
réunit. Paradoxe du cadrage : enfin réunis, les personnages vée du point de vue de Louis, même si on ne peut pas
sont à distance. Un plan épaule* les réunit enlacés, un gros parler de caméra subjective.
plan montre la main de la mère caressant le dos du fils. Antoine est filmé dans la lumière, comme à la fin du
Le spectateur peut être ému par ce moment d’intimité film, en couple (même si Catherine paraît en retrait),
et de rapprochement entre mère et fils. Il imagine peut- mais aussi comme un personnage qui déborde, dont le
être un dénouement heureux. regard et le haut du corps traduisent une violence, une

183
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
agressivité. Louis est dans la pénombre, seul dans le ▶ Une maison, plusieurs espaces
cadre, de face, en plongée ou de profil. Cette manière de
p. 324
les cadrer renforce leur opposition.
8. On pourra demander aux élèves : Qui regarde Louis ? 11. Il faudra inviter les élèves à identifier les lieux, de
Que ressent Louis ? façon à aboutir à la notion de huis clos.
Louis est comme assommé par ce flux constant de a. Parmi les espaces et prolongements de la maison, on
paroles : « Dolan joue avec beaucoup de malice sur le repère : le couloir (deux couloirs), le salon, la chambre de
mutisme du personnage, qui se voit peu à peu recouvert Suzanne, la salle de bains, la cuisine, une chambre (celle
et absorbé par le bruit des autres » (doc. 5, l. 7-10). Il est où l’on stocke les affaires de Louis ?), une dépendance/
d’ailleurs à chaque fois cadré dans la pénombre, comme cabane, la terrasse, l’espace repas. On peut aussi retenir
s’il disparaissait (« la famille apparaissant comme une l’espace confiné de la voiture d’Antoine.
bouche d’ombre déversant son flot de bavardages et de b. Les lieux ne sont pas toujours très identifiables, car ils
confessions dans l’oreille toujours attentive et bienveil- sont parfois cadrés en plans taille, voire plans poitrine*,
lante de Louis », doc. 5, l. 10-13). pour permettre au spectateur de se concentrer sur les
Louis peut être pris d’un sentiment de vertige face à la personnages, en plans demi-ensemble* ou pied*.
parole des membres de la famille. c. Les pièces sont généralement peu éclairées ou ont des
couleurs de murs sombres ou ternes.
9. L’arrière-plan de chaque plan est souvent flou. Ainsi,
Le gris, le bleu, le vert foncé et la pénombre dominent.
lorsqu’on essaie de se concentrer sur les plans épaule
Seule la dernière séquence est « dorée » : « hormis
qui présentent les duos Suzanne et Martine ou Antoine
un flash-back, et la scène finale qui se passe dans les
et Catherine, le personnage en profondeur de champ est
couleurs brûlantes d’un soleil qui se couche après un
flou ou peu net.
grand orage, dans une lumière d’enfer, c’est un film
En ce qui concerne le décor en arrière-plan, on constate
brun et bleu, un film terne, sombre. Je le sais, puisque je
que l’espace est saturé (« aux couleurs étouffantes et
l’ai voulu, c’est moi qui ai choisi les décors, les papiers
saturées », doc. 5, l. 3). Très souvent, des arbres ou une
peints » (doc. 6, l. 7-12). Cette citation de Xavier Dolan
végétation importante ferment le cadre. Il y a peu
permet également de faire comprendre aux élèves
d’échappatoires pour Louis, seul le cadre sur Antoine et
qu’un réalisateur pense toute la mise en scène de son
Catherine propose une lumière blanche (saturée). Cette
film, que les démarches cinématographiques sont au
lumière peut être associée à Catherine, qui représente-
service du message du film.
rait un espoir pour Louis. Quand la caméra se concentre
d. Le réalisateur cherche à traduire l’étouffement de
sur Louis, l’arrière-plan est complètement obturé : très
son personnage principal et de toute cette famille qui
sombre car composé d’un brise-vue grillagé de bois
vit dans le non-dit : « Dolan envisage l’intérieur de la
foncé. Louis est emprisonné.
maison familiale comme un antre tout en angles et
10. Il faudra être attentif au dialogue, aux mots-clés cloisons, aux couleurs étouffantes et saturées, et met en
répétés par Louis, puis au registre utilisé par Antoine en place un réseau de communication rigide et brutal : les
réponse à la poésie de Louis. membres de la famille » (doc. 5, l. 1-6). La fin du film
Pour Louis, l’ancienne maison est un souvenir associé à traduit un soulagement, une respiration. Louis reste seul
la nostalgie et au passage du temps : « Il y a la maison dans la maison, il est libéré, libre (comme l’oiseau).
de l’enfance, qui est très importante pour moi parce que
c’est le passé qu’on regrette, le passé qu’on recherche »
(doc. 6, l. 3-5).
▶ Étude d’un personnage :
Antoine voit dans le désir de Louis de revoir l’ancienne Antoine, le frère p. 324
maison familiale (« Je suis curieux de savoir… revoir les 12. a. Antoine est d’abord un personnage réduit à une
lieux, comment ils ont évolué, comment le temps les a silhouette grise, de dos, puis à un visage fermé, collé au
modifiés, malmenés… ») de la provocation, à laquelle voilage. Il devient progressivement un personnage en
il répond par la vulgarité (« Tu veux te retrouver dans colère filmé en plans poitrine, voire en très gros plans.
cette piaule de chiasse ? […] on s’en branle… ») : pour Antoine est un corps en avant dans le cadre, qui sature
Antoine, cette maison du passé est la maison d’une vie le cadre, un corps en mouvement. Il sera finalement un
modeste, voire pauvre, qu’il faut oublier. La mère semble gros plan sur une main, un poing. Il sourit peu, son rire
mieux comprendre le désir de Louis, qui ressentirait peut paraître inquiétant.
de la nostalgie et voudrait observer la trace du temps b. Le personnage interrompt son épouse, sa sœur, sa
écoulé sur cette maison. Il souhaite aussi, tout simple- mère. Il fait des reproches à son frère, le ridiculise. C’est
ment, renouer avec son passé avant un ultime départ… un personnage violent, caractérisé par des éclats de voix.
La sœur, qui connaît peu son frère, souhaite le satisfaire c. Antoine est un personnage impulsif, colérique.
et mieux le connaître. Les réactions des personnages se Sa colère peut être le résultat d’une déception, d’un senti-
cristallisent autour de Louis, l’inconnu. ment d’abandon, mais aussi de jalousie envers son frère.

184
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
13. Son personnage fonctionne un peu sur le mode de ▶ Questions d’ensemble p. 324
la gradation. Il est de plus en plus emporté, violent. Du
quasi-mutisme du début, il passe au personnage aigri, • Expression orale
râleur, au mari oppressant, méprisant, au frère complice Ressemblances Différences
jusqu’au frère violent, jaloux et fragile.
• Ouverture sur • Le texte n’est pas toujours
un monologue. totalement respecté dans le film.
▶ Mise en scène des souvenirs p. 324
• L’obsession • Dans le film, Louis n’est pas l’aîné.
14. Les images que Louis se projette sont des paysages de Louis pour • Aucune didascalie ne suggère un
champêtres, très verts, très lumineux. Ce sont des plans la brièveté cloisonnement de l’espace scénique,
d’ensemble qui accordent de l’espace au ciel, aux nuages. des mots. alors que le film met en scène
• Les scènes différentes pièces, qui traduisent
15. Ces paysages peuvent inspirer un sentiment de bien- majeures : l’enfermement, la tension.
être, d’harmonie, et un sentiment de nostalgie. Les plans l’échange • Le monologue dans la scène 10,
sont plus larges, accordent un espace partagé entre ciel avec Suzanne, partie I de la pièce, n’est pas adapté
et nature et laissent voir l’horizon. La musique extradié- le récit des dans le film.
gétique, témoin d’une époque, inspire la légèreté et le « dimanches », • La scène du souvenir n’apparaît pas
sentiment d’insouciance. l’échange avec dans la pièce.
Catherine… • La violence verbale de la scène 2,
• Les conflits. partie II de la pièce, devient
▶ Deux métaphores à interpréter physique dans le film.
p. 324 • La pièce révèle plus que le film :
les dialogues reviennent sur plus
16. Dans le scénario, l’action se déroule une journée
de détails du passé familial ; il y a
d’été. Les corps témoignent de l’intensité de la chaleur plus de monologues de Louis,
au fil des séquences et de la journée. Les teintes dorées qui livre ses doutes, ses peurs…
qui surgissent à la fin du film renvoient alors à l’inten-
sité du soleil en fin de journée (« les couleurs brûlantes • On peut préférer la pièce pour la force du texte, pour
d’un soleil qui se couche après un grand orage, dans une l’explicitation du passé des frères, des doutes de Louis.
lumière d’enfer », doc. 6, l. 9-10). On peut préférer le film pour le travail sur la lumière,
On peut interpréter cette lumière comme un choix de les métaphores, les traitements poétiques du passé, ainsi
mise en scène au service de la tension qui est allée cres- que pour la symbolique de l’espace de la maison.
cendo au sein de la famille. Ces teintes dorées seraient la Lexique
métaphore d’un moment de tension ultime : l’explosion
des sentiments, des non-dits, l’explosion d’une famille, • champ-contrechamp : technique consistant à filmer
une scène sous un angle donné, puis à filmer la
le temps de la vérité. Cette lumière, qui s’apparente à
même scène sous un angle opposé, à 180 degrés du
une brûlure sur les visages des personnages, est chaude,
premier (ou selon une symétrie axiale, ou encore
orangée, comme celles de l’enfer. Durant cette longue selon une symétrie par rapport à un point), ou alors à
séquence, Antoine n’est plus maître de lui-même et filmer séparément deux actions qui, dans la réalité, se
devient force, violence, pulsion. confrontent.
17. Les élèves pourront donner deux sens à cet oiseau • plan demi-ensemble : moitié du plan d’ensemble.
mourant sur le sol. • plan épaule : plan qui ne cadre les personnages qu’à
• L’oiseau est celui de la pendule qui orne le mur d’une des hauteur d’épaules.
pièces, et que Louis consulte à plusieurs reprises. On peut y • plan pied : plan qui se concentre sur un personnage
filmé de la tête aux pieds.
voir également le regard du réalisateur qui nous dit d’être
• plans poitrine/italien : plan qui ne cadre les
attentifs au temps qui s’écoule : Louis décompte le temps personnages qu’à hauteur de poitrine.
qui lui reste sur la journée, mais aussi à vivre. Le temps qui • regard-caméra : procédé utilisé par exemple par
s’écoule crée la tension dans le film. L’oiseau qui sort de Alfred Hitchcock dans Psychose (1960) pour montrer
la pendule, c’est le temps qui fuit, qui nous échappe – qui l’intériorité du personnage, Stanley Kubrick dans
échappe à Louis. C’est alors un symbole de liberté. Orange mécanique (1971) pour montrer la violence
• L’oiseau s’est cogné aux murs avant de s’effondrer sur le du personnage d’Alex, dans les films de la nouvelle
sol de la maison, devant la porte d’entrée. Il est alors une vague comme Les Quatre Cents Coups (1959) de
représentation de Louis, qui s’est perdu dans le labyrinthe François Truffaut pour interpeller le spectateur ou
de la maison, heurté aux murs, aux personnalités de la À bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard pour
famille ; Louis qui repart essoufflé, presque mourant. jouer avec le spectateur.

185
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
Lecture cursive J. Anouilh, Juste la fin du monde est une pièce en deux parties
(avec prologue, épilogue et intermède problématiques).
Le Voyageur sans bagage p. 325 Le cadre temporel est flou : « un dimanche ou une année
entière ». Le lieu est parfois indéterminé, ainsi on ne
▶ Activités p. 325 sait pas où se passent le prologue et l’épilogue. L’action
ne progresse pas : Louis n’annonce pas « sa mort pro-
• Le Voyageur sans bagage est une « pièce noire » de
chaine ». Les personnages sont des figures.
Jean Anouilh. Gaston, le personnage principal, se
retrouve confronté à son passé. Il s’est forgé une idée de
lui-même qui ne correspond pas à la réalité. Il découvre
qu’il fut un jeune homme cruel, qu’il a dépensé l’argent
sans compter, qu’il est devenu l’amant de sa belle-sœur
et de la bonne. Il découvre qu’il n’a jamais eu de moment Synthèse p. 326-327
de joie et que sa mère ne l’a jamais vraiment aimé.
• Expression écrite ▶ À construire p. 326
Critères de réussite du projet Étape 1
• Le travail d’écriture comporte une analyse du cadre 1. a. Lieu. La didascalie initiale indique que « cela se
spatio-temporel de la pièce. passe dans la maison de la Mère et de Suzanne ». Mais
L’action se situe une vingtaine d’années après le prologue et l’épilogue viennent brouiller les choses,
la guerre de 1914-1918, dans le milieu de la haute puisque Louis, narrateur, semble s’exprimer d’un lieu
bourgeoisie V didascalie initiale du premier tableau.
indéfini, au-delà de la mort.
La pièce se passe dans plusieurs lieux : les lieux
b. Époque. L’action se passe « un dimanche, évidemment,
des maîtres (le salon de la maison, la chambre
de Jacques Renaud), les lieux des domestiques ou bien encore durant près d’une année entière ». Le
(le couloir devant la porte du salon, un corridor modalisateur (l’adverbe « évidemment ») est peut-être
devant la porte de la chambre). une façon de jeter la suspicion sur ce cadre spatio-
La pièce décrit un milieu très précis : la haute temporel banal. Cette indication semble indifférente,
bourgeoisie d’affaires, mais aussi sa domesticité. puisque le dramaturge indique ensuite que l’action peut
• À partir de cette analyse du cadre spatio-temporel, se dérouler « pendant près d’une année entière ».
le groupe doit prendre un parti et le justifier : soit c. Personnages. Ils sont désignés par leurs prénoms ou
il conserve le cadre spatio-temporel, soit il transpose leur statut et par leur âge. Nous savons peu de choses
la pièce dans un cadre contemporain, soit il opte sur eux. La mère n’a pas de prénom. De Catherine, nous
pour un lieu intemporel ou symbolique.
savons seulement qu’elle « est Catherine », qu’elle devrait
• Le projet de décor et de costumes doit être en accord
bien s’entendre avec Louis puisque, selon Suzanne, « elle
avec le parti pris.
est la même », et qu’elle a deux enfants. Plus que des
• La pièce exploite le thème de la famille, comme celle de êtres de papier dotés d’une psychologie stable, ce sont
Lagarce, ainsi que le retour d’un fils prodigue. des figures, des êtres pour la scène.
Le tableau III peut faire écho à la pièce de Lagarce : d. Structure de la pièce.
c’est le tableau des révélations et des règlements de
compte. Gaston se retrouve dans sa chambre d’enfant Nombre Répartitions dialogues
et découvre ce que furent son enfance et son adoles- de scènes et monologues
cence. Il s’entretient avec Juliette, la bonne, puis avec Prologue une scène • monologue de Louis
son frère Georges, puis avec sa mère et Valentine, sa
belle-sœur et ex-maîtresse. Néanmoins, la pièce de Jean Première onze scènes • sc. 3 : soliloque de Suzanne
Anouilh est « une pièce bien faite », une pièce clas- partie • sc. 5 : monologue de Louis
• sc. 10 : monologue de Louis
sique avec une action qui progresse, une révélation, un
• huit scènes dialoguées
dénouement : en cela, elle se distingue totalement de
la pièce de Lagarce. Intermède neuf scènes courts dialogues,
Ce qui différencie la dramaturgie des deux pièces courtes atmosphère onirique
Le Voyageur sans bagage est une pièce en trois tableaux
Deuxième trois scènes • sc. 1 : monologue de Louis
(exposition, nœud, dénouement), avec un coup de théâtre partie • deux autres scènes dialoguées
(provoqué par l’intervention du petit garçon), un cadre
spatio-temporel précis, des personnages stéréotypés (la Épilogue une scène • monologue de Louis
maîtresse, la soubrette), dotés d’une psychologie, et une Les monologues de Louis rythment la pièce et peuvent
situation qui rappelle le vaudeville (le trio : mari, amant, donner l’impression que le retour dans la famille et
femme adultère). les conversations qui en découlent sont nés de son
imagination.

186
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
e. Langue. Le vocabulaire employé est relativement Étape 3
pauvre, ce sont les mots de tous les jours. Le travail sur la 5. Éléments renvoyant à la tragédie grecque
répétition et la variation de ces termes courants produit • Le sujet de la famille est souvent évoqué dans les
une impression d’étrangeté, comme si les personnages tragédies antiques (Antigone, par exemple). Le thème
cherchaient à caractériser ce qu’ils ressentent et qui leur du retour dévastateur peut aussi faire penser aux
échappe toujours. Bacchantes d’Euripide. Mais les personnages de Lagarce
f. Thèmes ne sont pas nobles, ce sont des personnages très banals.
• La famille • La structure de la pièce évoque la tragédie grecque,
• La rivalité entre frères et sœurs notamment par la présence d’un prologue.
• Le besoin de reconnaissance et d’amour de chacun • Le rôle du « messager », tenu par Louis dans le prologue,
• La fragilité de la vie est également caractéristique de la tragédie antique.
• La maladie • Les cinq personnages de la pièce appartiennent à deux
Ces thèmes universels ne peuvent que concerner le catégories différentes : les quatre membres de la famille
spectateur. forment une sorte de chœur, le chœur de ceux qui sont
Étape 2 restés et qui s’opposent à Louis, l’errant, le fils prodigue,
messager de sa propre mort (qu’il n’annoncera pas).
2. Pour François Berreur, « toute la pièce [est] un rêve
que forme Louis qui est mort » (l. 5-7). La didascalie ini- 6. Éléments déstabilisant le spectateur
tiale et le prologue autorisent cette interprétation : la • Le cadre spatio-temporel
didascalie laisse planer le flou sur la temporalité de la • La sous-conversation des personnages (le sous-texte)
pièce, et le prologue commence par « Plus tard, l’année • La langue de Lagarce
d’après / – j’allai mourir à mon tour ». Il y aurait donc lieu Étape 4
de penser que Louis est une sorte de spectre, qui revient
7. Pistes de correction de l’article
nous raconter son histoire, ce qui est tout fait plausible
au théâtre. Les idées
3. a. L’estrade posée sur la scène est occupée par des • On attendra des élèves qu’ils réfléchissent à la notion
chaises d’école. Ce peut être une façon de nous rame- de modernité, en comparant par exemple la pièce
de Lagarce à une « pièce bien faite » comme celle
ner à l’enfance des personnages, de montrer que rien n’a
d’Anouilh, pièce classique dans sa facture.
changé dans la maison. Les comédiens, assis en arrière- • Ils pourront ainsi étudier :
plan sur l’estrade, occupent également la fonction de – la fable, et noter l’absence d’action ;
spectateurs. Nous avons ainsi du théâtre dans le théâtre. – les personnages, qui sont par certains aspects des
Pour une analyse de cette mise en scène : figures ;
V coll. « Pièce (dé)montée », scérén-crdp n° 44, juin 2008 – le brouillage du cadre spatio-temporel ;
b. Le seul lieu qui puisse réunir les vivants et les morts – la structure de la pièce ;
est le théâtre. Comme dans Hamlet, les spectres peuvent – la langue.
dialoguer avec les vivants dans Juste la fin du monde. La forme de l’article
4. On attendra des élèves qu’ils justifient leur réponse. • Les élèves réfléchiront au plan de leur article.
• La mise en scène de François Berreur part de l’idée • Ils respecteront la forme de l’article : titre, corps de
de la mort de Louis et joue sur l’opposition vie/mort, sur l’article, chapeau, attaque, chute.
« la tension intérieur/extérieur, rêve/ réalité » (l. 3-4). Le La langue
décor est symbolique : un grand mur gris percé d’une • On leur rappellera la nécessité d’écrire dans une
porte menant vers un ailleurs qui prend la forme d’un langue correcte et d’adopter un niveau de langue
paysage onirique. correspondant à une revue littéraire.
• Celle de Michel Raskine se réfère davantage à l’idée
que, pour Lagarce, homme de théâtre, « la scène [est] une
sorte de matrice de la vérité recherchée par l’homme »
V coll. « Pièce (dé)montée », op. cit. Le décor évoque
donc une salle de répétition ou de tournage.

187
CHAPITRE 12 • Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde
Les genres de l’argumentation
▶ Doc. 1 p. 328 ▶ Doc. 2 p. 329

Une caricature d’Émile Zola Moralité du « Petit Chaperon rouge »


1. Émile Zola est représenté comme un porc assis, avec 1. Le conte de Perrault est rédigé en prose, mais la
des pattes munies de sabots et une queue en tire-bou- moralité, à la fin, est constituée de quinze vers hétéro-
chon, mais avec une tête humaine très réaliste et donc métriques : décasyllabes (v. 1 et 15) ; hexasyllabes (v. 2) ;
très facilement identifiable. octosyllabes (v. 3, 5-12) ; alexandrins (v. 4, 13-14).
Il est désigné par la périphrase « Le roi des porcs », ce qui Les rimes sont embrassées (v. 1-4 puis 7-10) ou suivies
est particulièrement insultant. (v. 5-6 puis 10-15).
2. Zola est assis sur une caisse ou une auge contenant Les rimes sont masculines et féminines en alternance.
ses romans les plus célèbres, on voit notamment La Terre On trouve des rimes pauvres (v. 1-4), suffisantes (v. 5-6)
(1887), qui est sans doute l’un de ses romans les plus ou riches (v. 8-9).
violents et qui a choqué ses contemporains par l’aspect 2. a. Perrault nous transmet une leçon de vie, il a une
bestial qu’il attribuait aux paysans. visée didactique. Aux enfants ou aux adolescents, il
Dans sa patte il tient un pinceau qu’il trempe dans un explique qu’il faut se méfier des inconnus, mais aussi
pot de chambre plein de « caca international ». Il en bar- parfois des personnes familières ou d’un aspect sympa-
bouille une carte de France, on remarque que l’Alsace thique au premier abord. Il s’agit d’un conte de préven-
est grisée afin de montrer que cette province a été tion car le loup représente la sexualité, voire le viol.
perdue après la guerre franco-prussienne, à cause des Le conte peut aussi transmettre un conseil aux adultes,
« traîtres » à la patrie, dont Zola. aux parents : ne pas exposer ses enfants au danger
3. Le « caca international » du pinceau représente aussi (ne pas habiller la jeune fille avec des vêtements trop
bien le roman naturaliste que l’engagement dreyfusard voyants ou inadaptés à son âge, ne pas l’envoyer seule
de Zola. Le « caca » peut rappeler le personnage de la dans un endroit dangereux…).
mère Caca dans La Terre, qui fait pousser ses légumes en b. Le loup, comme souvent dans les récits populaires et
les fertilisant avec ses excréments. On reproche à Zola les fables, représente le prédateur, sexuel en l’occurrence.
de montrer la France sous un mauvais jour, de porter
atteinte à son honneur, et donc de la trahir. ▶ Doc. 3 p. 329
Le mot « international » fait allusion à l’Internationale
La poésie au service de l’argumentation
socialiste : Zola, dans Germinal (1885), a soutenu les
revendications des ouvriers. Mais c’est surtout une allu- 1. Ronsard, poète écologiste avant l’heure, argumente
sion aux Juifs, présentés comme des apatrides supposés contre la destruction de la forêt de Gastine.
menacer les intérêts nationaux. 2. Recherches Une élégie est un poème lyrique de
4. Recherches En 1894 éclate l’affaire Dreyfus : un capi- forme variable, qui se caractérise par un ton plaintif et
taine de l’armée française est accusé à tort d’espionnage évoque la douleur du deuil ou de l’abandon amoureux.
parce qu’il est juif. Cette affaire divise la France en deux Cette stratégie argumentative efficace cherche à api-
camps irréconciliables. Zola, en 1898, écrit son fameux toyer le lecteur pour l’amener à s’indigner contre la des-
« J’accuse » V p. 168, un article publié dans le journal L’Au- truction de la forêt.
rore. Il s’agit d’une « Lettre au président de la République » 3. Figures de style employées par Ronsard
dans laquelle Zola défend vigoureusement Dreyfus et qui Il interpelle le bûcheron en utilisant :
permettra plus tard sa réhabilitation (Dreyfus sera gracié – une apostrophe ;
en 1899, réhabilité en 1906). Mais Zola est d’abord l’objet « bûcheron » (v. 1), ce qui attire son attention.
de violentes attaques dans la presse, il est la cible de nom- – une question rhétorique ;
breux articles, de chansons ou de caricatures insultantes. « Ne vois-tu pas […] dure écorce ? » (v. 3-4).
Il est poursuivi et condamné pour diffamation à un an de – une personnification de la forêt présentée comme une
prison et 3 000 francs d’amende. Zola s’exile en Angleterre personne vivante.
pendant près d’un an. « le sang » (v. 3), « vivaient » (v. 4).
En 1902, de retour en France, Zola est victime d’une Mieux encore qu’une personne, le poète considère la
intoxication due à un feu de cheminée. À l’époque on y forêt comme une déesse : « nymphes » (v. 4). Ainsi le
voit un accident mais certains, aujourd’hui, pensent qu’il geste du bûcheron est non seulement criminel, mais
s’agit d’un assassinat. aussi sacrilège.

189
13
CHAPITRE

Quelle place pour les femmes ?


La littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu • Lecture 1 : Louise Michel, Mémoires de Louise Michel écrits par elle-même, p. 332-333
à une analyse détaillée • Lecture 2 : Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, p. 334-335
• Lecture 3 : Annie Ernaux, La Femme gelée, p. 336-337
• Lecture 4 : Françoise Héritier, entretien, p. 338-339
• Atelier : Yves Raibaud, « La vie durable creuse les inégalités », p. 340
Lectures • Mona Ozouf, Récits d’une patrie littéraire, p. 330
complémentaires • Virginie Despentes, King Kong théorie, p. 335
Groupement de textes complémentaires • Les voies de l’émancipation
• Camille Sée, Débat au sujet de l’ouverture de lycées pour les jeunes filles, p. 344
• Hubertine Auclert, Le Droit politique des femmes, p. 345
• Virginia Woolf, « Les fruits étranges et brillants de l’art », p. 346
• Béatrice Slama, « De la “littérature féminine” à “l’écrire-femme”: différence et
institution », p. 347
• Roland Barthes, « Jouets », p. 348
Moments de grammaire • Proposition subordonnée de condition, p. 333
• Proposition circonstancielle de temps, p. 335
• Niveaux de langue, p. 337
Écrits d’appropriation • Rédiger un discours polémique, p. 333 ; un texte argumentatif sur les héros et
les héroïnes, p. 335 ; une utopie, p. 339
• Récrire un paragraphe, p. 337
Écrits vers le bac Contraction
• Atelier : contraction guidée, p. 340-341
Essai
• Rédiger un paragraphe argumenté, p. 335
• Écrire un paragraphe d’analyse, p. 337
• Atelier : essai guidé, p. 340-341
• Développer un essai organisé, p. 348
Exercices d’oral • Présenter un dossier sur une femme artiste, p. 331 ; un extrait, p. 349
• Justifier un choix en argumentant, p. 350
Exercices • Confrontation de deux documents iconographiques, p. 330-331
de confrontation • Activités sur trois affiches, p. 342-343
ou de synthèse • Questions Au fil de la lecture, p. 344
• Synthèse, p. 350-351
Travaux de recherche • Une femme artiste peintre, p. 331
• Prométhée et Pandore, p. 335
• Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, p. 335
• L’évolution des publicités représentant des femmes, p. 337
• Le mot « anthropologie », p. 339
• La loi Veil sur l’IVG (contexte, accueil…), p. 343
• Le mot « suffragette », p. 345
• George Sand, p. 347
Lectures d’images • Affiche pour une campagne de l’ONU, p. 339
ou de films • Trois affiches sur les droits des femmes, p. 342-343
Lectures cursives • Chimamanda Ngozi Adichie, Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation
féministe, p. 349
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 350-351

190
Critères de réussite du dossier
OBJECTIFS DU CHAPITRE
• Le dossier présente des éléments bibliographiques
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude La littéra- pertinents : parcours, liens avec d’autres artistes…
ture d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle. • Il donne à voir des œuvres et en propose des analyses.
L’objectif est de permettre aux élèves d’approfondir la • Il fournit des éléments sur la postérité de l’artiste.
culture qu’ils ont acquise au collège dans le domaine
des médias et de l’information, « en leur ouvrant une
perspective littéraire et historique sur les caractéris-
tiques de la littérature d’idées et sur le développement
Lecture 1 L. Michel, Mémoires
p. 332-333
des médias de masse » (programme 2019). Il s’agit
de développer leur esprit critique en les amenant à
« dégager la visée d’une argumentation » (idem). ▶ Activités p. 333

• Ce chapitre, intitulé « Quelle place pour les Découverte du texte


femmes ? » amène les élèves à réfléchir, tout d’abord, 1. C’est la force physique des hommes qui leur permet
à la place réservée aux filles et aux femmes dans la de dominer : « tant que la plus forte commandera » (l. 3),
société et au rôle de la culture et de l’éducation dans « la brutalité du maître » (l. 26). Pour Louise Michel, cette
ce domaine. Les documents proposés ont également domination par la force évoque la préhistoire : « Ce culte
pour objectif de montrer la manière dont les textes de la force reporte au temps des cavernes. » (l. 27)
(essais, fictions…) ont fait évoluer les droits des
2. Le court récit sur l’expérience de l’auteure en Nou-
femmes et leur place dans la société.
velle-Calédonie a une fonction argumentative : il montre
que la domination masculine au XIXe siècle est universelle
et existe dans des cultures très différentes, en France
Ouverture p. 330-331 métropolitaine comme en Nouvelle-Calédonie.
Analyse du texte
▶ Activités p. 330-331 3. Dans la première phrase, Louise Michel manifeste de
1. Docs 1 et 3 a. Le doc. 3 dénonce à la fois la représen- la colère. Celle-ci est mise en valeur par la phrase excla-
tation traditionnelle des femmes dans les œuvres d’art mative et l’emploi du pronom « nous », qui souligne que
(corps dénudé, lascivité, passivité) et le fait qu’il y a très la domination des hommes concerne tout le monde.
peu d’œuvres de femmes artistes dans les musées. L’adverbe « là » a une connotation péjorative, reprise
b. Le tableau d’Ingres représente un canon de beauté plus loin par l’allusion aux « temps des cavernes ».
féminine de l’époque. En remplaçant la tête de la femme 4. a. Dans la lutte qui oppose les hommes et les femmes,
par une tête de gorille, les Guerrilla Girls créent un déca- les premiers emploient la force, et les femmes recourent
lage comique entre le corps dénudé féminin et la tête de « aux ruses, à la domination occulte » (l. 4). Pour exister,
gorille. Le slogan met l’accent sur l’absence de femmes les femmes doivent se cacher.
peintres dans les musées, et le masque de gorille pourrait b. Autres expressions exprimant ces forces opposées
symboliser la colère des femmes contre cette injustice. – Pour les hommes : « la plus forte commandera ou croira
2. Doc. 2 a. Mona Ozouf dénonce les représentations sté- commander » (l. 3), « la brutalité du maître » (l. 26) ;
réotypées que les peintres ont des femmes qui auraient – Pour les femmes : « la perfidie de l’esclave » (l. 26).
« des grâces et des vertus » (l. 2-3) spécifiques. 5. Langue a. Cette phrase comprend deux propositions :
b. Ces représentations de femmes n’existent que dans – « ce serait une fameuse brèche dans la bêtise
l’esprit des hommes mais pas dans la réalité. Ce sont humaine » : proposition principale ;
pourtant des modèles qui dictent aux femmes ce qu’elles – « Si l’égalité entre les deux sexes était reconnue » :
devraient être ou non (« Modèle impérieux », l. 9, « il proposition subordonnée exprimant la condition.
commande ce que la femme ne doit pas être », l. 9-10). b. Pour Louise Michel, hommes et femmes s’affrontent
3. Doc. 4 Ce tableau représente la peintre en activité, en raison de la domination des premiers sur les secondes.
Artemisia Gentileschi, dans une représentation vraisem- Proposition de reformulation : Si cette inégalité hommes-
blable et non idéalisée : la peintre est concentrée, légère- femmes disparaissait, le genre humain progresserait.
ment décoiffée, et ses joues sont rouges à cause des efforts 6. Proposition de morale : L’exemple choisi par Louise
fournis. Elle n’est pas dans le souci de son apparence et Michel montre que le prestige des hommes repose sur la
dégage une forte impression de puissance créative. C’est manifestation de leur supériorité sur les femmes.
une représentation de femme que l’on trouve peu souvent. 7. Au dernier paragraphe, l’auteur interpelle le lecteur
4. Expression orale On peut demander aux élèves de par des questions rhétoriques. En outre, le présent de
trouver des femmes artistes dans des domaines (peinture, vérité générale et l’adverbe « partout » (l. 50) rendent le
sculpture, arts plastiques…) et à des époques variées. propos universel.

191
CHAPITRE 13 • Quelle place pour les femmes ?
Expression écrite Dans les années 1940, les femmes qui avaient les cheveux
8. Critères de réussite du discours polémique courts étaient considérées comme masculines (on parle
d’une coupe de cheveux « garçonne »), marquant leur
• Alternance du discours argumentatif et d’un court récit. indépendance par rapport aux hommes. L’effet est ici ren-
• Formulation d’arguments et d’exemples basés sur
forcé par la tenue vestimentaire masculine de la peintre.
des valeurs morales.
• Pertinence du récit exemplaire.
• Emploi de la première personne. ▶ Activités p. 335
• Recours au lexique de l’émotion.
Découverte du texte
• Utilisation de procédés de dévalorisation.
• Recours à l’ironie. 1. Depuis leur enfance, les filles sont confrontées à des
• Emploi de phrases exclamatives. représentations masculines très positives, à travers l’His-
toire (Napoléon…) ou les récits littéraires et mytholo-
giques (Hercule…), écrits par des hommes (« créés par
▶ Image p. 333
l’orgueil et les désirs des hommes », l. 7). Les femmes y sont
Contexte historique présentées de façon péjorative, comme des êtres au mieux
La Commune de Paris est une période insurrectionnelle superficiels et capricieux (« Les déesses de la mythologie
qui dura un peu plus de deux mois, du 18 mars 1871 au sont frivoles ou capricieuses », l. 16-17), au pire soumis.
28 mai 1871. Ce soulèvement contre le gouvernement 2. Par leurs lectures, la culture qui leur est transmise, les
est en partie une réaction à la défaite française de la filles apprennent que les hommes ont une place supé-
guerre franco-prussienne de 1870 et au siège de Paris, et rieure à la leur dans la société. Elles sont ainsi « prêtes »,
une manifestation de l’opposition entre les républicains adultes, à accepter cette situation, à « devenir femmes ».
et l’Assemblée nationale à majorité monarchiste.
Analyse du texte
Satory était un camp militaire où les communards arrê-
tés étaient détenus et exécutés. Girardet représente 3. Simone de Beauvoir montre que garçons et filles
Louise Michel s’adressant aux autres détenus. sont soumis aux représentations culturelles concernant
Le cadre, l’allure des personnages (l’homme allongé, les hommes et les femmes, à travers l’enseignement de
au premier plan, les femmes assises qui regardent et l’Histoire (« Ce sont les hommes qui ont fait la Grèce,
écoutent attentivement Louise Michel) ainsi que les l’Empire romain, la France », l. 3-4), leurs lectures (« Dans
vêtements du quotidien confèrent au tableau une les récits contemporains comme dans les légendes
dimension réaliste. Les couleurs sombres renforcent cet anciennes, l’homme est le héros privilégié », l. 28-29),
effet. En revanche, la posture de Louise Michel, droite, le ainsi que dans la vie quotidienne (« Si la fillette lit les
doigt pointé en avant est une image idéalisée du person- journaux, si elle écoute la conversation des grandes per-
nage, qui incarne le courage et la détermination. sonnes, elle constate qu’aujourd’hui comme autrefois les
hommes mènent le monde », l. 33-35).
4. Cette phrase exprime un jugement négatif sur ces
Lecture 2 S. de Beauvoir, livres. Les femmes qui ont marqué l’Histoire y sont
présentées de manière péjorative. (« ennuyeux », l. 12,
Le Deuxième Sexe p. 334-335 « pâles figures », l. 13), quand elles ne sont pas simples
auxiliaires des hommes (« baignent dans l’ombre de
▶ Texte écho p. 335 quelque héros masculin », l. 13-14), contrairement aux
« grands hommes » (David, Achille, Napoléon…) présen-
Un point de vue contemporain
tés de manière flamboyante.
• On attend des filles qu’elles soient discrètes, voire pas-
5. a. Recherches Les élèves peuvent trouver des élé-
sives et à l’écoute des garçons, tandis qu’on attend des
ments de réponse sur Internet ou au CDI.
garçons qu’ils dominent.
Critères de réussite des deux recherches
• Expression orale Les élèves se saisiront sans doute faci-
lement de ce débat et trouveront maints exemples dans • Des représentations de Prométhée et de Pandore :
leur expérience personnelle ou dans les fictions cinéma- tableaux, sculptures…
tographiques ou littéraires. On sera attentif à ce qu’ils • Les deux récits liés à ces personnages mythologiques :
respectent les règles du débat. V Fiche 9, p. 468 – Prométhée a dérobé le feu sacré de l’Olympe pour
le donner aux hommes et a été condamné par Zeus à
être attaché à un rocher, son foie dévoré par un aigle
▶ Image p. 335
chaque jour et repoussant la nuit ;
Le fait de s’être fait couper les cheveux peut être consi- – Pandore, à qui Zeus avait confié une boîte qui contenait
déré comme un geste d’émancipation de la part de Frida tous les maux de l’humanité, l’ouvrit, libérant ces maux.
Kahlo : les cheveux longs féminins étaient un élément • Des références philosophiques, littéraires ou
de séduction et peuvent avoir une connotation érotique. artistiques à ces deux personnages.

192
CHAPITRE 13 • Quelle place pour les femmes ?
b. Langue Cette phrase comprend deux propositions : Critères de réussite du texte
– « Pandore ouvre la boîte à malheur » : p. principale ;
• Un texte rédigé à la première personne et au présent.
– « tandis que Prométhée dérobe superbement le feu • Des types variés de héros et d’héroïnes (mythologie,
du ciel » : p. subordonnée circonstancielle d’opposition. lectures, films…).
c. Cette phrase oppose deux personnages, Prométhée • Un bonus pour les choix de héros et d’héroïnes
et Pandore. Elle illustre le fait que, dans la mythologie, littéraires.
les hommes ont des rôles valorisants (« dérobe superbe- • Une argumentation convaincante : justification des
ment le feu du ciel »), qui soulignent leur courage, leur choix.
puissance, tandis que les femmes ont des caractères et • Une articulation des idées entre elles avec des
des rôles très dévalorisants (ici, Pandore est celle par qui connecteurs logiques.
le malheur arrive). • Le respect des règles de la syntaxe.
• Un bonus pour l’introduction et la conclusion.
Expression écrite
6. Vers l’essai
a. Proposition de reformulation
Comment la littérature participe-t-elle à la construction
des représentations des filles et des garçons ?
Lecture 3 A. Ernaux,
b. Proposition de paragraphe argumenté La Femme gelée p. 336-337
La littérature représente, le plus souvent, les hommes
– pères, maris, amants – dans des situations de pouvoir, ▶ Image p. 337
alors qu’elle véhicule des représentations de femmes
sous emprise qui, lorsqu’elles se révoltent, sont décrites 1. Le tableau de Hopper représente un stéréotype du
comme jalouses, perfides ou agressives. Ainsi, les récits couple bourgeois. En effet, l’homme (sans doute le mari),
mythologiques, notamment grecs, regorgent de tels encore en tenue de travail (gilet et cravate), lit le journal,
exemples. Ainsi, Zeus use de tous ses pouvoirs pour tandis que la femme (son épouse) pianote. La colonne et
enlever ou séduire des femmes. En revanche, Héra, son les pierres taillées au premier plan à gauche montrent
épouse, est présentée comme une femme jalouse, tyran- qu’il s’agit d’un logement cossu. La décoration intérieure
nique et orgueilleuse. renforce l’aspect bourgeois : les tableaux accrochés au
mur, le fauteuil club dans lequel est assis l’homme.
7. Recherches
a. Le Deuxième Sexe est publié en 1949. Il s’agit d’un 2. La femme ne joue pas vraiment du piano, elle est
essai féministe composé de deux tomes : Les faits et les assise de biais et donne l’impression de s’ennuyer alors
Mythes (tome I), L’Expérience vécue (tome II). Le titre de que l’homme ne lui accorde aucune attention. Elle
l’ouvrage renvoie au fait que les femmes ont toujours été semble mélancolique, peut-être cherche-t-elle à capter
reléguées au second rang dans nos sociétés. l’attention de l’homme, sans succès.
b. L’ouvrage est perçu comme révolutionnaire en 1949,
car l’auteure dénonce la condition des femmes en mon- ▶ Activités p. 337
trant que l’inégalité homme-femme est historiquement
Découverte du texte
et idéologiquement construite.
Dans une lettre à l’écrivain américain Nelson Algren, 1. Les deux premières phrases ne laissent rien présager
datée du 3 août 1948, Beauvoir écrit : « La partie déjà de ce qui suit. L’expression « l’image attendrissante du
publiée dans Les Temps modernes a rendu plusieurs jeune couple moderno-intellectuel » est d’abord amu-
hommes fous furieux ; il s’agit d’un chapitre consacré sante et surprenante, puis perçue comme ironique par le
aux mythes aberrants que les hommes chérissent à pro- lecteur quand il prend connaissance de la suite. Progres-
pos des femmes, et à la poésie tocarde qu’ils fabriquent sivement, on découvre la différence qui s’installe, entre
à leur sujet. Ils semblent avoir été atteints au point la narratrice et son mari. La dernière phrase du premier
sensible. » paragraphe fait écho à la phrase « Finie la ressem-
c. Expression orale blance » (l. 9), ressemblance qui reposait sur le statut des
Critères de réussite de la présentation des recherches deux personnages, tous deux étudiants et donc, a priori,
à égalité : « Unis, pareils » (l. 8). Mais le sexe de la nar-
• Sélection de sources pertinentes sur Internet. ratrice lui dicte rapidement sa condition et c’est elle qui
• Analyse des sources et synthèse des informations. devra sacrifier son travail (« L’un des deux se lève […],
• Compréhension de la thèse de Simone de Beauvoir.
revient à ses bouquins en se demandant où il en était
• Contextualisation (réception de l’essai en 1949).
resté. Moi », l. 9-12) pour prendre en charge la cuisine.
Expression écrite 2. L’inégalité entre la narratrice et son mari se mani-
8. On peut définir, au préalable, ce qu’est un héros, une feste par la prise en charge des tâches ménagères par
héroïne. la première.

193
CHAPITRE 13 • Quelle place pour les femmes ?
Analyse du texte 8. Le titre La Femme gelée évoque une personne saisie
3. Les trois premières phrases du texte décrivent un par une situation et dont elle ne peut sortir. La narratrice
couple moderne d’étudiants jeunes mariés. L’emploi du décrit comment elle s’est retrouvée emprisonnée dans sa
pronom « nous » jusqu’à la ligne 4, l’adverbe « ensemble » condition de femme mariée, comme figée.
(l. 2), l’adjectif « attendrissante » (l. 3), traduisent le bon- Expression écrite
heur et la complicité qu’ils connaissent alors.
9. Recherches
4. La cocotte-minute symbolise la rupture entre vie Les élèves peuvent trouver des publicités des années
étudiante et vie de couple. Présentée par la narratrice 1950 jusqu’à nos jours, notamment sur Internet.
comme un « cadeau de mariage si utile » (l. 7-8), elle
Vers l’essai
devait permettre aux femmes, dans les années 1960,
Critères de réussite du paragraphe d’analyse
de se libérer en gagnant du temps. Ici, le « compte-
minutes, autre cadeau » (l. 9), rappelle la narratrice à l’ordre • Capacité d’analyse des stéréotypes de l’image
(« Sonnerie stridente », l. 8-9), l’obligeant à délaisser son publicitaire (image et slogan).
travail pour aller éteindre le feu sous la cocotte-minute. • Capacité à contextualiser l’image (place des femmes
dans la société, à une époque donnée).
5. a. La narratrice montre comment, par des activités • Capacité à étudier l’évolution, par une mise en
quotidiennes comme la cuisine, l’inégalité homme- relation entre elles, des images publicitaires.
femme s’installe, subrepticement. Quand elle écrit :
« L’un des deux se lève » (l. 9-10), le lecteur sait qu’il s’agit 10. Critères de réussite de la réécriture
d’elle. Ni elle ni son mari n’ont de compétences culinaires • Une bonne compréhension du texte et de ses enjeux.
(« Je ne savais pas plus que lui préparer un repas », l. 14), • Emploi d’un lexique et de procédés littéraires qui
mais c’est elle qui prendra en charge les repas. Elle admet marquent la révolte, la colère.
avoir laissé s’installer cette inégalité dans la répartition
imposée des tâches ménagères : « on s’enlise, doucette-
ment. En y consentant lâchement » (l. 5-6).
b. La narratrice se sent « humiliée » (l. 22-23). D’autre
part, elle traverse des « moments d’angoisse et de décou- Lecture 4 Fr. Héritier, entretien
ragement » (l. 27-28), de « ressentiment » (l. 35), de culpa-
p. 338-339
bilité (« une intellectuelle paumée incapable de casser
un œuf proprement. Il fallait changer », 40-42), de colère
(« Au nom de quelle supériorité », l. 20). ▶ Activités p. 339
c. Elle subit le comportement de son mari (« Je n’ai pas Découverte du texte
regimbé », l. 33), se contentant de remarques (« Seule-
1. Les droits acquis par les femmes ne le sont pas de
ment des allusions, des remarques acides », l. 34).
façon définitive, car, d’après Françoise Héritier, les iné-
d. Concernant le comportement d’un homme au foyer,
galités femmes-hommes reposent sur des constructions
ils ont tous les deux des représentations très différentes :
anciennes, voire archaïques. Les changements profonds
le modèle de la narratrice est son père qui participait
exigent beaucoup de temps (cinq cents ans pour installer
aux tâches ménagères, alors que son mari en a une idée
une égalité hommes-femmes, d’après le BIT).
très traditionnelle : « monsieur père laisse son épouse
s’occuper de tout dans la maison » (l. 25-26). 2. L’égalité femmes-hommes n’existe pas encore, car
certains droits accordés aux femmes, comme l’IVG, sont
6. La narratrice fait ici référence, de manière ironique,
fragiles. En effet, pour que ces droits soient tout à fait
aux femmes qui, non seulement acceptent leur sort de
acquis, il faut un profond changement des mentalités.
femme au foyer, mais s’épanouissent dans cette situation.
7. a. Elle s’interroge sur sa passivité : « Pourquoi de nous Analyse du texte
deux suis-je la seule à devoir tâtonner » (l. 16-17), puis 3. a. Recherches Anthropologie : science qui a pour
regrette de ne pas s’être révoltée contre cet état qui l’a objet l’étude de l’homme (du grec anthrôpos, « être
culpabilisée : « Pire, j’ai pensé que j’étais plus malhabile humain », et logos, « discours, étude »).
qu’une autre » (l. 38-39), « Il fallait changer » (l. 42). b. L’anthropologie « aide à comprendre comment les
b. Le récit mélange langage courant et langage familier, choses que nous croyons évidentes, naturelles, sont en
soulignant d’abord la banalité, pour les femmes, de cette fait des constructions » (l. 2-3).
situation : « doucettement » (l. 5), « dînette » (l. 13). Les Cette discipline permet de comprendre comment les
termes familiers renvoient l’image que la narratrice a représentations concernant les hommes et les femmes
d’elle au moment des faits racontés : « ma vieille » (l. 27), sont ancrées dans les mentalités. En mettant au jour les
« une emmerdeuse », (l. 35), « une flemmarde » (l. 39). Le mécanismes qui installent les inégalités entre hommes
mélange des niveaux de langue produit un récit vivant et femmes, elle permet une prise de conscience et une
qui fait « entendre » la voix de la narratrice au lecteur. évolution éventuelle des mentalités dans ce domaine.

194
CHAPITRE 13 • Quelle place pour les femmes ?
4. Les inégalités hommes-femmes sont tellement c. Le dernier paragraphe montre que les solutions aux
intégrées dans les mentalités qu’elles contaminent, menaces qui pèsent sur la ville (notamment en matière
imprègnent les discours, la vie quotidienne, les institu- d’écologie) sont pensées sans les femmes.
tions : « transmis génération après génération » (l. 22), 8. a. Les solutions proposées pour une ville durable
« et nous continuons […] de les transmettre dans nos ne prennent pas en compte les femmes et creusent les
discours, dans nos comportements anodins » (l. 23-24). inégalités avec les hommes (thèse). En effet, l’abandon,
Expression écrite pour des raisons écologiques, de la voiture en ville au
profit des transports en commun pénalise les femmes,
5. Le terme « utopie » (créé par Thomas More pour le
qui assurent, au sein de leur famille, de nombreux trajets.
titre de son œuvre Utopia en 1516) est construit à partir
Elles sont également défavorisées par cette mesure car
du grec ou (« non ») et topos (« lieu »). L’utopie est donc
elles se sentent menacées dans les espaces publics.
le lieu qui n’existe pas. C’est aussi un genre littéraire
b. On relève, dans le paragraphe 3, une opposition entre,
consistant à imaginer une société idéale.
d’une part, les « bonnes pratiques » (conformes aux
Critères de réussite de l’utopie
principes de l’écologie et du développement durable) et,
• Des éléments précis montrant l’égalité entre les sexes. d’autre part, le fait que celles-ci défavorisent les femmes
• Des références soulignant que cette égalité n’existe (laissant entendre que cette partie de la population n’est
pas encore dans nos sociétés contemporaines. pas prise en compte). Une seconde opposition repose sur
• Le respect des règles de la syntaxe. le fait que, malgré la crainte d’être agressées en ville, ce
• Un bonus pour l’introduction et la conclusion.
sont les femmes qui effectuent la majorité des déplace-
ments liés aux besoins familiaux.
c. Liens logiques dans l’argumentation
– « Mais » (l. 9) + « aussi » ( l. 12) marquent le paradoxe
Atelier Contraction entre les « solutions » (l. 9) proposées pour un dévelop-
pement durable des villes et leurs conséquences sur les
et essai guidés p. 340-341 femmes (thèse de l’auteur).
– « En premier lieu » (l. 31) : premier argument qui
▶ Activités p. 341 défend la thèse de l’auteur.
– « ainsi » (§ 4) annonce les exemples.
CONTRACTION GUIDÉE
– « en particulier » (l. 53) : annonce le resserrement du
Étape 1 discours sur un fait significatif, et « Mais » (l. 58) marque
1. Thème du texte : la place des femmes dans la ville l’opposition.
durable (à Bordeaux).
Étape 4
2. D’après le géographe Yves Raibaud, les solutions pro-
9. Plan détaillé du texte
posées pour une ville durable ne prennent pas en compte
• Un constat : l’urgence climatique à repenser la ville.
les femmes et creusent les inégalités avec les hommes.
• Or : les mesures prises renforcent les inégalités hommes-
3. Actuellement, les villes sont repensées pour que femmes.
les habitants y vivent mieux ; or les projets proposés • Car : solutions proposées :
aggravent la situation des femmes. – abandon de la voiture en ville à défavorise les
Étape 2 femmes, qui en ont besoin pour accomplir des tâches
4. Yves Raibaud défend les femmes. qui leur sont traditionnellement dévolues + la voiture est
un moyen sécurisant de circuler en ville ;
5. Pour développer son argumentation, l’auteur s’appuie
– extinction des éclairages le soir à pose un problème
sur des exemples et des statistiques. Si certains exemples
de sécurité pour les femmes, victimes de harcèlement.
peuvent être conservés, car essentiels à la compréhension
• Problématiques spécifiques aux femmes pas prises en
du raisonnement, les statistiques ne seront pas reprises.
compte, car ces dernières ne sont pas représentées dans
6. La tonalité de la phrase est ironique. les instances qui prennent des décisions en matière d’en-
Proposition de reformulation vironnement en ville.
Les inégalités hommes-femmes reposent sur des
constructions anciennes et patriarcales. Étape 5
10. 11. Proposition de contraction
Étape 3
Pour faire face à l’urgence climatique, il faut repenser la
7. a. Les premières lignes sont consacrées à l’urgence de ville. Or, les mesures proposées renforcent les inégalités
repenser la ville face au réchauffement climatique. hommes-femmes. En effet, l’abandon de la voiture en
b. L’auteur articule ensuite deux idées : face à l’urgence ville, préconisé pour lutter contre la pollution, défavorise
climatique, des projets sont proposés pour les villes, mais les femmes, qui l’utilisent pour accomplir des tâches qui
ces projets creusent les inégalités hommes-femmes.

195
CHAPITRE 13 • Quelle place pour les femmes ?
leur incombent traditionnellement et pour qui la voiture 5. Document complémentaire
est un moyen de transport sécurisant. Par ailleurs, l’ex- On pourra demander aux élèves de réaliser une revue de
tinction des éclairages publics, permettant de réaliser des presse sur un thème précis.
économies d’énergie, pose un problème pour les femmes,
Étape 3
souvent harcelées en ville. Ces problématiques spécifiques
aux femmes ne sont pas prises en compte car ces dernières 6. 7. 8. Critères de réussite de l’essai
ne sont pas représentées dans les instances qui prennent • L’introduction propose une accroche qui présente le
des décisions en matière d’environnement en ville. thème, formule la problématique, annonce le plan.
• Le développement :
ESSAI GUIDÉ – est construit en deux (ou trois, maximum) parties ;
Étape 1 – comprend des parties composées de deux (ou trois,
maximum) paragraphes (présentés à la ligne et avec
1. Mots-clés du sujet
un alinéa au début) articulés autour d’un argument
« ville », « profite », « hommes jeunes et en bonne santé » illustré d’exemples précis et concrets ;
Synonymes – montre la progression de la pensée en utilisant des
– ville : milieu urbain connecteurs logiques : certes, en effet, ainsi, pourtant…
– hommes jeunes : jeunes gens • La conclusion répond à la problématique et se
2. La ville est faite pour les hommes jeunes qui n’ont pas termine sur une ouverture.
de problème de santé.
3. Proposition de plan
I. La ville est faite pour les hommes jeunes et en bonne
santé. Atelier Analyser
II. Pourtant, des progrès sont réalisés pour les autres et réaliser une affiche p. 342-343
groupes de la population.
Étape 2 ▶ Activités p. 343
4. Proposition d’arguments et d’exemples Étape 1
I. La ville est faite pour les hommes jeunes
1. On pourra indiquer ce lien aux élèves.
et en bonne santé.
V https://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/
1. En ville comme ailleurs, ce sont les femmes qui
droits-femmes/chronologie/
prennent en charge les activités domestiques, et cer-
taines profitent peu des activités proposées. Étape 2
à Ex. Texte d’A. Ernaux, p. 336. Doc. 1
2. En ville, les filles et les femmes sont souvent harcelées 2. a. Le graphisme, les couleurs et la coiffure de la femme
et ne peuvent pas profiter de la ville comme les garçons montrent que l’affiche date des années 1920-1930.
et les hommes le font. b. La Société pour l’amélioration du sort de la femme et
à Ex. 100 % de femmes ont été harcelées dans la rue la revendication de ses droits a réalisé l’affiche.
(cf. Texte d’Y. Raibaud, p. 340).
3. L’objectif de l’affiche est d’exiger le droit de vote pour
3. Les espaces ne sont pas pensés pour les filles ou les
les femmes.
femmes.
à Ex. Les terrains de jeux sont davantage prévus pour 4. Les arguments formulés appartiennent au domaine
les garçons que pour les filles. domestique (entretien de la maison et éducation des
4. Les femmes sont peu, voire pas, représentées dans les enfants). Ainsi l’argument « protéger l’enfance » induit
instances décisionnaires. que seules les femmes seraient en mesure de prendre en
à Ex. Texte d’Y. Raibaud, p. 340. charge les enfants, d’assurer leur éducation et leur avenir.
II. Pourtant, des progrès sont réalisés. Doc. 2
1. Des progrès pour rendre certains endroits accessibles 5. Recherches et expression orale
aux personnes en situation de handicap. Une présentation orale du dossier pourra être demandée.
à Ex. Les bus ou les tramways, certaines stations de Critères de réussite du dossier
métro, certains bâtiments administratifs.
• Sélection de sources pertinentes sur Internet.
2. Dans certains pays, certaines villes, des mesures sont
• Analyse des sources et synthèse des informations.
prises pour éviter les situations de harcèlement sexuel.
à Ex. Wagons réservés aux femmes dans les trains de 6. L’affiche est antérieure à la loi Veil de 1975 autorisant
nuit, dans le métro. l’IVG. En effet, elle met en exergue, pour la dénoncer, la
Conclusion loi de 1920 qui interdisait aux femmes d’avorter. L’affiche
Il s’agit de faire évoluer les mentalités pour que la ville fait également référence aux risques encourus par les
soit un espace mieux partagé par toutes et tous. femmes qui avortaient dans la clandestinité.

196
CHAPITRE 13 • Quelle place pour les femmes ?
7. D’après cette affiche, les femmes qui avaient recours Texte complémentaire 6
à l’avortement clandestin risquaient l’opprobre et des
poursuites juridiques, et pouvaient aussi mourir, étant C. Sée, Débat au sujet
donné les conditions d’hygiène de l’intervention. de l’ouverture de lycées p. 344
Doc. 3
8. D’après le cadre (le lieu est un bureau, l’homme porte ▶ Activités p. 344
un costume), cette affiche concerne les discriminations
femmes-hommes dans le monde du travail. 1. Pour Camille Sée, les filles doivent aller au lycée pour
être instruites de manière à transmettre, elles-mêmes,
9. L’attitude de l’homme est dénoncée de façon comique,
une instruction à leurs enfants. Pour cet homme poli-
absurde. Il est assis dans un fauteuil, sur une femme, à sa
tique, l’enseignement des filles doit se limiter à la morale,
place. L’attitude est d’autant plus choquante qu’il est affalé
à la langue française et aux langues étrangères vivantes,
sur la femme, que ses pieds sont sur le bureau et qu’il est
à la littérature, à l’histoire et un peu de sciences.
concentré sur son téléphone, indifférent à la femme sur
laquelle il est assis, comme si elle n’existait pas. 2. Si ce discours présente, au XIXe siècle, un progrès pour
C’est une dénonciation de l’attitude d’un homme qui les filles, qui seront autorisées à aller au lycée, les propos
prive une femme d’espace en l’envahissant. de Camille Sée sont choquants au XXIe siècle, en France.
En effet, la famille et l’éducation des enfants sont pré-
10. Le lien entre l’image et le slogan est percutant car il
sentées comme reposant entièrement sur les femmes :
joue de façon comique et provocante sur la polysémie du
« il faut […] insister sur ce qui convient le mieux à la
mot « place ». Dans le slogan, le substantif « place » doit
nature de leur esprit et à leur future condition de mère
être entendu de façon large : quel rôle professionnel les
de famille », l. 15-17. Par ailleurs, même si l’auteur de
hommes sont-ils prêts à laisser aux femmes ?
ce discours reconnaît que les filles seraient capables de
Sur la photo, le terme est pris dans son sens premier
suivre les programmes de lycée dont les garçons béné-
d’« espace ». C’est une illustration littérale de l’absence
ficient, il s’agit de les former à leur future condition de
de place laissée aux femmes dans le monde du travail.
mère et donc ne leur enseigner que certaines disciplines
Étape 3 (« il faut choisir ce qui peut leur être le plus utile, […]
11. 12. Critères de réussite de l’affiche et les dispenser de certaines études pour faire place aux
travaux et aux occupations de leur sexe », l. 15-18).
• La prise en compte des paramètres de la consigne.
• La clarté du message et sa capacité à convaincre.
• L’originalité du message.
• Le lien entre image et slogan.
Texte complémentaire 7
H. Auclert, Le Droit politique
des femmes p. 345
Groupement de textes ▶ Activités p. 345
Au fil de la lecture p. 344 1. Hubertine Auclert revendique le droit de vote pour les
femmes et de participer à la vie civique. En effet, comme
Camille Sée. Discours.
les hommes, les femmes paient des impôts et doivent
# L’ouverture des lycées aux filles leur a permis d’accéder
donc pouvoir donner leur avis sur leur utilisation.
aux études supérieures et à des professions alors réser-
vées aux hommes. 2. Au XIXe siècle, les femmes sont des « esclaves » (l. 8).
Comme eux, elles subissent des lois répressives mais
Hubertine Auclert. Discours/Communication.
contribuent au fonctionnement du pays (l. 8-10).
# En exigeant le droit de vote des femmes, Auclert vou-
lait leur permettre de participer à la vie publique. 3. Hubertine Auclert reproche aux hommes de ne son-
ger qu’à leurs intérêts (l. 2-4) et de léser systématique-
Virginia Woolf. Essai.
ment les femmes. Elle leur reproche également de nier
# Woolf montre que la femme peut se libérer des
la liberté et l’égalité (l. 25).
attentes sexistes de la société.
4. Le deuxième paragraphe s’ouvre sur deux questions
Béatrice Slama. Essai.
rhétoriques qui soulignent de manière ironique (avec
# Les écrivaines ont la même légitimité que les écrivains.
la formule interro-négative) la condition réservée aux
Roland Barthes. Essai. femmes par les hommes : « Aimerions-nous moins la
# En soulignant la façon dont les jouets conditionnent liberté que l’homme ? » (l. 6)
les enfants, Barthes dénonce la manière dont les filles Elle met en doute la parole et la sincérité des politiques
sont préparées à devenir des ménagères. en les interpellant (« vous », à partir de la l. 19) et par

197
CHAPITRE 13 • Quelle place pour les femmes ?
l’emploi d’un modalisateur : « Républicains, qui vous réflexion sur les femmes critiques littéraires, Virginia
croyez radicaux » (l. 23). Enfin, en colère et sachant que Woolf ouvre la réflexion sur les écrivaines en général qui
les arguments ne convaincront pas nécessairement, elle ont dû, pour écrire, se défaire des stéréotypes attachés
a recours au terme « autocrates », (l. 24), qui évoque la aux femmes : « épreuve que durent immanquablement
figure du tyran, du despote. affronter toutes les femmes aspirant à écrire de mon
temps » (l. 65-67).
▶ Image p. 345

1. Recherches Les suffragettes sont les femmes qui, en


Angleterre, exigèrent, entre la fin du XIXe siècle et le début du
XXe siècle, le droit de vote. En 1918, les femmes britanniques
Texte complémentaire 9
obtinrent le droit de vote à partir de l’âge de trente ans. B. Slama,
Le terme « suffragette » prend d’emblée un sens péjo-
ratif. Dès 1906, il est employé par le Daily Mail au « De la “littérature féminine”
Royaume-Uni pour railler l’engagement des femmes, le à “l’écrire femme” » p. 347
suffixe «-ette » minorant et ridiculisant ce combat. Mais
les femmes se l’approprient, et le terme finit par être
employé pour désigner les femmes engagées dans un
▶ Activités p. 347

combat radical sur le fond et la forme. 1. Selon Béatrice Slama, quand une femme écrit, elle
2. Les femmes, et notamment Hubertine Auclert, qui sort du champ qui lui est assigné et pénètre un domaine
participent à cette manifestation sont des bourgeoises. réservé aux hommes (l. 5-8).
3. Les chaînes que les femmes tiennent soulignent leur 2. L’essayiste utilise des guillemets pour citer les termes
désir de se libérer, de s’émanciper par le droit de vote, et qualifiant les écrivaines et leurs écrits : « On a voulu y
de ne plus dépendre des hommes. Le feu, au milieu de la voir des “ouvrages de dames” » (l. 15), « on a cherché
photo, symbolise la révolte de ces femmes qui veulent, par la “paternité” de leurs œuvres » (l. 18-19), « leur “mâle
leur action, mettre fin à la société archaïque qui les réduit pensée” » (l. 20). Le recours aux guillemets permet à Béa-
à un statut inférieur à celui des hommes. Cette volonté trice Slama de récuser et mettre à distance ces termes,
est rappelée par le journal La Femme nouvelle que des qui donnent l’impression que les femmes écrivaines sont
femmes, au premier plan, affichent ostensiblement. subordonnées aux hommes.
Le troisième paragraphe (l. 9) est formé d’une seule
phrase, attirant ainsi l’attention – et contrastant avec la
phrase précédente qui énumère, de façon hyperbolique
et ironique, les qualités attribuées traditionnellement
Texte complémentaire 8 aux hommes écrivains. La brièveté de la phrase et les
points de suspension soulignant la place quasi inexis-
V. Woolf, « Les fruits étranges tante réservée aux écrivaines donnent une tonalité iro-
et brillants de l’art » p. 346 nique à la remarque.
Les deux tirets aux l. 44 et 45 ont une valeur d’aparté.
▶ Activités p. 346 La proposition entre les deux tirets, « et la galanterie en
est une forme », précise la pensée de l’auteure, pour qui
1. Pour Virginia Woolf, « l’Ange du Foyer » désigne la la galanterie est une forme de discrimination dont les
représentation que la femme se fait de son rôle au sein écrivaines sont l’objet.
de sa famille : un rôle de femme qui se sacrifie pour les
3. La note rédigée par Béatrice Slama justifie la création
autres (« s’il y avait un courant d’air, elle s’y installait »,
d’un prix littéraire réservé aux femmes (prix Fémina Vie
l. 16-17). Ce faisant, elle n’a pas de désir propre et doit
Heureuse), qui sont exclues des autres prix.
rester à la place qui lui est assignée, discrète et gracieuse.
4. Recherches
2. Virginia Woolf, indépendante financièrement (dis-
Concernant George Sand, les élèves peuvent consulter
posant d’une fortune personnelle, elle ne dépendait
plusieurs sites dont les deux suivants :
pas d’un homme, comme c’était le cas pour d’autres
V http://www.maison-george-sand.fr/
femmes), refuse d’être comme cet « Ange du Foyer ».
V https://www.franceculture.fr/personne-george-sand.html
Elle veut rester sincère, même si, en tant que critique
littéraire, elle peut être amenée à dénigrer un livre écrit
par un homme (l. 30-31). Ce meurtre symbolique est
indispensable, car la sincérité est au cœur de la critique
littéraire qui, sans cela, n’a pas de sens : « Elle aurait vidé
mes écrits de toute substance » (l. 45). À partir de cette

198
CHAPITRE 13 • Quelle place pour les femmes ?
Texte complémentaire 10 déconstruisant un stéréotype. Ce qui est convaincant,
c’est également le fait que l’auteure ayant la double
R. Barthes, « Jouets » p. 348 culture américaine et nigériane, elle emprunte des
exemples aux deux cultures, donnant à son manifeste
▶ Activités p. 348 une portée plus large.
1. Propositions de titre • Le manifeste est rédigé à la première personne et
• Comment les jouets conditionnent les enfants à deve- s’adresse à une interlocutrice, une amie de l’auteure,
nir des adultes comme il s’adresserait au lecteur ou à la lectrice qui se
• Comment les jouets freinent toute créativité chez l’enfant sent concerné par le propos, lui conférant ainsi une por-
• Comment les jouets reproduisent les stéréotypes tée universelle.
2. Thèse défendue par Barthes Expression orale
En préfigurant l’univers des adultes, le jouet conditionne Critères de réussite de la présentation
les enfants.
• La compréhension précise de la suggestion.
Argument
• La contextualisation de cette suggestion par rapport
En effet, le jouet cherche à imiter cet univers sans susci-
au reste de l’ouvrage.
ter la créativité des enfants. • Une élocution claire (débit, volume).
Exemple • Le respect des liaisons.
Les poupées qui urinent comme des bébés préparent les • Le respect du temps de parole.
filles à devenir mères. • La distance par rapport aux notes.
3. Essai
Proposition de plan Expression écrite
I. Certes, le jouet prépare les enfants à être usagers Critères de réussite de l’écrit organisé
du monde. • Compréhension de la citation.
1. En effet, il reproduit, imite le monde, n’incitant pas à • Formulation d’arguments et d’exemples empruntés
la créativité des enfants. à l’essai, mais également à d’autres documents.
# Ex. Les poupées conditionnent les petites filles dans
leur rôle de mère. Proposition de plan
2. Il s’appuie sur des représentations et des stéréotypes. I. Il est essentiel de regarder chaque enfant comme
# Ex. Les représentations sexuées véhiculées par des une personne, car filles et garçons doivent s’épanouir
jouets rappellent l’univers ménager destiné aux filles. pleinement et de manière égalitaire.
II. Pourtant, il peut aussi stimuler la créativité 1. Le rôle de l’éducation, à la maison et à l’école.
des enfants. # Ex. L’importance des jeux et des jouets donnés aux
1. Certains jouets favorisent la découverte, l’esprit enfants ; les sports proposés aux enfants qui devraient
d’aventure. être les mêmes pour les filles et les garçons.
# Ex. Les jeux qui incitent à la recherche, les jeux d’équipe. 2. L’importance de la culture.
2. Des jouets permettent le développement des capaci- # Ex. Veiller à faire lire des livres qui n’assignent pas
tés artistiques de l’enfant. des rôles déterminés aux filles et aux garçons et qui pré-
# Ex. Les jeux qui permettent de dessiner, de créer. sentent des héroïnes aussi bien que des héros.
II. Il est essentiel de regarder chaque enfant comme
une personne, car garçons et filles doivent bénéficier,
enfants puis adultes, des mêmes avantages.
Lecture cursive C. N. Adichie, 1. Les femmes, comme le dit C. N. Adichie, doivent pou-
voir se définir autrement que comme mère et/ou épouse.
Chère Ijeawele… p. 349 # Ex. Annie Ernaux, La Femme gelée.
2. Les adultes, femmes et hommes, doivent être libres et
▶ Activités p. 349 avoir les mêmes droits.
# Ex. Droit de vote, droit à disposer de son corps, droit
• Un manifeste est une déclaration écrite et publique
aux mêmes salaires.
dans laquelle une personne ou un groupe de personnes
défend une position.
Le livre de Chimamanda Ngozi Adichie porte le nom de
« manifeste ». Il défend une éducation des filles qui s’af-
franchit des stéréotypes sexistes.
• Ce manifeste est efficace car, d’une part, il est claire-
ment présenté, divisé en quinze suggestions, chacune

199
CHAPITRE 13 • Quelle place pour les femmes ?
Synthèse p. 350 s’émanciper d’un modèle imposé, celui de « l’Ange du
Foyer », pour exister, faire son travail de critique litté-
raire et, plus largement, écrire. Chez Louise Michel et
▶ Activités p. 350
Hubertine Auclert, il y a une exigence forte d’égalité des
Étape 1 droits entre hommes et femmes. Enfin, plus près de nous,
Expression orale C. N. Adichie défend une éducation égale pour les filles
et les garçons.
1. Travail personnel de l’élève.
b. Comme l’affirme Béatrice Slama, les textes féministes
Critères de réussite de l’argumentation
ont fait évoluer les mentalités. Ces textes reflètent des
• Les marques d’un engagement personnel (lexique désirs d’émancipation et de liberté puissants. Ils ont
valorisant, laudatif, modalisateurs…). contribué et contribuent à l’évolution des mentalités.
• La formulation d’arguments clairs et pertinents. Ainsi Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir est
• Des arguments illustrés avec des exemples tirés du considéré comme un des textes fondateurs en matière
texte choisi. de droit des femmes.
• Un registre de langue courant, voire soutenu.
• Le respect du temps de parole. 4. Critères de réussite du dossier
• La distance par rapport aux notes. • Prise en compte du thème ou de la problématique
2. Tableau de synthèse des textes V ci-dessous choisie.
• Pertinence des documents sélectionnés et de leur
Étape 2 analyse.
3. a. À travers les textes du chapitre, on relève une pro- • Contextualisation (historique, sociologique…) des
gression dans la façon dont les femmes se sont expri- documents.
mées, et donc dans la manière dont elles ont été perçues • Liens effectués entre les documents.
et traitées. Chez Virginia Woolf, on note une volonté de • Organisation du dossier.

Tableau de synthèse des textes


Auteur, titre Date Genre du texte Thèmes abordés
Louise Michel, 1886 mémoires la domination des femmes par les hommes, quel
Mémoires de Louise Michel… que soit le pays
Simone de Beauvoir, 1949 essai la construction de l’identité des filles par la
Le Deuxième Sexe lecture des récits (mythologiques, historiques)
Virginie Despentes, 2006 essai la soumission des femmes
King Kong théorie
Annie Ernaux, 1981 autofiction, l’inégalité homme-femme au sein du couple
La Femme gelée autobiographie
Françoise Hériter, entretien 2017 entretien la grande fragilité des droits acquis par les femmes
Yves Raibaud, 2017 article les inégalités hommes-femmes renforcées par la
« La ville durable creuse les inégalités » ville durable
Camille Sée, 1880 discours l’ouverture des lycées aux filles, avec un
Débat au sujet de l’ouverture de lycées enseignement différent de celui dispensé aux
pour les jeunes filles garçons
Hubertine Auclert, 1878 discours, le droit de vote des femmes
Le Droit politique des femmes communication
Virginia Woolf, – essai le refus de l’auteure de se conformer aux attentes
« Les fruits étranges et brillants de l’art » sexistes de la société
Béatrice Slama, 1981 essai l’évolution de la place des femmes écrivaines
« De la “littérature féminine” à
“l’écrire-femme”… »
Roland Barthes, 1957 essai comment un jouet entraîne l’enfant à devenir un
« Jouets » adulte type

200
CHAPITRE 13 • Quelle place pour les femmes ?
14
CHAPITRE

Le robot est-il l’avenir de l’homme ?


La littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu • Lecture 1 : René Descartes, Discours de la méthode, p. 354-355
à une analyse détaillée • Lecture 2 : E. Th. A. Hoffmann, Tableaux nocturnes, p. 356-357
• Lecture 3 : Auguste de Villiers de l’Isle-Adam, L’Ève future, p. 358-359
• Lecture 4 : Yves Eudes, « Pepper ne nous aimera pas… », p. 360-361
Lectures complémentaires • Isaac Asimov, Le Cycle des robots : les trois lois de la robotique, p. 353
• Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, p. 357
• Louis de Broglie, Physique et microphysique, p. 362
• Isaac Asimov, Préface au Cycle des robots, p. 364
Moments de grammaire • Syntaxe de la phrase complexe, p. 355
• Déterminants, p. 359
• Pronoms personnels, p. 361
• Phrases interrogatives, p. 361
Écrits d’appropriation • Rédiger un portrait fantastique, p. 357
• Écrire un paragraphe argumenté, p. 361 ; une nouvelle de science-fiction, p. 369
• Atelier : réaliser une anthologie préfacée, p. 365 ;
• Réaliser un lexique, p. 370
Écrits vers le bac Commentaire de texte
• Rédiger une introduction, p. 359
Dissertation
• Établir un plan et rédiger l’introduction, p. 370
Contraction et essai
• Écrire un paragraphe argumenté, p. 361
• Atelier : contraction et essai guidés, p. 362-363
Exercices d’oral • Débattre : la différenciation entre homme et robot, p. 355 ;
les relations homme-robot, p. 359 ; robot et anthropomorphisme, p. 361
• Utiliser un texte de référence, p. 357
Exercices de confrontation • Synthèse, p. 370-371
ou de synthèse
Travaux de recherche • Des mythes fondateurs, p. 353
• Un progrès scientifique, p. 363
• Des documents sur une avancée technologique, p. 370
Lectures d’images ou de films • Comparaison de L’Homme serpent et de Geminoïd, p. 355
• Étude du portrait de Rachel dans Blade Runner, p. 359
Prolongement artistique et culturel • Les robots font leur cinéma
• Fritz Lang, Metropolis, p. 366
• Stanley Kubrick, 2001, l’Odyssée de l’espace, p. 366
• Georges Lucas, Star Wars, p. 367
• Ridley Scott, Blade Runner, p. 367
• James Cameron, Terminator 2. Le Jugement dernier, p. 368
• Andrew Stanton, Wall-E, p. 368
Lectures cursives • Isaac Asimov, Les Robots, p. 369
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 370-371

201
Peuvent-ils être l’équivalent d’un être humain ou doivent-
OBJECTIFS DU CHAPITRE ils être utilisés comme des outils par les hommes ?
• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude La littéra- Comment s’assurer que ces outils perfectionnés ne se
ture d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle. Il retournent pas contre leur créateur ?
s’agit de s’interroger sur les limites entre l’homme et la 4. Recherches On s’assurera que les élèves repèrent bien
machine. Comment différencier un homme d’un robot le lien entre ces mythes fondateurs et les questions que
humanoïde quand les deux ont quasiment la même soulève l’existence des robots, afin de montrer qu’au-
apparence ? L’homme peut-il tomber amoureux d’un delà de l’évolution technique les mêmes interrogations
robot ? Le robot peut-il accéder à une sophistication le et peurs fondamentales perdurent.
rendant capable d’intégrer les émotions humaines ? À On mettra en évidence la prouesse technique dont
travers ces questions se dessine l’interrogation fonda- relèvent ces fabrications humaines, qui célèbrent l’esprit
mentale sur ce qu’est un être humain et sur les risques humain et ses capacités (premier temps du récit). On
qu’il court à vouloir créer un être à son image. soulignera ensuite la dimension divine – relevant sou-
• En parcourant des textes du XVIIe siècle au XXIe siècle, vent de la transgression – qui leur permet de s’animer
le chapitre permet de réfléchir à ces limites entre (second temps du récit).
homme et machine et de découvrir les textes fonda-
teurs sur les robots : de Descartes et ses automates
à Asimov et ses trois lois de la robotique, en passant
par Villiers de l’Isle-Adam, qui invente la première Lecture 1 R. Descartes,
andréïde de la littérature, ou Hoffmann, dont « Le
marchand de sable » dresse le portrait d’une Olimpia Discours de la méthode p. 354-355
ambiguë et troublante.
• À travers ce thème original et moderne, les auteurs ▶ Activités p. 355
s’interrogent sur la notion d’humanité et la mettent Découverte du texte
en question. Le prolongement artistique et culturel
1. Le texte de Descartes répond aux questions c. et e.
permettra de travailler sur des films de science-fiction
Descartes estime qu’il n’y a aucun moyen de différencier
dans lesquels apparaissent des robots, et de voir com-
l’automate et l’animal (l. 8-11). Mais il affirme que nous
ment leur représentation évolue, tout en gardant des
ferons toujours la différence entre un homme et un auto-
caractéristiques communes fortes d’un film à l’autre.
mate humanoïde (l. 11-14).
2. Langue Les phrases sont longues et complexes. En
effet, Descartes déploie sa pensée en employant de
nombreux connecteurs logiques, qui lui permettent d’ex-
Ouverture p. 352-353
primer une pensée complexe.
3. a. Descartes oppose les hommes aux automates.
▶ Activités p. 353
Il montre que le corps humain, création de Dieu, est
1. Docs 1 et 3 La fixité des traits et du regard révèle que infiniment supérieur au corps des machines, création de
ces personnages sont des robots. Leurs expressions ne l’homme.
paraissent pas naturelles, et leurs sourcils, notamment, b. Repérage
sont très dessinés. Par ailleurs, on peut apercevoir des – « aucun moyen » : l. 10
éléments mécaniques intégrés à leur corps : la partie – « deux moyens » : l. 13
arrière de la boîte crânienne de Sophia est transparente – « le premier » : l. 15
et laisse voir les rouages mécaniques qui lui permettent – « Et le second » : l. 23
d’agir ; dans Äkta människor, le personnage masculin 4. a. Selon Descartes, il n’y aurait aucun moyen de diffé-
présente un port USB au niveau de la nuque. rencier l’animal d’un automate le représentant.
2. Le titre « Les véritables personnes » oppose les hommes b. Cependant, il y aurait deux moyens de différencier un
aux robots, qui ne sont pas de « vraies » personnes mais homme d’un automate à l’aspect humain.
des machines. Les autres documents s’interrogent aussi c. Le premier moyen serait que l’automate ne peut utili-
sur la frontière entre l’homme et la machine et sur les ser la parole pour partager ses pensées.
critères qui vont nous permettre de différencier un robot d. Le second moyen serait que l’automate ne parvien-
d’un être humain quand la ressemblance sera parfaite. drait pas à s’adapter à toutes les situations.
3. Une question que posent tous ces documents est 5. Pour Descartes, l’homme se différencie de la machine
celle du statut des robots et de leur légitimité à être, ou par sa capacité à faire usage de la raison, qui lui per-
non, considérés comme les égaux des humains, et donc à met de s’adapter et de réagir à des situations diverses et
avoir les mêmes droits. imprévues.

202
CHAPITRE 14 • Le robot est-il l’avenir de l’homme ?
Expression orale b. Nathanaël utilise la répétition d’un procédé concessif :
6. On pourra mettre en évidence la ressemblance de il semble s’accorder avec son ami, pour mieux le contredire
plus en plus frappante entre l’homme et le robot, l’ex- ensuite en prouvant la supériorité d’Olimpia.
pressivité du visage et sa capacité, grâce aux intelligences Expression écrite
artificielles, à apprendre et à s’adapter. Ainsi, Geminoïd a
3. Critères de réussite du portrait
déjà réussi à tromper certains de ses interlocuteurs en se
faisant passer pour son concepteur humain. • Il règne dans le texte une atmosphère fantastique
Si, lors d’une conférence où les questions restent somme suscitant le malaise. Le vocabulaire de l’inquiétude
toute techniques et attendues, un robot peut passer est utilisé.
pour un être humain, certains domaines, comme les sen- • La description de l’androïde occupe une place
importante dans le récit, les termes utilisés pour le
timents et la compréhension des émotions, lui restent
désigner et le caractériser laissent un moment planer
cependant pour l’instant étrangers et le laissent dans le doute sur son identité.
l’incapacité de réagir. • Le récit est à la première personne et les sentiments
inquiets du narrateur sont exprimés. Des modalisateurs
traduisent l’incertitude, le trouble du narrateur.
• La langue est correcte.
Lecture 2 E. Th. A. Hoffmann,
« Le marchand de sable » ▶ Histoire littéraire p. 357
p. 356-357 Le fantastique
• Le fantastique est l’hésitation que nous éprouvons face
▶ Activités p. 357 à un événement étrange et qui semble impossible dans
Découverte du texte un monde rationnel.
1. a. La description d’Olimpia produit un malaise • Expression orale La description croisée d’Olimpia
chez le lecteur, qui ne peut s’empêcher de relever des par Siegmund et Nathanaël en fait un être fantastique.
contradictions entre le discours de Siegmund et celui de Nous questionnons sa nature, sa trop grande régularité,
Nathanaël. sa façon de réagir « sans âme » (l. 3), le fait qu’elle parle
b. • Termes caractérisant Olimpia dans le discours de très peu et de manière sibylline : ses « rares paroles », qui
Siegmund « apparaissent comme d’authentiques hiéroglyphes »
« étrangement raide et sans âme », « régulière » (l. 3), (l. 20), peuvent être dues à une éducation stricte et à
« belle » (l. 4), « regard sans aucun rayon de vie, […] une attitude extrêmement réservée de la jeune femme,
privé de vue » (l. 4-5), « démarche […] insolite » (l. 5), attitude qui déplairait à l’un mais séduirait l’autre. On
« compassée » (l. 6), « marche d’un mécanisme que l’on peut y voir aussi tous les signes d’un automate tel que
aurait remonté » (l. 6-7), « rythme désagréablement pré- le décrit Descartes, machine parfaite mais sans âme et
cis et dépourvu d’esprit d’un métronome » (l. 7-8), « bien incapable d’improvisation.
sinistre » (l. 9). L’incertitude même de Siegmund est soulignée dans
• Termes particulièrement étranges dans cette liste le texte par le biais des modalisateurs « étrangement
Ce sont les termes qui soulignent l’absence de vie et la raide » (l. 3), « Elle pourrait passer pour » (l. 4) et le terme
régularité d’Olimpia, comme si elle avait la précision et « insolite » (l. 5). L’aspect incertain et étrange d’Olimpia
la cadence d’un mécanisme parfait, ainsi que le surpre- est ainsi mis en avant, rejoignant « l’hésitation » dont
nant « sinistre », qui clôt l’énumération. parle Todorov (l. 19).
c. Olimpia pourrait être un automate, une machine, et
non une personne réelle.
2. a. Arguments de Nathanaël
• Olimpia leur paraît sinistre, parce qu’elle ne peut tou-
cher qu’une âme poétique et amoureuse comme la
sienne.
• Elle parle rarement, ce qui évite des conversations
ennuyeuses et convenues.
• Chacune de ses paroles, sans sens apparent, renvoie à
une vérité intérieure plus profonde.
Nathanaël estime que ce sont ses amis qui ne savent pas
percevoir la beauté d’Olimpia ; pour lui, il s’agit d’une
différence de point de vue, d’une forme de singularité
qui renvoie au sentiment amoureux.

203
CHAPITRE 14 • Le robot est-il l’avenir de l’homme ?
Lecture 3 6. Le dernier paragraphe avant le dialogue final est
fondé sur la métaphore filée du théâtre : « le personnage
A. de Villiers de l’Isle-Adam, était passé au fond de l’invisible scène et avait retenu le
L’Ève future p. 358-359 rôle » (l. 40-41).
Le paradoxe est que la femme artificielle, la machine,
est plus naturelle, plus authentique, que la femme réelle.
▶ Activités p. 359
7. La phrase d’Hadaly joue sur deux typographies : les ita-
Découverte du texte liques soulignent la proposition « que JE ne sois pas là » et
1. Hadaly est un robot : une andréïde (l. 6). les majuscules d’imprimerie mettent en valeur le « JE ».
Lord Ewald se sent d’abord profondément insulté, car il Il s’agit de la question de l’identité, le « je » renvoyant
ne s’en est pas rendu compte et a l’impression d’avoir à la personnalité même d’Hadaly. Bien qu’étant une
été trompé. machine, elle indique qu’elle a une subjectivité et une
2. Dans un second temps, lord Ewald se rend compte de personnalité : ce « je » souligne sa présence aux côtés de
la supériorité indéniable de la machine sur la femme lord Ewald, alors qu’il la traite d’abord comme un objet
réelle et finit par se demander laquelle est la plus digne en ayant recours à des termes tels que « poupée » (l. 34)
d’être aimée. ou « machine » (l. 37).

Analyse du texte Expression écrite


3. Le texte est écrit d’un point de vue interne, celui de 8. Vers le commentaire
lord Ewald. Proposition d’introduction
Ainsi, nous pouvons partager les émotions de ce dernier, Auguste de Villiers de l’Isle-Adam est un romancier
au fur et à mesure qu’il découvre les qualités du robot. français du XIXe siècle. Il appartient à une famille noble
mais se tourne vers la littérature et les milieux écrivains.
4. Le portrait se trouve au troisième paragraphe (l. 10-14).
Grâce à Baudelaire, il découvre Edgar Allan Poe, qui sera
L’émotion du narrateur est perceptible dans l’utilisation
une source d’inspiration. Ainsi, le fantastique imprègne
de la ponctuation, qui marque l’intensité de sa surprise :
une partie de ses livres. Son œuvre présente des aspects
points d’exclamation, points de suspension. Les phrases
étranges et tourmentés, qui la rendront peu populaire en
sont très courtes et leur rythme est saccadé : les points
dépit d’un réel talent. Son roman L’Ève future, publié en
de suspension indiquent l’incapacité à poursuivre du
1886, est considéré comme une des œuvres fondatrices
personnage et soulignent qu’il est oppressé. Enfin, les
de la science-fiction : son personnage principal est une
répétitions sont nombreuses : « c’était la main d’Alicia ! »
andréïde – le mot est d’ailleurs inventé par Villiers de
(l. 10), « c’était bien Alicia ! » (l. 11), « c’était bien elle »
l’Isle-Adam. L’inventeur Thomas Edison conçoit une
(l. 13) – comme s’il ne parvenait pas à se convaincre de
machine ressemblant parfaitement à une actrice magni-
ce qu’il avait sous les yeux.
fique mais stupide : Alicia Clary. En créant une créature
5. a. • Termes neutres artificielle supérieure à la femme réelle, il veut rendre
– Substituts nominaux : « l’Andréïde » (l. 6), « Hadaly » service à son ami lord Ewald, amoureux de la beauté
(l. 38, 43), « le personnage » (l. 40). d’Alicia, mais désespéré par sa bêtise. Le passage étudié
– Pronoms personnels de troisième personne : complé- raconte le moment où lord Ewald apprend qu’il parle à
ment « la » (l. 8), « lui » (l. 10), sujet « elle » (l. 12, 13). Hadaly alors qu’il pensait s’adresser à Alicia. Nous nous
• Termes relevant du blâme demanderons comment la scène dévoile la réaction du
« ce vain chef-d’œuvre inanimé » (l. 26), « cette mysté- personnage face à l’androïde. Nous montrerons, dans un
rieuse poupée » (l. 34), « La fausse Alicia » (l. 41). premier temps, la stupeur et la colère du personnage, puis
• Termes relevant de l’éloge nous verrons comment l’ambiguïté de l’androïde amène
– « cette stupéfiante machine à fabriquer l’Idéal » (l. 37). peu à peu lord Ewald à une forme de confusion indécise.
– Pronoms personnels qui donnent à Hadaly une réalité
en en faisant une interlocutrice digne de lord Ewald : Expression orale
« JE » (l. 44), « tu » (l. 45). 9. Débat
b. Langue Le déterminant qui revient le plus souvent est Critères de réussite du débat
le démonstratif « ce » ou « cette ». Ces démonstratifs, en
• Les arguments sont pertinents et soutiennent la thèse.
même temps qu’ils désignent le robot, contiennent une
• Des exemples, puisés entre autres dans les textes
valeur péjorative de mise à distance. du chapitre, illustrent ces arguments.
c. On peut noter que les termes deviennent plus posi- • L’élève s’exprime clairement, et la langue est
tifs au fur et à mesure qu’évoluent les pensées de lord maîtrisée, le vocabulaire riche et varié.
Ewald. L’utilisation du vrai prénom de l’andréïde à la fin • Les prises de parole sont maîtrisées et constructives,
du texte, « Hadaly » (l. 38, 43), semble lui donner une basées sur l’écoute et le respect des autres
réelle personnalité. interlocuteurs.

204
CHAPITRE 14 • Le robot est-il l’avenir de l’homme ?
Lecture 4 Y. Eudes, « Pepper toujours compter sur eux, et on aura tendance à vouloir
que les êtres humains aient les mêmes qualités que les
ne nous aimera pas… » p. 360-361 robots, au détriment de la spontanéité, de la franchise et
du désordre créatif.
▶ Activités p. 361 5. Langue On trouve deux phrases interrogatives : l. 2-3
Découverte du texte et l. 16-17.
Elles servent essentiellement à relancer le discours et à
1. Serge Tisseron a été interviewé, car c’est un psychiatre
souligner le propos, ce ne sont pas de réelles questions.
spécialisé dans les rapports entre les hommes et les
La seconde est d’ailleurs une question rhétorique.
robots ; il a écrit déjà plusieurs ouvrages sur ce sujet.
6. Serge Tisseron attire notre attention sur le problème
2. Son opinion concernant le développement des rap-
du contrôle par les machines : les concepteurs des robots
ports entre les hommes et les robots est plutôt négative
pourraient les utiliser pour influencer les êtres humains
et pessimiste.
à leur insu, pour les manipuler.
Analyse du texte 7. Le robot sera inévitablement comparé à l’être
3. Langue – Pronoms personnels dans le titre humain ; et ses qualités propres (le fait notamment
Le pronom « nous », repris trois fois avec des fonc- qu’une machine est fiable et sans aucun jugement sur
tions différentes, et le pronom personnel élidé « l’ » qui nous) pourraient nous pousser à la préférer aux per-
désigne Pepper. sonnes de notre entourage. Aujourd’hui, un homme qui
• Le premier « nous » est complément d’objet direct du se comporterait comme un robot, c’est-à-dire qui serait
verbe « aimera ». régulier comme une mécanique, constant et sans spon-
• Le deuxième et le troisième « nous » sont en position tanéité, serait mal vu (on peut penser au personnage
de sujet du verbe « finirons ». (Le premier « nous » est d’Olimpia V Lecture 2). Mais la dernière phrase indique
la forme disjointe du pronom, qui permet ici par dislo- que ce qui est encore négatif pourrait devenir la norme,
cation de renforcer le sujet exprimé « nous », et donc de car nous serions influencés par le comportement de
mieux l’opposer à Pepper, le robot.) robots omniprésents. La simulation, le fait de cacher ses
• Le « l’ » est complément d’objet direct du verbe vrais sentiments, de ne pas critiquer l’autre, par exemple,
« aimer ». pourraient alors être considérés comme le comporte-
Le jeu sur les pronoms est riche de sens ici : le robot ment souhaitable.
(« Pepper », puis « l’ ») passe de la fonction sujet à 8. Tableau de comparaison
celle d’objet et, inversement, le « nous », qui renvoie
aux hommes, passe d’objet à sujet. Les structures sont Avantages du robot Risques du robot
identiques, mais le verbe est à la forme négative dans Il comprend ce qu’on Il ne nous aime pas, mais
la première proposition et pas dans la seconde. Ainsi, les lui dit, il parle. nous nous attacherons à lui,
hommes, qui aimeront le robot, sont fortement opposés en nous laissant berner.
au robot, qui ne les aimera pas. Il travaille. Il nous espionne en
4. On veillera particulièrement à la cohérence des liens permanence.
logiques. Il crée des images et Nous serons influencés par les
Proposition de résumé des représentations. concepteurs des robots.
On peut se demander ce qui arrivera quand les robots
Il communique avec le Il provoque un malaise quand
feront partie de notre univers quotidien. En effet, selon
reste du monde. il ressemble trop à un être
Serge Tisseron, il est certain que, dès que les robots humain mais ne réagit pas
auront un prix abordable, nous serons nombreux à les comme tel.
acheter. Nous disposerons ainsi d’une machine apte
Il peut servir de Il modifie les relations entre
à toutes les fonctions et extrêmement pratique, mais
professeur. les êtres humains, qui ne
nous oblitérerons les problèmes qu’elle risque de créer.
voudront plus être jugés.
De fait, les hommes auront tendance à s’en remettre à
leur robot, auquel ils vont s’attacher, et oublieront qu’ils Il est patient. Il détruit la spontanéité, la
pourraient être espionnés ou manipulés à travers ces fantaisie et le désordre créatif.
machines. Se pose aussi la question de l’aspect de ces Il ne juge pas Il impose de simuler et de
robots : certains les imaginent le plus humanoïde pos- cacher nos vrais sentiments.
sible, mais les experts pensent qu’il vaut mieux qu’ils Il est toujours d’accord –
soient franchement différents, afin de ne pas créer avec nous.
un sentiment de malaise. Enfin, ces robots auront un
Il est fiable, ponctuel, –
impact sur les relations entre humains, car ils ne por-
prévisible, sûr.
teront aucun jugement sur nous. De même, on pourra

205
CHAPITRE 14 • Le robot est-il l’avenir de l’homme ?
Expression orale Étape 3
9. Débat Il s’agit de discuter de la théorie de la « vallée 7. Le texte est constitué de trois paragraphes.
dérangeante » de Masahiro Mori. 8. L’effort de la recherche scientifique se développe, on
Critères de réussite du débat le sait, sur deux plans parallèles, mais bien distincts.
• Les arguments, pertinents, soutiennent la thèse. D’une part , il tend à augmenter notre connaissance
• Des exemples, issus notamment des représentations des phénomènes naturels sans se préoccuper d’en tirer
de robots dans ce chapitre, illustrent ces arguments. quelque profit : il cherche à préciser les lois de ces phéno-
• L’élève s’exprime clairement, et la langue est mènes et à dégager leurs relations profondes, en les réu-
maîtrisée, le vocabulaire riche et varié. nissant dans de vastes synthèses théoriques ; il cherche
aussi à en prévoir de nouveaux et à vérifier l’exactitude
Expression écrite de ces prévisions. Tel est le but que se propose la science
10. Vers l’essai pure et désintéressée et nul ne peut nier sa grandeur
On pourra lancer la séance avec un extrait de la série Äkta et sa noblesse. C’est l’honneur de l’esprit humain d’avoir
människor (saison 1, épisode 1). Cette série met en scène inlassablement poursuivi, à travers les vicissitudes de
la vie quotidienne, avec des robots domestiques dans un l’histoire des peuples et des existences individuelles,
monde comparable au nôtre, et envisage les aspects posi- cette recherche passionnée des divers aspects de la
tifs et négatifs de ces machines dans un cadre réaliste. vérité. Mais d’autre part , la recherche scientifique se
Critères de réussite du paragraphe argumenté développe aussi sur un autre plan : celui des applications
• Le paragraphe présente une thèse exprimée. pratiques. Devenu de plus en plus conscient des lois qui
• Des arguments pertinents soutiennent cette thèse, régissent les phénomènes, ayant appris à en découvrir
et des exemples variés les illustrent. chaque jour de nouveaux grâce aux perfectionnements
• Le paragraphe est bien structuré, à l’aide notamment de la technologie expérimentale, l’homme s’est trouvé
de connecteurs logiques. de plus en plus maître d’agir sur la nature.
• Le vocabulaire est varié et précis. Mais cette puissance sans cesse accrue de l’homme sur
• La langue est correcte. la nature ne comporte-t-elle pas des dangers ? Ayant
ouvert la boîte de Pandore, saurons-nous n’en laisser
sortir que les inventions bienfaisantes et les applica-
Atelier Contraction et essai tions louables ? Comment ne pas se poser ces questions
dans les temps que nous vivons ? Toute augmentation
guidés – L. de Broglie, Physique de notre pouvoir d’action augmente nécessairement
et microphysique p. 362-363 notre pouvoir de nuire. Plus nous avons de moyens d’ai-
der et de soulager, plus nous avons aussi de moyens de
▶ Activités p. 363 répandre la souffrance et la destruction. La chimie nous
a permis de développer d’utiles industries et fournit à la
CONTRACTION GUIDÉE pharmacie des remèdes bienfaisants ; mais elle permet
Étape 1 aussi de fabriquer les poisons qui tuent et les explosifs
1. Le thème du texte est la science et la maîtrise de la qui pulvérisent. Demain, en disposant à notre gré des
nature qu’elle permet à l’homme. énergies intra-atomiques, nous pourrons sans doute
2. Thèse de l’auteur : en dépit des risques encourus, nous accroître dans des proportions inouïes le bien-être des
devons continuer à développer notre savoir scientifique. hommes, mais nous pourrons aussi détruire d’un seul
3. Ce texte a été écrit juste après la Seconde Guerre coup des portions entières de notre planète.
mondiale, deux ans après les explosions atomiques de Mais qu’importent ces vaines craintes ! Nous sommes lan-
Nagasaki et Hiroshima. cés dans la grande aventure et, comme la boule de neige
qui roule sur la pente déclive, il ne nous est plus possible
Étape 2
de nous arrêter. Il faut courir le risque puisque le risque
4. a. Le ton est didactique. La ponctuation n’est pas
est la condition de tout succès. Il faut nous faire confiance
expressive, le vocabulaire est neutre et technique. L’au-
à nous-mêmes et espérer que, maîtres des secrets qui
teur pèse clairement le pour et le contre de sa thèse.
permettent le déchaînement des forces naturelles, nous
b. Le texte est objectif. L’auteur n’emploie pas le pronom
serons assez raisonnables pour employer l’accroissement
« je », il utilise le présent de vérité générale et des for-
de notre puissance à des fins bienfaisantes. Dans l’œuvre
mules généralisantes (« nous », « on », « les hommes »).
de la Science, l’homme a su montrer la force de son intel-
5. Langue L’auteur s’adresse aux hommes en général, à ses ligence : s’il veut survivre à ses propres succès, il lui faut
lecteurs. Il utilise surtout le pronom personnel « nous ». maintenant montrer la sagesse de sa volonté.
6. Temps principal du texte : présent de l’indicatif (le
présent d’énonciation alterne avec le présent de vérité
générale).

206
CHAPITRE 14 • Le robot est-il l’avenir de l’homme ?
Étape 4 Étape 2
9. Plan détaillé du texte 4. On peut faire construire aux élèves un tableau qui
I. La science se développe sur deux plans différents. leur permettra de confronter les œuvres du chapitre,
1. D’un côté, la recherche fondamentale fait progresser en leur faisant bien remarquer que le progrès techno-
notre savoir. logique envisagé ici est seulement celui de la robotique
2. De l’autre côté, les applications pratiques et technolo- et qu’il faudra élargir ensuite V activité 5, infra. Il n’est
giques nous permettent d’agir sur notre environnement. donc pas nécessaire d’utiliser tous les exemples présents
II. Cependant, ce savoir grandissant nous fait courir dans les textes du chapitre, mais d’en relever deux ou
autant de risques qu’il apporte de bénéfices. trois pertinents.
1. En accroissant notre possibilité de protéger et de Risques représentés
soigner, nous accroissons en parallèle notre pouvoir de Avantage des robots
par les robots
détruire et de blesser. • Ils réunissent • Ils peuvent se rebeller contre
2. Nous pouvons le constater en observant les domaines toutes les fonctions leur créateur et générer la
de la chimie ou de l’énergie nucléaire. essentielles et destruction de l’humanité.
III. Pourtant nous ne devons pas nous arrêter à ces travaillent pour # Ex. Doc. 2, p. 352 : dès la
peurs. l’homme. création du mot « robot »
1. Tout d’abord, parce qu’il est impossible d’arrêter la # Ex. Texte 4 : liste dans la pièce R.U.R., les êtres
marche du progrès. des actions que artificiels se révoltent.
peuvent accomplir • Ils nous espionnent, et leurs
2. De plus, si nous ne courons pas de risques, nous ne
les robots. fabricants peuvent ainsi nous
connaîtrons aucune réussite.
• Ils représentent une influencer à distance.
3. Enfin, l’homme doit faire preuve de sagesse, comme il forme de perfection # Ex. Texte 4 : ils auront
a su faire preuve d’intelligence. et n’ont aucun des caméras et pourront en
Étape 5 défaut. retour nous manipuler par
# Ex. Texte 3 : Hadaly des suggestions provenant de
10. Critères de réussite de la contraction de texte supplante Alicia. leurs concepteurs.
• Le plan est perceptible et marqué par des
5. Il s’agit d’inciter les élèves à effectuer des recherches
connecteurs logiques.
• Le temps employé est le présent. sur la science et la technologie dans d’autres domaines
• Le pronom utilisé est « nous ». que la robotique.
• Le sens du texte est conservé. Critères de réussite de la recherche d’arguments
• Le texte est bien reformulé et pas recopié. et d’exemples
• La langue est correcte.
• Les arguments sont pertinents et s’équilibrent.
• Les exemples sont variés et issus de domaines
ESSAI GUIDÉ scientifiques différents.
Étape 1 • Les exemples sont précis, bien documentés et
expliqués.
1. Mots-clés du sujet
optimisme : vision positive de l’avenir. Étape 3
avancées technologiques : progrès techniques effectués.
6. 7. 8. Critères de réussite de l’essai rédigé
progrès : fait d’être sur une voie qui représenterait une
évolution positive pour l’homme. • Le devoir est clairement structuré : les paragraphes
humanité : ensemble des hommes. sont visibles, l’introduction et la conclusion se
détachent nettement.
2. La thèse sous-entendue est celle de Louis de Broglie,
• Les connecteurs logiques sont pertinents et variés.
à savoir que la science et ce qu’elle produit sont des élé-
Les transitions sont soignées.
ments positifs pour l’homme. • Le ton est personnel et le devoir prend parti pour
3. Proposition de plan défendre la thèse de l’élève.
I. La science et la technologie permettent à l’humanité • Le plan s’adapte à la thèse défendue, selon que l’élève
de progresser. est en accord ou désaccord avec l’auteur.
II. Toutefois, ces progrès techniques comportent aussi
des aspects négatifs.

207
CHAPITRE 14 • Le robot est-il l’avenir de l’homme ?
Atelier Réaliser une anthologie Prolongement artistique
préfacée – I. Asimov, et culturel Les robots font
Le Cycle des robots p. 364-365 leur cinéma p. 366-338
▶ Activités p. 365 ▶ Doc. 1 p. 366

Étape 1 Fritz Lang, Metropolis


1. Préface : texte placé en tête d’un ouvrage. 1. Les deux robots se ressemblent beaucoup. C3PO a
Elle présente et recommande le livre au lecteur, précise été créé en hommage à Maria. Ils ont tous les deux une
éventuellement les intentions de l’auteur ou développe silhouette humanoïde, ils sont en métal et leur visage
des idées plus générales à partir des thèmes du livre. semble le même. La différence réside dans les morpholo-
2. Isaac Asimov, l’auteur, parle à ses lecteurs. On trouve le gies féminine de Maria et masculine de C3PO.
« je » du locuteur et le « nous » qui implique le lecteur. 2. Maria est un des tout premiers robots représentés au
3. Asimov donne une image pragmatique de la science : cinéma ; son influence est considérable, car elle ancre
elle est vue comme la somme des savoirs et développe- des thèmes et des représentations qui seront exploités à
ments techniques résultant de l’esprit humain, qui per- de multiples reprises. Ainsi, le choix d’en faire un robot
mettent un progrès continu depuis que l’homme existe. humanoïde mais très mécanique la rend intemporelle
Il l’oppose à une vision faustienne de la science, comme – alors même que son visuel date de 1927. Le thème
savoir interdit et transgressif qui menacerait l’âme de des révoltes de robots, fréquent dans les films de science-
l’homme et le mettrait en danger. fiction, renvoie à cette première révolte.
4. Les nouvelles relèveront de la science-fiction, et elles
auront pour enjeu de montrer une autre vision des robots ▶ Doc. 2 p. 366
que ceux qui se révoltent contre l’humanité. Stanley Kubrick, 2001, l’Odyssée de l’espace
Étape 2 1. Hal 9000 n’a pas de corps. L’image, ici, présente un
5. Il existe un nombre suffisant d’œuvres traitant de simple bloc métallique ; en fait, il contrôle le vaisseau
robots. Certaines de ces œuvres ne figurent pas dans ce tout entier.
chapitre mais proviendront de recherches personnelles. 2. Ce qui rappelle l’élément humain est le cercle rouge
Critères de réussite du dossier évoquant un œil.
C’est un élément symbolique fort, car il renvoie à la
• Les œuvres mêlent textes et reproductions : images, capacité à voir et à surveiller. De plus, l’œil est considéré
photos de films, sculptures, installations… comme le « miroir de l’âme » chez l’humain, ce qui don-
• Le robot est présenté de manière succincte et efficace.
nerait accès à notre intériorité la plus profonde. Ici, l’œil
• La langue est correcte.
est rouge, ce qui semble inquiétant.
Étape 3
6. Critères de réussite de la préface ▶ Doc. 3 p. 367

• La préface est structurée et propose une progression Georges Lucas, Star Wars
cohérente avec des connecteurs logiques. 1. C3PO a une silhouette humaine, il est doté de capa-
• Le propos s’organise autour de la représentation cités et de maladresses humaines, comme si ses concep-
personnelle du robot proposée par l’élève. teurs avaient voulu effacer la machine.
• Les œuvres viennent illustrer cette vision, sans être un À l’inverse, R2D2 est un robot entièrement conçu pour
simple catalogue d’exemples. être pratique : il est prévu pour se placer à l’arrière des
• L’élève a montré la cohérence de son anthologie.
X-Wings, ce que sa morphologie cylindrique facilite. Sa
• Le ton est personnel, il y a des adresses au lecteur, ou
bien ce dernier est pris en compte par l’énonciation.
« tête » pivote complètement, le rendant apte à toutes
• La langue est correcte. les interventions. Il n’est pas doté d’appendices exté-
rieurs encombrants, tout se range dans son « corps » et
Étape 4 sort quand c’est utile.
7. Critères de réussite de l’anthologie 2. Ces robots évoquent don Quichotte et Sancho Pança,
les personnages du roman de Miguel de Cervantès, Don
• La présentation est soignée et agréable.
Quichotte de la Manche (1605-1615).
• La première de couverture est originale et présente
le thème retenu.
• Un sommaire récapitule les œuvres présentées.
• La quatrième de couverture résume le propos.

208
CHAPITRE 14 • Le robot est-il l’avenir de l’homme ?
▶ Doc 4. p. 367 Terminator (voir aussi son œil gauche). Ce regard figé
est ce qui différencie essentiellement l’humain du robot,
Ridley Scott, Blade Runner comme si l’œil mécanique n’ouvrait sur aucune intério-
1. L’humanité se protège des robots en leur donnant un rité, simple résultat de rouages mécaniques et non mani-
temps de vie très limité. festation d’une pensée consciente.
2. Il devient impossible de différencier les réplicants des
humains. Les robots, dans ce film, saignent, pleurent, ont
toutes les manifestations physiques des émotions que l’on
pourrait attendre d’un être humain et semblent être réel- Lecture cursive I. Asimov,
lement en proie à une partie de ces émotions. Roy Batty
exprime son admiration pour les paysages incroyables Les Robots p. 369
qu’il a pu observer, et sa parole fait preuve de poésie et de
grandeur tragique : « Tous ces moments se perdront dans ▶ Activités p. 369
l’oubli comme les larmes dans la pluie. » (l. 5-6) • Différents types de robots, exerçant diverses fonctions
– un robot bonne d’enfant : Robbie ;
▶ Doc. 5 p. 368 – un robot éclaireur capable de découvrir des minerais :
James Cameron, Terminator 2. Speedy ;
Le Jugement dernier – un robot qui dirige et supervise de manière autonome
une station orbitale : Cutie ;
1. Le visage présente un aspect humain – tout son côté
– un robot extracteur de minerai : Dave ;
gauche en atteste –, et il serait impossible à différencier
– un robot qui lit dans les pensées : Herbie ;
d’un humain réel si son côté droit n’était détruit, laissant
– une intelligence artificielle qui joue le rôle d’un super
apparaître les rouages mécaniques sous la peau artifi-
calculateur : le Cerveau ;
cielle, et notamment l’œil, qui n’a rien d’humain avec sa
– un robot tellement humain qu’on ne peut le différen-
couleur rouge et sa forme parfaitement ronde.
cier d’un humain : Byerley.
2. On voit une personne se serrer contre son torse : le On trouve aujourd’hui des robots de compagnie, hôtes
robot paraît protecteur, vigilant, observant ce qui se passe d’accueil…
au loin comme pour prévenir un danger.
• Ces récits sont ancrés dans une ambiance futuriste.
On le voit par exemple :
▶ Doc. 6 p. 368 – aux dates évoquées : 2044, 2052…
Andrew Stanton, Wall-E – à la mention d’objets futuristes : les robots bien sûr,
mais aussi « la jet-car », « les séances de visivox »…
1. Wall-E a une apparence éloignée de celle d’un humain.
– au fait que l’expansion spatiale est vue comme banale :
Il évoque une benne à ordures ou encore un camion
il y a des vaisseaux spatiaux, des stations orbitales…
porte-containers.
– au vocabulaire technique et futuriste : néologismes
2. Ce qui lui donne un aspect humain, ce sont ses bras et (« cerveau positronique », « tenseur analytique »)…
surtout ses yeux, très expressifs.
• Critères de réussite du paragraphe

▶ Questions d’ensemble p. 368 • Le paragraphe ne résume pas la nouvelle, mais


montre comment la nouvelle met en tension les lois
• Maria, C3PO, Roy Batty et Terminator ont une appa- de la robotique et une situation complexe.
rence humaine, contrairement à Hal 9000, R2D2 et • Le texte repère l’essentiel sans se noyer dans les
Wall-E, dont l’apparence est liée à la fonctionnalité. détails.
• Quatre films sur les six étudiés mettent en scène un • La langue est correcte.
robot qui se révolte contre son créateur : Metropolis ; • Écriture
2001, l’Odyssée de l’espace ; Blade Runner ; Terminator 2. Critères de réussite de la nouvelle
• Nous avons travaillé sur la symbolique de l’œil comme
• La nouvelle met en tension les lois de la robotique et
miroir de l’âme à propos de la question 2 du doc. 2. Il une situation complexe (en s’appuyant notamment
s’agit d’un élément essentiel pour donner un aspect sur l’observation de la nouvelle d’Asimov étudiée dans
humain à un robot. Ainsi, grâce à son regard, Wall-E, qui l’activité précédente).
n’a pourtant absolument pas l’air humain, nous paraît • Le vocabulaire est varié et futuriste, voire présente
plus émouvant, moins mécanique, que Terminator ou des néologismes.
Hal 9000, tous deux dotés d’un œil rouge angoissant. • L’histoire est originale.
On observe plusieurs « regards » fixes sur les robots des • Les temps du récit sont convenablement utilisés.
• La langue est correcte.
films étudiés : Maria, Hal 9000, C3PO, R2D2 ou bien

209
CHAPITRE 14 • Le robot est-il l’avenir de l’homme ?
Synthèse p. 370-371 • Conte : court récit merveilleux, présentant un cadre
spatio-temporel imprécis.
• Article : écrit distinct dans une publication, un journal.
▶ Activités p. 370
Il présente des faits d’actualité ou des reportages.
Étape 1 • Science-fiction : genre littéraire et cinématographique
1. Propositions de définitions s’inscrivant dans un avenir plus ou moins proche et dans
• Essai : texte argumentatif dans lequel l’auteur donne un univers fictif. L’histoire s’appuie sur des développe-
son avis. ments potentiels des sciences et des technologies.
• Nouvelle fantastique : court récit fictif fondé sur une • Préface : elle présente et recommande le livre au lec-
incertitude entre une explication rationnelle et une teur, précise éventuellement les intentions de l’auteur ou
explication surnaturelle des faits présentés. développe des idées plus générales à partir des thèmes
du livre.
Étape 2
2. Tableau de synthèse des textes
Genre
Auteur, titre Date Rapports entre humains et robots
du texte
R. Descartes, 1637 essai Aucune confusion possible : la machine est une pâle imitation
Discours de la méthode au service de l’homme.
E. Th. A Hoffmann, 1817 nouvelle • Nathanaël est sous le charme d’Olimpia qu’il trouve parfaite ;
« Le marchand de sable » • Siegmund la trouve étrange et elle le met mal à l’aise.
Villiers de l’Isle-Adam, 1886 roman Lord Ewald est d’abord furieux puis semble troublé par le robot
L’Ève future qui a suscité chez lui un élan amoureux.
Y. Eudes, 2016 article L’homme utilise le robot mais pourrait finir par s’attacher à lui
« Pepper ne nous aimera pas… » et par vouloir lui ressembler.
L. de Broglie, 1947 essai Il n’est pas question de robots ici, mais L. de Broglie pense que
Physique et microphysique l’homme doit prendre le risque de la science pour maîtriser son
environnement.
I. Asimov, 1950 préface L’homme utilisera dans son quotidien le robot, un outil très
Les Robots performant et parfaitement sous contrôle.
3. a. Argumentation directe : textes 1, 4, 5 et 6. • Artificiel : adjectif, du latin artificialis, « conforme à
b. Récit : textes 2 et 3. l’art ». Produit par le travail de l’homme, non par la nature.
c. On peut défendre l’efficacité de l’argumentation « les robots créés par le scientifique Rossum sont des
directe comme celle de l’argumentation indirecte. travailleurs artificiels » V Doc. 2, l. 5-6, p. 352
Critères de réussite de la réponse • Automate : nom masculin, du grec automatos, « qui
• L’élève propose des arguments pertinents. se meut de soi-même ». Machine qui, par le moyen de
• L’élève s’appuie sur des exemples extraits du chapitre. dispositifs mécaniques, pneumatiques, hydrauliques,
• Le développement est bien rédigé, la langue soignée. électriques ou électroniques, est capable d’actes imitant
• Des connecteurs relient les idées entre elles. ceux des corps animés et répétant la même séquence.
« combien de divers automates ou machines mouvantes,
Étape 3 l’industrie des hommes peut faire, sans y employer que
Expression écrite fort peu de pièces » Descartes V Lecture 1, l. 1-2, p. 354
4. Lexique des robots • Humanoïde : nom masculin ou adjectif, du latin huma-
• Andréïde : nom féminin inventé par Villiers de l’Isle- nus, « homme ». V androïde, colonne de gauche
Adam. Ce mot a ensuite été supplanté par « androïde » « Que va-t-il se passer quand les robots humanoïdes
(ou « gynoïde » pour un robot à l’aspect féminin). s’installeront pour de bon dans notre intimité ? » Eudes
« Ses prunelles, dilatées par la complexe horreur du fait, V Lecture 4, l. 2, p. 360
se fixaient sur l’Andréïde. » Villiers de L’Isle-Adam • Machine : nom féminin, du latin machina, « astuce »,
V Lecture 3, l. 6, p. 358 « invention ingénieuse », « dispositif ». Objet fabriqué
• Androïde : nom masculin ou adjectif, du grec andrós, complexe, capable de transformer une forme d’énergie
« homme », et eîdos, « aspect extérieur ». Robot construit en une autre et/ou d’utiliser cette transformation pour
à l’image d’un être humain. produire un effet donné, pour agir directement sur l’ob-
« si un robot d’aspect androïde fait ou dit quelque chose jet de travail, afin de le modifier selon un but fixé.
d’incompréhensible ou de non humain, cela provoquera « on peut bien concevoir qu’une machine soit tellement
chez les humains un malaise profond » Eudes faite qu’elle profère des paroles » Descartes
V Lecture 4, l. 34, p. 360 V Lecture 1, l. 17-18, p. 354

210
CHAPITRE 14 • Le robot est-il l’avenir de l’homme ?
• Robot : nom masculin d’origine tchèque robota, « tra- 2. Ainsi, avec ces récits, nous pouvons quasiment expé-
vail pénible », « corvée ». Dispositif mécanique conçu rimenter, à travers des personnages fictifs, des choix ou
pour accomplir automatiquement des tâches imitant destins possibles, et réfléchir à ce que ce monde pourrait
ou reproduisant, dans un domaine précis, des actions nous apporter, aux décisions politiques et scientifiques,
humaines. notamment éthiques, à prendre pour l’avenir.
« Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, # Ex. Les contre-utopies, qui se développent à partir
restant passif, laisser cet être humain exposé au danger. » du XIXe siècle (Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley,
Asimov V Doc. 4, p. 353 Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol…), montrent les
conséquences de la maîtrise génétique et le type de
Étape 4
société a priori « parfaite » mais au fond très inquiétante
Expression écrite que cela pourrait générer.
5. Dissertation
• Proposition d’introduction
• Proposition de plan détaillé de dissertation
Les récits de voyage sont très appréciés pour le dépay-
I. Séduire pour mieux réfléchir sement qu’ils procurent, l’évasion qu’ils proposent, mais
1. La science-fiction propose a priori des mondes très aussi pour nous permettre de sortir de notre ethnocen-
éloignés du nôtre pour nous permettre de rêver ou nous trisme, nous amener à jeter un regard neuf sur notre
évader. Il n’y a rien de réaliste, il semble donc compliqué société et réfléchir à ses normes. Ces mondes éloignés
d’en faire un outil de réflexion pour notre univers. éclairent notre monde. Mais quand Jules Verne nous
# Ex. Star Wars de George Lucas ou Dune de Franck invite à un Voyage de la Terre à la Lune en s’appuyant
Herbert sont de superbes space operas, des films qui sur un développement technologique incroyable et
nous font rêver et dans lesquels le merveilleux règne. nous plonge en pleine science-fiction, peut-on tenir le
2. Cependant, par la séduction du récit, nous nous même raisonnement ? Nous pouvons, en effet, nous
laissons prendre à l’histoire, nous nous identifions aux demander en quoi l’écriture d’un récit de science-
personnages, et cela nous permet de mieux accepter et fiction nous aide à penser le monde. Imaginer un monde
comprendre le message porté par l’auteur. C’est tout le fondé sur des avancées technologiques inexistantes
mécanisme de l’argumentation indirecte auquel le récit permet-il au lecteur de réfléchir sur lui-même ? Nous
de science-fiction peut participer. verrons tout d’abord que la séduction du récit et le dépay-
# Ex. L’atmosphère poétique de Wall-E de Stanton ou sement procuré jouent un rôle efficace dans la capacité
exotique d’Avatar de Cameron nous fait réfléchir à nos à prendre du recul. Puis nous montrerons qu’un récit de
actes, à la manière dont nous traitons notre planète : science-fiction permet de comparer notre réalité et celle
derrière la science-fiction se cache une fable écologique. inventée pour mieux les évaluer. Enfin, nous verrons que
II. Comparer et évaluer la science-fiction est sans doute la meilleure façon de se
1. De plus, cette séduction de l’éloignement permet projeter dans l’avenir pour mieux l’anticiper.
de nous plonger dans un univers régi par d’autres lois,
Pour aller plus loin
d’autres règles et, ainsi, de les comparer aux nôtres et de
6. Recherche
porter un regard critique sur ces dernières.
Critères de réussite de la recherche
# Ex. L’atmosphère fantastique du « Marchand de sable »
d’Hoffmann et sa poupée glaçante, Olimpia, la façon • Le thème correspond bien à une avancée scientifique.
dont le Terminator de Cameron protège l’humanité, • Les documents sont variés et sont ceux attendus :
nous montrent la fragilité et la singularité de l’humanité. trois articles de presse et une œuvre fictive.
2. C’est pourquoi les univers de science-fiction nous L’élève peut ajouter d’autres documents pertinents
amènent à évaluer notre monde : ce qui manque, ce qu’il de son choix.
• L’élève est capable de faire une restitution rapide
faut conserver et ce qu’il faudrait améliorer.
à l’oral ou à l’écrit de son travail de recherche en
# Ex. La série Black Mirror nous montre l’impact des s’appuyant sur des éléments précis.
écrans et des technologies sur nos comportements.
# Ex. Les nouvelles de Philipp K. Dick (« Souvenirs à 7. Revue de presse et débat
vendre », « Rapport minoritaire »…) soulignent le risque Critères de réussite de l’ensemble
qu’il y aurait à s’en remettre complètement à la science.
• Le sujet est maîtrisé par l’élève qui anime le débat.
III. Se projeter dans l’avenir • Les articles choisis sont pertinents et ont des points
1. C’est particulièrement le cas des livres d’anticipation, de vue opposés qui permettent de réfléchir.
qui sont une branche particulière de la science-fiction et • Les cinq questions sont variées et soulignent
qui nous projettent dans un avenir proche en poussant les enjeux majeurs des débats autour du sujet.
jusqu’au bout la logique de notre univers. • Les autres élèves sont intéressés par le sujet
# Ex. Blade Runner de Ridley Scott ou L’Ève future de et réactifs.
• La parole est maîtrisée, le vocabulaire employé est
Villiers de l’Isle-Adam : le personnage tombe amoureux
précis et technique
d’un robot en tous points semblable à une femme réelle.

211
CHAPITRE 14 • Le robot est-il l’avenir de l’homme ?
15
CHAPITRE

Regards sur les migrants


La littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu • Lecture 1 : Jean-Marie Gustave Le Clézio, « Comment pouvons-nous les renvoyer
à une analyse détaillée à la mort ? », p. 374-375
• Lecture 2 : Laurent Gaudé, « Regardez-les », p. 376-377
• Lecture 3 : Patrick Chamoiseau, « La mort visible », p. 378-379
• Lecture 4 : Kaouther Adimi, « Tu n’es pas un arbre », p. 380-381
• Atelier : Gaël Faye, Petit Pays, p. 382-383
Lectures complémentaires • Scène de théâtre de Ad de Bont, p. 372
• Poème de Warsan Shire, p. 373
• Interview de Shaun Tan, p. 385
Moments de grammaire • Modes verbaux, p. 377
• Énonciation, p. 383
• Ponctuation, p. 383
Écrits d’appropriation • Écrire un article de presse, p. 375 ; une analyse d’image, p. 379 ; une lettre
argumentative, p. 381 ; un récit, p. 385 ; une interview, p. 389
• Constituer un dossier sur une migration, p. 390
Écrits vers le bac Dissertation
• Établir un plan détaillé, p. 390
Commentaire de texte
• Rédiger une partie de commentaire, p. 377
• Atelier : commentaire guidé, p. 382-383
Exercices d’oral • Participer à un débat, p. 375, 381, 390
• Analyser la forme poétique d’un texte, p. 379
• Défendre un choix de texte, p. 390
Exercices de confrontation • Synthèse, p. 390-391
ou de synthèse
Travaux de recherche • L’opération Mare Nostrum, p. 373
• Une œuvre de Banksy, p. 379
Lectures d’images ou de films • Massimo Sestini, Des migrants entassés dans un bateau, p. 373
• Jérôme Sessini, Des familles syriennes marchent la nuit, p. 376
• Banksy, pastiche du Radeau de la Méduse de Théodore Géricault, p. 379
• Kimsooja, Bottari, Truck-Migrateurs, p. 381
• Shaun Tan, Là où vont nos pères (planche), p. 384
Prolongement artistique et culturel • Migrations et photo de presse
• Dorothea Lange, Mère migrante, p. 386
• Sebastião Salgado, camp de réfugiés en Tanzanie, p. 387
• Sergey Ponomarev, arrivée de migrants sur un bateau turc à Lesbos, p. 387
• Yanis Behrakis, des migrants et des réfugiés face aux policiers macédoniens, p. 388
• Zahir Hossain Chowdhury, villageois fuyant leur village au Bangladesh, p. 388
Lectures cursives • Laurent Gaudé, Eldorado, p. 389
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 390-391

212
b. Docs 2 et 4 Les deux textes convergent sur le constat
OBJECTIFS DU CHAPITRE que ceux qui partent de leur pays le font par obligation :
• Ce groupement de textes s’inscrit dans l’objet d’étude « qui donc s’enfuirait de sa propre volonté » (doc. 2, v. 11),
La littérature d’idées et la presse du XIXe siècle au « Personne ne choisit le camp des réfugiés » (doc. 4,
XXIe siècle. L’objectif de cette séquence est de réfléchir v. 13). Ils remettent en question des idées reçues sur les
sur la manière dont la littérature s’empare d’un sujet migrants qui laissent entendre qu’ils choisissent cette
d’actualité. La difficulté est d’étudier un thème sur situation comme plus favorable, voire permettant d’ob-
lequel il y a peu de recul. Mais il semble profitable de tenir des avantages liés à la prospérité des pays d’accueil.
montrer que la littérature est une discipline vivante, 2. a. Doc. 4 Dans ce poème, l’accent est mis sur les
qui a des effets dans la réalité vécue par chacun. souffrances endurées pendant le voyage : « pousse ses
• Les textes étudiés appartiennent à des genres lit- enfants sur un bateau » (v. 2), « se brûle le bout des
téraires différents. Ils sont écrits par des auteurs doigts » (v. 4), « passe des jours et des nuits dans l’esto-
engagés, ayant des parcours et des profils très variés. mac d’un camion / En se nourrissant de papier-journal »
Mais ils portent tous sur la problématique migratoire (v. 7-8), « rampe sous un grillage » (v. 10), « être battu »
connue en Europe depuis 2007. La visée de ce grou- (v. 11), « la prison » (v. 14), « une ville en feu » (v. 16).
pement est de montrer plusieurs regards et projets Le voyage est vu comme une série d’épreuves très dures,
littéraires sur un même phénomène. qui mènent à l’incarcération et non à la liberté.
• Le commentaire de texte porte sur un extrait qui b. Doc. 3 La photo montre que la situation est dange-
montre un aspect particulier de la migration, car il reuse, car le bateau est beaucoup trop chargé. Vu d’en
s’agit d’Européens qui vivent en Afrique. Mais la ques- haut, les passagers font disparaître les limites de la coque
tion du retour en Europe se pose de manière cruciale. sous leur nombre. Le mouvement de l’eau indique que le
bateau avance en pleine mer, mais le cadre serré ne dit
• La mise en récit d’une bande dessinée est également pas où il va, s’il est proche de la terre. La photo en plon-
proposée. Elle permet de synthétiser les informations gée nous place en spectateur du drame possible. Le regard
comprises lors de l’étude des textes précédents, afin des migrants, tourné vers nous, nous interpelle : nous ne
de les appliquer à un individu. Il ne s’agit plus d’une pouvons demeurer insensibles au danger de leur situation.
réflexion générale. Cette bande dessinée a l’avantage c. Recherche L’opération Mare Nostrum est une opé-
de pouvoir s’appliquer à des contextes migratoires ration de l’armée italienne, menée en Méditerranée
différents. d’octobre 2013 à octobre 2014. Cette opération à visée
• La photo de presse est indissociable de cette pro- humanitaire a sauvé en moyenne 400 personnes par jour
blématique actuelle. En effet, de nombreux textes pendant un an. Mais elle a pris fin suite aux critiques
sont accompagnés d’images saisissantes sur les périls qui y voyaient un encouragement à abandonner des
encourus par les migrants. Mais la photo de presse migrants en difficulté dans les eaux territoriales ita-
n’est pas un cliché anodin pris par un passant. Elle liennes, afin que l’armée les prenne en charge.
est le résultat d’un travail que l’on propose d’analyser. 3. Docs 1, 2 et 4 La définition qui correspond le mieux
• Pour finir, la lecture cursive du roman de aux personnes évoquées dans les deux textes est celle
Laurent Gaudé, Eldorado, permet d’avoir une vision de « réfugié », même si le doc. 1 la réfute. En effet, les
d’ensemble des itinéraires des migrants. Par le biais deux textes insistent sur la contrainte imposée à ceux
de trois narrations, il donne à voir au lecteur des situa- qui partent et sur les menaces qui pèsent sur eux dans
tions différentes, évitant le cliché et la généralisation. leur propre pays.

Lecture 1 J.-M. G. Le Clézio,


Ouverture p. 372-373
« Comment pouvons-nous les
▶ Activités p. 373 renvoyer à la mort ? » p. 374-375
Erratum. Il s’agit, en activité 1. a., d’observer le doc. 2 (et non les
docs 1 et 2) et, dans l’activité 1. b., d’observer les docs 2 et 4. Cette ▶ Activités p. 375
erreur sera corrigée dans une prochaine édition.
Découverte du texte
1. a. Doc. 2 Djuka ne se considère pas comme un
réfugié. Il dit que « les réfugiés ça n’existe pas » (v. 29). 1. Le texte propose plusieurs arguments :
Il affirme qu’il est emporté « par le vent / comme des – la migration est le résultat des actions coloniales des
feuilles mortes / par le monde entier » (v. 30-32). pays riches (l. 15-22) ;
– la migration n’est pas une situation choisie pour béné-
ficier d’avantages dans les pays riches (l. 31) ;

213
CHAPITRE 15 • Regards sur les migrants
– la raison commande d’accueillir ceux qui en ont besoin b. La citation finale apparaît comme un argument d’au-
(l. 54-59), la charité et l’humanisme aussi (l. 54) ; torité, car elle a été prononcée par Martin Luther King
– ne pas accueillir les migrants équivaut à les condam- (1929-1968), reconnu pour son action non violente en
ner à mort (l. 93). faveur de l’égalité entre les citoyens, des droits civiques
2. Les pays riches, par leur passé colonial puis leur sou- des Noirs et contre la pauvreté. Il a reçu le prix Nobel de
tien à des régimes tyranniques, sont responsables du la paix en 1964.
manque de démocratie dans les pays sous-équipés. c. Les deux derniers paragraphes font appel à la frater-
nité (« vivre ensemble comme des frères », l. 99), à la soli-
3. a. D’après le texte, les causes des migrations sont les
darité (« Ils frappent à notre porte, ils demandent à être
guerres (« Bombardements, frappes ciblées depuis le
reçus », l. 92).
ciel », l. 23, « victimes collatérales », « erreurs de tirs »,
l. 27, « danger de mort », l. 35), mais aussi la pauvreté Expression écrite
(« blocus économique », l. 24, « pauvreté », l. 39). 7. Critères de réussite de l’article
b. L’auteur implique l’auditeur dans son discours en uti-
• Le texte suit la forme d’un article de presse : titre,
lisant la première personne du pluriel (« nos banlieues », introduction, paragraphes avec des intertitres qui
l. 33-34, « Pouvons-nous », l. 36) et des questions rhé- peuvent être des citations, conclusion.
toriques : « Pouvons-nous les ignorer, détourner notre • L’article présente rapidement J.-M. G. Le Clézio,
regard ? Accepter qu’ils soient refoulés comme indési- de manière pertinente, en relevant les éléments qui
rables, comme si le malheur était un crime et la pauvreté peuvent être associés à cet engagement.
une maladie ? » (l. 36-39). • L’article rappelle brièvement les caractéristiques de
cette crise migratoire : quand ? où ? qui ? pourquoi ?
4. a. La concession qui est faite est que « nous, les nan-
• Le discours est résumé, éventuellement par
tis, ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde »
paragraphes.
(l. 41-42). • Quelques citations marquantes peuvent être relevées.
Il s’agit d’une formule prononcée par Michel Rocard, • L’article peut être illustré de manière pertinente.
Premier ministre, le 3 décembre 1989, pour justifier une
politique sévère face à l’immigration. Expression orale
b. Cette concession est réfutée par le fait que les mesures 8. Débat La problématique porte sur le rôle des écri-
de protection (« nos murs, nos barbelés, nos miradors », vains. On peut observer deux points de vue.
l. 49-50) sont peu efficaces (« protections illusoires », • L’écrivain est seulement un artiste, son rôle est de créer
l. 50-51). L’argument sécuritaire de repli sur soi ne tient de belles œuvres.
donc pas. # Ex. Les poètes parnassiens, comme Théophile Gautier.
5. a. L’auteur énonce deux principes contradictoires : le • L’écrivain est indissociable du monde qui l’entoure,
premier est que les hommes espèrent vivre un jour unis auquel il appartient.
sur un seul territoire (« l’espoir que nous avons de créer # Ex. Victor Hugo écrit contre le travail des enfants ou
un jour un lieu commun à toute l’humanité », l. 62-63) ; encore contre la peine de mort.
le deuxième est la nécessité pour un pays de se proté- On peut aussi poser la question du statut de l’écrivain :
ger des agressions extérieures (« la consolidation des peut-on être écrivain et homme politique ?
barrières préventives contre guerres, épidémies et révo- # Ex. Victor Hugo est pair de France, André Malraux est
lutions », l. 69-70). ministre de la Culture.
b. Ces deux principes sont repérés grâce à deux connec- Enfin, on peut soulever l’enjeu de la légitimité de l’écri-
teurs : « D’une part » (l. 62) et « d’autre part » (l. 69). vain : la réalité est constituée de faits que nous vivons.
L’écriture la modifie forcément par la mise en mots, les
6. a. L’auteur utilise de nombreux procédés pour inter-
choix de l’auteur V Maupassant, « Le roman », préface
peller l’auditeur :
de Pierre et Jean. Ces modifications n’annulent pourtant
– la première personne du pluriel :
pas la pertinence du regard porté par l’auteur sur la réa-
« Nous nous sommes habitués » (l. 82) ;
lité qu’il transmet : n’est-il pas en effet un observateur
– la question rhétorique :
particulièrement fin de notre monde ?
« Comment pouvons-nous les renvoyer à la mort ? » (l. 93) ;
# Ex. Émile Zola est connu pour ses observations minu-
– l’utilisation d’accumulations :
tieuses avant l’écriture de ses romans. À l’inverse, on a
« en Afrique, au Proche-Orient, en Amérique latine »
reproché à Alexandre Dumas de dresser un tableau com-
(l. 84-85), « naissent, vivent et meurent » (l. 85-86),
plètement fantaisiste de la Suisse dans ses Impressions
« déserts, forêts et mers » (l. 90-91) ;
de voyage.
– la citation de Martin Luther King :
« Nous avons appris à voler comme des oiseaux et à
nager comme des poissons, mais nous n’avons pas appris
l’art tout simple de vivre ensemble comme des frères. »
(l. 96-99)

214
CHAPITRE 15 • Regards sur les migrants
Lecture 2 L. Gaudé, 6. Le premier passage exprimant un danger est : « Ils ont
le dos voûté par la peur d’être pris » (v. 3). Il fait allusion
« Regardez-lez » p. 376-377 à la police qui surveille les frontières afin d’empêcher les
migrants d’entrer dans un pays qui n’est pas le leur.
▶ Activités p. 377 Le deuxième passage exprimant une menace est : « Les
rapaces les épient, nombreux. / Et leur tombent dessus, /
Découverte du texte et de la photographie
Aux carrefours. / Ils les dépouillent de leurs nippes, /
1. Le texte et la photo se répondent car ils traitent du même Leur soutirent leurs derniers billets » (v. 16-20). Ce pas-
sujet : une colonne de migrants qui progresse, essayant de sage évoque les passeurs qui profitent de la détresse
s’éloigner du danger. La photo et le texte sont proches éga- des migrants et de l’urgence de leur situation pour leur
lement par l’anonymat de ceux qu’ils représentent. prendre le peu qu’ils possèdent encore.
2. Le poète s’adresse au lecteur du journal Le 1 hebdo, Remarque. De nombreux articles ont dénoncé les pas-
dans lequel a été publié ce texte, plus généralement au seurs comme des esclavagistes, notamment en Libye.
lecteur européen. La visée du poème est de faire changer V www.rfi.fr/emission/20190311-migrants-libye-chaque-
le regard que les Européens portent sur les migrants, qui jour-tu-realises-tu-es-devenu-esclave
cherchent un lieu paisible pour vivre. 7. a. Le lecteur, apostrophé par l’impératif « Regardez »,
Analyse du texte fait ensuite partie d’un « nous », dans lequel s’inclut l’au-
teur, qui s’oppose à un « ils », qui sont les migrants.
3. a. Langue
b. Dans les trois derniers vers, le lecteur est désigné
Verbes s’adressant au lecteur
comme un Européen qui aurait perdu de vue l’idéal et
« Regardez » (v. 1, 10, 39, 51).
les valeurs pour lesquels ses ancêtres se sont battus.
Ils sont conjugués à l’impératif, afin de forcer les Euro-
péens à voir ceux qui sont à leur porte. Expression écrite
b. Les migrants sont décrits de manière très générale : 8. Vers le commentaire
« ces hommes et ces femmes qui marchent dans la Critères de réussite de l’axe de commentaire
nuit » (v. 1), « Ils avancent en colonne » (v. 2), « Ils ont
le dos voûté » (v. 3), « Colonne fragile d’hommes et de • L’axe de lecture choisi est annoncé dans une phrase
qui commence par un connecteur.
femmes » (v. 11), « Enfants accrochés au bras qui refusent
• Il est développé en deux ou trois paragraphes distincts.
de parler » (v. 26), « Vieux parents ralentissant l’allure » • Chaque paragraphe traite une idée principale, qui
(v. 27), « ils sont têtus » (v. 32), « La colonne » (v. 46). justifie l’existence de l’axe de lecture dans ce texte.
Ils ne sont pas identifiables : ils ne viennent pas d’un • Chaque paragraphe contient une citation précise
pays ni d’un continent précis. du texte qui illustre l’idée principale.
Ce qui les caractérise avant tout est leur mouvement et • Pour chaque citation, l’élément relevé est identifié. Il
leur détresse. est expliqué en fonction du sens qu’il apporte au texte.
4. a. Le texte est écrit en vers libres (pas de rimes sys- • Chaque paragraphe se finit par une conclusion.
tématiques, pas de nombre de syllabes contraint). Il est Proposition de plan
composé de cinq strophes inégales. I. Le cortège des migrants
b. Ce poème évoque graphiquement le sujet du texte, 1. La colonne d’anonymes
en imitant les pas inégaux des hommes et des femmes 2. Des hommes qui n’ont pas d’autre choix que fuir
de la colonne. Le cortège irrégulier des vers fait écho au II. L’évocation de leurs épreuves
cortège des migrants. 1. Ce qu’ils fuient
5. Éléments évoquant le voyage 2. Les menaces qui pèsent sur eux, avec notamment
« qui marchent dans la nuit » (v. 1), « Ils avancent en l’image des rapaces
colonne, sur une route qui leur esquinte la vie » (v. 2), III. Un appel à l’hospitalité
« Ils n’ont pas mis encore assez de distance entre eux 1. L’implication du lecteur dans le texte
et la terreur » (v. 7), « Qui avancent aux aguets » (v. 12), 2. Le rappel des valeurs humanistes
« les routes sont longues » (v. 14), « Les rapaces […] / Expression orale
[…] leur tombent dessus, / Aux carrefours » (v. 16-18), 9. On retrouve dans la photo la colonne de migrants,
« Vieux parents ralentissant l’allure » (v. 27), « Ils parents et enfants, leur anonymat, leur clandestinité (ils
avancent, / Malgré tout » (v. 29), « Dans une gare, / marchent la nuit), leur fuite (ils emportent l’essentiel
Sur une grève, / Au bord d’une de nos routes, / Ils appa- dans des sacs).
raissent » (v. 34-37), « ils avancent » (v. 45) et « La colonne Deux éléments principaux évoquent le danger de ce
s’approche » (v. 46). périple. Tout d’abord le fait que le cliché est pris de nuit
Ce voyage est présenté comme long et dangereux. L’arri- suggère que ce trajet est clandestin. De plus, le flou de la
vée est incertaine : elle ne garantit pas le soulagement photo donne l’impression d’un cliché volé, de la précipi-
des souffrances. tation devant une menace.

215
CHAPITRE 15 • Regards sur les migrants
Lecture 3 P. Chamoiseau, 5. L’île de Lampedusa est décrite comme « mi-roche,
mi-torche, mi-huître, quasi stellaire, qui aspire et digère
« La mort visible » p. 378-379 sans espace et sans temps une substance vivante »
(l. 13-14).
▶ Activités p. 379 On retrouve, comme pour la mer, l’image de dévoration,
l’élément naturel, mais aussi une sorte d’étoile qui gui-
Découverte du texte
derait les migrants.
1. Le texte évoque la mort par noyade des migrants qui L’île de Malte est décrite comme « rouge » ( l. 16), entou-
n’arrivent pas à atteindre l’Europe. Ils quittent la plupart rée de « terribles couronnes, anneaux de survivance »
du temps les côtes libyennes sur des embarcations ina- (l. 16-17). Cette image évoque le drapeau rouge de l’État
daptées, sans marins expérimentés. Ils sont parfois sim- de Malte, ainsi que les bateaux qui circulent autour de
plement abandonnés au large des côtes italiennes ou l’île, chargés d’hommes espérant sauver leur vie.
grecques. Remarque. En 2014, 500 migrants sont morts dans le
Remarque. Il est difficile d’estimer le nombre de vic- naufrage de leur bateau, coulé volontairement par les
times lors de ces traversées. Plusieurs journaux tentent passeurs au large de Malte.
un macabre décompte : V https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/malte-
V https://www.liberation.fr/checknews/2018/08/09/ le-plus-petit-etat-de-l-ue-confronte-a-limmigration-
combien-de-migrants-sont-morts-en-mediterranee-ou- clandestine_3058385.html
sont-ils-enterres_1671300
6. a. Dans ces deux paragraphes, on trouve d’abord, pour
2. Le texte relève du genre poétique, car il propose une évoquer les migrants bloqués aux portes de l’Europe,
syntaxe originale et des images poétiques. Mais il s’ap- la métaphore : « poisseuse dentelle où la mort et la
parente aussi au genre de l’essai, car il présente une vie ne distinguent plus leurs mailles » (l. 21-22). On
réflexion sur la crise actuelle des migrants. trouve également des métonymies, qui sont associées
Analyse du texte à l’évocation du charbon : « radeaux noirs » (l. 24),
« plaintes en dérive charbonneuse » (l. 25), « douleurs
3. a. Afin d’évoquer les vagues de migration, l’auteur
tournoyantes » (l. 26).
utilise des accumulations, associées à des répétitions :
Les gradations, « des gens […] des personnes, des mil-
« comme depuis des années, comme d’année en année,
liers de personnes » (l. 20-21), « se tassent s’entassent
pour des années encore » (l. 2-3), « des gens, des milliers
s’enlacent » (l. 21), montrent que les migrants sont nom-
de personnes, pas des méduses ou des grappes d’algues
breux ; l’effet est accentué par le jeu sur les sons, avec la
jaunes mais des gens » (l. 3-4), « des nations, des villes
répétition du son [as]. Ces gradations sont renforcées par
et des états de droit » (l. 6), « Gouffre de vies noyées, de
l’utilisation systématique du pluriel : « Des cris », « Des
paupières ouvertes fixes, de plages où des corps arrachés
radeaux » (l. 24), « les houles », « Des plaintes » (25),
aux abysses vont affoler l’écume » (l. 9-10). Il utilise aussi
« Des douleurs » (l. 26).
« Gouffre » en anaphore (l. 9 et 10).
b. La souffrance des migrants est exprimée par un champ
b. Pour attirer l’attention sur l’humanité des migrants,
lexical très riche : « dépérissent », « périssent », « mou-
l’auteur rappelle que ce ne sont pas des animaux ni des
rir » (l. 5), « garrots » (l. 6), « meurtrières » (l. 7), « enfers »,
végétaux : « pas des méduses ou des grappes d’algues
« gouffre » (l. 8), « Gouffre », « vies noyées » (l. 9), « corps
jaunes » (l. 3-4). Il utilise également le lexique du corps
arrachés » (l. 10), « avalés par le sable ou désarticulés »
humain : « personnes » (l. 3, 5), « des gens » (l. 4), « pau-
(l. 11-12), « haillons grelottants » (l. 23), « douleurs » (l. 26).
pières » (l. 9), « corps », « enfants » (l. 10-11).
c. La menace de mort est d’abord présentée par l’im-
La difficulté de leur situation est montrée par le lexique
brication entre la vie et la mort dans l’image de la den-
de la mort : « périssent », « mourir » (l. 5), « meurtrières »
telle (l. 21-22). Mais elle apparaît également dans la forte
(l. 7), « enfers », « gouffre » (l. 8), « noyées » (l. 9), « corps
présence de la couleur noire : « radeaux noirs » (l. 24),
arrachés » (l. 10), « enfants flottés » (l. 10-11), « avalés
« houles noires », « dérive charbonneuse » (l. 25).
par le sable ou désarticulés » (l. 11-12). On la voit aussi
par les images du gouffre de Glissant (l. 8-9) et des enfers Expression orale
de Dante (l. 8). 7. Le recours à la poésie rend ici le constat encore plus
4. a. Pour ne pas nommer la mort, l’auteur utilise des poignant, car la poésie permet la création d’images très
métaphores : « enfants flottés » (l. 10-11), « ensommeil- marquantes. Elle favorise l’utilisation de procédés qui
lés », « avalés par le sable ou désarticulés » (l. 11-12). mettent en avant la souffrance, qui ont un fort pouvoir
b. Ce texte montre la mer comme une sorte de monstre d’évocation chez le lecteur. Ces images n’auraient pas
qui mange et démembre ce qui tombe en elle. Mais elle leur place dans le genre de l’essai.
le fait de manière insensible (« impavide », l. 12). Cette
image rappelle que c’est un élément naturel qui ne porte
pas de jugement, ni n’a de parti pris dans cette crise.

216
CHAPITRE 15 • Regards sur les migrants
▶ Lecture d’image p. 379 4. a. L’image qui est donnée de cet entretien est péjo-
rative. L’officier qui reçoit la jeune femme ne comprend
1. Recherches Banksy reprend Le Radeau de la Méduse pas sa détresse. Il n’imagine pas qu’un autre pays puisse
(1818-1819) de Géricault (huile sur toile, 491 × 716 cm). avoir un autre fonctionnement (« Croyez-vous qu’il soit
Il représente le radeau qui a recueilli les quinze survi- possible de déposer plainte contre ses frères ? », l. 21-22).
vants du naufrage de la Méduse, bateau qui apportait du Enfin, l’administration refuse d’accueillir une personne
matériel à la colonie française du Sénégal. Cette catas- qui ne correspond pas aux stéréotypes associés aux
trophe a causé la mort de cent soixante personnes. migrants.
2. L’artiste a modifié la technique utilisée. Il a également b. La visée de ce texte est de dénoncer les préjugés qui
modifié les couleurs. Enfin, il a modifié le fond, en rem- accompagnent les migrants (non diplômés, ne sachant
plaçant le navire par un bateau moderne qui pourrait pas s’exprimer…). Mais le texte dénonce aussi la ferme-
secourir les naufragés. ture d’esprit de l’administration, dont les représentants
3. L’œuvre change alors de sens. De témoignage d’une ne connaissent pas la culture des autres pays, ou ne réflé-
catastrophe passée, elle devient dénonciation d’une crise chissent pas à la condition des réfugiés. Enfin, le texte
actuelle. ironise sur la générosité de l’État, qui propose à la destina-
taire une aide pour rentrer chez elle (l. 44) et une « petite
4. Expression écrite
aide financière » pour retrouver au plus vite ses proches
Critères de réussite de l’analyse
(l. 45), c’est-à-dire pour retrouver la détresse qu’elle a fuie.
• L’analyse commence par une présentation du tableau 5. La citation (l. 24-31) écrite par la jeune femme
de Banksy : titre, date de réalisation, technique, format.
apporte un regard plus réfléchi sur ce qu’est un réfugié.
• Le contexte de la crise des migrants est rappelé : qui ?
En effet, Hannah Arendt constitue une référence solide
où ? quand ? pourquoi ?
• L’œuvre source est également présentée : titre, peintre, en matière de pensée philosophique, pas forcément dans
date de réalisation, technique, format ; description ce domaine précis. Elle pose une nouvelle définition du
rapide et rappel de l’événement représenté. « réfugié » : celui qui est opprimé pour ce qu’il est par
• L’œuvre de Banksy est décrite (# Fiche 17, p. 522). nature et non pour ce qu’il aurait pu faire ou dire.
• L’œuvre de Banksy est mise en perspective avec celle En outre, cette citation montre de manière habile le
de Géricault. décalage culturel entre la jeune femme qui se présente
et l’agent qui la reçoit.
Expression écrite
Lecture 4 K. Adimi, « Tu n’es 6. Critères de réussite du courrier
pas un arbre » p. 380-381 • Le texte respecte la présentation d’une lettre
officielle : lieu, date, formule d’adresse, corps
de la lettre en paragraphes visibles, formule de congé,
▶ Activités p. 381
signature.
Découverte du texte • Le lieu et la date sont cohérents avec le texte
1. Ce texte ressemble à un courrier administratif. L’énon- de Kaouther Adimi.
• L’énonciatrice est la même personne que la
ciateur est l’administration française : il n’y a pas de per-
destinataire de la lettre dans le texte de K. Adimi.
sonne clairement identifiée dans cette lettre.
• L’argumentation s’appuie sur plusieurs arguments
Le destinataire est une Algérienne de vingt-sept ans, qui pertinents. On peut utiliser des arguments d’autorité.
demande à rester en France (« Madame », l. 1, « née le • La tonalité doit être appropriée pour défendre une
4 août 1990 à Annaba, en Algérie », l. 7). cause importante. On ne peut pas retrouver l’ironie
2. La jeune femme souhaite s’installer en France parce du texte d’origine.
qu’elle ne trouve pas de travail en Algérie (l. 13) et que • L’argumentation peut tantôt chercher à convaincre,
ses frères l’oppriment (« subi à plusieurs reprises des vio- tantôt chercher à persuader.
lences physiques de la part de vos frères », l. 16-17).
Expression orale
3. L’accueil lui est refusé pour plusieurs raisons :
7. Débat Le comique est un outil efficace pour critiquer.
– elle n’a pas de papiers d’identité (l. 35) ;
On peut faire référence au célèbre Castigat ridendo
– l’officier ne croit pas le récit de son arrivée en France
mores et à l’œuvre de Molière. Voltaire en son temps
(l. 35-36) ;
s’est également illustré par ses textes ironiques (Candide,
– elle est diplômée de l’université (l. 11, 40) ;
1759). De nos jours, les humoristes qui pratiquent
– elle s’exprime bien (l. 40-41) ;
le stand-up fondent souvent leurs sketches sur la
– son pays n’est « ni en guerre ni dans une situation
dénonciation des travers de notre société. On peut aussi
de grande précarité (famine, catastrophe naturelle…) »
penser aux caricaturistes qui dénoncent en amusant.
(l. 41-42).

217
CHAPITRE 15 • Regards sur les migrants
Mais le comique ne doit pas masquer la gravité de la Étape 2
cause qu’il défend. Il ne doit pas non plus se prêter à Le malaise d’Yvonne
un humour déplacé. Enfin, il doit être compris par ses 2. Langue Yvonne parle à son mari, Michel, qui lui
destinataires pour remplir sa fonction de dénonciation. répond : « Ne commence pas, Yvonne ! » (l. 7) ; « Je suis
une réfugiée, Michel » (l. 9). Les apostrophes aident à
▶ Lecture d’image p. 381 identifier les interlocuteurs.
1. Il s’agit de l’affiche d’une exposition au musée natio- 3. Yvonne ne supporte plus la discrimination qu’elle
nal de l’Histoire de l’immigration. subit au Burundi en tant que Rwandaise : « leurs
Son but est d’annoncer la problématique de l’exposition, insultes, leurs insinuations, leurs quotas pour les étran-
en donnant envie d’aller en savoir davantage. gers et leurs numerus clausus à l’école » (l. 10-11).
Elle rêve d’aller vivre à Paris (l. 3).
2. persona grata : personne bienvenue, voire attendue.
Ce titre pose la question du type de personnes bienve- 4. Au Burundi, Yvonne est une réfugiée rwandaise (l. 9).
nues, car l’exposition est sous-titrée : « L’art contempo- Si elle part en France, elle sera considérée comme une
rain interroge l’hospitalité ». La notion d’hospitalité réfugiée rwandaise. Son statut ne changera pas.
faisait partie intégrante de la vie sociale en France L’éloge de Michel
jusqu’à l’apparition des auberges au XIVe siècle. Puis 5. Les éléments qui évoquent le luxe dans lequel vivent
elle s’est perdue dans les habitudes de vie de chacun. Michel et Yvonne sont :
Aujourd’hui, elle redevient une valeur importante, de « de belles maisons, des domestiques, de l’espace pour
manière personnelle mais aussi à l’échelle d’un pays. les enfants, un bon climat, les affaires ne marchent pas
3. L’image illustre le titre : elle crée un décalage entre trop mal pour nous » (l. 14-16), « tout ce luxe » (l. 17),
la personne qui arrive et le pays qui la reçoit. Celui qui « nous sommes des privilégiés » (l. 20).
arrive dévoile un équipement sommaire, révélant qu’il 6. Michel n’attend pas de réponses à ses questions (l. 16,
vient d’un pays moins développé. L’entassement des 18-21). Ce sont des questions rhétoriques destinées à
ballots montre l’intention de s’installer dans le pays. impliquer Yvonne dans son discours. Elles insistent sur
Le cadre est la place de la Bastille, à Paris. Ce lieu est des points importants qu’Yvonne semble laisser de côté.
symbolique, car associé à la Révolution française par 7. Pour que sa femme accepte de rester au Burundi,
laquelle les citoyens ont obtenu la fin d’un régime auto- Michel détaille les privilèges dont ils disposent. Puis il
ritaire et injuste. En outre, l’allée d’arbres et la colonne précise que l’Europe ne leur offrira pas cette qualité de
de Juillet représentent Paris, ville des droits de l’homme, vie (l. 16-18). Pour conclure, il rappelle qu’ils mènent une
ville moderne, capitale d’un pays développé. vie de « privilégiés » (l. 20), alors qu’ils ne seront « plus
Le contraste entre la personne et le cadre pose la ques- personne » (l. 20-21) en Europe. Le terme « privilégiés »
tion de sa place dans ce cadre. Est-elle vraiment la bien- résume tous leurs avantages à rester au Burundi.
venue ? Est-elle persona grata ?
Le désaccord du couple
8. Langue Le dialogue alterne les points d’exclamation
(l. 26, 31) et les points de suspension (l. 27, 35), des ponc-
Atelier Commentaire guidé – tuations expressives qui montrent la vivacité du dialogue.
G. Faye, Petit Pays p. 382-383 9. Yvonne utilise plusieurs antithèses pour remettre en
cause la vision idyllique de Michel : « la misère de ceux
▶ Activités p. 383 qui les peuplent » s’oppose à « la douceur des collines »
(l. 23) ; « le méthane qui dort sous les eaux » s’oppose à
Étape 1 « la beauté des lacs » (l. 24-25).
1. Tableau de caractérisation du texte À la beauté de la nature vantée par Michel elle oppose le
Qui ? Auteur : Gaël Faye profit qu’en tirent les expatriés comme son mari.
Quand ? 2016 (date de publication), mais le texte 10. La catastrophe est annoncée par le vocabulaire des
évoque le génocide rwandais de 1994. deux conjoints.
Quoi ? La vie d’une famille au Burundi, entre Yvonne parle de « sécurité » (l. 26), « un pays où l’on ne
un père expatrié français et une mère craint pas de mourir » (l. 27), « menace qui rôde par-
expatriée rwandaise. tout » (l. 32-33). Elle désigne Michel comme un « enfant
Comment ? Le ton est polémique : les personnages gâté d’Occident » (l. 35).
débattent vivement. À l’inverse, Michel parle d’« inquiétudes » et de « délire
Pourquoi ? Le texte vise à exposer la question des de persécution » (l. 28). Il pense qu’Yvonne « dramatis[e] »
origines et de l’identité de plusieurs (l. 28-29), qu’elle n’a « rien à craindre » (l. 29-30) grâce à
points de vue. Il montre le malaise que son passeport français. Il la trouve paranoïaque.
chacun peut ressentir. Le désaccord entre eux aboutira à leur divorce.

218
CHAPITRE 15 • Regards sur les migrants
Vérifiez que vous avez bien compris le texte. Atelier Transposer
11. Michel et son ami Jacques représentent les colons
européens qui profitent des richesses naturelles de une planche de BD en récit –
l’Afrique : Sh. Tan, Là où vont nos pères
« Pourquoi penses-tu que Jacques préfère rester dans
cette région plutôt que rentrer en Belgique ? Ici, nous p. 384-385
sommes des privilégiés » (l. 19-20), « Tu as fui la quiétude
de ta France pour trouver l’aventure en Afrique » l. 25), ▶ Activités p. 385
« Tu es venu ici chercher un terrain de jeu pour prolon-
Étape 1
ger tes rêves d’enfant gâté d’Occident » (l. 34-35).
1. Cette planche de bande dessinée raconte le départ
12. Pour Michel, l’Europe n’est pas un paradis (l. 17).
d’un homme loin de sa famille.
Pour Yvonne, l’Europe est un lieu sûr (l. 25-27).
2. Le cadrage des premières vignettes est assez serré. Le
Étape 3 lecteur a un point de vue de plus en plus large, qui ne lui
13. La problématique qui convient est la dernière : permet pas encore de découvrir le bateau dans lequel se
Comment ce dialogue montre-t-il l’opposition de deux trouve le personnage.
visions de l’Afrique et de l’Europe ? 3. À la fin de la première ligne, le lecteur découvre que
14. Proposition de plan détaillé le personnage est isolé de la famille représentée dans le
I. Deux visions opposées de l’Afrique cadre, sûrement sa propre famille.
1. La vision du colon européen 4. Le point de vue du lecteur s’élargit progressivement.
2. La vision alarmiste d’Yvonne Cela permet de créer un effet d’attente. La compréhen-
II. Deux visions opposées de l’Europe sion n’est complète qu’à la fin de la troisième ligne.
1. La vision désabusée de Michel
5. Les couleurs utilisées forment un camaïeu de gris. Il se
2. La vision fantasmée d’Yvonne
dégage une impression de nostalgie de ces vignettes sur
III. Un conflit conjugal
le départ. (Shaun Tan s’inspire, pour dessiner, de vieilles
1. Un dialogue vif
photos d’émigrants australiens qu’il a collectionnées en
2. Les jugements sans concession formulés par les deux
souvenir du passé de migrant de sa propre famille.)
personnages
6. Le personnage principal est un homme mûr. Il a l’âge
Étape 4 d’être père, comme on peut l’imaginer en voyant la famille
15. Critères de réussite du commentaire dans le cadre photo. Il est habillé proprement. Ses cheveux
V Fiche 18, p. 536 sont coiffés. Il est seul dans la cabine d’un bateau.
• L’introduction présente l’auteur, le roman, le contexte 7. Son visage et sa posture expriment la résignation, ainsi
de l’action, l’extrait étudié, la problématique et que l’inquiétude quand il regarde à travers le hublot.
les axes de lecture.
• Le développement se fait en deux ou trois parties
Étape 2
visibles, annoncées par des connecteurs. 8. Il faut créer l’identité complète du personnage princi-
• Chaque partie est développée en deux ou trois pal en lui donnant :
paragraphes visibles. – un nom et un prénom ;
• Chaque paragraphe contient une idée générale, – un âge ;
au moins une citation précise et exploitée du texte, – un lieu de naissance ;
une conclusion. – une famille : une épouse avec un nom et un âge, un
• La conclusion reprend le bilan de chaque axe de
enfant avec un nom et un âge également ;
lecture, puis propose une réponse à la problématique
– un caractère cohérent avec sa décision de quitter ses
et une ouverture vers un autre texte ou un thème
plus large. proches pour aller loin en bateau ;
– un passé qui l’a poussé à partir ;
– un espoir qui le pousse à aller au bout de son voyage.
9. La vie passée du personnage est composée :
– d’un pays ;
– d’une situation difficile à vivre : catastrophe naturelle,
conflit armé, oppression politique…
– d’une vie paisible avant l’événement qui le pousse à
partir.
10. Son départ est motivé par l’espoir d’une améliora-
tion de sa vie. Cette amélioration peut être matérielle
(avoir un emploi…) ou morale (penser librement…).

219
CHAPITRE 15 • Regards sur les migrants
11. Le point de vue narratif qui correspond au cadrage 3. L’intérêt esthétique du noir et blanc est de renfor-
serait le point de vue externe, étant donné que le lecteur cer cette impression d’infini. Les mêmes éléments se
semble s’éloigner du bateau. Mais on peut aussi utiliser répètent, avec les mêmes nuances de gris. En outre, le
le point de vue omniscient, afin de donner accès à l’inté- noir et blanc renforce la présence des nuages dans le
riorité du personnage. ciel, qui rappellent les fumées du camp. Tout l’environ-
nement est ainsi envahi par le camp de réfugiés.
Étape 3
12. Critères de réussite du récit
▶ Doc. 3 p. 387
• Le cadre spatio-temporel est cohérent avec la BD.
• Le portrait du personnage, physique et moral, Photographie de Sergey Ponomarev
respecte les informations de la BD. 1. Les éléments qui révèlent que les passagers sont
• Le passé perturbé du personnage est expliqué pour des migrants sont leur nombre trop important pour le
justifier son départ. bateau, ainsi que leurs tenues qui ne sont pas celles de
• Les espoirs du personnage sont évoqués pour touristes ou de plaisanciers. Le cadrage et l’angle font
comprendre vers quoi il tend. de celui qui attend ces arrivants sur la rive le spectateur
• Le texte alterne récit, description et discours intérieur. de la scène. Le regard de l’homme placé au centre de la
• Le vocabulaire utilisé est précis et varié.
photo plonge dans le nôtre.
• Les temps du récit sont correctement utilisés.
V Atelier 4, p. 428 2. Plusieurs éléments évoquent un danger pour ces per-
• L’orthographe et la syntaxe sont maîtrisées. sonnes : les passagers s’accrochent au bateau, qui est trop
chargé ; plusieurs hommes sont descendus en mer pour
contrôler le bateau, les visages sont inquiets, fermés,
le bateau penche.
3. La photographie est en couleurs, pourtant l’ensemble
Prolongement artistique est sombre. On ne remarque pas de couleurs vives, la
et culturel Migrations et photo lumière et les couleurs sont froides, le ciel est gris. En
effet, il ne s’agit pas d’une promenade en bateau mais
de presse p. 386-388 d’un groupe qui veut sauver sa vie. L’enjeu est crucial.

▶ Doc. 1 p. 386
▶ Doc. 4 p. 388
Photographie de Dorothea Lange Photographie de Yannis Behrakis
1. Cette photographie est composée en triangle autour 1. On voit l’opposition entre les policiers et les réfugiés :
de la mère. Chacun des enfants dessine un côté de ce – la lumière éclaire les visages des réfugiés, alors que les
triangle qui repose sur le personnage central. dos des policiers sont dans l’ombre ;
2. La pauvreté de la famille se voit aux vêtements abî- – les couleurs des uniformes sont froides, face aux visages
més de la famille et à leurs cheveux en bataille. des réfugiés qui sont de couleur chaude ;
3. Les attitudes et les regards évoquent une extrême – la composition montre au premier plan les dos des
fatigue. Les enfants regardent vers l’arrière, ils ne veulent policiers, faisant barrage aux réfugiés, au second plan.
pas voir la réalité qui les entoure. La mère regarde dans 2. Le geste de la main et les regards des réfugiés sug-
le vide, comme si aucune aide ne pouvait lui parvenir. gèrent une demande, voire une supplication. Le fait que
Elle tient dans ses bras son plus jeune enfant, rappelant les réfugiés regardent vers le haut pour solliciter les poli-
le motif religieux d’une vierge à l’enfant, symbole de la ciers renforce leur position d’infériorité. Menacées par la
maternité. Cet enfant est tourné vers sa mère, son seul tempête, comme l’indique la légende, leurs vies sont en
point de référence. La mère est en position centrale, elle jeu. On comprend alors l’intensité de leurs regards, tous
est la seule responsable de l’avenir de ses enfants. tournés vers un même point, hors cadre.

▶ Doc. 2 p. 387 ▶ Doc. 5 p. 388


Photographie de Sebastião Salgado Photographie de Zakir Hossain Chowdhury
1. Le cadrage est large. La composition de la photo se fait 1. En observant l’environnement des villageois, on peut
par une multiplication du même type de personnes, à supposer qu’une catastrophe naturelle les a fait fuir. En
chaque plan. Cela donne une impression d’infini : ce camp effet le sol est craquelé par la sécheresse, aucune végéta-
de réfugiés semble sans limite, il occupe tout l’espace. tion n’est visible. Dans ces conditions climatiques, la vie
2. Au premier plan, une mère et son enfant sont mis en humaine n’est pas possible.
valeur, au centre de la photographie.

220
CHAPITRE 15 • Regards sur les migrants
2. Les objets qu’ils emportent sont symboliques. Les Synthèse p. 390-391
deux chèvres sont une source de nourriture et de reve-
nus. La télévision surprend dans ce contexte, car on
n’imagine pas que l’accès à un branchement électrique
▶ Activités p. 390

soit une priorité. Mais elle est un lien avec le reste du Étape 1
monde et peut-être un bien d’un certain prix. 1. Pour transmettre ses idées, un auteur peut chercher à
3. L’intérêt de ce plan large est de placer les villageois, convaincre ou à persuader. V Fiche 16, p. 514
isolés, au milieu d’un désert aride. Le spectateur com- Son texte peut :
prend la nécessité de quitter cet environnement hostile. – s’adresser directement à son lecteur, dans le cadre
4. Les villageois, par leurs tenues rouges, contrastent for- d’une argumentation directe (ex. dans un discours) ;
tement avec le sol craquelé noir et blanc. Ils représentent – s’adresser à son lecteur par l’intermédiaire de person-
la vie au milieu de la sécheresse. nages fictifs, mis en scène dans une histoire qui illustre
la réflexion, dans le cadre d’une argumentation indirecte
(ex. dans une fable).
Étape 2
Lecture cursive Expression orale
L. Gaudé, Eldorado p. 389 2. Critères de réussite de la présentation argumentée
• Le texte choisi est présenté : auteur, titre, date
▶ Activités p. 389 de publication, résumé ; lecture expressive de l’extrait.
• Deux arguments justifient le choix du passage,
Les trois personnages sont les trois héros du roman. associés à des exemples précis.
Leur carte d’identité permet de cerner les enjeux de
chaque histoire : celui qui doit empêcher les migrants 3. Tableau de synthèse des textes
d’accoster (Piracci), celui qui essaie d’entrer en Europe Vision
(Soleiman), celle qui veut repartir se venger (la femme). Forme
Auteur, titre Date des migrants
littéraire
L’image proposée peut représenter le personnage en et de la migration
portrait ou en situation (proposition pour Soleiman :
Le Clézio, 2017 discours • Les migrants
V photographie, p. 375). Chaque image sera accompa- « Comment sont des hommes
gnée de sa source précise. Le choix sera justifié par des pouvons-nous comme les autres.
arguments précis. les renvoyer • La migration est
Expression écrite à la mort ? » un drame humain.
Critères de réussite de l’interview Gaudé, 2015 poème • Les migrants sont
• La situation d’énonciation est bien définie « Regardez- en vers ceux qui portent
(qui interviewe le personnage ?) et cohérente avec les » libres encore l’espoir
le roman (il semble difficile d’interroger d’une Europe des
un personnage après sa mort). droits
• La forme respecte celle de l’interview : de l’homme.
– un titre, un chapeau ; • La migration est
– des questions précédées du nom du journaliste ; un périple plein
– des réponses écrites en changeant de couleur, de dangers.
précédées du nom du personnage choisi ; Chamoiseau, 2017 prose • Les migrants sont
– éventuellement des citations extraites des réponses « La mort poétique des corps morts
du personnage pour créer des intertitres ; visible » qui dérivent dans
– une dernière question suivie de sa réponse, qui offrira la Méditerranée.
une sorte de conclusion. • La migration est
• Le chapeau reprend les éléments de la carte synonyme de mort.
d’identité qui a été établie.
• Quelques questions pertinentes (environ cinq) sont Adimi, 2018 lettre • La migrante est
posées en fonction du personnage choisi ; on pourra « Tu n’es pas une personne
s’appuyer sur des passages du roman qui renseignent un arbre » cultivée.
plus précisément sur le personnage choisi. • La migration
• Les réponses sont cohérentes avec le roman. est la seule
• Le niveau de langue est courant, la syntaxe correcte, façon de quitter
l’orthographe maîtrisée, le vocabulaire riche. l’oppression.

221
CHAPITRE 15 • Regards sur les migrants
Étape 3 Sujet 2
Expression orale I. La littérature permet d’entendre ceux qui ne
4. Débat L’auteur définit la frontière comme une limite s’expriment pas.
entre des cultures (« rythmes », « saveurs »), mais en 1. Ceux qui ne peuvent pas s’exprimer car on ne leur en
aucun cas comme un mur infranchissable. La frontière donne pas la possibilité.
ne doit pas être une opportunité pour faire souffrir les # Ex. Les migrants : G. Faye, dans Petit Pays, donne la
hommes. parole à la mère qui a quitté le Rwanda et qui veut aller
Plusieurs visions de la frontière coexistent. Le texte de en Europe.
Le Clézio rappelle cette dualité entre une simple limite 2. Ceux qui ne souhaitent pas s’exprimer car leur posture
qui signale un changement de coutumes et de lois (autre ne semble pas défendable.
monnaie, autres lois, autre culture) et une barrière pour # Ex. Ceux qui font face aux migrants : dans Eldorado de
se protéger des agressions extérieures. Or, l’Histoire Gaudé, Piracci montre la crise de conscience de l’homme
montre que les frontières les plus fortifiées n’ont pas qui garde les frontières d’Europe. Mais Adimi fait aussi
joué le rôle attendu (ex. la ligne Maginot) : construire des parler le fonctionnaire qui refuse de réfléchir à ses actes.
murs n’a jamais réduit la porosité d’une frontière. II. Mais la littérature reste l’expression d’un auteur.
L’exemple de l’Union européenne montre que l’ouver- 1. L’auteur se projette dans celui qu’il met en scène. Il est
ture des frontières n’a pas conduit à un déplacement le porte-parole de ceux qui ne peuvent pas s’exprimer.
massif de populations vers des pays jugés plus attractifs, # Ex. L’auteur néerlandais Ad de Bont s’est appuyé sur de la
au point de créer un déséquilibre démographique ou documentation pour créer ses personnages. V doc. 2, p. 372
économique. Les frontières n’empêchent donc pas les 2. L’auteur est-il légitime pour prendre la parole à la place
individus de circuler, de s’installer dans un pays ou un de ceux qui ne l’ont pas ?
autre. Elles sont le reflet d’une histoire, elles marquent # Ex. Chamoiseau s’est toujours intéressé à la condition
une simple limite territoriale. du peuple martiniquais, celui qu’on n’entend pas. Qu’il
La question des frontières de certains pays africains ou se penche sur la condition des migrants est une suite
asiatiques, issues de la décolonisation, souligne aussi la logique dans son parcours littéraire.
difficulté à établir ces frontières. Une carte d’Afrique # Ex. Gaudé a effectué plusieurs reportages sur des lieux
montre bien la différence entre des frontières naturelles où les populations sont en détresse (Haïti, Irak, jungle de
et anciennes, d’une part, et des frontières artificielles et Calais). Son écriture relève du témoignage.
rectilignes, d’autre part. Une frontière tracée de manière Expression orale
arbitraire conduit au conflit, car elle ne tient pas compte 6. Débat La question du point de vue et du cadrage est
de l’histoire du pays. cruciale en matière de photographie.
Expression écrite Certains sujets toucheront les spectateurs quoi qu’il
5. Vers la dissertation arrive car ils sont porteurs d’émotions fortes.
Propositions de plans de dissertation Mais le cadrage renforce ou modifie complètement le
Sujet 1 message véhiculé par la photo.
I. La littérature dispose de moyens efficaces pour lutter # Ex. José Palazon, en 2014, photographie des migrants
contre les injustices du monde. escaladant la clôture d’un terrain de golf à la frontière
1. L’auteur peut s’exprimer directement, interpeller le de Melilla. Le cadrage large de cette célèbre photogra-
lecteur pour le contraindre à voir ce qui le dérange. phie confronte le confort des golfeurs à la détresse des
# Ex. Gaudé, « Regardez-les » (titre à l’impératif ). migrants. Un cadre resserré sur les migrants n’aurait pas
2. La littérature dispose de son travail spécifique sur la créé ce contraste saisissant.
langue pour trouver des formules nouvelles qui attirent V www.bbc.com/news/magazine-34137358
l’attention. Histoire des arts
# Ex. Chamoiseau crée des images poétiques et littéraires 7. Critères de réussite du dossier
très marquantes pour évoquer la mort des migrants.
II. Mais la littérature a ses limites. • La présentation de vingt lignes indique le thème
choisi, le lieu où il prend place, la date de son
1. Le texte n’est pas toujours simple à comprendre.
déroulement, les principaux faits qui l’ont ponctué.
# Ex. Adimi : il faut comprendre l’ironie de la lettre. • Le dossier contient cinq œuvres pertinentes,
2. La littérature doit s’allier à d’autres médias pour tou- accompagnées de références précises (auteur, titre,
cher le plus de gens possible. date, technique, lieu d’exposition).
# Ex. Le Clézio a lu son texte sur l’antenne d’une grande • Il est intéressant de varier la nature des œuvres choisies.
radio nationale. • Chaque œuvre est accompagnée d’un texte de cinq à
dix lignes qui justifie sa présence dans le dossier, grâce
à des arguments précis, illustrés par des exemples pris
dans ces mêmes œuvres.

222
CHAPITRE 15 • Regards sur les migrants
16
CHAPITRE

Quand dire, c’est faire :


les grands discours
La littérature d’idée et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle

TABLE DES ACTIVITÉS


Lectures donnant lieu Quatre extraits de discours célèbres du xxe siècle
à une analyse détaillée • Lecture 1 : Simone Veil, 26 novembre 1974, p. 394-396
• Lecture 2 : Robert Badinter, 17 septembre 1981, p. 397-399
• Lecture 3 : Dominique de Villepin, 14 février 2003, p. 400-401
• Lecture 4 : Malala Yousafzai, 12 juillet 2013, p. 402-403
Lectures complémentaires • Entretien avec Barbara Cassin, p. 404
Prolongement artistique et culturel • Aux origines de l’éloquence
• Jean-Pierre Vernant, Les Origines de la pensée grecque, p. 408
• Cicéron, Rhétorique, p. 409
• Aristote, La Rhétorique, p. 409
• Quintilien, De l’institution oratoire, p. 410
Écrits d’appropriation • Écrire une synthèse analytique à partir d’une recherche, p. 399 ; une préface, p. 411 ;
un éditorial, p. 412
• Réaliser la une d’un magazine, p. 399 ; une affiche, et justifier ses choix, p. 403
• Atelier : écrire la péroraison d’un discours, p. 406-407
Écrits vers le bac Dissertation
• Atelier : dissertation guidée, p. 404-405
Commentaire
• Rédiger un paragraphe argumenté, p. 401
Contraction de texte
• Résumer un discours, p. 396
Exercices d’oral • Justifier une analyse, p. 396
• Comparer deux postures d’orateur, p. 399
• Débattre : les enjeux de l’accès à l’éducation pour tous, p. 403 ;
l’enjeu de la maîtrise de l’éloquence, p. 412
• Présenter un exposé, p. 412
Moments de langue • Phrases simples et phrases complexes, p. 396
• Pronoms personnels, p. 403
Exercices de confrontation • Analyse comparée de trois péroraisons, p. 407
ou de synthèse • Synthèse, p. 412
Travaux de recherche • Démosthène, p. 392, 408
• Le rôle de l’Assemblée nationale en France, p. 392
• Le contexte du discours de Simone Veil et la loi sur l’avortement, p. 396
• La ligne éditoriale de deux journaux nationaux : L’Express et Libération, p. 399
• Les parties du discours rhétorique antique, p. 407
• Périclès, Cicéron, Aristote, Quintilien, p. 408-410
• Présenter une œuvre artistique, p. 412
Lectures d’images • Eugène Delacroix, Démosthène harangue les flots de la mer, p. 393
ou de films • Unes de L’Express et de Libération, p. 399
• Photographies des discours de S. Veil et R. Badinter, p. 395 et 397
• Présenter un film, p. 412
Lectures cursives • Réaliser une anthologie de discours, p. 411
• Suggestions de prolongements (lectures, films, audio), p. 412-413

223
OBJECTIFS DU CHAPITRE Ouverture p. 392-393

• Ce chapitre s’inscrit dans l’objet d’étude La littérature


d’idée et la presse du XIXe siècle au XXIe siècle. Il
▶ Activités p. 393

s’appuie sur le titre d’un ouvrage de John L. Austin qui 1. Docs 1 et 3 La démocratie est née à Athènes.
regroupe une série de conférences données à Harvard 2. Doc. 3 Recherches a. Démosthène est un homme
en 1955. La phrase titre, « Quand dire, c’est faire », politique et un des plus grands orateurs grecs. Il a vécu
renvoie à la performativité du discours : l’énoncé au début du IVe siècle avant Jésus-Christ. Ses problèmes
est en lui-même l’acte qu’il désigne. Appliquée au d’élocution lui valurent le surnom de « bègue » et la
discours comme genre littéraire, la formule interroge légende dit qu’il les corrigea en s’entraînant avec des
alors la capacité du genre oratoire à être action et, cailloux dans la bouche. Parmi ses grands discours, on
plus largement, à susciter l’action des destinataires. peut retenir Les Philippiques, prononcées contre le roi
Le chapitre vise à initier les élèves à l’éloquence et Philippe II de Macédoine, ennemi des cités grecques.
au discours oratoire. Il consolide et clarifie les notions Démosthène s’est donc toujours engagé dans la politique
liées au texte argumentatif. Le choix d’un corpus athénienne. Il en est même devenu un symbole, grâce à
composé uniquement de discours permet de se la force de persuasion de ses discours.
concentrer sur l’argumentation directe. b. On peut voir ce tableau de Delacroix sur le plafond de
• Le corpus se compose de quatre discours du XXe siècle, la bibliothèque de l’Assemblée nationale française.
deux prononcés devant l’Assemblée nationale et deux Le choix d’un tel personnage, dans un tel lieu, est
à l’ONU. Tous quatre ont été marquants : les deux significatif. Un orateur athénien a toute sa place à
premiers ont abouti au vote d’une loi – légalisation l’Assemblée nationale, car il symbolise le fonctionnement
de l’IVG, abolition de la peine de mort – qui a fait de la démocratie : le débat.
radicalement évoluer les mentalités. Les deux autres c. Démosthène « harangue les flots », campé pour pro-
ont marqué un tournant décisif dans la gouvernance noncer son discours et le prononcer avec une telle force
mondiale et dans la prise de conscience des enjeux que même les flots « réagissent ». Il a donc une posture
géopolitiques des zones en conflit : Irak, Afghanistan. très active : ses bras sont dressés, il regarde droit devant
• Le choix de ces quatre discours reflète la volonté de lui, il avance.
faire réfléchir les élèves à la question de la place du Le vent souffle de l’arrière, comme sa toge l’indique.
débat contradictoire dans les démocraties, de montrer Symboliquement, il « insuffle » à Démosthène la force
combien ce débat est l’essence même de la démo- nécessaire à son discours. Les éléments eux-mêmes se
cratie. On pourra exploiter de manière féconde le déchaînent tant les paroles de Démosthène sont
contexte de ces débats pour montrer que la violence efficaces. Il ne laisse rien indifférent.
verbale n’en est pas toujours exclue. Ce pourra être Le choix de laisser son torse nu, musclé, témoigne de la
un moyen d’affiner la réflexion, d’aborder la notion volonté du peintre non seulement de rappeler la tradi-
de limite, en particulier dans les débats autour de tion des statues grecques, mais aussi de manifester la
questions sociétales, dans lesquels les passions s’exa- puissance de l’orateur.
cerbent : quand dépasse-t-on une limite ? Comment 3. Doc. 2 Recherches a. L’Assemblée nationale est
la loi encadre-t-elle ces débats ? une institution de la Ve République qui forme, avec le
• Le chapitre, avec les questions qu’il soulève, peut Sénat, ce que l’on appelle le Parlement. Elle a pour rôle
être mené en interdisciplinarité, avec le professeur de proposer, d’amender et de voter les lois. Elle incarne
d’éducation morale et civique et d’histoire. le pouvoir législatif. Elle contrôle également l’action du
gouvernement et peut, à la différence du Sénat, le forcer
• Le prolongement artistique et culturel s’est alors
à la démission si elle adopte une motion de censure.
imposé assez naturellement : retourner aux sources
b. Les différents groupes politiques sont disposés en
de la démocratie et de l’éloquence. Les textes et acti-
fonction de leur couleur politique. De l’extrême gauche
vités complémentaires présentent donc des extraits
à l’extrême droite, on a donc les anticapitalistes, les com-
fondamentaux, d’Aristote, Cicéron ou Quintilien à
munistes, les écologistes, les socialistes, les centristes, les
Jean-Pierre Vernant pour comprendre la place de
libéraux et les nationalistes.
l’éloquence dans la cité (au sens grec du terme).
c. Le site vie.publique.fr, site de la DILA (Direction
de l’information légale et administrative), explique
clairement les étapes d’élaboration d’une loi.
V https://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/
institutions/fonctionnement/parlement/loi/quelles-sont-
etapes-du-vote-loi.html

224
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
4. Oral Cette question se veut ouverte et pourra faire le laxisme » (l. 28). L’utilisation du subjonctif plus-que-
l’objet d’un nuage de mots individuel et/ou collectif. parfait à valeur d’irréel du passé montre, précisément,
L’objectif est d’éveiller la réflexion des élèves et de réactiver que le laxisme n’est pas de mise dans cette loi.
leurs connaissances. À la fin de l’activité, des typologies De manière plus approfondie, Mme Veil cherche, dans
de discours (politiques ou non), des visées différentes et son introduction, à évacuer implicitement toute accusa-
des lieux variés (institutionnels, programmés ou libres, tion d’immoralité de la future loi.
en espace public) se dessinent. On pourra commencer à c. La question rhétorique centrale a pour effet d’appeler
définir, avec la lecture du sommaire du chapitre, quel type les députés à la compassion et de leur rappeler que
de discours sera plutôt étudié. ce sont les femmes qui souffrent dans cette situation,
qu’elles affrontent seules une décision grave et qu’elles
sont passibles de sanctions pénales à un moment où
Lecture 1 Simone Veil p. 395-396 elles auraient besoin de protection et de conseil.
Cette question est rhétorique, car l’état même de la
législation – qui punit les femmes qui avortent – est en
▶ Activités p. 396
soi déjà la réponse à cette question : personne ne s’en
Découverte du texte soucie ; du moins, pas l’État.
1. Recherches a. Avant la loi Veil, la loi de 1920 était 5. a. Les trois objectifs sont énoncés explicitement dans
en vigueur : elle interdisait l’avortement et punissait de le paragraphe 2 : « faire une loi réellement applicable » ;
peines lourdes celles que l’on appelait les « faiseuses « faire une loi dissuasive » ; « faire une loi protectrice »
d’ange » ainsi que les gynécologues qui pratiquaient (l. 34-36).
les avortements clandestins. Depuis la loi Neuwirth de b. Ces objectifs prennent en compte la contradiction
1967, seule la contraception était autorisée en France. énoncée au préalable, car chacun d’eux illustre la finalité
b. Le climat dans lequel le débat autour de l’avortement du projet : légaliser mais aussi dissuader.
est mené est très polémique. Il puise une de ses origines c. • Argument pour l’objectif 1. La loi sera applicable à
dans le « Manifeste des 343 salopes », en 1971, puis dans condition que la décision d’avorter soit prise exclusive-
le procès de Bobigny, en 1972. Ces affaires alimentent ment par la femme (l. 64-69).
un débat houleux qui divise la société et la classe Remarque. On pourra également étudier la structure
politique françaises. Avant de parvenir au vote, puis à du paragraphe 4 en profondeur. On fera alors repérer la
la promulgation de la loi le 17 janvier 1975, il a fallu rigueur de la démonstration, qui procède en un raison-
un an de débats parlementaires mouvementés. Simone nement hypothético-déductif. Simone Veil rappelle les
Veil elle-même a fait l’objet d’attaques virulentes et deux hypothèses possibles, mais non retenues (en utili-
choquantes (des députés ont comparé l’avortement à un sant un parallélisme de construction rigoureux : « Si […]
crime nazi ou encore Simone Veil à une nazie). il est clair que », l. 41-45, « Si, au contraire […] il est clair
2. Le discours de Simone Veil, très solennel et argu- que », l. 47-51), pour ensuite réaffirmer l’objectif de la
menté, vise davantage à convaincre que persuader. loi (« Or », l. 58) et conclure par l’option choisie (à savoir
l’argument principal) : « C’est pourquoi… » (l. 64-65).
Analyse du texte • Argument pour l’objectif 2. Pour être dissuasive, la loi
3. Le projet de loi propose de légaliser l’avortement sans prévoit pour la femme deux consultations obligatoires,
pour autant « l’encourager », en lui laissant un caractère l’une avec un médecin, l’autre avec un organisme social. Un
exceptionnel. Pour Simone Veil, en effet, légaliser l’avor- délai de réflexion de huit jours est ensuite imposé.
tement ne signifie pas le banaliser. • Argument pour l’objectif 3. L’IVG doit être précoce,
4. a. Simone Veil justifie la légalisation de l’avortement c’est-à-dire intervenir avant la fin de la dixième semaine
par la volonté de mettre fin aux avortements clandes- de conception. Elle doit être pratiquée par un médecin et
tins et de permettre à l’État d’assumer ses responsabi- en milieu hospitalier.
lités devant cette injustice, en renonçant « à la voie de Remarque. L’emploi des connecteurs logiques, dans le
la facilité, celle qui aurait consisté à ne pas intervenir » paragraphe 6, est très facile à repérer pour les élèves
(l. 27-28). (plus facile que dans le paragraphe 4). Ce repérage met
b. Elle montre aux détracteurs que la loi ne cherche pas en valeur la rigueur de la construction de ce discours et
à banaliser l’avortement : « aucune femme ne recourt confirme la stratégie de conviction.
de gaieté de cœur à l’avortement. […] C’est toujours un d. Langue Les phrases sont globalement complexes par
drame et cela restera toujours un drame » (l. 10-13). subordination, ce qui permet à l’oratrice d’expliciter les
Elle répète donc ce qu’elle a souligné en introduction : le liens logiques entre les propositions. Simone Veil fait
projet de loi veut légaliser en contrôlant et dissuadant la preuve de beaucoup de pédagogie et prend le temps
femme d’avoir recours à un avortement (l. 15-17). d’expliquer chaque argument : elle recourt à une syntaxe
Simone Veil répond aussi à une éventuelle accusation qui développe et précise sa pensée. Cela confirme sa
de laxisme de la part de ses détracteurs : « C’eût été cela stratégie : convaincre.

225
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
6. a. Langue Dans le dernier paragraphe, le sujet des Lecture 2 Robert Badinter
verbes est d’abord le pronom personnel « je », qui renvoie
à Simone Veil, puis le pronom « nous », qui renvoie au p. 397-399
gouvernement, dont Simone Veil est ici la porte-parole.
b. Au début du discours ainsi que dans le deuxième ▶ Activités p. 399
paragraphe, Simone Veil s’implique personnellement.
Découverte du texte
Toutefois, cette implication reste relative. En effet, elle
ne se met pas en avant et rappelle à chaque fois qu’elle 1. Robert Badinter défend l’adoption de la loi qui abolit
parle au nom d’un collectif : les femmes dans le deu- la peine de mort.
xième paragraphe et le gouvernement dans le dernier. 2. Badinter s’adresse aux députés.
Elle cherche absolument à dépersonnaliser et à élargir le À la fin de son discours, il les nomme : « Législateurs
débat. Elle dépasse ainsi les attaques personnelles dont français » (l. 119-120).
elle a été victime et incarne sa mission de ministre avec Il emploie cette périphrase pour les renvoyer à la fonc-
solennité, gravité et dignité. tion de l’Assemblée nationale, qu’ils incarnent : voter les
c. La photographie de la page 395 la montre droite, les lois.
deux mains posées sur ses notes, le regard en avant. Il 3. Robert Badinter s’appuie sur trois valeurs essentielles :
émane d’elle une fermeté sans agressivité, une autorité la justice, la démocratie et l’humanisme.
naturelle qui la légitime dans son action, une certaine
4. Composition du discours
solennité.
a. Partie 1. Signification politique de la peine de mort
Expression écrite (elle signale le degré de démocratie d’un régime) : l. 1-24.
7. Vers la contraction L’objectif de ce résumé est de Partie 2. Problème moral qu’elle pose : l. 25-108.
montrer aux élèves que la clarté de la structure et de b. Conclusion du discours : dernier paragraphe.
l’argumentation de Simone Veil permet de résumer faci- c. Arguments de Badinter
lement cet extrait de discours. • La peine de mort est indigne d’une démocratie.
• Abolir la peine de mort est une décision morale.
Proposition de résumé du discours
• Abolir la peine de mort, c’est refuser une justice fondée
Simone Veil commence par énoncer la philosophie du
sur la vengeance.
projet de loi pour la légalisation de l’IVG : légaliser sans
• Abolir la peine de mort, c’est refuser une justice d’éli-
encourager ni banaliser. Elle rappelle alors que l’enjeu
mination au profit d’une justice fondée sur la raison et
est de mettre fin aux avortements clandestins et aux
l’humanité.
souffrances de centaines de milliers de femmes jetées
• Abolir la peine de mort, c’est reconnaître que la justice,
dans l’opprobre et la solitude. Ce préambule justifie les
comme les hommes, est faillible.
trois objectifs que le gouvernement s’est fixés pour rédi-
ger la loi : la rendre applicable, dissuasive et protectrice. Analyse du texte
Tout d’abord, la loi est facilement applicable parce que 5. a. L’argument principal est exprimé dans la dernière
toute femme, si elle le décide, peut avorter, et ce, quels phrase du paragraphe : l. 44-47.
que soient les cas de figure. La loi, ensuite, est dissuasive b. La prétérition commence au début du paragraphe :
car la femme ne pourra le faire qu’après avoir passé deux « Je ne ferai pas usage de l’argument d’autorité, car ce
entretiens, l’un avec un médecin, l’autre avec un orga- serait malvenu au Parlement et trop facile dans cette
nisme social, et avoir observé un délai de réflexion de enceinte » (l. 31-33).
huit jours. La loi, enfin, est protectrice car l’avortement c. Pour justifier son argument, Badinter cite l’exemple
sera pratiqué en milieu hospitalier, par un médecin des grandes autorités religieuses (« l’Église catholique
consentant et dans un délai maximal de dix semaines de France, le conseil de l’Église réformée et le rabbi-
de grossesse. Simone Veil conclut en justifiant la présen- nat », l. 35-37), ainsi que les associations internationales
tation de la philosophie du projet de loi et annonce la (« Amnesty international, l’Association internationale
discussion à venir sur ses détails d’application. des droits de l’homme, la Ligue des droits de l’homme »,
Expression orale l. 40-42).
8. L’objectif de ce travail est de permettre aux élèves d’ex- 6. L’expression la « loi du talion » renvoie à l’une des lois
pliciter le lien entre la posture physique de Simone Veil, les plus anciennes, qui définit une justice fondée sur la
en retrait, solennelle, digne, et la stratégie qu’elle adopte réciprocité du crime et de la peine. On la trouve dans les
pour dépersonnaliser le débat : convaincre. codes du royaume de Babylone, ainsi que chez Eschyle
Cette activité prépare à la compréhension de la notion ou dans le Pentateuque. Cette expression caractérise
d’ethos (implication de l’orateur) que l’on pourra intro- une justice à l’état archaïque, qui n’est plus tout à fait la
duire en fin de chapitre. vendetta (vengeance personnelle, état le moins avancé
de la justice) mais n’est pas encore une justice fondée
sur le recours à un juge impartial. La loi du talion est

226
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
généralement résumée par l’expression « œil pour œil, ▶ Lecture d’images p. 399
dent pour dent ».
Elle s’oppose donc à une justice fondée sur un droit 1. a. b. La une de L’Express a été publiée pour le numéro
désintéressé, impartial et raisonnable. du 25 novembre au 1er décembre 1974, soit la semaine
du discours de Simone Veil et du vote de la loi pour la
7. On trouve deux autres réfutations, l’une dans le para-
légalisation de l’IVG. La une de Libération est celle du
graphe 6, l’autre dans le paragraphe 7. Dans les deux cas,
17 septembre 1981, soit le jour du discours de Robert
Badinter explique d’abord l’argument des partisans de la
Badinter.
peine de mort, puis le réfute pour défendre sa concep-
Ce sont donc deux unes contemporaines des débats en
tion de la justice. L’explicitation de l’argument de l’ad-
cours à l’Assemblée, qui ont été publiées avant le résultat
versaire est développée dans le paragraphe 6 (l. 71-83) et
des votes.
dans le paragraphe 7 (l. 92-l.97). L’affirmation d’une autre
c. Recherche Libération est un quotidien ancré à
conception de la justice vient ensuite (l. 84 jusqu’à la fin
gauche. Sa ligne idéologique est socialiste. L’Express
du paragraphe 6 et l. 97 jusqu’à la fin du paragraphe 7).
est un hebdomadaire qui, jusqu’en 1971, revendiquait
Dans le paragraphe 6, l’argument amené est le refus
une ligne de centre gauche, anti-gaulliste. Depuis 1971,
d’une justice d’élimination au profit d’une justice fondée
il s’affirme au-dessus des partis et ne soutient aucune
sur la raison et une certaine conception de l’homme.
ligne idéologique précise. Il est toutefois plutôt libéral
Dans le paragraphe 7, l’argument de Badinter est celui
et europhile.
de la faillibilité de la justice.
2. • La une de L’Express a fait le choix de la sobriété :
8. a. Les expressions de Robert Badinter caractérisant
le portrait de Simone Veil, qui regarde l’objectif – et le
la justice défendue par les partisans de la peine de mort
lecteur. Elle esquisse un sourire pudique. La franchise
associent la peine de mort au crime, à la barbarie et à
et la clarté de son regard affirment sa personnalité. Un
l’inhumanité :
slogan très simple occupe l’oreille gauche de la une :
« tentation de l’élimination » (l. 73), « la peur » (l. 75),
« pour la loi Simone Veil ». Il est en lettres majuscules
« mis à mort par précaution » (l. 77), « justice d’élimi-
et caractères gras. Comme c’est souvent le cas pour
nation » (l. 80, 84), « la guillotine » (l. 81), « L’assassin
les oreilles journalistiques (qui accueillent aussi des
doit mourir » (l. 81-82), « justice d’angoisse et de mort »
emplacements publicitaires), ce titre renvoie à un article
(l. 84-85), « anti-justice » (l. 87), « elle est la passion et la
en page intérieure. Cette une prend explicitement parti
peur » (l. 87-88), « Ceux qui veulent une justice qui tue »
dans le débat sur la légalisation de l’IVG et affiche son
(l. 91-92).
soutien à la ministre.
b. La tonalité du discours, exprimée par les champs
Remarque. On pourra éventuellement faire travailler le
lexicaux, est polémique. Elle est renforcée par l’anaphore,
vocabulaire journalistique.
à la fin du paragraphe 6, de « nous la refusons » (l. 86).
• La une de Libération propose une organisation très
9. Deux anaphores concluent le discours : « Demain, différente. Sous la manchette, on retrouve un gros titre :
grâce à vous » (l. 110, 111) et « Demain » (l. 114, 118). « Peine de mort pour la guillotine », qui joue sur les
Elles emportent l’adhésion des destinataires en les proje- mots. Une photo de guillotine dans une cour de prison
tant dans le futur de manière positive. Badinter les rend illustre clairement le propos et souligne avec réalisme
acteurs du progrès. L’utilisation du futur simple, qui acte ce que signifie la peine de mort : guillotiner quelqu’un.
d’avance le vote, montre que Robert Badinter se place du Comme L’Express, le journal affiche son soutien à la loi
côté de la victoire et d’un vote en faveur de l’abolition. proposée par le ministre. En effet, en publiant une telle
Cela traduit sa confiance et sa fermeté et donne une une, surtout le jour même du vote de la loi à l’Assem-
grande force persuasive à son discours. blée, Libération s’exprime en faveur de l’abolition. On
Expression orale imagine donc que l’éditorial placé dans la sous-tribune
gauche vient confirmer ce parti pris. À la différence
10. L’implication personnelle de Robert Badinter est
de L’Express, Libération ne personnalise pas cette loi.
beaucoup plus démonstratrice que celle de Simone Veil :
Robert Badinter est cité dans l’éditorial, mais on ne
il met davantage de passion dans son discours. Son ton
parle pas de « loi Badinter ».
polémique s’oppose au ton solennel de Simone Veil.
Une comparaison des photographies des orateurs en 3. Faire le choix d’une photo en gros plan de Simone Veil
situation V p. 395 et 397 confirmera leur différence de pour soutenir la loi est aussi une manière de la soutenir,
positionnement : quand l’une s’appuie sur la conviction, elle, dans son combat pour la légalisation de l’avorte-
l’autre use de la persuasion. ment. L’Express soutient donc autant la ministre que la
On précisera que le contexte des deux débats était très loi. Qui plus est, cette une a des accents féministes, à
différent : Badinter savait le vote quasiment acquis. une époque où les femmes en politique étaient extrême-
Simone Veil a au contraire choisi un ton raisonnable ment rares. C’est une façon de répondre implicitement
pour sortir de la polémique qui entourait le débat. aux attaques antiféministes que Simone Veil a essuyées
pendant tout le débat. Peut-être le journal souhaite-t-il

227
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
ainsi rendre hommage au courage de Simone Veil et, 2. Affirmation de la thèse
au-delà, à celui de toutes les femmes qui se sont battues • « L’option de la guerre peut apparaître a priori comme
pour la légalisation de l’avortement. la plus rapide. Mais n’oublions pas qu’après avoir gagné
4. a. Le titre et la photo de Libération visent à choquer la guerre, il faut construire la paix. Et ne nous voilons pas
le lecteur en lui rappelant la réalité macabre de la guillo- la face : ce sera long et difficile. » (l. 8-11)
tine et donc de la peine de mort. Le panier, ajouté par le • « Personne ne peut donc affirmer aujourd’hui que le
montage à l’avant, renforce le réalisme (le panier est en chemin de la guerre sera plus court que celui des inspec-
effet censé recevoir la tête du condamné). tions. » (l. 20-22)
b. Le jeu de mots du titre accompagnant la photo gagne • « Une intervention militaire prématurée remettrait en
ainsi en efficacité. cause cette unité » (l. 34-36).
• « Une telle intervention militaire pourrait avoir des
5. Il n’y a pas de réponse véritablement « juste » à cette
conséquences incalculables » (l. 39-40).
question. L’objectif est que les élèves soient capables de
• « Une telle intervention ne risquerait-elle pas d’aggra-
justifier leur choix par un argument valable, issu des ana-
ver les fractures […] ? » (l. 59-61).
lyses précédentes.
Variété des procédés
6. Expression écrite La variété des procédés dans le discours repose sur une
L’objectif de ce travail est de solliciter la créativité des figure de style structurante : la répétition.
élèves et de leur apprendre à se familiariser avec des logi- • La répétition des termes :
ciels de traitement de texte. Il s’agit aussi de les mettre en « intervention/action (militaire) » (l. 34, 39, 59, 60), « la
situation de choisir des images, photos et titres capables guerre » (l. 8, 10, 21, 24), « vieux » (l. 69) ;
de frapper de potentiels lecteurs. La brièveté des titres • La répétition des tournures syntaxiques (utilisation
les fait en outre travailler le sens de la formule. récurrente du comparatif ou du superlatif ) :
« le plus sûr et le plus rapide » (l. 19), « plus court que »
(l. 21), « plus sûr, plus juste et plus stable » (l. 23-24) ;
• La polyptote :
« celle de combattre sans merci le terrorisme. Ce com-
Lecture 3 Dominique bat » (l. 44-45) ;
• Les anaphores :
de Villepin p. 400-401 « Personne ne peut donc affirmer » (l. 20), « Personne
ne peut affirmer non plus » (l. 22-23), « nous sommes
▶ Activités p. 401 les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens d’une
Découverte du texte conscience » (l. 63-65) ;
• La répétition des questions rhétoriques :
1. • Paragraphe 1. Dominique de Villepin présente les
Par ses nombreuses répétitions, Villepin martèle sa
problématiques que pose la situation en Irak à la com-
thèse. Elle devient un leitmotiv qui met en valeur les
munauté internationale, et donc les enjeux de sa prise
conséquences néfastes d’une guerre éventuelle. L’orateur
de parole : faut-il arrêter le processus de désarmement
resserre ainsi fortement le propos.
pacifique en Irak et entrer en guerre ?
• Paragraphe 2. Premier argument : les inspections de 3. l. 1-4 et 4-7. Ces deux questions posent l’enjeu du
l’ONU offrent une option efficace et pacifique pour discours qui va être prononcé : interroger la légitimité
désarmer l’Irak. des missions d’inspection de l’ONU en Irak.
• Paragraphe 3. Deuxième argument : le résultat de la Les autres questions sont des questions rhétoriques.
guerre étant incertain, il faut donner aux inspecteurs de l. 18-19. « Au bout du compte, ce choix-là n’est-il pas le
l’ONU le temps de finir leur mission en Irak. plus sûr et le plus rapide ? »
• Paragraphes 4 et 5. Troisième argument : une option l. 25-26. « Serait-ce notre seul recours face aux nombreux
militaire aurait des conséquences néfastes : fragilisation défis actuels ? »
de l’unité internationale, déstabilisation de la région. l. 59-62. « Une telle intervention ne risquerait-elle pas
• Paragraphe 6. Quatrième argument : le choix de la d’aggraver les fractures entre les sociétés, entre les
guerre ne permettrait même pas de lutter efficacement cultures, entre les peuples, fractures dont se nourrit le
contre le terrorisme, d’une part parce que nous n’avons terrorisme ? »
aucune preuve de liens entre Al-Qaida et le régime de Ces questions soulignent le bien-fondé des arguments
Saddam Hussein, et d’autre part parce que la guerre posés, qui apparaissent comme les seuls raisonnables et
aggraverait les fractures entre les peuples dont se nourrit durables. Ces questions rhétoriques ont donc une fonc-
le terrorisme. tion argumentative.
• Deux derniers paragraphes. Conclusion du discours 4. a. Villepin insiste sur l’idée de responsabilité, en
en appelant la communauté internationale à la respon- l’associant, d’une part, à « l’unité de la communauté
sabilité et à l’unité. internationale » (l. 31-34), à « tous les membres de la

228
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
communauté internationale » (77-78) et, d’autre part, Lecture 4 Malala Yousafzai
à l’obligation morale de la paix (« dans ce temple des
Nations unies, nous sommes les gardiens d’un idéal, […] p. 402-403
les gardiens d’une conscience », l. 63-68). L’idée de respon-
sabilité est ensuite amplifiée par la référence à l’Histoire Découverte du texte
et à la Seconde Guerre mondiale : Villepin fait resurgir 1. Malala Yousafzai s’adresse, dans ce discours, à la
le spectre de la barbarie (l. 69-72) et salue l’unité passée communauté internationale.
pour sauver l’Europe du chaos (l. 72-74). Ce détour par Elle parle au nom de « toutes les filles et les garçons »
le passé permet à l’orateur de se projeter vers un futur (l. 1-2), au nom de « ceux qui n’ont pas voix » (l. 4-5),
constructif et non destructeur. Enfin, l’expression « se « Ceux qui ont lutté pour leurs droits » (l. 6).
tenir debout » (l. 75) actualise et renforce cette idée de Elle prononce un tel discours parce qu’elle veut agir
responsabilité, puisqu’elle appelle la communauté inter- sur les décisions de la communauté internationale et
nationale à se montrer digne des valeurs qu’elle défend, défendre des droits universels, bafoués dans son pays.
à travers l’institution de l’ONU notamment. 2. L’objectif de son discours est un appel « à l’éducation
b. Dans le dernier paragraphe, l’expression « Fidèle à ses de chaque enfant » (l. 15) et aux « droits des femmes
valeurs » (l. 76) renvoie aux valeurs issues des Lumières et [à] l’éducation des filles » (l. 33). Elle les réaffirme
et de la Déclaration des droits de l’homme, mais aussi aux lignes 49, 52-54, 58-60, 64-65, 71-74, 79-80, 91-93,
de la construction européenne. Ce sont les valeurs d’uni- 95-96, 97.
versalisme, d’unité des peuples, de paix, de liberté et de
justice. Ce sont les valeurs sur lesquelles l’Europe s’est Analyse du texte
construite et qu’elle s’efforce d’incarner et de défendre. 3. Langue a. Elle change de pronom dans la deuxième
Terminer par cette expression est une manière pour partie du discours : au moment où elle lance son appel
Villepin de le rappeler afin de rassembler la communauté solennel et énumère ses demandes (l. 44).
internationale. La conclusion du discours résume ces Ce changement, du « je » au « nous », confirme sa volonté,
valeurs avec lyrisme dans l’expression « notre capacité à affirmée au début, de parler « pour que ceux qui n’ont pas
construire ensemble un monde meilleur » (l. 78-79). voix puissent être entendus » (l. 4-5) et d’universaliser son
5. Expression écrite propos.
L’objectif de cette activité est de travailler le paragraphe b. M. Yousafzai structure son discours du particulier au
argumenté. Elle prépare ou consolide le commentaire général : elle part d’elle (« Je », l. 1) et de la situation de
organisé. Les attentes sont donc les mêmes que celle son pays (l. 11-31), passe au « nous » (l. 44), pour fina-
d’un paragraphe de commentaire. lement inclure l’auditoire et l’ensemble des peuples :
Pour justifier leur propos, les élèves exploiteront leurs « nous sommes tous ensemble, unis pour la cause de
réponses aux questions des activités 1, 2 et 3. l’éducation » (l. 79-80).
Critères de réussite du paragraphe argumenté Les trois dernières phrases de son discours, qui n’utilisent
plus de pronom, achèvent de généraliser le propos : « Un
• Le paragraphe est clairement structuré. Il suit les cinq enfant, un enseignant, un stylo et un livre peuvent changer
étapes attendues. V p. 295, 545
le monde. L’éducation est la seule solution. Education
• Des mots de liaison jalonnent les étapes du
first » (l. 95-97). Le passage du déterminant indéfini
paragraphe.
• Les exemples sont correctement insérés : utilisation « un » au déterminant défini « le », plus généralisant,
d’un mot de liaison (« par exemple », « tel », « tel exprime l’ouverture à l’universel de manière significative.
que », « comme », « d’ailleurs »…) et syntaxe de la Mais, surtout, l’irruption de l’anglais, qui n’utilise pas de
phrase correcte. déterminant, supprime toute actualisation : le propos
• Le choix des exemples est pertinent et leur analyse gagne en abstraction. La généralisation est donc complète :
confirme l’idée principale du paragraphe. on ne parle plus que de la notion d’éducation, érigée en
• Des verbes de l’analyse littéraire sont utilisés : valeur. La brièveté de la dernière phrase, véritable slogan,
« construire », « exprimer », « convaincre », confirme d’ailleurs cette ouverture finale.
« structurer », « souligner », « révéler »…
4. a. Le discours est structuré sur la figure de la répéti-
tion, souvent anaphorique, doublée de parallélisme de
construction :
– « Chers frères et sœurs » (l. 11, 42, 71, 84), « Chers
amis » (l. 32)
– « je ne suis contre personne. Je ne suis pas non plus ici
pour […]. Je suis ici pour » (l. 11-15)
– « ont peur » (l. 19, 21, 30), « leur fait peur » (l. 21, 22)
– « c’est pourquoi » (l. 22, 24, 28)
– « nous appelons » (l. 44, 47, 52, 55, 58, 61, 68)

229
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
– « nous + verbe (voulons/allons/devons/sommes/nous Atelier Dissertation guidée
laisserons) » (l. 71-83)
– « nous ne devons pas oublier » (l. 84, 86, 88) p. 404-405
– « peuvent changer le monde » (l. 78, 96)
b. Les anaphores scandent le discours et lui donnent des ▶ Activités p. 405
allures de chant de combat.
Étape 1
5. M. Yousafzai donne aux mots le pouvoir de changer le
1. a. « Quand dire, c’est faire » : estimez-vous que les
monde et les mentalités : « La plume est plus puissante
textes argumentatifs ou les discours ont le pouvoir de
que l’épée » (l. 18-19), « nous allons changer les choses
changer le monde ?
par nos paroles. Nous devons croire en la puissance et la
Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur
force de nos mots. Nos mots peuvent changer le monde »
les textes étudiés dans le chapitre, sur vos lectures et vos
(l. 76-78), « nous prendrons en mains nos livres et nos
connaissances personnelles.
stylos. Ce sont nos armes les plus puissantes » (l. 93-94),
b. Le sujet pose une analogie entre dire et faire. Les
« Un enfant, un enseignant, un stylo et un livre peuvent
termes sont donc associés : dire un énoncé serait le faire.
changer le monde » (l. 95-96).
2. Le sujet nous propose de réfléchir à la capacité des
6. M. Yousafzai s’appuie sur les valeurs de l’égalité, de la
textes et discours argumentatifs à agir sur le monde, sur
liberté et de la paix pour toucher son auditoire :
le pouvoir des mots à faire changer les mentalités et
– « les droits des femmes » (l. 39)
générer des actions concrètes. Le sujet exprime même
– « À garantir la liberté et l’égalité pour les femmes afin
le fait que les énoncés peuvent être en eux-mêmes des
qu’elles puissent s’épanouir. Nous ne pouvons pas tout
actions, comme si les prononcer réalisait l’action.
réussir si la moitié d’entre nous sont tenus en arrière. »
(l. 64-67) Étape 2
– « objectif de paix et d’éducation pour tous » (l. 74) 3. a. Pour Barbara Cassin, un discours peut transformer
Elle s’appuie aussi sur la fraternité et la tolérance : notre vision du monde (quand on cherche à persuader
– « Chers frères et sœurs » (l. 11, 42, 71, 84), « Chers quelqu’un, l. 7-12) ou même transformer « directement »
amis » (l. 32) le monde (l. 17-18) ou la vision que nous en avons (l. 20-24).
– « Nous appelons toutes les communautés à faire Elle prend l’exemple de Karl Marx, qui a transformé
preuve de tolérance » (l. 61-62) notre perception du monde en concevant une nouvelle
– « nous nous laisserons protéger par l’unité et la solida- manière de penser la société : tout le monde aujourd’hui
rité » (l. 82-83) parle de « classe sociale » ou de « lutte des classes » par
Elle s’appuie enfin sur l’éducation comme droit universel : exemple, sans nécessairement savoir que ces expressions
V réponses aux questions des activités 2 et 3b, supra. appartiennent à la vision du monde marxiste.
Expression écrite b. À la dernière question de cette série, les élèves cite-
ront sans doute des discours célèbres (tels le « Yes we
7. Les objectifs de cette activité rejoignent ceux de la réa-
can » de Barak Obama, les discours de Mandela, l’appel
lisation d’une une V p. 399, avec une compétence supplé-
du 18 Juin de Charles de Gaulle, celui de l’abbé Pierre
mentaire : justifier son choix en un paragraphe argumenté.
à l’hiver 1954, etc.). Leurs choix viseraient donc des dis-
Critères de réussite de l’affiche
cours « qui ont marqué le monde de leur influence »,
• L’affiche est claire et lisible : la mise en page y contribue. comme le demande la consigne.
• L’affiche est agréable à regarder. Mais il serait intéressant de revenir avec eux sur la
• Elle est argumentative : elle défend le droit notion de « discours qui gagne », telle que Barbara
à l’éducation. Cassin la définit. Il apparaîtra alors que les discours qu’ils
• Les documents choisis illustrent le propos.
ont sans doute choisis n’appartiennent pas exactement
• Le slogan est en lien avec une citation du discours.
• Le slogan utilise une figure de style qui le rend à la catégorie définie par la philosophe. Ils relèvent du
percutant. « beau discours » qu’est « I have a dream » (l. 34-41). Un
• Le paragraphe argumentatif propose au moins trois « discours qui gagne », essentiellement philosophique,
arguments pertinents. impose une représentation de l’homme et du monde. On
• Le paragraphe argumentatif est clair et construit. peut développer à ce titre un exemple tel que le doute
• La syntaxe et l’orthographe sont correctes. cartésien, la morale du devoir kantienne, l’idéalisme
platonicien, ou même certaines visions du monde issues
8. Débat L’objectif de cette activité est d’élargir la
du discours religieux (des religions monothéistes, par
réflexion et de permettre aux élèves de mieux com-
exemple), l’hypothèse de l’état de nature de Hobbes et
prendre l’appel lancé par Malala Yousafzai.
de Rousseau (d’ailleurs inspirée de l’image de paradis ou
On pourra les faire travailler en petits groupes pour trou-
de l’âge d’or), les analyses sociologiques de Bourdieu…
ver au moins trois enjeux puis les partager avec la classe.

230
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
b. Pour Barbara Cassin, le discours de Martin Luther 2. Ils proposent une nouvelle vision du monde ;
King, « I have a dream », n’est pas un « discours qui $ Ex. Les discours de Malala Yousafzai ou de Greta
gagne » – c’est-à-dire un discours qui a imposé une vision Thunberg. Les discours de cette dernière ont amené des
nouvelle du monde –, car il reste des Américains racistes. jeunes de l’Europe entière à « faire grève » de l’école le
4. Propositions d’éléments de réponse vendredi.
• Les genres de l’argumentation poussent à l’action : $ Ex. Les « discours qui gagnent » tels que Barbarin Cas-
– parce qu’ils suscitent des émotions fortes et génèrent sin les définit.
des prises de conscience qui amènent l’auditoire à modi- 3. Ils emploient des arguments suffisamment convain-
fier ses comportements ou à prendre des décisions ; cants ou suscitent des émotions assez fortes pour que
– parce qu’ils influencent/peuvent influencer un vote leur destinataire modifie ses comportements.
(positivement ou négativement) ; $ Ex. Les discours de Simone Veil ou de Robert Badinter
– parce qu’ils utilisent des procédés qui ont une effica- ont eu pour conséquence de changer la loi et de faire
cité sur l’auditoire : ils sont construits pour ne pas laisser évoluer la société. Leur discours a « agi » sur les députés,
indifférents. qui ont « agi » à leur tour par leur vote.
• Les genres de l’argumentation ne suffisent pas car : Étape 4
– ils peuvent ne pas être pris en compte ;
8. Le travail préalable de recherche des idées ayant été
– ils ne touchent pas suffisamment de monde ;
réalisé collectivement, les critères de réussite portent
– les discours peuvent tomber dans l’oubli. Le genre de
davantage sur la forme de la dissertation et sur la perti-
l’oral est aussi un genre de l’instant : une fois le discours
nence des analyses d’exemple.
prononcé, l’émotion retombe, et on ne pense plus à ce
Critères de réussite de l’introduction
qui a été dit ;
et de la thèse rédigées
– un « beau discours » ne peut rien contre le désir de
ne pas changer ou contre des forces qui semblent supé- • Respect des étapes de l’introduction.
rieures : l’économie, l’intérêt personnel, la géopolitique… • Pertinence de la problématisation.
• D’autres genres peuvent pousser à l’action : • Structure du devoir claire et explicite : mots de liaison,
– la fiction, les genres de l’anticipation ; phrase assertive qui annonce l’axe, un paragraphe par
sous-partie.
– les apologues. Ils peuvent agir fortement sur le com-
• Structure des paragraphes en cinq étapes. V p. 295, 545
portement et même être un « discours qui gagne », selon
• Insertion grammaticale des exemples.
Barbara Cassin. • Analyse des exemples.
Remarque. On pourra même évoquer les paraboles dans • Correction de la langue.
le discours religieux.
• Certains genres argumentatifs n’ont pas pour objectif
de pousser à l’action. Ils visent à faire réfléchir, à dénoncer
les vices des hommes et de la société, à transmettre une
vision du monde (c’est le cas du discours philosophique, Atelier Écrire la péroraison
par exemple).
5. L’objectif de ce travail est de préparer le plan détaillé
d’un discours p. 406-407
et de clarifier la recherche effectuée au préalable. C’est
le moment où l’on commence à trier les idées, voire à les ▶ Activités p. 407
regrouper. Étape 1
Étape 3 1. Les cinq parties d’un discours rhétoriques sont :
6. La question du sujet est fermée. On pourra la nuancer : l’exorde, la narration, la confirmation, la réfutation, la
le verbe « estimez-vous » invite en effet à une réflexion péroraison. $ Fiche 9, p. 466
complexe qui appelle à développer la thèse puis à la dis- 2. La péroraison est la conclusion du discours.
cuter. V Plan dialectique, p. 538 Elle récapitule l’argumentation et cherche à émouvoir.
7. a. b. Propositions de sous-parties exemplifiées Elle a donc une fonction expressive et persuasive très
I. Les textes argumentatifs ou les discours ont le pou- importante.
voir de changer le monde car : 3. Pour atteindre son but, la péroraison doit à la fois :
1. Ils peuvent toucher des milliers, voire des millions, de – insister sur l’enjeu du propos ;
personnes ; – en appeler aux passions pour emporter l’adhésion de
$ Ex. L’appel du 18 juin 1940 de De Gaulle a lancé les l’auditoire ;
mouvements de résistance. Beaucoup ont rejoint l’Angle- – faire preuve de clarté dans la récapitulation de
terre ou les territoires d’outre-mer pour combattre. l’argumentation.

231
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
Étape 2 générations nous surprennent », l. 23), utilisation de
4. Procédés récurrents des trois orateurs l’impératif (« Sachons », l. 28). On peut voir ce « nous »
• Les énumérations qui créent des rythmes binaires ou rassembleur comme un « nous » de sagesse.
ternaires • Robert Badinter, comme S. Veil, utilise le « je » et
• Veil. « les trois cent mille avortements qui, chaque rappelle qu’il représente le gouvernement : « au nom du
année, mutilent les femmes de ce pays, qui bafouent Gouvernement » (l. 5-6).
nos lois et qui humilient ou traumatisent celles qui y ont Il s’adresse aux députés en un « vous » rassembleur qui
recours » (l. 11-14) ; mentionne la majorité comme l’opposition (l. 8-9). Une
• Badinter. « Les propos que j’ai tenus, les raisons que j’ai adresse aux députés termine le discours. La périphrase
avancées » (l. 1-2), « votre cœur, votre conscience » (l. 2), « Législateur français » (l. 26-27) renvoie les députés à
« tout dépend de votre volonté et de votre conscience » leur fonction première : voter les lois. Cette périphrase
(l. 6-7), « dans la majorité comme dans l’opposition » est efficace, car elle rassemble et responsabilise les dépu-
(l. 8-9) ; tés qui ont le sentiment d’accomplir véritablement leur
• Villepin. « les gardiens d’un idéal, […] les gardiens mission.
d’une conscience » (l. 1-3), « La lourde responsabilité et • Dominique de Villepin parle d’abord au nom d’un
l’immense honneur » (l. 3-4), « qui a connu les guerres, « nous » qui inclut l’ensemble de la communauté inter-
l’occupation, la barbarie » (l. 8), « qui n’oublie pas et qui nationale, représentée par les Nations unies (« nous
sait » (l. 9). sommes les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens
• Les anaphores d’une conscience », l. 1-3). Il parle ensuite au nom de la
• Veil. « personne ne peut éprouver […] : personne n’a France et de l’Europe (« c’est un vieux pays, la France,
jamais contesté » (l. 4, 7) ; d’un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous
• Badinter. « Je sais que » (l. 6, 8, 10), « Demain, grâce à le dit », l. 6-7) et n’utilise plus ensuite que la troisième
vous » (l. 16, 17), « Demain » (l. 20, 24) ; personne du singulier « il », qui reprend « vieux pays ».
• Villepin. « nous sommes les gardiens » (l. 1, 2), « Et c’est Villepin s’adresse à l’auditoire grâce au pronom « vous »,
un vieux pays […] qui […] Un pays qui » (l. 6, 9). employé deux fois (l. 7, 16).
• La référence à l’Histoire V activité 7, infra Son propos se veut donc extrêmement symbolique et
• La projection dans le futur solennel. L’orateur s’efface presque entièrement.
• Veil. Référence à l’avenir et à la jeunesse (l. 21-29) ; b. Chaque orateur noue avec son auditoire un rapport de
• Badinter. Utilisation de « demain » et du futur simple confiance et de responsabilité communes.
(l. 16-25) ; c. Chaque orateur cherche à dépasser l’implication per-
• Villepin. Clôture du discours sur l’idée de « construire sonnelle en montrant qu’il parle « au nom de », et non
ensemble un monde meilleur » (l. 15). en son nom propre. C’est une façon efficace de montrer
que les valeurs sur lesquelles il s’appuie sont communes,
5. • Simone Veil s’appuie sur une certaine idée de la
voire universelles. Chaque destinataire peut ainsi se
santé et de la justice (l. 10-14), sur « la tradition de tolé-
sentir concerné par les propos.
rance et de mesure » de la France (l. 19) et enfin sur le
respect suprême de la vie (l. 29). 7. La référence à l’histoire est très générale et large chez
• Robert Badinter se fonde sur une haute idée de la Simone Veil : « L’histoire nous montre que les grands
justice (une justice qui ne tue pas), sur la démocratie débats » (l. 15).
également, car le vote a été préféré à une autre façon de Robert Badinter se réfère à « notre histoire judiciaire »,
modifier la loi (l. 10-15) : le garde des Sceaux pouvait en pour insister sur le progrès que constitue l’abolition de la
effet la réformer. peine de mort : « ce moment essentiel de notre histoire
• Dominique de Villepin en appelle à la responsabilité, judiciaire » (l. 4-5). Il montre ainsi que ce vote est un
à l’honneur et à l’idéal d’un monde meilleur. Il s’appuie tournant capital.
aussi sur les valeurs de paix et d’universalisme portées Enfin, Villepin rappelle le passé sanglant de l’Europe,
par l’Europe. pendant la Seconde Guerre mondiale notamment. C’est
en effet elle qui resurgit derrière l’énumération « les
6. a. • Simone Veil utilise le « je » mais parle aussi d’elle-
guerres, l’occupation, la barbarie » (l. 8) et lorsqu’il rap-
même à la troisième personne, dans l’expression « le
pelle l’aide déterminante que la communauté interna-
ministre de la Santé » (l. 7-8). Elle rappelle qu’elle défend
tionale a apportée au moment de la Libération : « qui
une loi « au nom du gouvernement, sans arrière-pensée,
sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus
et avec toute [s]a conviction » (l. 2-4). Elle emploie aussi
d’Amérique et d’ailleurs » (l. 9-10). Le pluriel du mot
un « nous » collectif, généralisant, qui inclut l’ensemble
« guerres » (l. 8) élargit toutefois le propos à l’Histoire.
des députés (« nous ne pouvons plus fermer les yeux »,
l. 10, « L’histoire nous montre », l. 15), et, au-delà, toute 8. Cette question synthétise les précédentes. On attend
une génération, la sienne, appelée à dépasser ses pré- donc des élèves qu’ils remarquent que l’ouverture sur
jugés pour faire confiance à la jeunesse (« Les jeunes l’avenir passe aussi par un retour vers le passé qui nous
lègue les valeurs auxquelles se réfèrent les orateurs.

232
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
Étape 3 b. La parole […] est « le débat contradictoire, la discussion,
9. Critères de réussite du projet de loi l’argumentation. Elle suppose un public auquel elle s’adresse
On pourra demander aux élèves de défendre au moins comme à un juge qui décide en dernier ressort, à mains
deux ou trois arguments. levées, entre les deux partis qui lui sont présentés » (l. 9-12).
Jean-Pierre Vernant fait là allusion au fonctionnement
• Précision du projet de loi. Il ne s’agit pas de défendre une de l’Ecclesia.
cause large (l’écologie, par exemple), mais de penser à
c. Mettre le débat au centre de la vie politique favorise
une loi spécifique (interdire les pesticides, par exemple).
la démocratie, car cela permet de faire entendre les voix
• La péroraison récapitule l’argumentation : rappel de
l’enjeu, de la thèse principale et des arguments. divergentes et de choisir par un vote à la majorité. C’est
• Références à des valeurs. donc bien le peuple qui propose les décisions à prendre,
• Procédés attendus : anaphore, répétition, référence à les soumet au débat et finit par prendre la décision.
l’histoire, implication de l’orateur (« je » ou « nous »), Comme le précise Jean-Pierre Vernant, ce n’est plus le
adresse à l’auditoire, ouverture sur l’avenir. « rituel » (l. 8) qui prévaut.
• Correction de la syntaxe. 3. Recherches
Critères de réussite des deux textes
• Les textes sont brefs. Ils démontrent donc la capacité
Prolongement artistique de l’élève à choisir les informations et à les trier :
siècle, événements marquants de la vie politique et
et culturel Aux origines de la carrière des orateurs.
• Chaque texte présente un exemple d’affaire où
de l’éloquence p. 408-410 l’orateur s’est illustré.

Le prolongement artistique et culturel revient logique-


ment sur les origines de l’éloquence et sur les principaux
théoriciens de l’art oratoire : Aristote, Cicéron, Quintilien, Texte 10 L’éloquence
dont on pourra étudier trois extraits majeurs.
Nous proposons également, pour approfondir, un texte et la sagesse p. 409
de Jean-Pierre Vernant qui a fondé et inspiré la réflexion
menée dans ce chapitre. Nous espérons que cette étude ▶ Activités p. 409
sur la parole aux origines de la démocratie athénienne
1. Recherches
permettra aux élèves de saisir la nécessité majeure du
Sites de recherche possibles sur Cicéron
débat, notamment contradictoire, dans une démocratie,
V https://mythologica.fr/rome/bio/ciceron.htm
et de se repérer dans les débats parfois virulents qui
Pour les lecteurs plus en difficulté :
animent notre démocratie.
V https://fr.vikidia.org/wiki/Cic%C3%A9ron
2. Pour Cicéron, l’éloquence permet de « fonder des
villes, éteindre les guerres, établir des alliances durables,
Texte complémentaire 9 et serrer les nœuds d’une sainte amitié » (l. 7-9). Elle
assure à la cité la recherche de la paix et de l’équilibre.
La parole à l’origine Elle est un outil de la diplomatie.
de la démocratie p. 408 3. L’orateur doit associer la sagesse à l’éloquence : « la
sagesse sans l’éloquence est peu utile aux États, mais
▶ Activités p. 408 […] l’éloquence sans la sagesse n’est souvent que trop
funeste, et ne peut jamais être utile » (l. 10-12).
1. L’établissement de la polis s’est fondé sur « une
extraordinaire prééminence de la parole sur tous les
autres instruments du pouvoir » (l. 4-5).
2. a. La parole démocratique s’est particulièrement Texte 11
développée sur la colline de la Pnyx où se réunissait Utilité de la rhétorique p. 409
l’Ecclesia, l’assemblée des citoyens d’Athènes, qui prenait
les décisions importantes. Les institutions politiques,
démocratiques et économiques étaient d’ailleurs regrou-
▶ Activités p. 409

pées en un seul lieu à Athènes : l’Agora. Les citoyens s’y 1. Recherches


réunissaient ou s’y croisaient pour commercer, échanger, Sites de recherche possible
et même dispenser un enseignement philosophique. V http://classes.bnf.fr/dossitsm/b-aristo.htm
C’est un lieu essentiel dans la construction de la polis et Pour les lecteurs plus en difficulté :
la circulation de la parole. V https://www.les-philosophes.fr/auteur-aristote.html

233
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
2. Aristote définit la rhétorique comme « la faculté de On conseillera donc aux élèves d’employer des procédés,
considérer, pour chaque question, ce qui peut être propre vus dans le chapitre, propres à chacune des deux stratégies.
à persuader » (l. 6-7). Il le répète à la fin du paragraphe : Mise en œuvre de procédés vus dans le chapitre
« pouvoir considérer […] ce qui est propre à persuader »
(l. 13-14). • Organisation et structure claires de la préface.
• Utilisation de mots de liaison pour jalonner
Elle est utile car elle vise « le vrai et le juste » (l. 1) et
l’argumentation.
peut, dans le discours judiciaire notamment, aider les
• Clarté des idées et de leur explication.
juges à discerner pour tendre vers ces deux valeurs (§ 1). • Recours éventuel à la réfutation, au raisonnement
hypothético-déductif.
• Anaphores, répétitions.
• Questions rhétoriques.
Texte 12 La voix et le geste p. 410
• Analogies explicatives.
• Adresses au lecteur.
▶ Activités p. 410
• L’enjeu est aussi de mener un travail rigoureux, qui cite
1. Recherches les sources avec précision. On pourra aborder la notion
Pour la recherche sur Quintilien, les élèves auront plus de propriété intellectuelle.
de difficulté à trouver un site Internet. Wikipédia pro- • Enfin, comme pour la une et l’affiche proposées plus
pose un article plutôt accessible. On pourra aussi leur haut dans le chapitre V p. 399 et 403, la réalisation de
conseiller d’utiliser des ouvrages du CDI ou des manuels l’anthologie exerce les capacités à manier le traitement
de latin adaptés pour des lycéens. de texte avec aisance : insertion d’images, d’illustrations,
2. L’orateur ne doit pas nécessairement avoir une voix de titres, d’intertitres…
forte et puissante, selon Quintilien. Aucun des deux
adjectifs n’est d’ailleurs utilisé dans la longue énu-
mération initiale. Il précise en outre que la voix doit Synthèse p. 412-413
être « appropriée à l’ouïe, non pas tant à cause de son
volume » (l. 3-4), ce qui signifie qu’elle ne doit pas être ▶ À construire p. 412
nécessairement forte.
Étape 1
3. Quintilien insiste sur la capacité expressive du corps,
1. Simone Veil est claire et convaincante. Son ton est
qui peut transmettre et susciter des émotions. Il compare
ferme et solennel.
le corps à un langage muet, associe ce qu’il suscite
Robert Badinter est ferme. Son ton est polémique.
à l’effet que provoque « la peinture, œuvre muette et
Dominique de Villepin est responsable. Son ton est
immuable », qui « semble quelquefois plus expressive
solennel.
que la parole » (l. 16-20). Le corps confirme ce que dit la
Malala Yousafzai est fédératrice. Son ton est militant.
parole et lui donne de la crédibilité et de la légitimité :
« si le geste et le visage ne s’accordent pas à ce que nous 2. Les deux premiers discours (Veil et Badinter) parti-
disons […], nous ôtons à nos paroles non seulement cipent de manière évidente au fonctionnement de la
toute autorité, mais encore toute créance » (l. 21-30). démocratie puisqu’ils en sont une étape. En effet, quand
un ministre, au nom d’un gouvernement, propose une
loi, cette loi passe par les deux chambres du Parlement :
Sénat et Assemblée nationale. Vient alors le moment du
Lecture cursive Réaliser une vote à l’Assemblée nationale : le ministre qui a proposé
anthologie de discours p. 411 la loi la défend devant les parlementaires. Son discours
est donc l’étape qui précède le vote et arrive à la fin des
débats qui ont vu la loi évoluer dans sa rédaction.
▶ Activités p. 411
Le discours de Villepin participe de la démocratie parce
• Cette lecture cursive, outre les lectures en autonomie qu’il a été prononcé dans une institution internationale
qu’elle induit, travaille différentes compétences. qui fonctionne à la manière des démocraties, par le
• Les élèves devront établir une ligne éditoriale qu’ils débat contradictoire et la recherche du consensus. Si le
défendront dans la préface. Il s’agit donc aussi de réaliser refus de la guerre en Irak, exprimé par la France, n’a pas
un écrit d’appropriation spécifique. pu éviter le conflit, il a toutefois fait date dans l’histoire
On pourra faire déduire les critères de réussite de la de la diplomatie en montrant à la communauté interna-
rédaction de la préface à partir de l’encadré qui définit tionale que les décisions ne devaient pas être inféodées
les fonctions d’une préface V étape 4, p. 411 : à la puissance américaine, que le débat devait continuer,
– « susciter l’intérêt et la curiosité du lecteur » invite à les points de vue divergents s’exprimer.
adopter un ton et un style plutôt persuasifs ; Enfin, le discours de M. Yousafzai est une leçon de démo-
– « justifier les choix opérés » implique plutôt de convaincre. cratie et un appel à l’ouverture et à la liberté défendues

234
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
par la démocratie. La jeune fille s’adresse à l’ONU en – utilisation du verbe modal « nous devons » et de la
prônant les valeurs de la démocratie, alors qu’elle vient tonalité injonctive : « Nous ne sommes pas venus ici pour
d’un pays qui n’en est pas une. En rappelant que l’égalité supplier les dirigeants du monde de s’inquiéter. Vous nous
des femmes et l’accès à l’éducation sont loin d’être uni- avez ignorés par le passé, et vous nous ignorerez encore.
versels, elle souligne que ce sont des combats à mener à Nous sommes à court d’excuses et nous sommes à court
l’échelle mondiale. de temps. Nous sommes venus ici pour vous dire que c’est
l’heure du changement, que cela vous plaise ou non. »
Étape 2
b. Ce discours exhorte à l’action car il ne laisse pas le
3. Tableau de synthèse des textes choix. La jeune fille ne lance pas un appel, elle annonce
Convaincre Persuader un changement immédiat : « c’est l’heure du change-
ment que cela vous plaise ou non ».
Auteur • Veil • Malala Yousafzai
• Malala Yousafzai • Villepin c. Greta Thunberg adopte une posture ferme. Sa voix
• Villepin • Badinter est posée, ne tremble pas. Ses mains sont posées sur le
• Badinter pupitre et elle regarde souvent devant elle, même lors-
qu’elle accuse les gouvernants de ne rien faire. Elle fronce
Tonalité • didactique • lyrique
dominante • polémique aussi les sourcils pour signaler la gravité de son propos
et son implication personnelle. Elle ne cherche pas à être
Procédés • structure claire • anaphores particulièrement révérencieuse et ne semble pas intimi-
marquants • mots de liaison • questions
dée. Elle reste sobre dans son attitude et parfaitement
• raisonnements rhétoriques
claire : ses gestes et sa voix concordent avec ce qu’elle dit,
logiques : de • adresses à l’auditoire
cause à effet, • référence à l’Histoire comme le conseille Quintilien. V Texte 12, p. 410
hypothético- • personnification d. Débat L’objectif de cette activité est de permettre
déductif, (de la France, par aux élèves de synthétiser les connaissances qu’ils ont
successif, exemple) acquises et de faire apparaître les enjeux de l’éloquence
réfutatif • ouverture sur l’avenir dans le monde contemporain.
Il est important, dans ce type de travail, de montrer e. Critères de réussite de l’éditorial
aux élèves qu’un texte ne poursuit pas une seule mais • Structure claire.
plusieurs stratégies qui se complètent. L’objectif d’un tel • Arguments fondés sur des faits.
tableau est de clarifier les procédés. • Brièveté.
• Utilisation de procédés qui visent la persuasion.
Étape 3 • Style percutant.
Expression orale et écrite • Point de vue clair et affirmé.
4. L’objectif de cette question est de permettre aux élèves
de justifier une opinion et de fixer la mémorisation des
textes. Ce pourra être un moment d’échange intéressant
▶ Histoire des arts
avec les élèves. 6. Exposé
5. a. Greta Thunberg s’adresse aux chefs d’État et aux Critères de réussite de l’exposé
représentants des pays présents à la COP24. Plus large- • Exposé construit de manière logique (plan cohérent).
ment, elle s’adresse à la communauté internationale. • Informations exactes et intéressantes sur le
Son ton est polémique. réalisateur, les acteurs/actrices.
Elle accuse les gouvernants de ne rien faire afin de proté- • Résumé du film clair.
ger leurs intérêts personnels et leur confort. • Analyse pertinente de la séquence : réinvestissement
Elle avance la nécessité impérative de changer de mode des connaissances et du vocabulaire technique appris
de vie, voire de système. Elle avance l’argument de dans le chapitre.
• Aisance dans l’utilisation du support vidéo : mise en
l’équité et l’impossibilité d’agir autrement : il n’y a plus
route, arrêt sur image…
de choix possible.
• Présentation sans lecture des notes en regardant
Les procédés sont ceux de la polémique : le ton est accu- l’auditoire.
sateur dans le choix des mots comme dans la brièveté • Langage adapté, voix audible, maîtrise de soi,
des phrases. Elle se veut claire et ferme. adéquation posture/contenu.
– « parce que vous avez peur d’être impopulaires », • Apport personnel adéquat : réponses correctes aux
« les mêmes mauvaises idées », « Vous n’êtes pas assez questions éventuelles posées par la classe et/ou le
matures pour dire les choses telles qu’elles sont », professeur.
« Même ce fardeau, vous nous le laissez à nous, les • Respect du temps de parole.
enfants », « vous volez leur futur sous leurs yeux » ;
– opposition entre les « nous » et le « vous » très clivante ;
– anaphore de « nous sommes » ;

235
CHAPITRE 16 • Quand dire, c’est faire : les grands discours
3
Langue
et expression
FICHE 1 Syntaxe de la phrase

[Charles se réveillant en sursaut, se rappelait vite la


Exercices p. 417
jambe cassée] (proposition principale), [et il tâchait de
1 Comment s’étaient-ils rencontrés ? (phrase verbale se remettre en mémoire toutes les fractures] (deuxième
proposition principale coordonnée) [qu’il savait] (proposi-
simple) Par hasard, comme tout le monde. (phrase non
tion subordonnée). [La pluie ne tombait plus] (proposition
verbale) Comment s’appelaient-ils ? (phrase verbale simple)
indépendante) ; [le jour commençait à venir] (proposition
Que vous importe ? (phrase verbale simple) D’où venaient-
indépendante), et, [sur les branches des pommiers sans
ils ? (phrase verbale simple) Du lieu le plus prochain. (phrase
feuilles, des oiseaux se tenaient immobiles, hérissant
non verbale) Où allaient-ils ? (phrase verbale simple) Est-ce
leurs petites plumes au vent froid du matin] (proposition
que l’on sait où l’on va ? (phrase verbale complexe) Que
indépendante).
disaient-ils ? (phrase verbale simple) Le maître ne disait
rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout 4 Un sentiment triste amenait aux Tuileries une bril-
ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit lante et curieuse population. Chacun semblait deviner
là-haut. (phrase verbale complexe) l’avenir, et pressentait peut-être [que plus d’une fois
Remarque. « Est-ce que » est considéré comme une l’imagination aurait à retracer le tableau de cette scène]
locution interrogative. (subordonnée conjonctive), [quand ces temps héroïques
de la France contracteraient, comme aujourd’hui, des
2 1. 2. Un homme doux, bourru, méditatif, aux yeux teintes presque fabuleuses] (subordonnée conjonctive).
bleu pâle, bons et malicieux, cerclés de petites lunettes – Allons donc plus vite, mon père, disait la jeune fille
rondes. Avec une ample barbe grise, une épaisse tignasse avec un air de lutinerie en entraînant le vieillard. J’en-
blanche, aux longues mèches rebelles, qui lui tombent tends les tambours.
sur le front, et qu’à tout moment, d’un geste machinal, il – Ce sont les troupes [qui entrent aux Tuileries] (subor-
repousse en arrière. (phrase non verbale) Il te paraît inef- donnée relative), répondit-il. […]
fablement vieux les matins d’hiver, il prend sa chaise et À voir le mouvement [qu’elle imprimait à son bras droit]
vient s’installer près du poêle. (phrase verbale complexe) (subordonnée relative), vous eussiez dit [qu’elle s’en aidait
Aussitôt vous l’imitez, vous disposant en cercle, genoux pour courir] (subordonnée conjonctive). Sa petite main,
contre genoux. Le poêle ronfle, le bois qui brûle sent bien gantée, froissait impatiemment un mouchoir, et
bon, tu peux voir par la fenêtre les fines branches nues ressemblait à la rame d’une barque [qui fend les ondes]
des bouleaux osciller dans le vent, et tu t’abandonnes à (subordonnée relative).
cette quiétude, t’enivres du bien-être qui naît de cette
chaleur et cette intimité. (phrase verbale complexe) Il s’ex- 5 Le soir, Marie est venue me chercher et m’a
prime avec lenteur, d’une voix grave et basse, attentif à demandé [si je voulais me marier avec elle] (subordonnée
ce qu’il lit sur vos visages. (phrase verbale complexe) Tu interrogative). J’ai dit [que cela m’était égal] (subordonnée
l’écoutes avec une concentration si totale que ses paroles conjonctive) et [que nous pourrions le faire] (subordonnée
se gravent dans ta mémoire, et que la leçon qu’il fait, tu conjonctive) [si elle le voulait] (subordonnée conjonctive).
n’auras pas à l’apprendre. (phrase verbale complexe) Com- Elle a voulu savoir alors [si je l’aimais] (subordonnée inter-
bien tu aimes l’école ! (phrase verbale simple) rogative). J’ai répondu [comme je l’avais déjà fait une
Charles Juliet, Lambeaux (1995) © Gallimard. fois] (subordonnée conjonctive), [que cela ne signifiait rien]
Remarque. La première phrase est non-verbale, (subordonnée conjonctive) mais [que sans doute je ne l’ai-
puisqu’elle ne comporte pas de verbe principal. Cela ne mais pas] (subordonnée conjonctive). « Pourquoi m’épouser
l’empêche pas de comprendre deux subordonnées rela- alors ? » a-t-elle dit. Je lui ai expliqué [que cela n’avait
tives qui sont des expansions du nom. aucune importance] (subordonnée conjonctive) et [que [si
elle le désirait] (subordonnée conjonctive), nous pouvions
3 1. 2. [Vers quatre heures du matin, Charles, bien nous marier] (subordonnée conjonctive).
enveloppé dans son manteau, se mit en route pour les Albert Camus, L’Étranger (1942) © Gallimard.
Bertaux] (proposition indépendante, phrase simple). [Encore
endormi par la chaleur du sommeil, il se laissait bercer
au trot pacifique de sa bête] (proposition indépendante,
phrase simple). [Quand elle s’arrêtait d’elle-même devant
ces trous entourés d’épines [que l’on creuse au bord des
sillons] (proposition subordonnée)] (proposition subordonnée),

239
Partie 3 • Langue et expression
AT E L I E R 1

Construire des phrases correctes

• Proposition de phrase complétée :


Exercices p. 418-419
Célèbre poète du milieu du XIXe siècle, faisant paraître
son recueil des Fleurs du mal en 1857, Baudelaire a
▶ Ponctuer aussi écrit de nombreux sonnets.
1 Proposition de ponctuation • Proposition de phrase recomposée :
Célèbre poète du milieu du XIXe siècle, il fait paraître son
Les cloches
recueil des Fleurs du mal en 1857.
Mon beau tzigane, mon amant,
e. La phrase est incorrecte, car elle présente une proposi-
Écoute les cloches qui sonnent !
tion subordonnée sans proposition principale.
Nous nous aimions éperdument,
• Proposition de phrase complétée :
Croyant n’être vus de personne.
Comme le sonnet est une forme courte, dynamique et
Mais nous étions bien mal cachés. musicale, permettant au poète d’exprimer le mouve-
Toutes les cloches à la ronde ment de son âme, il connaît un succès immédiat chez
Nous ont vus du haut des clochers les poètes du XVIe siècle.
Et le disent à tout le monde. f. L’emploi de « car » au début d’une phrase est très
Demain, Cyprien et Henri, maladroit.
Marie, Ursule et Catherine, Il faut alors relier les deux phrases : Le sonnet a résisté au
La boulangère et son mari, temps, car on en trouve chez Rimbaud.
Et puis Gertrude, ma cousine,
4 Proposition de rédaction des notes
Souriront quand je passerai.
La scène 1 du premier acte de Tartuffe de Molière est
Je ne saurai plus où me mettre !
une scène d’exposition qui présente les personnages de la
Tu seras loin. Je pleurerai.
famille d’Orgon. Ainsi le spectateur découvre-t-il la mère
J’en mourrai peut-être…
d’Orgon (Madame Pernelle), sa femme (Elmire), son beau-
2 Textes ponctués frère (Cléante, figure de l’honnête homme), ses enfants
a. Combien de fois déjà n’étions-nous pas demeurés silen- (Damis et Marianne) et enfin Dorine, son insolente ser-
cieux, occupés à regarder un effet de soleil dans la prairie, vante. Sont absents de la scène les deux personnages prin-
des nuées dans un ciel gris, les collines vaporeuses, ou les cipaux : Orgon, le père de famille, et Tartuffe, son maître
tremblements de la lune dans les pierreries de la rivière, à penser. Ce dispositif est habile : il permet à Molière de
sans nous dire autre chose que : – La nuit est belle ! faire dire à chacun ce qu’il pense de Tartuffe et du maître
b. Quand le soleil se couche, on respire au bord des de maison et d’exposer ainsi le conflit familial.
golfes le parfum des citronniers ; puis, le soir, sur la ter-
rasse des villas, seuls et les doigts confondus, on regarde ▶ Écrire des phrases complexes
les étoiles en faisant des projets. 5 Propositions de corrections
a. Quand Les Fleurs du mal paraissent en 1857 (prop.
▶ Employer des phrases verbales conjonctive, CC de temps), Baudelaire doit faire face à un pro-
3 Phrases incorrectes corrigées cès pour outrage aux mœurs parce que certains poèmes
b. Cette phrase propose une longue apposition, qui choquent l’esprit du temps (prop. conjonctive, CC de cause).
n’est apposée à rien du tout. Elle est donc incorrecte car b. Alors que Victor Hugo est en exil à Guernesey (prop.
incomplète. conjonctive, CC de temps), il continue à faire publier des
• Proposition de phrase complétée : œuvres évoquant la situation politique.
Emprunté à Pétrarque qui se servait de cette forme c. Zola élabore une série de vingt romans afin qu’ils
courte et musicale pour chanter l’amour de Laure, il est représentent les différentes branches d’une famille sous
naturellement choisi par Ronsard pour chanter les le Second Empire (prop. conjonctive, CC de but). / Zola éla-
amours de Cassandre, Marie, puis Hélène. bore une série de vingt romans qui représentent les dif-
• Proposition de phrase recomposée : férentes branches d’une famille sous le Second Empire
Le sonnet est emprunté à Pétrarque, qui se servait de cette (prop. subordonnée relative).
forme courte et musicale pour chanter l’amour de Laure. d. Le romancier signe ses œuvres du nom de Stendhal
bien qu’il s’appelle Henri Beyle (prop. conjonctive, CC
d. Ici encore, la phrase amorce une apposition avant de
d’opposition).
s’interrompre : elle est donc incorrecte.

240
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 2

6 a. Dom Juan est une comédie de Molière dont c. Dans sa préface au Mariage de Figaro, Beaumarchais
fait partie la scène que nous allons étudier (proposition écrit qu’« il faut bien qu’[il se] cite, puisque c’est toujours
relative). [lui] qu’on attaque ».
b. Germinal est un roman de Zola qui évoque la vie des
mineurs dans le nord de la France au XIXe siècle (proposi- ▶ Écrire des phrases claires
tion relative).
et élégantes
c. La cour de François Ier apprécie les poèmes que
Clément Marot, alors en fuite en Italie, envoie à la cour 9 Propositions de réécriture des phrases maladroites
(proposition relative). a. Molière, qui va être victime d’un malaise sur scène,
d. Le champ lexical de la nature, dont les occurrences joue le rôle principal dans Le Malade imaginaire.
sont présentes tout au long du poème (proposition rela- b. Racine, auteur classique de tragédies au XVIIe siècle, a
tive), évoque le refuge solitaire du poète. écrit Phèdre, une réécriture d’une pièce écrite pendant
l’Antiquité.
7 a. Nous nous demanderons si cette exposition est c. Cet extrait de Germinal, roman naturaliste de Zola
originale. paru en 1885, se passe dans le Nord et met en scène
b. Nous nous demanderons comment Ronsard exprime des personnages de mineurs en employant un registre
la douleur dans ce sonnet élégiaque. réaliste très marqué.
c. Nous nous demanderons en quoi cet incipit est réussi.
d. Nous nous demanderons si la fonction de la descrip- 10 Critères de réussite du début de lettre
tion n’est que de planter le décor de l’action. • La situation d’énonciation épistolaire est respectée.
• Le rythme du texte est imité : alternance de courtes
8 a. Molière affirme dans la préface de Tartuffe qu’« [il
phrases simples et de phrases complexes.
a] employé pour cela deux actes entiers à préparer la • L’évocation utilise des notations descriptives courtes
venue de [son] scélérat ». et précises.
b. Zola annonça que « Les Rougon-Macquart [personni- • Elle fait appel aux sensations visuelles, tactiles,
fieraient] l’époque, l’Empire lui-même ». auditives, olfactives…
• La langue est correcte.

AT E L I E R 2

Jouer avec le rythme des phrases

2 1. Proposition de phrases
Exercices p. 420-421
Quel contraste saisissant ! Cette femme, seule face aux
soldats ! Une fleur face aux armes !
▶ Analyser la construction 2. Proposition de phrases
de phrase Cette célèbre photographie est composée de manière
1 a. Musset. Les phrases non verbales dominent, sou- à faire ressortir contrastes et tensions entre les figures
qui la composent. La femme, dans la partie droite de
vent associées à une ponctuation exclamative.
l’image, est associée au motif floral, qui évoque à la fois
Elles permettent l’expression du sentiment de tendresse
la nature, la douceur et la fragilité de la vie ; alors qu’en
nostalgique qui submerge le personnage.
face le groupe masculin des soldats armés et alignés
b. Proust. Les phrases verbales complexes dominent
offre l’image d’un mur menaçant. L’absence de profon-
l’extrait.
deur de champ met en opposition les deux éléments
Elles témoignent de la volonté du narrateur d’évoquer ce
nets du premier plan, que sont l’arme brandie et la fleur
moment du coucher le plus précisément possible en en
blanche tenue par des mains en prière. Cette photo
notant tous les aspects.
prise lors d’une manifestation, et représentant donc le
c. Céline. Les phrases verbales simples dominent l’extrait.
réel, parvient, par sa composition, à mettre en valeur des
Elles donnent, à l’oreille, le rendu d’une langue parlée et
éléments symboliques et devient ainsi un plaidoyer très
spontanée.
efficace pour la paix.

241
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 2

3 1. 2. On pourra donner comme modèle les trois 5 1. La structure de la phrase imite la vague de chahut
textes de l’exercice 1. des élèves : elle commence, enfle et s’éteint. C’est la mul-
L’objectif de cette activité est que les élèves perçoivent tiplication des propositions indépendantes, leur taille
l’effet stylistique de la construction des phrases dans un croissante puis décroissante qui produit cet effet.
texte. 2. On pourra citer la tirade sur la calomnie de Bazile
dans Le Barbier de Séville (II, 8) de Beaumarchais comme
▶ Travailler le rythme des phrases autre exemple.
4 1. Cette longue phrase complexe est composée Critères de réussite de la phrase
de cinq subordonnées conjonctives compléments cir- • Le texte imite la structure du texte de Flaubert :
constanciels de temps, introduites par la conjonction une longue série de propositions indépendantes
« quand » ou le « que » vicariant (qui la reprend sans la présentant un crescendo puis un decrescendo.
répéter), et d’une proposition principale associée à une • La structure de la phrase est correcte.
proposition indépendante coordonnée par la conjonc- • La phrase fait sens.
tion de coordination « et ». • L’orthographe est respectée.

Spleen
6 1. Le texte fait alterner :
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle – des phrases courtes et souvent non verbales qui expri-
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis, ment la course du temps ou les sentiments du narrateur ;
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle – et des phrases longues et complexes qui analysent ces
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits ; moments.
Quand la terre est changée en un cachot humide, 2. L’exercice propose à l’élève de glisser ses mots dans la
Où l’Espérance, comme une chauve-souris, structure syntaxique du texte proustien.
S’en va battant les murs de son aile timide Proposition de texte
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ; Bientôt midi. C’est l’instant où le lycéen qui a été obligé
Quand la pluie étalant ses immenses traînées de se lever tôt pour attraper son bus et n’a pu déjeu-
D’une vaste prison imite les barreaux, ner, tenaillé par la faim, se réjouit en apercevant sur la
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées pendule l’aiguille prête à marquer la fin de son calvaire.
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, Quel bonheur ! c’est déjà l’heure de la cantine ! Dans
Des cloches tout à coup sautent avec furie un moment, les aiguilles de la pendule se rejoindront et
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, la sonnerie retentira, il pourra enfin se sustenter. L’espé-
Ainsi que des esprits errants et sans patrie rance d’être soulagé lui donne du courage pour souffrir.
Qui se mettent à geindre opiniâtrement. Justement il a cru entendre la sonnerie ; les camarades
rangent leurs affairent et sortent de classe. C’est midi ;
La correspondance entre la syntaxe et les strophes crée on se dirige vers la salle de mathématiques ; le profes-
une anaphore (strictement une épanaphore, c’est-à-dire seur souriant les invite à entrer et il faudra attendre le
la répétition d’un mot et d’une structure syntaxique) qui deuxième service de cantine à souffrir sans remède.
structure les trois premiers quatrains grâce à la répétition Théo Proust, Du côté du réfectoire.
de la conjonction « quand ».

2. On pourra lire aux élèves le poème de Rudyard Kipling


« Si… », comme un autre modèle de ce type de structu-
ration du texte.
Critères de réussite du poème en prose
• Le texte – quoique en prose – imite la structure
du poème de Baudelaire : une longue phrase
composée de propositions subordonnées enchaînées
et de même structure syntaxique aboutissant à la
proposition principale.
• La structure de la phrase est correcte.
• La phrase fait sens.
• L’orthographe est respectée.

242
Partie 3 • Langue et expression
FICHE 2 La proposition subordonnée relative

fille comme avec le monde, une espèce de majesté rigide


Exercices p. 423
dont sa fille et le monde subissaient l’empire.
1 [...] vers sept heures du matin, le chat de Mme Vau- 2. 1. qui : sujet du verbe « surplombent ».
quer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire 2. dont : complément du nom « maigreur ».
le lait [que contiennent plusieurs jattes couvertes d’as- 3. que : COD du verbe « causent ».
siettes] (complète le nom « lait »), et fait entendre son rou- 4. qui : sujet du verbe « avait été ».
rou matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée de son 5. qu’ : COD du verbe « avait aimé ».
bonnet de tulle [sous lequel pend un tour de faux che- 6. dans lequel : CC de lieu du verbe « se fût admirée ».
veux mal mis] (complète le nom « bonnet »), elle marche en 7. qu’ : COD du verbe « ont ».
traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, 8. qu’ : COD du verbe « inspirait ».
grassouillette, [du milieu de laquelle sort un nez à bec 9. qu’ : COD du verbe « aimait ».
de perroquet] (complète le nom « face »), ses petites mains 10. dont : complément du nom « empire ».
potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son
3 • (l. 4-5) « qu’il ait changé de sentiment pour Done
corsage trop plein et [qui flotte] (complète le nom « cor-
Elvire »
sage ») sont en harmonie avec cette salle [où suinte le
à proposition subordonnée conjonctive, COD du verbe
malheur] (complète le nom « salle »), [où s’est blottie la spé-
« dis ».
culation] (complète le nom « salle »), et [dont Mme Vauquer
• (l. 6) « que, par son ordre, je partis avant lui »
respire l’air chaudement fétide sans en être écœurée]
à proposition subordonnée conjonctive, COD du verbe
(complète le nom « salle »). Sa figure fraîche comme une
« sais ».
première gelée d’automne, ses yeux ridés, [dont l’expres-
• (l. 8-11) « que tu vois en Don Juan, mon maître, le plus
sion passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer ren-
grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un
frognement de l’escompteur] (complète le nom « figure »),
chien, un diable, un Turc, un hérétique »
enfin toute sa personne explique la pension, comme la
à proposition subordonnée conjonctive, COD du verbe
pension implique la personne.
« apprends ».
2 1. Ombrée par les montagnes qui la surplombent, • (l. 11-12) « qui ne croit ni Ciel, ni saint, ni enfer, ni
cette bourgade encadrait très bien sa personne. À portrait loup-garou »
sombre, cadre sombre. La baronne de Ferjol, âgée d’un à proposition subordonnée relative, complément du
peu plus de quarante ans, était une grande brune maigre nom « hérétique ».
dont la maigreur semblait éclairée en dessous d’un feu • (l. 12-14) « qui passe cette vie en véritable bête brute,
secret, brûlant comme sous la cendre, dans la moelle de un pourceau d’Épicure, un vrai Sardanapale »
ses os… Belle, – les femmes disaient qu’elle l’avait été à proposition subordonnée relative, complément du
autrefois –, mais agréable, non ! – ajoutaient-elles avec le nom « hérétique ».
plaisir que leur causent, d’ordinaire, ces atténuations. Sa • (l. 14-15) « qui ferme l’oreille à toutes les remontrances »
beauté, qui n’avait été désagréable, du reste, aux autres à proposition subordonnée relative, complément du
femmes, que parce qu’elle avait été écrasante, elle l’avait nom « hérétique ».
enterrée avec l’homme qu’elle avait éperdument aimé ; • (l. 15) « qu’on peut lui faire »
et, lui disparu, cette coquette pour lui seul n’y pensa à proposition subordonnée relative, complément du
jamais plus. Il avait été l’unique miroir dans lequel elle nom « remontrances ».
se fût admirée. Et quand elle eut perdu cet homme – • (l. 17, « qu’il a épousé ta maîtresse »
pour elle, l’univers ! – elle reporta l’ardeur de ses senti- à proposition subordonnée conjonctive, COD du verbe
ments sur sa fille. Seulement, comme par l’effet d’une « dis ».
pudeur farouche qu’ont parfois ces natures ardentes, elle • (l. 18-19) « qu’avec elle il aurait encore épousé toi, son
n’avait pas toujours montré à son mari les sentiments chien et son chat »
par trop violents et par trop… turbulents qu’il lui ins- à proposition subordonnée conjonctive, COD du verbe
pirait, elle ne les montra pas davantage à cette enfant « crois ».
qu’elle aimait encore plus parce qu’elle était la fille de
son mari que parce qu’elle était la sienne, à elle – plus
épouse que mère jusque dans sa maternité ! Madame de
Ferjol avait, sans l’affecter et même sans le savoir, avec sa

243
Partie 3 • Langue et expression
AT E L I E R 3

Enrichir le groupe nominal

Exercices p. 424-425

▶ Utiliser différents moyens pour enrichir le groupe nominal


1 a. Les éléments qui enrichissent les noms soulignés précisent le portrait du colonel Chabert revenu à son état
initial d’homme respectable. Ils facilitent la comparaison avec celui que le lecteur connaît depuis le début du roman.
Nom Enrichissement du nom Fonction
cabriolet • « fort propre » • adjectif épithète
tête • « couverte d’une perruque appropriée à sa • groupe adjectival épithète construit autour
physionomie » du participe passé « couverte »
perruque • « appropriée à sa physionomie » • groupe adjectival épithète construit autour
du participe passé « appropriée »
drap • « bleu » • adjectif épithète
linge • « blanc » • adjectif épithète
sautoir • « rouge » • adjectif épithète
• « des grands officiers de la Légion d’honneur » • groupe nominal complément du nom
élégance • « ancienne » • « martiale » • adjectifs épithètes
figure • « grave et mystérieuse » • deux adjectifs coordonnés apposés
• « où se peignaient le bonheur et toutes ses espérances » • proposition subordonnée relative apposée
Chabert • « en vieux carrick » • groupe nominal complément du nom
hommes • « héroïques » • adjectif épithète
• « sur lesquels se reflète notre gloire • proposition subordonnée relative complément
nationale » du nom
• « qui la représentent comme un éclat de glace illuminé • proposition subordonnée relative complément
par le soleil semble en réfléchir tous les rayons » du nom
b. Les éléments qui enrichissent les noms soulignés compliquent volontairement la composition de la casquette de
Charles. Chaque enrichissement la rend encore plus invraisemblable.
Nom Enrichissement du nom Fonction
coiffures • « d’ordre composite » • groupe nominal complément du nom
• « où l’on retrouve des éléments du bonnet à poil, du • proposition subordonnée relative complément
chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du nom
du bonnet de coton »
éléments • « du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la • groupes nominaux compléments du nom
casquette de loutre et du bonnet de coton »
casquette • « de loutre » • groupe nominal complément du nom
bonnet • « de coton » • groupe nominal complément du nom
choses • « pauvres » • adjectif épithète
• « dont la laideur muette a des profondeurs • proposition subordonnée relative complément
d’expression comme le visage d’un imbécile » du nom
boudins • « circulaires » • adjectif épithète
bande • « rouge » • adjectif épithète
losanges • « de velours » • « de poils de lapin » • groupes nominaux compléments du nom
façon • « de sac » • groupe nominal complément du nom
• « qui se terminait par un polygone cartonné, couvert • proposition subordonnée relative complément
d’une broderie en soutache compliquée » du nom
• « d’où pendait, au bout d’un long cordon trop mince, • proposition subordonnée relative complément
un petit croisillon de fils d’or, en manière de gland » du nom
broderie • « en soutache compliquée » • groupe nominal complément du nom
croisillon • « petit » • adjectif épithète
• « de fils d’or » • « en manière de gland » • groupes nominaux compléments du nom

244
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 3

c. Les nombreux détails donnés sur la ville de Verrières permettent de renforcer l’aspect réaliste de la description et de
mieux comprendre les personnages qui vont y prendre place. En effet, il s’agit de l’incipit du roman.
Nom Enrichissement du nom Fonction
maisons • « blanches » • adjectif épithète
• « avec leurs toits pointus de tuiles rouges » • groupe nominal complément du nom
toits • « pointus » • adjectif (participe passé) épithète
• « de tuiles rouges » • groupe nominal complément du nom
pente • « d’une colline » • groupe nominal complément du nom
• « dont les touffes de vigoureux châtaigniers marquent • proposition subordonnée relative
les moindres sinuosités » complément du nom
fortifications • « bâties jadis par les Espagnols » • deux participes passés employés comme
• « maintenant ruinées » adjectifs apposés
montagne • « haute » • adjectif épithète
torrent • « qui se précipite de la montagne » • proposition subordonnée relative
complément du nom
industrie • « fort simple » • adjectif épithète
• « qui procure un certain bien-être à la majeure partie • proposition subordonnée relative
des habitants plus paysans que bourgeois » complément du nom
scies • « à bois » • complément du nom
• « qui ont enrichi cette petite ville » • proposition subordonnée relative
complément du nom
aisance • « générale » • adjectif épithète
• « qui, depuis la chute de Napoléon, a fait rebâtir les • proposition subordonnée relative
façades de presque toutes les maisons de Verrières » complément du nom

2 Critères de réussite de la description du tableau 4 1. Le mot « îles » est complété par :


– des propositions subordonnées relatives :
• Le propos est organisé : présentation rapide du
tableau (titre, peintre, date de réalisation, technique, « où l’on ne prendra jamais terre » (v. 3), « où l’on ne
format), remarques sur la composition, sur les lignes descendra jamais » (v. 4) ;
puis sur les couleurs, effet produit sur le spectateur. – des groupes adjectivaux (participes passés) épithètes :
• Chaque remarque s’appuie sur l’observation d’un effet « couvertes de végétations » (v. 5), « tapies comme des
pictural précis. jaguars » (v. 6) ;
• Chaque remarque aboutit à une interprétation sur – des adjectifs épithètes :
l’effet produit sur le spectateur. « muettes » (v. 7), « immobiles » (v. 8), « inoubliables »
• Les groupes nominaux sont enrichis à l’aide de (v. 9) ;
procédés variés. V p. 424 – un complément du nom :
• Le propos est correctement rédigé : syntaxe correcte,
« sans nom » (v. 9).
utilisation de connecteurs, vocabulaire précis V p. 522,
orthographe maîtrisée. 2. Critères de réussite du poème
• Utilisation d’enrichissements variés.
3 Proposition de texte enrichi • Anaphore de « forêt ».
Le portrait du colonel Chabert est très détaillé. Il contient • Phrase de conclusion exprimant le désir de rejoindre
des groupes variés qui le caractérisent. De nombreux la forêt.
adjectifs évoquent les couleurs qui se trouvent sur ses • Deux premiers vers sans enrichissements.
vêtements. La dernière phrase du texte se termine par • Cinq enrichissements du plus long au plus court, puis
de nombreuses propositions subordonnées relatives deux enrichissements de plus en plus longs.
• Emploi d’au moins une comparaison en lien avec la
qui le mettent en valeur. Ce portrait se fonde sur du
nature.
vocabulaire mélioratif qui contraste avec les portraits
précédents de ce personnage. À présent qu’il a retrouvé
l’image qu’il donnait de lui avant de partir à la guerre,
le colonel Chabert peut espérer retrouver une véritable
existence.

245
Partie 3 • Langue et expression
FICHE 3 Valeurs des temps et des modes

Exercices p. 427

1 • était (l. 1) : imparfait, état dans le passé (dans une le garder. Cela a donc empêché la réalisation de l’action
description)*. de la principale : Goriot ne peut plus avoir de vieillesse
• avait apparu (l. 1) : plus-que-parfait, temps composé sereine.
qui exprime l’antériorité. b. aura : futur de l’indicatif, exprime une action qui aura
• avait pris (l. 2) : plus-que-parfait, temps composé qui lieu de manière certaine, si l’action de la subordonnée se
exprime l’antériorité. réalise (exprimée elle aussi à l’indicatif ). C’est un potentiel.
• irait (l. 3) : présent du conditionnel, futur dans un 3. a. peut : présent de l’indicatif, inscrit l’action dans la
contexte passé. réalité. C’est une conséquence vérifiée par le lecteur.
• suis venue (l. 4) : passé composé, action accomplie. b. puisse : présent du subjonctif, n’inscrit pas l’action
• dit (l. 4) : passé simple, action principale du récit au passé. dans la réalité. Il se peut que le projet échoue auprès de
• ai apporté (l. 6) : passé composé, action accomplie. certains lecteurs.
• voulez (l. 8) : présent d’énonciation, action présente.
• êtes (l. 9) : présent d’énonciation, état présent (même 4 • regardait (l. 1) : imparfait, action qui se prolonge.
valeur temporelle que l’action présente). • était (l. 3) : imparfait, action secondaire.
• reprit (l. 9) : passé simple, action principale du récit au • avait arraché (l. 4-5) : plus-que-parfait, action accomplie.
passé. • eut (l. 5) : passé simple, action accomplie.
• direz (l. 12) : futur, action à venir. • se retira (l. 7) : passé simple, action accomplie.
• sortira (l. 12) : futur, action à venir. • acheta (l. 7) : passé simple, action accomplie.
* Erratum. Dans le tableau sur les valeurs temporelles V p. 426, il • devint (l. 8) : passé simple, action accomplie.
manque la valeur de l’état dans le passé, présente notamment dans • restèrent (l. 9) : passé simple, action accomplie.
la description. Cette omission sera corrigée lors d’une prochaine • avait essayé (l. 14-15) : plus-que-parfait, action accomplie.
édition. Il fallait lire, pour l’imparfait de l’indicatif : • se lançait (l. 16) : imparfait, action habituelle.
« • Il exprime une action dans un récit au passé ou un état (dans
une description au passé) : 5 a. analyses : présent du subjonctif, car il se trouve
Il cherchait son livre. Il était le maître de la maison. »
dans une proposition subordonnée qui exprime une
2 • est (v. 1) : indicatif (présent), inscrit l’action dans nécessité (« il faut »).
une réalité. b. reste : présent de l’indicatif, car il exprime une consé-
• sacrifierais (v. 2) : conditionnel (présent), exprime une quence (« de sorte que ») et inscrit donc l’action dans
action soumise à une condition, ici sous-entendue (si je une réalité.
le devais). c. identifies : présent du subjonctif, car il se trouve dans
• puissiez (v. 3) : subjonctif (présent), exprime un souhait. une proposition subordonnée qui exprime une volonté
• triomphent (v. 6) : indicatif (présent), inscrit l’action (« veut »).
dans une réalité. d. se ressemblent : présent de l’indicatif, car il exprime
• ait (v. 8) : subjonctif (présent), exprime une condition. une cause (« parce que ») et inscrit donc l’action dans
• allons (v. 9) : impératif (présent), exprime un ordre une réalité.
(davantage une suggestion, ici). e. rédiges : présent du subjonctif, car il se trouve dans
• se propose (v. 10) : indicatif (présent), inscrit l’action une proposition subordonnée qui exprime un sentiment
dans une réalité. (« préfère »).
f. appliques : présent du subjonctif, car il se trouve dans
3 1. a. saura : futur de l’indicatif, sous-entend que cette
une proposition subordonnée qui exprime une nécessité
femme existe, car l’indicatif ancre l’action dans la réalité.
(« il est important »).
b. sache : présent du subjonctif, sous-entend que cette
femme n’existe peut-être pas, car le subjonctif n’inscrit 6 La rivière était bordée par des grèves de sable. On
pas l’action dans la réalité. rencontrait des trains de bois qui se mettaient à ondu-
2. a. aurait eu : passé du conditionnel, exprime une ler sous le remous des vagues, ou bien, dans un bateau
supposition, car le conditionnel est le mode de l’action sans voiles, un homme assis pêchait ; puis les brumes
soumise à une condition. On a ici un irréel du passé. errantes se fondirent, le soleil parut, la colline qui
L’action de la subordonnée introduite par « si » n’a pas suivait à droite le cours de la Seine peu à peu s’abaissa,
eu lieu : Goriot a donné son argent à ses filles au lieu de et il en surgit une autre, plus proche, sur la rive opposée.

246
Partie 3 • Langue et expression
AT E L I E R 4

Maîtriser les temps du récit

4 Critères de réussite du complément de récit


Exercices p. 428-429
• Le texte est cohérent avec la nouvelle de Maupassant,
▶ Utiliser les temps du passé notamment concernant le cadre spatio-temporel et la
tonalité réaliste.
1 Reconstitution de la chronologie • Le texte développe la manière dont Mathilde obtient
1. (l. 2) s’embarqua : passé simple de l’indicatif. une belle tenue avec les quatre cents francs de son
2. (l. 9) a dit : passé composé de l’indicatif. mari. On n’attend pas que les élèves connaissant cette
3. (l. 17) venaient : imparfait de l’indicatif. nouvelle placent à cet endroit le prêt du bijou obtenu
4. (l. 16) arrivait : imparfait de l’indicatif. par Mathilde. Cet événement a lieu plus tard.
• La narration se fait aux temps du passé, correctement
5. (l. 18) sautèrent : passé simple de l’indicatif.
utilisés et conjugués.
6. (l. 20) fut : passé simple de l’indicatif.
• Le texte est rédigé soigneusement : syntaxe correcte,
7. (l. 11) pleurerai : futur de l’indicatif. orthographe maîtrisée, vocabulaire riche…
2 Nous avions passé tranquillement une partie de
la nuit. Je croyais ma chère maîtresse endormie et je 5 Verbes au conditionnel
n’osais pousser le moindre souffle, dans la crainte de • « aurait péri » (v. 3)
troubler son sommeil. Je m’aperçus dès le point du jour, • « aurais devancée » (v. 7 )
en touchant ses mains, qu’elle les avait froides et trem- • « aurais voulu » (v. 14)
blantes. Je les approchai de mon sein, pour les échauffer. • « se serait retrouvée ou perdue » (v. 16)
Elle sentit ce mouvement, et, faisant un effort pour sai- Ces verbes sont conjugués au conditionnel passé.
sir les miennes, elle me dit, d’une voix faible, qu’elle se Ils expriment une action qui aurait pu avoir lieu, au cas
croyait à sa dernière heure. Je ne pris d’abord ce discours où Hippolyte serait allé dans le labyrinthe à la place
que pour un langage ordinaire dans l’infortune, et je n’y de son père, Thésée. On retrouve la valeur temporelle
répondis que par les tendres consolations de l’amour. de l’action à venir dans le contexte passé, mais aussi la
Mais, ses soupirs fréquents, son silence à mes interro- valeur modale de l’irréel du passé.
gations, le serrement de ses mains, dans lesquelles elle Remarque. On trouve dans le texte plusieurs verbes
continuait de tenir les miennes, me firent connaître que conjugués au plus-que-parfait du subjonctif, dont la
la fin de ses malheurs approchait. valeur est la même que celle du conditionnel passé :
« eût armé » (v. 6 ), « eût inspiré » (v. 8), « eût enseigné »
3 Elle se souvenait de cette aventure comme si elle (v. 10), « eût coûtés » (v. 11), « eût rassuré » (v. 12).
était d’hier… Bien que les détails en fussent un peu
lestes et même horribles, elle voulait la conter… D’ail- 6 Valeurs des temps du récit
leurs, elle avertissait charitablement les personnes qui • était (l. 2) : imparfait, état dans le passé (dans une
la liraient que son intention, en écrivant ce journal, description).
était de n’employer aucune réticence, pas plus vis-à-vis • tremblait (l. 6) : imparfait, exprime une action habituelle.
d’elle-même que vis-à-vis des autres. Elle entendait y • quitta (l. 8) : passé simple, exprime une action princi-
mettre au contraire toute la franchise qui était en elle pale du récit.
et, quand il le faudrait, toute la brutalité qui était dans • se prit (l. 9) : passé simple, exprime une action princi-
la vie. Ce n’était pas de sa faute si les âmes, dont on pale du récit.
arrachait les voiles et qu’on montrait à nu, exhalaient • étaient (l. 17) : imparfait, exprime un état dans le passé.
une si forte odeur de pourriture. • respirait (l. 18) : imparfait, exprime une action habituelle.
• se voyait (l. 20) imparfait, exprime une action qui se
prolonge.
Remarque. « caractérise » (l. 15) est au présent de vérité
générale : ce n’est pas un temps du récit.

247
Partie 3 • Langue et expression
FICHE 4 La modalisation

• Les suppositions
Exercices p. 431
« on espérait que la version optimiste de la soirée…
1 1. Octave porte un jugement très positif sur la serait ratifiée » (l. 5-7)
« Mais il semble bien, maintenant, que tout espoir doive
femme qu’il décrit (Hyacinthe, une jeune fille pauvre).
être abandonné. » (l. 7-8)
2. Il transmet ce jugement par différents moyens. « Le nombre des victimes serait de 1 800 environ. » (l. 14)
• Le vocabulaire mélioratif : « brillait », « mille attraits » « Parmi les morts se trouveraient… » (l. 15-16)
(l. 8), « agréments » et « charmes », associés à la tournure $ Les suppositions sont exprimées au conditionnel. On
restrictive « ne… que » (l. 8-9) accentuant l’aspect mélio- trouve également un verbe exprimant une impression
ratif, « admirable » (l. 12), « une grâce touchante » (l. 17), (indicatif présent « il semble », suivi du subjonctif ) et
« belle » associé au superlatif « la plus » (l. 18). un verbe exprimant un sentiment (indicatif imparfait
• La figure de style méliorative : les hyperboles « mille « espérait », suivi du conditionnel). Certains adverbes
attraits » (l. 8) et « la plus belle du monde » (l. 18). renforcent l’incertitude (ex. « environ »).
• Le verbe exprimant une impression : « tu l’aurais trou-
vée » (l. 12). 4 Critères de réussite de l’article

2 Proposition de réécriture du texte • Respect du cadre spatio-temporel : en 1938, les


Elle portait toujours des gants de fil, ornait sa tête d’un observations de Mars sont loin d’être précises. La
modalisation doit donc être utilisée pour montrer
bonnet à rubans multicolores sans cesse incliné sur une
qu’on ne sait pas grand-chose sur les explosions.
oreille, et répétait, chaque fois qu’on la surprenait cirant,
• Respect de l’action donnée en consigne.
brossant, astiquant ou lessivant : « Je ne suis pas riche, • Utilisation pertinente de la modalisation : pour
chez moi tout est simple, mais la propreté c’est mon luxe, valoriser les techniques qui ont permis d’observer Mars,
et celui-là en vaut bien un autre. » […] mais aussi pour dévaloriser les créatures hideuses qui
Elle n’avait jamais été laide ; elle était encore jolie, de débarquent et exprimer les incertitudes concernant les
petite taille et menue. L’habileté de sa vêture avait tou- causes et les conséquences d’un tel phénomène.
jours fait apparaître ses remarquables attributs féminins • Respect de la forme de l’article : titre, introduction,
qui avaient su saillir avec art sous cet habillage bien paragraphes, intertitres, conclusion ; récit au passé
entendu. Ses jupes n’étaient jamais tournées d’un côté ; composé, niveau de langue courant, volonté de faire
et elle ne se grattait jamais, nulle part, par pudeur. Le seul sensation.
ornement qu’elle se permît consistait en un ensemble de Les élèves sont libres de caricaturer l’événement dans
rubans de soie entremêlés sur les simples bonnets qu’elle leur article, s’ils souhaitent tenir compte du fait que c’est
avait coutume de porter chez elle. un canular.
Pour modifier le jugement sur le personnage, il faut : Cette plaisanterie peut faire penser à certaines scènes
– utiliser des antonymes (« laide/jolie ») ; de Mars Attacks! (Tim Burton, 1996), film parodique sur
– transformer les termes péjoratifs en termes mélioratifs une invasion extraterrestre.
(« chaviré/incliné », « maigrelette/menue ») ;
5 Baudelaire évoque deux formes de critiques. Tout
– transformer les suppositions dévalorisantes en constats
d’abord, il parle d’une critique « amusante et poétique »,
valorisants (« qui auraient dû saillir/avaient su saillir »).
travail d’un « esprit intelligent et sensible », qui pourra
On peut conserver la condition du personnage, qui n’est
prendre la forme d’un « sonnet » ou d’une « élégie ».
pas forcément dévalorisante : une femme au foyer, qui a
Cette première forme de critique est valorisée par l’au-
peu d’argent et tient très bien sa maison.
teur grâce à de nombreux termes mélioratifs.
3 • Les certitudes Ensuite, il aborde une autre forme de critique, qualifiée
« c’est bien un horrible malheur… » (l. 3-4) de « froide et algébrique », n’éprouvant « ni haine ni
« Les dépêches sur la catastrophe parviennent en très amour », n’ayant aucune « espèce de tempérament ».
petit nombre » (l. 9-10) Cette seconde forme de critique est dévalorisée par les
« elles sont souvent contradictoires… » (l. 10-11) termes péjoratifs.
$ Les constats sont exprimés au présent de l’indicatif. On observe que, pour Baudelaire, la critique artistique
Aucune expression n’exprime le doute. Certains adverbes relève elle aussi d’une forme d’art. Elle met en jeu des
renforcent même la certitude (ex. « bien », « toujours »). sentiments, une réalisation artistique, comme un écho à
l’œuvre qu’elle commente.

248
Partie 3 • Langue et expression
AT E L I E R 5

Exprimer une opinion, un jugement

5 • Th. Gautier ne croit pas à l’avenir du train. Il uti-


Exercices p. 432-433
lise le champ lexical du jouet, qui le décrédibilise :
« une curiosité scientifique » (l. 4), « une espèce de
▶ Utiliser différents procédés joujou industriel » (l. 4-5). La locution restrictive « ne…
de modalisation que » ne permet pas d’avoir une opinion différente de
1 Critères de réussite du récit développé celle de l’auteur (l. 3-4). L’adverbe « si » devant l’adjec-
tif « énorme » renforce la démesure de l’investissement
• Le cadre spatio-temporel est précis et défini. (l. 24). L’énumération des lignes 17 à 22 renforce l’aspect
• Le cadre est jugé de manière méliorative ou démesuré et donc vain d’un tel chantier.
péjorative, grâce au vocabulaire et aux images. • Il banalise le train : « cette poésie du chemin de fer en
• L’infirmière est décrite physiquement et moralement.
vaudrait bien une autre » (l. 1-2).
• Le personnage est présenté de manière méliorative
• L’intérêt du gain de temps est remis en cause par la
ou péjorative, grâce au vocabulaire et aux images.
• L’action est cohérente avec la nouvelle : l’infirmière question rhétorique : « qu’importe, après tout, que l’on
n’a pas été arrêtée comme une folle dans la rue. ait une chose dans deux jours ou dans huit ? » (l. 24-26)
• L’action peut d’abord paraître incertaine, étant donné
6 Défense de la beauté de Paris
qu’elle ne sera pas confirmée par la suite.
« Paris est la ville sans rivale dans le monde » (l. 3),
2 Propositions d’arguments « ses quais admirables » (l. 5), « ses magnifiques prome-
Paragraphe au jugement positif nades » (l. 5-6), « les plus nobles monuments que le genre
• Les œuvres classiques constituent la culture générale humain ait enfantés » (l. 6-8), « L’âme de la France, créa-
(ex. Victor Hugo). trice de chefs-d’œuvre resplendit » (l. 8-9), « cette florai-
• Les classiques permettent d’apprécier le travail sur la son auguste de pierre » (l. 9), « rien qui soit comparable
langue française (ex. poèmes de Du Bellay). au nôtre » (l. 11-12), « de tous les coins de l’univers Paris
• Les classiques explorent l’âme humaine (ex. Bel-Ami, attire les curiosités et les admirations » (l. 12-14), « le
de Maupassant). Paris des gothiques sublimes » (l. 29-30), « le Paris de
Jean Goujon, de Germain Pilon, de Puget, de Rude, de
Paragraphe au jugement négatif
Barye » (l. 30-31), « Notre-Dame, la Sainte-Chapelle, la
• Les classiques abordent des problématiques datées (ex.
tour Saint-Jacques, le Louvre, le dôme des Invalides, l’Arc
La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette).
de triomphe » (l. 37-39), « frémissante encore du génie de
• Les classiques sont difficiles à comprendre car ils uti-
tant de siècles » (l. 43-44), « vous qui aimez tant Paris »,
lisent un langage vieilli ou très soutenu (ex. Rabelais).
« qui l’avez tant embelli » (l. 48), « qui tant de fois l’avez
• La lecture nécessite un effort, il vaut mieux voir une
protégé » (l. 49), « l’honneur de le défendre » (l. 51-52).
adaptation audiovisuelle (ex. Germinal, de Cl. Berri).
Mise en cause de la tour Eiffel
3 1. Image positive de la nature : « ensemble harmo- « profaner » (l. 14), « aux baroques, aux mercantiles ima-
nieux », « chef-d’œuvre immortel » (l. 8). ginations d’un constructeur de machines » (l. 16-17),
2. L’image qui est donnée de l’homme est péjorative. Il « s’enlaidir irréparablement et se déshonorer » (l. 18),
s’oppose à l’ordre parfait de la nature : « Bizarre, aveugle, « dont la commerciale Amérique elle-même ne voudrait
boursouflé de sciences et dégénéré » (l. 10-11), « l’igno- pas », « le déshonneur de Paris » (l. 20-21), « chacun s’en
rance la plus crasse » (l. 12), « despote » (l. 13). afflige profondément » (l. 22), « légitimement alarmée »
(l. 24), « cette horreur » (l. 26), « se moquer de nous »
4 Critères de réussite de l’article de presse
(l. 28-29), « le Paris de Monsieur Eiffel » (l. 32), « une tour
• Le cadre spatio-temporel est précis, défini et cohérent vertigineusement ridicule » (l. 35), « ainsi qu’une gigan-
avec l’affiche. tesque et noire cheminée d’usine » (l. 36-37), « écrasant
• L’événement est présenté de manière valorisante de sa masse barbare » (l. 37), « tous nos monuments
ou dévalorisante ou comme une catastrophe dont humiliés » (l. 39-40), « toutes nos architectures rapetis-
les causes ne sont pas sûres. Les trois versions ne se sées » (l. 40-41), « qui disparaîtront » (l. 41), « s’allonger
mélangent pas : le choix est clair et identifiable. comme une tache d’encre l’ombre odieuse de l’odieuse
• Le texte respecte la forme d’un article de presse : titre,
colonne de tôle boulonnée » (l. 44-46), « dévastations
introduction, paragraphes, intertitres, conclusion.
administratives » (l. 49-50), « vandalisme des entreprises
• Le récit est fait au passé composé et à l’imparfait.
• La syntaxe est correcte, l’orthographe maîtrisée, le industrielles » (l. 50-51), « cri d’alarme » (l. 52-53), « dés-
vocabulaire varié et précis. honorer Paris » (l. 54-55).

249
Partie 3 • Langue et expression
FICHE 5 Histoire et sens des mots

Exercices p. 435

1
Étymologie Définition Autres mots
a. anthropocène du grec anthrôpos, « être humain » période géologique influencée anthropologie,
et kainos, « nouveau » essentiellement par l’être humain misanthrope, holocène
b. misogyne du grec misein, « haïr » et qui méprise les femmes ou qui leur misandrie, misanthrope,
gunê, « femme » est hostile gynécologie
c. homologue du grec homos, « semblable » et celui ou celle qui a la même homosexuel, homogène,
logos, « rapport, proportion » fonction analogue
d. infanticide du latin infans, « enfant » et celui ou celle qui tue un/son enfant ; régicide, parricide,
caedere, « tuer » meurtre d’un/de son enfant insecticide, infantile
e. orthographe du grec orthos, « droit » et manière d’écrire correctement un orthophoniste,
graphein, « écrire » mot orthodontiste,
graphique, géographe
f. périscolaire du grec peri, « autour de » et du ce qui complète les activités périphérique, périmètre,
latin schola, « école » scolaires parascolaire
g. polycopié du grec polus, « nombreux » reproduction d’un texte, d’une image polymorphe, polygone
h. phytothérapie du grec phytón, « végétal » et soin par les plantes phytosanitaire,
therapeia, « traitement pour guérir » psychothérapie

2 Familles de mots • homme : humain, déshumaniser, homicide, hommage,


a. • accommoder : commode, accommodement, accom- surhomme, bonhomme, bonhomie, humanitaire, huma-
modant, accommodation, commodité… nisme, inhumain…
• atteindre : atteinte, atteignable… • image : imaginer, imagination, imagerie, imager, ima-
• bouger : bougeotte (si l’on remonte à l’étymon, le verbe gier, imaginaire…
est de la même famille que « bulle » ou « bouillir »). • littéraire : lettre, lettré, lettrine, illettré, littérature, litté-
• dire : redire, dédire, maudire, contredire, prédire, diction, ral, allitération, oblitérer…
dicter, dictionnaire, diseur, dictateur, dicton, bénédiction, • personne : personnel, personnification, personnaliser,
contradiction, malédiction, prédiction, redite, susdit… personnage, impersonnel, dépersonnaliser…
• libérer : libération, liberté, libérateur, librement, libertin, c. • civil : cité, citoyen, civisme, incivisme, incivilité, civi-
libertinage, libertaire, libre-pensée, libéral, libéralisme… lité, civique, civilisation, civiliser, civisme…
• mettre : démettre, remettre, admettre, permettre, com- • nouveau/nouvelle : nouveauté, renouveler, nouveau-né,
mettre, émettre, promettre, soumettre, transmettre, mise, nouvellement…
remise, entremise, admission, mission… • jaune : jaunâtre, jaunasse, jaunir…
• vider : vide, dévider, évider, vidange, vide-poches, • légal : illégal, légalité, légalement, légaliser…
vide-greniers, videur, vide-ordures… • lumineux/lumineuse : lumière, illuminé, luminosité,
• voir : vue, bévue, voici, voilà, entrevoir, prévoir, revoir, luminescent, allumer, allumette, enluminure, luminaire…
pouvoir, voyant, malvoyant, prévoyant, entrevue, vision, • mélancolique : mélancolie, mélancoliquement.
visage… • pertinente : impertinente, pertinence…
b. • arbre : arborescence, arboricole, arbuste, arbrisseau,
arborer… 3 Connotations
• art : artiste, artistique, artifice, artisan, article, articuler, • bleuâtre : adjectif à connotation négative (suffixe -âtre)
artillerie, beaux-arts… $ Le vieux mur était recouvert d’une tapisserie bleuâtre.
• enfant : enfance, infanticide, infantile, enfantin, enfan- • défaire : verbe neutre $ Elle défait sa valise.
ter, enfantement, enfantillage… • crevasse : nom neutre $ Les crevasses glaciaires sont
• femme : féminin, féministe, efféminer, femmelette, redoutées des alpinistes.
féminicide… • gentillet : adjectif à connotation négative (suffixe -et/-
• fleur : fleurir, déflorer, fleurer, effleurer, affleurer, fleu- ette) $ Ce garçon est gentillet mais timide.
rette, floraison, floral, Florence, florissant, fleuriste…

250
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 5

• excellentissime : adjectif à connotation méliorative supérieure à celle du tiers état, mais n’ont pas les privi-
(suffixe -issime) $ Ses résultats sont excellentissimes. lèges des nobles. Ils se sont enrichis grâce au commerce.
• vantard : adjectif à connotation négative (suffixe -ard) Au XIXe siècle, les bourgeois forment une classe puissante,
$ C’est un vantard, il prétend avoir battu tous les autres. présente dans le monde politique, financier, commercial.
• chauffard : nom à connotation négative (suffixe -ard) 3. • vertu : courage.
$ C’est un chauffard, il conduit beaucoup trop vite. • généreux : d’un naturel noble.
• prévisible : adjectif neutre $ C’était prévisible, il a fait Chimène veut piquer Rodrigue en évoquant ce qui
très chaud pendant tout l’été. pourrait passer pour un manque de courage face à don
4 Propositions d’adjectifs Sanche, mais le terme « généreux » montre son admira-
tion pour lui.
• amour : amoureux/ • main : manuel/manuelle
amoureuse • note : notable 6 Proposition de traduction
• colère : colérique, • rédaction : rédactionnel Alors est (Voici) venu le très gracieux mois
coléreux/coléreuse • société : social, sociétal De mai, le gai, où il y a (qui offre) tant de douceurs,
• diversité : divers/diverse Que ces (les) vergers, ces (les) buissons et ces (les) bois,
Remarque. Les propositions « noté » et « rédigé » ne Sont tout chargés de verdure et de fleurs,
conviennent pas : ce sont des participes passés qui, Et que toute chose se réjouit.
comme formes verbales impersonnelles, peuvent être Parmi ces (les) champs, tout fleurit et verdoie,
employés comme adjectifs, mais qui appartiennent à la Il n’est rien (personne) qui n’oublie (un moment) ses
classe du verbe. inquiétudes (soucis),
5 1. • honnête : au Par la douceur du joli mois de mai.
XXIe siècle, l’adjectif désigne ce
qui est « conforme à une norme morale socialement Les élèves peuvent s’aider de dictionnaires étymolo-
reconnue ». © Trésor de la langue française giques pour traduire cet extrait.
• Propositions de phrases • Mots disparus : « entroublier » (oublier partiellement).
Ce commerçant n’est pas honnête, il vend des contrefaçons. • Mots inchangés (même sens, orthographe altérée) :
Je note des efforts de rédaction et d’organisation dans ce « may » (« mai »), « esmay » (émoi, inquiétude), « doul-
devoir, c’est un travail honnête. çours » (« douceurs »), « vergiers » (« vergers »).
Sois honnête pour une fois : tu le trouves vraiment • Mots dont le sens a évolué : « gracieux » s’emploie
sympathique ? aujourd’hui pour les personnes, « toute riens » (« toutes
• « honnête » vient du latin honestus, « digne de consi- les choses » ; « rien » vient de rem, « chose » en latin).
dération, d’estime ». 7 Notes rédigées
Au XIe siècle, « honnête » signifie « honorable, juste ».
1. • je semble : je ressemble à.
Au XIIIe siècle, l’adjectif est employé pour qualifier
• décharné : sans chair.
quelqu’un de « courtois, civil ». Au XVIe siècle, l’hon-
• dénervé : sans énergie (sans nerf ).
nête homme est un « homme affable, de conversation
• démusclé : sans muscle.
agréable ». Enfin, au XVIIe siècle, l’honnête homme est
• dépulpé : sans pulpe, c’est-à-dire sans chair.
celui qui est honorable, digne de considération et d’es-
Dans ces quatre derniers mots relevés, le préfixe dé- est
time, juste, conforme à la morale et le beau (Cléante
privatif, marquant la déchéance physique du poète.
dans Le Tartuffe, Philinte dans Le Misanthrope).
• étoupé : bouché, obstrué. Le poète veut dire qu’il
2. • bourgeois : au XXIe siècle, le substantif évoque la devient aveugle avec l’âge.
classe de ceux qui ont de l’argent et du pouvoir, mais
2. • trait : à l’origine, action de tirer, puis, par extension,
il a pris une connotation péjorative et désigne des per-
projectile tiré. Ce sens a quasiment disparu en français
sonnes conservatrices.
moderne, sauf dans les expressions « chevaux de trait »
• Propositions de phrases
(chevaux qui tirent une charrette, une charrue…) et « trait
Les bourgeois de la ville de Nantes pratiquaient le com-
d’humour » (au sens d’une plaisanterie qu’on lance, tel un
merce maritime et la traite négrière.
projectile). Ce sens demeure dans un sens imagé : « tirer
La fille du marquis s’est mésalliée en épousant un bour-
un trait », le trait désignant ici la trace ou la ligne.
geois fils de drapier.
• plaisant : étymologiquement, ce qui est plaisant est ce
Elle vend des fraises en hiver aux bourgeois du
qui plaît (quelle que soit la raison). En français moderne,
16e arrondissement.
ce qui est plaisant amuse.
• Du latin burgensis, habitant d’un bourg (burgus).
• face : visage. En français moderne, le terme a une signi-
Au Moyen Âge, le terme désigne un habitant d’une ville
fication plus large et peut désigner le côté d’un objet.
(d’un bourg) qui jouit de certains privilèges. Sous l’An-
cien Régime, les bourgeois appartiennent à une classe

251
Partie 3 • Langue et expression
AT E L I E R 6

Enrichir son vocabulaire

4 1. Le texte repose :
Exercices p. 436-437
– sur l’homophonie des mots « encre » et « ancre » (du
bateau) ;
▶ Employer des synonymes – sur l’homophonie des mots « tache » et « tâche », le
et des antonymes premier désignant une marque laissée par une subs-
1 Propositions de synonymes tance salissante et le second un travail à accomplir ;
– sur la polysémie du mot « plume », désignant ici l’outil
• prononcé : dit, articulé, énoncé.
pour écrire, mais dont le sens originel (plume d’oiseau)
• regardait : contemplait, observait.
est évoqué par l’emploi du mot « déplumé » ;
• grand : colossal, gigantesque.
– sur la polysémie de l’expression « faire tache d’huile »
• fort : puissant, robuste.
qui, au sens propre, désigne une salissure due à l’huile, et,
• l’étonnait : la surprenait, stupéfiait.
au sens figuré, signifie « se propager ».
• pleines : rondes, rebondies.
• rouges : écarlates, vermillon. 2. Critères de réussite du texte

2 Mots français • Le texte joue sur la polysémie ou l’homonymie.


• La langue est correcte (syntaxe et orthographe).
• cool : agréable.
• un feed-back : un retour sur expérience.
5 Propositions de phrases
• c’est fun : c’est amusant, drôle.
• accolade
• un bon feeling : une bonne impression.
Au terme de leur entretien, les deux chefs d’État se sont
• un hobby : un passe-temps.
donné l’accolade.
• un leader : un meneur.
L’accolade est un signe graphique employé pour réunir
• un mail : un courriel.
deux idées écrites sur une feuille.
• un remake (pour un film) : une nouvelle version, une
• intelligence
reprise.
L’intelligence permet de progresser.
• un smiley : un émoticône.
Ils vivent en bonne intelligence.
• c’est super : c’est très bien, très agréable, c’est parfait, je
• soleil
suis enchanté(e)…
Le soleil m’éblouit.
Cette personne est le soleil de ma vie.
▶ Jouer avec la polysémie des mots • voie
3 1. Image Une nouvelle voie ferrée a été construite.
Le mot « histoire » a au moins trois significations. Dans La réussite consiste à bien choisir sa voie professionnelle.
son premier sens, l’histoire renvoie à la connaissance du • voix
passé de l’humanité et des sociétés humaines. Le mot Elle a une très belle voix.
signifie également récit de personnages et d’événements La candidate a été élue avec 55 % des voix.
réels ou fictifs. Dans un troisième sens, péjoratif, le mot • conduire
est employé pour parler de problèmes (« faire toute une Conduis ma voiture !
histoire »). La chef d’orchestre conduit les musiciens avec beaucoup
L’affiche reprend les trois acceptions du terme : de souplesse.
– l’immigration, en tant que fait historique, participe à • creuser
l’histoire de l’humanité ; En creusant dans le jardin, j’ai trouvé des pièces
– l’immigration, c’est aussi l’histoire individuelle de romaines !
chaque immigré ; Si tu creuses un peu la question, tu finiras par trouver
– mais elle peut être à l’origine de réactions xénophobes, une solution.
racistes. • élever
2. Critères de réussite de l’affiche On a élevé des monuments à la fin de chaque guerre.
Il faudrait élever le niveau des échanges.
• L’image (affiche ou publicité) est associée à une • large
source précise. Le bateau est trop large pour entrer dans le port.
• Le texte contient un jeu sur la polysémie d’un mot. Il a une large part de responsabilité dans la situation
• Le jeu de mots est explicité.
actuelle.

252
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 6

• pair 3. • encre
Il a été jugé par ses pairs (des personnes de même rang Sens propre : substance liquide teintée.
que lui). Sens figuré : bleu sombre, presque noir.
Il a travaillé au pair pendant un an à Berlin. Le complément du nom « d’encre » souligne le fait
qu’Étienne arrive à Montsou dans la nuit noire et ne
▶ La paronymie voit rien du paysage. Il ne peut que sentir et entendre le
vent, ce qui rend l’atmosphère inquiétante. Situées dans
6 a. Elle est affligée par le comportement de sa sœur.
la première phrase du roman, on ne peut s’empêcher de
Proposition : Il lui a infligé sa présence alors qu’elle ne voir dans « la plaine rase » et la mention de l’« encre »
voulait pas le voir ! une référence au travail d’écriture que Zola amorce dans
b. Il ne laisse pas affleurer ses émotions. ces lignes.
Proposition : Cet écran est très sensible, il suffit de • balayer
l’effleurer pour l’allumer. Sens propre : nettoyer avec un balai.
c. Ce texte n’a aucune cohérence. Sens figuré : parcourir un espace (comme le fait le balai).
Proposition : Il y a une grande cohésion dans ce groupe, Le participe passé met en valeur la violence du vent, idée
tous s’entendent bien. reprise par les « lanières du vent » (l. 20).
d. Il fait allusion à la décision du comité d’entreprise. • tacher
Proposition : Il a fait illusion au cours de l’entretien. Sens propre : salir en faisant une tache.
e. Il n’a pas recueilli l’adhésion attendue. Sens figurer : marquer.
Proposition : L’adhérence des pneus sur la route est Le verbe est utilisé à la forme négative : l’obscurité est
bonne. telle que les arbres sont invisibles.
f. Il a raillé celui qui n’a pas trouvé la réponse. • se dérouler
Proposition : Il a finalement rallié la cause de ses adver- Sens propre : se dévider.
saires en leur apportant son soutien. Sens figuré : se succéder.
g. Les deux lycéennes ont eu un différend au sujet de L’emploi du verbe « se dérouler » au sens figuré donne
l’exposé. l’impression qu’Étienne découvre l’interminable ligne
Proposition : Les deux textes sont différents de par leurs droite de route pavée au fur et à mesure qu’il avance
thèmes. dans l’obscurité.
h. Son irruption en classe a surpris tout le monde. • lanières
Proposition : L’éruption du volcan était prévisible. Sens propre : bande de cuir ou de tissus (lanière d’un
fouet). Tissage de crin servant à se frictionner.
▶ Comprendre un mot Zola emploie le terme au sens figuré dans une méta-
dans son contexte phore : le vent, par sa violence, écorche la peau des mains
d’Étienne ou la cingle tel un fouet.
7 1. chaloupe
• lever
Dès la première réplique, nous savons que les deux per-
Sens propre : mouvoir de bas en haut.
sonnages, Iphicrate et Arlequin, étaient dans un bateau
Sens figurer : le réveil, par extension l’aube.
qui a fait naufrage. Ils ont malgré tout réussi à arriver sur
Le jour est personnalisé, donnant ainsi l’impression
une île grâce à une chaloupe : un bateau de sauvetage
qu’Étienne n’a aucune prise sur les éléments naturels
qui se trouve sur les navires.
qui l’entourent.
2. commis
Les occurrences du mot « commis » indiquent qu’il s’agit
d’employés qui travaillent dans le magasin, puisque deux
d’entre eux arrangent des vêtements et un autre une
pièce de soie dans la vitrine.

253
Partie 3 • Langue et expression
AT E L I E R 7

Choisir le mot juste

4 1. On pourra proposer aux élèves des synonymes


Exercices p. 438-439
variant en intensité (joie, jubilation, exultation…). On
veillera à la cohérence du sentiment et de la situation.
▶ Chercher le mot juste 2. Propositions d’émoticônes
1 a. Pour Boileau, l’idée existe avant sa mise en mots. On peut renforcer la contrainte proposée aux élèves et
b. Pour Barthes, au contraire, l’idée, se construit progres- leur demander de choisir six émoticônes qui expriment
sivement, par le discours et sa mise en mots. la joie, la tristesse ou la colère. Ils devront alors décliner
ce sentiment avec au moins cinq mots différents.
▶ Classer les mots du lexique
pour se les approprier ▶ Varier le lexique et s’exprimer
2 1. • sentiment : « état affectif complexe, assez stable avec précision
et durable, composé d’éléments intellectuels, émotifs ou 5 1. Pléonasmes : ajouter en plus, un bref résumé,
moraux, et qui concerne soit le « moi » (orgueil, jalou- s’avérer exact, encore de nouveau.
sie…) soit autrui (amour, envie, haine…). » © Trésor de la 2. Propositions de phrases
langue française • Comme moi, elle agit avec beaucoup de précaution.
Ex. l’amour, la haine, la jalousie… • Victor Hugo est un poète engagé. Par exemple, dans son
• émotion : bouleversement qui rompt la tranquillité poème « Mélancholia », il dénonce le travail des enfants.
et se manifeste par des modifications physiologiques • La réponse est exacte, bravo !
parfois violentes. • Cette photographie de SDF est très choquante et on
Ex. la joie, la colère, la peur, la frayeur… remarque par ailleurs l’indifférence des passants qui ne
• La différence essentielle entre les deux termes est de s’arrêtent pas.
l’ordre de la durée : l’émotion est fugace, le sentiment est • C’est ainsi que les artistes dénoncent les injustices.
plus durable.
2. Critères de réussite du récit 6 Proposition de banque de mots
• avoir : détenir, disposer de, tenir, posséder, conquérir,
• Capacité à utiliser tout le champ sémantique du mot. acquérir…
• Capacité à employer des synonymes de ce mot.
• dire : affirmer, confier, dévoiler, exprimer, riposter, s’écrier,
• Description des causes et des manifestations du
répondre, nommer, prétendre, raconter, décrire, souhaiter…
sentiment ou de l’émotion.
• faire : agir, accomplir, exercer, édifier, construire, organi-
3 Erratum. La numérotation au sein de l’exercice est erronée ser, intenter, produire, créer, fabriquer…
dans l’édition actuelle. Elle sera corrigée dans une prochaine • être : sembler, paraître, devenir, s’avérer, constituer,
édition. exister…
1. a. Lexique du portrait : visage, attitude, allure, main- • mettre : poser, déposer, placer, introduire, ajouter, ins-
tien, concentrée, vêtements. taller, fixer…
Lexique des sentiments : sereine, calme, impassible. • un texte : un document, un libellé, une rédaction,
b. Lexique du travail : glaneuses, paysannes, harassant. un écrit, un énoncé…
Lexique des conséquences du travail : voûtées, fatiguées, • voir : apercevoir, percevoir, examiner, comprendre,
épuisées. trouver, comprendre…

2. Lexique de la révolte : injuste, injustice, affligeant, 7 Propositions de reformulations


inacceptable, scandaleux, inadmissible. a. Dans ce texte, on remarque le thème de la nature.
Lexique de l’empathie : sollicitude, compassion, pitié, b. On relève une allégorie dans la première strophe du
humanité, sensibilité, sympathie. poème.
Critères de réussite du texte engagé c. Dans cette scène se trouve un monologue du person-
nage principal.
• Prise de position et engagement du locuteur : « je »,
d. L’expression souligne la mélancolie du personnage.
« nous ».
e. Le lexique dans cet extrait met en valeur la beauté
• Contextualisation du propos.
• Dénonciation d’une injustice. du paysage.
• Lexique et ponctuation de la colère. f. Le poème révèle l’amour du poète.
• Interpellation éventuelle des lecteurs.

254
Partie 3 • Langue et expression
AT E L I E R 8

Maîtriser les règles d’accord

Exercices p. 446-447 ▶ Accorder le participe passé


dans un temps composé
▶ Accorder l’adjectif 4 • (l. 3) « blancs », « bleus », « verts »
1 Elle retrouvait les éternelles joies, les éternelles $ s’accordent au masculin pluriel avec « des blouses, des
jeunesses du grand air. Derrière elle, le soleil devait bais- vestes, des caracos, des corsages ».
ser ; elle ne voyait que les rayons de l’astre à son coucher • (l. 4) « orange », « hyacinthe »
jaunissant avec des douceurs infinies ce bout de ville $ ne s’accordent pas avec « des blouses, des vestes, des
qu’elle connaissait si bien. C’était comme une chanson caracos, des corsages », car ils sont invariables.
dernière du jour, un refrain de gaieté qui s’endormait • (l. 4) « crépues », « lisses »
lentement sur toutes choses. $ s’accordent au féminin pluriel avec « têtes ».
En bas, l’estacade avait des luisants de flammes fauves, • (l. 5) « fauves »
tandis que le pont de Constantine détachait la dentelle $ s’accorde au masculin pluriel avec « casques ».
noire de ses cordages de fer sur la blancheur de ses • (l. 5) « noires », « rousses »
piliers. Puis, à droite, les ombrages de la Halle aux vins $ s’accordent au féminin pluriel avec « tignasses ».
et du Jardin des Plantes faisaient une grande mare, aux • (l. 6) « châtain », « paille », « chanvre », « marron »
eaux stagnantes et moussues, dont la surface verdâtre $ ne s’accordent pas avec « chignons », car ils sont
allait se noyer dans les brumes du ciel. invariables.
• (l. 7) « fous », « anonymes »
2 $ s’accordent au masculin pluriel avec « visages ».
Adjectif ou • (l. 10) « toutes »
S’accorde avec… $ s’accorde au féminin pluriel avec « poitrines ».
participe passé
• (l. 11) « même »
attendue (l. 1) « elle » (féminin singulier)
$ s’accorde au masculin singulier avec « rythme ».
escortée (l. 2) « elle » (féminin singulier)
5
empesés (l. 3) « tritons » (masculin pluriel) Forme verbale Auxiliaire Temps
ouvrières (l. 5) « cités » (féminin pluriel) a. sont partis être passé composé
officiel (l. 9) « discours » (masculin singulier) b. ont fait avoir passé composé
zélé (l. 9) « organisateur » (masculin singulier) c. avaient préparé avoir plus-que-parfait
ennuyeux (l. 10) « organisateur » (masculin singulier) d. avaient été avoir plus-que-parfait
s’étaient reposés être plus-que-parfait
heureuse (l. 11) « elle » (féminin singulier)
e. seront arrivés être futur antérieur
humbles (l. 12) « citoyens » (masculin pluriel)
f. avons prévu avoir passé composé
aquatiques (l. 12-13) « citoyens » (masculin pluriel)
fringants (l. 13) « hippocampes » (masculin pluriel) 6 [… ] enfin jamais femme n’a tant été vue que moi.
Je souriais quelquefois d’entendre des gens qui n’étaient
3 presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre
eux : « Il faut avouer qu’elle a l’air bien persane. » Chose
Mot souligné S’accorde avec…
admirable ! Je trouvais de mes portraits partout ; je me
vastes (v. 2) « oiseaux » (masculin pluriel) voyais multipliée dans toutes les boutiques, sur toutes les
indolents (v. 3) « compagnons » (masculin pluriel) cheminées, tant on craignait de ne m’avoir pas assez vue.
amers (v. 4) « gouffres » (masculin pluriel) Tant d’honneurs ne laissent pas d’être à charge : je ne me
croyais pas une femme si curieuse et si rare ; et quoique
maladroits (v. 6) « rois » (masculin pluriel) j’aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais
honteux (v. 6) « rois » (masculin pluriel) imaginé que je dusse troubler le repos d’une grande ville
blanches (v. 7) « ailes » (féminin pluriel) où je n’étais point connue.
Remarque. L’adjectif qui suit la locution verbale « avoir
l’air » a deux accords, selon que l’on veut l’appliquer au
sujet ou à « air ». Le plus souvent, l’adjectif s’accorde avec
le sujet.

255
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 9

▶ Accorder le verbe avec son sujet f. Tout le monde n’est pas d’accord, mais cela alimente
le débat.
7 a. Elle va au cinéma demain matin.
b. Il devra résumer le film. 9
c. Nous sommes impatients d’y aller.
Forme verbale S’accorde avec le sujet…
d. Je crois qu’elle a déjà vu ce film.
e. Vous pourrez m’expliquer ce que je n’ai pas compris. viennent (v. 1) « les enfants de l’école »
f. Ils se connaissent bien, ce sera agréable de travailler
cueillent (v. 3) « ils »
ensemble.
sont (v. 3) « qui », mis pour « les colchiques »
8 a. Mes camarades et moi allons au cinéma demain
matin. sont (v. 4) « qui », mis pour « les colchiques »
b. Léa, Zoé et Sami trouvent que le film n’est pas assez
battent (v. 5) « qui », mis pour « tes paupières »
fidèle au texte.
c. Dans ce film à grand spectacle se retrouvent des battent (v. 5) « les fleurs »
acteurs très connus mais peu engagés.
chante (v. 6) « le gardien du troupeau »
d. Le décor, que le réalisateur a choisi dans des régions
minières, ne reflète pas la dure réalité du XIXe siècle. abandonnent (v. 7) « les vaches »
e. Chacun apporte son argument pour convaincre les
autres.

AT E L I E R 9

Maîtriser les homophones

3 a. On n’a pas assisté à une représentation théâtrale.


Exercices p. 448-449
b. On a fait le contrôle sans le livre.
c. On a retenu tous les éléments demandés.
▶ Avoir les bons réflexes d. On a écrit peu de paragraphes.
1 a. Je mets beaucoup d’énergie à progresser. e. On n’a pas atteint nos limites.
Tu mets beaucoup d’énergie à progresser. f. On n’a pas envie de tout arrêter.
b. Je tends à améliorer mes résultats : je m’en félicite.
4 a. Quelle chance ! Vous avez visité tous ces
Tu tends à améliorer tes résultats : tu t’en félicites.
monuments !
c. Je sens que cette méthode me convient.
b. Vous êtes même allés au Colisée.
Tu sens que cette méthode te convient.
c. Je me demande quel site vous avez préféré.
d. Il m’est facile maintenant de bien travailler.
d. Nous avons apprécié toutes les visites.
Il t’est facile maintenant de bien travailler.
e. Je me dis qu’elle aurait dû vous accompagner pour ne
e. Mes résultats sont à présent très satisfaisants.
pas tout organiser vous-mêmes.
Tes résultats sont à présent très satisfaisants.
f. Cependant nous avons vu tout ce que nous voulions.
f. Je me suis donné beaucoup de mal pour y parvenir.
Tu t’es donné beaucoup de mal pour y parvenir. 5 a. – Où diable étiez-vous ?
2 a. Ce matin, il tend une corde entre deux arbres. – Là où personne ne me cherche : à la bibliothèque !
b. Je vais de ci de là, là où le vent me porte.
b. Il met ses vêtements à sécher.
c. Je ne sais où niche la pie. Elle niche là dans le grand
c. Il sent la bonne odeur du linge propre.
hêtre, bien sûr !
d. Il s’en remet à la météo pour remplir cette mission.
d. J’ai oublié mes jumelles à l’hôtel. Me prêteriez-vous
e. Il s’est trompé : il a plu tout l’après-midi.
les vôtres ? J’aimerais observer les bouquetins là sur les
f. Il s’est préparé à relaver tout le linge.
cimes.

256
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 9

6 a. Je me mets à la fenêtre pour admirer mes rosiers. 11 a. Dramatique : « C’est la Mer Rouge quand il
b. Il sent sa présence sans pourtant la voir. [saigne ! »
c. Dès qu’il peut, il met un peu d’argent de côté. Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
d. Il est soulagé et peut se remettre au travail. Lyrique : « Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
e. Ses poèmes sont considérés comme le sommet de son Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? »
œuvre. Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu’on vous salue,
f. Elle a à cœur de réussir. C’est là ce qui s’appelle avoir pignon sur rue ! »
7 a. Pour valider mon examen, j’ai révisé tous les cours. b. J’ai dans mon cœur dont tout voile s’écarte,
b. J’ai observé les fiches et j’ai mémorisé les homo- Deux bancs d’ivoire, une table en cristal,
phones et leurs exceptions. Où sont assis, tenant chacun leur carte,
c. Pour mieux anticiper l’évaluation, j’ai recopié les Ton faux amour et mon amour loyal.
exceptions dans mon cahier. 12 a. • ses (v. 1) :
d. Mes camarades ont aussi adopté cette méthode. déterminant possessif, devant le nom « pieds ».
e. Bien décidés à réussir, nous avons essayé de faire • sais (v. 1) :
davantage d’entraînements. verbe « savoir » à la 1re personne du singulier.
f. Notre acharnement a donné les résultats espérés. • où (v. 1) :
8 a. Ce texte se compose de trois paragraphes. adverbe de lieu qui complète le verbe « sait ».
b. C’est un texte argumentatif du XIXe siècle. Son auteur • Ma (v. 5) :
s’est illustré dans de nombreuses polémiques. déterminant possessif, devant le nom « commère ».
c. Ses prises de position sont admirables au milieu de • son (v. 6) :
tous ces préjugés. déterminant possessif, devant le nom « compère ».
d. Il a failli être censuré à plusieurs reprises. • Tous (v. 8) :
e. Après la lettre où il s’oppose vigoureusement à la pronom indéfini, sujet du verbe « approchaient ».
peine de mort, la censure lui a proposé la prison ou l’exil. • à (v. 8) :
f. Il respecte ses opposants en leur laissant un droit de préposition devant l’infinitif « prendre ».
réponse. • ses (v. 11) :
g. Son œuvre est composée de divers textes qui sont très déterminant possessif, devant le nom « heures ».
souvent engagés. • ces (v. 14) :
h. Aujourd’hui il est reconnu et étudié dans les écoles. déterminant démonstratif, devant le nom « demeures ».
• mets (v. 15) :
9 Rica et Usbeck sont des voyageurs qui viennent nom commun, précédé de l’article défini « le ».
de Perse. Ce sont des héros du roman de Montesquieu, • à (v. 15) :
Lettres persanes. Ils ont laissé derrière eux leur pays et préposition qui entre dans la construction du verbe
leurs proches afin de visiter l’Europe. Ils ont observé « s’attendre à ».
les mœurs de la France et les ont critiquées dans de b. • On n’ (v. 1) :
nombreuses lettres qui sont restées célèbres. Parfois, pronom indéfini + négation « ne » qui est associée à
pour être plus discrets, ils se sont fait passer pour des « pas ».
Européens. Ainsi ils ont pu observer les coutumes et • aux (v. 3) :
surtout les défauts européens avec un regard extérieur. article défini contracté, devant le nom « lustres ».
• verts (v. 4) :
10 Dans ce poème, Amphitrite, qui est une divi-
adjectif qui s’accorde avec le nom « tilleuls ».
nité, est présentée comme une femme parisienne.
• bon (v. 5) :
Le poète a appliqué à ce personnage tous les défauts
adverbe qui complète le verbe « sentent ».
de ces femmes prétentieuses mais qui sont en même
• bons (v. 5) :
temps charmantes. On peut relever des termes comme
adjectif qui s’accorde avec le nom « soirs ».
« exprès » ou « sensation » qui montrent bien à quel
• doux (v. 6) :
point elles savent se mettre en scène. Face au regard des
adjectif qui s’accorde avec le sujet « air ».
autres, leur prétention passe pour de la coquetterie ou
• chargé (v. 7) :
pour un désir de séduire. On peut en conclure que le
participe passé employé comme adjectif, qui s’accorde
poète donne une image assez péjorative de la femme.
avec le nom « vent ».

257
Partie 3 • Langue et expression
AT E L I E R 10

Maîtriser les conjugaisons

Exercices p. 450-451

▶ Identifier la forme verbale pour bien conjuguer


1
Forme verbale Sujet Infinitif Mode verbal Temps verbal
a. chante (v. 1) « une rivière » chanter indicatif présent
Luit (v. 4) « le soleil, de la montagne fière » luire indicatif présent
mousse (v. 4) « qui », mis pour « un petit val » mousser indicatif présent
Dort (v. 7) « Un soldat jeune… cresson bleu » dormir indicatif présent
pleut (v. 8) « la lumière » pleuvoir indicatif présent
b. laissez (v. 1) – laisser impératif présent
fume (v. 1) « qui », mis pour « l’horizon » fumer
cache (v. 2) « l’horizon qui fume » cacher
rougit (v. 3) « l’astre géant » rougir indicatif présent
disparaît (v. 3) « l’astre géant » disparaître
dore (v. 4) « Le grand bois jaunissant » dorer
dirait (v. 5) « On » dire conditionnel présent
décline (v. 5) « l’automne » décliner indicatif présent
ont rouillé (v. 6) « Le soleil et la pluie » rouiller indicatif passé composé
fera (v. 7) « qui » faire indicatif futur
rêve (v. 8) « je » rêver
indicatif présent
s’amasse (v. 9) « l’ombre » s’amasser
« qui », mis pour « quelque ville
Déchire (v. 12) déchirer subjonctif présent
mauresque, éclatante, inouïe »
c. s’abandonne (v. 1) « Néron » s’abandonner indicatif présent
veniez (v. 2) « vous » venir subjonctif présent
veille (v. 4) « La mère de César » veiller subjonctif présent
retournez (v. 5) – retourner impératif présent
faut (v. 6) « il » falloir indicatif présent
occuperont (v. 8) « les chagrins qu’il me cause » occuper indicatif futur
ai prédit (v. 9) « j’ » prédire indicatif passé composé
s’est déclaré (v. 10) « Néron » se déclarer indicatif passé composé

2 a. Le laboureur et ses enfants prennent place dans 2. a. Dès que je fus hors de la forêt, je courus vers la
une fable de La Fontaine. première maison que je vis.
b. Le laboureur, qui est un père de famille, se confie à b. Je frappai à la porte : une vieille femme m’ouvrit.
ses enfants avant de mourir. c. Je fis tout ce que je pus pour la convaincre de m’héberger.
c. Les enfants, qui sont très tristes, écoutent leur père d. J’eus du mal à obtenir sa confiance.
attentivement. e. Je mis en avant le fait d’être seul et sans défense.
d. De sa bouche sortent des propos dictés par le bon sens.
e. Il leur recommande de bien travailler leur terre. 4 a. Dès que le soleil réapparut, je décidai de sortir
f. Chaque enfant se sent prêt à accomplir cette mission. mon hamac.
b. Comme prévu, je l’installerais au fond du jardin.
3 1. a. Dès qu’il fut hors de la forêt, il courut vers la c. Quand ma journée serait terminée, je pourrais m’y
première maison qu’il vit. reposer tranquillement.
b. Il frappa à la porte : une vieille femme lui ouvrit. d. Chaque soir je regardais ainsi le soleil décliner.
c. Il fit tout ce qu’il put pour la convaincre de l’héberger. e. Je profitais de cette douce période pendant plusieurs
d. Il eut du mal à obtenir sa confiance. mois.
e. Il mit en avant le fait d’être seul et sans défense. f. Quand l’été fut fini, je rentrai mon hamac.

258
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 11

5 a. Dès que l’épreuve commença, je fus prêt. Une odeur étrange, particulière, inexprimable, l’odeur
b. Je tenais ma feuille prête depuis plusieurs minutes. des salles de rédaction, flottait dans ce lieu. Je demeu-
c. J’observai autour de moi, mais ne vis aucun regard rais immobile, un peu intimidé, surpris surtout. De
amical. temps en temps des hommes passaient devant moi, en
d. Je me concentrai et fis de mon mieux. courant, entrés par une porte et partis par l’autre avant
e. À la fin de l’épreuve, j’irais voir mes amis. que j’eusse le temps de les regarder.
f. Je pourrais ainsi comparer avec eux ce que j’avais écrit.
9 Je lus longtemps, – longtemps ; – je contemplai reli-
6 a. Dans un devoir rédigé, vous devez analyser les gieusement, dévotement ; les heures s’envolèrent, rapides
citations du texte. et glorieuses, et le profond minuit arriva. La position du
b. Chaque élément relevé doit être interprété. candélabre me déplaisait, et, étendant la main avec dif-
c. Vous signalez vos citations par des guillemets. ficulté pour ne pas déranger mon valet assoupi, je plaçai
d. N’écrivez rien dans la marge pour ne pas gêner la l’objet de manière à jeter les rayons en plein sur le livre.
correction. Mais l’action produisit un effet absolument inattendu.
e. Les remarques doivent vous aider à progresser. Les rayons des nombreuses bougies (car il y en avait
f. Pour le prochain devoir, vous tiendrez compte de ce beaucoup) tombèrent alors sur une niche de la chambre
qui était indiqué. que l’une des colonnes du lit avait jusque-là couverte
d’une ombre profonde. J’aperçus dans une vive lumière
7 a. faudra : futur de l’indicatif. une peinture qui m’avait d’abord échappé.
b. serait : présent du conditionnel.
c. pourrions : présent du conditionnel. 10 « Qu’avez-vous ? Votre place n’est pas ici pour le
d. proposera : futur de l’indicatif. moment. Nous vous bénissons en vue d’une grande
e. aimerais : présent du conditionnel. tâche à accomplir dans le monde. Vous pérégrinerez
f. aurez : auxiliaire au futur de l’indicatif. longtemps. Vous devrez vous marier, il le faut. Vous
devrez tout supporter jusqu’à ce que vous reveniez. Il
8 J’entrai, montai un escalier luxueux et sale que y aura beaucoup à faire. Mais nous ne doutons pas de
toute la rue voyait, parvins dans une antichambre, dont vous, voilà pourquoi nous vous envoyons. […] Vous
les deux garçons de bureau saluèrent mon camarade, éprouverez une grande douleur et en même temps vous
puis m’arrêtai dans une sorte de salon d’attente, pous- serez heureux. Telle est votre vocation : chercher le bon-
siéreux et fripé, tendu de faux velours d’un vert pisseux, heur dans la douleur. Travaillez, travaillez sans cesse.
criblé de taches et rongé par endroits, comme si des sou- Rappelez-vous nos paroles ; nous nous entretiendrons
ris l’eussent grignoté. encore avec vous, mais nos jours et même nos heures
– Assieds-toi, dit Forestier, je reviens dans cinq minutes. sont comptés. »
Et il disparut par une des trois sorties qui donnaient
dans ce cabinet.

AT E L I E R 1 1

Maîtriser l’orthographe lexicale


2 a. tapis : mot invariable (singulier ou pluriel).
Exercices p. 452-453
b. souris : mot invariable (singulier ou pluriel).
c. nez : mot invariable (singulier ou pluriel).
▶ Maîtriser le pluriel d. riz : mot invariable (singulier ou pluriel).
1 a. mot $ mots h. clou $ clous e. feux : pluriel.
b. mal $ maux i. cinéma $ cinémas f. cheveux : pluriel.
c. bal $ bals g. fourmis : pluriel.
d. bail $ baux h. boueux : masculin singulier ou pluriel.
e. fatal $ fatals i. neveux : pluriel.
f. fanal $ fanaux j. flambeaux : pluriel.
g. chou $ choux

259
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 11

3 a. journaux, récitals, nationaux, normaux, scandales. Ma commère, il vous faut purger


b. éventails, chandails, émaux, attirails, mailles. Avec quatre grains d’ellébore.
c. cous, fous, poux, mous, flous. – Sage ou non, je parie encore.
d. feux, adieux, banlieues, vœux, pneus. Ainsi fut fait : et de tous deux
e. riz, nez, gaz, merguez, hertz. On mit près du but les enjeux :
f. étaux, landaus, préaux, noyaux, fabliaux. Savoir quoi, ce n’est pas l’affaire,
Ni de quel juge l’on convint.
4 a. Pour aller aux bals, elles n’ont pas de tenues
élégantes.
b. Elles se font prêter des bijoux par des amies.
▶ Choisir la bonne terminaison
c. Les pendentifs ont de très beaux motifs en coraux. 10 1. Dans cette nouvelle de Maupassant, le père qui
d. Elles choisissent des robes aux motifs bleus. est bourgeois, cherche à avoir un enfant.
e. Des cheveux blonds s’échappent de leurs nattes. 2. Elle demande à un fermier rustaud de lui confier un
f. Ses/Leurs chaussures ont des lacets en rubans. des siens.
g. Les dentelles ornent les jupons. 3. Elle adopte ainsi un petit garçon.
h. Les tenues sont proches des idéaux qu’elles avaient 4. La famille bourgeoise donne un apprentissage savant
imaginés. à l’enfant.
5. Quand il est devenu grand, le fils revient voir sa
5 Ces lacunes de culture, ces places vides de végé- famille à la campagne.
tation, ces têtes chauves pour ainsi dire, forment d’or- 6. Les autres garçons, jaloux, reprochent à leur mère de
dinaire un frappant contraste avec les terrains qui les ne pas les avoir donnés.
environnent. Elles sont à ces pays cultivés des oasis
arides, comme il y a dans les sables du désert des oasis 11 1. Verlaine a écrit un joli poème sur un bourgeois
de verdure. Elles jettent dans ces paysages frais, riants ventru.
et féconds, de soudaines interruptions de mélancolie, 2. Ines l’a appris l’année dernière.
des airs soucieux, des aspects sévères. 3. Le poète est parti de l’observation de la société du
XIXe siècle.

▶ Connaître les différentes manières 4. Il a subi de nombreux préjugés en tant qu’artiste.


5. Dans son texte, il a renversé cette situation.
d’écrire les sons
6 a. embonpoint 7 a. une élection 12 Quelques algébristes, gens toujours utiles au public,
b. absence b. un exercice prendront sur-le-champ la plume, et trouveront que,
c. déçu c. espérer puisque monsieur Micromégas, habitant du pays de
d. guerre d. une étiquette Sirius, a de la tête aux pieds vingt-quatre mille pas, qui
e. magazine e. après font cent vingt mille pieds de roi, et que nous autres,
f. néanmoins f. une trêve citoyens de la terre, nous n’avons guère que cinq pieds,
g. fanfare g. excellent et que notre globe a neuf mille lieues de tour, ils trou-
h. leçon h. un élève veront, dis-je, qu’il faut absolument que le globe qui l’a
i. vague i. une forêt produit ait au juste vingt et un millions six cent mille
j. langage j. parallèle fois plus de circonférence que notre petite terre. Rien
n’est plus simple et plus ordinaire dans la nature.
8 Baudelaire est un célèbre poète français du
XIXe siècle. Il a composé un recueil qui s’intitule Les 13 Il me semblait vraiment que quelques mois à peine
Fleurs du mal. Il explore de nouveaux thèmes pour que me séparaient de cette saison charmante sur le galet
le langage poétique évolue. Mais l’œuvre est très mal d’Étretat.
perçue. La censure l’emporte au tribunal et le recueil J’allais au printemps dernier dîner à Maisons-Laffitte,
doit être réédité avec d’autres textes. Cependant cet chez des amis.
ensemble de poèmes a aujourd’hui gagné ses lettres de Au moment où le train partait, une grosse dame monta
noblesse. dans mon wagon, escortée de quatre petites filles. Je
jetai à peine un coup d’œil sur cette mère poule très
9 Rien ne sert de courir ; il faut partir à point. large, très ronde, avec une face de pleine lune qu’enca-
Le Lièvre et la Tortue en sont un témoignage. drait un chapeau enrubanné.
Gageons, dit celle-ci, que vous n’atteindrez point Elle respirait fortement, essoufflée d’avoir marché vite.
Sitôt que moi ce but. – Sitôt ? Êtes-vous sage ?
Repartit l’animal léger.

260
Partie 3 • Langue et expression
FICHE 7 Brouillons d’écrivains

2 1. Les documents 1 et 4 ont la particularité de ne


Exercices p. 454-455
pas être rédigés. Ils montrent l’importance de la prise de
1 Ordre d’avancement des quatre brouillons notes, de la synthèse des idées.
Doc. 1 Le premier brouillon est celui de Romains, qui se 2. Ce type de brouillon a pour qualité principale d’être
présente sous forme de carte mentale. Il s’agit d’abord de très lisible. Les idées sont immédiatement accessibles
trouver des idées. car il n’y a pas besoin de lire des phrases rédigées.
Doc. 4 On peut ensuite placer le brouillon de Perec, qui
3 1. Le document 2 révèle qu’un grand auteur de lit-
commence à ordonner le matériau trouvé, en listant les
térature n’écrit pas son texte en une seule fois. Chaque
contraintes.
mot, chaque phrase sont pensés puis corrigés au besoin.
Doc. 2 Le brouillon de Flaubert montre une première
rédaction, même si elle a été modifiée et reprise. 2. Étant donné ses multiples corrections, cette page ne
Doc. 3 Enfin, le brouillon de Balzac porte sur des permet pas de connaître l’état définitif du texte. Avec le
épreuves. Il s’agit d’une première impression du texte, document 3, on comprend que, même lorsque le texte
destinée à être corrigée par l’auteur. On remarque que est imprimé, il n’est pas encore dans son état définitif.
Balzac fait de multiples corrections. Des témoins ayant 4 1. Le document 3 s’appuie sur une version rédigée et
connu Balzac, comme Édouard Ourliac, rapportent
imprimée du texte.
qu’il pouvait proposer cette quantité de corrections, sur
épreuves jusqu’à quinze fois sur la même page. 2. Cette page révèle que Balzac a envoyé à l’impression
On peut en conclure que le texte littéraire ne naît pas un texte dont il n’était pas totalement satisfait. Elle
immédiatement formé. Il est le résultat de plusieurs montre également le travail intense qu’il s’imposait pour
étapes de travail, de la recherche d’idées à l’impression exprimer au mieux ce qu’il pensait.
du texte. 5 1. document 3. 3. document 2.
2. document 4. 4. document 1.

AT E L I E R 12

Préparer son travail au brouillon


2. – avantages de l’argumentation indirecte
Exercices p. 456-457
$ simplicité à comprendre
$ texte distrayant (personnages + histoire)
▶ Utiliser différents moyens – ses inconvénients
pour synthétiser ses idées $ on ne s’attache qu’à l’histoire
1 a. Brouillon d’un essai (sujet : L’art peut-il nous don- $ on ne saisit pas les nuances de la réflexion
ner des leçons ?). 3. Lien œuvre/adaptat° = fidélité de l’adaptat° + attentes
b. Brouillon d’une dissertation (sur les fonctions de la du lecteur satisfaites
poésie). Adaptat° $ percept° différente de l’œuvre (= parfois +
c. Brouillon d’un commentaire (texte extrait de Pauline explicite)
V p. 154).
3 Proposition de notes
2 Propositions de notes théâtre = art de l’illusion
1. – l’aspect officiel du texte cadre spatio-temporel = représentation ≠ réalité
– son aspect ironique ex. Barbier de Séville, didasc = rue de Séville (= lieu de
l’action + chx metteur en scène stylisé ou réaliste)

261
Partie 3 • Langue et expression
AT E L I E R 13

Relire et corriger

prisonnière au palais. Mais cette satisfaction est de


Exercices p. 458-459
courte durée. Elle se transforme rapidement en douleur,
comme le montrent ces exemples : « la douleur qui m’ac-
▶ Relire efficacement son travail : cable », « louer l’ennemi dont je suis opprimé », « vous
effectuer plusieurs relectures serais-je odieux ? », « le trouble où vous jetez mon âme ».
1 Proposition de corrigé Britannicus ignore que Néron l’observe, c’est pourquoi
il se laisse aller à se confier à Junie de manière aussi
Ronsard (1524-1585) est un poète français du mouve-
claire. Il dévoile des sentiments qui pourraient faciliter
ment de la Pléiade. Il est connu pour ses œuvres poé-
la vengeance de Néron. Le spectateur le sait et assiste
tiques, notamment Les Amours (1552). Le poème étudié
impuissant à cette dangereuse confidence.
s’intitule « Marie, vous avez la joue aussi vermeille ». Il
s’agit d’un sonnet extrait du Second Livre des Amours c. Lorsqu’un spectateur assiste à une adaptation d’une
(1555). Il évoque la femme aimée par Ronsard, Marie, œuvre qu’il connaît déjà, il aime retrouver les éléments
femme d’origine modeste. Nous nous demanderons com- originaux. Effectivement, qu’il s’agisse d’un film, d’une
ment la femme aimée est mise en valeur dans ce texte. mise en scène ou d’une réécriture, le spectateur a fait
Nous nous intéresserons dans un premier temps à l’éloge un choix éclairé. Il sait à l’avance qu’il va être face à une
de cette femme. Dans un second temps, nous observe- nouvelle version, ce qui fait partie de sa culture. L’inté-
rons que la femme est présentée comme un paysage. rêt qu’il y trouve est la nouveauté de l’interprétation et
non le changement total de l’original. Quand un lecteur
2 a. La relecture d’orthographe n’est pas faite. On le va voir une version de Dracula au cinéma, il attend au
voit aux fautes d’accord (ex. « Le texte… caractérisent »). minimum un vampire, un château et une victime inno-
b. La relecture de la qualité de rédaction n’est pas faite. cente. Son attention sera surtout attirée par la nouvelle
On le voit aux nombreuses répétitions du mot « héros ». représentation du motif du vampire, modernisée ou au
c. La relecture concernant la cohérence du texte n’est contraire inscrite dans le passé.
pas faite. On le voit aux phrases mal construites (ex.
« Qui sont fragilisés par la lumière, la poussière et le fait 5 Propositions d’amélioration
d’être manipulés. »). a. Racine est un dramaturge français du XVIIe siècle. Il
a écrit de nombreux textes, comme Andromaque ou
3 • temps (l. 1) • peut (l. 4) Phèdre, publiés en 1667 et 1677. Ces œuvres sont des
• progresser (l. 2) • dû (l. 5) tragédies. Nous allons étudier une des tragédies de
• s’appliquent (l. 3) • siècle (l. 7) cet auteur : Britannicus. Nous allons en analyser la
• évolutions positives (l. 4) • année (l. 9) scène d’exposition. On nous y présente les liens entre
les personnages et la situation initiale. Nous nous inté-
4 a. Propositions d’amélioration
resserons à la problématique suivante : cette scène
Nous avons donc vu dans un premier temps que la litté-
remplit-elle les fonctions qu’on en attend ? Dans une
rature présentait le héros comme un être exceptionnel,
première partie, nous allons voir qu’elle remplit ses
au sens étymologique du terme. Dans une seconde par-
fonctions d’exposition. Mais dans une deuxième partie,
tie, nous avons observé que cette conception du héros a
nous allons voir que toutes ces fonctions ne sont pas
évolué avec le temps, suivant les projets des différentes
remplies.
écoles littéraires, et surtout suivant la marche du monde.
Pour conclure, il est possible de dire qu’un héros de b. Le voyage se confond avec les origines de l’homme.
roman n’est pas forcément un être exceptionnel. Son L’Homme s’est toujours déplacé par curiosité ou par
statut de personnage principal d’un texte littéraire l’ins- nécessité. Aujourd’hui encore, l’homme se déplace.
crit dans la postérité, mais pas obligatoirement ses qua- C’est pourquoi nous allons nous intéresser aux récits de
lités personnelles. On remarque aussi cette évolution du voyage. Nous nous interrogerons sur ce que les récits
héros dans d’autres genres littéraires, comme le théâtre. de voyage peuvent apporter à leur lecteur. En effet,
un récit de voyage n’est pas un voyage réel. Nous ver-
b. On observe dans cette scène que Britannicus passe
rons donc, dans une première partie, ce que le récit de
du sentiment de bonheur à celui du malheur. En effet,
voyage peut apporter sur la connaissance du monde.
au début de la scène, on peut relever un champ lexical
Puis nous nous demanderons ce que le récit de voyage
de la joie et de l’amour : « bonheur », « jouir d’un entre-
peut apporter dans d’autres domaines.
tien si doux », « ce plaisir ». Britannicus est heureux
de voir Junie, qui a été enlevée par Néron et retenue

262
Partie 3 • Langue et expression
FICHE 8 Les supports d’écriture

Exercices p. 460-463 ▶ Du volumen au codex


7 Le volumen comporte deux inconvénients majeurs.
▶ Les premiers supports D’une part, la lecture s’accompagne d’une manipulation
1 L’argile, le bambou et le papyrus sont les premiers permanente des deux baguettes pour ne pas abîmer le
support : on voit en effet sur la Charte de Ravenne qu’une
supports d’écriture, respectivement en Mésopotamie, en
seule ligne s’étend de l’extrémité gauche jusqu’à l’extré-
Asie et en Égypte, car ce sont des matières premières
mité droite. Les deux mains du lecteur sont donc occupées.
disponibles dans ces régions du monde.
D’autre part, ce format sous-entend que toute la surface
2 Le mot « scribe » vient du verbe latin scribere, du verso est inutilisée, puisque sa fonction est de proté-
« écrire ». Le scribe est une personne dont le métier est ger le texte au recto.
d’écrire et de lire des textes pour d’autres personnes.
8 Recherches
À cette époque, ce métier est recherché, car le taux d’al-
Étapes de fabrication d’un parchemin (six à douze
phabétisation est faible : presque personne ne sait lire
semaines selon le type de peau traitée)
et écrire.
• Le premier ébourrage. On retire de la peau de l’animal
3 Aujourd’hui, nous possédons de multiples supports dépecé les poils et les restes de chair pour ne garder que
sur lesquels on peut effacer un texte pour en écrire le derme.
un autre : en salle de classe, on trouve le tableau noir • Le travail de rivière. On trempe la peau dans la rivière
et sa craie ou bien le tableau blanc et son feutre effa- pour la débarrasser de ses impuretés.
çable. On peut aussi penser aux ardoises magiques et • Le premier trempage. Pendant une semaine, on la
à tous les logiciels et applications de traitement de trempe dans un mélange d’eau et de chaux vive.
texte numérique sur ordinateur, tablette ou téléphone • Le pelanage. On retire les derniers poils et laines.
portable. • Le second trempage. Un deuxième bain identique au
premier (eau et chaux vive) est effectué pendant environ
4 Le papyrus est d’abord une plante qui pousse en deux semaines, afin de détruire les protéines et lipides
abondance sur les berges du Nil. Ses tiges sont incisées, présents dans la peau.
aplaties, tissées et collées pour former un support d’écri- • Le second ébourrage. On élimine les derniers poils et
ture semblable à du papier. lambeaux de chair.
• La mise en tension. On tend la peau sur un cadre ver-
5 La pierre a l’avantage d’être un support d’écriture
tical (la herse).
qui résiste à l’usure du temps. Les archéologues s’en
• L’édossage. Le parcheminier saupoudre de poudre de
réjouissent car ils peuvent, grâce à ce support, étudier
craie (qui absorbe la graisse résiduelle) la peau encore
des textes vieux de plus de deux mille ans, comme la
humide et la racle avec une hachette pour amincir, blan-
pierre de Rosette, par exemple.
chir et opacifier le parchemin.
Cependant, le poids de la pierre et la difficulté d’y gra-
• Le ponçage. Une fois sèche, la peau est poncée avec
ver un texte représentent des inconvénients tels que ce
une pierre ponce, sur le côté fleur et sur le côté chair.
support n’était utilisé que pour des textes importants et
relativement courts. 9 Le codex de parchemin est finalement plus écono-
mique que le volumen de papyrus, car il permet d’écrire
6 La cire d’abeille est une matière malléable, qui
sur les deux faces du support.
permettait aussi d’effacer un texte pour en écrire un
nouveau. Les tablettes de cire apparaissent ainsi dans 10 La lecture du codex est facilitée, car le support est
la Haute Antiquité et sont courantes en Grèce et à bien plus petit que celui du volumen. Une seule main
Rome (tabulae). Elles seront utilisées jusqu’à l’époque est requise pour tourner les pages. De plus, le stockage
moderne. prend bien moins de place que l’encombrant volumen.

11 Compte tenu du travail pour réaliser un codex, la


quasi-totalité de la population ne pouvait s’en offrir.
Dans le meilleur des cas, les familles en possédaient un,
qui était un exemplaire de la Bible. Les codex étaient
plutôt réservés aux notables, seigneurs, ecclésiastiques.

263
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 14

▶ La codification de l’écriture 17 La réglure et une même écriture facilitent grande-


ment la lecture. L’œil se fatigue moins à lire une même
12 Outre l’aspect décoratif, l’ornement autour du texte écriture et un texte aéré aux lignes régulières.
permet de créer une marge, de mettre en valeur la struc-
ture du texte, ses ruptures, de l’illustrer et, enfin, de don-
ner à l’ouvrage une valeur artistique.
▶ De Gutemberg au numérique
13 Les motifs que l’on observe sur les deux pages de 18 Le texte imprimé est partout : sur le ticket de caisse,
manuscrit représentent des ornements végétaux, un la boîte de céréales, la carte de visite, l’ordonnance du
bestiaire merveilleux, ainsi que de petits personnages médecin, le prospectus distribué dans la rue, l’arrêt de
en lien avec la scène représentée. Ainsi reconnait-on la bus, la bouteille de shampoing, etc.
présentation de l’enfant Jésus aux Rois mages sur l’enlu-
minure. Ce motif chrétien traditionnel permet de figurer 19 Recherches Pour réaliser ces recherches, les élèves
le mois de janvier et la fête de l’Épiphanie qui a lieu peuvent notamment se servir d’un moteur de recherche
traditionnellement le 6 janvier. utilisant des cartes.

14 Outre l’intérêt esthétique, la fonction de la lettrine 20 La bibliothèque virtuelle permet aussi de consulter
est de marquer le début d’une partie importante de des livres sans se déplacer, surtout si l’on habite loin
texte (chapitre, paragraphe). d’une bibliothèque.

15 Aujourd’hui, la lettrine a été remplacée par l’alinéa, 21 Le texte numérique est généralement plus fatigant
qui a aussi pour fonction d’indiquer au lecteur un chan- à lire, et il nous fait perdre la manipulation de l’objet
gement d’idée dans le texte en marquant le paragraphe. même du livre.
Parfois, la lettrine est encore utilisée par les éditeurs 22 Aujourd’hui, les moyens de stockage numérique sont
pour marquer le début d’une longue section de texte. nombreux : le cédérom, la clef USB, le disque dur interne
16 La réglure de manuscrit ressemble beaucoup à celle ou externe, le téléphone portable, dans un nuage (cloud)
des copies et des cahiers, puisqu’elle comporte une marge sur Internet.
en haut, en bas, à gauche et à droite de la page. De même,
des lignes sont déjà tracées afin d’y recevoir le texte.

AT E L I E R 1 4

Mettre en page un texte

b. Des gardiens marchant à côté d’eux réglaient leur


Exercices p. 464-465
allure à coups de bâton.
Des femmes basanées, aux longues tresses pen-
▶ Le paragraphe et l’alinéa dantes, portant leurs enfants dans un lambeau d’étoffe
1 Paragraphes et alinéas rétablis noué à leur front, venaient derrière, honteuses, courbées,
a. La servante les regardait sans penser ; puis elle leva laissant voir leur nudité grêle et difforme […].
les yeux et fut éblouie par l’éclat des pommiers en fleur, D’autres, jeunes et belles, la peau d’une nuance
tout blancs comme des têtes poudrées. moins foncée, les bras ornés de larges cercles d’ivoire […]
Soudain un jeune poulain, affolé de gaieté, passa s’enveloppaient de longues tuniques […].
devant elle en galopant. Il fit deux fois le tour des fossés c. La littérature du XVIIe siècle est très codifiée, comme
plantés d’arbres, puis s’arrêta brusquement et tourna la le montre Boileau dans son Art poétique.
tête comme étonné d’être seul. Cependant, ce dernier prétend également que le
Elle aussi se sentait une envie de courir […]. sublime apparaît dans l’apparente simplicité.
Mais comment peut-on définir cette « apparente
simplicité » ?

264
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 14

2 Proposition de paragraphes d’analyse ▶ Insérer une citation


Ce document est une photographie apparemment
anonyme et datant de 1932. Elle représente « Des 5 Propositions de phrases interprétatives
ouvriers de la construction [qui] déjeunent sur une tra- a. Au vers 2 de son poème « Le tonneau de la haine »,
verse au sommet des 70 étages du Rockefeller Center », dans Les Fleurs du mal, Baudelaire propose une allégo-
à New York. Cette photographie est à la fois un cliché rie de la vengeance : « La vengeance éperdue aux bras
impressionnant et un témoignage précieux. Nous ver- rouges et forts. »
rons dans un premier temps que la construction de cette b. L’oxymore « le Soleil noir de la Mélancolie » (v. 4) per-
photographie suscite l’effroi, malgré la décontraction des met à Nerval d’associer la lueur solaire à la couleur noire
ouvriers. Puis, dans un second temps, nous verrons que dans son poème « El Desdichado », paru dans son recueil
cette œuvre pointe du doigt les inégalités sociales. Les Chimères.
La construction de cette photographie est effrayante, c. Dans le conte La Barbe bleue, Perrault propose tout
car les hommes paraissent en lévitation au milieu de un champ lexical de la richesse avec les mots et expres-
l’image, offrant en partie basse une vue vertigineuse sur sions suivantes : « garde-meubles », « le nombre et la
New York. La photographie est également impression- beauté », « tapisseries », « sophas », « cabinets », « gué-
nante par l’échelle de distance, puisque les immeubles ridons », « miroirs », « d’argent », « de vermeil doré » « les
semblent minuscules comparés aux ouvriers. Et pour- plus belles et les plus magnifiques ».
tant, tous semblent décontractés. Les uns allument et 6 Propositions d’insertion de citations
fument leur cigarette, les autres discutent comme s’ils
a. Le roman de Proust, publié en 1913 et intitulé Du côté
étaient à table. Le spectateur se sent perturbé par ce
de chez Swann, commence par cette phrase : « Long-
contraste, et l’impact de cette photo tient au mélange
temps je me suis couché de bonne heure. »
d’effroi et d’admiration qu’elle suscite.
b. À l’acte II, scène 3 du Roméo et Juliette (1597) de
Dans le même temps, cette photographie pointe du
Shakespeare, un personnage s’exclame que c’est « le cou-
doigt les inégalités entre les classes sociales. Ces person-
rageux maître de l’étiquette : il se bat comme on chante,
nages qui surplombent New York sont des ouvriers. Ils
il suit la partition, il garde la mesure, les intervalles et la
portent des salopettes de travail, des casquettes. Cette
cadence ».
scène nous montre des conditions de travail particulière-
c. « Mais depuis ce moment, je sais de nouveau qu’au-
ment périlleuses.
cune faute n’est oubliée tant que la conscience s’en
Or, le bâtiment qu’ils construisent est le Rockefeller
souvient », écrit Zweig à la dernière page de La Pitié
Center. Ce bâtiment porte le nom de l’homme le plus
dangereuse, ouvrage publié en 1939.
riche des États-Unis au début du XXe siècle. Cette photo-
graphie nous montre donc les dessous de la richesse : des
ouvriers risquant leur vie pour la gloire d’un milliardaire
qui les regardera ensuite du haut de sa tour.

▶ Mettre un titre en page


3 Références bibliographiques rétablies
a. Charles Baudelaire, « Le mort joyeux », Les Fleurs du
mal (1857), édition Gallimard, Paris, 1996, p. 102.
b. Tristan l’Hermite, « La belle malade », Les Amours de
Tristan (1638), édition P. Billaine et A. Courbé, Paris, p. 8.
c. Jules Verne, Un neveu d’Amérique (Les Deux Fronti-
gnac) (1873), éditeur J. Hetzel et Companie, Paris, acte I,
scène 1.
d. Stendhal, La Chartreuse de Parme (1839), édition
Henri Martineau, Paris, 1927, p. 45.

4 On veillera à ce que les élèves identifient les divers


éléments qui composent la source, grâce notamment
aux conventions typographiques.

265
Partie 3 • Langue et expression
FICHE 9 La tradition rhétorique

• Énumération :
Exercices p. 467
« diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire » (l. 7).
1 Discours judiciaire : b, e, i. • Comparaison :
« La misère est une maladie du corps social comme la
Discours délibératif : c, f, g, k.
lèpre était une maladie du corps humain » (l. 9-10).
Discours épidictique : a, d, h, j.
• Parallélismes de construction :
2 Propositions de situations contemporaines « car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas
• Discours judiciaire : tribunal, conseil de discipline. fait, le devoir n’est pas rempli » (l. 13-14), « je ne dis pas
• Discours délibératif : conseil d’administration, apprécia- en Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France,
tions d’un professeur, député proposant une loi, conseil- je dis à Paris » (l. 18,19).
ler bancaire. • Questions rhétoriques (doublées de répétitions) :
• Discours épidictique : critique de cinéma, musicien invité « voulez-vous savoir jusqu’où elle est, la misère ? » (l. 16) ;
à la télévision pour faire la promotion de son album, publi- « Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle
cité, cérémonie de récompenses, éloge funèbre. va […] ? » (l. 17-18) ; « Voulez-vous des faits ? » (l. 20).
• Exclamatives :
3 1. Exorde : l. 1-20. Confirmation : l. 32-41. « Détruire la misère ! oui, cela est possible ! » (l. 11)
Narration : l. 21-31. Péroraison : l. 42-fin.
2. Hugo s’appuie sur son ethos (de personne influente). 4 1. a. La réfutation b. L’exorde c. La narration
Son texte s’appuie sur le pathos (il essaie d’émouvoir). 2. Simon Barnes s’attaque à la frontière établie depuis
3. Figures de style de l’exorde des siècles par la science, la philosophie et les religions
• Anaphores ou répétitions, avec ou sans antithèses : entre animal et humain. Il annonce sa remise en ques-
« Je ne suis pas […] de ceux […] ; mais je suis de ceux » tion dans cet article dont le titre exprime la thèse :
(l. 1, 3), « je ne dis pas […], je dis » (l. 6-7), la répétition « L’homme est un mammifère comme les autres. »
du groupe nominal « la misère » (l. 5, 8, 10, 11, 15, 16), la
répétition de l’incise « messieurs » (l. 1, 6, 15).

AT E L I E R 1 5

Apprendre à débattre
2 1. L’article affirme que les difficultés pour établir
Exercices p. 468-469
un débat sont de deux ordres : une crise du rapport au
« réel » et une crise du rapport à la politique. Tout d’abord,
▶ Participer au débat nous peinons à nous accorder sur les faits et le « vrai »,
▶ Respecter les règles de l’échange car nous entretenons une méfiance envers les chiffres et
▶ Préparer son intervention les spécialistes. Nous privilégions ainsi des représenta-
tions souvent fausses aux données réelles, ce qui entrave
1 Critères de réussite du débat
le débat. Ensuite, notre rapport aux sujets politiques est
Avant le débat complexe : soit le sujet, paraissant trop technique, suscite
• Chaque discours est travaillé du point de vue du style peu d’intérêt ; soit, au contraire, il nous touche et nous ne
et propose au moins trois effets oratoires. parvenons pas à garder une distance critique.
Pendant le débat
2. Le débat est lié au fonctionnement de la démocratie
• Chaque participant propose des arguments pertinents
car le débat, en tant que possibilité de contredire, d’ar-
et illustrés par des exemples précis.
• La parole est respectée et bien distribuée. gumenter, de discuter, permet de se saisir des différents
• Les participants sont capables de réfuter ou de prendre enjeux qui traversent un état et de trancher ou de déci-
en compte un argument adverse dans leur raisonnement. der en connaissance de cause. Dans une démocratie, le
Après le débat vote a lieu après des débats qui permettent de faire évo-
• Les participants sont capables de retenir les éléments luer les décisions et de montrer l’intérêt de telle ou telle
essentiels qui ont été débattus. position. Pour exister, le débat a besoin d’une nation où

266
Partie 3 • Langue et expression
AT E L I E R 15

est garantie la liberté d’expression, de même que, pour 4 Critères de réussite du débat
exister, une démocratie a besoin d’instances où puissent
• Les élèves sont capables de jouer les rôles proposés et
avoir lieu des débats contradictoires. V Texte 9, p. 408 d’inscrire leur prise de parole dans le cadre fixé.
3 Critères de réussite de l’article • Chaque participant propose des arguments pertinents
et illustrés par des exemples précis.
• L’article porte bien sur un sujet polémique. • La parole est respectée et bien distribuée entre les
• Les enjeux du débat sont cernés de manière différents participants au débat.
synthétique et efficace. • Les participants sont capables de réfuter un argument
• L’élève a distingué les arguments visant à convaincre adverse ou de le prendre en compte pour poursuivre
et les stratégies de persuasion. leur propre raisonnement.
• Après le débat, les participants sont capables de
retenir les éléments essentiels qui ont été débattus.

AT E L I E R 16

Concours d’éloquence
société. Suivons l’exemple que nous montrent Voltaire et
Exercices p. 470-471
Hugo ! Il y a souvent plus à gagner à faire confiance qu’à
punir ! Si nous ne sommes pas sûrs et certains d’avoir
▶ Discourir un coupable devant nous, parions sur son innocence, ne
1 a. Recherches b. c. condamnons pas sans preuve irréfutable !
Proposition de discours
2 Pour La Rochefoucauld, qui fut janséniste, il s’agit
Personne n’a oublié l’affaire Calas, ce protestant de Tou-
d’une conception pessimiste de l’homme, fondée sur
louse accusé d’avoir tué son fils qui venait de se convertir
l’idée que celui-ci est guidé par l’amour-propre, et que les
au catholicisme. Il fut réhabilité par Voltaire qui démon-
hommes sont en compétition les uns avec les autres.
tra son innocence. Pourtant, Calas fut condamné, comme
Hugo insiste, lui, sur l’importance des mots, du discours.
Dreyfus et tant d’autres innocents, victimes d’une justice
Pour le personnage des Justes, le combat contre l’oppres-
trop expéditive.
sion au nom de la liberté passe avant tout. L’homme est
D’ailleurs, qui n’a jamais souffert de l’injustice ? Se voir
libre et responsable de ses actes qui le définissent.
accusé à tort, n’est-ce pas la pire des choses ? Moi-même,
je peux vous rapporter l’anecdote suivante [expérience Critères de réussite du discours rédigé
personnelle racontée rapidement]. • L’exemple est inséré dans un discours construit.
Il n’y eut pas mort d’homme mais ce souvenir m’a donné • L’exemple développé pour illustrer la citation est
pour toujours la haine de l’injustice. pertinent.
Il est donc permis de se demander avec Voltaire s’il ne • L’exemple est rédigé de manière complète.
vaut pas mieux « hasarder de sauver un coupable plutôt • La langue et la syntaxe sont correctes.
que de condamner un innocent ».
On connaît, en effet, l’issue irréversible d’une justice trop 3 Les expressions choisies permettent un jeu sur le sens
expéditive : une famille dévastée, une réputation perdue, propre et le sens figuré. Il s’agit ici de solliciter l’imagination.
une vie détruite. Alors qu’a-t-on à perdre à faire preuve Proposition de discours : brasser de l’air
de clémence, à laisser parler le bénéfice du doute ? C’est Ce matin encore, j’ai pris la ligne 13 pour me rendre au
ce que fit Mgr Bienvenu, l’évêque de Digne, personnage lycée. Arrivé à Invalides, j’attends, sur un quai bondé, le
des Misérables. Quand les gendarmes lui ramenèrent train direction Asnières : trois minutes d’attente. Évi-
Jean Valjean avec l’argenterie que ce dernier lui avait demment, le prochain métro est à destination de Saint-
dérobée, il prétendit l’avoir offerte à l’ancien forçat. Cette Denis ! Pas de chance, je serai en retard. La rame arrive
action extraordinaire contribua au changement de Jean enfin, les voyageurs se rangent en maugréant de chaque
Valjean, qui devint ensuite M. Madeleine, le maire de côté de la porte pour laisser descendre d’autres voya-
Montreuil. En agissant ainsi, Mgr Bienvenu sauva un cou- geurs tout aussi aimables. Voilà, c’est mon tour, je vais
pable certes, mais, plus encore, il en fit un innocent, prêt pouvoir monter. Je me trouve une place contre la porte,
à se repentir de ses fautes et à œuvrer pour le bien de la coincé entre un cabas à provisions, une énorme valise

267
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 16

rose et une touriste américaine qui proclame d’une voix Comment ne pas voir ici, dans ce courage qui consiste
tonitruante : « I Love Paris. » Je vais me sentir mal et je à défier l’autorité, à refuser une éducation rigide et qui
regrette déjà mes tartines au Nutella du petit déjeuner. bride l’imagination, une valeur supérieure ? Comment
Mais vous vous demandez sans doute la raison de ce ne pas considérer cet enfant comme un David, combat-
récit. Vous aussi, vous ne connaissez que trop bien ces tant le Goliath de la norme sociale ?
instants de désespoir. Eh bien, c’est un remède souverain Vous me direz que l’être humain doit être éduqué et
que je viens vous conseiller. En de tels cas, il est urgent, se plier à la contrainte, vous me direz qu’il faut accep-
que dis-je urgent, il est vital de se mettre à brasser de ter l’effort pour acquérir les connaissances nécessaires
l’air. Vous me direz que c’est impossible, car brasser de à une bonne insertion dans la société. Vous me direz,
l’air exige d’avoir de l’espace autour de soi, vous ajoute- comme le Créon d’Anouilh, qu’il faut savoir se retrousser
rez que c’est plutôt une activité que l’on fait au bord de les manches et faire ce qui doit être fait, même si c’est
la mer, par exemple. Seul, sur une immense plage nor- désagréable ; et je vous répondrai en faisant non avec la
mande ou bretonne, le matin alors qu’un vent frais vous tête et oui avec le cœur, en disant non au formatage et
caresse le visage. Là, on ferme les yeux face à la mer, on oui à l’imagination. Là est le vrai courage.
se laisse aller à la sensation d’exister, on sent l’air marin, Mais résumons-nous. Nous sommes partis de la défini-
on passe sa langue sur ses lèvres et on s’étonne encore tion du courage, nous avons montré qu’il ne résidait pas
que ce soit si salé. On étend ses bras et délicatement, toujours dans un acte héroïque, dans le sacrifice de soi,
voluptueusement, on brasse de l’air. qu’il consistait parfois à dire non, à rester soi-même, à
Vous voyez, vous y êtes déjà, vous vous sentez mieux, refuser le chemin semé d’embûches de l’apprentissage
vous avez oublié la foule, les bruits urbains. Alors bras- pour emprunter celui des airs, le chemin du bleu du ciel,
sez de l’air, brassons de l’air pour nous libérer de toutes celui du grand air, celui du large, celui de l’imagination.
les contraintes qui pèsent sur nous. Voilà, vous êtes prêts 5 Proposition de discours
pour une séance de brassage d’air qui vous permettra de
L’homme est-il fait pour vivre en société ? Autrement dit,
passer une journée magique.
cher auditoire (apostrophe) : L’homme (anaphore) est-il un
4 Proposition de discours : le courage mouton qui vit en troupeau ou un loup solitaire ? (question
Je voudrais aujourd’hui vous parler du courage. Je vois rhétorique) Que mon noble auditoire, qui frémit déjà d’im-
déjà vos yeux briller : vous vous attendez à un récit hale- patience en entendant mon humble discours veuille me
tant de sauvetage en mer ou en montagne. Vous pensez prêter attention et écouter mon histoire. Elle est brève et
entendre les exploits d’un être d’exception, qui, bravant j’ose le dire, des plus convaincantes. Nous sommes dans
tous les dangers pour celle qu’il aime, se jette dans la l’S, ligne d’autobus bien connue, à une heure d’affluence.
gueule du lion. Vous imaginez peut-être que je vais évo- J’aperçois un type dans les vingt-six ans, chapeau mou
quer la bravoure du soldat qui traverse un champ de avec cordon remplaçant le ruban, cou trop long comme si
mines pour sauver un camarade blessé. Non, ce n’est pas on lui avait tiré dessus. En bref, un magnifique spécimen
ce type de courage héroïque que je vanterai aujourd’hui. de l’homme moderne ! Les gens descendent, se préci-
Le courage auquel je pense est moins spectaculaire, mais pitent, s’invectivent (accumulation ternaire et gradation) Le
il exige une absolue maîtrise de soi. type en question, qui ne veut pas être en reste, s’irrite
Venons-en aux faits sans plus tarder. Le courage dont contre un voisin. Il lui reproche de le bousculer chaque
je vais vous entretenir aujourd’hui, c’est le courage de fois qu’il passe quelqu’un. Il prend un ton pleurnichard
ne rien faire, celui du cancre par exemple. Prenons le qui se veut méchant et, comme il voit une place libre,
cancre de Jacques Prévert. Sans doute connaissez-vous ce il se précipite dessus, piétinant sans vergogne les pieds
poème. On l’imagine, seul au fond de la classe, il regarde d’un passager. Alors ? Mouton docile et conciliant ou
par la fenêtre. Pendant ce temps, sur le tableau noir du bête féroce prête à dévorer son semblable ? Je vous laisse
malheur, comme le dit le poète, le professeur ou l’insti- décider. Quant à moi, mon opinion est faite : « homo
tuteur écrit la leçon. La classe est silencieuse, attentive, homini lupus », « l’homme est un loup pour l’homme ».
mais soudain l’œil inquisiteur du maître tombe sur l’en- Si l’homme a besoin des autres hommes, il n’est pas fait
fant du fond de la classe. Les autres écrivent studieu- pour vivre en société ! (exclamation)
sement, lui ne fait rien. On le questionne, écrit Prévert,
autant dire, on le passe à la question, on le torture. Lui,
▶ Parler en orateur
l’enfant, ne dit rien. Les autres lui soufflent la réponse, 6 On portera une attention particulière à la maîtrise
mais lui se tait. Il sait qu’il risque la punition, le cagibi, la du langage corporel (pieds ancrés dans le sol, voix posée
règle en fer et la correction. Mais il ne plie pas, et, cou- et regard en adresse). On sera sensible à la concentration
rage suprême, « avec des craies de toutes les couleurs, il dont fait preuve l’élève. On veillera au respect du temps
dessine le visage du bonheur ». imparti. Quand l’élève a fini son improvisation, on lui
demande son ressenti et on lui fait un retour bienveillant.

268
Partie 3 • Langue et expression
ATELIER 17

▶ Prendre en compte l’auditoire


7 Proposition de fiche détaillée
Critères d’évaluation
Orateur
Discours
• Langage corporel maîtrisé et adapté.
• Qualités des arguments et des exemples.
• Voix (hauteur, débit et clarté).
• Organisation du discours : exorde, narration,
• Regard : aptitude à entrer en contact avec l’auditoire.
confirmation, réfutation, péroraison.
• Procédés rhétoriques : question rhétorique, gradation, Prise en compte de l’auditoire
accumulation ternaire, apostrophe, exclamation… • Aptitude à intéresser et à émouvoir

AT E L I E R 17

Mettre en voix des textes


3 La tendance naturelle pour exprimer la colère
Exercices p. 472-473
consiste à crier, mais on peut au contraire parler bas et
très lentement. Il en va de même pour la gestuelle : éco-
▶ Faire le travail préparatoire nomie ou débauche de gestes sont possibles. On s’inter-
1 Mots difficiles rogera avec les élèves sur ce qui est le plus efficace.
• El Desdichado : le déshérité (c’est le nom d’Ivanhoé, On peut commencer par une phrase, puis proposer pro-
personnage de Walter Scott). gressivement le reste de la réplique. Celle-ci doit être
• le luth : instrument de musique, symbole de la poésie. dite de mémoire. Si les élèves ont besoin du texte, ils
• le Pausilippe : grotte célèbre d’Italie qui abriterait le doivent le lire avant de parler.
tombeau de Virgile.
4 On pourra regarder, après l’exercice, l’extrait correspon-
• le pampre : rameau de vigne portant feuilles et grappes.
dant de la captation d’Illusions comiques. C’est un moment
• Amour : Cupidon, dieu de l’Amour.
qui illustre bien les qualités d’acteur de Michel Fau.
• Phébus : nom du dieu Apollon en latin.
L’exercice peut donner lieu à une séance collective où les
• Lusignan : comte du Poitou qui, selon la légende,
élèves déambulent en classe et disent la réplique avec
épousa la fée Mélusine.
l’intention choisie. Ensuite, on les fait passer séparément.
• Biron : nom d’une ancienne famille du Périgord dont
Nerval pensait descendre.
• Achéron : fleuve des Enfers. ▶ Mettre en espace
• Orphée : figure tutélaire du poète, il descendit aux 5 Une fois que les élèves se sont exercés, on peut
Enfers pour y chercher sa femme, Eurydice. constituer des groupes et procéder à la mise en voix de
Mouvements du texte tout le poème. V consignes de l’exercice suivant
La structure du poème suit celle du sonnet. La première
strophe est un autoportrait, la seconde est une adresse à
6 On peut approfondir l’exercice en faisant passer
un ou une mystérieux/mystérieuse destinataire. Dans les les groupes les uns après les autres et en leur faisant à
deux tercets, le poète s’interroge sur son identité. chaque fois un retour bienveillant. On invitera les élèves
à apporter pour une autre séance un texte qu’ils aiment
Mots à mettre en valeur
particulièrement. On mettra les élèves par deux. Chacun
Ils ont des places significatives (à l’hémistiche, à la rime)
lira son texte à l’autre à voix basse, puis les textes seront
ou sont mis en avant par la ponctuation (tirets, v. 1 et 3).
échangés pour une deuxième lecture à voix basse. Le
professeur ramassera et mélangera ensuite les textes.
▶ Travailler la voix Chacun proposera ensuite une mise en voix pour toute
2 Les exercices d’articulation peuvent être faits debout la classe à partir du texte d’un de ses camarades.
en cercle : tous ensemble, puis les uns après les autres.
On peut varier les consignes de diction à l’infini, rajouter
des émotions : avec colère, avec peur, en riant…

269
Partie 3 • Langue et expression
4Outils
et méthodes
FICHE 10 La versification

5 L’enjeu de cet exercice est de faire comprendre aux


Exercices p. 477
élèves la rupture poétique qu’opère Hugo et la façon
1 a. 12 syllabes ! alexandrin. dont il le fait. C’est tout le rythme de l’alexandrin qui est
modifié en profondeur.
b. 12 syllabes ! alexandrin.
Cet exercice est aussi un moyen de faire comprendre
c. 8 syllabes ! octosyllabe.
comment on repère le rythme d’un poème.
2 a. Les Turcs ont passé là. // Tout est ruine et deuil. // césure classique
! alexandrin (//) la scansion d’Hugo supprime cette césure
b. Poète, prends ton luth // ; c’est moi ton immortelle / autres coupes
Qui t’ait vu cette nuit // trist(e) et silencieux ! scansion d’Hugo
! deux alexandrins Demain, / dès l’aub(e), / à l’heu(//)r(e) où blanchit la
c. Captive, toujours trist(e) //, importun(e) à moi-même campagne,
Pouvez-vous souhaiter // qu’Andromaque vous aime ? ! 2/2/8
! deux alexandrins Je partirai. / Vois-tu, // je sais que tu m’attends.
! 4/2//6
3 1. a. Deux alexandrins et un octosyllabe.
J’irai par la forêt, // j’irai par la montagn(e).
Le changement de type de vers permet de formelle- ! 6//6
ment différencier le discours direct (alexandrin) du récit Je ne puis demeurer // loin de toi plus longtemps.
(octosyllabe). ! 6//6 ou 12
b. Deux alexandrins suivis d’un octosyllabe.
Je marcherai / les yeux (//) fixés / sur mes pensées,
Le changement de type de vers met en valeur la dispari-
! trimètre romantique 4/4/4
tion des marins, « Ceux qui ne sont pas revenus » est une
Sans rien voir au dehors, // sans entendr(e) aucun bruit,
périphrase qui, loin d’atténuer la réalité, l’exprime dans
! 6//6
toute sa cruauté : elle définit les disparus et contient
Seul, / inconnu, / le dos (//) courbé, / les mains croisées,
toute la douleur des parents.
! 1/3/3/4
2. Une diérèse sur « châtié » (extrait a). Trist(e), / et le jour pour moi (//) sera comme la nuit.
4 a. Un enjambement du vers 1 au vers 2. ! 1/5//6 ou 1/11 (car il est problématique de séparer le
! Cet enjambement évoque la profusion de la guirlande sujet du verbe).
des lilas. Je ne regarderai // ni l’or du soir qui tomb(e),
b. Un enjambement du vers 1 au vers 2. Ni les voiles au loin // descendant vers Harfleur,
! Cet enjambement permet de déployer la scène initiale. Et quand j’arriverai, // je mettrai sur ta tomb(e)
c. Un rejet au vers 2 de « Rêvant » puis au vers 3 de Un bouquet de houx vert // et de bruyèr(e) en fleur.
« Vaporeuses ». ! quatre vers en 6 // 6
Un enjambement aux vers 3-4.
6 Attention, là encore, la césure à l’hémistiche n’est
! Ces procédés provoquent une déstructuration du vers
pas forcément respectée (ex. v. 1).
et témoignent de la modernité du poème. Mettant en
Il est important de bien conserver le rythme voulu par
valeur les termes rejetés, la structure des vers souligne le
Rostand pour ses alexandrins :
caractère onirique de la vision.
– prononcer le « e » de « presque frère » (v. 2) ;
d. Un contre-rejet de « et l’aurore » au vers. 1.
– faire les liaisons « tous les étés à Bergerac » (v. 4) ;
! Le contre-rejet met en valeur le mot « aurore », le sus-
– faire la liaison « Des mûrons aigrelets » (v. 7) ;
pendant presque. Ainsi le vers suivant vient plus bruta-
– faire la liaison « Le temps où vous faisiez » (v. 8) ;
lement encore mettre un terme à la nuit que le poète
– prononcer le « e » d’« un(e) » (v. 13) ;
voudrait retenir.
– prononcer les « e » du dernier vers – sauf à « encore »
et « cett(e) », et faire la liaison « c’est encore ».

273
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 10 La versification

5 1. Le poème de Rimbaud est composé d’alexandrins.


Exercices p. 479
2. Le poème est structuré en deux quatrains suivis de
1 a. Quatrain en rimes embrassées, suffisantes, avec deux tercets. Le schéma des rimes correspond aussi à
alternance rime féminines et masculines. celui du sonnet : les quatrains ont des rimes embrassées,
b. Quatrain en rimes plates, suffisantes, avec alternance et les tercets proposent deux premiers vers en rimes sui-
rimes masculines et féminines. vies puis quatre vers suivants en rimes embrassées.
c. Quatrain en rimes embrassées, riches, avec alternance 3. Rejets et enjambements dans le poème
rimes masculines et féminines • Un rejet aux vers 6-7.
Il crée un effet de suspens et de surprise : on ne s’attend
2 La strophe est dite carrée car elle se compose d’un
pas à ce que le personnage égrène des « rimes ». Par
dizain en décasyllabes. Autrement dit, le nombre de vers
ailleurs, le rejet associe le Petit-Poucet au poète : l’im-
dans la strophe correspond au nombre de syllabes dans
pression d’enfance, de liberté, se confirme donc dans le
le vers.
poème.
3 a. Quoique l’unité de la strophe soit masquée par • Un enjambement entre les quatrains et les tercets.
l’absence de rimes, de ponctuation et par le recours sys- Au lieu de marquer la rupture traditionnelle entre les
tématique à l’enjambement, elle est perceptible dans la deux moments du sonnet, Rimbaud invite à ne pas les
cohérence du sens. En effet, René-Guy Cadou annonce séparer en les reliant. Le retour du son [ou] dans les deux
systématiquement un thème dans un vers qu’il déve- rimes confirme cette intention.
loppe dans le vers qui suit : au vers 1, il évoque les navires, • Un rejet aux vers 10-11.
l’idée est développée au vers 2 qui introduit le motif du Il amplifie l’image des « bons soirs de septembre », car la
blé, lui-même développé au vers 3, lequel introduit le rosée est plutôt matinale. On a donc une sorte de contra-
motif de l’oreille, développé au vers 4 par la relative. diction qui laisse imaginer des nuits à la belle étoile.
b. Les strophes sont d’abord construites ici sur la rime, • Un rejet aux vers 13-14.
de manière traditionnelle. On observe, en outre, l’unité Il développe la métaphore filée de la poésie. Les élas-
thématique et syntaxique des trois distiques, qui suivent tiques des souliers – les lacets – associés à la lyre et au
les étapes du récit légendaire et seraient susceptibles pied introduisent le motif de la création. Le poème s’af-
de constituer pour chacun une phrase ou un couple de firme comme un art poétique.
phrases liées par le sens.

4 Le poème de Baudelaire se distingue par son rythme


extrêmement régulier.
Voici venir les temps // où vibrant sur sa tig(e)
Chaque fleur s’évapor(e) // ainsi qu’un encensoir ;
Les sons et les parfums // tournent dans l’air du soir ;
Valse mélancoliqu(e) // et langoureux vertig(e) !
Chaque fleur s’évapor(e) // ainsi qu’un encensoir ;
Le violon frémit // comm(e) un cœur qu’on afflig(e) ;
Valse mélancoliqu(e) // et langoureux vertig(e) !
Le ciel est trist(e) et beau // comm(e) un grand reposoir.
Le violon frémit // comm(e) un cœur qu’on afflig(e),
Un cœur tendre, qui hait // le néant vast(e) et noir !
Le ciel est trist(e) et beau // comm(e) un grand reposoir ;
Le soleil s’est noyé // dans son sang qui se fig(e).
Un cœur tendre, qui hait // le néant vast(e) et noir,
Du passé lumineux recueille // tout vestig(e) !
Le soleil s’est noyé // dans son sang qui se fig(e)…
Ton souvenir en moi // luit comm(e) un ostensoir !

274
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 11 Les tonalités

fin de strophe (v. 1, 7). Il annonce « trois choses » (v. 2)


Exercices p. 481
à respecter et les énumère ensuite. Pour cela, il utilise
1 a. La tonalité de l’extrait de Zola est réaliste, comme la modalité injonctive avec le verbe « il faut », suivi de
trois verbes à l’infinitif ou au subjonctif qui marquent la
en témoignent les nombreux effets de réel, par exemple
marche à suivre, de manière obligatoire : « Savoir » (v. 3),
l’ancrage spatial de « la gare Saint-Lazare » (l. 1), du
« Qu’il entre bien » (v. 5) et « qu’il tombe » (v. 6).
« train de Cherbourg » (l. 2), du « vaste Paris » (l. 7) et
de « la rue de la Michodière » (l. 8). Le surnom des per- 2 1. Le texte est un extrait d’une pièce de théâtre.
sonnages – « Pépé », « l’oncle Baudu » – et les prénoms
2. Nawal parle à Wahab, son amoureux. Elle utilise la
« Denise » et « Jean » contribuent aussi à ancrer le texte
première personne et s’adresse à lui en le tutoyant : « Je
dans le réel.
t’ai appelé toute la nuit » (l. 1). Elle l’interpelle aussi en
b. La tonalité de l’extrait de Chrétien de Troyes est
l’appelant « Wahab » (l. 7, 16).
épique. On retrouve presque tous les procédés propres
au combat épique : 3. Nawal est tourmentée : elle est heureuse et annonce à
– le présent de narration ; Wahab qu’elle est enceinte de lui, elle l’aime infiniment
– des verbes d’action : mais elle sait aussi que cet aveu sera tragique pour eux.
« éperonne » (l. 1), « retourne en arrière » (l. 1-2), « se • L’utilisation de l’adverbe « après » (l. 7), suivi des deux
précipitent » (l. 3), « ils ont heurté » (l. 5) ; verbes au futur encadrés de négation, confirme l’impos-
– de nombreux pluriels ; sibilité qui s’ouvre avec cette annonce :
– une énumération : « je ne pourrai plus te demander de rester dans mes
« Étriers, sangle, courroies » (l. 6-7) ; bras » (l. 7-8) et « je ne pourrai plus rien te demander »
– des amplifications : (l. 14).
le superlatif « au plus grand galop » (l. 4), le comparatif • La joie de Nawal s’exprime toutefois dans l’énuméra-
« si fort… qu’ils les ont transpercés » (l. 5-6), l’hyperbole tion anaphorique ascendante :
« fous de peur » (l. 10). « Je voulais le hurler pour que tout le village l’entende…
c. La tonalité de l’extrait de Maupassant est fantastique. et les étoiles l’entendent » (l. 3-6).
• L’usage de la première personne et du point de vue • L’amour qu’elle éprouve est magnifié par l’image de la
interne favorise l’ambiguïté du propos. On n’a qu’une chute :
seule vision : le lecteur ne peut donc pas véritablement « avec toi, je tombais enfin dans les bras de ma vraie
savoir ce qu’il se passe exactement. Il est pris par la vie » (l. 12-13).
vision du personnage et la partage. L’image de la plénitude est rendue par les allitérations
• Les verbes de perception dominent la narration : en « b » et « v », qui renvoient une unité profonde entre
« je sentis » (l. 2), « frôlant mon oreille » (l. 4), « je ne me Nawal, Wahab, le cosmos et l’expression de leur amour.
vis pas » (l. 7), « Je voyais » (l. 10), « je regardais cela » • L’ambiguïté de cette nouvelle est marquée par l’associa-
(l. 11), « sentant bien pourtant » (l. 13). tion contradictoire des deux adjectifs à la fin :
• Les modalisateurs transmettent l’effroi du personnage, « C’est magnifique et horrible, n’est-ce pas ? » (l. 18).
sûr de ce qu’il voit : 4. L’extrait associe les thèmes de la nature, du cosmos, de
« je fus certain » (l. 2-3), « sentant bien » (l. 13). l’amour et de la menace.
• La ponctuation expressive traduit la peur du person- 5. Les questions rhétoriques expriment la terreur de
nage, son effroi face à la disparition de son reflet : Nawal en même temps que son immense joie. La beauté
« Eh ! bien ?… » (l. 6), « Je ne me vis pas dans ma glace !… de la nouvelle la dépasse. Les images du « gouffre »
Elle était vide, claire, profonde, pleine de lumière !… Mon (l. 19) et de la « liberté aux oiseaux sauvages » (l. 19-20)
image n’était pas dedans… et j’étais en face, moi ! » traduisent cette tension entre le tragique à venir et l’es-
(l. 6-10), « Comme j’eus peur ! » (l. 16). poir aussi qui la submerge.
• L’énumération précédente ainsi que l’usage du tonique
6. L’extrait est de tonalité lyrique.
en postposition « moi » (l. 10) insistent également sur le
trouble profond du narrateur.
d. La tonalité de l’extrait du poème de Saint-Amand est
didactique, teintée d’humour. La structure est claire car
le propos est explicite : le poète nous explique comment
« construire un bon triolet » et il le répète en début et

275
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 11 Les tonalités

3 a. L’ironie passe dans cet extrait par la périphrase


Exercices p. 483
humoristique qui désigne la prison : « des appartements
1 a. L’extrait de Hugo est de tonalité tragique. d’une extrême fraîcheur, dans lesquels on n’était jamais
Le champ lexical de la fatalité est très présent dans la incommodé du soleil » (l. 2-3).
tirade. Hernani semble entraîné par des forces funestes b. L’ironie s’exprime par le champ lexical, faussement
qui le dépassent : « Je suis une force qui va ! / Agent polémique et accusateur : « misérables philosophes,
aveugle et sourd de mystères funèbres ! » (v. 4-5), « Une sous le prétexte spécieux, mais punissable, d’éclairer les
âme de malheur » (v. 6), « Où vais-je ? je ne sais » (v. 7), hommes et de les rendre meilleurs, viendraient ensei-
« Je me sens poussé / D’un souffle impétueux, d’un des- gner des vertus dangereuses » (l. 2-5).
tin insensé » (v. 7-8), « l’abîme est profond » (v. 11), « ma Voltaire construit une opposition entre les termes accu-
course farouche » (v. 13). sateurs « misérables », « spécieux », « punissable » et l’in-
b. L’extrait de Rimbaud est de tonalité pathétique. tention forcément bonne : « éclairer les hommes », « les
Le tableau que peint Rimbaud suscite la compassion du rendre meilleurs », « enseigner ». Son ironie est donc
lecteur face à la misère de ces enfants de la rue : « À ici au service de la dénonciation radicale du fanatisme
genoux, cinq petits, – misère ! – » (v. 4), « Ils sont blottis, religieux, qui laisse sciemment « le peuple » ignorant et
pas un ne bouge » (v. 7), « Les pauvres petits pleins de manipulable.
givre ! » (v. 15). Ils sont également animalisés : « leurs c. Le ton est également polémique. Voltaire construit ici
petits museaux roses » (v. 17). l’accusation en comparant le fanatisme à une maladie.
Les « extases », les « visions », les « imaginations » en
2 1. L’extrait de Zola présente une tonalité polémique. sont ainsi les symptômes.
2. Zola soutient son accusation par le procédé de Ensuite, il poursuit avec la métaphore religieuse qui
l’anaphore, devenue célèbre, de l’expression « J’accuse » associe le jeune « fanatique » à un novice, c’est-à-dire
ainsi que par l’attaque ad hominem. Zola nomme en un jeune moine qui n’a pas encore prononcé ses vœux.
effet explicitement les généraux de l’état-major français. L’expression « grandes espérances » est donc une anti-
Les termes employés les décrédibilisent sciemment et phrase, qui révèle l’ironie de Voltaire lorsqu’on en com-
les placent du côté de la culpabilité et du crime : « l’ou- prend la conséquence : « tuer pour l’amour de Dieu »
vrier diabolique » (l. 2), « son œuvre néfaste » (l. 4), « les (acte que l’on ne peut évidemment pas grandement
machinations » (l. 5), « complice […] d’une des plus espérer).
grandes iniquités du siècle », « de s’être rendu coupable
de ce crime de lèse-majesté et de lèse humanité » (l. 7-9).

276
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 12 Les figures de style

Il exploite les ressources des précieux, le bel esprit, pour


Exercices p. 485
rendre le baiser poétique et lui faire perdre son aspect
1 a. Une allégorie de la vérité : la Vérité, idée abs- physique, grossier, aux yeux de la précieuse Roxane.
On retrouve plusieurs comparants :
traite, est représentée comme une femme : « Sortit »,
« Un serment fait d’un peu plus près », « une promesse /
« Ses attraits ».
Plus précise », « un aveu qui veut se confirmer », « Un
b. Une métaphore. Le comparé est « la vie », le compa-
point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer », « un secret
rant est « un combat sans trêve ». On remarque l’absence
qui prend la bouche pour oreille », « Un instant d’infini
d’outil de comparaison.
qui fait un bruit d’abeille », « Une communion ayant un
c. Une métaphore. Le comparé est « ma jeunesse », le
goût de fleur », « Une façon d’un peu se respirer le cœur /
comparant est « un ténébreux orage ». On remarque
Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme ! ».
l’absence d’outil de comparaison.
Les comparants appartiennent à différentes catégories.
d. Une comparaison. Le comparé est « elle s’en allait »,
On trouve le lexique du mariage, de l’engagement ver-
qui désigne la fille du poète. Le comparant est « un
bal : « serment », « promesse », « aveu », « verbe aimer »,
oiseau qui passe ». On remarque la présence de l’outil de
« communion ». Le baiser ne serait que la confirmation
comparaison « comme ».
du sentiment exprimé. On observe également la pré-
e. Une personnification de la Seine. La Seine est pré-
sence de la nature, dont la fonction serait de déculpa-
sentée comme un être : « la géante ».
biliser Roxane en rappelant que le baiser est une chose
2 a. Une métaphore naturelle, mais qu’il renvoie à une nature poétique et
Le comparé n’est pas exprimé : ce sont les courtisans. non à un instinct bestial : « abeille », « fleur ». Enfin les
Comparant : « Ces vieux singes de cour ». comparants sont liés au corps, mais de manière poétique
! Les courtisans sont animalisés ; ils ne savent qu’imi- et discrète : « bouche », « oreille », « goût », « respirer »,
ter les princes (« rien faire », « les princes contrefaire ») ; « goûter », « lèvres ». La discrétion est promise par le mot
ce sont des créatures qui s’exhibent en participant à un « secret ».
spectacle qui n’a pas de sens pour eux. b. L’extrait de Molière repose sur un cliché. Le comparé
b. • Première comparaison est la fille d’Harpagon. Le comparant est le « trésor ».
Comparé : les « flambeaux » qui brillent dans la nuit. Valère propose lui-même l’interprétation de cette méta-
Comparant : « des diamants dans l’ébène ». phore en soulignant son aspect précieux, ainsi que les
Outil de comparaison : « comme ». charmes qu’il possède.
! Les éléments communs aux flambeaux et aux dia- Cette scène est un célèbre quiproquo : l’avare croit que
mants sont leur éclat vif, leur couleur blanche, le fait Valère a volé son argent, qui est aussi son trésor. On a
qu’ils sont dans le noir (la nuit/l’ébène), ce qui accen- donc un jeu de mots entre le cliché et le mot compris au
tue le contraste entre les couleurs. De plus, dans la nuit sens premier.
de Paris, les flambeaux sont aussi précieux que des dia-
4 a. Fier comme un coq/paon.
mants car ils assurent une relative sécurité.
b. Malin comme un singe.
• Seconde comparaison
c. Muet comme une carpe.
Comparé : « un fleuve y dort sans bruit, replié dans son
d. Doux comme un agneau.
cours ».
e. Myope comme une taupe.
Comparant : « dans un buisson la couleuvre aux cent tours ».
f. Rapide comme une gazelle.
Outil de comparaison : « comme ».
! La Seine est comparée à une couleuvre car elle dort 5 L’allégorie représentée est la République française.
mais reste menaçante. De plus, la Seine et la couleuvre On la reconnaît à son bonnet phrygien, au fait que c’est
ont la même forme courbe et souple, faite de replis. une femme, à son drapeau bleu, blanc et rouge. C’est
Enfin, il s’agit de deux éléments naturels, montrant que aussi une mère qui protège ses enfants, le peuple fran-
la ville n’est pas faite que de civilisation. Cette comparai- çais ; le rameau d’olivier qu’elle tient à la main symbolise
son exprime l’idée de danger. la paix et elle est assise à côté d’une corne d’abondance,
3 a. L’extrait de Rostand repose sur des métaphores, exprimant le fait qu’elle fournit à chacun ce dont il a
besoin. Au fond, les animaux dans le pré et le train sur
ayant toutes pour comparé le « baiser ». Cyrano essaie
le pont rappellent que la France s’appuie sur son agricul-
de convaincre Roxane d’accepter un baiser de Christian.
ture et sur ses avancées techniques.

277
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 12 Les figures de style

d. Le plancher des vaches désigne le sol, la terre. On


Exercices p. 487
trouve déjà cette expression chez Rabelais, au XVIe siècle.
1 a. Un oxymore : « boucherie héroïque ». e. La langue de Molière désigne la langue française.
(On peut également relever une comparaison : « Can-
dide, qui tremblait comme un philosophe ». Mais cette
figure est vue dans la double page précédente.)
b. Une antithèse entre « infini » et « fini ».
c. Une périphrase désignant le coucher du soleil. Exercices p. 489
d. Une métonymie : le « cœur » désignant le sentiment
amoureux. 1 a. La litote « je ne dirais pas non ».
e. Une antiphrase : « selon les lois du droit public ». En b. L’anaphore des mots : « ici, l’on ».
effet aucune loi n’autorise à brûler un village. c. Les hyperboles : « tout croire » et « gloire de tout ».
f. Une prétérition : le discours commence par « ne disons d. La gradation : « sa famille, sa cour, son État », qui pro-
plus », puis se poursuit par ce qui ne doit plus être dit. gresse du cercle le plus privé au cercle public le plus large.
e. Une ellipse de la principale « il voit que », afin de ne
2 a. Le texte de Montesquieu repose sur des antithèses : pas alourdir la succession des subordonnées.
– « dix-huit ans »/« quatre-vingts » (l. 4-5) ; f. Un chiasme entre les pronoms « je » et « tu » : J’ignore
– « il aime sa religion »/« ne peut souffrir ceux qui disent où tu fuis, tu ne sais où je vais ».
qu’il la faut observer à la rigueur » (l. 5-7) ; g. L’hyperbole « qui meurt d’amour ».
– « se communique peu »/« occupé, depuis le matin h. Un euphémisme : « un très haut degré le talent de se
jusques au soir, qu’à faire parler de lui » (l. 8-9) ; faire obéir » pour évoquer l’autorité du monarque absolu.
– « il aime les trophées et les victoires »/« il craint autant
de voir un bon général à la tête de ses troupes qu’il 2 a. Dans cet extrait d’Hugo, on peut relever plusieurs
aurait sujet de le craindre à la tête d’une armée enne- figures de style :
mie » (l. 10-13) ; – une antithèse (v. 1) :
– « comblé de plus de richesses qu’un prince n’en saurait « innocents » et « anges » d’une part, et « bagne » et
espérer »/« accablé d’une pauvreté qu’un particulier ne « enfer » d’autre part. Elle souligne l’opposition entre les
pourrait soutenir » (l. 14-17). enfants fragiles et le monde du travail très brutal ;
Ces antithèses illustrent les nombreuses contradictions – une anaphore :
du roi de France. « tout est » (v. 2), qui montre que ce monde n’a rien d’hu-
b. Le texte de Baudelaire repose sur l’oxymore « soleils main. Il n’est composé que du métal des machines qui
mouillés » (v. 1), qui renvoie à l’image poétique des yeux font souffrir les enfants. Cette anaphore est renforcée
« Brillant à travers leurs larmes » (v. 6). par l’hyperbole « tout », qui figure un monde entière-
c. Le texte de Racine propose une métonymie : « une ment métallique ;
tête si chère » (v. 6) désigne Thésée, dont Hippolyte n’a – une deuxième anaphore :
plus aucune nouvelle. « jamais on ne » (v. 3), qui insiste sur les difficiles condi-
d. L’extrait de La Fontaine se fonde sur une longue péri- tions de travail, incompatibles avec les occupations de
phrase, désignant le Dauphin, destinataire des Fables : l’enfance. Le rythme binaire de ce vers rappelle égale-
« Illustre rejeton d’un prince aimé des cieux, / Sur qui ment le martèlement constant du travail des enfants.
le monde entier a maintenant les yeux, / Et qui, faisant b. On observe plusieurs figures de style dans l’extrait de
fléchir les plus superbes têtes, / Comptera désormais ses Boileau :
jours par ses conquêtes » (v. 2-5). – un chiasme :
« Polissez -le sans cesse et le repolissez » (v. 2), qui
3 a. La métonymie « de capes et de chapeaux »
évoque le travail de l’écrivain reprenant son texte de
désigne ceux qui se trouvent sur la place pour assister
toutes les manières possibles pour l’améliorer ;
aux exécutions.
– un deuxième chiasme :
b. La métonymie « la rue » désigne les passants qui se
« Ajoutez quelquefois, et souvent effacez » (v. 3), dont
trouvent dans la rue parisienne.
l’effet de symétrie montre bien les différents passages
c. La métonymie « Rome » désigne le pouvoir politique
qui sont faits sur le texte pour ajouter ou supprimer ;
exercé à Rome.
– une antithèse :
4 a. L’astre du jour désigne le soleil. « Ajoutez » et « effacez », qui renforce le chiasme pour
b. Le Roi-Soleil désigne Louis XIV. montrer que l’action de l’écrivain a plusieurs aspects,
c. Le Roi des animaux désigne le lion, notamment dans parfois contradictoires.
les Fables de La Fontaine.

278
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 12 Les figures de style

c. Plusieurs figures de style sont présentes dans cet 3 Reformulations des litotes
extrait de La Bruyère : a. Elle est vraiment/très habile.
– une hyperbole : b. Va, je t’aime.
« Ménalque se jette hors de la portière » (l. 4-5), qui c. Ce film est bon.
montre l’excès de Ménalque dans toutes ses actions, sa d. Il a raison.
précipitation ; e. Elle est heureuse.
– une gradation :
« l’antichambre, la chambre, le cabinet » (l. 6), qui va de 4 a. La gradation « Ses rivales, ses amies, ses meil-
la pièce la plus accessible au public à la pièce la plus leures amies » (l. 3-4) progresse des personnes les plus
privée, montrant ainsi que Ménalque va au cœur de la éloignées aux plus proches de Mme de Nucingen.
maison, alors qu’il s’est trompé de carrosse. Il n’est donc b. La gradation « gonflée, tuméfiée, violacée, presque
pas chez lui ; noire » (l. 1-2) progresse en même temps que les symp-
– une antithèse : tômes du garrot fait sur la main du voleur.
« tout » et « rien » (v. 6-7), qui révèle que Ménalque n’est c. La gradation « se vidant sur la terre, la délayant en
pas vraiment attentif car il croit tout reconnaître ; bouillie, la fondant comme du sucre » (l. 3-4) progresse
– une hyperbole : selon l’intensité de la pluie qui commence par ruisseler
« tout lui est familier, rien ne lui est nouveau » (v. 6-7) ; sur la terre avant de la faire disparaître.
il est difficile d’imaginer que Ménalque reconnaisse tout d. La gradation « des douleurs aiguës, un vertige sou-
son intérieur alors qu’il n’est pas chez lui ; dain, et puis un suintement abondant par les pores, et la
– une deuxième gradation : dissolution de l’être » (l. 4-6) progresse en même temps
« il s’assit, il se repose, il est chez soi » (v. 7-8), qui part que les symptômes de la Mort rouge.
de l’action (s’asseoir) pour aller vers ses conséquences,
physiques (se reposer) puis morales (apprécier son foyer).

279
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 13 L’analyse du texte théâtral

Étape 1 Repérer la structure d’une pièce

« Titus que viens-tu faire ? » (v. 1). L’empereur Titus s’op-


Exercices p. 491
pose à l’homme amoureux Titus.
2. L’intrigue repose sur la décision que va prendre Titus :
▶ L’exposition va-t-il rompre et renvoyer Bérénice ? On sait que Racine
1 a. Martine et Sganarelle sont un couple de paysans cherchait, avec Bérénice, à « faire quelque chose de
qui se disputent. Sganarelle se pique d’avoir des lettres, il rien ».
cite Aristote. 3. On a ici un monologue délibératif dans lequel Titus
b. L’époque est contemporaine de l’écriture de la pièce ne parvient pas à prendre une décision. Ce passage ne
et la scène se passe sans doute en extérieur. Sganarelle et fait donc pas avancer l’action. En revanche, il permet de
Martine « paraissant sur le théâtre » (didascalie initiale) montrer le désarroi du personnage et d’éveiller la com-
semblent sortir de chez eux. passion du spectateur. Il contribue à la « tristesse majes-
c. La pièce commence par une scène de ménage, et l’on tueuse » de la tragédie.
peut s’attendre à un règlement de compte entre époux.
d. La pièce se présente comme une farce (niveau de
langue, personnages, situation). Ce début dynamique
▶ Le dénouement
annonce une pièce comique. 3 Les trois personnages meurent sur scène dans ce
dénouement qui prend un tour spectaculaire. La réac-
tion de Doña Sol montre la force de l’amour qui unit
▶ L’intrigue les deux jeunes gens. Ils sont réunis dans la mort, ce qui
2 1. a. Titus se trouve face à un dilemme : il doit provoque la mort de Don Ruy Gomez, désespéré. Mal-
choisir entre son devoir d’empereur et son amour pour gré toutes ses tentatives, Doña Sol lui échappe définiti-
Bérénice. vement. Le dénouement est empreint de pathétique, et
b. Les nombreuses phrases interrogatives traduisent l’héroïne se montre ici sublime. On est loin de la retenue
son indécision. Le monologue prend la forme d’un dia- classique, c’est l’excès qui caractérise cette scène et le
logue de Titus avec lui-même. Il s’apostrophe durement : drame romantique.

Étape 2 Identifier les formes de la parole théâtrale

– des oppositions qui mettent en valeur les sentiments


Exercices p. 493
contradictoires et violents d’Hermione :
« transport/chagrin » (v. 2), « aime/hais » (v. 4), « venger/
▶ Les répliques fais grâce » (v. 14),
1 Divers procédés révèlent la crise que traverse ou bien le conflit avec Pyrrhus :
Hermione et son désarroi : « muet/soupirs », « tranquille/alarmes » (v. 9).
– une ponctuation expressive : Ce trouble l’amène à une sentence impitoyable (« Qu’il
interrogations et exclamations ; périsse », v. 16), mise en valeur par le rejet.
– des vers hachés :
2 1. Les deux personnages se parlent mais leurs
les deux premiers vers comptent cinq questions ;
répliques ne se répondent pas. La réponse de Philippe :
– des mots à la rime qui mettent en relief un trouble
« Non je n’ai pas faim » (l. 4) est sans rapport avec la
profond :
réplique qui précède. Même chose pour la réplique sui-
« dévore » (v. 2), « hais » (v. 4), « gémissement » (v. 8),
vante d’Hélène. Les réponses de Philippe aux questions
alarmes » (v. 9), « larmes » (v. 10), « ennui » (v. 11),
d’Hélène sont très laconiques et délivrent peu d’infor-
« menace » (v. 13), « courroux » (v. 15) ;
mations. Le spectateur en est réduit à des suppositions.

280
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 13 L’analyse du texte théâtral

2. Philippe n’écoute pas Hélène, il est perdu dans ses ▶ Apartés et didascalies
pensées.
3 Les didascalies sont ici des indications qui concernent
3. Le langage est contemporain. L’allusion aux Algériens
les placements des acteurs, le volume de leurs voix et
peut permettre de situer l’action à l’époque de la guerre
l’adresse des répliques. Feydeau faisait la mise en scène
d’Algérie, à la fin des années 1950 ou au début des
de ses pièces et réglait méticuleusement tous les dépla-
années 1960. Le paratexte, le lieu évoqué renvoient à un
cements, ceci afin de provoquer l’effet comique désiré.
milieu populaire et urbain, ouvrier.
On voit ici la lâcheté de Bois-d’Enghien, incapable de
résister à son envahissante maîtresse.
Ses apartés soulignent son incapacité à rompre par peur
de Lucette et provoquent le comique.

Étape 3 Analyser les formes du comique

2 1. Les quatre ressorts du comique sont présents


Exercices p. 495
dans cet extrait :
– le comique de situation :
▶ Formes, ressorts, fonctions renversement de situation : le valet rosse son maître ;
du comique – le comique de caractère :
1 Ressorts comiques utilisés la malice du valet rusé et la crédulité de Géronte ;
– le comique de mots :
• Comique de caractère
les différents patois employés ;
La scène montre un couple aux caractères opposés.
– le comique de geste :
Yvonne est une femme pragmatique, terre à terre, et
les coups de bâton.
Lucien a des velléités artistiques.
• Comique de mots 2. Cette scène relève de la farce. Les jeux de scène
– Termes repris (« faire une scène », « peintre », « bar- évoquent les lazzi de la commedia dell’arte. Ils mettent
bouiller », « vendre ») par les deux protagonistes : en valeur la virtuosité du comédien jouant Scapin. Il
« tu me feras une scène demain – Oh !… je ne te fais pas s’agit ici de provoquer le rire du public aux dépens du
de scène ! » (l. 1-3) ; maître acariâtre Géronte. La scène prend un aspect
« je suis peintre. – T’es peintre ! » (l. 13-15) ; carnavalesque avec le renversement des situations : le
« tu barbouilles. – Je barbouille ! – Absolument ! Tant maître est rossé par le valet.
qu’on ne vend pas, on barbouille ! Est-ce que tu vends ?
– Non, je ne vends pas ! évidemment, je ne vends pas ! La ▶ Formes du comique
belle malice ! Je ne vends pas… » (l. 15-21) ;
3 Une caricature des hommes de pouvoir
– Jeu de mots sur le verbe « peindre » :
L’extrait met en avant la bêtise du père Ubu, sa soif de
« T’as jamais bien peint qu’une chose ! […] Ma bai-
titres honorifiques, et la méchanceté de sa femme.
gnoire… au ripolin. » (l. 23-25).
Une parodie de tragédie
• Comique de situation
Le thème de l’extrait – la conquête du pouvoir – est un
Il s’agit d’une scène de ménage, un classique au théâtre.
thème de tragédie (Ubu Roi est une parodie de Macbeth).
L’effet comique est renforcé par le contraste offert par les
L’ensemble est traité sur le mode bouffon. Père Ubu et
costumes : Yvonne est en chemise de nuit, Lucien porte
Mère Ubu appartiennent à la noblesse, mais leur lan-
un costume de Roi-Soleil.
gage est un mélange de termes grossiers et archaïques :
« vous estes content de votre sort » (l. 1-2). Leurs noms
« Père » et « Mère » évoquent le peuple. L’« ordre de
l’Aigle Rouge » est un ordre fantaisiste. La pièce de Jarry
joue comme une farce un sujet grave : cette parodie de
tragédie est burlesque.

281
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 13 L’analyse du texte théâtral

Étape 4 Analyser une mise en scène

Exercices p. 497 ▶ Le spectacle, la scénographie,


les acteurs
▶ La scénographie 2 Proposition de paragraphe rédigé
1 1. La didascalie est très précise. Le décor est réaliste : La première scène est un récit de la narratrice, que Joël
la salle à manger d’un appartement. L’ensemble insiste Pommerat choisit de ne pas montrer au spectateur. Le
sur la banalité du décor, que l’auteur décrit minutieuse- dispositif scénique particulier s’explique en partie par
ment : une petite ville, une table, des chaises, un buffet ces paroles de la narratrice : « Je peux encore parler mais
rustique. Les portes et les fenêtres suggèrent l’existence uniquement avec des gestes » (l. 11-12). C’est un espace
d’autres espaces hors scène : les portes délimitent l’es- vide et sombre, une boîte noire : le lieu des rêves, des sou-
pace de l’appartement que l’on voit sur scène mais per- venirs (de l’inconscient ?). Un ciel bleu avec des nuages
mettent d’imaginer d’autres pièces derrière. La fenêtre est projeté en fond de scène, et le mot « imagination »
met en place le lieu de l’action : une « petite ville » apparaît en lettres blanches au-dessus d’un acteur qui
(l. 11). L’ambiance ainsi créée n’est pas sans donner un semble mimer ce que dit la narratrice. Il s’agit d’un jeu
sentiment de huis clos étouffant, provoquant un certain muet qui évoque le langage des signes. Le comédien
malaise. est vêtu d’un pantalon et d’un tee-shirt noirs comme
en portent les techniciens de plateau pour ne pas être
2. Soit l’élève respecte scrupuleusement la didascalie,
remarqués. C’est une façon de nous faire pénétrer dans
soit il trouve un équivalent plus contemporain du lieu
l’espace du conte, un univers nocturne, un espace du
décrit. Il s’agit de suggérer la banalité et d’instaurer une
récit et des signes, mais aussi dans l’univers du théâtre.
atmosphère de malaise.
Ce choix renvoie à ce que dit la narratrice, dont le corps
est décrit comme « aussi léger et transparent qu’une
plume » (l. 10-11). Pommerat introduit son spectateur
dans un espace mental et refuse la figuration. Il montre
le pouvoir du théâtre à susciter l’imagination.

282
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 14 L’analyse du récit

Étape 1 L’organisation du récit

social (l. 10-15). Son autre atout est son audace de séduc-
Exercices p. 499
teur : dès la ligne 8, il lance des regards qui sont « comme
des coups d’épervier » (l. 9). La métaphore de l’épervier
▶ L’ouverture du récit souligne que Duroy considère les femmes comme des
1 La situation initiale nous donne les indications proies. Le mot a un deuxième sens, qui fonctionne éga-
nécessaires à la compréhension de l’histoire. lement : il peut désigner un filet de pêche. Ainsi, on se
• Cadre spatio-temporel. Il est volontairement flou : un doute que le titre du roman, Bel-Ami, sera le surnom du
« village » (l. 1). On pense à un Moyen Âge de légende, personnage principal.
un temps reculé avec l’expression : « Il était une fois ». • Sa déambulation dans Paris évoque le parcours à venir
Le récit n’est pas situé dans le temps et dans l’espace de Duroy, son ascension sociale. Il part d’un restaurant
de manière réaliste car il ne se réfère pas à un moment bon marché : « gargote à prix fixe » (l ; 15) dans un quar-
précis, il a une visée plus générale. tier populaire de « la rue Notre-Dame-de-Lorette », et il
• Personnages. Ce ne sont pas des individus, ils n’ont pas va vers le « boulevard », nouvellement construit à l’oc-
de nom. Ce sont des types dont les silhouettes sont bros- casion des travaux d’Haussmann, dans un quartier plus
sées à grands traits : « une petite fille de village » (l. 1) chic. D’autre part, en se mettant en marche, Duroy met
appelée « le Petit Chaperon rouge » (l. 5), « sa mère » également le récit en marche.
(l. 2), « sa mère-grand » (l. 3). D’emblée, la fillette est
présentée comme jeune (« petite », « Petit ») ; jolie et
attirante (« seyait si bien », l. 2, « folle » ; l. 2, « plus folle ▶ La clôture du récit
encore », l. 3). 3 Voici la fin du « Petit Chaperon rouge » de Perrault.
• Genre et tonalité. Il s’agit d’un conte merveilleux. Il Et en disant ces mots, ce méchant Loup se jeta sur le
commence par « Il était une fois », formule magique qui Petit Chaperon rouge, et la mangea.
plonge le lecteur dans un univers où tout est possible. MORALITÉ
2 1. L’auteur dynamise son récit en rédigeant un inci- On voit ici que de jeunes enfants,
pit in medias res. En effet, l’action a commencé avant Surtout de jeunes filles,
même la première phrase du roman : Georges Duroy a Belles, bien faites et gentilles,
déjà dîné, il a déjà payé sa note puisque la caissière lui Font très mal d’écouter toute sorte de gens,
rend la monnaie. Et que ce n’est pas chose étrange,
S’il en est tant que le Loup mange.
1. • Le cadre spatio-temporel. Il s’agit d’un « restau- Je dis le Loup, car tous les Loups
rant » (l. 2-3), puis du « trottoir » (l. 16), du « boulevard » Ne sont pas de la même sorte ;
(l. 26) et du toponyme « la rue Notre-Dame-de-Lorette » Il en est d’une humeur accorte,
(l. 28). Ces termes évoquent la ville de Paris à la fin du Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
XIXe siècle. La date est très précise : « 28 juin » (l. 18), mais
Qui, privés, complaisants et doux,
on ne connaît pas l’année, sans doute contemporaine du Suivent les jeunes Demoiselles
moment de l’écriture. Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ;
• Le personnage. Il est identifié dès la première phrase : Mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux,
« Georges Duroy », un nom français, de roturier. C’est un De tous les Loups sont les plus dangereux ?
« ancien sous-officier » (l. 5). Il est seul, pauvre : il compte
son argent, il lui reste trois francs quarante en poche et 1. La situation finale est particulièrement cruelle dans
il ne pourra pas manger à tous les repas. Ce calcul s’étale la version de Perrault : « Le méchant Loup se jeta sur le
sur tout le dernier paragraphe (l. 18-27), montrant qu’il Petit Chaperon rouge, et la mangea. » Cette phrase au
s’agit de la principale préoccupation de Duroy. passé simple termine le conte (argumentation indirecte).
• Atouts majeurs du personnage. Son principal atout 2. Le texte en vers qui suit est une seconde étape : un
semble être son physique avantageux, son allure (« il épilogue en forme de « moralité » qui tire une conclusion
portait beau », l. 4), sa belle moustache (« frisa sa mous- explicite du conte. La moralité a pour rôle de délivrer un
tache », l. 5), il est qualifié de « joli garçon » (l. 8), et les message clair, il s’agit d’une argumentation directe rédi-
femmes le remarquent toutes, quel que soit leur milieu gée au présent de vérité générale.

283
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 14 L’analyse du récit

4 1. Depuis l’incipit, Duroy a fait son chemin, il a gravi Au début, il sort d’une gargote dans un quartier populaire,
les échelons de la société les uns après les autres en se à la fin, il est en haut des marches de l’église de la Made-
servant des femmes de son entourage. leine, grande église nouvellement construite dans un quar-
Il s’appelle désormais baron Georges Du Roy de Cantel. Il tier chic. La position en hauteur manifeste sa domination.
n’est plus le jeune roturier du début, il a un titre (usurpé) 2. Il s’agit d’une fin ouverte, car on ne connaît pas exac-
et un nom à particule. Canteleu, le village de ses parents tement l’avenir de Georges Duroy, même si le lecteur
ne traduit plus son origine paysanne, mais en devenant pense que, bientôt, il deviendra député : « Et il lui sembla
« Cantel » il évoque les terres d’ancêtres prestigieux. qu’il allait faire un bond du portique de la Madeleine au
Au début du roman, Duroy est seul, à la fin il est entouré portique du Palais-Bourbon. » (l. 19-21), le Palais-Bour-
d’une « foule noire » (l. 14), l’église est « pleine de bon étant le siège de l’Assemblée nationale.
monde » (l. 6), il a une femme à son bras, Suzanne, et ils On comprend également qu’il ne sera pas longtemps
passent « ensemble » (l. 7). Dans l’incipit, les femmes le fidèle à Suzanne, car, alors qu’il est encore sur les
regardaient mais, ici, il est le centre de tous les regards : marches de l’église, il observe complaisamment son
« Le peuple de Paris le contemplait » (l. 15-16), tel un roi. ancienne maîtresse, Mme de Marelle, avec laquelle il va
Au début, c’est la nuit, à la fin, il marche dans le soleil sans doute renouer puisqu’il pense à ses cheveux « tou-
éblouissant (l. 25-26), symbole de la gloire et de la réus- jours défaits au sortir du lit » (l. 28). Le roman se termine
site du personnage. ainsi sur une image érotique.

Étape 2 Narrateur et point de vue

« sans avoir l’air de se considérer dans l’obligation d’avoir


Exercices p. 501
du goût », « cheveux […] ternes […], mal tenus »).
Pourtant, dès la fin de ce premier paragraphe, le lecteur
▶ L’analyse des points de vue se doute que les deux personnages vont vivre une histoire
1 1. Le récit est rédigé à la 3e personne : il est pris d’amour. En effet, la dernière phrase de l’extrait, « Il l’avait
en charge par un narrateur impersonnel (ce n’est pas un mal regardée », semble annoncer un revirement.
personnage de l’histoire).
2 1. Il s’agit d’un narrateur impersonnel, car le récit est
2. Cependant il utilise le point de vue d’Aurélien, qui est raconté à la 3e personne.
le sujet des verbes de perception ou de pensée : c’est un
2. Le récit est raconté selon le point de vue des « rares
point de vue interne.
habitants qui se trouvaient en ce moment à leur fenêtre
La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva
ou sur le seuil de leur maison [et qui] regardaient ce
franchement laide. Elle lui déplut, enfin. Il n’aima pas
voyageur » (l. 4-6).
comment elle était habillée. Une étoffe qu’il n’aurait pas
Le point de vue est donc externe, car on ne sait rien du
choisie. Il avait des idées sur les étoffes. Une étoffe qu’il
personnage qui arrive : « un passant » (l. 20), « Personne
avait vue sur plusieurs femmes. Cela lui fit mal augurer
ne le connaissait » (l. 19), « D’où venait-il ? » (l. 20).
de celle-ci qui portait un nom de princesse d’Orient sans
On ne décrit que son apparence physique, ses mou-
avoir l’air de se considérer dans l’obligation d’avoir du
vements, on ne se glisse à aucun moment dans sa
goût. Ses cheveux étaient ternes ce jour-là, mal tenus.
conscience. Il est « de moyenne taille, trapu et robuste »
Les cheveux coupés, ça demande des soins constants.
(l. 9), « il pouvait avoir quarante-six ou quarante-huit
Aurélien n’aurait pas pu dire si elle était blonde ou
ans » (l. 10-11) : le narrateur fait des hypothèses sur son
brune. Il l’avait mal regardée.
âge, mais il n’a pas de certitudes.
Louis Aragon, Aurélien (1944) © Gallimard.
Il a l’air « misérable » (l. 8), porte une « casquette à visière
Champ lexical du regard de cuir » (l. 11), « une chemise de grosse toile » (l. 13-14),
Expression des pensées des vêtements peu raffinés. Il n’a pas de bas, il est pauvre.
Discours indirect libre, monologue intérieur d’Aurélien Il semble avoir fait un long chemin : il est « ruisselant de
Portrait négatif de Bérénice sueur » (l. 13) et porte un bâton, comme les pèlerins (l. 16).
Il a des aspects inquiétants : son aspect « trapu et
3. Tout ce premier portait de Bérénice selon le point de
robuste » (l. 9), son bâton « énorme » et « noueux » (l. 16),
vue d’Aurélien est très négatif, c’est un blâme de la jeune
sa « tête tondue » et sa « barbe longue » (l. 16-17).
femme (« franchement laide », « lui déplut », « n’aima pas
comment elle était habillée », « qu’il n’aurait pas choisie », 3. Cette arrivée d’un voyageur racontée d’un point de
vue externe rend le personnage mystérieux et crée du

284
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 14 L’analyse du récit

suspense. Le lecteur, comme les habitants de Digne, se d’un point de vue omniscient. Ce procédé narratif a sou-
demande qui est ce voyageur. Il s’agit de Jean Valjean, vent été utilisé par les écrivains réalistes ou naturalistes
bagnard qui vient d’être libéré. Bientôt, le narrateur du XIXe siècle afin de rendre compte le plus fidèlement
adoptera un point de vue omniscient ou interne, et le possible de la totalité du réel.
lecteur pourra entrer dans l’âme du héros hugolien.

3 Proposition de paragraphe rédigé


▶ Le changement de point de vue
Dans ce passage, Émile Zola utilise un point de vie omnis- 4 1. Le récit est mené par un narrateur personnage
cient. En effet, le narrateur ne se contente pas de rappor- qui raconte à la 1re personne.
ter au lecteur les paroles ou les gestes des personnages. 2. Il a un ami, il pourrait en avoir deux ; son nom, il
Il entre dans la conscience de chacun des protagonistes. l’ignore, sa demeure, il ne la soupçonne pas. Perche-
On connaît les pensées de Grivet, jaloux de son collègue t-il sur un arbre ? se terre-t-il dans une carrière aban-
de travail (« Il détestait Laurent, dont les appointements donnée ? Ceux de la Bohème ne sont pas curieux, et il
avaient monté trop vite, selon lui », l. 2-3), mais qui change n’a jamais pris le moindre renseignement sur lui. Il le
d’avis plus tard dans la soirée (« gagna l’amitié de Grivet rencontre de loin en loin, dans des endroits invraisem-
lui-même », l. 10). On connaît également les sentiments blables, par des temps impossibles. Suivant l’usage des
des autres invités : « les hôtes des Raquin ne pouvaient romanciers à la mode, il devrait vous donner le signa-
recevoir un inconnu sans quelque froideur » (l. 5-6). lement de cet ami inconnu ; il présume que son passe-
Le narrateur rapporte surtout les impressions et les senti- port doit être rédigé ainsi : « Visage ovale, nez ordinaire,
ments de Thérèse et de Laurent. Ce dernier « comprit la bouche moyenne, menton rond, yeux bruns, cheveux
situation », « il voulut plaire » (l. 7-8). Il s’efforce d’être châtains ; signes distinctifs : aucun. »
accepté par la compagnie, sans remarquer Thérèse (il Ce récit est maintenant pris en charge par un narrateur
« ne s’occupait pas d’elle », l. 14-15). Cette dernière est en impersonnel qui utilise la 3e personne, mais ce narrateur
revanche immédiatement troublée par le jeune homme : continue d’adopter le point de vue du personnage (point
une attirance physique, sexuelle, manifeste : elle évite de vue interne).
« les regards de Laurent » (l. 14), elle remarque son odeur
3. Il est impossible de réécrire le texte selon le point
(« les senteurs âcres et puissantes », l. 16-17). Tout cela
de vue externe, car cet incipit est surtout constitué des
provoque en elle une « angoisse nerveuse » (l.19).
pensées du narrateur. Pour présenter le personnage, il ne
Le narrateur nous fait entrer dans la conscience de tous
resterait que la description neutre du passeport.
les personnages présents dans la scène : il s’agit donc

Étape 3 Temporalité, ordre et rythme du récit

les premiers symptômes de son mal, une inexplicable


Exercices p. 503
tristesse, une étrange mélancolie qui bientôt le conduira
au bord de la folie : « souffrant » (l. 2), « triste » (l. 3),
▶ Ordre et rythme du récit « découragement » (l. 5), « détresse » (l. 6), « désolé »
1 1. a. C’est le récit rétrospectif. (l. 12), « malheur » (l. 13).
L’incipit correspond à la fin de l’histoire. Le docteur 2. Maupassant a choisi de réécrire son conte en en
Marrande est un aliéniste (l. 2), qui soigne un person- changeant les structures, l’ordre, la voix narrative et le
nage, un patient qui est dans sa clinique depuis long- point de vue.
temps (« Pendant longtemps il m’a cru fou. Aujourd’hui
Version 1 Version 2
il doute », l. 19-20).
Le « malade » prend la parole à la fin de l’extrait : « je Structure • récit-cadre au passé • récit linéaire
suis prêt à vous raconter mon histoire » (l. 18). Il revient et ordre simple et simultané au
du récit + récit enchâssé présent ou au
ensuite en arrière grâce à une analepse.
rétrospectif passé composé
On a donc un récit (à la 1re personne) enchâssé dans un
récit-cadre (à la 3e personne). Voix • narrateur impersonnel • narrateur
b. C’est le récit simultané. narrative + narrateur personnage personnage
Le malade raconte son histoire au jour le jour, il s’agit Point • point de vue omniscient • point de vue
d’un journal intime. L’extrait présenté raconte le deu- de vue + point de vue interne interne
xième jour d’écriture, le narrateur personnage ressent

285
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 14 L’analyse du récit

La version a est moins angoissante car, même si on sait ▶ Fonctions de la description


dès le départ que le personnage a vécu une histoire ter-
rible qui l’a conduit au bord de la folie, on sait aussi qu’il 3 • Fonction documentaire • Zola décrit un quar-
est vivant. Certes, il est « fort maigre », mais il semble tier populaire de Paris au XIXe siècle. Les maisons sont
sensé et le Dr Marrande envisage qu’il ne soit pas fou. délabrées (« masure », « persiennes pourries », « vitres
La version b comporte beaucoup plus de suspense, l’an- étoilées », « moisissure du plâtre ») : tout cela montre la
goisse monte petit à petit et l’identification au héros est vétusté de l’immeuble et le délabrement du quartier.
plus forte dans ce journal intime que dans le récit précé- Il situe l’histoire de manière très précise, donnant des
dent. Le lecteur est avec le narrateur personnage dès le noms de rues (les toponymes renforcent l’effet de réel) :
début du conte. Le narrateur lui-même ne connaît pas la les boulevards « de la Chapelle » et « de Rochechouart »,
fin de son histoire et n’a aucun recul. « la barrière Poissonnière », au nord de Paris. Dans ce
Et, surtout, la fin de l’histoire reste beaucoup plus mys- quartier, on trouvait alors en effet les abattoirs de Mont-
térieuse car la deuxième version se termine par une martre appelés aussi « abattoirs de Rochechouart », où
série de points de suspension : on ne saura jamais ce travaillaient de nombreux bouchers chargés de nourrir la
qui arrive au narrateur et pourquoi il n’écrit plus : a-t-il capitale. La description a donc un aspect réaliste.
décidé de fuir sans laisser de traces ? A-t-il sombré dans Elle correspond au point de vue interne de Gervaise, qui
la folie ? Est-il sous l’emprise du Horla ? Est-il mort ? La regarde par la fenêtre, la nuit, et voit les bouchers « en
tonalité fantastique est donc renforcée. tabliers », sent l’odeur nauséabonde des abattoirs (« puan-
teur », « odeur fauve ») et respire à travers son mouchoir.
2 • Une pause : l. 23-25 • Fonction symbolique • Mais cette description a surtout
! Description de Mme Arnoux selon le point de vue de une fonction symbolique, car elle traduit l’angoisse de Ger-
Frédéric. vaise, qui scrute la rue. Les images sanglantes symbolisent
• Une scène : l. 14-22 sa peur et font peser une sombre menace sur le récit :
! Les retrouvailles de Frédéric et Mme Arnoux en « peinte en rouge », « sanglants », « bêtes massacrées ». Le
actions et dialogues. thème de la boisson est inscrit en filigrane dans la peinture
• Des sommaires : les années de voyage (l. 1-5, 7-11), puis, « lie de vin » de l’hôtel et le patronyme « Marsoullier ».
les années où Frédéric fréquente le monde sans trouver • Fonction esthétique • Zola, ami des peintres impres-
l’amour (« Il revint », l. 6 ; « et il supportait le désœuvre- sionnistes, témoigne dans cette description de sa moder-
ment de son intelligence et l’inertie de son cœur », l. 12-13). nité. Il décrit des paysages urbains misérables et laids, qui
! Résumé de longues périodes. semblaient jusqu’alors indignes d’être peints, et les traite
• Une ellipse : « Des années passèrent » (l. 11-12). ici comme un tableau aux lignes de force puissantes (la
! Le narrateur ne raconte pas cette période de vide percée des deux boulevards) et aux larges taches de cou-
intellectuel et sentimental. leur (rouge, jaune).

Étape 4 Le personnage romanesque

b. Eugène de Rastignac : ce nom réaliste a cependant


Exercices p. 505
un aspect symbolique.
Eugène : vient du grec eu, « bien » et genos, « naissance,
▶ Définir le rôle du personnage race ». « Eugène » désigne donc celui qui est bien né.
1 Symbolique des noms de personnages La particule « de » indique qu’il est noble, et « Rastignac »
a. Grandgousier : géant qui a un grand gosier, qui mange qu’il vient du Sud-Ouest (sa famille est d’Angoulême).
beaucoup. Le Père Goriot raconte l’arrivée à Paris de Rastignac, un
Gargantua : le nom vient sans doute du mot gargante, étudiant pauvre et un peu naïf. Mais il a des atouts : il est
« gosier » en languedocien. Mais Rabelais évoque une noble, il a des appuis dans le monde (sa cousine Mme de
autre origine, fantaisiste, dans son roman : à sa nais- Beauséant et Delphine de Nucingen, qui sera sa maî-
sance, Gargantua commence par réclamer à boire. Son tresse). Il est le type de l’arriviste jeune et ambitieux, qui
père, voyant comment il ouvre le gosier, s’exclame : « Que deviendra un homme riche, ministre et pair de France.
grand tu as ! », ce qui a donné « Gargantua ». ! Le nom caractérise donc ce héros : c’est un noble de
Gargantua raconte l’enfance et l’éducation du géant province qui vient se frotter à la vie parisienne et à ses
Gargantua puis la construction de l’abbaye de Thélème, intrigues. Ce motif du gentilhomme gascon monté à
qui diffuse l’idéal d’éducation humaniste de Rabelais. Paris a été souvent exploité au XIXe siècle (Les Trois Mous-
! La soif de Gargantua symbolise sa soif de connaissances. quetaires, Cyrano de Bergerac).

286
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 14 L’analyse du récit

c. Georges : vient du grec gé, « la terre » et ergon, 3 Julien Sorel


« travail ». [Elle] aperçut près de la porte d’entrée la figure d’un
Georges est donc celui qui travaille la terre, le paysan. jeune paysan presque encore enfant, extrêmement
Duroy. Dans ce nom roturier, on entend le mot « roi ». Il pâle et qui venait de pleurer. Il était en chemise bien
se prête à la transformation en nom « à particule » (Du blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de
Roy) qu’adopte Bel-Ami à la fin du roman. ratine violette .
Bel-Ami raconte l’histoire de Georges Duroy, un jeune Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux,
homme normand, d’origine paysanne. Très ambitieux et que l’esprit un peu romanesque de Mme de Rênal eut
sans scrupules, il grimpe tous les échelons de la société. d’abord l’idée que ce pouvait être une jeune fille déguisée,
À la fin, il transforme son nom en « baron Georges Du qui venait demander quelque grâce à M. le maire. Elle
Roy de Cantel ». Il s’anoblit mais son prénom trahit eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la porte
encore ses origines paysannes. V p. 499, activités 2 et 4 d’entrée, et qui évidemment n’osait pas lever la main
! Le nom créé par Maupassant annonce le parcours jusqu’à la sonnette.
du personnage : du paysan au sommet de la pyramide • La présentation du héros
sociale, l’histoire de Georges Duroy est celle d’un arriviste. Julien est très jeune, à peine sorti de l’enfance, il manque
d’assurance et ne paraît pas très viril.
▶ Le héros de roman Il vient d’un milieu social modeste et ressemble à
2 a. La Princesse de Clèves est une héroïne parfaite, un « paysan » (l. 2). Il n’a pas de vêtements raffinés, il
porte une veste de « ratine » (l. 5), une étoffe de laine
idéalisée, un modèle pour le lecteur. Elle a toutes les
un peu grossière qui convient peu à la visite qu’il fait à
qualités.
Mme de Rênal.
• Qualités physiques
Pourtant le portrait comporte aussi des aspects plus
« une beauté » (l. 1) ; « une beauté parfaite » (l. 3), « attira
positifs : la propreté de ses vêtements, modestes mais
les yeux de tout le monde » (l. 1-2), « donna de l’admira-
soignés, et la blancheur de son teint, signe qu’il n’est pas
tion » (l. 3-4).
un paysan, qu’il ne travaille pas aux champs. C’est un
• Qualités sociales
intellectuel, il vient pour être précepteur.
Elle est noble, appartient à une famille prestigieuse (« de
la même maison que le vidame de Chartres », l. 5-6) et • Le point de vue interne de Mme de Rênal
riche (« une des plus grandes héritières de France », Ce portrait est fait selon une vision subjective, celle de
l. 6-7, « le bien », l. 9). Mme de Rênal (« Elle aperçut », l ; 1) ; on en apprend
• Qualités morales donc autant sur celle qui regarde que sur celui qui est
On suppose qu’avec son éducation elle aura « la vertu et regardé. Elle éprouve un sentiment de sympathie pour
le mérite […] extraordinaires » de sa mère (l. 9-10). Julien : « pitié » (l. 10), « pauvre » (l. 11), a immédiate-
ment une certaine indulgence pour sa gaucherie : le
b. Eugène de Rastignac est un personnage réaliste. Il
« évidemment » (l. 12) correspond au discours indirect
n’est pas idéalisé et la société dans laquelle il vit non
libre de Mme de Rênal, bienveillante et pas du tout
plus. Balzac s’efforce de rendre compte de la réalité telle
hautaine. L’expression « esprit un peu romanesque »
qu’elle est, son récit est « coloré des tons vrais » (l. 11).
(l. 7) montre que ce personnage est moins convention-
• Qualités
nel que son statut social pourrait le laisser supposer.
Il est intelligent et ambitieux : « comprennent dès le
jeune âge les espérances que leurs parents placent en 4 1. Céline utilise des personnages qui sont des anti-
eux » (l. 3-4), « belle destinée » (l. 5), « esprit sagace », héros, des personnages sans qualités, très loin des per-
« désir de pénétrer » (l. 12). sonnages idéalisés de La Princesse de Clèves.
• Difficultés
2. Le dialogue trahit le milieu social très populaire des
L’expression « façonnés au travail par le malheur » (l. 2-3)
personnages que Céline rend en imitant les tournures
et l’espoir qu’Eugène représente pour sa famille (« les
caractéristiques de l’oral.
espérances que leurs parents placent en eux », l. 3-4)
• Vocabulaire familier ou vulgaire :
laissent entrevoir une situation familiale difficile.
« couillons » (l. 5), « crève » (l. 9).
• Défauts
• Syntaxe relâchée et orale :
Il est sans scrupules, prêt à tout pour réussir : « calculant
– élision du « tu » (« T’as raison », l. 4) ;
déjà » (l. 5-6), « adaptant par avance » (l. 6-7), « pressu-
– suppression de la négation « ne » (« on est pas sages »,
rer » (l. 8), « adresse » (l. 9), mot qui suggère qu’Eugène
l. 13), de mots (« faut faire bien attention », l. 15) ;
est intelligent mais aussi manipulateur.
– propositions incises typiques d’un langage populaire
(« qu’il me fait », l. 1, « que je lui réponds », l. 20).

287
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 14 L’analyse du récit

Étape 5 Les genres du récit et le pacte de lecture

Comme le philosophe Pangloss du célèbre conte de Vol-


Exercices p. 507
taire, Jacques semble croire qu’il n’y a pas d’effet sans
cause : selon lui, tout est de la faute du « mauvais vin »
▶ Identifier les genres du récit du cabaretier (l. 18).
1 a. fabliau • Un roman picaresque
b. utopie Le dernier paragraphe évoque une multiplicité de lieux
c. conte merveilleux et d’aventures, de rebondissements caractéristiques du
d. roman psychologique ou roman d’amour picaresque : « en le séparant de son maître et en leur fai-
e. roman épistolaire sant courir à chacun tous les hasards qu’il me plairait »
f. roman réaliste (l. 56-58).
g. roman d’apprentissage ou de formation • Un roman d’apprentissage
h. roman historique Jacques commence par raconter sa jeunesse : il vit chez
i. autobiographie son père et se fait réprimander : « Mon père s’en aper-
j. poème dans un recueil de poèmes (Le titre « Roman » çoit ; il se fâche » (l. 19). Cela semble être l’amorce d’un
est une fausse piste). roman d’apprentissage. Ensuite, l’enrôlement dans un
k. roman naturaliste régiment, la première bataille et l’annonce de l’histoire
l. essai (Le titre Roman est une fausse piste). de ses amours sont autant de péripéties caractéristiques
m. nouvelle fantastique dans un recueil de nouvelles du roman d’apprentissage.
n. nouvelle réaliste dans un recueil de nouvelles • Un roman d’amour
o. roman de science-fiction/dystopie (Le titre est une « Sans ce coup de feu, par exemple, je crois que je n’au-
antiphrase ironique : le traducteur s’est inspiré du conte rais été amoureux de ma vie » (l. 29-30), « Et le moment
de Voltaire, Candide, où le héros pense, au début du d’apprendre ces amours est-il venu ? » (l. 41-42), « Jacques
conte, vivre « dans le meilleur des mondes possibles »). commença l’histoire de ses amours » (l. 45).
p. roman policier • Un roman réaliste
q. recueil poétique (Le titre Roman est une fausse piste.) Diderot renonce aux rebondissements invraisemblables :
r. autobiographie aux « contes » (l. 62), et choisit une tonalité réaliste : les
protagonistes vont se coucher ! (l. 62-64).
2 1. Les genres littéraires dans l’incipit • Un antiroman
• Une pièce de théâtre « Vous voyez, lecteur […] qu’il ne tiendrait qu’à moi de
Les dialogues sont le plus souvent précédés par les vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des
noms des personnages en majuscules, à la manière de amours de Jacques » (l. 53-56), « Qu’est-ce qui m’empê-
répliques de théâtre : LE MAÎTRE, JACQUES. D’ailleurs le duo cherait […] » (l. 58) : Diderot s’interroge sur l’écriture
maître-valet est caractéristique du théâtre et, comme même de son roman et frustre son lecteur en commen-
chez Molière, le valet reçoit des coups de bâton (« Voilà çant deux fois une histoire qu’il interrompt immédia-
le maître dans une colère terrible et tombant à grands tement, d’abord l’histoire du coup de feu qui a rendu
coups de fouet sur son valet », l. 48-50). Mais, comme Jacques boiteux, puis son histoire d’amour.
chez Beaumarchais, le valet est le héros de l’histoire. 2. Dans le dernier paragraphe ce n’est plus le narrateur
• Un dialogue philosophique impersonnel qui raconte un récit à la 3e personne du sin-
Les interrogations « D’où venaient-ils ? […] Où allaient- gulier, c’est l’auteur lui-même qui s’adresse directement
ils » (l. 3-4) parodient les questions philosophiques (D’où au lecteur : « Vous voyez, lecteur, que je suis en beau che-
venons-nous ? Où allons-nous ?). « Tout ce qui nous arrive min » (l. 53). Il utilise alors la 1re personne du singulier et
de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut » résume le la 2e personne du pluriel.
déterminisme de Jacques « le fataliste ». On a aussi une
3. Cette adresse directe au lecteur rompt l’illusion roma-
réflexion sur la religion : « Pourquoi donner au diable son
nesque et confère son originalité au roman de Diderot,
prochain ? » (l. 15-16). Enfin, Diderot s’inspire des dialo-
qui affirme ici sa totale liberté de création et nous en
gues platoniciens pour rédiger ce dialogue inaugural. Il a
dévoile les coulisses. Pourtant, cet incipit remplit son
d’ailleurs lui-même rédigé des dialogues philosophiques,
rôle : il annonce le ton et les thématiques qui seront
comme Entretien d’un père avec ses enfants.
ensuite développées. Il instaure un pacte de lecture nova-
• Un conte philosophique
teur et semble annoncer les grands romans du XXe siècle.
La trame narrative des aventures de Jacques rappelle les
aventures de Candide de Voltaire.

288
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 15 L’analyse du texte poétique

Étape 1 Les poèmes à forme fixe du Moyen Âge

on remarque la reprise des deux premiers vers à la fin


Exercices p. 509
de la première strophe, ainsi que de la seconde. Cette
remarque nous incite à rapprocher ce poème du virelai,
▶ Virelai, ballade, rondeau et triolet qui présente un refrain.
1 a. Le poème de Charles d’Orléans est composé de
2 1. La forme poétique reprise dans ce poème de
trois strophes construites sur deux rimes en [o] et en [ie].
Maurice Rollinat est la ballade.
Le premier vers « Le temps a laissé son manteau » est
En effet, le poème est constitué de trois strophes
repris au dernier vers. Enfin, ce poème est composé d’oc-
de même longueur et d’une demi-strophe intitulée
tosyllabes. Il s’agit donc d’un rondeau.
« envoi ». En outre, le dernier vers de la première strophe
b. Le poème de Théodore de Banville est constitué
est repris aux strophes suivantes : « Bleu, rouge, indigo,
d’une seule strophe de huit vers. Avec ses deux rimes et
vert, violet, jaune, orange. » Enfin, l’envoi commence par
sa reprise du vers 1 aux vers 4 et 7, on peut en déduire
une adresse au destinataire : « Ô toi », même s’il ne s’agit
qu’il s’agit d’un triolet.
pas d’un prestigieux destinataire.
c. Le poème de François Villon est constitué de deux
strophes. Il ne répond donc à aucune forme fixe. Ces 2. Proposition de titre
strophes sont un huitain (ce qui peut évoquer le triolet) Ballade de l’arc-en ciel
et un sizain. Les vers sont des octosyllabes. Par ailleurs,

Étape 2 Le sonnet

Heureux celui qui souffre une amoureuse peine.


Exercices p. 511
Pour un nom si fatal : heureuse la douleur,
Bien heureux le tourment qui vient pour la valeur.
▶ Identifier le sonnet Des yeux, non pas des yeux, mais de l’astre d’Hélène.
1 a. Le sonnet de Paul Verlaine n’est pas régulier. Nom, malheur des Troyens, sujet de mon souci,
Même s’il est bien composé de deux quatrains et de deux Ma sage Pénélope et mon Hélène aussi,
tercets en alexandrins, les deux quatrains sont constitués Qui d’un soin amoureux tout le cœur m’enveloppe :
uniquement de rimes plates selon le schéma : AAAA Nom, qui m’a jusqu’au ciel de la terre enlevé,
BBBB CCB DBD, et non ABBA ABBA CCD EDE/EED. Qui eut jamais pensé que j’eusse retrouvé.
b. Le sonnet de Charles Cros n’est pas régulier non plus. En une même Hélène, une autre Pénélope !
Même s’il est bien composé de deux quatrains et de deux
tercets, les vers sont cependant des octosyllabes et les 3 Libertés prises par Corbière avec le sonnet
rimes des deux quatrains sont croisées. • Corbière inverse la construction du sonnet : il commence
c. Le sonnet de Philippe Desportes n’est pas régulier là par deux tercets puis continue avec deux quatrains.
encore. • Les rimes du deuxième quatrain ne sont pas identiques
Même s’il est bien composé de deux quatrains et de deux à celles du premier quatrain : ABBA CDCC (et non ABBA
tercets en alexandrins, le schéma de rimes des deux ter- ABBA du sonnet).
cets n’est pas conventionnel. En effet, il suit le schéma • Les vers sont en octosyllabes (et non en décasyllabes
CCD DDD au lieu du schéma CCD EDE/EED. ou en alexandrins).
• Le poème multiplie les signes typographiques d’étrange
2 Rétablissement de l’organisation du sonnet manière : par exemple, le vers 4 commence par des points
Ma douce Hélène, non, mais bien ma douce haleine, de suspension et le dernier vers est précédé d’une ligne
Qui froide rafraîchis la chaleur de mon cœur, entière de points.
Je prends de ta vertu connaissance et vigueur,
Et ton œil comme il veut à son plaisir me mène.

289
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 15 L’analyse du texte poétique

Étape 3 La musicalité : les jeux sur les sons

b. Hugo. Le deuxième vers est un exemple de rythme


Exercices p. 513
croissant : chaque segment de l’énumération devient
plus long : « Et Korte » (deux syllabes), « et Carrelet »
▶ Étudier les jeux sur les sons (quatre syllabes), « et Canrobert Macaire » (six syllabes).
1 a. Ponge. On remarque plusieurs allitérations : c. Baudelaire. Les deux vers présentent un rythme
– en [g] avec « grosseur », « galet » (l. 1) et « rugueuse » ternaire :
(l. 2) ; « Il est des parfums [ frais comme des chairs d’enfants ],
– en [b] avec « brillamment blanchâtre » (l. 3) ; [ Doux comme les hautbois ], [ verts comme les prairies ] ».
– en [t] avec : « opiniâtrement », « Pourtant » (l. 4), d. Senghor. Plusieurs effets de rythme :
« tenir » et « torchon » (l. 5) ; – des enjambements : « écoutons / Battre le pouls… »
– en [k] avec : « curieux » (l. 7), « coupent », « cassent » (l. 2-3) et « eux-mêmes / Dodelinent » (v. 8-9) ;
(l. 8) et « Les coups qu’on » (l. 9). – un rythme croissant, l. 1-4 : « Écoutons son chant, /
b. Apollinaire. On relève un jeu d’homophonie : écoutons battre notre sang sombre, / écoutons battre le
– v. 1 : anaphores de « mains » et de « face » ; pouls profond de l’Afrique dans la brume des villages
– v. 3 : « pont » et « passe » sont reliés par l’allitération en perdus » ;
[p] et par les « bras » qui participent à une allitération de – un rythme binaire (renforcé par le chiasme) au même
consonnes labiales. nombre de syllabes pour la dernière phrase : « Voici que
– v. 4 : une allitération en [r] avec « éternels regards » et les pieds des danseurs s’alourdissent, / que s’alourdit la
l’autre en [l] avec « éternels », « l’onde » et « lasse ». langue des chœurs alternés. »
Une allitération sifflante en [s] guide la strophe avec les
mots « restons », « face », « face », (v. 1), « sous » (v. 2), ▶ Analyser la musicalité d’un texte
« passe » (v. 3), « si » et « lasse » (v. 4).
3 a. Verlaine illustre sa conception de la poésie par la
c. Ronsard. Le quatrain présente différents jeux sur les
poésie elle-même. Ainsi, la première strophe indique que
sons :
selon lui, la poésie est de la « musique » et qu’elle doit
– une allitération en [d] avec « Debout donc » (v. 1) ;
se montrer « plus vague et plus soluble dans l’air » en
– trois assonnances en [è] et [œ] ou [é], qui dominent
préférant « l’Impair ». Pour le prouver, cette strophe est
le texte :
entièrement écrite en ennéasyllabes (neuf syllabes).
« herbelette perleuse » (v. 1), « rosier », « couronné »
Dans la deuxième strophe, le poète martèle son objectif
(v. 2), « œillets aimés », « auxquels aviez donné » (v. 3),
de « Nuance », c’est-à-dire de demi-teinte. Cette néces-
« Hier » et « soigneuse » (v. 4) ;
sité de la nuance est aussi mise en valeur par la diérèse
– des répétitions de sons comme dans « beau rosier »,
sur « fiance ».
« boutons couronné » (v. 2) ou encore « si soigneuse » (v. 4).
Enfin, dans la troisième strophe, « la bonne aventure »
d. Verlaine. Le poète propose deux jeux sur les sons :
du hasard souhaitée pour le vers s’illustre par le phéno-
– une assonnance du son nasal [an]/[on] :
mène d’enjambement : « la bonne aventure / Éparse au
« sanglots », « longs » (v. 1), « violons » (v. 2), « mon » (v. 4),
vent ».
« langueur » (v. 5) ;
Ainsi Verlaine conçoit la poésie comme une forme de
– une allitération en [l] :
musique surprenante, instable, nuancée et légère.
« Les sanglots longs » (v. 1), « violons » (v. 2), « l’automne »
b. Dans son Art poétique, Boileau illustre sa conception
(v. 3), « Blessent » (v. 4), « langueur » (v. 5).
classique de la poésie par la poésie elle-même. En effet,
la cadence de l’alexandrin est régulière et on remarque
▶ Étudier les effets de rythme un accord entre le vers et la syntaxe : il n’y a pas d’enjam-
2 a. Rimbaud. Un rythme ternaire microstructurel et bement ni de phénomène de débordement. La césure
macrostructurel. Sur le plan macrostructurel, nous avons à l’hémistiche est scrupuleusement respectée, notam-
trois segments de phrase et un effet de débordement avec ment dans le vers 4, qui nomme explicitement le terme.
« et je danse ». Sur le plan microstructurel, chaque seg- Ordre, équilibre, clarté et mesure sont les qualificatifs
ment se compose lui-même de trois parties : « J’ai tendu appropriés pour décrire la conception de la poésie pour
des cordes / de clocher / à clocher ; des guirlandes / de Boileau.
fenêtre / à fenêtre ; des chaînes d’or / d’étoile / à étoile. »
Enfin, le dernier segment supplémentaire est lui-même
composé de trois mots monosyllabiques : « et je danse ».

290
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 16 L’analyse du texte argumentatif

Étape 1 Argumenter : convaincre et persuader

évoquant le bonheur (« souriante / Épanouie ravie ruis-


Exercices p. 515
selante », v. 3-4, « Amoureusement », v. 12).
• L’indignation est perceptible aussi à travers la moda-
▶ Convaincre ou persuader ? lité exclamative qui, même sans ponctuation dans le
1 1. Ces textes ont pour thème la guerre. Les deux poème, est perceptible : « Oh Barbara / Quelle connerie
auteurs dénoncent les ravages qu’elle engendre. la guerre » (v. 6-7).
• Des images violentes insistent sur les ravages de la
2. Le texte qui cherche à nous convaincre est celui de
guerre avec, par exemple, la métaphore de la « pluie de
Damilaville (texte a). Il s’appuie sur une analogie entre
fer / De feu d’acier de sang » (v. 9-10) qui est filée en
la guerre et la maladie pour montrer que la paix est la
« pluie de deuil terrible et désolée » (v. 18).
situation souhaitable pour une nation. Il développe ainsi
un raisonnement logique s’appuyant sur des connecteurs 2 1. Le texte de Boileau, datant du XVIIe siècle, expose
logiques (« en un mot », l. 9, « au contraire », l. 11) et des l’intérêt du respect des règles classiques. Au XIXe siècle,
arguments raisonnables énumérant la liste des bienfaits Hugo, chef de file du romantisme, initiateur du drame
apportés par la paix. Le ton est objectif : les articles défi- romantique, plaide pour l’abandon de ces règles.
nis produisent un discours généralisant, et le présent de
2. Le texte de Boileau cherche à nous convaincre en
vérité générale donne un aspect universel à cette défi-
donnant des arguments.
nition. Les termes employés sont abstraits : les « lois »,
« l’agriculture », « le désordre »… 3. Victor Hugo utilise la persuasion en cherchant à pro-
voquer notre indignation et en recourant à la satire.
3. Le texte de Prévert (texte b) cherche à nous persuader.
Il utilise un vocabulaire dépréciatif : « invraisemblable »
Procédés de la persuasion
(l. 1), « absurde » (l. 2), et nous implique dans son juge-
• Le poète s’adresse directement à Barbara, son interlo-
ment en utilisant le pronom « nous » et en ayant recours
cutrice : il suscite un climat de proximité en la tutoyant
aux questions rhétoriques (l. 8-11). Il imagine même des
et en lui posant des questions : « Qu’es-tu devenue main-
paroles que nous pourrions tenir (l. 23-25.). La ponctua-
tenant » (v. 8) ou « Est-il mort disparu ou bien encore
tion expressive souligne le jugement négatif porté par
vivant » (v. 13).
ces paroles.
• Le vocabulaire employé est fort et crée l’indignation
Ainsi, Victor Hugo souligne le ridicule de la règle d’unité
face aux ravages de la guerre : « connerie » (v. 7), « mort »
de lieu qui prive le spectateur du cœur de l’action et qui
(v. 13), « deuil », « terrible », « désolée » (v. 18), d’autant
n’a aucune vraisemblance à ses yeux.
que ces termes entrent en contraste avec le vocabulaire
positif du début du texte renvoyant à l’avant-guerre et

Étape 2 Différencier les arguments et les exemples

Exercices p. 517 ▶ Les exemples


2 1. Le premier exemple est celui du crapaud, le
▶ Les arguments second est celui du Guinéen, le troisième celui du diable
1 a. argument d’autorité et le dernier celui des philosophes.
b. argument logique 2. La thèse de Voltaire est que le beau universel n’existe
c. argument d’expérience pas : le beau est relatif et dépend de notre culture.
d. argument ad hominem
e. argument par analogie
f. argument logique

291
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 16 L’analyse du texte argumentatif

▶ La stratégie argumentative 3. La Bruyère cherche à nous persuader en dressant un


portrait satirique d’Arrias. La charge satirique est visible
3 1. La thèse que défend La Bruyère à travers ce por- dans les absurdités émises par celui qui veut occuper la
trait d’Arrias est qu’il faut éviter de vouloir parler à tout parole à tout prix : Arrias parle contre la logique et sans
prix et de monopoliser la parole. rien connaître, comme l’indique la chute plaisante de l’his-
2. Arrias utilise d’abord un argument d’expérience : toire. Le ridicule du personnage sert de repoussoir et nous
« il s’oriente dans cette région lointaine comme s’il en fait réfléchir à nos propres comportements. La Bruyère se
était originaire » (l. 7-8). Cet argument est tourné en ridi- moque de l’attitude impolie d’Arrias qui « prend la parole,
cule, car Arrias n’y a jamais mis les pieds et dit donc des et l’ôte à ceux qui allaient dire ce qu’ils en savent » (l. 5-7).
choses complètement fausses, avec l’assurance de celui
qui donne à croire qu’il connaît bien les lieux. 4 1. La thèse de Jaucourt est que la liberté de la presse
Il utilise ensuite un argument d’autorité : « je l’ai appris est indispensable à l’État de droit.
de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, 2. Critères de réussite du paragraphe argumenté
revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais • Les arguments sont pertinents.
familièrement » (l. 17-20). Cet argument est particuliè- • Les exemples illustrent bien les arguments.
rement savoureux, car la chute de l’histoire nous fait • Les exemples sont bien insérés dans le propos.
comprendre que c’est Sethon lui-même qui a interrompu • Le paragraphe est structuré par des connecteurs
Arrias, sans que celui-ci s’en soit rendu compte. Ce qui logiques.
prouve qu’il ment et qu’il vient de se couvrir de ridicule. • La langue est correcte.

Étape 3 Les connecteurs logiques

3 1. Texte de Voltaire rétabli


Exercices p. 519
Il paraissait impossible que Jean Calas, vieillard de
soixante-huit ans, qui avait depuis longtemps les jambes
▶ Repérer des connecteurs enflées et faibles, eût seul étranglé et pendu un fils âgé
1 1. Connecteurs logiques dans le texte de vingt-huit ans, qui était d’une force au-dessus de l’or-
• car (l. 3, 5, 9, 14 et 20) : exprime la cause. dinaire ; il fallait absolument qu’il eût été assisté dans
• mais (l. 4 et 17) : exprime l’opposition. cette exécution par sa femme, par son fils Pierre Calas,
• puisque (l. 13) : exprime la cause. par Lavaisse, et par la servante. Ils ne s’étaient pas quit-
• donc (l. 10, 17 et 18) : exprime la conséquence. tés un seul moment le soir de cette fatale aventure. Mais
• et (l. 11, 16) : exprime l’addition. cette supposition était encore aussi absurde que l’autre :
[…] Comment tous ensemble auraient-ils pu étrangler
2. L’intention de l’auteur est d’établir un raisonnement
un jeune homme aussi robuste qu’eux tous, sans un
logique et parfaitement structuré pour nous convaincre
combat long et violent, sans des cris affreux qui auraient
de sa thèse, à savoir qu’on aime les personnes pour leurs
appelé tout le voisinage, sans des coups réitérés, sans des
qualités qui ne forment pas leur moi profond et qu’il
meurtrissures, sans des habits déchirés.
n’est donc pas plus ridicule de se faire aimer pour des
Il était évident que, si le parricide avait pu être commis,
qualités externes plutôt que pour des qualités internes.
tous les accusés étaient également coupables, parce
qu’ils ne s’étaient pas quittés d’un moment ; il était
▶ Analyser des connecteurs évident qu’ils ne l’étaient pas ; il était évident que le père
2 1. Connecteurs logiques dans le texte seul ne pouvait l’être ; et cependant l’arrêt condamna ce
• donc (l. 1, 3, 10 et 20) : exprime la conséquence. père seul à expirer sur la roue.
• aussi (l. 5, 13) : exprime l’addition. 2. La thèse de Voltaire est que la condamnation de Jean
• alors (l. 7) : exprime la conséquence. Calas est injuste, car il est reconnu seul coupable dans
• mais (l. 13) : exprime l’opposition. un crime où il n’aurait pu agir seul. Il fallait donc soit
• et (l. 21) : exprime l’addition. condamner tout le monde, soit comprendre que l’accusa-
2. Les connecteurs sont très nombreux car le texte pré- tion ne tenait pas debout.
sente un cours de logique : les personnages s’efforcent
donc de construire un discours fondé sur des raisonne-
ments logiques et exhibent les connecteurs entre les idées.

292
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 16 L’analyse du texte argumentatif

Étape 4 Analyser un article de presse

3.
Exercices p. 521
Arguments en faveur Arguments contre
▶ Analyser des unes des réseaux sociaux les réseaux sociaux
• Ils répondent au besoin • Ils réunissent en un seul
41 1. Travail de recherche personnel.
de l’adolescent d’être vu endroit des personnes
2. Critères de réussite de la réponse et reconnu. qui appartenaient avant
• Ils confirment à des groupes différents,
• La justification s’appuie sur des observations
l’adolescent dans ce et donc uniformisent en
pertinentes et met en relation la mise en page et
qu’il fait ou dit, lui quelque sorte l’image de
les titres.
permettant de gagner en l’adolescent.
• La justification utilise un vocabulaire technique et
assurance à une période • Ils contribuent à créer
précis.
d’affirmation de la une image un peu
personnalité. caricaturale et convenue
▶ Analyser un article • Ils permettent qui ne contient donc
d’extérioriser ses plus la variété et la
2 1. • Quoi ? La construction de l’identité sur les pensées et émotions. richesse de l’identité
réseaux sociaux. Par le partage et les réelle.
• Qui ? Les adolescents. réactions, on peut ainsi • On se compare aux
• Où ? En France. mieux se comprendre. autres qui présentent
• Quand ? De nos jours. • On peut se confronter une facette idéalisée
• Pourquoi ? L’adolescence est un moment de construc- aux pensées des autres de leur vie sur les
et mieux réfléchir et réseaux sociaux et on
tion de l’identité : la question se pose de savoir si les
exprimer ses arguments. développe un sentiment
réseaux sociaux ont un impact sur celle-ci et de quel
• Ils permettent de tester d’infériorité.
ordre. différentes images de
2. Il y a deux intertitres : soi et d’apprendre à
– « Un jardin d’expérimentations » ; contrôler son image
– « Un appauvrissement de leur identité ? » sociale.
Ils résument assez bien le contenu qui suit, qui est à
chaque fois un développement de l’idée mise en avant.
Pour la proposition d’intertitre, il faut veiller à ce que ce
▶ Écrire un article
soit un groupe nominal qui résume une des idées phares 3 Critères de réussite de l’article
du contenu. • L’élève respecte la mise en page et les caractéristiques
Propositions d’autres intertitres du style journalistique : titre accrocheur, chapeau,
– Une occasion de réfléchir et de se construire intertitres…
– Le risque d’une identité figée et caricaturale • Le style est efficace.
On pourra faire remarquer que le titre de l’article est • Le livre est bien présenté, et sa fin n’est pas dévoilée.
moins approprié, car le texte traite beaucoup plus des • L’élève donne son jugement et propose un éloge ou
réseaux sociaux que du smartphone, qui est certes un un blâme du livre.
des accès aux réseaux sociaux mais qui n’est pas exacte- • La langue est correcte.
ment au cœur de l’article.

293
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 17 L’analyse de l’image

Étape 1 Analyser une image fixe

4. On trouve dans ce tableau une représentation de la


Exercices p. 524-525
tour Eiffel, que Delaunay a représentée dans plusieurs
1 Gilbert Garcin, Au musée séries, voyant en elle le symbole de la modernité.
On trouve aussi une référence aux trois Grâces : déesses
1. La technique utilisée est celle de la photographie en du charme, de la beauté et de la créativité dans la mytho-
noir et blanc et du photomontage. L’artiste se met en logie antique, elles ont inspiré de nombreux artistes.
scène lui-même dans ses photographies. Ces « trois Grâces à l’Antique […], explique Delaunay,
2. Au premier plan, on aperçoit un homme (Gilbert incarnent le vestige de ce rythme éternel de l’humanité
Garcin) qui observe un tableau/miroir. Ce tableau désormais emporté par les nouvelles technologies du
présente une série de tableaux/miroirs et, à l’arrière-plan, déplacement ». Ainsi, à travers elles, la fusion est faite
un homme, qui semble être celui du premier plan – il a entre l’art antique et l’art moderne. Enfin, on devine le
la même silhouette et la même posture –, qui observe Sacré-Cœur et Montmartre à l’arrière-plan, évoquant le
un tableau/miroir. L’univers représenté évoque un musée, quartier des artistes parisiens.
comme le titre de l’œuvre l’indique.
On assiste ainsi à un système vertigineux d’emboîte- 3 Félix Vallotton, Le Ballon
ment. Il s’agit d’une mise en abyme. 1. Le tableau présente au premier plan un enfant qui
3. Le détail intrigant est celui du chien, dont la place court après une balle rouge sur une aire sablonneuse, l’ar-
n’est pas dans un musée, et dont la queue a une posi- rière-plan est constitué d’un bosquet et de deux femmes
tion étrange. Il ne peut atteindre le tableau. Faut-il y voir qui discutent. La grande taille de l’espace est suggérée
l’idée que l’art est ce qui différencie l’homme de l’ani- par les deux silhouettes féminines qui paraissent très
mal ? Ou bien une simple touche d’humour ? éloignées.
Les lignes de force principales sont l’oblique courbe qui
3. La photographie s’intitule Au musée. Le jeu de mise
sépare la partie herbeuse et la partie sablonneuse, la
en abyme laisse entendre qu’on se contemple soi-même :
ligne verticale ombre et soleil, et la ligne horizontale qui
les œuvres sont blanches ou sont des miroirs, il n’y a
délimite la forêt en arrière-plan.
donc rien d’autre à voir que son propre reflet.
2. La scène est vue de loin en plongée. Elle offre ainsi
2 Robert Delaunay, Air, fer et eau une perspective inhabituelle sur cette scène du quoti-
Erratum. Il fallait lire, à la suite de la légende du tableau p. 524, dien. Elle nous donne l’impression que nous observons la
après « vibrations » : « Il réalise des aménagements décoratifs pour scène d’une fenêtre ou d’une terrasse en hauteur.
l’Exposition des arts et techniques de 1937, à Paris. Pour le pavillon
des Chemins de fer, il conçoit une peinture murale de 10 mètres par 3. Vallotton utilise de larges aplats de couleur. Deux cou-
15 : Air, fer et eau. Les dimensions dans la légende ci-dessus sont leurs dominent : l’ocre, sombre ou lumineux, et le vert,
celles de l’étude préparatoire. » Cette omission sera rétablie dans sombre ou lumineux également. Le tableau joue entière-
une prochaine édition. ment de ces contrastes, du clair-obscur qui divise le tableau
1. Cette gouache, de dimension modeste, est l’étude en deux. Les silhouettes blanches, le chapeau jaune et la
d’une immense toile (10 mètres par 15), destinée à déco- balle rouge s’y détachent nettement. L’ensemble donne au
rer le pavillon des Chemins de fer de l’Exposition des tableau une impression de sérénité, de calme.
arts et techniques (1937). 4. La ligne courbe dynamise l’ensemble du tableau. L’en-
2. On discerne l’avant d’un train en bas à droite du fant qui a lâché un ballon jaune pour une balle rouge
tableau. Par ailleurs, les courbes évoquent les sinuosités semble courir le long de cette ligne. Son mouvement est
de la route. En haut à gauche, on devine un avion et, au rendu par son ombre qui est placée devant lui et par les
premier plan, la toile déployée d’un parachute. Le titre, pans de son vêtement qui semblent soulevés par le vent.
enfin, Air, fer et eau, fait référence aux trois éléments Tout le mouvement se concentre entre le ballon jaune
concernés (les progrès scientifiques permettent alors le abandonné et la balle rouge qui attire l’enfant, d’où le titre.
transport sur terre, sur mer et dans les airs). 5. Ce tableau est une scène de genre : il nous donne à
3. Le choix de couleurs vives et contrastées, les lignes voir un parc et nous raconte une histoire grâce à son
courbes donnent une impression d’explosion de lumières dynamisme. La scène ne paraît pas figée, nous pouvons
et de couleurs, ce qui évoque le dynamisme. imaginer l’histoire de chaque personnage. Ces deux

294
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 17 L’analyse de l’image

femmes qui discutent semblent avoir bien des confi- à droite de l’image, et l’article défini « un » dans le pre-
dences à se faire, l’une d’elles est sans doute la mère de mier vers est remplacé par le chiffre 1 au bout d’une
l’enfant. L’enfant, lui, a abandonné un ballon jaune pour ligne jaune qui renvoie à la ligne 1 du métro.
une balle rouge, plus brillante. La campagne peut paraître amusante par sa référence,
elle a toutefois tendance à infantiliser les voyageurs qui
4 Campagne RATP peuvent aussi se sentir agacés par cette façon de procéder.
1. Le premier plan, est occupé par le personnage ani-
malisé, le deuxième plan montre les portiques du métro 5 Banksy, Le Manifestant aux fleurs
ou du RER, l’arrière-plan est sombre, traversé par les 1. L’image présente comme ligne de force principale
lignes lumineuses des néons, évoquant l’univers souter- l’oblique marquée par les bras et les épaules du person-
rain du métro. Ces lignes obliques ainsi que les horizon- nage et redoublée par son mouvement de jambe, la courbe
tales et les verticales marquées par les portiques et les de sa casquette et l’orientation de son regard ; ainsi, le
silhouettes des autres voyageurs, constituent les lignes point de fuite se situe à l’extrémité de la main gauche à
de force de l’image. Elles donnent l’impression d’un uni- droite du dessin, là où le projectile va être lancé.
vers clos et contrôlé, que le personnage animalisé trans- Les couleurs choisies sont le noir et blanc, qui entrent en
gresse. Le point de fuite se situe derrière lui, donnant du contraste avec les couleurs vives du bouquet de fleurs,
dynamisme à son mouvement. seul élément coloré. Le noir du manifestant l’inscrit dans
En plus d’être au premier plan, le personnage grenouille un registre sombre et inquiétant, qui s’oppose au symbo-
ressort particulièrement grâce à sa couleur verte qui se lisme et à la joie du bouquet (on offre un bouquet dans
démarque du gris du décor et des autres voyageurs. un geste d’affection).
2. Cette image fait référence aux Fables de La Fontaine. 2. En transformant la violence de la manifestation en
On le voit à l’utilisation d’un animal pour transmettre envoi de fleurs, le dessin devient poétique et délivre
une leçon ainsi qu’au recours aux vers de la morale : ils un message de paix dans le contexte du Moyen-Orient
ne sont pas conformes aux règles de versification (mètre déchiré par de violentes guerres, comme si l’artiste nous
et rime), mais ils ressemblent très fortement aux vers invitait à propager la paix et non la guerre.
d’une fable. Le manifestant porte un foulard qui dissimule son iden-
3. Il s’agit d’une campagne de la RATP pour inciter les tité, tout comme Banksy dissimule la sienne. Il est le
usagers à respecter les règles : le logo est visible en haut symbole de tous ceux qui luttent pour la paix.

Étape 2 Analyser une image en mouvement

Propositions de mouvements cinématographiques


Exercices p. 527
• Un travelling frontal de la caméra se rapprochant des
6 Tim Burton, Sleepy Hollow personnages qui regardent derrière eux, donc en direc-
tion de la caméra, comme si elle était une menace.
1. L’image montrée est un plan général. • Une montée de la caméra en plongée qui renforcerait
2. L’angle de prise de vue est frontal. cette idée de menace en écrasant les personnages.
3. Le décor est à la fois réaliste, avec les champs et • Garder une caméra fixe, avec un plan général et frontal,
les murets qui évoquent la campagne, mais aussi fan- et envisager une forme sombre qui avancerait dans notre
tastique, avec l’épouvantail sombre au premier plan à champ de vision, passant dans le cadre et nous cachant
droite, le moulin et la brume en arrière-plan. Les cou- les personnages.
leurs sont ternes et sombres : noir, gris et ocre des blés.
7 Ridley Scott, Alien, le huitième passager
Les lignes de force enferment les personnages sur le
chemin : les obliques et les horizontales à l’horizon et le 1. On a un angle de prise de vue frontal avec un plan
point de fuite sur la silhouette sombre du moulin au loin moyen.
donnent une impression de lieu dangereux et hostile à 2. Le cadre ici est un décor de vaisseau spatial, moderne,
l’ambiance inquiétante. lisse. Le point de fuite se situe au bout du couloir qui
4. Plusieurs réponses sont envisageables : on appréciera paraît très long, avec les différentes obliques dessinées
une justification qui va dans le sens des éléments obser- par les tuyaux. Les couleurs alternent le froid de l’acier
vés et dans la poursuite de l’installation de cette atmos- (gris et bleuté) et de la lumière (blanche ou bleue) et le
phère fantastique. chaud du rouge des cloisons, qui symbolise le danger.

295
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 17 L’analyse de l’image

On est en vue frontale et on peut imaginer une focalisa- 3. Critères de réussite du script
tion subjective, où la caméra serait à la place du person-
• L’élève utilise de manière pertinente le vocabulaire
nage qui doit parcourir tout ce couloir, dans une solitude technique vu lors de la leçon.
absolue. Derrière chaque cloison se cache peut-être une • Il écrit un script en respectant les codes du genre.
menace, une créature dangereuse, hors champ, ce qui la • Il a pris en compte le titre du film et a introduit un
rend encore plus terrifiante car il est impossible de pré- passager supplémentaire, d’origine extraterrestre.
voir d’où surgira le danger. • Plusieurs éléments du scénario et des éléments
techniques créent une atmosphère angoissante.
• La langue est correcte.

296
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 18 Le commentaire

Étape 1 Caractériser le texte

2 1. a. L’extrait d’Andromaque appartient au classi-


Exercices p. 529
cisme, mouvement littéraire du XVIIe siècle. Les auteurs
classiques s’inspirent des textes de l’Antiquité ; la guerre
▶ Qui ? quand ? de Troie racontée dans cette tirade par Andromaque est
1 Agrippa d’Aubigné (1552-1630) est né dans une l’épisode raconté par Homère dans l’Iliade.
famille protestante. Lorsqu’en 1567 la deuxième guerre b. L’extrait de Bel-Ami est un texte réaliste, ce que sou-
de religion éclate, il rejoint l’armée protestante. Soldat ligne la précision des descriptions (« dont un légèrement
et conseiller du jeune roi de Navarre, le futur Henri IV, teinté de bleu », l. 8-9) et naturaliste, ce que montre la
il prend part à plusieurs batailles Après la conversion référence à l’actualité à la fin du texte (« Avez-vous lu ce
d’Henri IV au catholicisme, Agrippa d’Aubigné, resté procès Gauthier ? », l. 11-12).
fidèle à la cause protestante, se met à l’écart. En 1620, 2. Les images, quelle que soit l’époque de leur création,
il est contraint de se réfugier à Genève où il passe les devront refléter l’Antiquité grecque pour le texte de
dix dernières années de sa vie. L’extrait de « Misères » Racine et la fin du XIXe siècle pour celui de Maupassant.
montre comment les guerres de religion ont déchiré la On pourra proposer en correction Andromaque et Pyr-
France (« la France, une mère affligée, / Qui est, entre ses rhus de Pierre-Narcisse Guérin (Louvre) et Rue de Paris,
bras, de deux enfants chargée », v. 1-2). temps de pluie de Gustave Caillebotte, par exemple.

▶ Quoi ? comment ? pour quoi faire ?


3
Thème Tonalité Enjeu
Musset, On ne badine • la place occupée par maître • comique • montrer le ridicule de maître Bridaine
pas avec l’amour Bridaine à la table du baron et faire rire à ses dépens
Musset, « Lucie » • la mort du poète • lyrique • provoquer la compassion du lecteur
• élégiaque
Zola, « Une victime • la publicité et ses • ironique • dénoncer les méfaits de la publicité
de la réclame » conséquences néfastes

Étape 2 Analyser le texte

Exercices p. 531 ▶ L’analyse du texte


2 1. La série de questions rhétoriques manifeste la
▶ La composition du texte volonté d’Andromaque de ne pas oublier les membres de
1 1. Dans la première strophe, le poète manifeste sa sa famille que les Grecs ont tués.
mélancolie : « Tristement », placé en début du vers 2. Cette 2. L’anaphore « Dois-je (les) oublier » souligne la douleur
mélancolie est soulignée par son immobilité : « Assis » du souvenir.
(v. 1), « Les yeux fixés » (v. 3). Dans la deuxième strophe, 3. Andromaque fait renaître le souvenir de la guerre de
le poète sort de sa torpeur, porté par un « espoir » (v. 5) : Troie en décrivant précisément les horreurs vécues par
« me venant promettre une autre destinée » (v. 7). les Troyens : « Hector privé de funérailles, / Et traîné sans
2. L’espoir de sortir de sa mélancolie se consume, comme honneur autour de nos murailles » (v. 2-3), « son père à
le tabac, et devient cendre. mes pieds renversé, / Ensanglantant l’autel qu’il tenait
embrassé » (v. 4-5), « Pyrrhus […] / Sur tous mes frères
3. Le poète compare le tabac et l’espoir, tous deux éphé-
morts se faisant un passage » (v. 8-10). Elle prend à témoin
mères et volatiles.

297
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 18 Le commentaire

sa suivante, Céphise, avec la répétition au vers 6 : « Songe, le XVIIIe siècle accorde aux savoirs, et souligne, en creux,
songe », et l’oblige à se remémorer : « Figure-toi » (v. 8). l’ignorance qui règne à l’âge d’or.
4. C’est la cruauté de Pyrrhus qui est mise en valeur dans 4 Proposition de lecture linéaire
cette tirade. Les expressions « les yeux étincelants » (v. 8)
Le texte étudié est composé de deux phrases dont la
et « Et de sang tout couvert » (v. 11) le montrent comme
deuxième occupe dix-neuf lignes. On relève trois mou-
un animal sauvage. Il ne manifeste aucun respect pour
vements dans le texte : la présentation des jeunes gens
les vaincus et les morts : « Sur tous mes frères morts se
(l. 1-4, jusqu’à « et le froid »), la description de l’océan
faisant un passage » (v. 10).
(l. 4-12, de « et ils sondent » à « phosphorescent ») et l’ef-
3 Proposition de lecture linéaire fet de la violence des vagues sur les garçons (l. 12, à partir
Voltaire présente sa conception du bonheur. de « et assommés », jusqu’à la fin). Les trois garçons sont
Le poème oppose deux âges : le passé et le présent. statiques, ils ne bougent pas et « piétinent » (l. 3). Ils
Voltaire s’y attache à montrer que, loin de toute nostalgie, restent à distance de l’océan « derrière le muret » (l. 2),
le présent est, pour lui, une époque plus propice au comme pour mieux s’en protéger. Leur immobilité ren-
bonheur. Ainsi, dans les quatre premiers vers, le poète se force par contraste la violence et le bruit des vagues. Ils
livre-t-il à un éloge ironique de l’âge d’or, « le bon vieux les scrutent, comme s’ils les jaugeaient avant d’entrer
temps ». Il s’exclut d’emblée de ceux qui ont la nostal- dans l’eau : « ils sondent cette étendue obscure » (l. 5).
gie de cette époque : « Regrettera qui veut » (v. 1). Les Ce qui frappe, c’est « le fracas de la vague qui explose »
références à la mythologie – « Astrée », « Saturne » et (l. 6). L’évocation du « vacarme » (l. 7) est présente tout
« Rhée », associées à la référence à Adam et Ève, « nos au long du texte : « ce qui gronde » (l. 8), « cette clameur
premiers parents » (v. 4) – dénoncent ceux qui, comme dingue » (l. 8-9). La violence se manifeste également
Rousseau, ont la nostalgie d’un paradis et d’un bonheur par l’évocation de l’écume comparée à des « milliards
perdus. Au vers 5, la rupture est marquée par le pronom d’atomes catapultés les uns contre les autres » (l. 11-12).
« Moi », à partir duquel le poète fait part de sa concep- Les garçons, encore engourdis par la nuit, observent cet
tion du bonheur. Contrairement aux « beaux jours » et océan déchaîné. Ils sont d’abord « assommés », « étour-
au « jardin » de l’âge d’or, le « temps profane » (v. 8) de dis » (l. 13). La fin du texte marque une modification de
l’époque à laquelle il vit lui convient parfaitement. L’énu- leur état, d’abord par l’adverbe « maintenant » (l. 14) et
mération des vers 9 à 11, « le luxe, et même la mollesse, par l’énumération « se ressaisissent, règlent leur vision,
/ Tous les plaisirs, les arts de toute espèce, / La propreté, leur écoute » (l. 14-15). Tous leurs sens sont maintenant
le goût, les ornements », évoque l’abondance et l’oisiveté en éveil et leur permettent d’appréhender la violence des
comme sources de bonheur, c’est-à-dire une conception éléments de manière rationnelle, comme en témoigne la
matérialiste du bonheur. Enfin, avec « les arts de toute seconde énumération : « évaluent », « jaugent », « esti-
espèce » (v. 10), le poète met en avant l’importance que ment », « se souviennent » (l. 15-18).

Étape 3 Élaborer le projet de lecture

3 Proposition de projet de lecture de l’extrait


Exercices p. 533
Problématique
Comment l’imagination du narrateur le fait-elle passer
▶ Établir une problématique d’un univers réaliste à un univers fantastique ?
1 Proposition de problématique pour le commen- Plan
taire du poème I. Une description réaliste de la scène
Par quels moyens le poète dénonce-t-il l’attitude des 1. La description du brouillard
courtisans ? 2. La description du paysage qui entoure le narrateur
II. Les effets de l’imagination du narrateur
▶ Construire le plan 1. La montée de la peur chez le narrateur
2. La tonalité fantastique
2 Proposition de deux axes de commentaire
I. La défense des droits de la personne est un principe
largement défendu.
II. Pourtant, le sort réservé aux esclaves est inhumain.

298
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 18 Le commentaire

Étape 4 Rédiger une analyse littéraire

décrit la chambre comme un endroit minuscule et misé-


Exercices p. 535
rable. Ainsi, l’adjectif « étroite » placé avant le substantif
« chambre » (l. 14) insiste-t-il sur l’exiguïté de la pièce. Par
▶ Sélectionner des citations ailleurs, l’anaphore du déterminant « un » dans l’énumé-
1 Citations montrant les oppositions qui structurent ration « meublée d’un lit, d’une table et d’une chaise »
le texte, mêlant sensations et émotions (l. 16-17) met en valeur le dénuement dans lequel vit le
• « vis/meurs » (v. 1) personnage. Enfin, la gradation « Le papier sali, le plafond
• « brûle/noie » (v. 1) noir, la misère et la nudité de ce cabinet » (l. 19-20) sou-
• « chaud/froidure » (v. 2) ligne sa misère. Ce cadre de vie montre la grande pauvreté
• « molle/dure » (v. 3) de Nantas et contraste avec la description au paragraphe
• « ennuis/joie » (v. 4) précédent du quartier dans lequel il vit.
• « ris/larmoie » (v. 5)
4 1. Dans le paragraphe, aucune citation n’a été relevée.
• « plaisir/grief tourment » (v. 6)
• « s’en va/dure » (v. 7) 2. Proposition de paragraphe corrigé
• « sèche/verdoie » (v. 8) La mansarde occupée par Nantas présente un contraste
• « douleur/hors de peine » (v. 10-11) important avec son environnement, qui est décrit
• « joie […] certaine, /désiré heur, […] premier malheur » comme luxueux. En effet, l’immeuble dans lequel se
(v. 12-14) trouve cette chambre est à côté de l’hôtel particulier du
baron Danvilliers. Le titre de ce personnage et sa fonc-
tion, conseiller d’État (l. 4), laissent deviner qu’il s’agit
▶ Rédiger une analyse de quelqu’un de riche. De l’hôtel, Nantas ne voit qu’un
2 Erratum. Il fallait lire en deuxième phrase de la consigne : « coin du jardin » (l. 7), mais les arbres sont « superbes »
« Aidez-vous du plan proposé V p. 532 et de l’analyse linéaire
V p. 530. » Cette erreur sera corrigée dans une prochaine édition.
(l. 8). Au-delà, il voit « la trouée de la Seine, les Tuileries,
le Louvre, l’enfilade des quais, toute une mer de toitures,
Proposition de paragraphe rédigé du commentaire jusqu’aux lointains » (l. 10-13) du Père-Lachaise, « à tra-
V Plan III. 2., p. 532 vers une échappée » sur Paris (l. 9), qui contrastent avec
Le poème repose tout d’abord sur une série d’oppositions l’impression d’enfermement que donne sa mansarde. Ce
et mêle sensations et émotions provoquées par l’amour. contraste est ressenti par le personnage dont les pensées
Ainsi, dès le deuxième vers, on relève une antithèse sont analysées aux lignes 23 à 26 : « il se comparait à un
« chaud/froidure », reprise à la fin du deuxième quatrain général qui couche dans quelque misérable auberge, au
avec « je sèche et je verdoie », qui souligne l’intensité du bord d’une route, devant la ville riche et immense, qu’il
sentiment amoureux sur le corps et l’âme de la poétesse. doit prendre d’assaut le lendemain ». Cette comparai-
L’effet est encore renforcé par les oppositions au vers 5, son de Nantas avec un conquérant et la perspective qui
« je ris et je larmoie », et au vers 6, « plaisir/grief tour- s’ouvre à sa vue des beaux quartiers de Paris évoquent
ment », qui montrent l’ambivalence de ce sentiment, symboliquement l’ambition du personnage.
source à la fois de bonheur et de malheur. La simultanéité
d’émotions opposées est mise en valeur dans le premier 5 Proposition de paragraphe rédigé du commentaire
tercet, avec la proposition subordonnée de temps « quand V Plan II. 2., activité 3, p. 535
je pense avoir plus de douleur » (v. 10), suivie de la princi- Le narrateur présente longuement Nantas. Il est coura-
pale « Sans y penser je me trouve hors de peine » (v. 11). geux et volontaire. On le remarque dans la dernière par-
La structure, répétée dans le second tercet, « quand je tie de l’extrait. Les deux dernières phrases montrent un
crois ma peine être certaine » (v. 12) et « Il me remet en enchaînement rapide des actions : entre la mort de son
mon premier malheur » (v. 14), souligne un cycle sans fin. père et son départ pour Paris, il se passe « Trois jours »
(l. 41). La rapidité de son départ pour Paris répond à la
3 Proposition de paragraphe d’analyse complété
« monotonie » (l. 35) des « douze années » (l. 34) qui
Tout d’abord, l’incipit de la nouvelle « Nantas » pré- ont précédé et pendant lesquelles il s’est retrouvé blo-
sente le héros éponyme et le lieu dans lequel il vit. Dès qué à Marseille, malgré ses ambitions. On retrouve cette
la ligne 1, la référence au « dernier étage d’une maison » ambition, cette impatience et cette volonté dans la com-
évoque une chambre de bonne réservée, au XIXe siècle, paraison avec un général : il est seul, pauvre et sans res-
aux domestiques. Cette indication annonce la pauvreté sources, dans la ville, qu’il compte « prendre d’assaut le
de Nantas. Cet aspect est renforcé par la description du lendemain » (l. 26).
lieu dans le deuxième paragraphe. En effet, le narrateur

299
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 18 Le commentaire

Étape 5 Rédiger le commentaire

Proposition de conclusion
Exercices p. 537
Nous avons donc étudié comment Boileau donne à voir
une série de scènes de la vie parisienne et comment
▶ Structurer introduction celles-ci nourrissent la dimension satirique du texte.
et conclusion Ainsi, l’image que le célèbre auteur classique donne
1 Recomposition de l’introduction : de Paris est celle, péjorative, d’une ville encombrée et
bruyante. Scarron, toujours au XVIIe siècle, dans son
d, g, a, b, e, f, c
poème satirique « Sur Paris » ajoute à ce désordre le
2 Dans cette conclusion, il manque la réponse à la désordre moral de ses habitants, et il faudra sans doute
problématique. attendre les romantiques et Baudelaire pour que la poé-
sie parvienne à exprimer la beauté de l’enfer parisien.
▶ Rédiger introduction et conclusion
3 Proposition d’introduction
Boileau est connu pour son Art poétique publié en 1674.
Il s’agit d’un poème didactique qui traite des règles de
l’écriture en vers classiques, et de la manière de s’ap-
procher au plus près de la perfection. Dans la querelle
des Anciens et des Modernes, il fait partie du premier
groupe. Faisant œuvre de moraliste, il a rédigé, aupara-
vant, des Satires (1666), dans lesquelles il s’attaque aux
mœurs de son époque. Au XVIIe siècle, Paris voit exploser
sa démographie et les transports se multiplient ; dans
« Les embarras de Paris », satire VI, l’auteur décrit la ville
et ses habitants, s’inspirant des « Embarras de Rome »,
écrits par Juvénal durant l’Antiquité. On se demandera
quelle image le poète dresse de Paris. Pour répondre
à cette question, nous analyserons la série de petites
scènes parisiennes présentées par Boileau pour en étu-
dier, dans une deuxième partie, la dimension satirique.

300
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 19 La dissertation

Étape 1 Comprendre le sujet

• Sujet 2
Exercices p. 539
a. La problématique ainsi posée est correcte car elle prend
en compte la démarche dialectique posée par le sujet.
▶ Comprendre le sujet b. La problématique a est beaucoup trop large, générale,
1 a. Mots-clés : « littérature », « moyen efficace », et s’éloigne trop de la question posée par le sujet.
« émouvoir le lecteur », « dénoncer les cruautés ». c. d. Les deux problématiques ont le même défaut :
! La préposition « pour » traduit le but, l’objectif, la visée. elles invitent à une démarche thématique et non à une
b. Mots-clés : « roman », « personnages ambitieux », démarche dialectique. Elles cherchent à justifier le point
« les plus intéressants ». de vue du sujet, non à le discuter.
! L’utilisation du verbe « être » et du superlatif suggère
4 1. Mots-clés : « élément de cruauté », « le théâtre
une analogie, une association entre « personnages » et
n’est pas possible ».
« ambitieux ». Le sujet sous-entend que l’ambition est le
Lien logique : association et analogie entre cruauté et
critère essentiel pour que le personnage soit intéressant.
théâtre. La citation d’Antonin Artaud va jusqu’à faire de
c. Mots-clés : « quel intérêt », romancier », « artiste »,
la cruauté la définition même du théâtre.
« mettre en scène », « personnages frappés de folie ».
Thèse sous-entendue : Le théâtre ne peut se passer
! La question introduite par « quel intérêt » renvoie au
d’élément de cruauté.
but recherché. Il faut s’interroger sur les raisons du choix
2. Le sujet nous invite donc à réfléchir sur la place et le
par l’artiste d’un personnage fou.
rôle de la cruauté dans le théâtre et nous demande de
d. Mots-clés : « la réussite et la force », « scène d’affron-
considérer si un théâtre sans cruauté est possible.
tement », « au théâtre ».
3. Problématiques possibles
! La formulation de la question par l’expression « À quoi
• Est-il possible d’envisager un théâtre sans cruauté ?
tient » implique une évaluation. Il faudra établir les cri-
• Le théâtre, par essence, peut-il se passer de cruauté ?
tères de réussite d’une scène de théâtre.
• La cruauté définit-elle le genre théâtral au point que,
2 a. Le registre comique n’a pas d’autre but que déclen- sans elle, celui-ci ne peut exister ?
cher le rire. • Le théâtre n’est-il que cruauté ?
b. Les choses banales constituent un sujet poétique
intéressant.
c. La beauté est le seul objectif de la poésie.
▶ Identifier le type de plan
d. Les œuvres littéraires ont pour vocation d’éduquer. 5 Sujet a Sujet b
e. Les œuvres d’art permettent de modifier notre 1. Question fermée. 1. Question ouverte.
manière de percevoir le monde réel. 2. « ne… que » 2. « en quoi »
3. Plan dialectique. 3. Plan thématique.
▶ Problématiser Sujet c
3 • Sujet 1 1. Pas de question explicite, mais une question fer-
a. La problématique tire le sujet vers une question mée sous-entendue : la citation de Baudelaire est-elle
thématique de cours, alors que le sujet invite à une pertinente ?
démarche dialectique. 2. « ne… que », « Vous discuterez ».
b. Cette problématique est la plus appropriée, car elle 3. Plan dialectique.
reprend la thèse sous-entendue par le sujet, exprime la Sujet d Sujet e
possibilité de le nuancer et de le discuter comme l’exige 1. Question ouverte. 1. Question ouverte.
le sujet, grâce à l’adverbe « seulement ». 2. « dans quelle mesure » 2. « dans quelle mesure »
c. La problématique est beaucoup trop large, générale, et 3. Plan thématique. 3. Plan thématique.
s’éloigne trop de la question posée par le sujet.
d. La problématique pourrait convenir, mais on lui 6 a. Plan dialectique. c. Plan thématique.
préférera la b en raison de l’ouverture que propose le b. Plan dialectique. d. Plan thématique.
« seulement ».

301
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 19 La dissertation

Étape 2 Trouver des idées

2 Propositions d’arguments
Exercices p. 541
1. Le discours argumentatif peut agir sur le monde.
2. La poésie lyrique s’inscrit dans une tradition ancienne.
▶ Trouver des idées en partant /Le poète fait souvent l’éloge de la femme aimée.
des exemples 3. Le roman offre une description fidèle du réel.
1 1. 2. Propositions d’exemples puis d’arguments /Le roman réaliste introduit des thèmes nouveaux dans
le roman, liés aux changements que connaît la société
• Sujet 1 du XIXe siècle.
Exemples Arguments 4. La tragédie est souvent une « histoire de famille ».
• Comique de répétition : « Que diable Le rire comme /Le théâtre propose une analyse fine des rapports
allait-il faire dans cette galère ? », Les divertissement. familiaux.
Fourberies de Scapin V Texte 9, p. 299 5. Le comique naît souvent d’un décalage.
• La scène du fauteuil dans Le Mariage /Un des ressorts des intrigues théâtrales est l’aveuglement.
de Figaro V Lecture 2, p. 288
• Le portrait de Tartuffe par Orgon, Le rire qui ▶ Trouver des idées en partant
Le Tartuffe V Lecture 2, p. 242 dénonce :
• L’aveuglement d’Orgon V Texte 5, p. 248 la satire. des arguments
• Le maître de La leçon de Ionesco Le rire 3 Propositions d’idées exploitables
V Texte 11, p. 257 tragique. a. Le personnage monstrueux est un repoussoir car il est
• Le dialogue des Bonnes V Texte 12, souvent très laid.
p. 302 b. Le personnage monstrueux est un repoussoir parce
• Sujet 2 qu’il incarne nos peurs.
c. Il est un repoussoir parce qu’il est un personnage
Exemples Arguments immoral.
La poésie permet au poète d. Il peut cependant attirer et fasciner parce qu’il est
• Louise Labé, sonnet II d’exprimer ses souffrances différent.
V Lecture 3, p. 84 personnelles : les amours e. Il peut aussi attirer et fasciner parce qu’il incarne
• Chénier, Iambes malheureuses, l’angoisse
l’antihéros.
V Lecture 4, p. 130 devant la mort.
f. Il peut enfin nous inviter à dépasser nos préjugés :
• Baudelaire La poésie dénonce la
derrière le monstre se cache souvent un être sublime.
« L’horloge » condition humaine soumise à
V Texte 7, p. 72 la fuite du temps 4 1a et e, 2f, 3b, 4b, 5d, 6b, 7c et e.
• Ronsard, sonnet II La poésie chante la beauté
V Lecture 3, p. 106 des êtres et du monde. 5 1. Thèse sous-entendue
La représentation permet de mieux comprendre une
Sujet 3 pièce de théâtre.
Exemples Arguments Propositions d’arguments et d’exemples
Le roman nous plonge • Certaines scènes sont difficiles à comprendre quand on
dans le monde réel : les lit, alors que, représentées, elles sont évidentes.
• Extrait de Petit Pays • pour mieux le ! Ex. La cérémonie de la toque virginale dans Le Mariage
de Faye comprendre et le décrire de Figaro, IV, 9. V Lecture 3, p. 290
V Texte 5, p. 382 dans toute sa complexité ; • Le décor, la musique, le jeu des comédiens permettent
• Fin de Dora Bruder de • pour témoigner de une incarnation du texte qui en précise le sens.
Modiano V Lecture 3, p. 220 l’Histoire et ne pas oublier. ! Ex. Le décor en trois dimensions de la mise en scène
• Incipit de la Bête humaine Le roman propose des Fourberies de Scapin par Denis Podalydès à la Comé-
de Zola V Lecture 1, p. 170 une évasion dans le temps die-Française en 2017 convoque cinq espaces scéniques
• Extrait de Pauline de et dans l’espace.
qui enrichissent le texte de Molière. V Image, p. 299
Dumas V Lecture 1, p. 148
2. Thèse sous-entendue
• La Horde du contrevent de Le roman invite aussi à
Damasio l’évasion et à la découverte Le personnage de roman a plusieurs fonctions possibles :
d’autres mondes. émouvoir, faire rêver, faire réfléchir.

302
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 19 La dissertation

Propositions d’arguments et d’exemples 4. Thèse sous-entendue


• Le roman, genre au départ mineur, entendait divertir Le sujet affirme l’étroitesse de la relation entre forme
les lecteurs. Les personnages les faisaient ainsi rêver. littéraire et efficacité de l’argumentation. Autrement dit,
! Ex. Les aventures de Pauline et Alfred divertissent le il affirme que le choix de la forme littéraire a une inci-
lecteur en présentant des épisodes romanesques, comme dence directe sur l’efficacité de l’argumentation menée.
la scène de chasse ou le duo. V Lectures 2 et 3, p. 150 Propositions d’arguments et d’exemples
et 152 • La poésie, par l’émotion qu’elle suscite, est efficace
• Le personnage de roman incarne une vision du monde pour persuader.
qui fait forcément réfléchir le lecteur sur les valeurs qu’il ! Gaudé décrit une colonne de migrants dans un poème
véhicule. lyrique émouvant qui se clôt par un appel à la solidarité.
! Ex. Émile Zola exprime sa conception de l’hérédité à V Lecture 2, p. 376
travers le personnage de Jacques dans La Bête humaine. ! Marot dans « Épître au roi pour sa délivrance » cherche
V Lecture 2, p. 172 à faire rire François Ier et gagner ainsi son appui pour sa
3. Thèse sous-entendue libération. V Lecture 3, p. 128
Le théâtre ne peut intéresser le spectateur que s’il met • Le discours permet davantage de convaincre en faisant
en scène des personnages hors du commun. Le sujet appel à des arguments de raison.
invite indirectement à réfléchir sur la définition du ! Simone Veil ou Robert Badinter en appellent, dans
théâtre et sur les sous-genres qui le composent. leur discours, à la raison des députés pour faire voter une
Propositions d’arguments et d’exemples loi importante. V Lectures 1 et 2, p. 394 et 397
• Le théâtre, et surtout la tragédie, a pour vocation de 5. Thèse sous-entendue
susciter des sentiments extrêmes pour purger le spec- Le sujet interroge l’inspiration poétique. Il invite à réflé-
tateur de ses passions destructrices. On comprend donc chir plus largement sur la notion de « Beau » poétique.
que plus les personnages sont hors du commun, voire Propositions d’arguments et d’exemples
monstrueux, plus la catharsis pourra opérer. • La laideur, qui fascine, intéresse les poètes, car elle
! Ex. Le spectateur assiste à la naissance d’un monstre invite à poser un autre regard sur le monde.
dans Britannicus. V Lecture 2, p. 266 ! Ex. « Une charogne » de Baudelaire est une réflexion
• Mais le spectateur va aussi au théâtre pour se divertir. sur la mort et le temps qui passe. V Texte écho, p. 69
En ce sens, des personnages plus ordinaires peuvent faire • La laideur inspire les poètes parce que, en la faisant
naître le rire. objet de poésie, ils la transforment en beauté.
! Ex. Le personnage de Dorine dans Tartuffe provoque ! Ex. Baudelaire dans « Une charogne » transforme par
le rire par son insolence. V Texte 5, p. 248 ses vers un cadavre en œuvre d’art.

Étape 3 Construire le devoir

c. La littérature est engagée : elle dénonce la cruauté des


Exercices p. 543
hommes.
! Ex. Dora Bruder, Modiano V chap. 8, p. 212
▶ Construire le plan détaillé a. La littérature utilise de nombreux registres qui per-
1 1. Le plan 2 prend en compte la totalité de la ques- mettent de susciter un grand nombre de sentiments, de
tion dans chacune des parties. la compassion à l’indignation.
Le plan 1 décompose trop le sujet entre le I et le II, ! Ex. Candide, Voltaire : d’un chapitre à l’autre, Voltaire
comme si le sujet séparait « dénoncer » et « émouvoir ». oscille entre l’humour, l’ironie, la satire, la polémique. La
situation de Candide peut même parfois susciter la pitié.
2. 3. Plan 2. Classement des sous-parties et proposi-
tions d’exemples II. Mais elle ne permet pas toujours de changer les
I. La littérature est efficace pour émouvoir le lecteur comportements : son efficacité est donc limitée.
et dénoncer les cruautés commises par les hommes. h. La littérature a beau dénoncer des cruautés, elle n’est
g. On publie beaucoup de livres, donc la littérature pas toujours efficace pour changer les comportements.
semble capable de toucher un très grand nombre de ! Ex. Il se passe un siècle entre les prises de position de
lecteurs, surtout à l’heure du numérique. Montesquieu ou Voltaire contre l’esclavage et son aboli-
! Ex. L’Archipel du Goulag de Soljenitsyne s’est vendu à tion. Hugo se bat contre le travail des enfants, mais son
plus de dix millions d’exemplaires après sa parution en combat n’a pour résultat qu’une diminution de l’horaire
1973 et a été traduit dans le monde entier. journalier de travail.

303
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 19 La dissertation

e. La lecture est parfois difficile, donc la littérature peut 2 Propositions de sous-parties


rebuter certains et ne pas toucher tout le monde. a. I. La poésie célèbre le monde.
! Ex. Certains ouvrages peuvent décourager les lecteurs 1. Elle fait l’éloge de l’amour.
par leur difficulté ou leur longueur. L’Espèce humaine de 2. Elle exalte la puissance de la nature et du cosmos.
Robert Antelme est d’un abord abrupt pour certains lec- II. La poésie peut aussi avoir d’autres fonctions.
teurs V Texte 9, p. 228. La longueur des Misérables peut 1. Elle est didactique.
rendre sa lecture difficile. 2. Elle est engagée.
III. On a donc besoin d’autres moyens. b. I. L’attrait de l’originalité et du nouveau dans une
b. La presse et le journalisme jouent un rôle également œuvre.
majeur pour émouvoir et dénoncer les cruautés humaines. 1. Car ils suscitent la surprise : du plaisir à l’indignation.
! Ex. L’article « J’accuse » de Zola. V doc. 2, p. 168 2. Car ils « dépaysent ».
f. Les autres arts, visuels notamment (la peinture, le II. L’intérêt de retrouver des situations, des person-
cinéma), touchent également un grand nombre de nages, des thèmes connus.
spectateurs et dénoncent avec une efficacité qui peut 1. Le plaisir vient de l’attente comblée.
paraître plus frappante. 2. Le plaisir de la reconnaissance des lieux, des person-
! Ex. Guernica, de Picasso, Nuit et Brouillard, d’Alain nages célèbres, des épisodes de l’Histoire…
Resnais… 3 Critères de réussite de chaque plan détaillé
d. La justice, les institutions politiques ont plus d’effica-
cité pour rétablir la justice. • Le plan choisi répond au sujet : plan thématique ou
! Ex. Le procès de Nuremberg a eu un poids déterminant dialectique.
pour reconnaître le génocide juif et pour condamner • Il met en valeur une démarche progressive et structurée.
véritablement les bourreaux, et pas seulement dénoncer • Les sous-parties justifient bien les axes, et les
exemples justifient bien les sous-parties.
l’horreur de leurs exactions.
• Les exemples sont variés et pertinents.

Étape 4 Rédiger la dissertation

ration dans le monde intérieur, d’autres s’attachent au


Exercices p. 545
contraire à peindre la réalité.

▶ Rédiger l’introduction 2 Proposition d’introduction


1 Les améliorations à apporter sont de plusieurs ordres : La célèbre formule de Jean-Paul Sartre, « Longtemps j’ai
pris ma plume pour une épée », exprime avec force la
– méthodologique :
volonté de certains écrivains de faire de la littérature un
il manque, dans l’étape 1, la contextualisation du sujet.
combat qui réveille les mentalités et pousse à l’action.
Il faudrait ajouter une phrase qui crée un lien entre la
En ce sens, il est légitime de se demander si la littéra-
première phrase très générale et le sujet ;
ture est un moyen efficace pour émouvoir le lecteur et
– syntaxique :
dénoncer les cruautés commises par les hommes. L’effet
l’interrogative indirecte dans la problématique. Ce point
qu’un texte suscite est une question déterminante, et
peut faire l’objet d’une séance de grammaire ;
s’intéresser à sa réception engage la conception même
– lexical :
que l’on peut se faire de la littérature. S’interroger sur
l’expression « de tout temps » est maladroite, comme le
son « efficacité » revient en effet à mettre en question
choix du terme « fantastique » ;
sa légitimité, non seulement à émouvoir mais également
– stylistique :
à dénoncer le « mal ». La littérature, en tant qu’art exi-
dans l’annonce du plan, annoncer le II par un « que
geant un destinataire, peut-elle revendiquer une légiti-
non » est maladroit.
mité à émouvoir le lecteur et, au-delà, à dénoncer les
Proposition de réécriture de l’introduction
cruautés commises par les hommes ? Dans un premier
La poésie est une forme littéraire particulièrement raffi-
temps, nous validerons l’hypothèse de son efficacité puis
née, où les mots produisent à la fois images et musique.
nous verrons que cette dernière est limitée. Loin de rester
Elle pourrait alors paraître impropre à exprimer la tri-
sur ce constat pessimiste, nous montrerons que d’autres
vialité et la banalité du monde réel. Est-ce à dire que le
moyens existent et dialoguent avec l’art littéraire pour
poète doit chercher son inspiration hors de la réalité ?
qu’aucune des cruautés du monde ne reste sous silence.
Nous verrons que si certains poètes puisent leur inspi-

304
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 19 La dissertation

Proposition de conclusion 5 Cette activité ressemble fortement à la précédente,


Au terme de notre analyse, nous avons pu évaluer les mais la consigne vise à faire penser aux élèves qu’ils
atouts certains de la littérature pour émouvoir le lecteur gagnent en autonomie et sont presque « sans filet »
et dénoncer avec efficacité les cruautés des hommes. (alors qu’en réalité le plan donné en p. 542 est aussi
Si la légitimité de la littérature à entrer dans des com- détaillé que les propositions de l’activité précédente).
bats et à réveiller la conscience des contemporains ne Les critères de réussite peuvent donc être les mêmes
fait aucun doute, on a aussi pu constater que son action pour les deux activités.
reste limitée. Dénoncer n’est pas toujours réparer, émou-
voir n’est pas faire agir. Aussi, après avoir étudié les 6 L’objectif de cette activité est tout d’abord de dédra-
limites de l’efficacité du texte littéraire, nous avons aussi matiser l’exercice de la dissertation auprès des élèves.
convoqué les autres moyens, artistiques notamment, qui L’enjeu est aussi de créer une émulation positive dans les
ne rendent pas vain le combat auquel invitait le sujet : groupes composés. Les travaux de groupe ont tendance à
émouvoir et dénoncer. L’engagement n’est pas une pos- bénéficier aux élèves les plus à l’aise. Comme précédem-
ture seulement littéraire. Il est plus largement artistique, ment, on peut envisager de créer des groupes plus homo-
et également politique. Finalement, c’est moins la ques- gènes et de différencier les attentes (une seule partie
tion de l’efficacité de l’art qu’il faut se poser que celle de détaillée au lieu de la totalité du devoir, par exemple).
notre urgence à ne pas se taire. Critères de réussite de la dissertation
• Respect de la problématique collective.
▶ Rédiger le développement • Pertinence des sous-parties par rapport aux axes.
3 • Énoncé de l’idée directrice : phrase 1. • Pertinence et précision des exemples par rapport aux
sous-parties.
• Explication de l’argument : de « Pour ce faire » à « une • Pertinence et analyse des exemples.
seule journée ». • Rédaction de la transition entre les axes.
• Insertion de l’exemple : phrase qui suit. • Démarche globale : logique, structure, finesse.
• Analyse de l’exemple : de « On a en effet » à « l’utilité
de cette règle ».
• Conclusion : dernière phrase.

4 Critères de réussite de l’activité


Cette activité peut être envisagée dans une logique
de pédagogie différenciée. On peut également la faire
refaire plusieurs fois, à des moments différents, pour
montrer aux élèves leurs progrès.
Elle peut aussi être réalisée en petits groupes, en donnant
les échelles de validation : fondamentale – intermédiaire
– approfondie.
Critères fondamentaux
• Respect des cinq étapes.
• Utilisation de mots de liaison.
Critère intermédiaire
• Analyse de l’exemple bien reliée à l’idée directrice.
Critère d’approfondissement
• Cohérence interne du paragraphe : il propose une
démonstration interne logique et solide.

305
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 20 La contraction de texte

Étape 1 Comprendre le texte

Exercices p. 547 ▶ Identifier les caractéristiques


essentielles du texte
▶ Comprendre le sens général 3 • Ce texte est écrit à la première personne du plu-
du texte riel, le pronom « nous » englobe le lecteur et l’auteur. Le
1 Proposition de réduction du texte (2 phrases) temps est le présent, il s’agit d’un texte argumentatif qui
vise à nous faire prendre conscience que nous ne savons
Dans une ferme en Chine sont élevés des milliards de
pas vraiment « regarder » la beauté du monde, que les
cafards sous la surveillance d’une intelligence artificielle.
artistes, eux, perçoivent.
Il s’agit, en fait, d’une firme pharmaceutique qui crée à
partir de ces insectes un médicament contre les maux • Proposition de résumé du texte (4 phrases)
d’estomac. Nous apprenons à lire mais pas à regarder, car il semble
que c’est une capacité qui ne nécessite aucune initia-
tion. Ainsi, les visiteurs d’un musée ne s’arrêtent pas
▶ Repérer la structure du texte
longtemps devant la toile d’un maître et, s’ils n’y ont pas
2 Liens logiques été exercés, ne tirent pas un grand plaisir de sa contem-
• l. 1-5 (1re phrase) : le lien entre le salaire et la subsis- plation. De même, nous sommes souvent confrontés à
tance du peuple des travailleurs est établi par « pendant des événements banals : un vol d’oiseaux ou un repas,
que » (l. 4). sans en percevoir la beauté, alors que des peintres ont su
• l. 5-7 (2e phrase) : ce lien est développé par la conjonc- la restituer. Nous devons apprendre à prêter attention au
tion « Que » (l. 5) exprimant l’hypothèse. monde dans lequel nous évoluons, qui est le même que
• l. 8-11 (3e phrase) : la première conjonction « et » (l. 9) celui des artistes.
exprime le résultat du manque de travail et la seconde
(l. 11) met en évidence la situation paradoxale du salarié.
• l. 11-15 (4e phrase) La conjonction « Or » marque une
rupture et une opposition à la dernière proposition (refus
du travail).
Proposition de contraction du texte (3 phrases)
Les travailleurs salariés doivent leur subsistance au
salaire et au travail : si ceux-ci manquent ou diminuent,
ils sont condamnés à la misère ou à la mort. C’est pour
cette raison qu’ils se révoltent contre une société qui leur
impose comme unique source de revenu le travail et qui
les prive dans le même temps de ce travail. Il n’est alors
pas acceptable de cautionner un système qui repose sur
la lutte pour le travail entre les hommes.

306
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 20 La contraction de texte

Étape 2 Rédiger la contraction

3 1. Connecteurs logiques
Exercices p. 549
– « alors que » (l. 2)
1 1. Énumération : « diminuer, amoindrir, limiter, – « au-delà de » (l. 10)
– « Toutefois » (l. 15)
circonscrire » (l. 7).
– « aussi » (l. 21)
1. On peut supprimer les parties surlignées.
2. Proposition de résumé (44 mots)
Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu’on peut
Les habitants déplorent l’afflux de touristes qui dégradent
supprimer la souffrance en ce monde, la souffrance est
leur environnement économique et social. Certes, il
une loi divine, mais je suis de ceux qui pensent et qui
faut accueillir les touristes mais de manière raisonnée.
affirment qu’on peut détruire la misère.
Ainsi plusieurs villes encadrent la location saisonnière
Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer,
ou d’autres imaginent des événements hors saison pour
amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. La misère
étaler dans le temps leur venue.
est une maladie du corps social comme la lèpre était une
maladie du corps humain ; la misère peut disparaître 4 Proposition de résumé (50 mots)
comme la lèpre a disparu. Détruire la misère ! oui, cela L’information télévisuelle présente toujours le même
est possible ! Les législateurs et les gouvernants doivent scénario : chaque événement apparaît comme une trans-
y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le gression de l’ordre. Mais nul ne remet en question ce scé-
possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli. nario. L’actualité semble ainsi un cycle continuel de faits
3. Proposition de résumé (1 phrase) répétitifs. Or ils sont nouveaux, mais on ne cherche pas
Je pense qu’il n’est pas possible de supprimer la souf- leur particularité ni les raisons de leur émergence.
france mais on peut en revanche détruire la misère et
c’est donc le devoir de ceux qui dirigent de s’y employer.

2 Propositions de reformulation
a. Il est venu souvent prendre des nouvelles de son ami
gravement accidenté. (12 mots)
b. En raison de l’augmentation du prix du voyage, nous
différerons notre escapade prévue cette année à l’année
prochaine. (18 mots)
c. N’ayant pas confiance dans son entourage, il a assumé
seul de trop lourdes tâches et ainsi échoué. (17 mots)

307
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 21 L’essai

Étape 1 Comprendre le sujet et construire le devoir

Exercices p. 551 ▶ Identifier et construire le type


de plan demandé
▶ Comprendre le sujet 6 • Questions fermées, à traiter avec un plan dialec-
1 a. Les musées ont-ils encore une place dans notre tique : a, c.
monde moderne ? • Questions ouvertes, à traiter avec un plan thématique :
Éléments de plan V activité 4, p. 551 b, d.
Conclusion rédigée V activité 2, p. 553
7 I. (a.) L’art ne peut pas se passer des règles établies
b. En quoi l’adaptation audiovisuelle (film, mise en
1. (c.) L’art repose sur les codes de base de la
scène…) d’un texte peut-elle modifier la perception de
communication.
lecture ?
! Ex. (i.) Un auteur écrit dans la langue de son pays, afin
c. En quoi la préservation d’une culture commune entre
d’être compris.
les générations semble-t-elle importante ?
2. (d.) L’art repose sur les codes de base des genres
Introduction rédigée V activité 1, p. 553
artistiques.
2 • Question ouverte : d. ! Ex. (j.) Un peintre utilise la perspective pour construire
• Questions fermées : a, b, c. sa toile (Friedrich, Le Voyageur contemplant une mer de
nuages).
3 Idées à discuter 3. (e.) L’artiste s’appuie sur des bases qui existent déjà
a. Le développement de nouveaux modes de communi- pour fonder son œuvre, il ne crée pas à partir de rien.
cation et le dialogue avec autrui. ! Ex. (k.) En littérature, il existe de nombreuses réécri-
b. La connaissance de la biographie d’un écrivain et l’ap- tures de l’histoire d’amour entre la femme mûre et le
préciation de son œuvre. jeune homme (Stendhal, Le Rouge et le Noir ; Flaubert,
Plan détaillé V activité 5, p. 553 L’Éducation sentimentale ; Balzac, Le Lys dans la vallée).
c. L’idée de trouver sa voie dans la vie et la part de rêve II. (b.) Mais l’art doit faire évoluer les règles établies
que l’on porte en soi. 1. (f.) L’art doit faire évoluer les codes de base de la
d. Les fonctions de l’art en général et la fonction didac- communication.
tique de l’art. ! Ex. (l.) Un auteur peut créer de nouveaux mots (Rabe-
Une sous-partie rédigée V activité 4, p. 553 lais : « anicroche », « haltères », « sarcasme »), régénérer
Éléments du plan V activité 5, p. 551 le langage courant (Ronsard, Du Bellay créent la poésie
en français).
▶ Chercher arguments et exemples 2. (g.) L’art doit faire évoluer les codes de base des genres
4 • Arguments : a, c. artistiques.
• Exemples : b, d. ! Ex. (m.) Les peintres se libèrent de la représentation
figurative (art abstrait, fondé par Kandinsky au début du
5 a. L’art témoigne des époques passées. xxe siècle) ou des contraintes de la perspective (Picasso
! Ex. f. Picasso dénonce les bombardements de la guerre et le mouvement cubiste).
d’Espagne, en 1937, avec sa toile Guernica. 3. (h.) L’art doit faire évoluer la manière de percevoir les
b. L’art donne des leçons de vie. œuvres.
! Ex. g. La Fontaine dans ses Fables illustre une morale, ! Ex. (n.) La littérature fait évoluer les critères de juge-
explicite ou implicite. ment sur la beauté (Baudelaire, Les Fleurs du mal : il
c. L’art donne accès à tous à des savoirs divers. trouve le beau dans le mal).
! Ex. h. Un vitrail de la cathédrale de Rouen raconte la
légende de saint Julien l’Hospitalier.
d. L’art transmet des émotions.
! Ex. e. Munch, dans sa toile Le Cri, en 1893, exprime
une angoisse très profonde.

308
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 21 L’essai

Étape 2 Rédiger le devoir

autant, le spectateur n’a pas de leçon à en tirer, juste à


Exercices p. 553
découvrir le monde qu’il connaît avec un autre point de
vue. (conclusion du paragraphe)
▶ Rédiger l’introduction
et la conclusion 5 1. I. Il est utile de connaître la biographie d’un écri-
vain pour comprendre et apprécier son œuvre.
1 La culture est composée des connaissances com- II. Mais on peut également appréhender l’œuvre indé-
munes à un groupe, mais également personnelles. Elle pendamment de la vie de son auteur.
prend aussi bien sa place dans la société que dans la
2. Critères de réussite de la sous-partie
famille. Nous nous interrogerons sur l’importance de
préserver une culture commune entre les générations. • La sous-partie est un couple formé d’un argument et
(présentation) La différence d’âge implique-t-elle une rup- d’un exemple.
ture culturelle ? (problématique) Pour commencer, nous • Afin de se repérer dans la progression du
verrons que chaque génération a besoin de rompre avec développement, on attend un connecteur en début de
l’univers des plus anciens. (annonce du plan, partie I) Néan- paragraphe, en fonction de la place de la sous-partie
dans la grande partie (ex. « tout d’abord », « dans un
moins nous pouvons constater qu’il est important de
deuxième temps », « pour finir »).
conserver des connaissances fondamentales pour assu- • La sous-partie est constituée d’un paragraphe visible,
rer le lien entre les générations. (partie II) c’est-à-dire commençant par un alinéa.
2 Nous avons constaté dans un premier temps que • La sous-partie suit le plan attendu : formulation géné-
les musées ont encore une place importante dans rale de l’argument, explication précise de l’exemple choisi,
notre monde moderne, comme garants du passé com- conclusion de cette analyse (ex. V activité 4, p. 553).
mun. Cependant nous avons également montré que les
6 Introduction
musées devaient se moderniser afin de conserver une
place centrale dans la constitution et la préservation de On peut rappeler les différentes formes de l’autobiogra-
la culture commune. (réponse à la problématique) Mais les phie (mémoires, confessions, journal), puis annoncer le
musées ne risquent-ils pas de perdre leur vocation pre- sujet et les grandes parties du plan.
mière, dans la course à la modernité ? (ouverture) Proposition de plan
I. On écrit son autobiographie pour soi.
3 Proposition de conclusion complétée 1. Pour porter un jugement sur soi, sa vie.
Nous avons pu voir, dans un premier temps, que le ! Ex. Simone de Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille
voyage est important pour découvrir le monde en géné- rangée (1958) : analyse de sa vie de femme dans sa chro-
ral, mais aussi soi-même. Cependant, nous avons vu nologie, dans son contexte, mais aussi avec son regard
d’autres moyens de s’enrichir, sans forcément impliquer de philosophe.
de déplacement physique. Ainsi les voyages forment tou- 2. Pour exprimer ce que les autres ne veulent pas
jours la jeunesse, bien que leur réalisation ait changé de entendre.
forme dans notre monde moderne. Le plus important ne ! Ex. Les autobiographies de déportés, comme celles
reste-t-il pas le lien avec les autres ? de Primo Levi (Si c’est un homme, 1947) ou de Robert
Antelme (L’Espèce humaine, 1947).
▶ Rédiger le développement II. On écrit son autobiographie pour s’adresser aux
4 Dans un second temps (connecteur qui annonce qu’on autres.
est dans la 2e sous-partie), on peut remarquer que l’art 1. Pour laisser une trace de soi, pour s’inscrire dans
transmet une vision du monde qui n’est pas forcément l’Histoire.
une leçon. En effet l’œuvre illustre ce que l’artiste peut ! Ex. Chateaubriand,Mémoires d’outre-tombe (1809-1841).
voir et que le spectateur ne voit pas. (argument) On peut 2. Pour aider autrui à s’édifier, pour donner un exemple
citer la peinture de Gauguin qui s’illustre par des sujets humain à qui se comparer.
figuratifs, dans lesquels le spectateur reconnaît des ! Ex. Rousseau, Confessions (posth. 1782-1789) : « Je
femmes, la mer ou les plages de Tahiti. Mais l’artiste les veux montrer à mes semblables un homme dans toute
représente avec un regard personnel, en jouant sur les la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. »
cadrages et l’utilisation des couleurs. Ainsi le sable de la Préambule des Confessions
plage peut apparaître en rose sur la toile. (exemple) Pour

309
Partie 4 • Outils et méthodes
F I C H E 21 L’essai

Conclusion 7 Critères de réussite de l’essai


Rappel du bilan de chaque partie du plan, réponse nuan-
• Le sujet est compris.
cée à la problématique. • Il est traité avec des arguments pertinents.
On peut ouvrir sur les limites de l’autobiographie, au • Les arguments sont illustrés par des exemples
sens où toute mise en mots est une reconstruction de soi. pertinents et variés. Ces exemples sont analysés.
Ou alors, on peut élargir sur les limites de la définition • Le devoir est organisé avec une introduction, un
du genre littéraire, car tout auteur s’inspire de ce qu’il est développement et une conclusion.
pour composer son œuvre, même quand elle n’est pas • L’introduction suit les étapes données p. 552.
annoncée comme autobiographique. • Le développement suit un plan pertinent en deux
parties au moins, avec deux sous-parties au minimum.
• La conclusion suit les étapes données p. 552.
• Le devoir est rédigé de manière compréhensible, avec
de nombreux connecteurs. Le vocabulaire employé
est varié et précis. Les phrases sont correctement
construites. L’orthographe est maîtrisée.

310
Partie 4 • Outils et méthodes
FICHE 22 La prise de notes

4 1. « Jouets », Roland Barthes


Exercices p. 555
§1
1 Proposition de prise de notes pour l’exposé Pr Fr, enfant = reflet adulte
=> jouets : microcosme adulte, copies réduites d’objets ĉ
Napoléon et le Premier Empire
si enfant = homme + petit, utilisant objets taille réduite
1800 : Napo = 1er Consul
§2
1804 : Napoléon Ier empereur
Formes innovantes de jouets = rares
– nbses réformes, crée nbses institut° : Code civil +
En gal : jouet fr = reproduct° de qq chose socialisé (<=
Banque de Fr + lycées…
mythes ou techniques vie moderne : technologie, santé,
– Conquêtes hors de Fr => répandre idéaux Révolut° Fr
enseignement, transports, sciences)
Rêves de gloire jeunesse => légende dorée Napo
§3
cf Chartreuse de Parme, Stendhal (1839) : entrée à Milan
Jouet : préfigure univers fcto adultes => prépare enfant à
troupes Fr => enthousiasme gal
accepter société sans réfléchir
2 Proposition de notes organisées ĉ si ts les aspects nég. de la vie = naturels, impossibles à
Le réalisme remettre en cause
I. Déf réalisme (pls sens et contextes) : 2. Voici la suite du texte de Barthes.
1. roman, peinture, film : qui s’efforce de refléter la réalité
Seulement, devant cet univers d’objets fidèles et compli-
de son temps
qués, l’enfant ne peut se constituer qu’en propriétaire,
2. Mvt litt et cult. situé ds 1 période précise
en usager, jamais en créateur ; il n’invente pas le monde,
II. Naissance du mvt : pdt 2e moitié 19e siècle
il l’utilise : on lui prépare des gestes sans aventure, sans
Contre idéalisme + sentimentalisme du romantisme
étonnement et sans joie. On fait de lui un petit proprié-
(début 19e siècle)
taire pantouflard qui n’a même pas à inventer les ressorts
Réalistes : fidélité / réel
de la causalité adulte ; on les lui fournit tout prêts : il n’a
qu’à se servir, on ne lui donne jamais rien à parcourir.
Roland Barthes, « Jouets », Mythologies (1957) © Seuil.

311
Partie 4 • Outils et méthodes
Coordination éditoriale et édition : Claire Dupuis
Responsable éditoriale : Viviane Suschetet
Création graphique de la couverture : bigre ! (binôme graphique)
Création et mise en page de l’intérieur : Sabine Beauvallet
Recherche iconographique et droits : Chloé Lecarpentier - María Mora
Fabrication : Christelle Daubignard

« Le photocopillage, c’est l’usage abusif et collectif de la photocopie sans autorisation des auteurs et des éditeurs. Largement répandu dans les établissements
d’enseignement, le photocopillage menace l’avenir du livre, car il met en danger son équilibre économique. Il prive les auteurs d’une juste rémunération. En dehors
de l’usage privé du copiste, toute reproduction totale ou partielle de cet ouvrage est interdite. »
« La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, au terme des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé
du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute
représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite. » (alinéa 1 er
de l’article 40) « Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425
et suivants du Code pénal. »

1,6 kg éq. CO2

0123456789, kg
Achevé d’imprimer en France par Dupliprint (Domont) en novembre 2019
Dépôt légal : 9384/01
FRANÇAIS
Motifs littéraires

Guide pédagogique
2 de

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9782278093847
ISBN : 978-2-278-09384-7

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