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Objet d’étude : La littérature d'idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle

Analyse nº5
Montesquieu, Les Lettres Persanes, 1721.

Explication linéaire nº5


La lettre de Roxane à Usbek.

La lettre 161 est la dernière lettre des Lettres persanes, roman épistolaire écrit par Montesquieu
au XVIIIème siècle. Elle est signée par Roxane, favorite du sultan Usbek. Cette dernière a été
surprise dans les bras de son amant qui a été tué. Elle décide de mourir, à son tour, en
s’empoisonnant. Malgré l’approche imminente de la mort, elle se révolte contre la tyrannie de
son maître et défend sa liberté.

1 ROXANE À USBEK
À Paris.

Oui, je t'ai trompé ; j'ai séduit tes eunuques ; je me suis jouée de ta jalousie ; et j'ai
su de ton affreux sérail faire un lieu de délices et de plaisirs.
5 Je vais mourir ; le poison va couler dans mes veines: car que ferais-je ici, puisque le
seul homme qui me retenait à la vie n'est plus? Je meurs; mais mon ombre s'envole bien
accompagnée: je viens d'envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges, qui ont répandu le
plus beau sang du monde.
Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule, pour m'imaginer que je ne fusse
dans le monde que pour adorer tes caprices? que, pendant que tu te permets tout, tu
10 eusses le droit d'affliger tous mes désirs ? Non : j'ai pu vivre dans la servitude ; mais j'ai
toujours été libre: j'ai réformé tes lois sur celles de la nature; et mon esprit s'est toujours
tenu dans l'indépendance.
Tu devrais me rendre grâces encore du sacrifice que je t'ai fait ; de ce que je me suis
abaissée jusqu'à te paraître fidèle ; de ce que j'ai lâchement gardé dans mon cœur ce que
j'aurais dû faire paraître à toute la terre ; enfin de ce que j'ai profané la vertu en souffrant
15 qu'on appelât de ce nom ma soumission à tes fantaisies.
Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l'amour: si tu m'avais
bien connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine.
Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un cœur comme le mien t'était
soumis. Nous étions tous deux heureux; tu me croyais trompée, et je te trompais.
Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu'après t'avoir accablé
de douleurs, je te forçasse encore d'admirer mon courage ? Mais c'en est fait, le poison me
20 consume, ma force m'abandonne ; la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu'à
ma haine ; je me meurs.
Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rebiab 1, 1720.

Montesquieu, Les Lettres Persanes, 1721.


Objet d’étude : La littérature d'idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle

INTRODUCTION

• Présenter brièvement l’auteur et son œuvre.


Montesquieu publie anonymement Les lettres persanes en 1721. Ce texte met en scène
deux Persans, Usbek et Rica, lors de leur voyage en Europe au XVIIIe. Le regard
faussement naïf de ces deux étrangers permet à Montesquieu de critiquer les mœurs de
l’Europe de l’époque.
La lettre 161 est la dernière du roman ; Roxane, l’épouse préférée de Usbek, décide de
mettre fin à ses jours après avoir été surprise dans les bras de son amant. En apparence
ouvert et tolérant lorsqu’il porte son regard sur la France, Usbek se révèle un mari jaloux
et phallocrate quand il est question de son sérail.
• Piste de lecture :
Dans cette lettre Roxane apparaît comme une héroïne tragique qui, en choisissant la
mort, choisit paradoxalement la liberté et devient ainsi la porte-parole de toutes les
femmes opprimées.
• 3 mouvements.
o 1ère: de « Oui, je t'ai trompé » à « le plus beau sang du monde. » AVEU
TROMPERIE
o 2ème: de « Comment as-tu pensé » à « et je te trompais » : LE REFUS DE LA
SOUMISSION
o 3ème: de « Ce langage » à « je me meurs » : LA MORT DE ROXANE

MOUVEMENT 1

« Oui, je t'ai trompé ; j'ai séduit tes eunuques ; je me suis jouée de ta jalousie ; et j'ai su de ton
affreux sérail faire un lieu de délices et de plaisirs. »
• La lettre commence par l’adverbe « oui » qui marque l’aveu par une provocation. Roxane
assume son acte et semble provoquer Usbek.
• Les marques de la première personne sont très nombreuses, véritable monologue de
thèâtre: « je t'ai trompé », « j'ai séduit », « je me suis jouée » (pas moins de 5 fois dans
cette première phrase) : Roxane assume haut et fort ses actes, elle agit en personne
autonome. Elle s’oppose directement à Usbek désigné par la 2e personne « je t'ai
trompé », « tes eunuques », « ta jalousie »… Roxane est dans la provocation,
l’affrontement. Cela est souligné par l’allitération en « t » qui marque la dureté du
propos et par le rythme rapide des propositions juxtaposées
• Le champ lexical de la tromperie est clair : « trompé », « séduit », « jouée », Roxane
apparaît comme une héroïne intelligente et manipulatrice.
• L’antithèse « affreux sérail faire un lieu de délices et de plaisirs » montre encore à quel
point nous avons affaire à une Roxane intelligente malgré son statut de « femme
soumise ».

« Je vais mourir ; le poison va couler dans mes veines: car que ferais-je ici, puisque le seul
homme qui me retenait à la vie n'est plus ? »
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• Avec le futur proche, Roxane annonce une mort imminente « vais mourir », « va
couler ». Nous avons presque l’impression d’assister en direct à son suicide puisque la
phrase suivante commence cette fois par « je meurs » au présent à valeur d’énonciation
(va couler sous-entend qu’il ne coule pas encore !).
La conjonction de coordination « car » et la conjonction de subordination « puisque »
introduisent 2 fois la cause, les explications de son geste sont claires : elle meurt car son
amour n’est plus. Cet amour n’est pas nommé mais désigné par une périphrase « le seul
homme qui me retenait à la vie » qui montre combien il comptait pour elle puisque c’est
cet amant qui lui donnait l’envie de vivre. Sa mort appelle donc celle de Roxane.
• La question rhétorique souligne ce désespoir et la fatalité de son geste : une seule
réponse est possible : « je meurs »

« Je meurs; mais mon ombre s'envole bien accompagnée: je viens d'envoyer devant moi ces
gardiens sacrilèges, qui ont répandu le plus beau sang du monde. »
• La fin de Roxane est annoncée dans la métaphore « mon ombre s'envole », elle se
rapproche de cette mort qui semble ici inéluctable. Elle apparaît presque comme la
figure du Christ lors de l’Ascension ; cet aspect religieux est souligné par l’adjectif
« sacrilèges ».
• La mort est omniprésente : Roxane va mourir, l’amant est mort, les gardiens ont été
tués. Et même si leur mort est annoncée à Usbek par un euphémisme « je viens
d'envoyer devant moi », elle n’en est pas moins violente.
• Dans l’hyperbole «le plus beau sang du monde », l’amour pour son amant est encore une
fois affirmé et la mort devient visuelle, le rouge n’est pas seulement celui du sang qui a
coulé mais aussi celui de l’amour entre Roxane et cet amant qui n’est jamais nommé
(mais désigné ici par métonymie). Ce lien indéfectible avec cet homme est accentué par
l’emploi du terme « accompagnée » (cf. étymologie du mot)

En avouant son amour pour un autre homme Roxane se présente comme une héroïne
insoumise et libre.

MOUVEMENT 2
Dans ce mouvement il n’est plus question de la mort de Roxane mais d’une véritable accusation
contre Usbek.

« Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule, pour m'imaginer que je ne fusse dans le
monde que pour adorer tes caprices ? que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit
d'affliger tous mes désirs ? »
• Le mouvement s’ouvre avec deux questions rhétoriques qui montrent, de manière
virulente, l’indignation de Roxane.
• L’utilisation du subjonctif marque un fait irréel et souligne la crédulité de Usbek, car avec
la formule « je fusse assez crédule » c’est bien de la crédulité du tyran Usbek dont il
s’agit ici, crédulité soulignée par le verbe « imaginer ». C’est en montrant à quel point
Usbek vit dans l’illusion que Roxane affirme sa liberté.
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• La construction en opposition « que je fusse »/ et la négation restrictive « que je ne


fusse » marquent un refus très net des lois du tyran qui ne sont que « caprices ».
L’allitération en « k » marque une colère à peine contenue « que », « crédule »,
« caprice »...
• « tu te permets tout » « tu eusses le droit d'affliger tous mes désirs » : en le tutoyant
Roxane s’adresse à Usbek sur un pied d’égalité, elle utilise un ton véhément accentué
par la multiplicité de la marque de la 2e personne (pas moins de 5), elle semble le
montrer du doigt, l’accuser. Ce ton est accentué par l’allitération en « T » et « D ».
• Le droit du tyran « permets », « droit » sont ainsi ridiculisés et les « désirs » de Roxane
mis en avant avec la position de ce terme en fin de phrase.

« Non : j'ai pu vivre dans la servitude ; mais j'ai toujours été libre: j'ai réformé tes lois sur celles
de la nature; et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance. »

• L’adverbe « non » isolé par les deux points sonne comme le cri d’une femme libre. Cette
liberté est d’ailleurs confirmée par l’adverbe de temps « toujours » utilisé deux fois et
par l’utilisation du mot « indépendance » qui vient clore le paragraphe. À cette liberté
s’oppose la « servitude » et les « lois » du tyran. La conjonction de coordination « mais »
marque cette opposition et l’utilisation d’un verbe d’état associé à « libre » n’est donc
pas un hasard !
• Roxane se présente aussi comme une femme d’action : « j’ai pu vivre », « j’ai réformé »,
« mon esprit s’est tenu » Elle oppose les lois d’Usbek et sa liberté personnelle et
revendique les lois naturelles sur celle des hommes (cf aussi Gouges). Si le corps peut
être asservi, il n’en est pas de même de « l’esprit ».

« Tu devrais me rendre grâces encore du sacrifice que je t'ai fait ; de ce que je me suis abaissée
jusqu'à te paraître fidèle ; de ce que j'ai lâchement gardé dans mon cœur ce que j'aurais dû faire
paraître à toute la terre ; enfin de ce que j'ai profané la vertu en souffrant qu'on appelât de ce
nom ma soumission à tes fantaisies. »
• Le paragraphe se compose d’une seule phrase complexe constituée de plusieurs
propositions reliées par juxtaposition : la principale « Tu devrais me rendre grâces » est
complétée par les 3 subordonnées complétives introduites par « de ce que ». Par cette
anaphore Roxane expose un réquisitoire contre un passé que le tyran est invité à
corriger.
• Mais elle y expose aussi sa faiblesse face au tyran. Cette faiblesse que l’on retrouve dans
« abaissée », « sacrifice », « lâchement », « souffrant », « soumission » est associée au
passé.
• La Roxane qui s’exprime ici est libre, elle s’adresse d’ailleurs à Uskeb sur un ton
véhément en utilisant le conditionnel « tu devrais » qui tient plus de l’ordre que du
conseil.
• En utilisant 2 fois le verbe « paraitre », elle lui montre ici que sa fidélité était feinte et
qu’elle a donc toujours agi en tant que femme libre. Si Usbek apparaissait comme un
dieu (Les références au religieux sont multiples : « sacrifice », « fidèle », « profané »,
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« vertu » (étymologie : virtus, de vir, d'où viennent les mots « viril » et « virilité »)), elle le
ramène à sa condition d’homme.

« Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l'amour : si tu m'avais bien
connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine. »
• Roxane montre sa force et son pouvoir sur Usbek présenté comme un homme naïf et
aveugle. La proposition subordonnée circonstancielle d’hypothèse « si tu m'avais bien
connue » et le participe « étonné » souligné par la négation « ne … point » indiquent
que l’intelligence n’est pas du côté du tyran !
• Convaincu de posséder sa favorite, Roxane ne lui oppose que du mépris. Les termes
« amour » et « haine » en fin de proposition se font écho : à l’amour attendu, Roxane n’a
que « haine » à répondre ; en terminant la phrase par ce terme elle ne laisse plus la
place à un autre sentiment.

« Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un cœur comme le mien t'était soumis. Nous
étions tous deux heureux ; tu me croyais trompée, et je te trompais. »
• Les apparences sont en effet trompeuses : l’utilisation du verbe « croire », « croyait »,
montre encore que l’illusion de l’amour était parfaite. Roxane apparait une fois de plus
comme une femme intelligente, la comparaison « comme le mien » souligne sa
différence et son indépendance.
• « Nous étions tous deux heureux » : Roxane a recours à l’ironie et se moque d’Usbek qui
pensait être aimé ; ce « nous » n’est que fictif. Dans le parallélisme « tu me croyais
trompée, et je te trompais », elle accentue l’affirmation de sa puissance. En inversant la
position des pronoms personnels : « tu » et « je » dans sa phrase elle montre que c’est
bien elle la « marionnettiste » qui tirait les fils. D’abord, Usbek se trouve être le sujet :
« Tu me croyais trompée » et elle l’objet, mais elle devient sujet et lui objet de sa
manipulation « et je te trompais » (l’arroseur arrosé… !)
• Le champ lexical de l’amour est très présent « les transports de l'amour », « cœur »,
« heureux », « trompais »

Roxane est donc une femme libre, elle agit et refuse la soumission à cet époux naïf, aveuglé par
son pouvoir.

MOUVEMENT 3
« Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu'après t'avoir accablé de
douleurs, je te forçasse encore d'admirer mon courage ? »
• « Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. » : L’utilisation du présent marque une
rupture avec le passé jusque-là utilisé. Roxane affirme sa liberté d’expression dans un
monde où les femmes étaient condamnées à se taire.
• Avec le conditionnel « serait-il » et le subjonctif « forçasse », Roxane imagine une
situation dans laquelle les rôles s’inverseraient. Roxane « je », est sujet du verbe
« forcer », Usbek n’en est que le complément, il subit cette soumission. Le
terme « courage » montrent que c’est bien Roxane la maîtresse du jeu, c’est elle qui
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décide, en véritable héroïne, comment quitter la scène. Son choix se porte sur la mort,
ultime pouvoir qu’elle s’accorde sur Usbek.

« Mais c'en est fait, le poison me consume, ma force m'abandonne ; la plume me tombe des
mains ; je sens affaiblir jusqu'à ma haine ; je me meurs. »
• La formule « Mais c'en est fait » confirme une mort annoncée dès les premières lignes de
la lettre.
• Dans cette dernière phrase, le rythme ralentit, les virgules sont nombreuses puis les
points virgules qui marquent une pause plus prononcée. Roxane semble perdre sa force,
l’allitération en « m », traduit sa faiblesse physique, ses mots ne semblent que
murmures : « le poison me consume, ma force m‘abandonne ; la plume me tombe des
mains ; je sens affaiblir jusqu’à ma haine ; je me meurs. »
• Le mot poison est sujet du verbe « le poison me consume », Roxane s’eteint peu à peu
physiquement. Les verbes « abandonner », « tomber », « affaiblir » traduisent un
effacement de sa personne, jusqu’à n’être plus avec « je me meurs ».
• Le verbe « mourir » apparaît sous sa forme pronominale : « je me meurs ». Roxane est à
la fois le sujet et à la fois l’objet de la phrase. Même si sa mort est tragique, elle apparaît
comme un accomplissement, comme une ultime victoire du personnage féminin : en
s’ôtant elle-même la vie, elle ôte à Usbek toute possibilité de vengeance.

Conclusion.
Cette dernière lettre est une manière pour Roxane d’afficher sa liberté. Héroïne
tragique, son suicide apparaît comme un acte courageux et ultime face à un tyran
aveuglé par le pouvoir. Mais Roxane est aussi ici la voix de toutes les femmes du
XVIIIe qui, par la plume de Montesquieu, s’élèvent contre l’oppression et le poids
des tradition du joug masculin.

Ouverture.
==== Constance Pipelet Épitre aux femmes (1797)
Dans cette satire poétique, Constance Pipelet répond au poète Ponce-Denis Écouchard Le Brun
qui s’oppose à ce que les femmes prennent la plume pour faire des vers. Tout comme Roxane
dans sa lettre à Usbek, Constance Pipelet évoque elle aussi la ruse féminine comme étant l’une
des seules armes dont disposait son sexe sous l’Ancien Régime. Elle revendique le droit pour les
femmes d’être autrices, poétesses, peintres, intellectuelles et d’être jugées sur leurs écrits, leurs
productions en pouvant rivaliser avec les hommes.

1 Écoutons cependant ce que nous dit le sage :


« Femmes, est-ce bien vous qui parlez d’esclavage ?
Vous, dont le seul regard peut nous subjuguer tous,
Vous, qui nous enchaînez tremblants à vos genoux !
Vos attraits, vos pleurs fins, vos perfides caresses,
5 Ne suffisent-ils pas à vous rendre maîtresses ?
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Eh ! Qu’avez-vous besoin de moyens superflus ?


Vous nous tyrannisez ; que vous faut-il de plus ? »
Ce qu’il nous faut de plus ? Un pouvoir légitime.
La ruse est le recours d’un être qu’on opprime.
10 Cessez de nous forcer à ces indignes soins ;
Laissez-nous plus de droits, et vous en perdrez moins.
Oui, sans doute, à nos pieds notre fierté vous brave,
Un tyran qu’on soumet doit devenir esclave.
Mais ce cruel moyen de nous venger, hélas !
15 Nous coute bien des pleurs que vous ne voyez pas.
Il est temps que la paix, enfin, nous soit offerte,
De l’étude, des arts, la carrière est ouverte,
Hommes, nous y volons : c’est là que l’univers
Jugera si nos mains doivent porter des fers.

20 Mais déjà mille voix ont blâmé notre audace ;


On s’étonne, on murmure, on s’agite, on menace ;
On veut nous arracher la plume et les pinceaux ;
Chacun a contre nous sa chanson, ses bons mots ;
L’un, ignorant et sot, vient, avec ironie,
Nous citer de Molière un vers qu’il estropie ;
L’autre, vain par système et jaloux par métier,
25
Dit d’un air dédaigneux : « Elle a son teinturier. »
De jeunes gens à peine échappés du collège
Discutent hardiment nos droits, leur privilège ;
Et les arrêts dictés par la fatuité,
30 La mode, l’ignorance, et la futilité,
Répétés en écho par ces juges imberbes,
Après deux ou trois jours sont passés en proverbes.

Orthographe modernisée.

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