Lettres

Lycée
SEPT. 2021
N°96 / 11,25€

Nouvelle
Revue nrp-lycee.nathan.fr
Pédagogique
ISSN 1636-3574
La revue & sa banque de ressources

Voix
de femmes
 œuvres
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2022
BAC

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et à leurs parcours associés.
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notamment sur les sites web contributifs, les blogs, sont

N°96
strictement interdites et passibles de sanctions pénales et civiles.

Nouvelle Revue Pédagogique

Lycée / SEPTEMBRE 2021

Édito
Un peu étouffé depuis la fin des années 1970, parfois méprisé, voire
raillé, le combat féministe a repris des couleurs, à la faveur, certes, de l’émergence
de la question du genre, mais plus encore de la vague #Me Too. Une page semble
enfin se tourner, et il est essentiel avec des lycéennes et des lycéens d’accompagner
ce mouvement. Ainsi, la séquence 2de chemine parmi des textes de natures diverses,
de l’Antiquité à nos jours, tous lus à travers le prisme du féminisme. Et l’étude du
texte d’Olympe de Gouges au programme en 1re est l’occasion de rappeler la force
d’un engagement qui a conduit son autrice à la guillotine.

Sommaire
ACTUALITÉ
Éditeur : Nathan, 92, avenue de France
75013 Paris
Directrice de la publication : Catherine Lucet
Brèves ........................................................................ 4
Directrice déléguée : Delphine Dourlet
Directrice éditoriale : Catherine Gaschignard
Livres. . ........................................................................ 6
Rédactrice en chef :
Claire Beilin-Bourgeois
Lire au CDI................................................................... 8
Édition : Claire Beilin-Bourgeois
Édition Web : Alexandra Guidal
Expositions .................................................................. 9
Fabrication : Isabelle Guerrier
Iconographie : Laure Penchenat DOSSIER L’écriture au féminin ...................................... 10
Marketing/Diffusion : A. Errafi, G. Guerrier
Impression : Imprimerie de Champagne,
52200 Langres
Création de la couverture : Élise Launay
SÉQUENCES PÉDAGOGIQUES
Création des pages intérieures : Élise Launay
Réalisation de la mise en page : Séquence 2de Les femmes dans la société et la littérature, un si long combat. . .. 16
Thomas Winock
Publicité et partenariats : Comdhabitude Séquence 1re Olympe de Gouges, une oratrice combative..................... 26
publicité, directrice de la publicité : Clotilde
Poitevin, 7 rue Émile Lacoste 19 100 Brive Lecture cursive et commentaire Chavirer dans la lecture cursive........ 34
Tél. : 05 55 24 14 03
Code article : 116776
N° d’édition : 10276976 FICHES PÉDAGOGIQUES
Dépôt légal : SEPTEMBRE 2021
Commission paritaire : 0625T83012
Étude de la langue
Abonnement 1 an – 4 numéros papier + La négation dans les textes d’Olympe de Gouges................................. 39
version numérique des 4 numéros : France
45 €, DOM/TOM : 57 € , Etranger : 61 €
Latin 2de
– 4 numéros papier + toutes les archives Psyché aux Enfers............................................................... 42
numériques depuis 2012 : France 69 €,
DOM/TOM : 81 € , Etranger : 85 €
Abonnement 100% numérique 1 an à partir
de 25 € sur nathan.aboshop.fr
Téléphone Abonnement : 01 44 70 14 76 Une nouvelle banque de ressources
Abonnement pour la Suisse : EDIGROUP SA, pour les profs de lettres
abonne@edigroup.ch
Codes Retrouvez les séquences et les articles
Abonnement pour la Belgique : Edigroup Flashez les QR
Sprl, email : abobelgique@edigroup.org pour accéder s. de ce numéro, et de nombreuses autres
ISSN 1636-3574 aux ressource ressources téléchargeables dans la banque nrp-lycee.nathan.fr
Prix au n° : 11,25 € de ressources nrp-lycee.nathan.fr

SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 1

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des éditions Nathan
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La Machine de Turing de Benoit Solès
enrichit depuis janvier 2021
la collection Carrés Classiques.

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et leurs élèves !
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Pour la classe
• Une rencontre avec Benoit Solès, auteur et interprète du rôle principal,
avec Tristan Petitgirard, metteur en scène,
et avec Amaury de Crayencour, comédien.
• 8 exemplaires de Mon carnet de Grammaire et d’Orthographe Comment participer ?
• Inscrivez votre classe via le formulaire disponible à l’adresse
Pour les élèves suivante https://bit.ly/3f93Vb6 à partir du 27 août 2021
• Un Carré Classique offert • Téléchargez gratuitement les pages contextes biographiques,
(titre du catalogue au choix de l’enseignant) sociaux, culturels et historiques issues du Carré Classique sur le site
• Le Français en 100 œuvres-clés offert compagnon carres-classiques-lycee-theatre.nathan.fr
• Lisez et étudiez la pièce en classe

2 PRIX
e • Avec vos élèves, écrivez un nouvel épilogue qui décidera
d’une autre fin de la pièce
Pour la classe • Renvoyez votre texte avec toutes vos coordonnées :
• 30 exemplaires de Apprendre, c’est facile 3e ou 2de classe, nombre d’élèves, nom de l’enseignant, nom et adresse de
l’établissement, téléphone, email, ainsi que le tampon de l’établissement
• 8 exemplaires de Mon carnet de Grammaire et d’Orthographe
par email à l’adresse concourscarresclassiques@nathan.fr
Pour les élèves ou par courrier à Nathan Carrés classiques/Concours Turing,
92 avenue de France - bureau 3AF46- 75013 Paris.
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Consultez le cahier des charges du concours et son règlement
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3e PRIX
Un seul envoi par classe sera accepté.
Pour la classe
8 exemplaires de Mon carnet de Grammaire et d’Orthographe Les critères d’évaluation :
Pour les élèves • Respect du contexte de la pièce : Angleterre de l’Après-guerre
Le Français en 50 auteurs-clés offert • Cohérence avec le reste du texte
• Qualité de la rédaction et maîtrise de la langue
2 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
 Vos rendez-vous dans la
nrp-lycee.nathan.fr banque de ressources NRP
Comment la littérature se fait-elle l’écho du statut des
femmes et de leurs combats ? De nombreux articles
de la NRP abordent cette question, qui a sa place dans
tous les objets d’étude en cours de français.

Les articles avec

la séquence
Olympe de Gouges

Sur Olympe de Gouges,

lire le roman graphique
de Catel et Bocquet
Au moment de la parution d’Olympe
de Gouges de Catel et Bocquet,
la NRP a proposé une série
d’articles pour travailler, avec le
professeur documentaliste, à partir
de ce roman graphique qui mêle
Gisèle Halimi au procès de Bobigny le 22 novembre 1972.
Une séquence sur des avec élégance fiction et rigueur
discours de femmes historique.
Paroles de femmes en politique
A travers la lecture de discours d’Olympe de Gouges, George Sand, de Louise
Michel et de Gisèle Halimi, cette séquence permet de rencontrer des militantes au
destin exceptionnel, et de traverser l’histoire des revendications des femmes.

Girl de Lukas Dhont :

questionner le genre Une séquence sur
Le film Girl de Lukas Dhont, les femmes poètes
de la Renaissance
récompensé à Cannes en 2018,
relate la transition d’une jeune fille
passionnée de danse née dans Femmes et poètes
le corps d’un garçon. L’analyse du au xvie siècle
film accompagne une étude de Si les noms de Louise Labé et
Gabriel, de George Sand, qui pose Pernette du Guillet sont connus,
la question de l’identité sexuelle on découvrira certainement
et celle du statut des femmes dans la poésie de Catherine des Roches
la société du xixe siècle. ou de Marie de Romieu. En 2de,
en écoutant ces textes écrits par
des femmes dans le cadre de l’objet
Une étude de Gabriel d’étude sur la poésie, on perçoit
de George Sand, et du les mutations sociales à l’œuvre
film Girl, de Lukas Dhont à la Renaissance.

Couverture : Stephen Voss-Redux/Rea

3 ht g : Keystone-France/Gamma Rapho ; 3 ht d : The Holbarn Archive/Leemage/Bridgeman Images ; 3 bas g : © Menuet Producties/Frakas Productions/Collection Christophe L ;
3 m d : BIS / Ph. © Archives Nathan ; 10 : BIS / Ph. Jean Mascolo © Unifrance ; 13 : Bridgeman Images ; 15 : Bridgeman Images ; 16 : © The Granger Collection, New York/The Granger
Collection/Collection Christophe L ; 18 : Bridgeman Images ; 22 : BIS / Ph. J.L. Charmet © Archives Larbor ; 23 : BIS / Ph. Jeanbor © Archives Larbor ; 24 : Janine Niepce/Roger-Viollet ;
25 : PA Photos/ABC/Andia ; 27 : CASTERMAN Editions S.A. ; 29 : Akg-Images ; 33 : © Audley Films / BBC Films / BMS Finance / HanWay Films / Lipsync Productions / Number 9 Films
/ UK Film Council/Collection Christophe L ; 34 : The J. Paul Getty Museum, Los Angeles, Owned jointly with the Norton Simon Art Foundation, Pasadena ; 43 : National Gallery of
Victoria, Melbourne, presented by Gustave Curcier/Bridgeman Images.

SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 3

ACTU
En bref
Brèves

Pass Culture
Accessible à tous les jeunes âgés de 18 ans, le Pass Culture
permet de recevoir un crédit de 300€ à utiliser dans les 2 ans à
partir de l’activation de l’application. Il donne accès à des biens
physiques (livres, BD, vinyles, DVD, instruments de musique,
œuvres d’art…), des places de concert, cinéma, théâtre, opéra,
des cours de pratiques artistiques (musique, danse, théâtre,
chant, dessin), des offres numériques (musique en streaming,
vidéo, presse en ligne, jeux video si éligibles, ce dans une limite
de 100€).
Il est question d’élargir le Pass Culture aux plus jeunes. À partir
de 13 ans, un collégien pourrait bénéficier de 25€, puis de 50€ par
an pendant ses années lycée jusqu’à ses 18 ans. Au total, chaque
jeune recevrait ainsi 500€.
www.service-public.fr ou préinscription sur le site Démarches
Simplifiées
Vers une réforme de la réforme du Bac
Annoncés par M. Blanquer en juin, soumis à des instances consultatives
début juillet, des ajustements à la réforme du Bac pourraient se concrétiser
pour l’épreuve de 2022. Il s’agit essentiellement de supprimer les épreuves
communes EC (anciennement E3C) que la crise sanitaire avait mises à
mal, ainsi que la spécialité en 1re, et de revoir les coefficients des épreuves.
Les épreuves terminales – français, philosophie, spécialités, grand oral –
resteraient inchangées. Le Bac 2022 pourrait voir une valorisation des
options. Les objectifs : une meilleure répartition des coefficients tout en
gardant l’équilibre contrôle continu (40 des 100 coefficients) / épreuves
terminales (60 des 100 coefficients), la consolidation du contrôle continu,
une valorisation des enseignements optionnels.
Résultats définitifs du Bac 2021
(avant session de septembre)  musée de Beaux-Arts de Rouen en association avec
93,8% des 732 800 candidats ont été reçus, soit 687 000 nouveaux
bacheliers : Bac général 97,6% ; Bac technologique, 94% ; Bac pro, 86,7%.
On note une baisse de 1,9 point par rapport à l’an dernier, c’est à dire
26 700 bacheliers de moins. La cuvée 2020 avait battu des records avec
95,7% (95% au 1er tour contre 90,5% cette année) avec un Bac évalué sur
le contrôle continu des deux premiers trimestres en raison du confine-
ment. 2021, deuxième année Covid, reste un peu particulière : avec pour
le Bac général et le Bac technologique seulement deux épreuves finales,
le grand oral et la philo – dont la note retenue aura été la meilleure entre
celle du contrôle continu et celle de l’épreuve finale. Le contrôle continu
aura compté pour 82% au moins de la note finale.
Bicentenaire de la naissance
de Flaubert (1821-1880)
Pour célébrer le bicentenaire de Flaubert, la Nor-
mandie propose depuis avril dernier et jusqu’en juin
2022, plus de 200 rendez-vous : spectacles, confé-
rences, animations pédagogiques, visites guidées,
promenades théâtrales. L’exposition « La Fabrique
de l’œuvre » organisée par la ville de Rouen et la
bibliothèque patrimoniale Villon présente les manus-
crits de Madame Bovary et Bouvard et Pécuchet du
1er octobre au 2 janvier 2022. Par ailleurs, l’Office du
tourisme de Caux propose « L’Arbalète et le Bosme-
let, une escapade sonore de 12km » sur le GR20 de
Vassonville à Tôtes, permettant une immersion dans
la vie de Mme Bovary (tél : 02 35 34 13 26). Et ne pas
oublier, bien sûr, le musée Flaubert et Histoire de la
Médecine, installé dans la maison natale de l’auteur
à Rouen.
Certains restaurants de Seine Maritime mettent
au menu des plats en lien avec Flaubert et son œuvre
sous l’étiquette « Flaubert à table ». Chaque table
ayant dégusté un ou plusieurs mets « Flaubert »
obtient un « Pass’à table », soit une entrée gratuite
pour une entrée payante dans les sites et musées
départementaux.
Flaubert21.fr
Flaubert encore
En 1840 à Marseille, Flaubert nota dans ses
carnets « J’aime bien la Méditerranée, elle a quelque
chose de grave et de tendre qui fait penser à la Grèce,
quelque chose d’immense qui fait penser à l’Orient ». Le
le Mucem de Marseille et l’Institut national du patri-
moine de Tunisie organise une exposition intitulée
« Salammbô : Fureur ! Passion ! Éléphants » présentant
des approches littéraires, archéologiques, iconogra-
phiques de l’œuvre de Flaubert. À Rouen jusqu’au
19 septembre, l’exposition s’exportera ensuite au
Mucem à Marseille puis au musée du Bardo à Tunis
au printemps/été 2022. À noter : on trouve sur France-
Culture des podcasts sur Flaubert, sa vie, son œuvre,
sa correspondance, ainsi qu’une lecture de Bouvard
et Pécuchet diffusée en juillet dernier.

J  Odile Collet

4 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021

 Lettres
Lycée

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ACTU
Livres
Poésie
Charles Baudelaire,
La passion des images,
Œuvres choisies,
éd. Henri Scepi,
Gallimard, Quarto,
1824 pages, 33 €
« Glorifier le culte
des images »
C’est la gageure de cet ouvrage que de proposer tout
(ou presque) Baudelaire en un seul volume. Baudelaire
n’est pas ici limité aux seules Fleurs du mal, ni aux Petits
poèmes en prose. On découvre une création littéraire pro-
lifique et variée, qui groupe poèmes de jeunesse, articles
de presse, textes à moitié allégoriques comme « La Fanfar-
lo », mais aussi les réflexions sur les « Paradis artificiels »,
les écrits intimes comme Fusées ou Mon cœur mis à nu…,
et jusqu’aux « Écrits sur la Belgique » qui anticipent la fin
prochaine du poète.
On suit ainsi la façon dont Baudelaire s’est progres-
sivement construit et imposé. Même si nous avons sur-
tout en tête le poète, c’est comme critique d’art que
Baudelaire se fait d’abord connaître, dans les Salons où
s’élabore sa pensée esthétique dans des chapitres essen-
tiels : « Qu’est-ce que le romantisme ? », « De la couleur »,
« De l’idéal et du modèle », « Du chic et du poncif » …
Le recueil des Fleurs du mal n’intervient dans cette œuvre
qu’après les textes de critique picturale et de critique lit-
téraire. Le Spleen de Paris sera publié de façon posthume
– tout comme les écrits intimes qui occupent la fin du
volume : Mon cœur mis à nu et La Belgique déshabillée.
Né en plein cœur de l’effervescence romantique, Bau-
delaire en a reconduit les orientations – le goût de l’infini,
la recherche de l’ « ailleurs », la conviction d’un salut par
l’amour et par l’art. Mais il n’a cessé de les dépasser dans
les prémisses de la « modernité » poétique. Si les audaces
poétiques de Hugo sont étonnantes, sa poésie participe
amplement de l’univers du « discours » – social, politique,
religieux… –, dont elle n’est qu’une modalité. Avec Bau-
delaire en revanche, la poésie se définit dans l’horizon
d’une langue renouvelée, dans la recherche d’un « lan-
gage dans le langage » comme le dira Paul Valéry.
On peut lire avec profit dans cette édition les textes
sur Edgar Poe qui sont parmi les plus révélateurs de l’am-
bition poétique de Baudelaire. Il dénonce, comme Poe,
« en matière de poésie, l’hérésie de la longueur ou de la di-
mension », qui explique son goût du sonnet et des formes
réglées. Baudelaire en vient d’ailleurs tout naturellement,
6 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
à propos de Poe, à formuler son ambition artistique, liée à
l’idée de « correspondances » : « C’est cet admirable, cet im-
mortel instinct du Beau qui nous fait considérer la terre et ses
spectacles comme un aperçu, comme une correspondance
du Ciel […] C’est à la fois par la poésie et à travers la poésie,
par et à travers la musique que l’âme entrevoit les splendeurs
situées derrière le tombeau. »
Le scandale créé par le fameux procès des Fleurs du
mal a donné jusqu’à nos jours une aura sulfureuse à l’ins-
piration baudelairienne. Poète de l’érotisme ? Il l’est tout
autant de la Beauté et de l’Idéal. La tension entre « Spleen
et idéal » se retrouve en réalité dans la plupart des pièces.
La véritable audace de Baudelaire est de puiser au plus
noir de l’expérience humaine l’entrevision du salut et
de l’Idéal. Ce renversement complet, sans nuances ni
moyen terme, fait tout le programme de « Réversibilité »,
épître amoureuse dont chaque premier vers de strophe
reconduit ce mouvement de bascule : «  Ange plein de
gaieté, connaissez-vous l’angoisse, […] Ange plein de san-
té, connaissez-vous les Fièvres, […] Ange plein de beauté,
connaissez-vous les rides […] ».
Baudelaire a expérimenté la valeur salvatrice de
l’art dès sa plus tendre enfance, avec un père qui était
lui-même peintre et collectionneur. Le poète le confie-
ra dans Mon cœur mis à nu : « Glorifier le culte des images
(ma grande, mon unique, ma primitive passion) ». D’où sa
pratique de la critique d’art, qu’on peut lire ici en totalité.
L’art du peintre n’est pas pour Baudelaire enjolivement ni
reproduction. Bien loin du réalisme dont il a horreur, le
grand peintre est celui qui atteint au « surnaturalisme »
grâce cette faculté « divine » qu’est l’imagination. C’est
pourquoi il est impitoyable avec les mauvais peintres,
dont le talent s’épuise dans le joli ou l’anecdotique. Ainsi
d’Horace Vernet, peintre de batailles : « Monsieur Horace
Vernet est un militaire qui fait de la peinture. […] Qui sait
mieux que lui combien il y a de boutons dans chaque uni-
forme, quelle tournure prend une guêtre ou une chaussure
avachie par des étapes nombreuses […]  ?  » Baudelaire
consacre en revanche un long chapitre à Eugène De-
lacroix, qui sera toujours pour lui le grand peintre de sa
génération, dont il partage la sensibilité : « cette mélanco-
lie singulière et opiniâtre qui s’exhale de toutes ses œuvres »
fait par exemple de Femmes d’Alger « un petit poème d’in-
térieur […] qui nous guide assez vite vers les limbes insondés
de la tristesse. »
Cela n’empêche pas Baudelaire, en 1863, de faire pa-
raître « Le Peintre de la vie moderne », qui fonde la moder-
nité esthétique en assignant à l’artiste la tâche de glorifier
le moment présent, l’actualité de la vie sociale, la mode
même, le maquillage, les voitures. Le Beau apparaît alors
à Baudelaire comme composé tout à la fois d’éternel et
de transitoire, à partir de ce qui dans le moment présent
est destiné à ne pas durer. Cette esthétique de la fugacité
confère à la trivialité quotidienne ses lettres de noblesse
artistiques. Ainsi naît un lyrisme de la ville et de la foule,
face à « l’éternelle beauté et l’étonnante harmonie de la vie
dans les capitales, harmonie si providentiellement mainte-
nue dans le tumulte de la liberté humaine. »
Daniel Bergez

Catalogue
d’exposition
L’Invention du surréalisme.
Des Champs magnétiques
à Nadja, dir. Isabelle Diu,
Bérénice Stoll et Olivier
Wagner BNF éditions
192 pages, 29 €
« C’est la vie qu’il faut
changer »
Le succès d’un courant esthétique se solde souvent par
la dilution de la notion dans le langage commun. Ainsi en
va-t-il du romantisme, et le surréalisme ne fait pas excep-
tion. On peut revenir à la juste acception du terme avec le
catalogue de l’exposition organisée par la BNF (du 17 no-
vembre 2020 au 7 février 2021) à l’occasion du centenaire
de la publication des Champs magnétiques, premier texte
authentiquement surréaliste publié par Breton et Soupault.
Bénéficiant d’une collaboration exceptionnelle entre
les très riches fonds de la BNF et de la Bibliothèque
Jacques Doucet, et donnant à voir des documents parfois
jamais montrés, le catalogue permet de revenir à l’effer-
vescence initiale et fondatrice de ceux qui se voulaient
« absolument sauvages ». Formant la génération perdue
de la Première Guerre mondiale, et animés d’une violence
nihiliste qui les poussait à faire table rase d’un monde
bourgeois qui avait fait faillite, ils révolutionnèrent les
conditions et l’idée même de littérature en convoquant
l’imaginaire, le hasard, l’irrationnel et même la folie.
Tout commence avec l’invention de l’« Esprit nouveau »
célébré par Apollinaire autant que par le ballet Parade, où
l’on sent une aspiration à un art renouvelé. A Zurich, Tristan
Tzara fonde Dada, qui trouvera un écho immédiat à Paris
chez de très jeunes gens qui viennent de fonder Littérature,
au titre ironique : Breton, Soupault, Aragon, puis Éluard. Très
vite s’impose la grande invention surréaliste : l’écriture auto-
matique, pratiquée de façon variable (Desnos y excella alors
qu’Éluard y était réticent). Tout en contestant frontalement
la notion d’auteur, elle ouvrait la voie à toutes les créations
de l’inconscient. Dans ce sillage de l’irrationalité, fleurirent
le récit de rêves et la pratique des sommeils hypnotiques.
Dans l’espace public le surréalisme s’imposa par la
diffusion de tracts, et des manifestations qui firent par-
fois scandale, avant l’officialisation du mouvement par
la publication en 1924 du Manifeste du surréalisme rédi-
gé par Breton. À la déraison triomphante de la société
bourgeoise répondait dès lors la « folie » conquérante du
surréalisme. C’est le même Breton qui publiera en 1928
Nadja, l’un des textes les plus émouvants et énigma-
tiques de cette période, Nadja dit une expérience-limite
ACTU
où les éclats de la passion mènent aux confins de la folie.
Livres
On peut lire avec émotion, reproduites en fac-similé, les
lettres et dessins de Breton et Nadja, jusqu’à la dernière
lettre – de rupture – où Nadja écrit, comme un dernier
aveu : « André, malgré tout je suis une partie de toi. »
Daniel Bergez
aussi
À lire
Essai
Céline Pina, Ces biens essentiels,
éd. Bouquins, 184 pages, 18 €
Qu’en est-il de notre civilisation,
en un temps où certains rêvent
d’un « transhumanisme » ? Toute la
réflexion de Cécile Pina questionne
notre vivre ensemble, et notre horizon d’existence à
partir du révélateur qu’a représenté la crise sanitaire :
elle « nous a rappelé notre condition humaine dans ce
qu’elle a de plus brutal. » Elle a montré comment pour
la plupart d’entre nous le monde est – a toujours
été – « incertain et dangereux », alors que les élites
françaises demeurent « protégées et inconscientes ».
Le propos est polémique et argumenté, fondé sur
nombre d’analyses appuyées sur des références
d’autorité. La fermeture des librairies au moment
du confinement explique le titre de l’ouvrage : les
« biens essentiels », ce sont ces « lieux qui permettent
de penser le monde, de comprendre l’altérité, de favo-
riser l’intelligence collective ». Éloge de l’échange, du
débat, de la réflexion, ce livre est porté par la reven-
dication d’un humanisme à retrouver au sein d’un
monde fracturé et dont les plus pauvres sont spoliés.
Poésie
Le Sommet de la route et l’ombre
de la croix. Six poètes chrétiens du
xxe siècle, présentation et choix de
Jean-Pierre Lemaire, Gallimard,
coll. Poésie, 128 pages, 6,50 €
C’est au poète d’inspiration chré-
tienne Jean-Pierre Lemaire, à qui l’on
doit de très beaux recueils parus chez Gallimard, que
cet éditeur a confié le soin de réaliser cette belle antho-
logie des plus grands poètes chrétiens du xxe siècle.
Péguy, Claudel, Jammes, Marie Noël, Patrice de La Tour
du Pin et Jean Grosjean sont ici donnés à lire dans un
véritable bréviaire poétique. Si l’inspiration religieuse
est commune, les registres sont variés : de la voix
imposante de Claudel à la chanson de Marie Noël, de
l’amplitude oratoire de Charles Péguy à la simple et
si émouvante prière de Francis Jammes, et jusqu’au
psaume que réinvente Patrice de La Tour du Pin. On
trouvera dans ces textes peu d’affirmations péremp-
toires arrimées à une certitude théologique ; plutôt
une quête et un espoir, celui d’un au-delà que laisse
entrevoir la vibration de la parole poétique.
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 7
ACTU
Lire au CDI
L’art d’argumenter au féminin
Par Aurélie Laurière, professeure documentaliste dans l’académie de Limoges, membre de l’A.P.D.E.N.
En classe de 1re, un travail d’enquête sur la condition féminine à l’époque des
Lumières accompagne la lecture de La Déclaration des droits de la femme et de
la citoyenne, une des œuvres imposées en littérature d’idées. On constituera un
corpus intitulé « Les femmes au xviiie siècle, de la soumission à la révolte ».
Autour de la lecture
des « Culottées » : portraits
de femmes du xviiie siècle  du xviiie siècles
On propose aux élèves la lecture cursive du premier
tome de la bande dessinée  Culottées : des femmes qui ne
font que ce qu’elles veulent  de Pénélope Bagieu. L’autrice
met en scène quinze portraits de femmes, combattantes
hors normes, qui ont bravé la pression sociale de leur
époque pour mener la vie de leur choix.
Avec le professeur documentaliste, les élèves font
une recherche guidée sur une femme audacieuse du xviiie
siècle et créent une exposition pour présenter leur tra-
vail, à la manière des « Culottées ». Pour faciliter le travail
de recherche des élèves, les enseignants constituent une
liste de femmes du xviiie siècle de nationalités diverses qui
ont combattu les préjugés et stéréotypes de leur époque
pour réaliser un parcours professionnel, artistique ou
politique en faveur de l’égalité entre les hommes et les
femmes. Les élèves répartis par groupes de deux ou trois
doivent choisir une personnalité féminine.
On insiste sur la description du cadre spatio-temporel ;
on privilégie les éléments du parcours de la femme choisie
pour son émancipation et sa quête de liberté et/ou de lutte
contre les inégalités ; on conclut en mettant en avant ce
que cette héroïne a pu apporter à la postérité.
De la bande dessinée
à l’exposition
Les élèves présentent leurs recherches sous forme de
panneaux d’exposition, à la manière de Pénélope Bagieu.
Pour réaliser ce travail, on analyse le découpage de la bande
dessinée et la composition d’une planche. Sont soulignés
également l’échelle des plans et l’usage du langage humo-
ristique par Pénélope Bagieu.
Les élèves devront sélectionner des images libres de
droit et/ou créer leurs propres dessins humoristiques. Ils
reprennent les codes de la bande dessinée (présence de
cases, de cartouches, de phylactères, d’onomatopées, d’idé-
ogrammes), et de même que dans Culottées, utilisent uni-
quement trois couleurs en lien avec l’époque ou le parcours
de la femme choisie.
8 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
Quelques femmes « culottées »
Jeanne Barret (aventurière), Catherine Bernard
(poétesse), Anne Bonny (pirate), Jane Colden (première
botaniste américaine), Angélique du Coudray (sage-
femme), Caroline Herschel (astronome), Suzanne Necker
(salonnière, créatrice d’un hôpital), Nanny (reine des
marrons, héroïne jamaïcaine), Marie-Anne Pierrette Paulze
(scientifique, peintre et illustratrice), Toypirina (femme
médecin, révoltée amérindienne), Élisabeth Vigée Le Brun
(peintre), Mary Wollstonecraft (féministe)…
NOTION INFO-DOCUMENTAIRE :
LA PRODUCTION DOCUMENTAIRE
La production documentaire fait suite à une analyse docu-
mentaire et à une évaluation de l’information. Elle concerne la
mise en forme d’un ensemble de données informationnelles
sur un support. Elle suppose le suivi d’un processus de pro-
duction, avec une réflexion sur l’organisation de l’information
sur le support.
Définition complète à consulter sur :
http://wikinotions.apden.org/index.php?title=Production_
documentaire
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Corpus de textes
• Aristophane. Lysistrata. Pocket, 2020
• Pénélope Bagieu, Culottées : des femmes qui ne font que ce
qu’elles veulent Livre 1 - Partie 1. Folio, 2018
• Pénélope Bagieu, Culottées : des femmes qui ne font que ce
qu’elles veulent Livre 1 - Partie 2. Folio, 2018
• Olympe De Gouges,. Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne, coll. Carrés classiques, Nathan, 2021
• Choderlos de Laclos, De l’éducation des femmes. Ed. Jérôme
Millon
• Virginia Woolf,. Une chambre à soi, 10-18, 2001
Sites web 
• L’histoire par les femmes https://histoireparlesfemmes.com/
• L’histoire par l’image. Réunion des musées nationaux et du
Grand Palais des Champs-Elysées (2021) https://histoire-image.org/
• Futura . Futura-sciences société (2001) https://www.futu-
ra-sciences.com/sciences/personnalites/

Les expositions de la rentrée
Par Roger Courault
C’est encore le temps du ciel bleu, des fleurs et des jardins. Courez voir
ces expositions qui ont un goût d’été.
L’Heure bleue de Peder Krøyer
Paris, Musée Marmottan Monet, jusqu’au
26 septembre 2021
L’heure bleue, entre chien et loup, avec
son ciel bleu sombre très lumineux carac-
téristique des étés en Europe du Nord, est
le sujet de nombreux tableaux de Peder
Severin Krøyer (1851-1909). Célèbre dans
son pays natal, le Danemark, il est peu
connu en France alors qu’il y étudia et
exposa avec succès. L’exposition que lui
consacre le Musée Marmottan Monet est
l’occasion de découvrir
sa peinture influencée
par l’école de Barbizon.
De nombreux tableaux,
comme ces deux
femmes marchant au
bord de l’eau en toute
quiétude, célèbrent la
nature, les soirées d’été
sur les plages de Ska-
gen, petite ville du nord
du Danemark, devenue
colonie d’artistes à la fin
du xixe siècle.
Paul Durand-Ruel
et le post-impressionnisme
Yerres (Essonne), Propriété Caillebotte,
jusqu’au 24 octobre 2021
Le marchand d’art Paul Durand-Ruel
acheta, dit-on, plus de 1000 Monet. Mais
il ne fut pas seulement le marchand des
impressionnistes, et l’exposition qui lui
est consacrée s’intéresse à 5 peintres dits
post-impressionnistes avec lesquels il
signa des contrats d’exclusivité : Albert
André, Georges d’Espagnat, Gustave Loi-
seau, Maxime Maufra, Henri Moret. Ces
artistes affichent une forte individualité.
Albert André par exemple, dont le musée
de Bagnols-sur-Cèze porte le nom, est très
apprécié pour ses vues de Paris (Montmartre,
vue du boulevard de Clichy) et de Marseille,
comme Le vieux port, tableau de 1917 où l’on
remarque parmi la foule de nombreux mili-
taires coloniaux.
L’exposition qui se tient dans la pro-
priété que possédait la famille Caillebotte
entre 1860 et 1879 permet de se promener
agréablement dans le jardin et le potager
qui furent des lieux d’inspiration privilégiés
pour Gustave Caillebotte (1848-1894).
Côté jardin. De Monet à Bonnard
Giverny (Eure), Musée des impressionnismes,
jusqu’au 1er novembre 2021
ACTU
Expositions
Albert André, La Femme aux paons.
Longtemps perçu comme le mécène
avisé des impressionnistes, Gustave
Caillebotte est désormais admiré comme
leur égal. Son amour des fleurs et des
jardins justifie sa présence à l’exposi-
tion que propose le Musée des impres-
sionnismes à Giverny. Cette exposition
qui « ne se prend pas la tête », selon son
commissaire, est un enchantement, une
balade dans les jardins en compagnie
de leurs occupants. Des jeunes femmes
et des enfants peints par Henri Martin,
Édouard Vuillard ou Albert Bartholomé
sont saisis sur le vif au milieu de la végé-
tation ou au repos sur des bancs. On
admire un  Bain en plein air  de Maurice
Denis et la célèbre Partie de croquet de
Pierre Bonnard. Quatre tableaux, des
parterres de marguerites de Caillebotte,
sont groupés pour former un panneau
décoratif d’un seul tenant.
Damien Hirst, Cerisiers en fleurs
Paris, Fondation Cartier, jusqu’au
2 janvier 2022
L’Anglais Damien Hirst, né en 1965,
expose une multitude de  Cerisiers en
fleurs à la Fondation Cartier. Enfant
terrible de l’art, il devient rapidement
célèbre grâce à quelques œuvres mar-
quantes, comme ses animaux coupés en
deux et conservés dans le formol. Riche et
adulé, il produit beaucoup, s’entoure de
nombreux assistants. Son œuvre, progres-
sivement très critiquée, l’incite à effectuer
un retour aux sources, à revenir au bon
vieux pinceau et à l’imagerie classique de
l’artiste seul devant sa toile. Ses cerisiers
en fleurs sont une explosion de couleurs,
une répétition jusqu’à saturation de
branches et de fleurs se détachant sur un
ciel d’azur. La peinture de Damien Hirst
n’est pas si loin du panneau décoratif de
Caillebotte.
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 9
Dossier
Marguerite Duras
L’écriture au féminin
sur un tournage.
Par Cécile Ladjali, professeur, écrivain
Sommaire
Une écriture féminine ? 
Des préjugés largement répandus,
même par des femmes écrivains
Presque un oxymore
L’androgynie ontologique
de l’artiste 
La chambre de Virginia Woolf
L’écriture ou l’expérience de l’altérité
L’Esprit souffle où il veut
Être femme écrivain 
Sortir de l’espace qui vous est assigné
Bien mieux que l’écriture inclusive,
un hermaphrodisme salvateur
« Frères féminins »
Au-delà du genre
10 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
C’est dans les années 1940 que des chercheurs
s’intéressent à la notion d’écriture féminine
Ainsi, Catherine Clément et Hélène
Cixous, (1975) dégagent trois grands
critères qui seraient constitutifs de l’écriture
11 féminine : la voix, l’omniprésence du corps,
la dépersonnalisation. Si la voix désigne cette
capacité à l’oralisation du langage, taxe-t-on
de féminines les fictions de Faulkner, Lobo
Antunes, Joyce, où règne en maître le flux de
12 conscience ? Si l’omniprésence du corps est
une manie de l’écriture féminine, que penser
des pièces de Tennessee Williams ou de Jean
Genet dont le corps féminin reste le sujet ?
Si la dépersonnalisation, cette capacité à se
14 mettre à la place de l’autre, n’est que l’apanage
des femmes qui souffriraient d’un manque
de personnalité, comment considérer l’aveu
de Flaubert devenu Madame Bovary ? Que
penser de Laurent Mauvigner qui dans,
Continuer, pleure, vibre et rêve comme la mère
du jeune héros ?

Une écriture féminine ?
Des préjugés largement répandus,
même par des femmes écrivains
Toute géniale qu’elle était, Beauvoir a eu des pro-
pos très contestables au sujet des femmes, lesquelles
auraient écrit moins bien que les hommes. Les argu-
ments qui parcourent Le Deuxième Sexe sont d’une fai-
blesse édifiante : « Il est connu que la femme est bavarde
et écrivassière ; elle s’épanche en conversations, en lettres,
en journaux intimes. Il suffit qu’elle ait un peu d’ambition,
la voilà rédigeant ses mémoires, transposant sa biographie
en roman, exhalant ses sentiments dans des poèmes ». Plus
loin, Beauvoir s’entête : « Encore toutes émerveillées
d’avoir reçu la permission d’explorer ce monde, elles en
font l’inventaire sans chercher à en découvrir le sens. [...]
Un des domaines qu’elles ont explorés avec le plus d’amour,
c’est la Nature ». Ainsi, les femmes seraient incapables
de proposer une version universelle du monde, res-
tant trop centrées sur elles-mêmes en raison d’une
ontologie qui les inscrirait du coté de la nature. Jetant
leur dévolu sur les genres de l’intime, elles seraient
inaptes à inventer un univers à la hauteur du roman
métaphysique de Melville (Moby Dick) ou de la folie
visionnaire de Cervantes (Don Quichotte). Elles se bor-
neraient au domestique, que traduiraient des formes
pré-esthétiques à leur mesure. Leurs livres exalteraient
un microcosme mesquin, une economia souffrant de
myopie, une mimesis étique œuvrant à la restitution
d’une simple ambiance. L’Homme, lui, scruterait le
macrocosme et serait seul à pouvoir en imposer la
vision magistrale. L’essai de Beauvoir charrie à l’envi
une kyrielle de stéréotypes encore vivaces. Le plus
fâcheux est qu’ils sont le fait d’une femme, plus miso-
gyne encore que certains de ses contemporains.
rneraient
Les femmes se bo des
do m es ti qu e, que traduiraient
au esure.
étiques à leur m
formes pré-esth ac ro cosme
ruterait le m
L’Homme, lui, sc r dans la conscience collective, l’écriture est sui gene-
uvoir en impose
et serait seul à po
ale.
la vision magistr
On a dit ainsi que les genres supposés féminins,
donc naturels, s’approchaient de l’oral, à l’instar
de l’écriture des lettres de la marquise de Sévigné.
Celles-ci obéissent, en effet, à l’esthétique du « natu-
rel » recherché durant la période classique. Mais
commettre l’amalgame entre le sexe de l’épistolière
et son style naturel, c’est oublier ce que signifie cette
conception du langage et du monde représenté
à travers lui au Grand Siècle. À cette époque, la
bienséance se conjugue à la raison, ainsi qu’à une
forme de beauté qui doit s’énoncer clairement, sans
L’écriture au féminin
Dossier
emprunt ni effet, sous peine de compromettre le style
par une préciosité ridicule. Le naturel des lettres de
Madame de Sévigné n’est rien d’autre que celui de
« l’art de la conversation » et s’il y a oralité, cet oral-là
est aussi celui de La Fontaine, La Bruyère, Guez de
Balzac – hommes au demeurant – dont on n’esca-
mote pas le talent par des procès d’intention sans
fondement, sinon par celui que dicte la coutume.
Ce préjugé autour des genres qui seraient plus
féminins que d’autres est tenace même chez les plus
grandes. Pour l’écriture de son unique roman, La
Cloche de verre, la poétesse Sylvia Plath veut inven-
ter « un monde nouveau, sans nom, où l’on renait et pas
d’une femme. » Or la mutation générique n’est qu’un
défi supplémentaire que Sylvia Plath s’est lancé à elle-
même, arguant déjà au sujet de sa poésie : « Il faut que
ce soit tendu, intense, et surtout, surtout, pas sentimental. »
La prose n’aura fait que confirmer son génie.
Presque un oxymore
Penchons-nous un instant sur l’expression « écri-
ture féminine ». On y devine un oxymore, car si le
substantif renvoie à l’universel, l’adjectif, quant à lui,
désigne l’essentiel et je pense que l’essentialisation
d’un principe est toujours délétère. La caractérisa-
tion suggère une forme de rallonge, un addendum à
une activité qui, par nature, ne regarderait que les
hommes. Et, en effet, combien de fois me suis-je
fourvoyée dans des débats, où le modérateur me
demandait avec condescendance comment il était
possible que je parvienne à publier des romans, alors
que j’avais des enfants à élever et une maison à ran-
ger. On n’a, en l’occurrence, pas posé la question à
mes confrères invités à la table ronde, qui avaient eux
aussi une progéniture nombreuse et devaient vivre
ailleurs que sous un pont. Comme le signifie Duras
dans Écrire, « Les hommes ne le supportent pas : une
femme qui écrit. C’est cruel pour l’homme. »
Si on n’invite jamais un homme à s’exprimer
au sujet de « l’écriture masculine », c’est parce que,
ris mâle. La raison est historique. Dans nos socié-
tés, la femme est assignée au rôle de procréatrice.
Devant cet immense pouvoir, si intimidant, il reste à
l’homme celui de la création. Et s’il prend à la femme
l’idée baroque de créer à son tour, elle devient un
monstre contre nature. Pour revenir à cette notion
de nature, on pourrait citer la très dandy Nathalie
Clifford Barney : « Le seul antéchrist : la nature ». Puis
convoquer Baudelaire qui, dans Mon cœur mis à nu,
grogne : « La femme a faim et elle veut manger. Soif, et
elle veut boire. Elle est en rut et elle veut être foutue […]
la femme est naturelle, c’est-à-dire abominable. Aussi est-
elle toujours vulgaire, c’est à dire le contraire du dandy. »
Les poèmes misogynes de Baudelaire imposent l’idée
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 11
Dossier
que la femme est un ventre, un corps tentateur, alors
que le poète est le génie masculin créateur, souvent
empêché par le succube. Cette dialectique féroce –
surexploitée dans les œuvres de la fin du xixe siècle
– fait toute la beauté des Fleurs du Mal. J’y succombe
la première, en même temps qu’elle me fait sourire.
La femme pour Baudelaire devient enfin sup-
portable quand elle n’en n’est plus tout à fait une.
« Idole, elle doit se dorer pour être adorée », et le poète
la somme d’être artificielle et silencieuse : « Dors ou
fume à ton gré ; sois muette, sois sombre ». Devenue
œuvre d’art, déifiée par la parure ou le maquil-
lage, elle se meut en allégorie, « Rêve de pierre »,
« Masque », « Géante ». Elle arbore enfin cette puis-
sance du masculin et du féminin conjugués entre
eux et peut se situer au départ de la création. Mais
elle se cantonne encore au rôle de muse. Les femmes
n’ont pas besoin d’écrire des poèmes, elles sont des
poèmes. Insupportable...
L’androgynie
ontologique de l’artiste
La chambre de Virginia Woolf
Intuitivement, je dirais que l’écriture féminine –
ou masculine – n’existe pas. Il n’y a que deux genres
d’écrits : les bons et les mauvais, la qualité littéraire
des livres n’étant en rien liée à la notion de genre.
Il faut attendre la publication d’Une chambre à
soi (1929) pour que Virginia Woolf convoque la
notion d’androgyne afin de définir le génie : « un grand
esprit est androgyne. C’est quand cette fusion a lieu que
l’esprit est pleinement fertilisé et peut faire usage de toutes
ses facultés. Peut-être un esprit purement masculin est-il
incapable de création, de même qu’un esprit purement
féminin ». Cette profession de foi est toute la matière
du roman de Woolf, Orlando. Le héros éponyme évo-
lue d’un siècle puis d’un sexe à l’autre et devient le
double rêvé de son auteur. La poétesse Renée Vivien,
avec son poème, « Twilight », commet un véritable
manifeste où est dite l’urgence d’oublier le corps
pour une entrée radicale en poésie : « L’ambigu de ton
corps s’alambique et s’affine/ Dans ton ardeur stérile et
sa grâce androgyne. ».
L’écriture ou l’expérience de l’altérité
Le corps demeure une réalité intéressante quand
on essaie de saisir ce qui se passe dans l’acte de
création. On fait toujours l’expérience de son corps
quand on écrit. Romain Gary ne nous dit pas autre
chose dans son bouleversant roman sur l’impuis-
sance, Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus
valable. Ce corps tragique (parce qu’enfermant), on
tente d’y échapper en allant vers celui qu’on n’est
12 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
pas. L’écriture doit faire l’expérience de l’altérité,
et l’androgynie nous oblige à dépasser les principes
biologiques du corps maternel ou du corps érectile.
Car si ces réalités biologiques sont le terreau tout
organique sur lequel poussent les fleurs mentales des
livres, les choses deviennent fascinantes quand ces
réalités se confondent. Leur fusion produit ce qu’il
y a de plus abouti en littérature. Ainsi, à la première
page de La Recherche, Proust fait le récit d’un rêve
érotique, au sein duquel il sent une femme jaillir de
son flanc : « Quelquefois, comme Ève naquit d’une côte
d’Adam, une femme naissait dans mon sommeil d’une
fausse position de ma cuisse. » Le masculin mêlé au
féminin, l’androgyne adamique, hante cet incipit
ainsi que toute la rêverie impressionniste qui s’y
déploie. Les proses tendues de Mishima ou de Genet
convoquent en elles le féminin. Dans Confessions d’un
masque, la contemplation d’un saint Sébastien aux
« hanches légèrement torses » et à « la poitrine tendue »,
féminisé par les affres du martyre, provoque chez le
jeune Mishima une éjaculation, « la première », pré-
cise-t-il. Le funambule de Genet fascine l’auteur
car, en apesanteur, il est ce corps mâle dans lequel
est tombé un je ne sais quoi de féminin. Ainsi, qu’il
s’agisse du couple Adam et Ève, du saint aimé par
César, ou de cet Icare entre ciel et terre, dans tous les
cas, c’est la phallophanie qui reste la matière sémi-
nale du texte, sa pulsion de départ, mais le principe
féminin en parachève la prégnance littéraire. C’est ce
juste dosage, cet accord parfait, qui produit l’éblouis-
sement érotique aux antipodes de la prose pornogra-
phique des Sade, Guyotat, Jelinek, Violette Leduc.
ire l’expérience
L’écriture doit fa oblige
ndrogynie nous
de l’altérité, et l’a s
incipes biologique
à dépasser les pr tile.
co rp s m aterne l ou du corps érec
du
La surexpression du corps – critère d’identifica-
tion de l’écriture féminine d’après certains – serait la
conséquence d’une souffrance de ce corps en mal
de langage. La faillite linguistique génèrerait alors
l’hystérie et celles qu’on a appelées les sorcières en
seraient les parfaites représentantes. À ce point de
vue spécieux, on pourrait opposer l’exemple du mer-
veilleux livre de Volodine, Frères Sorcières, et aussi
celui de Lear, père de la parousie, parlant aux élé-
ments, provoquant tempêtes et précipitations. Les
hommes – auteurs ou personnages – peuvent eux
aussi être sorciers et hystériques. Le président Schre-
ber, auteur des Mémoires d’un névropathe, dont le cas
a été étudié par Freud, est hystérique à l’évidence.
D’ailleurs Schreber le revendique : il est devenu une
femme et pas n’importe laquelle : celle de Dieu. Il a
été transformé à la clinique par son médecin, le pro-
fesseur Fleschig, et son « éviration » a été accompa-
gnée d’abus sexuels commis par le clinicien et Dieu
lui-même.

L’Esprit souffle où il veut
C’est parce qu’elles ont été historiquement
associées au corps que les femmes rencontreraient
des difficultés à s’imposer du côté du symbolique.
Heureusement que Julia Kristeva nous rassure un
peu : on peut être femme mais avoir un « cerveau
masculin » ! La psychanalyste récuse l’idée d’écriture
féminine qui induit une sémiotique maternelle par
opposition au symbolique paternel, lequel serait le
lieu d’un surmoi et la condition des chefs-d’œuvres.
Ajoutons que la seule idée d’une écriture féminine
intrinsèquement maternelle aurait fait bondir les
vierges folles et stériles qu’étaient Woolf, Wittig,
Yourcenar ou Dickinson, auteurs patentés et sans
enfants. Observons le tableau de Simone Martini,
L’Annonciation. J’y devine une merveilleuse représen-
tation des questions dont nous débattons ici. L’ange
annonce à Marie qu’elle va tomber enceinte. Mais la
fornication se fait par le Verbe. La parole de l’ange
est incrustée sur le bois doré. Les lettres prennent
Simone Martini, L’Annonciation, avec deux saints et quatre prophètes, 1333,
peinture sur bois, galerie des Offices, Florence.
L’écriture au féminin
Dossier
la forme d’un jet et cheminent jusqu’à l’oreille de
Marie. Celle-ci affiche un air renfrogné, fort mécon-
tente en apparence de la nouvelle qu’on lui annonce.
Je vois le Verbe de l’ange. Je vois le corps drapé de
Marie. Je vois la dialectique entre langage et corps
matriciel. Les deux principes restent à distance, s’ef-
fleurent presque, se sondent, restent suspendus sur
fond d’or. L’écriture, la beauté, la grâce, c’est cela :
un principe double que le peintre a placé sous les
auspices d’un ange dont le langage caresse la femme
qu’il va pénétrer, mais par des voies autres que celles
qui la ravale au vulgaire. Il s’agit de la Création des
créations ici. Celle d’un Dieu et cela s’énonce à la
faveur d’une rêverie androgyne. Je pense à l’œuvre de
Cristina Campo qui, d’après les mots de Cécile Guil-
bert, n’écrit ni comme un homme, ni comme une
femme, mais « comme les anges ». La Madone gnos-
tique recherche le Un, tels Plotin et Ficin avant elle,
et elle sait qu’au commencement de l’art, se tient
Celui dont tout procède.
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 13
Dossier
Être femme écrivain
Sortir de l’espace qui vous est assigné
Mais tout le monde n’est pas Marie. Dans
Le Vice-Consul, Duras campe une femme sourde,
muette, handicapée, folle qui n’a trouvé que l’infir-
mité pour échapper aux stéréotypes dans lesquels
on veut l’enfermer. C’est peut-être la seule solution
qui reste aux femmes : être moins puissantes pour
ressembler aux hommes, pour jouer dans la même
cour qu’eux et qu’on leur fiche la paix. Le destin
qu’imagine Woolf à Judith, la petite sœur fantasmée
de Shakespeare, est pareillement pathétique : « Quand
je pense à l’histoire de la sœur de Shakespeare, telle que je
vous l’ai contée, c’est que n’importe quelle femme, née au
xvie siècle et magnifiquement douée, serait devenue folle, se
serait tuée ou aurait terminé ses jours dans quelque chau-
mière éloignée de tout village, m-sorcière, mi-magicienne,
objet de crainte et de dérision. » Louise Labé était affu-
blée du sobriquet de « Sapho lyonnaise » car il y avait
évidemment quelque chose de contre-nature à écrire
des poèmes pour une femme au temps de la Pléiade,
les Marguerite de Navarre et Pernette du Guillet ne
se comptant pas sur les doigts d’une main.
Ces femmes au « cerveau d’homme » s’inscrivent
toujours dans un destin incertain et travestissent par-
fois leur nom afin de demeurer en adéquation avec
elles-mêmes. On pense aux deux George, la Fran-
çaise Sand et la Britannique Eliot, à Rachilde, qui fait
imprimer sur sa carte de visite le titre « homme de
Lettres ». Ainsi, la jeune Marguerite Eymery est esti-
mée par ses pairs, de Jean Lorrain à Catulle Mendès,
alors chantres de la misogynie fin de siècle, qui à la
lecture des pages incandescence des Hors Nature ou
de Monsieur Vénus, considèrent la jeune romancière
comme leur égale. Rachilde est aussi l’auteur d’un
roman aux odeurs de soufre : La Marquise de Sade.
La violence sadienne est également le suc de l’œuvre
romanesque de la très mâle Gabrielle Wittkop,
comme on la savoure dans les pages de la comtesse
de Ségur, née Rostopchine. L’auteur des Malheurs
de Sophie s’est d’ailleurs vue amputée par l’éditeur,
Louis Hachette, de la seconde partie de sa signature.
Avec son nom d’épouse sur la couverture, il était
question de la consigner dans une Bibliothèque Rose
destinée aux petite filles, alors qu’il aurait été plus
juste de la confier à l’enfer d’une Bibliothèque Noire,
Rostopchine descendant de Gengis Khan.
Bien mieux que l’écriture inclusive,
un hermaphrodisme salvateur
Il faut donc naître à soi-même par une sorte
« d’androgynie d’esprit » pour parler comme l’auteur
des Paradis Artificiels. L’acte d’hermaphrodisme
grammatical est salvateur, puisqu’on devient un tout
quand on crée. Monique Wittig le sait bien lorsque,
sur le plan énonciatif de ses fictions, elle choisit la
14 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
neutralité du pronom « on ». Les débats autour de
la terminologie adéquate sont légions de nos jours.
Faut-il dire « auteure », « autrice », « écrivaine » ?
Me concernant, je choisis le masculin : je dis « écri-
vain », « professeur », « chevalier », « docteur ». Et
quand je le dis, on voit bien que je suis femme, en
même temps qu’on entend autre chose. Je fais réson-
ner une tension androgyne dans la grammaire. Ça
me plaît. Et par la musique de cette tension, par le
regard qu’alors je dois avoir un brin provocateur, je
me souviens d’un combat de haute lutte, mené par
mes grandes sœurs de plume. Alors, pour leur rendre
hommage, je continue de disputer avec l’interlocuteur
qui peut trouver ça étrange. C’est dans cette douce
violence que je commence à créer. Je pense que cette
posture, ce dandysme de plume est nécessaire. Il a
à voir avec la sociologie, l’histoire des hommes, son
avancée, ses stagnations et ses tragiques reculades,
dont les pathétiques percées de l’écriture inclusive
sont aujourd’hui l’illustration. Le « ·e » s’énonce
comme un cache-sexe, un effort bien-pensant et
condescendant pour faire croire à une forme d’éga-
lité qui devrait se situer exclusivement dans la clarté
du discours, le souvenir d’une grammaire historique
et le courage d’un engagement politique, plutôt que
dans ce type de travestissements typographiques qui
flattent les passionarias du politiquement correct
(adeptes de la cancel culture) et font honte aux pre-
mières intéressées qui attendent autre chose que des
e muets postiches pour signifier leur condition.
« Frères féminins »
L’écriture féminine, si on se force à considérer cette
expression, pourrait aussi renvoyer au féminin que
les auteurs hommes inoculeraient à leur style. Là, la
chose devient intéressante, parce qu’elle invalide le
sous-entendu même de cet article et nous oblige à
penser en dehors des taxinomies en matière de créa-
tion littéraire. En effet, des hommes se féminisent et
embrassent parfois le féminin de façon magnanime,
au point que l’on pourrait penser que leur texte est
sorti du cerveau... d’une femme ! Pour exemple,
Laclos, qui les défend dans son discours de 1778 :
« Ô femmes ! […] Venez apprendre comment, nées com-
pagnes de l’homme, vous êtes devenues son esclave ; com-
ment, tombées dans cet état abject, vous êtes parvenues à
vous y plaire, à le regarder comme votre état naturel […]
Si ce tableau fidèlement tracé vous laisse de sang-froid
[…] retournez à vos occupations futiles. […] Mais si au
récit de vos malheurs et de vos pertes, vous rougissez de
honte et de colère […]. Apprenez qu’on ne sort de l’escla-
vage que par une grande révolution. » D. H. Lawrence
semble être une lady lectrice de Jane Austen, tant ses
métaphores sont à même de signifier l’extraordinaire
complexité du plaisir féminin : « Elle était comme une
forêt, comme le sombre réseau des chênes, murmurant
silencieusement de leurs myriades de bourgeons verdis-
sants. En même temps, les oiseaux du désir étaient endor-
mis dans le vaste réseau de son corps. »
 L’écriture au féminin
Dossier
Merci donc à tous ces frères féminins (pour
reprendre l’expression de Nathalie Clifford Barney,
« l’Amazone », comme la nommait son amie, Marina
Tsvetaïeva). Car les femmes ont trop souvent été
biffées, et ce, jusque sur le tableau de Courbet, où
l’on devine dans un coin le portrait effacé de Jeanne
Duval, la muse de Baudelaire, quand lui, texte à
la main, irradie au premier plan. Brecht et Cie est la
somme de John Fuegi qui démontre que la plupart
des pièces du dramaturge allemand ont été écrites
par ses maîtresses, dont la plus douée d’entre elles est
certainement Elisabeth Hauptmann qui écrivit plus
de 80 % de L’Opéra de quat’sous dans les années 1920.
Il y eut aussi l’ardente Margarete Steffin qui participa
à la création de Mère Courage et de La Bonne Âme de
Se-Tchouan. On sait l’influence de Camille Claudel
sur Rodin, de Berthe Morisot sur Manet.

Au-delà du genre
Il faudrait apprendre à changer les perspectives
comme le font les peintres nabis. Déplacer les points
de fuite, se décaler pour mieux voir, écrire, penser,
oublier son sexe afin d’épouser l’humaine condition.
C’est certainement ce qu’a fait Margueritte Yource-
nar en inventant Hadrien, Alexis, Zénon. « Renaître
n’a jamais été au-dessus de mes forces », écrit Colette,
qui, en affirmant cela, refuse une position de victime,
qu’elle peut reprocher (et je ferais comme elle) à cer-
taines féministes de son temps.

Il faut être un tout, comme le

x faire
revendique Sylvia Plath : “Je veu
és  
partie des poètes […]. Livres, béb
et boeuf en ragoût.”
Réconcilier le matériel et le spirituel, le corps
et l’esprit, c’est cela l’écriture au féminin, si la chose
existe. Il faut être un tout, comme le revendique Sylvia
Plath : « Je veux faire partie des poètes […]. Livres, bébés
et bœuf en ragoût. » La Russe Marina Tsvetaïeva milite
en faveur de fabuleuses fusions : aimer et se brû-
ler. Vivre dans le feu. Créer et vivre. Tenir ensemble
l’abstraction du verbe et la pesanteur du corps.
Se poser la question d’une écriture féminine
conduit à une impasse. Il y a les œuvres, seulement
elles. Et celles qui restent inoubliables, romans,
poèmes, pièces de théâtre, sont celles que traverse
un être qui a la silhouette de Ganymède et les yeux
de Rosalinde. Cet être, à la fin de Comme il vous
plaira, dit : « Il n’est pas coutume de voir la dame jouer
l’épilogue. / Mais ce n’est pas plus incongru que de voir
l’homme faire le prologue. » De l’incipit à l’excipit, de
l’exorde à la péroraison, l’écriture n’a pas de sexe.
La question n’est pas là. L’écriture est profondément
humaine quand elle a du génie. Elle fait alors une
place à l’autre, elle dialogue avec la différence, elle
la capte et l’intègre. Ce miracle a lieu parfois. On ne
doit pas trop chercher à l’expliquer.
Romaine Brooks, Nathalie Clifford Barney, 1920,
musée Carnavalet, Paris.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Sur la notion d’écriture féminine
• Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, Gallimard, 1949
• Catherine Clément et Hélène Cixous, La Jeune Née, U.G.E., 1975
• Marguerite Duras, Écrire, Gallimard, 1995
• Merete Stistrup Jensen, « La notion de nature dans les théories de l’“écriture
féminine”», revue Clio, 2000
• Gaétan Picon, 1863, Naissance de la peinture moderne, 1974
• Sarraute Nathalie, Les Fruit d’or, 1963
• Jean-Paul Sartre, Les Mots, 1964
• Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830
Sur l’androgynie fondamentale de l’écrivain
• Nathalie Clifford Barney, Nouvelles Pensées de l’Amazone, L’imaginaire Gallimard, 2021
• Marguerite Duras, Le Vice-Consul, Gallimard, 1966
• Sylvia Plath, La Cloche de détresse, L’imaginaire Gallimard, 1988
• Rachilde, La Marquise de Sade, L’imaginaire Gallimard, 1996
• Marina Tsvetaïeva, Mon frère féminin : Lettre à l’Amazone, Mercure de France, 1979
• Virginia Woolf, Une chambre à soi, Le Livre de poche, 2020
• Virginia Woolf, Orlando, Folio, 2018

SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 15

Séquences 2 de LYCÉE GÉNÉRAL ET TECHNOLOGIQUE

OBJET D’ÉTUDE ➜ La littérature d’idées et la presse du xixe au xxie siècle

Les femmes dans la société et

la littérature, un si long combat
Par Marie-Astrid Clair, professeure de Lettres, relue par Chloé Sibilli*

Support • La Genèse, L’Odyssée Présentation

• Molière, L’École des femmes, la tirade
d’Arnolphe
• Molière, Les Femmes savantes,
la tirade de Crysalde
• Laclos, De l’éducation des femmes
• George Sand, Histoire de ma vie
• Mona Chollet, Beauté fatale
• Discours de Gisèle Halimi
et Simone Veil
Sommaire ÉTAPE 1. Un rôle ténu dans l’Histoire
Séance 1 : La place et rôle des femmes
dans la Bible et dans l’Odyssée
Séance 2 : La place des femmes dans
l’Histoire : Virginia Woolf, Une chambre
à soi
ÉTAPE 2. Quand les hommes parlent
des femmes
Séance 3 : Ce qu’une femme doit
faire, L’École des femmes et Les Femmes
savantes
Séance 4 : Paroles masculines pour l’éman-
cipation des femmes, de Laclos à Hugo
ÉTAPE 3. La construction des femmes
Séance 6 : L’éducation des jeunes filles
en question : autoportrait de George Sand
Séance 7 : Beauté fatale de Mona
Chollet, contraction de texte
ÉTAPE 4. Combats féminins du xxe et
xxie siècle
Séance 8 : Gagner des droits par la
parole
Séance 9 : Féministes et autrices
contemporaines – cercle de lecture
Proposée à des élèves de seconde générale et technologique,
cette séquence s’inscrit dans l’objet d’études « littérature d’idées »
en élargissant un peu les bornes temporelles lors des premières
séances. Les connaissances en histoire littéraire des élèves de 2de
étant généralement fragiles, l’objectif est d’établir des liens entre
différents jalons qui les mèneront de l’Antiquité au xxie siècle.
Voyage à travers le temps mais aussi à travers l’espace puisque
cette séquence transportera les élèves du bassin méditerranéen
aux États-Unis en passant par l’Afrique et bien entendu la France.
Sans prétendre à l’exhaustivité, l’objectif de cette séquence
est de montrer que cette question des droits et de la place des
femmes est une question universelle, pouvant être posée à toutes
les époques et en tous lieux.
Cette séquence propose de nombreux exercices et corrigés :
des introductions pour trois explications linéaires, un exercice d’ap-
propriation qui consistera à répondre à Choderlos de Laclos, une
contraction de texte, l’écriture d’un discours sur le modèle de ceux
de Gisèle Halimi et de Simone Veil. Un cercle de lecture permettra
aux élèves de partager de leur lecture cursive et ils pourront aussi
se servir d’une carte mentale pour rendre compte de leur connais-
sances initiales et des acquisitions de la séquence.
En complément de cette séquence, un travail sur l’œuvre de
Cindy Sherman pourrait être proposé, puisqu’en se prenant en pho-
to grimée et déguisée, l’artiste américaine interroge sans cesse les
clichés liés au féminin et l’appartenance à un genre.
* Chloé Sibilli a longtemps travaillé dans une maison de femmes,
auprès de prostituées et au planning familial de Saint-Denis.

Durée de • 14 heures

la séquence

Séquences 2de
Les ressources !
L ’article de la revue
Une carte mentale animée extraite de la
chaîne YouTube Le français c’est clair, des
cartes mentales d'étudiants
Les images projetables
L’activiste américaine Angela Davis lors d’une manifestation contre
Les textes de la séquence
la peine de mort à Raleigh, Caroline du Nord, le 4 juillet 1974.

16 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021


Avant la séquence
Un travail effectué à partir de cartes mentales
• Il peut être intéressant, au seuil de la séquence, de proposer
aux élèves de construire une carte mentale au sujet des femmes.
Cela leur permettra de rassembler et d’organiser les idées qui leur
viennent face à ce mot.
• Une vidéo, conçue en parallèle de cette séquence, explique
sur la chaîne YouTube Le français c’est clair ce qu’est une carte men-
tale, comment et pourquoi cet outil peut être utilisé. Les élèves
pourront la visionner en classe ou à la maison, en classe inversée,
et ils tâcheront alors de dessiner leur propre carte en inscrivant
le mot « femme » ou « femmes » au centre de leur feuille. Notons
que choisir d’écrire ce mot au singulier risque d’induire davantage
d’idées stéréotypées mais il n’est pas forcément utile de le dire aux
élèves à ce stade : il faut plutôt autoriser les élèves à écrire tout ce
qu’ils pensent à ce sujet, même si certaines idées sont réductrices.
• On veillera à ramasser ces cartes sans les commenter, elles
serviront à mesurer le niveau de connaissances et de préjugés s’at-
tachant au mot femme(s). En séance finale, pour faire le bilan de la
séquence, on pourra demander aux élèves de constituer un groupe
de quatre pour construire une nouvelle carte riche de tout ce qui
aura été découvert lors de la séquence : les échanges entre pairs et
les lectures, les découvertes faites en classe permettront à ceux qui
avaient de nombreux préjugés ou une connaissance très parcellaire
de progresser.
Étape 1 Un rôle ténu dans l’Histoire
Séance 1La place et rôle des femmes
dans la Bible et dans l’Odyssée
Supports : La Genèse, L’Odyssée
Objectif : Mettre en évidence la place des femmes dans deux
textes fondateurs
Durée : 2 heures
Les textes
Cette première séance propose de revenir sur deux grands
textes fondateurs, la Bible et l’Odyssée. Dans un premier temps,
on rappelle aux élèves que ces deux grands textes n’ont pas un
auteur unique, mais qu’il s’agit d’assemblages de textes écrits à des
époques et des endroits différents.
Pour cette raison, la Bible commence par deux récits de créa-
tion, l’un de source yahviste (chapitre 2 et 3) et l’autre de source
sacerdotale (chapitre 1). Le plus récent – « il y eut un soir, il y eut
un matin » – a été placé en tête, comme un portique grandiose,
une création du monde aux accents poétiques et spectaculaires : la
création de l’homme et de la femme y est brièvement mentionnée.
Puis le second récit, plus populaire, plus concret, narre comment un
dieu artisan, proche des humains, fabrique l’homme puis la femme
Séquences 2de
D
 ans la banque de ressources, deux cartes mentales dessinées
par des étudiants montrent l’évolution entre le temps de
réflexion initial et le bilan commun.
Une liste d’ouvrages pour des lectures cursives
Pendant cette séquence, une liste d’autrices contemporaines
est proposée, la lecture de ces ouvrages alimentera des cercles lit-
téraires prévus en fin de séquence.
Le nombre d’étoiles correspond au degré de difficulté ou à la
longueur de l’œuvre
Chimamanda Ngozi Adichie, Nous sommes tous des féministes,
2015 * (essai)
Djaïli Amadou Amal, Les Impatientes, 2020 ** (roman)
Monat Chollet, Beauté fatale, les nouveaux visages d’une aliéna-
tion féminine, 2012 **** (essai)
Mona Chollet, Sorcières, la puissance invaincue des femmes,
2018 **** (essai)
Virginie Despentes, King Kong théorie, 2007 ***(essai autobiogra-
phique)
Ève Ensler, Les Monologues du vagin, 2005 *** pour la traduction
française (pièce de théâtre)
Malala Yousafzaï, Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste
aux talibans, ** (témoignage autobiographique)
Alice Zeniter, Je suis une fille sans histoire, 2020 **** (essai)
de ses mains. Le troisième chapitre raconte la chute et
le rôle de la femme dans ce texte, ainsi que son châ-  extes à
T
timent, qui mérite d’être observé attentivement. Les télécharger
dans la
trois extraits sont distribués, à lire à voix haute ou en banque de
silence par les élèves qui doivent surligner tout ce qui ressources
concerne la femme.
Questions
1. Comment et pourquoi la femme est-elle créée selon la Bible ?
2. Quelle faute commet la femme dans le chapitre 3, comment est-
elle punie ?
3. Quelles réactions ces textes provoquent-ils en vous ? Préparez
votre intervention à l’écrit avant d’intervenir à l’oral et en groupe
classe.
4. Un autre grand texte fondateur, L’Odyssée, présente des visages
de femmes puissantes. Rappelez quelques-uns de ces personnages
qui méritent de ne pas rester dans l’ombre d’Ulysse.
Éléments de réponses
1. Dans le premier chapitre, la femme est créée en même temps
que l’homme, sans que l’on explique comment ils ont été faits :
la parole divine a pu les faire surgir. La tâche qui est donnée à
l’homme comme à la femme est de remplir la terre et l’assujettir,
en dominant les animaux. Dans le second texte, la femme est une
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 17
« aide », une compagnie apportée à l’homme qui, lui, a été mode-
lé par les mains de Dieu. Elle est faite d’une côte de l’homme et
l’homme la considère comme « os de mes os, chair de ma chair ».
2. Dans le texte biblique, la femme goûte le fruit de la connaissance
du bien et du mal après un dialogue avec le serpent, « le plus rusé de
tous les animaux des champs ». Elle ne cède pas à la seule curiosité
mais se montre crédule face au serpent. Elle « vit que l’arbre était
bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir
l’intelligence ». Plus tard, alors que l’homme la désigne comme res-
ponsable, elle explique que le serpent l’a « séduite ».
Si le fait d’enfanter dans la douleur est généralement bien connu,
la seconde punition est souvent oubliée : « tes désirs se porteront
vers ton mari, mais il dominera sur toi. » Une telle mention légitime
la soumission des femmes dans l’histoire. On rappellera que la Bible
a été composée par des hommes.
3. Le professeur permettra à tous de s’exprimer sur le texte, en
rappelant qu’il s’agit ici d’adopter une posture laïque, et de lire le
texte comme on lirait l’Odyssée, avec des lunettes d’historien face
à un texte d’une importance culturelle incontestable sur les siècles
qui ont suivi. Sans heurter les uns ou les autres, on peut en tout
cas observer que les religions monothéistes, où Dieu est toujours
présenté au masculin, ont diffusé un modèle de société de type
patriarcale.
4. On croise de nombreuses femmes dans l’Odyssée : Pénélope bien
sûr, qui résiste aux attaques masculines et ruse à deux reprises :
elle déjoue les ambitions des prétendants qui l’assaillent en faisant
mine de tisser le linceul de Laërte, et elle se défie d’Ulysse lui-
même : par crainte d’être trompée par un inconnu, elle le met à
Vanessa Bell, Portrait de Virginia Woolf, vers 1912.
18 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
l’épreuve en demandant à sa servante de déplacer leur lit – celui
qu’Ulysse a construit de ses mains sur un tronc d’olivier.
D’autres femmes puissantes apparaissent aussi, comme
Calypso ou Circé. Magicienne, régnant seule sur son île et trans-
formant les hommes en cochons ou en fauves, Circé apparaît
comme l’ancêtre des sorcières décrites par Mona Chollet dans
son ouvrage Sorcières, La puissance invaincue des femmes. Loin
d’être une jeune fille peureuse, Nausicaa fait elle aussi preuve de
courage et ne rougit pas face à Ulysse. Quant à Athéna, c’est elle
qui plane tout au long de l’œuvre et protège Ulysse bien mieux
que Zeus qui est quasiment absent. Déesse de la guerre et de
la sagesse, de l’intelligence et des inventions, il est intéressant
de souligner le rôle prépondérant d’Athéna dans la civilisation
grecque. Les femmes sont donc présentes dans les textes les plus
anciens, mais leur présence semble avoir été oubliée au fil des
siècles, au profit des héros masculins qui incarnent la bravoure :
face à eux, des Athéniennes disent non, font la grève du sexe
dans Lysistrata d’Aristophane, pour protester face à une guerre
décidée par les hommes.
La place des femmes
Séance 2
dans l’Histoire : Virginia Woolf,
Une chambre à soi
Support : Virginia Woolf, Une chambre à soi
Objectif : Initiation à la lecture linéaire : construire une introduction
Durée : 1 heure
Pour la séance 2, un saut dans le temps est propo-  exte à
T
sé, avec ce texte de Virginia Woolf qui évoque la place télécharger
des femmes dans l’Histoire. dans la
banque de
1re étape ressources
Avant d’aborder le découpage du texte, on pose
une série de questions dont les réponses permettront de présen-
ter le texte en rappelant les éléments clés (titre, auteur, date de
publication, genre).
Questions
1. Quel est le genre du texte proposé ? Caractérisez-le le plus pré-
cisément possible.
2. Quelle est la question qui sous-tend ce texte ?
3. Quelles informations pensez-vous nécessaires dans une intro-
duction ?
4. Quelle entrée en matière originale mais très brève feriez-vous
avant de présenter ce texte ?
Éléments de réponses
1. Ce texte est écrit à la 1e personne et reflète les questionnements
intérieurs de la narratrice. Si le texte est rationnel, il rappelle tout
de même une technique chère à Virginia Woolf, celle du « stream
of consciousness » ou courant, flux de conscience qui traduisent les
mouvements de la pensée.
2. La question qui sous-tend le texte est : pourquoi les femmes
tiennent-elles si peu de place dans l’Histoire. Elle se double d’une
autre interrogation : peut-on y remédier ?

3 et 4. Proposition d’introduction avant l’analyse linéaire qui suivra
ce plan : entrée en matière – présentation de l’œuvre, du texte et
de l’autrice – situation et mouvement du texte – lecture – projet
de lecture
2e étape : les mouvements du texte
1re partie : jusqu’à « grande dame » : l’histoire de la Grande-
Bretagne telle qu’elle est enseignée par l’illustre professeur
d’histoire sociale Pr Trevelyan.
2e partie : jusqu’à « un domestique » : l’absence des femmes
de classe moyenne dans l’histoire et les questions que se pose
l’écrivaine à leur sujet
3e partie : jusqu’à « sans inconvenance » : ajouter un supplément
à l’histoire
Proposition de corrigé
Avez-vous accès à votre chambre à vous ? demande l’autrice du
podcast féministe Lauren Batide à tous ses invités. Autre clin d’œil,
le plus populaire des podcast féministes d’Arte radio s’intitule Un
podcast à soi.
Étape 2 Quand les hommes parlent des femmes
Molière et l’éducation
Séance 3
des femmes
Supports : Molière, L’École des femmes, Acte III, scène 2,
et Les Femmes savantes, Acte II scène 7
Objectifs : – Exposer le point de vue traditionnel des hommes
sur l’éducation des femmes
– Construire une introduction d’explication de texte seul ou en
binôme
Durée : 2 heures
Dans cette séance, on proposera aux élèves
Textes à
d’écrire en binôme l’introduction d’une explication télécharger
linéaire consacrée à l’une ou l’autre de ces tirades dans la
de Molière. banque de
ressources
Après un bref résumé des deux pièces à l’oral, on
rappellera que les textes de Molière sont des comédies, et visent
avant tout à faire rire.
Consigne
Ecrivez une introduction d’explication linéaire pour l’une ou
l’autre de ces tirades. Pour cela, lisez-la, repérez les mouvements et
les phrases clés, puis utilisez tout ce qui est à votre disposition pour
écrire votre introduction.
Proposition de corrigé
1. La tirade d’Arnolphe dans L’École des femmes, Acte III, scène 2
Bien souvent les titres des pièces de Molière sont oxymoriques :
Le Bourgeois gentilhomme, L’Atrabilaire amoureux, Les Précieuses
ridicules, Les Femmes savantes... Ainsi, L’École des femmes a lui aussi
quelque chose d’incongru au xviie siècle puisqu’à l’exception des
femmes les plus aisées qui accédaient aux connaissances, l’édu-
cation des filles et des femmes était loin d’être une priorité. Il est
Séquences 2de
C’est dire à quel point le texte de Virginia Woolf, A Room of One’s
Own paru en 1929 et traduit par Clara Malraux sous le titre Une
chambre à soi, puis par Marie Darrieusecq avec cette fois le titre Un
lieu à soi, est aujourd’hui populaire auprès des féministes. Dans cet
essai, Virginia Woolf indique les deux conditions pour qu’une femme
puisse écrire, disposer d’argent et d’une chambre à soi.
Dans le texte que nous allons étudier, Virginia Woolf, avant
d’inventer une sœur à Shakespeare, s’interroge sur l’absence
des femmes dans l’histoire britannique. C’est ce qu’elle fait dans
un premier mouvement, où elle observe les têtes de chapitre
de l’histoire sociale du Professeur Treveylan, avant de conclure
que les femmes de classe moyenne n’y sont pas. Elle s’interroge
ensuite sur ces femmes que l’on dirait aujourd’hui « invisibilisées »
et suggère d’ajouter un supplément à l’Histoire qu’elle juge « irréelle
et de guingois ».
(Annoncer que l’on va procéder à la lecture du texte).
Nous verrons comment Virginia Woolf, dans ce texte à la pre-
mière personne, fait émerger les femmes restées dans l’ombre,
oubliées par l’Histoire qui s’est désintéressée également du privé
et du quotidien.
dans cette pièce question d’éducation, mais le modèle d’école que
propose le personnage principal, Arnolphe, est heureusement mis
à mal.
Dans L’École des femmes, comédie en cinq actes et en vers créée
en 1662, Molière met en scène un barbon, homme d’âge très mur,
qui a enfermé depuis ses 4 ans la jeune Agnès à l’abri du monde,
dans un couvent, afin de la préserver de tous les dangers et qu’elle
ne soit pas gâtée par la vie en société. Dans la pièce, Arnolphe tient
la figure du fou, du monomaniaque qui pense se prémunir de tous
les dangers et se voit puni.
Dans la scène 2 de l’acte III, Arnolphe vient d’annoncer à Agnès
qu’il allait l’épouser. Dans le texte proposé, extrait d’une longue
tirade, il lui rappelle ce que l’on attend d’une femme dans le
mariage, obéissance et soumission, avant de légitimer l’inégalité
des deux sexes. L’extrait se conclut avec une allusion aux « femmes
d’aujourd’hui » qui prétendent agir autrement.
[lecture]
Nous verrons comment par cette tirade en vers Molière fait
entendre un discours masculin qui fait rire par ses outrances alors
qu’affleurent, en filigrane et par antiphrase, les revendications des
femmes du xviie siècle.
2. La tirade de Chrysalde dans Les Femmes savantes, Acte II,
scène 7
Le xviie siècle a été marqué par l’émergence, dans le milieu cultu-
rel et littéraire français et parisien, d’écrivaines telles que Mesdames
de La Fayette, Sévigné ou Scudéry mais aussi de nombreuses autres
femmes qui, comme la comtesse de Rambouillet, réunissaient
dans leur chambre un cercle d’habitués pour causer littérature ou
sciences.
Dix ans après L’École des femmes, avec Les Femmes savantes,
comédie en cinq actes et en vers créée en 1672, Molière évoque
très clairement les revendications des femmes de son temps, qui
ne veulent plus être cantonnées aux tâches traditionnelles mais
s’intéressent au contraire à l’astronomie ou à la grammaire.
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 19
 Dans une maison gouvernée par trois femmes savantes,
Chrysalde se fâche car sa femme a chassé la servante Martine pour
ses fautes de français. Devant sa sœur, il regrette que les femmes
« d’à présent » aient changé et se montre nostalgique d’un temps où
les femmes ne se souciaient que d’activités d’intérieur, habits, cui-
sine, travaux d’aiguille... Regrettant leur appétit pour les sciences,
le savoir, il déplore dans les derniers vers que la volonté d’émanci-
pation des femmes de sa maison se propage à ses domestiques, qui
ne se soucient plus de le servir mais d’étudier.
Dans cette tirade, fait sourire en montrant un maître de maison
dépossédé de ses prérogatives, et gagnant sûrement l’assentiment
de certains de ses contemporains.
Paroles masculines pour
Séance 4
l’émancipation des femmes  Il est douloureux de le dire : dans la civilisation actuelle, il y a une
« On dit que l’esclavage a disparu de la civilisation européenne.
C’est une erreur. Il existe toujours. Mais il ne pèse plus que sur la femme,
et il s’appelle prostitution. » Victor Hugo, 1862.
Supports : Laclos, extrait de De l’éducation des femmes, 1783,
et Hugo, lettre à Léon Richer, 1869
Objectif : Révéler la maladresse, mais aussi l’audace d’un
homme qui veut défendre les droits des femmes
Durée : 2 heures
« Femmes, soyez soumises à vos maris » écrit saint Paul dans ses
épitres : ces phrases sont reprises par Voltaire dans un texte célèbre.
Dans cette séance, nous donnons à lire deux textes d’hommes
aux élèves, montrant que même si cela est souvent maladroit à
nos yeux de lecteurs du xxie siècle, les hommes portent parfois un
discours émancipateur vis-à-vis des femmes au xviiie comme au xixe
siècle. Outre leur intérêt du point de vue littéraire et argumentatif,
ces textes permettent aussi aux élèves de développer leur sens cri-
tique, comme cela est recommandé dans les textes officiels, qu’ils
exprimeront dans un exercice d’appropriation.
TEXTE 1
Ô femmes ! Approchez et venez m’entendre. Que votre curiosité,
dirigée une fois sur des objets utiles, contemple les avantages que vous
avait donnés la nature et que la société vous a ravis. Venez apprendre
comment, nées compagnes de l’homme, vous êtes devenues son es-
clave ; comment, tombées dans cet état abject, vous êtes parvenues à
vous y plaire, à le regarder comme votre état naturel ; comment enfin,
dégradées de plus en plus par une longue habitude de l’esclavage, vous
en avez préféré les vices avilissants mais commodes aux vertus plus
pénibles d’un être libre et respectable. Si ce tableau fidèlement tracé
vous laisse de sang-froid, si vous pouvez le considérer sans émotion,
retournez à vos occupations futiles. Le mal est sans remède, les vices
se sont changés en mœurs. Mais si au récit de vos malheurs et de vos
pertes, vous rougissez de honte et de colère, si des larmes d’indigna-
tion s’échappent de vos yeux, si vous brûlez du noble désir de ressai-
sir vos avantages, de rentrer dans la plénitude de votre être, ne nous
laissez plus abuser par de trompeuses promesses, n’attendez point les
secours des hommes auteurs de vos maux : ils n’ont ni la volonté, ni
la puissance de les finir, et comment pourraient-ils vouloir former des
femmes devant lesquelles ils seraient forcés de rougir ? Apprenez qu’on
ne sort de l’esclavage que par une grande révolution. Cette révolution
est-elle possible ? C’est à vous seules à le dire puisqu’elle dépend de
20 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
votre courage. Est-elle vraisemblable ? Je me tais sur cette question ;
mais jusqu’à ce qu’elle soit arrivée, et tant que les hommes régleront
votre sort, je serai autorisé à dire, et il me sera facile de prouver qu’il
n’est aucun moyen de perfectionner l’éducation des femmes.
Choderlos de Laclos, De l’éducation des femmes, 1783
TEXTE 2
Une lettre de Victor Hugo à Léon Richer, créateur de l’Association pour
le droit des femmes (1869), qui nommera Hugo président d’honneur de la
Ligue française pour le droit des femmes fondée en 1882.
Monsieur,
Je m’associe du fond du cœur à votre utile manifestation. Depuis
quarante ans, je plaide la grande cause sociale à laquelle vous vous
dévouez noblement.
esclave. La loi a des euphémismes : ce que j’appelle une esclave, elle
l’appelle une mineure ; cette mineure selon la loi, cette esclave selon
la réalité, c’est la femme. L’homme a chargé inégalement les deux
plateaux du Code, dont l’équilibre importe à la conscience humaine
; l’homme a fait verser tous les droits de son côté et tous les devoirs
du côté de la femme. De là un trouble profond. De là,
la servitude de la femme. Dans notre législation telle Textes à
qu’elle est, la femme ne possède pas, elle n’est pas en
télécharger
justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n’est dans la
banque de
pas. Il y a des citoyens, il n’y a pas de citoyennes. C’est
ressources
là un état violent : il faut qu’il cesse.
Questions
1. À quel type de texte a-t-on affaire ici ? Justifiez votre réponse.
2. Quelle même comparaison est faite dans les deux textes ?
3. À qui s’adressent ces deux auteurs, et quelle est leur thèse, c’est-
à-dire l’idée défendue par ces textes ?
Éléments de réponses
1. Il s’agit de textes de type argumentatif, l’un est un texte publié,
et l’autre une lettre privée destiné à un homme militant pour les
droits de la femme.
2. Dans les deux textes, la femme est décrite comme l’esclave
de l’homme.
3. Laclos enjoint les femmes à se révolter contre les hommes qui
les ont asservies.
Hugo dénonce l’infériorité juridique des femmes qui ne sont
pas des citoyennes – inscrites comme mineures par le code civil de
Napoléon en 1804, elles ont été longtemps privées de droits juri-
diques, soumises à l’autorité du père et du mari, et n’ont obtenu le
droit de vote en France qu’en 1944. Dans la citation en exergue, Hugo
se préoccupe aussi du sort des femmes contraintes à la prostitution.
Exercice d’écriture
Consigne
Rédigez la réponse qu’une féministe du xxie siècle pourrait faire
à Laclos au sujet de son texte. Faites preuve de sens critique mais
aussi de tact dans votre réponse : employez pour cela des moda-
lisateurs et souvenez-vous que presque 450 ans nous séparent de
cet auteur.
 Séquences 2de

Proposition de corrigé

Cher Choderlos de Laclos,

Citoyenne du XXIe siècle, j’ai pris connaissance de votre discours sur l’éducation
des femmes. Je suis consciente que plusieurs siècles nous séparent et que mon
regard est anachronique, néanmoins je vous ai lu attentivement et voudrais vous faire
part des réflexions que votre texte suscite chez une féministe du XXIe siècle.
Il était très généreux de votre part de penser à l’autre moitié de l’humanité et je
vous en remercie, je sais qu’une telle parole était rare au XVIIIe siècle et l’école n’a
été obligatoire pour les filles qu’en 1881, presque 200 ans après votre texte.
Cependant, je ne peux vous lire sans penser que le ton que vous employez n’est
pas le plus adapté. « O femmes ! Approchez et venez m’entendre. » Vous semblez
prêcher et faire la leçon sur un sujet qui préoccupe au premier chef celles que
vous voulez instruire. Un mot existe aujourd’hui en anglais pour qualifier l’attitude
de surplomb que vous adoptez : le mansplaining. Certes, il est bon qu’un homme
prenne la parole pour évoquer l’éducation des filles, mais laisser les femmes tenir ce
discours, ne serait-ce pas encore mieux ? Votre contemporaine, Olympe de Gouges,
n’était certainement pas la seule à réclamer plus de droits pour les femmes, vous
auriez pu les mentionner.
Lorsque vous évoquez notre curiosité, permettez-moi de vous dire qu’il s’agit-là
d’un préjugé qui a la peau dure, depuis Ève et Pandore. Ensuite, c’est aux femmes
que vous paraissez reprocher la « longue habitude de l’esclavage » dans laquelle elles
se trouvent, et si certaines estiment qu’elle est leur « état naturel », elles méritent
de « retourn(er) à leurs occupations futiles ». Il est vrai que bien des femmes ont
intériorisé, depuis des siècles, la domination masculine, mais doit-on les blâmer pour
cela ?
Vous écrivez qu’il ne faut attendre des hommes, auteurs des maux des femmes,
aucun secours. L’émancipation doit venir de l’opprimé, car on ne peut attendre du
maître qu’il libère l’esclave. C’est vrai mais l’esclave peut-il se libérer tout seul ? Et
est-ce à un homme de nous le commander ?
Laissez-moi encore relever une dernière phrase maladroite : pour nous réveiller,
nous provoquer peut-être, vous nous lancez un défi, presqu’une menace : « tant que
les hommes règleront votre sort, (...) il me sera facile de prouver qu’il n’est aucun
moyen de perfectionner l’éducation des femmes » : curieuse façon de nous aider à
nous soulever, en concluant avec cette formule négative !
Pour conclure, ne croyez-vous pas, cher Choderlos de Laclos, et même si votre
texte a le mérite de nous considérer, qu’il serait plus efficace de vous adresser à
vos camarades hommes pour les convaincre de nous laisser la place qui doit être la
nôtre ?
On ne sort, dites-vous, « de l’esclavage que par une grande révolution ». A-t-
elle déjà eu lieu ou est-elle toujours en cours aujourd’hui ? Il semble que bien des
combats soient encore à mener, même en France...
Avec mes chaleureuses salutations par-delà les siècles.

SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 21

 Étape 3 La construction et l’éducation des femmes
Séance 5L’éducation des jeunes
filles en question : autoportrait
de George Sand
« Je crois les femmes aptes à toutes les sciences, à tous les arts
et même à toutes les fonctions comme les hommes. » Discours de
George Sand « Aux membres du comité central » qui demande en
1848 que le suffrage universel n’écarte pas les femmes.
Support : Sur George Sand, un documentaire, https://youtu.be/
wSWR3nHEKg4, et un film animé, https://youtu.be/YM38KtathLI
Objectif : Rencontrer une artiste à la personnalité hors du
commun
Durée : 1 heure
Auguste Charpentier, Aurore Dupin, baronne Dudevant,
dite George Sand, musée Carnavalet, Paris.
Pour cette séance, il serait intéressant de proposer à un élève ou
groupe d’élèves de faire un exposé au sujet de George Sand dont
le nom provient d’un écrivain avec lequel elle a écrit ses premiers
livres, Jules Sandeau. Femme d’engagement, cultivée, généreuse et
libre, un film fait d’elle un beau portrait, plein d’images d’archives,
George Sand, la rebelle de Nohant. Plus enfantin mais assez com-
plet, un film animé fait aussi le tour de la vie de George Sand en
6 minutes.
22 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
Bien d’autres textes de Sand auraient pu être étudiés dans cette
séquence, tirés d’Indiana, son premier roman qui décrit le mariage
comme une prison. Cependant, il nous a paru intéressant de choisir
ce texte, en lien avec celui de Laclos puisqu’il est question de l’éduca-
tion des filles et fait écho à celui de Mona Chollet étudié en séance 7.
Questions
1. Quel est le genre de ce texte ? Justifiez votre réponse.
2. De quoi est-il question dans ce texte ?
3. Quel rôle jouent la mère et la grand-mère de l’écrivaine dans ce
texte ?
4. Quelle critique fait-on à George Sand et qu’en pensez-vous ?
5. Pourquoi George Sand considère-t-elle comme un avantage
d’avoir été « ni belle ni laide » ? Qu’en pensez-vous ?
Éléments de réponses
1. Les élèves reconnaîtront aisément le genre de l’autobiographie,
étudié en 3e.
2. Dans ce texte, George Sand évoque la question de sa beauté, de
son apparence qui a, d’après elle, déçue les attentes. Elle évoque
aussi de manière indirecte l’éducation des jeunes filles au début
du xixe siècle.
3. La mère et la grand-mère ne parviennent pas à imposer le
modèle dominant dans la bourgeoisie du xixe siècle, transmettant
une liste de recommandations que la jeune Aurore a sans cesse
bafouées : privilégier la beauté au travail, protéger sa peau, ses
chevilles, ses mains. Face à tout ce qu’on appellerait aujourd’hui
des injonctions, George Sand confie qu’elle n’a pu s’y soumettre :
« Quoique je ne fusse pas volontairement rebelle, la contrainte ne put
m’atteindre. »
4. On lui reproche un air bête, une critique qui paraît tout à fait
fausse, mais que George Sand semble avoir intériorisée.
Séance 6Beauté fatale de Mona
Chollet, contraction de texte
Support : Mona Chollet, extrait de Beauté fatale
Objectif : Montrer combien les filles, dès le plus jeune âge,
subissent encore de nombreuses injonctions ; s’entraîner à
la contraction de texte
Durée : 2 heures
Vers la contraction de texte
Cette séance prend appui sur un extrait du livre de Mona
Chollet, Beauté fatale. Elle y présente, en avant-propos, ce qui va
être développé dans les chapitres de son livre. Cet ouvrage, propo-
sé en lecture cursive, serait salutaire pour bien des jeunes filles ou
jeunes gens piégés par les images que leur renvoient les réseaux
sociaux et la société en général. Ces images sont sources de com-
plexes, de souffrance, d’auto-dénigrement par des jeunes filles
promptes à se proclamer coupables alors qu’elles sont victimes
d’un système plus global.
Le texte proposé comptant trois paragraphes, on le divisera
pour en attribuer une partie à chaque tiers de la classe. Le travail
pourra être effectué en binôme ou trinôme.

Marilyn Monroe dans la revue Ciné-Monde du 30 juillet 1963.
Étape 4 Combats féminins des xxe et xxie siècles
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique
ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question.
Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie
durant. » Simone de Beauvoir
Séance 7Gagner des droits par
la parole
Supports : – Une vidéo sur l’histoire des femmes et de leur
émancipation https://youtu.be/NcRzOTyKw8w
– Discours de Gisèle Halimi et Simone Veil
Objectifs : – Montrer que les combats sont âpres et nombreux
– Écrire son propre discours au sujet des femmes aujourd’hui
Durée : 2 heures
Un peu d’histoire
La première partie de la séance est consacrée à l’histoire
de l’émancipation des femmes. Pour cela, on s’appuie sur une
vidéo qui déroule cette histoire de manière très efficace et com-
plète. https://youtu.be/NcRzOTyKw8w
Séquences 2de
Le professeur lira dans un premier temps ce texte assez difficile,
afin qu’il ne rebute pas les élèves à cause d’un vocabulaire trop
complexe. Cet exercice reposant sur la bonne compréhension d’un
texte d’idées mais aussi sur la capacité à le reformuler, les élèves
manquant de vocabulaire vont se trouver pénalisés. On leur pro-
posera de se servir d’un dictionnaire de synonymes, et il sera bon
de leur montrer le fonctionnement du précieux site cnrtl, https://
www.cnrtl.fr/synonymie/.
L’objectif n’est pas ici de réduire le texte au quart car il est assez
dense mais de s’en approcher le plus possible. On pourra rappeler
aux élèves que l’exercice est donné lors du bac technologique mais
aussi aux concours de grandes écoles.
Un exemple de résumé
Dans une société de consommation sans idéologie, marquée
par l’attirance et la haine des corps féminins, les soins esthétiques
ne sont jamais aussi doux que le promettent les publicitaires.
Aveuglés par cette tyrannie de la beauté, nous ne voyons pas les
failles derrière la femme icône.
Insouciants, nous avons laissé la définition de la féminité se
rétrécir, réduite à des préjugés surannés : beauté et maternité. Le
cinéma ne montre que des « égéries », femmes sandwich exhibant
vêtements, accessoires et produits de beauté. Les blogueuses
règnent sur un monde gouverné par la beauté, la mode.
Ces images parfaites causent la souffrance des
 texte de
Le
femmes, devant des corps jugés gros, modelés Mona Chollet
comme des objets ou blanchis pour répondre aux est disponible
canons de l’industrie cosmétique et des médias. dans la banque
de ressourses
Le xxe siècle a marqué une accélération dans l’accès des femmes
aux différents droits dont elles étaient privées. Les femmes ont pro-
gressivement gagné leur place de citoyennes et ne sont plus consi-
dérées comme mineures. Droit d’étudier, de voter, d’accéder à tous
les métiers, d’être indépendante financièrement, de pratiquer tous
les sports, elles ont acquis les droits réservés aux hommes mais se
sont aussi battues pour acquérir des droits spécifiques liés au droit
à disposer de leur corps.
Lecture
Un film documentaire intitulé Tu seras mère ma fille retraçait
aussi en 2020 l’histoire intime et collective des femmes, consi-
dérée comme ventre de la nation et leur difficile accès au droit à
la contraception et à l’avortement. Deux discours en sont l’em-
blème, la plaidoirie de Gisèle Halimi au procès de Bobigny en
1972 et le discours de Simone Veil devant l’Assemblée nationale
en 1974.

Textes à télécharger dans la banque de ressources.
Une version est avec les éléments rhétoriques déjà surlignés
pour aider les élèves si nécessaire.
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 23

Evelyne Sullérot, Gisèle Halimi et Simone Veil au Sénat,
le 8 mars 2004, lors de la Journée internationale des femmes.
Pour les élèves, l’objectif est évidemment de comprendre les
enjeux de ce combat politique dont les acquis sont à préserver,
mais aussi d’observer les points communs de ces discours du point
de vue rhétorique afin de pouvoir en écrire un sur leur modèle.
1. Lisez les discours (ou un seul si le travail est mutualisé en classe)
et surlignez la ou les phrases qui vous semblent avoir le plus de force.
Essayez de comprendre pourquoi ces phrases sont puissantes.
2. Soulignez tous les procédés qui permettent aux oratrices de
capter l’attention des auditeurs. Vous observerez particulièrement
les anaphores, les questions rhétoriques et interpellations des audi-
teurs, phrases brèves, connecteurs logiques mis en avant, chiffres
qui impressionnent...
Consigne d’écriture
Choisissez un thème lié aux droits et à la place des femmes dans
le monde et écrivez un plaidoyer pour que les choses changent. À
vous de choisir les personnes auxquelles vous adressez ce discours.
Vous pouvez utiliser dans votre discours des mots et expressions
repérés dans les discours de Gisèle Halimi ou Simone Veil. N’hésitez
pas à utiliser des chiffres relevés sur sites de référence.
Féministes et autrices
Séance 8
contemporaines
Support : La liste de lectures proposée au début de la séquence
Objectifs : – Relier faits historiques et textes littéraires
– Guider les élèves dans leurs lectures cursives
– Organiser un cercle de lecture
Durée : 2 heures
Dans un premier temps, cette séance propose de présenter aux
élèves un condensé des combats et courants féministes du xxe et
xxie siècles, puis d’organiser des cercles de lecture qui permettront
aux élèves de rendre compte de leur lecture cursive.
Combats et courants féministes contemporains
Derrière le mot féminisme, existent à la fois des combats pour
des droits, comme celui mené par les suffragettes au début du
24 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
xxe siècle ou plus récemment pour le congé paternité et l’égalité
salariale par exemple, mais également des courants philosophiques
variés.
• Figure majeure du féminisme au xxe siècle, Simone de
Beauvoir a montré en actes et en pensée la voie de l’émancipation
féminine. Elle affirme dans Le Deuxième sexe, « On ne naît pas femme,
on le devient » et rejette le mythe de « l’éternel féminin ».
• Si les féministes s’accordent toutes sur des objectifs communs,
tels que l’égalité femme/homme, l’accès à l’éducation, le combat
contre les violences faites aux femmes... il existe cependant plu-
sieurs courants au sein du féminisme : les universalistes comme
Elisabeth Badinter, les essentialistes comme Antoinette Fouque,
fondatrice du MLF, les radicales comme Gloria Stenem ou les maté-
rialistes comme Christine Delphy. Plus récemment, Judith Butler a
considéré le genre comme une construction culturelle.
• Illustrant certaines oppositions entre les différents courants,
on trouve la question de la prostitution et de la pornographie. Pour
les unes il s’agit d’une violence masculine à abolir, et pour les autres
cela peut être un outil d’émancipation au travers de ce qu’elles
appellent le « travail du sexe ».
D’un côté, il faut lire le puissant discours d’Andrea Dworkin
adressé aux hommes et leur demandant une trêve de 24 heures
sans viol. Aux hommes qui se disent les alliés des féministes, elle
leur demande de s’adresser plutôt à leurs pairs, aux hommes, et
de condamner la violence masculine et tout un système qui met
la pornographie au cœur de la société contemporaine. https://
tradfem.wordpress.com/2014/11/15/je-veux-une-treve-de-vingt-
quatre-heures-durant-laquelle-il-ny-aura-pas-de-viol-2/
De l’autre côté, Virginie Despentes avec King Kong théorie se
place du côté des « prosexe », la prostitution choisie étant envisa-
gée comme une forme d’empowerment – mot difficile à traduire :
autonomisation, émancipation, voire prise de pouvoir ?
• D’autres mouvements existent encore : le séparatisme les-
bien (Monique Wittig) qui refuse le contrat sexuel, soubassement
implicite du contrat social ou le black feminism (Angela Davis,
Bell Hooks) pour qui le féminisme a été construit par des femmes
blanches : il faut donc donner la parole aux femmes noires. Plus
récemment, une nouvelle façon d’appréhender les rapports de
domination s’est affirmée avec le féminisme intersectionnel  :
couleur de peau, genre, classe sociale, les discriminations se
cumulent souvent, on parle alors d’« oppressions croisées ». Pour les
écoféministes, l’aliénation des femmes et l’exploitation outrancière
de la nature sont liées.
Quelques éléments sur les lectures cursives proposées
• Dans le monde littéraire, les autrices se revendiquent rare-
ment d’un mouvement précis. Dans Nous sommes tous des fémi-
nistes, Chimamanda Ngozi Adichie se dit « en colère » contre « le
déterminisme de genre  » après s’être définie comme «  Féministe
Africaine Heureuse qui ne déteste pas les hommes, qui aime mettre du
brillant à lèvres et des talons hauts pour son plaisir, non pour séduire
les hommes ».
Féministe, l’écrivaine peule, camerounaise et musulmane Djaïli
Amadou Amal dénonce les mariages précoces, la polygamie et les
violences sexuelles dans Les Impatientes, prix Goncourt des lycéens
en 2020. La tradition mais aussi les crises politiques, climatiques et
économiques que subissent certains pays africains ont des réper-
cussions directes sur la vie des jeunes filles pour lesquelles Djaïli
Amadou Amal se bat : il faut promouvoir partout l’éducation des
filles. Dénonçant des pratiques qui semblent d’un autre âge, on
prendra garde à ne pas considérer les pays d’Afrique avec condes-

cendance en évoquant ce livre car comme l’autrice le rappelle, le
sort des femmes n’est pas toujours meilleur en Occident même si
certains droits ont été gagnés.
• C ‘est ce que fait remarquer Alice Zeniter, dans Je suis une
fille sans histoire, qui pointe l’absence d’héroïnes en littérature et
évoque le test de Bechdel à propos du cinéma : pour qu’un film
Malala Yousafsaï à la tribune lors des conférences Goalkeapers
organisés par la fondation Bill et Melinda Gates, New York,
20 septembre 2017.
Séquences 2de
réussisse ce test, il doit y avoir au moins deux femmes que l’on peut
nommer, que l’on voit parler ensemble et qui parlent d’autre chose
que d’un homme. De nombreux films ratent ce test.
• Malala Yousafzaï, prix Nobel de la Paix en 2014 raconte dans
Moi, Malala l’attentat dont elle a été victime à 15 ans, après ses
prises de position pour l’éducation des filles dans un Pakistan domi-
né par les talibans. Elle s’est exprimée au Forum de Davos en 2014 :
« Nous n’allons pas demander aux hommes de changer le monde, nous
allons le faire nous-mêmes » et « Le féminisme c’est juste un autre mot
pour l’égalité ».
• Le texte d’Eve Ensler, Monologues du vagin, est le plus ancien,
écrit en 1998 aux États-Unis. Dans cette pièce, le propos de la dra-
maturge est « de faire parler les femmes, de les faire parler de leur
vagin » : fondé sur plus de 200 interviews, cette pièce a connu
un succès retentissant, traduite en 46 langues et jouée dans
130 pays. Pour évoquer encore l’importance des mots choisis, on
pourra noter que, comme le savent désormais nos élèves, le mot
vagin n’est qu’une partie du sexe féminin, et considéré comme
réceptacle du sexe masculin, il est plus facile à tolérer que le mot
clitoris ou vulve.
L’organisation d’un cercle littéraire
Préparation
Les élèves sont incités à se poser les questions suivantes : Qu’ai-
je aimé dans ce livre ? Qu’ai-je moins aimé ? De quel personnage
me suis-je senti(e) le plus proche ? Lequel m’a déplu ? Qu’ai-je pen-
sé de l’écriture de ce livre ? Quel détail m’a marqué(e) ? À qui pour-
rais-je conseiller ce livre ?
Un temps d’échanges
On demande aux élèves qui ont lu un même livre de s’installer
en arc de cercle devant la classe, et chacun donne à tour de rôle
son point de vue sur le livre, puis le complète, débat et illustre sous
le regard de la classe qui commente ensuite la qualité du débat.
Il est préférable de ne pas dépasser le nombre de cinq partici-
pants au cercle car les élèves doivent tous prendre la parole sans la
mobiliser. Pour organiser la prise de parole, à eux de voir mais pas
de main levée, chacun peut intervenir en tâchant de ne pas couper
la parole de l’autre.
Ce travail peut être noté selon quatre critères  : intérêt des
remarques, précision de la lecture, qualité d’expression, place dans
le débat.
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 25
Séquences 1 re LYCÉE GÉNÉRAL ET TECHNOLOGIQUE

OBJET D’ÉTUDE ➜ La littérature d’idées du xvie au xviiie siècle

Olympe de Gouges,
une oratrice combative
Par David Galand, professeur de lettres modernes au lycée Mireille-Grenet (Compiègne)

Support • O. de Gouges, Déclaration des droits Présentation

de la femme et de la citoyenne,
Nathan, coll. « Carrés classiques »,
2021
• les textes et documents donnés au fil
de la séquence
Sommaire ÉTAPE 1. Entrer dans le texte
Séance 1. Portrait d’Olympe
en oratrice
Séance 2. Comprendre la structure
ÉTAPE 2. Questions de genre
Séance 3. Un écrit composite ?
Séance 4. Enjeux d’une réécriture
au féminin
ÉTAPE 3. Une écriture de combat
Séance 5. « Homme, es-tu capable
d’être juste ? »
Séance 6. La question de l’égalité
économique
Séance 7. Évaluation
Durée de • 13 heures
la séquence
Séquence 1re
La Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne (1791)
d’Olympe de Gouges résonne aujourd’hui comme un appel d’une
énergie incomparable en faveur du problème – toujours crucial
dans notre actualité, malheureusement – de l’égalité entre les
hommes et les femmes. Ignoré à sa parution, longtemps oublié
(volontairement ou non), ce texte est désormais célèbre et aisé-
ment accessible dans diverses éditions, que sa mise au programme
en 1re générale et technologique dans le cadre de l’objet d’étude
« la littérature d’idées du xvie au xviiie siècle » contribue encore à mul-
tiplier. Personne ne doute du bénéfice que les élèves retireront
de cette lecture décapante, qui corrode les préjugés. La réflexion
qu’elle oblige à mener sur l’égalité des sexes et la question du genre
(gender) est l’occasion d’offrir un nouveau regard sur la place des
hommes et des femmes dans notre société, tout en préservant la
possibilité d’une perspective diachronique et d’une mise à distance
du débat toujours essentielles.
Mais cette œuvre, si l’on comprend bien en quoi elle relève de
la « littérature d’idées », ne correspond pourtant pas à la conception
que l’on se fait aujourd’hui de la « littérature » en tant que telle. Il
nous semble que cette autrice, qui dictait ses textes à cause de son
manque d’instruction, et parfois maladroite dans son style comme
dans la fluidité de son argumentation, gagne à être abordée non
seulement dans le cadre rhétorique des « lettres » qui dominait
jusqu’à son époque précisément, avant l’émergence de la notion
moderne de « littérature » au temps du romantisme, mais en outre
dans la perspective d’une parole qui emporte l’adhésion par la force
de sa conviction, par son énergie, plutôt que par son éloquence,
discutable jusque dans la distorsion qu’elle fait subir aux modèles
rhétoriques classiques.

Les ressources ! Nous proposons par conséquent de cerner les moyens si

particuliers grâce auxquels, par-delà certaines maladresses, la
L ’article de la séquence Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne atteint une indis-
Les images à projeter cutable efficacité. Pour cela, nous adopterons une démarche qui
Séance 2. Une étude de Pourquoi montre d’abord le statut composite et incertain de l’œuvre, avant
naître esclave ? de J.-B. Carpeaux de proposer des analyses détaillées de certains passages qui pour-
Séance 5. Le texte de la Déclaration ront être présentés à l’épreuve orale du baccalauréat.
des Droits de l’Homme et du Citoyen On demandera aux élèves de lire le texte une première fois
avant le début de la séquence.
Séance 6. Une étude de deux images
du combat pour l’égalité des sexes
Séance 7. Le texte pour l’exercice
de contraction et des pistes pour le
corrigé
Une série d’articles pour étudier le
roman graphique Olympe de Gouges
de Catel et Bocquet

26 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021

 Séquences 1re

Étape 1 Entrer dans le texte

Portrait d’Olympe
Séance 1
en oratrice
Support : Vignettes extraites de la B.D. Olympe de Gouges (2012)
de Catel Muller et José-Louis Bocquet
Objectif : Aborder la dimension rhétorique de l’œuvre
Durée : 1 heure
La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, comme
l’ensemble des textes rassemblés sous le titre Les Droits de la femme
(l’adresse « À la Reine », la « Forme du contrat social de l’homme et de
la femme »), doit être rattachée à la notion rhétorique des « Lettres »
qui a longtemps prévalu dans la tradition occidentale, avant que ne
s’impose la notion de « littérature » telle que nous la connaissons
aujourd’hui. Dans le droit fil des Lumières, elles-mêmes héritières
de l’Humanisme, l’œuvre, pleinement rhétorique, ne sépare guère
l’écriture de sa visée morale (et politique).
Document : une planche de bande dessinée
Olympe de Gouges, qui n’a reçu qu’une
instruction rudimentaire, dicte le texte de la
Déclaration à son secrétaire…
elle paraît décidée  ; son autre bras, levé, avec la main à demi
ouverte et en supination, paraît appeler l’attention d’un destina-
taire absent : la « Femme », dont la première bulle porte l’interpella-
tion. La seconde vignette juxtapose trois attitudes expressives : la
gestuelle suggère d’abord le souci d’expliquer une situation, dans
une attitude didactique ; puis, le visage de profil, sourcils froncés,
mains repliées sur la poitrine, O. de Gouges paraît à la fois émue
et en colère, au moment où elle accuse l’homme d’être injuste ;
enfin, la main gauche et l’index levé vers le ciel, elle semble mettre
en garde solennellement les femmes, dans un geste éloquent qui
correspond bien à l’emploi du vocatif « ô », très rhétorique. C’est
une femme déterminée et emportée par la conviction qui est ici
montrée : une oratrice énergique et persuasive.
2. La première vignette inscrit O. de Gouges dans un décor fami-
lier : une pergola aux poutres couvertes de treillages, ouverte sur
un jardin ; le seuil d’une porte par où passe une servante et auprès
duquel sont posés une cruche et un panier… Mais le décor et les
personnages secondaires (la servante et le secrétaire) s’effacent
dans la seconde vignette : O. de Gouges se détache sur un fond

Questions
1. Observez la gestuelle et les attitudes que
la dessinatrice, Catel, a prêtées à Olympe de
Gouges dictant son texte : que mettent-elles
en valeur ?
2. Comment la dessinatrice a-t-elle réussi
à concentrer l’attention du lecteur sur les
paroles d’O. de Gouges ? Pourquoi a-t-elle fait
ce choix, selon vous ?
3. Dans votre édition du texte, retrouvez dans
le « Postambule » les différentes citations choi-
sies par le scénariste Jean-Louis Bocquet dans
ces deux vignettes : comment le texte a-t-il
été coupé dans la bande dessinée ? Comment
peut-on expliquer les choix de Jean-Louis
Bocquet ?

Éléments de réponse
1. Dans la première vignette, O. de Gouges est
montrée dans une attitude assez théâtrale :
debout dans la cour de sa demeure, pen-
dant qu’une servante apporte des boissons,
elle dicte son texte d’une voix sans doute
forte (comme le laisse supposer la transcrip-
tion en lettres capitales). Le corps droit, la
jambe gauche avancée pour donner plus
d’assurance, le bras droit posé sur la hanche,

Catel Muller et J.-L. Bocquet, Olympe de

Gouges, Casterman, coll. « Écritures », 2012,
vignettes extraites des pages 328-329.

SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 27

blanc neutre, en plan rapproché taille, occupant tout l’espace sous
les phylactères, mis en évidence par leur position en surplomb.
Le jeu du noir et blanc permet de dépouiller la vignette pour ne
mettre en valeur que les éléments expressifs : gestuelle, mimiques
et paroles. Ainsi le récit biographique se met-il en retrait momen-
tanément pour que le lecteur ne puisse plus se concentrer que sur
le discours d’O. de Gouges, et donc sur la pensée de celle-ci (et non
plus sur les éléments anecdotiques de sa vie).
3. La bande dessinée ne cite que certains éléments du début du
« Postambule », coupant les phrases du texte originel pour n’en rete-
nir que les éléments frappants : les formules renvoyant à l’homme
et à la femme ainsi que les traits rhétoriques les plus efficaces
(apostrophe « Ô, Femmes ! », question rhétorique). Sont coupées les
parties, plus complexes, qui recourent aux figures de l’allégorie (« le
tocsin de la raison », « le flambeau de la vérité », « tous les nuages de
la sottise et de l’usurpation ») et de l’accumulation (« de préjugés, de
fanatisme, de superstition et de mensonges »). Le thème de l’égalité
des sexes en devient plus hégémonique dans les paroles d’O. de
Gouges et le propos en sort simplifié pour le lecteur d’aujourd’hui.
– solliciter l’aide de l’autorité royale dans la promulgation des droits
des femmes ;
– inciter les femmes à lutter pour faire reconnaître leurs droits ;
– justifier la nécessité d’une Déclaration des droits de la femme et de
la citoyenne ;
– ancrer la brochure dans l’actualité la plus immédiate (accepta-
tion de la Constitution par le roi ; discours de Talleyrand sur l’édu-
cation nationale…).
2. Gros plan sur le mots « préambule » et « postambule »
Cherchez la définition et l’étymologie du mot « préambule » ; dédui-
sez-en le sens de « postambule ». Expliquez en quoi ces deux textes
sont nécessaires à l’encadrement de la Déclaration proprement dite.
3. L’argumentation dans « Forme du contrat social de l’homme et
de la femme »
Relisez le texte «  Forme du contrat social de l’homme et de la
femme  », puis établissez un plan de la progression du propos
de l’autrice dans cette partie, en vous fondant sur le découpage
des paragraphes. Quelle logique peut-on reconstituer derrière
l’apparent désordre de ce texte ?

À la maison Éléments de réponse

On demande aux élèves de lire les pages consacrées à la bio- 1. Cet exercice permet de souligner la composition de l’ensemble.
graphie d’O. de Gouges de l’édition Carrés classiques Nathan.
Ils relèvent les éléments qui montrent que celle-ci fut une Partie de l’œuvre Fonction principale
femme de conviction, engagée dans les débats de son temps : Épître dédicatoire « À la Solliciter l’aide de l’autorité
on peut attendre qu’ils remarquent ses audaces théâtrales, son Reine » royale dans la promulgation
engagement contre l’esclavage et son action politique lors de des droits des femmes
la Révolution, jusqu’à sa condamnation à la guillotine.
Texte liminaire « Homme, es-tu Inciter les hommes à prendre
capable d’être juste ? » conscience de l’absence de
fondement naturel de la
domination masculine dans la
Séance 2 Comprendre la structure société
« Préambule » Justifier la nécessité d’une
Supports : Le texte entier, et le tableau des pages 44 - 45 pour Déclaration des droits de la
aider les élèves en difficulté
femme et de la citoyenne
Objectifs :
– Parcourir l’ensemble du texte pour trouver des repères 17 articles de la Déclaration Élargir le texte de la
– Étudier la fonction des différentes parties de l’œuvre Déclaration des Droits de
Durée : 2 heures l’Homme et du Citoyen aux
femmes
L’œuvre ne va pas sans poser problème dans sa structure  : « Postambule » Inciter les femmes à lutter
constituée de différents textes regroupés dans une même bro- pour faire reconnaître leurs
chure, elle présente en outre une argumentation qui, sans être droits
écrite « à sauts et à gambades » à la façon d’un essai de Montaigne, « Forme du contrat social de Réfléchir à l’institution du
semble s’autoriser des digressions (tout au moins apparentes) qui l’homme et de la femme » mariage et proposer un
peuvent faire perdre le fil du propos. Il paraît donc utile de consa- contrat d’union qui pourrait se
crer une séance à élaborer avec les élèves des repères de lecture. substituer à celle-ci
Activités Post-scriptum Ancrer la brochure dans
l’actualité la plus immédiate
1. La cohérence du discours
(acceptation de la Constitution
À l’aide de votre édition, reliez chaque partie du texte de la bro-
par le roi ; discours de
chure Les Droits de la femme à chacune des fonctions globales sui-
Talleyrand sur l’éducation
vantes :
nationale…)
– réfléchir à l’institution du mariage et proposer un contrat d’union
qui pourrait se substituer à celle-ci ; 2. Un préambule est, selon Le Nouveau Petit Robert (1993) « ce dont
– inciter les hommes à prendre conscience de l’absence de fonde- on fait précéder un texte de loi pour en exposer les motifs, les buts »,
ment naturel de la domination masculine dans la société ; puis, par extension, un « exposé d’intentions préalable à un discours,
– élargir le texte de la Déclaration des Droits de l’Homme et du à un écrit ». Le terme, emprunté au latin médiéval praeambulum
Citoyen aux femmes ; qui a le même sens juridique, dérive du latin classique ambulare,

28 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021

 Séquences 1re

« marcher », et de prae, à l’origine du préfixe pré-, « devant ». Il appa- hommes et des femmes gangrène la société). L’esclavage se révèle
raît en français dès le xive siècle selon le Dictionnaire historique de la être un argument a fortiori en faveur de l’égalité entre les êtres,
langue française d’Alain Rey. Sur le même modèle est formé le mot et l’anecdote personnelle une preuve de l’inégalité des sexes.
« postambule », a priori non attesté avant O. de Gouges, à l’aide de L’argumentation est donc plus unifiée qu’on peut d’abord le penser.
post-, élément issu du latin et signifiant « après » ou « derrière ». On
voit le parallèle avec les mots préface et postface. Le « Préambule » et Pour aller plus loin
le « Postambule » d’O. de Gouges forment un encadrement néces-
Afin d’illustrer le lien entre l’esclavage et la condition féminine,
saire à la Déclaration : le préambule en justifie la nécessité juridique
on étudie une oeuvre du sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux.
et politique (et souligne qu’elle est attendue et réclamée par les
femmes), tandis que le postambule incite les femmes à en prendre
acte et à utiliser leurs droits désormais officiellement déclarés,
donc reconnus. Mais on sait que le « Postambule » répond aussi
en écho au texte liminaire « Homme, es-tu capable d’être juste ? »
puisque ces deux textes s’adressent respectivement aux femmes
et aux hommes.
3. La « Forme du contrat social de l’homme et de la femme » suit un
parcours argumentatif d’apparence assez désordonnée. Le 1er para-
graphe est une sorte d’ « acte conjugal » laïc que l’autrice propose
comme texte juridique pour remplacer l’institution du mariage, et
que le 2e paragraphe justifie en en faisant un texte garant d’une
certaine protection pour les deux individus du couple et les enfants.
Le 3e paragraphe envisage plusieurs lois complémentaires proté-
geant les femmes vulnérables comme les veuves ou les prostituées ;
le 4e renvoie ces projets et certains aménagements sociaux (tel le
mariage des prêtres) à leur fondement : la nature. Le 5e paragraphe
constitue une apparente digression sur l’esclavage des « hommes
de couleur », mais c’est pour souligner ensuite, par un parallèle entre
la situation de ces esclaves et celle des femmes, que l’égalité entre
les êtres implique le droit à la liberté. Les paragraphes 6 et 7 font
une transition vers le long paragraphe final (si l’on excepte le P.-S.)
qui est entièrement narratif : la querelle entre l’autrice, un cocher
et un « commissaire de paix » passablement misogynes permet de
mettre en scène, dans une anecdote plaisante, le traitement injuste
des femmes, à tous les niveaux de la société. Derrière l’apparent
désordre et les fausses digressions, on sent que le texte progresse
en fait dans l’argumentation d’une thèse unique : il faut que la loi
Image à projeter
se rapproche du droit naturel, qui doit s’appliquer universellement,
que ce soit dans les colonies (où l’esclavage n’est plus justifiable)  es éléments
D
J.-B. Carpeaux, Pourquoi naître esclave ? pour une étude
ou sur le territoire métropolitain (où l’inégalité de traitement des 1868, coll. part. de l’œuvre

Étape 2 Questions de genre

Séance 3 Un écrit composite ?
Support : L’édition de l’œuvre
Objectif : Identifier les différents genres littéraires convoqués
par l’autrice dans son œuvre
Durée : 2 heures
L’œuvre présente une incertitude quant à son statut générique :
l’hétérogénéité des textes qu’elle rassemble, ses caractéristiques
stylistiques qui (au moins en apparence) ressortissent à une spon-
tanéité qui la rapproche parfois de l’oralité. La multiplicité des des-
tinataires explicites, la diversité même des intentions auxquelles
elle répond, tout contribue à une identité générique flottante. On
pourra donc aborder cette question du genre littéraire en axant la
réflexion sur quatre pistes différentes : le texte juridique, la diatribe,
l’essai et le discours oratoire.
Questions
1. Relevez, dans le « Préambule », dans les dix-sept articles de la
« Déclaration » et dans le 1er paragraphe de la « Forme du contrat
social de l’homme et de la femme  », les thèmes, le lexique et
les procédés d’écriture qui caractérisent, selon vous, un texte
juridique.

SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 29

2. Relisez le passage de la « Forme du contrat social de l’homme et
de la femme » consacré à l’esclavage (de « il était bien nécessaire » à
« toutes les calamités vers l’Amérique ») : quel registre littéraire est mis
en œuvre ? Justifiez votre réponse.
Éléments de réponse
1. Les élèves pourront remarquer le recours à des notions morales,
sociales ou politiques : la vérité, la raison, l’égalité, le « corps social »,
la nation, la loi, les peines, le « bien commun », etc. Le lexique juri-
dique est largement présent : « les droits naturels, inaliénables »,
« leurs droits et leurs devoirs », « imprescriptibles », « loi établie et pro-
mulguée antérieurement au délit », « juste et préalable indemnité »,
« souscrire à la loi », parmi d’autres exemples. Mais on remarquera
surtout :
– les tournures généralisantes, marquées par l’emploi des déter-
minants indéfinis « tout » et « nul » : « Toute femme » (article 9),
« Toute société » (article 16), « nul corps, nul individu » (article 3),
« Nulle femme » (article 7), ou de leurs équivalents pronominaux :
« tout ce qui n’est pas défendu » (article 5), « Nul ne doit être inquiété »
(article 10) ;
– l’emploi omniprésent des noms abstraits, des articles définis à
valeur générique, et du présent à valeur de vérité générale, à l’ins-
tar de la formule suivante : « La liberté et la justice consistent à rendre
tout ce qui appartient à autrui » (article 4) ;
– l’emploi récurrent des auxiliaires modaux devoir et pouvoir : « La
loi doit être l’expression de la volonté générale » (article 6), « Toute
citoyenne peut donc dire librement » (article 11) ;
– les formules solennelles, avec verbes performatifs : « reconnaît et
déclare » (« Préambule »), « nous nous obligeons » (« Contrat social ») ;
– les formules juridiques consacrées  : «  Considérant que…  »
(« Préambule »), « Nous N et N […] nous unissons » (« Contrat social » ;
l’emploi du pronom « Nous » incluant les deux conjoints qui s’en-
gagent).
2. Dans le passage sur l’esclavage, O. de Gouges met en œuvre le
registre polémique. En effet, elle accuse explicitement certaines
personnes d’attiser l’agitation des colonies (« Il n’est pas difficile de
deviner les instigateurs de ces fermentations incendiaires : il y en a dans
le sein même de l’Assemblée nationale ») ou de cruauté envers les
esclaves (« despotes », « colons inhumains »). Ces attaques ad homi-
nem s’appuient sur un blâme moral qu’expriment les termes péjo-
ratifs tels que « âmes endurcies », « notre cupidité », « notre aveugle
ambition ». Le lexique du crime s’impose : « embraser », « étouffe »,
«  violence  ». L’insistance accusatrice est manifeste dans les
répétitions lexicales (dérivation « méconnaissant » / « méconnaît »)
et la triple anaphore en « C’est là où… ». La volonté de dénoncer
avec vigueur amène des hyperboles, comme «  la nature frémit
d’horreur » ou « acheminer toutes les calamités vers l’Amérique ». Le
registre polémique, qui apparaît également dans d’autres passages
de l’œuvre, apparente celle-ci à une véritable diatribe.
3. La « Forme du contrat social de l’homme et de la femme » dérive
clairement vers le genre de l’essai, glissant d’un thème à l’autre,
sous un apparent désordre digne des « sauts » et des « gambades »
de Montaigne (voir séance 2). L’autrice restreint en même temps
progressivement le champ de son argumentation : du texte juri-
dique proposé comme universel, elle passe à des considérations
générales sur la situation des femmes et sur l’esclavage, puis sou-
met au lecteur une anecdote personnelle. On pourrait schématiser
cette progression :
Tous ➞ un grand nombre ➞ moi
30 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
Convoquant finalement l’anecdote autobiographique, l’autrice fait
de la dernière partie de sa brochure une sorte d’essai, dont elle sou-
ligne d’ailleurs l’incomplétude : « que je dise quelques mots sur les
troubles […] dans nos îles ».
Activité en vue d’un bilan
On conclut la séance en montrant que la véritable uni-
té générique de l’œuvre se trouve dans le genre rhétorique
du discours. Vous rappellerez la structure classique du dis-
cours  : exorde (en partie voué à la captatio benevolentiae),
narration, confirmation et péroraison. Sans aller jusqu’à faire
d’O. de Gouges une logographe au sens antique, on soulignera
le fait que son œuvre suit cette dispositio globale : le texte limi-
naire « Homme, es-tu capable d’être juste ? » joue le rôle d’exorde
(pourtant paradoxal puisque, loin de capter la bienveillance de
l’auditoire masculin, il l’attaque avec véhémence) ; la narratio
est constituée par la « Déclaration des droits de la femme et de la
citoyenne » elle-même ; la confirmatio, argumentative, est dans
le « Postambule » et dans une grande partie de la « Forme du
contrat social », l’anecdote finale jouant le rôle d’une péroraison
(en faisant appel aux émotions de l’auditoire : amusement et
indignation à la fois).
Une fiche pour un devoir maison
On demande aux élèves de lire le texte de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789)
et de le confronter au préambule et aux dix-sept
articles de la Déclaration des droits de la femme et de
la citoyenne, en soulignant scrupuleusement tous
les termes et formules qu’O. de Gouges reprend à
son hypotexte.
Enjeux d’une réécriture
Séance 4
au féminin
Supports :
– Le texte d’Olympe de Gouges
– La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789)
Objectifs :
– Étudier les modalités de la réécriture 
– Rappeler certaines idées des Lumières 
– Mémoriser et oraliser certains passages de l’œuvre
Durée : 2 heures
Il semble incontournable de voir comment, en réécrivant la
Déclaration de 1789 au féminin, O. de Gouges met en place une
tactique politique efficace qui consiste à combattre les députés
de l’Assemblée, dont une majorité s’opposait à la participation
des femmes à la vie politique, avec leurs propres armes, puisque
la Déclaration de 1789 était leur œuvre. Celle-ci en effet résulte
de leurs réflexions, compilées par cinq rédacteurs, dont Mirabeau
(1749-1791). La séance se déroulera au C.D.I. ou en salle informa-
tique, afin d’avoir accès à toute documentation utile sur le siècle
des Lumières. Vous proposerez un travail par petits groupes de
deux à quatre élèves.

Questions
1. Commentez le titre commun aux deux textes : « Déclaration ».
Que sous-entend ce terme par rapport aux droits qui vont être
énoncés ?
2. O. de Gouges a-t-elle la même légitimité politique que les dépu-
tés de l’Assemblée pour établir une telle « déclaration » ? Comment
le préambule contourne-t-il cette difficulté ?
3. Quelles valeurs (morales, philosophiques) des Lumières retrouve-
t-on dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ? Faites
des recherches documentaires si besoin.
4. En vous fondant sur la comparaison des deux textes, commentez
la réécriture de la Déclaration de 1789 par O. de Gouges dans le
préambule et dans les articles 2, 3, et 10 : comment l’autrice pro-
cède-t-elle ?
Éléments de réponse
1. Le sens du mot déclaration est ici l’affirmation écrite de révéler
et de proclamer l’existence d’une situation de fait ou de droit. Cela
implique que les droits qui vont être énoncés ne sont ni fondés ni
établis par le texte, mais simplement désignés et mis au jour par
lui. Les droits dont il va être question sont donc présentés comme
préexistant à leur formulation. Ils découlent du droit naturel, qui
vient de la nature même de l’être humain : « Les hommes naissent et
demeurent libres et égaux en droits » (article 1, 1789) / « […] l’exercice
des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpé-
tuelle que l’homme lui oppose ; ces bornes doivent être réformées par
les lois de la nature et de la raison » (Olympe de Gouges, article 4).
La nature et la raison fondent les droits de l’humanité avant même
que celle-ci en prenne conscience et les formule.
2. O. de Gouges n’est pas une élue : en « déclarant » les droits de la
femme et de la citoyenne, elle s’arroge une fonction législative qui
n’appartient qu’à des hommes (les députés). Ce coup de force est
étayé dans le préambule par l’attribution aux femmes du statut de
citoyennes : à l’énumération des statuts privés des femmes (« Les
mères, les filles, les sœurs ») succède en effet l’apposition « représen-
tantes de la nation » qui les subsume dans un statut civique. L’autrice
atténue cependant la force provocatrice de cette autopromotion
par ce qui suit : « demandent d’être constituées en Assemblée natio-
nale  », ajoutant une notion de requête plus modeste. On sait
Étape 3 Une écriture de combat
Séance 5« Homme, es-tu capable
d’être juste ? »
Support : Le texte « Homme, es-tu capable d’être juste ? » (P. 17)
Objectif : Mener le commentaire linéaire d’un passage polémique
Durée : 2 heures
On pourra procéder à l’étude linéaire du texte « Homme, es-tu
capable d’être juste ? », seuil de la Déclaration, qui peut réactiver
les acquis de la séance 3 sur le registre polémique. Dans cette
adresse vigoureuse à l’homme, l’autrice fait entendre une impla-
cable accusation et montre l’illégitimité de la prétendue supério-
Séquences 1re
pourtant que la provocation ne s’arrête pas là et affirme ensuite la
supériorité du sexe féminin « en beauté comme en courage dans les
souffrances maternelles ».
3. On pourra retenir les idées récurrentes de liberté et d’égalité,
de liberté de pensée et d’expression, d’équilibre des peines et des
délits, les valeurs de la nature et du droit, etc., et plus précisément
les quelques sources suivantes :
– la notion de citoyenneté renvoie à la pensée de J.-J. Rousseau,
et repose sur la loi, seule force capable de transformer les droits
naturels de l’être humain en faits établis (Du contrat social, 1762) ;
– les articles VIII à XI, portant sur la justice et sur la liberté de religion
et d’opinion, renvoient à la pensée de Voltaire (Traité sur la tolérance,
1763) ;
– l’article XVI, qui instaure la séparation des pouvoirs, a sa source
chez Montesquieu (De l’esprit des lois, 1748).
4. La réécriture est, dans une large mesure, fidèle à son hypotexte
de 1789, mais on peut identifier avec les élèves certains procédés.
a. L’explicitation à finalité universaliste (par ajout)
– « La conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme »
➞ « de l’homme et de la femme » (article 2)
– « Dans la nation » ➞ « dans la nation, qui n’est que la réunion de la
femme et de l’homme » (article 3).
b. Le soulignement polémique (par ajout)
– « La sûreté et la résistance à l’oppression » ➞ « la sûreté, et surtout la
résistance à l’oppression » (article 2).
c. Le déplacement thématique (par substitution et ajout), dans
l’ensemble de l’article 10
– « Opinions religieuses » ➞ « opinions même fondamentales »
– Ajout du droit de monter à la tribune
Activité orale : un peu de théâtre
Afin que les élèves mémorisent bien le texte des articles d’O. de
Gouges et entendent la différence avec son hypotexte de 1789, orga-
nisez une restitution orale des dix-sept articles de chacun des deux
textes par binômes : l’un des élèves met en voix un article de 1789,
le second l’article correspondant d’Olympe de Gouges. Les élèves
ajoutent un travail sur la diction et organisent une mise en scène. On
peut imaginer par exemples que les binômes se lèvent quand vient
leur tour, se regardent et échangent leur texte comme un dialogue.
rité masculine. La division en paragraphes est ici suffisamment
signifiante pour que les élèves n’hésitent guère sur les mouve-
ments du texte.
Questions
1. Du début à « cet empire tyrannique » : comment l’autrice oblige-t-
elle l’homme à répondre de ses injustices envers la femme ?
2. De « Remonte aux animaux » à « chef-d’œuvre immortel » : quelle
fonction cette comparaison avec les êtres de la nature peut-elle
avoir ?
3. De « L’homme seul » à la fin : comment l’autrice met-elle en valeur
l’aberration que constitue à ses yeux la prétendue supériorité
masculine dans la société ?
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 31
Éléments de réponse
1. L’apostrophe initiale «  Homme  », à valeur générale, est une
ouverture abrupte, qui prend à partie l’adversaire, d’autant plus
agressivement que le tutoiement (qui par ailleurs marque l’égalité
des deux adversaires) relève de la familiarité. L’adjectif « capable »
sous-entend d’emblée que la justice de l’homme n’est au mieux
qu’une possibilité (valeur du suffixe -able) et non un fait. Par la ques-
tion rhétorique, l’homme est sommé de répondre de ses actes. Face
à cet « Homme » collectif, l’énonciatrice se désigne comme « une
femme » : seule (l’article indéfini a ici valeur singulière), elle se dresse
contre l’être masculin en général, elle fait donc preuve de courage ;
en outre, sa féminité la désigne comme une adversaire.
En formulant une question, l’autrice prouve en acte (la question
est un acte de langage) que son droit à la parole ne peut lui être
dénié. C’est pourquoi elle enchaîne quatre autres questions ora-
toires (parfois elliptiques) qui, par leur nombre même, leur insis-
tance, mais aussi leur valeur injonctive (« Dis-moi ? ») et ironique
(« Ta force ? Tes talents ? »), reprise distanciée d’éléments dont se
prévalent les hommes), sont des accusations. La question « Qui t’a
donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? » sous-tend une
polémique en répondant à la question initiale, puisque l’homme,
en « opprim[ant] » l’autre sexe ne saurait en effet paraître capable
d’équité. La valeur hyperbolique de « souverain empire » renvoie
à l’idée du despotisme, si combattue par les Lumières, comme le
montre sa reprise finale en « empire tyrannique ». Entre deux, une
série de trois verbes à l’impératif incite l’homme à se remettre en
cause en observant la nature, point de référence ultime de toute
morale (qui plus est rapportée au Créateur – Dieu ou Être suprême).
Accusé d’orgueil par sa volonté de vouloir se «  rapprocher  »
du divin, appelé à consulter sa conscience par la subordonnée
accusatrice « si tu l’oses », l’homme semble ne pas pouvoir atteindre
les vertus de « sagesse » et de « grandeur » qui le justifieraient.
2. Le paragraphe s’ouvre sur une phrase qui, en un style coupé
qui lui donne sa vivacité, accumule les verbes à l’impératif pour
enjoindre à l’homme d’observer la nature : « consulte », « étudie »,
« jette », « cherche, fouille et distingue ». Il s’agit de l’obliger à se
rendre à l’évidence des faits, par un constat opéré à partir de
l’intégralité de la nature, dont tous les constituants sont énumérés
(« animaux », « éléments », « végétaux », « matière organisée »). La
phrase suivante martèle, grâce à l’anaphore de l’adverbe antéposé
« partout » et au lexique de l’union (« confondus », « coopèrent »,
« harmonieux »), l’idée que l’égalité entre les sexes est créatrice de la
beauté de la nature, hyperboliquement désignée comme un « chef-
d’œuvre immortel ». La comparaison entre l’humanité et le reste de
la nature doit donc faire comprendre que la supériorité masculine
n’est pas naturelle, mais artificiellement revendiquée et instaurée
par l’homme.
3. Le dernier paragraphe souligne l’aberration de cette prétendue
supériorité masculine. Changeant d’énonciation, l’autrice passe
du tutoiement à la troisième personne  : « L’homme », dans une
mise à distance qui ramène l’homme à son rang d’espèce parmi
les autres. Elle souligne l’aberration du comportement humain
par les mots « seul » et « exception », mais aussi par l’emploi du
verbe «  s’est fagoté  », péjoratif et connotant l’artifice inabouti.
L’accumulation d’adjectifs dévalorisants voire insultants attaque
avec véhémence l’homme, et le met cette fois en porte-à-faux non
plus avec la nature, mais avec les progrès de la société. Jouant sur
des antithèses (« aveugle » vs « lumières », « dégénéré » vs « sagaci-
té », « sciences » vs « ignorance ») et d’une chaîne sonore frappante
(allitérations en /b/ et en /s/, assonances en /é/, /è/ et en /a/),
32 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
l’autrice met une dernière fois l’homme face à ses contradictions
et rappelle sa tyrannie. Malgré son ignorance hyperbolique (« la plus
crasse »), il veut régner en « despote » sur « un sexe qui a reçu toutes
les facultés intellectuelles » (cette hyperbole répond à la précédente).
La dernière phrase indique donc le projet de ce « sexe » qui vient
d’être nommé (en une probable rupture de la chaîne anaphorique,
puisque le pronom « il » renverrait plus logiquement au même
référent que le « il » précédent : l’homme) : réclamer ses droits à la
faveur de la Révolution, et peut-être même affirmer sa supériorité,
comme le sous-entend « pour ne rien dire de plus ».
La question de l’égalité
Séance 6
économique
Support : Le texte du « Postambule », de « L’esclave commande
au maître » à « quand elle en aurait toute la capacité. » (Édition de
l’œuvre p. 29-30)
Objectif : Analyser la tactique argumentative en vue d’un com-
mentaire linéaire
Durée : 2 heures
Ce passage souvent tenu pour secondaire au sein de l’œuvre,
placé à la fin du «  Postambule  », aborde la question cruciale
de l’égalité économique, ou tout au moins de la protection
financière des femmes. Vous pourrez axer le commentaire sur le
circuit argumentatif mis en place par l’autrice pour convaincre et
persuader le lecteur, le passage ayant recours à des arguments
variés, relevant à la fois des émotions et du raisonnement logique.
Questions
1. Du début à « pourquoi n’a-t-elle pas su faire fortune ? » : comment
l’autrice montre-t-elle la fragilité du pouvoir des femmes sur les
hommes ?
2. De « D’autres exemples » à « perd ses droits » : analysez comment
l’autrice donne toute sa force à l’exemple d’infortune qu’elle donne.
3. De « Quelles lois » à la fin du passage : étudiez les propositions
concrètes de l’autrice pour améliorer la condition sociale des
femmes.
Éléments de réponse
1. Le passage se situe après qu’O. de Gouges a comparé la situation
des femmes à celle des esclaves : comme un esclave, la femme peut
être achetée par un homme, dans un marchandage qui va de la
prostitution à la maîtresse entretenue. Or O. de Gouges concède
d’emblée une différence, formulée sous la forme d’un paradoxe :
«  L’esclave commande au maître  ». Cette inversion du rapport
de force vient de l’emprise que la femme, par ses charmes, peut
avoir sur l’homme. Cependant la suite de la phrase, relancée par
« mais », propose un raisonnement hypothétique qui vient nuancer
la portée du paradoxe, pour aboutir à un nouveau paradoxe  :
l’affranchissement peut être une déchéance, et non une délivrance.
Présenté sous la forme d’une question rhétorique, ce raisonnement
en appelle à la pitié du lecteur. Le lexique de la privation (« sans
récompense », « a perdu ») et la formule pathétique « cette infortu-
née » renforcent cet effet. La question rhétorique reçoit une réponse
d’une brièveté douloureuse  : «  Le jouet du mépris  », périphrase
émouvante qui réifie l’ancienne exclave et montre ainsi que sa
situation a empiré. Elle ne reçoit même plus l’aide charitable des
autres : la métaphore hyperbolique des « portes mêmes de la bienfai-
 Séquences 1re

sance […] fermées » exprime à la fois l’absence de recours financier

et l’exclusion sociale. Cette exclusion est en outre soulignée par une
sorte de discours rapporté (au discours direct libre) qui explicite le
mépris général pour une femme « pauvre et vieille » qui n’a pas su
profiter de ses atouts.
2. S’appuyant sur des arguments empiriques, l’autrice annonce
des «  exemples encore plus touchants  », programmant l’effet
pathétique du récit illustratif qui suit. Or ce récit prend un cas
presque opposé au précédent : la « jeune personne sans expérience »
s’oppose par antithèse à la « pauvre et vieille » femme abandonnée.
Le récit rappelle une situation romanesque tout à fait convenue
des narrations du xviiie siècle, de Richardson à Laclos : l’ingénue
séduite puis délaissée. L’emploi du futur de conjecture (« abandon-
nera », « laissera », « sera ») permet de présenter le récit comme
probable, par inférence avec des situations fréquentes. Du registre
pathétique on glisse vers le registre polémique, grâce à des termes
qui accusent de cruauté l’homme séducteur : « ingrat », « incons-
tance », « inhumaine ». La corrélation « plus…, plus… » met en valeur
l’ingratitude par l’inversion du lien causal entre fidélité et reconnais- We want sex equality, réal. Nigel Cole, 2011, avec Sally Hawkins,
sance. Par l’accumulation de quatre systèmes hypothétiques paral- Miranda Richardson et Rosamond Pike.
lèles (« si » introduisant une subordonnée au présent + principale
au futur), l’autrice montre que la victime n’a aucune échappatoire :
quelle que soit la situation familiale ou financière de l’homme, elle
sera perdante. On notera la force des mots dénonçant l’attitude
Séance 7 Évaluation
masculine (« abandonnera », « violera ») ainsi que l’illogisme du
rapport entre les « engagement[s] » moraux qui devraient protéger Supports :
la victime et les « lois » qui protègent le criminel. – Sujet de dissertation (séries générales)
3. Après les exemples vient une question qui relance la réflexion vers – Sujet de contraction de texte (G. Sand, lettre « Aux membres du
sa conclusion : « Quelles lois reste-t-il donc à faire pour extirper le vice Comité central », 1848) et d’essai
Objectifs :
jusqu’à la racine ? ». Le connecteur « donc » marque le raisonnement
– Se préparer à la dissertation
déductif  : des constats doivent découler des mesures concrètes, – S’entraîner à la contraction de texte et à l’essai
les « lois » destinées à déraciner le « vice » (la métaphore végétale Durée : 2 heures
souligne la profondeur du mal, son implantation presque naturelle
dans la société). Ces propositions de lois sont au nombre de deux :
le « partage des fortunes » entre les sexes mais aussi le partage de ➥ Sujet de dissertation
« l’administration publique », second partage mis en valeur par son
détachement en hyperbate après la virgule et la conjonction « et ». La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791)
Il s’agit de pourvoir aux ressources financières des femmes, comme d’O. de Gouges n’est-elle qu’un écrit de circonstance ?
le souligne le champ lexical de l’argent, très développé : « fortunes »,
« riche », « gagne », « égalité des partages », « pauvre », « pauvreté ». Or ➥ Sujet de contraction de texte et d’essai
l’autrice précise ensuite l’importance des deux lois envisagées : si au
sein d’une famille « riche » le partage des fortunes suffit, au sein d’une Contraction : résumez le texte de G. Sand en

Dans la banque
famille pauvre la femme doit pouvoir accéder à une charge publique 190 mots (tolérance : +/- 10%). Vous indiquerez à la de ressources,
pour gagner sa vie, sinon elle risque « [l]a pauvreté et l’opprobre », à fin de votre contraction le nombre de mots utilisés. le texte proposé
Essai  : l’écrivain et l’artiste doivent-ils, selon en contraction
moins de pouvoir faire reconnaître des talents artistiques. Ainsi voit- et des pistes de
on que l’autrice, s’appuyant à la fois sur des arguments émotionnels vous, prendre position dans les débats de société ? corrigés.
(le pathétique) et rationnels (des exemples et un examen des liens de
causalité), parvient à montrer le bien-fondé des réformes législatives
qu’elle soumet aux députés de l’Assemblée.

Étude d’images
Vous pouvez comparer deux images représentant la
revendication d’indépendance financière des femmes :
un tableau de Marie-Nicole Vestier, L’Auteur à ses occu-
pations (1793), qui dit, déjà, la difficulté d’être mère et
artiste, et un photogramme du film de Nigel Cole We
want sex equality, qui raconte de la grève des ouvrières
des usines Ford de Dagenham dans la banlieue de
Londres.

SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 33

Lecture cursive et commentaire 1re
LYCÉE GÉNÉRAL ET TECHNOLOGIQUE

OBJET D’ÉTUDE  a littérature d’idées

➜L
du xvie siècle au xviiie siècle
PARCOURS ➜ écrire et combattre pour l’égalité
TEXTE DU COMMENTAIRE ➜ Lola Lafon, Chavirer

Chavirer dans la lecture cursive

« Il faut raconter ce qui hante »
Par Véronique Delfau, professeure de Lettres modernes

Présentation
Incontournable dans le paysage éditorial, Chavirer, de Lola
Support • Lola Lafon, Chavirer, 2020, Actes Sud Lafon, s’impose comme une lecture cursive qui touchera les élèves.
• Degas, L’Attente, 1879 Fragiles, vulnérables car très exposés sur les réseaux, les adoles-
cents ont besoin de contre-pouvoirs pour se prémunir des multi-
Sommaire ÉTAPE 1. Eh bien dansez maintenant !
ples malveillances qu’ils occasionnent. La littérature en est un, et il
ÉTAPE 2. Cathy ou le mentor ne faut pas craindre de nous emparer de sujets longtemps tabous si
maléfique nous voulons former des esprits avertis et abolir les pièges dressés
ÉTAPE 3. La question devant les Cécile Volanges d’aujourd’hui. Les personnages de ce
du consentement roman, identités adolescentes, sont épluchés sous le fard et les pail-
ÉTAPE 4. Vers le commentaire lettes de la reconnaissance spécieuse d’adultes malintentionnés. Ce
➔ Le commentaire rédigé faisant, Lola Lafon fait entendre sur la portée du roman d’appren-
tissage le chant de ces sirènes contemporaines.

Commentaire BAC
Les ressources !
L ’article de la revue
Le tableau de Degas,
image projetable
Étape1, partie 3.
La description des
personnages secondaires
au fil du récit
Le texte du commentaire
Degas, L’Attente, vers 1882, Fondation Paul Getty.

34 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021

 XXXXXXX
Étape 1 Eh bien dansez maintenant !
 upports :
S • Un rêve souvent brisé
– Lola Lafon, Chavirer, 2020
– Degas, L’Attente, 1879
Modalité : Enquête et exposés d’élèves sur l’entrée de leur choix,
analyse picturale, écritures d’invention et d’appropriation
Objectif : Faire découvrir par des propositions variées un roman
d’apprentissage actuel dans l’univers de la danse
1 Danser : un lac de signes
à décrypter
La représentation de 2 mondes qui s’opposent
Le cours de danse de Madame Nicolle est le creuset de deux
mondes antagonistes. S’y pressent les élèves du collège privé
de la Providence aux prénoms, chargés de promesses, « Eugénie,
Béatrice  »  ; s’y fait entendre leur mode de vie «  week-end en
Normandie, des vacances aux Baléares, un séjour linguistique aux
Etats-Unis  », le personnel de maison, les hauts lieux culturels
fréquentés « Comédie-Française » et « théâtre des Champs-Élysées ».
À l’opposé, Cléo tait « prudemment son adresse » ainsi que « la Ford
Escort de ses parents tout comme le métier de sa mère, vendeuse
dans une boutique de vêtements pour femmes fortes », marqueurs
sociaux si peu ostentatoires. Pour acquérir leurs codes, « Cléo s’était
appliquée à parler le langage de la danse classique comme on s’es-
saie à « prendre l’accent » d’une langue étrangère sans jamais l’avoir
en bouche. » Vaine tentative, du bout des lèvres Madame Nicolle
réoriente l’intruse qui « s’en était retournée à la morosité des samedis
devant la télé. » Avec des rêves plein la tête, comment vivre avec des
« parents affalés dans le canapé, le dos rompu de s’être fait à tout ; elle
était terrible, leur lenteur à vivre, cette boucle de l’amertume dans
laquelle ils étaient comme dans un labyrinthe »
Alors, quand soudain son univers se colore, Cléo l’ado frappe
à la porte de lendemains qui dansent pour quitter cette existence
aux coins racornis. »
La peinture de l’univers de la danse
• Un apprentissage exigeant et une souffrance
La danse requiert passion et travail, aussi est-elle l’élément cen-
tral de la vie de l’héroïne. « La danse ferait patienter sa vie, il n’y aurait
rien d’autre, avait écrit Cléo dans son journal ». Le cours de Stan devient
le lieu où elle existe pleinement : « là elle pouvait s’inventer ». Pour inté-
grer une compagnie comme celle de Malko, un travail acharné s’im-
pose jusqu’à atteindre la perfection au son d’une ritournelle continue
« Refais refais refais », malgré l’épuisement des corps. « Tous avaient la
nausée en sortant des cours. Tous racontaient ce moment où, à force,
ils ne savaient plus ce que leur corps exécutait et où ils « refaisaient ». Le
chorégraphe « la réécrivait. » Pourtant, en dépit d’un travail acharné,
de nombreux postulants « ne danseraient jamais les rôles pour lesquels
ils s’étaient entraînés si longtemps ».
Incessante, la souffrance habite chaque recoin de la journée, lors
des cours où il convient de garder le « sourire en dépit d’une douleur
persistante, sourire en dépit de la nausée, un effet secondaire des anti-in-
flammatoires ». Les corps confiés au soigneur « bon à coller des rustines
sur des mécaniques épuisées », ne sont qu’un assemblage de « pieds
déformés, dos musculeux et chevilles gonflées de liquide synovial, cernes
noirs et lèvres palies à force de privations alimentaires. »
Lecture cursive et commentaire 1re
Fantasme de mères mues par « le désir féroce » de « posséder des
filles limpides, immatérielles, sylphides au corps vidé de leur mauvais
sang », la danse classique s’enseigne en cours privé qui « regorgeait
d’élèves du collège privé ». Elle exige des moyens. La discrimination
classique opère aussi dans l’univers de la publicité. « Son agence
l’envoyait aux castings pour Tahiti douche, une marque de couscous ou
de rhum », son teint n’évoquant pas « la limpidité d’une eau minérale,
l’odeur de frais d’un déodorant. »
• Un métier « sans gloire » au statut piétiné
Lorsque le rêve classique s’est dissipé, le modern jazz offre des
carrières professionnelles. Observant l’émission Champs-Élysées, « des
danseurs ondulant comme des rivières rapides » Cléo trouve sa voie :
« voilà ce qu’elle voulait faire » et s’inscrit au cours de Stan à la MJC.
Cette fois, à vingt-sept ans, le rêve devient réalité et Lara, sa
colocataire la découvre à l’écran en fond de plateau, « un samedi soir
de décembre à 20 h 30 . » La variété exhibe un corps sexualisé, « une
paire de fesses célèbres ». Cependant, une fois les créatures visuelles
réassemblées et démaquillées, à « la sortie du théâtre, les spectateurs
les croisaient sans les reconnaître, des jeunes filles pâlottes et fatiguées
aux cheveux ternis de laque. » En dépit d’un entraînement forcené,
« semblables à des formules 1 » les danseurs de variété ne sont pas
élevés au rang d’artistes et leur condition – bas salaires, heures sup-
plémentaires non rémunérées – n’est guère enviable.
Écriture d’invention
Consigne. À partir de votre perception du tableau, imaginez un
bref récit dont l’instant fixé par Degas serait l’épilogue. Les peintres
« ont le privilège de se faire les romanciers du corps » écrivait Camus
dans Noces, appuyez-vous sur les éléments corporels du person-
nage de la danseuse qui renvoient à ce qui a été étudié dans le
roman pour construire votre interprétation.
Ecriture d’appropriation
Consigne. En observant le tableau de Degas intitulé L’attente,
sans tenir compte des costumes d’époques, expliquez qui pour-
rait être le personnage féminin à côté de la danseuse et à quel(s)
extrait(s) du roman il peut renvoyer.
3 Renaître en identités diffractées
Modalités : Analyse d’une architecture romanesque
Objectif : Relier le jeu des points de vue à l’évolution
du personnage
La narration emprunte les regards de personnages rencontrés.
L’identité du personnage central est perçue à travers ces angles
toujours renouvelés On peut donc lancer les élèves sur la piste des
personnages secondaires pour voir comment et pourquoi la roman-
cière les introduit dans le récit, à divers âges de Cléo. Ils pourront
choisir pour ensuite les présenter oralement.
Repérer les divers personnages au fil de
l’évolution de l’héroïne  ? En quoi chacun Les éléments de
réponse sont
délivre-t-il une nouvelle facette de Cléo ?
disponibles
dans la banque
de ressources.
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 35
 Étape 2 Cathy ou le mentor maléfique
Supports : – Lola Lafon, Chavirer, 2020
– Un extrait de la préface des Liaisons dangereuses de Laclos
Modalité : Enquête sur un personnage, écriture dans le carnet
de lecteur
Objectifs : Etudier la toxicité d’un personnage magnifiquement
vénéneux
1 Deux « petites musiques »
instructives
Choderlos de Laclos justifie la nécessité de lire son roman Les Liaisons
dangereuses, pour tenter de garantir des rapports humains conformes
aux bonnes mœurs, en révélant la manipulation et ses mécanismes.
TEXTE
Il me semble au moins que c’est rendre un service aux mœurs,
que de dévoiler les moyens qu’emploient ceux qui en ont de mau-
vaises pour corrompre ceux qui en ont de bonnes, et je crois que ces
lettres pourront concourir efficacement à ce but. On y trouvera aussi la
preuve et l’exemple de deux vérités importantes qu’on pourrait croire
méconnues, en voyant combien peu elles sont pratiquées : l’une, que
toute femme qui consent à recevoir dans sa société un homme sans
mœurs, finit par en devenir la victime ; l’autre, que toute mère est au
moins imprudente, qui souffre qu’une autre qu’elle ait la confiance de
sa fille. Les jeunes gens de l’un et de l’autre sexe, pourraient encore
Étape 3 La question du consentement
1 Une mascarade de consentement
Bénéficiaire d’une stratégie rodée, Jean-Christophe, le juré,
entrouvre pour Cléo « un monde à part », induit son approbation
«  loin des conventions, des jugements liés à l’âge  » par une série
d’interrogations : « personne ne lui avait jamais demandé l’autorisa-
tion de quoi que ce soit, cette douceur, ce respect étourdissant de J-C,
Cléo adorait ça, ses mots dilués jusqu’au chuchotement. » Comment
dire non, piégée dans cette approche inattendue et spécieuse « Je
peux ? Ferme les yeux Cléo. » Que signifie faire preuve de maturité ?
La « petite fiancée » n’en a aucune idée, « Cléo treize ans, cinq mois et
combien de jours avait acquiescé. Dire non c’était être frigide. » Au baiser
subi du crapaud baveux, succèdent « les doigts comme des insectes
agacés exaspérés de ne pas réussir à aller là où ils s’acharnaient à aller
quand même. » Prise de nausées, l’enfant violemment décontenancée
se dérobe avec la souillure indélébile, « elle appartenait au secret d’un
appartement » et « ne pourrait se plaindre à personne. »
Il faut attendre des années pour accéder au « tiroir maintenant
grand ouvert à Lara, rempli de mots hachés, de mots salis, d’angoisses
nocturnes et de honte » car dans l’intervalle elle se débat seule et
démunie. Sans cesse et sans excuse, elle se cogne au même constat
« N’avoir rien fait, rien dit mais avoir tout laissé s’accomplir ».
2 Martyre et bourreau
Manipulée par Cathy, souillée par un membre du jury, Cléo
est une victime, mais lorsqu’elle accepte de recruter de futures
36 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
y apprendre que l’amitié que les personnes de mauvaises mœurs pa-
raissent leur accorder si facilement, n’est jamais qu’un piège dange-
reux, et aussi fatal à leur bonheur qu’à leur vertu.
Laclos, préface des Liaisons dangereuses.
Ecriture d’invention
Consigne. En vous inspirant de cette préface et en vous fondant
sur les arguments empruntés à Laclos et contextualisés, rédigez un
texte invitant les élèves de votre lycée à lire Chavirer.
2 Cathy, héritière de la marquise
de Merteuil
Question
Comment Cathy procède-t-elle pour approcher et recruter les ado-
lescentes ? En cas d’échec, que propose Galatée?
Éléments de réponse
Femme aussi perfide qu’avisée, à l’image de la Marquise Merteuil,
Cathy piège sans difficulté les filles de treize ans déployant un scé-
nario parfaitement réglé, déroulé point par point. Pour signaler la
perversité et la toxicité de la relation qui s’instaure on pourra en
dérouler les étapes qui vont du repérage à l’attachement indéfec-
tible, en passant par l’appât et une forme de corruption.
candidates, elle offre, telle Janus, un second visage, prise dans
la spirale de la culpabilité : « face, victime, pile, coupable ». Ayant
acquis au collège « un pouvoir plus magnétique encore », entourée
de suppliantes, Cléo expose les avantages qu’offre la fondation
avec un bémol, elle « en donnait une version policée, sans men-
tion de Jean-Christophe ni de doigts » confirmant la dualité de son
statut.
Comment évaluer la responsabilité d’une enfant de 13 ans ?
Betty devenue adulte, consciente des ravages générés par cette
mission, l’exempte de responsabilité.
3 Les stigmates du traumatisme
Le soir-même du déjeuner, se manifestent déjà les premiers
symptômes « La tête lui tournait comme si on l’avait balancée d’un
avion, solitude cosmique. Au milieu de la nuit, des nausées vides
l’avaient saisie, des spasmes et de la bile. » Le malaise s’installe, et
Cléo, est conduite de médecin en spécialiste pour soigner ses
vomissements, urticaire ou asthme nocturne. Aucun n’apaise
le corps en souffrance. Autre signe de l’effondrement psycho-
logique, ses notes chutent. Des années durant, elle demeure
enfermée dans le «  manège grinçant d’une ferraille de mots sans
personne pour y mettre fin. » Ossip, le soigneur de Betty, signe
un dossier attestant de son état dépressif à l’origine de ses bles-
sures. Murée dans un silence sans fin, Cléo est la caisse de réson-
nance d’un monologue intérieur récurrent, car le « passé était
irréversible ».
 Lecture cursive et commentaire 1re

4 Enfourcher l’actualité : #Me Too
Pour élargir la question du consentement et l’inscrire dans un
cadre actuel, Lola Lafon s’adosse à un mouvement récent #Me Too,
introduit par le personnage d’Anton, neveu de Betty. Lors de son
anniversaire, il relate deux affaires d’abus sexuel sur une joueuse de
tennis et une actrice relayées par la presse, qui éveillent la curiosi-
té de sa tante. Dès lors, plus question d’effacer l’« histoire compli-
quée » et l’appel à témoins publié dans Libération décapsule la
confidence. À l’orée de la seconde partie, Cléo se confie à Yonasz,
puis les documentaristes posent le cadre juridique avec l’Office
central de la répression de la traite des êtres humains et relaient
les témoignages de la cavalière soutenus par la main courante de
la mère, puis celui de F. moins farouche qui obtint « une lettre de
recommandation à Lagerfeld ». Le documentaire démontrera que
« ces gamines n’avaient pas décidé d’échanger du sexe contre un stage
ou une lettre de recommandation. » Les élèves prendront conscience
que « cette affaire n’est pas « exceptionnelle », elle les concerne, elle
concerne tout le monde, n’importe qui. »

Étape 4 Le texte et son commentaire

Objectif : Apprendre à rédiger un commentaire
Modalités : Interprétation textuelle, rédaction du commentaire
Support: Extrait de Chavirer de Lola Lafon, p. 330
TEXTE
« …J’attendais. Mon journal intime renfermait des pages entières
de serment, dont celui de tout faire pour vivre une vie exceptionnelle,
sans aucune idée de ce qu’elle serait, sinon autre chose.
Cathy était une invitation à quitter la torpeur. J’aurai sans doute
passionnément aimé Cathy, être son élue.
Je me serais rendue aux déjeuners comme à une compétition pour
être l’élue la plus élue. Pour honorer la foi de Cathy en mon avenir.
Mon appréhension aurait été diluée par les attentions de ces hommes,
leurs questions. Ils auraient confirmé ma certitude naïve d’être re-
marquable, d’avoir un « destin ». Ils auraient confirmé ce dont j’étais
convaincue, déjà : mes parents ne me connaissaient pas.
J’aurai prétendu connaître les règles du jeu, j’aurai cherché à être
à la hauteur de cette « maturité » louée par les pseudo-jurés. L’argent
aurait renforcé la sensation d’avoir un pied dans le futur : un salaire,
rien qu’à moi. J’aurais fermé les yeux et n’y aurais vu que du cinéma,
de ces films dont je raffolais, dans lequel la soumission à un homme
avait les atours de l’audace et le visage de Kim Basinger dans Neuf
semaines et demie.
Peut-être aurais-je hésité à « assister » Cathy. Mais peut-être son
affection formidablement bien calculée aurait-elle eu raison de ma
réticence. Peut-être ma peur d’être relâchée dans ma vie d’avant Cathy
aurait-elle eu raison de mon hésitation. »
Lola Lafon, Chavirer, Actes Sud, 2020.

➔ Proposition de commentaire rédigé

Parcours de lecture
I. La pesanteur adolescente
1. L’attente d’autre chose
2. Devenir l’élue
II. L’apesanteur inespérée
1. Promesses et sortilèges
de la fée Cathy
2. Dans la peau de Cléo
« L’écriture est ce compromis entre une liberté, une histoire et un souvenir. » Signée
Roland Barthes, cette sentence définit le projet de Lola Lafon, romancière mais aussi
danseuse et chanteuse. Liberté de rompre avec une linéarité narrative, de ne pas proposer
un portrait ; histoire d’une héroïne âgée de treize ans ayant postulé à une offre de bourse
par une fondation, racontée à travers ses rencontres à divers âges ; et enfin souvenir brûlant
d’une lèpre dévorante qui achemine le lecteur dans une constellation de personnages jusqu’à
l’image finale. Dans la seconde partie du roman, très brève, l’écheveau de la prédation se
dénoue par des mains bien documentées. L’extrait proposé est constitué d’une page du
journal d’Enid, permettant au lecteur de se demander ce qu’il aurait fait dans la peau des ces
adolescentes immobilisées à l’ancre d’une morne pesanteur, rêvant d’envol et d’apesanteur.
Sous le joug d’une immédiateté qui en chasse une autre, un adolescent d’aujourd’hui
ne songe qu’à secouer la monotonie journalière dans l’attente d’un improbable événement
extérieur. « J’attendais » écrit Enid usant de l’imparfait à valeur durative, pour signifier
le lac sans vague et sans borne de son quotidien. C’est pourquoi lorsque se présente
l’inattendu qui fissure l’immobilisme, il irradie chargé de promesses. L’apparition de Cathy
vaut ainsi comme « une invitation à quitter la torpeur », à s’ébrouer dans une action qui la
mobilise pleinement. A l’instar de Cléo, incomprise, étrangère à sa propre famille, Enid en
est convaincue, « mes parents ne me connaissaient pas. » Le danger sommeille en chaque
jeune fille en déséquilibre sur le fil de l’enfance, animée du désir d’être reconnue, distinguée.
Comment résister à cette fée qui confirme par son surgissement impromptu « ma certitude
naïve d’être remarquable, d’avoir un « destin ». » Avoir été repérée donne la conviction
intérieure d’être enfin en marche vers un avenir radieux, que la narratrice prend soin de
nuancer en opposant les adjectifs « naïve » et « remarquable ».
➔

SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 37

 Aussi lorsque brusquement, dans le ciel terne de l’adolescence, clignote l’étincelle d’une destinée
révélée, alors qu’on se sent « remarquable », être distinguée corrobore cette intuition. Enid n’a pas
échappé à ce sentiment puisqu’elle s’exprime au futur antérieur et non au conditionnel pour l’avouer,
« J’aurai sans doute passionnément aimé Cathy, être son élue. » Le modalisateur du doute collé à
l’adverbe ne freine en rien le sifflement aigu (s) de l’adulation. L’adverbe antéposé devant le participe
passé « aimé » décuple la charge affective, l’élan éperdu, le don total et sans retenue une fois les
vannes d’une vie ardente entrouvertes. Le superlatif corrobore cette ferveur d’une ambition sans
frein, « Je me serais rendue aux déjeuners comme à une compétition pour être l’élue la plus élue. »
Car la comparaison « comme à une compétition » défend l’idée d’une rivalité sportive, taisant celle de
prédation qui se joue dans l’ombre. En nous donnant accès au journal de la documentariste, à cette
attente gangrénée d’ennui non seulement de Cléo, mais comme le prouve cet écrit intime, d’Enid ou
de n’importe quelle adolescente, la romancière montre à quel point il est aisé pour des prédateurs de
manipuler ces jeunes filles pétries de rêves et d’espoir.
Une fois secoué l’immobilisme paralysant, les voilà en apesanteur sous la baguette magique de la
fée Cathy, épicentre de la fondation Galatée. Dès lors qu’elle paraît dans leur vie, l’horizon se tapisse
de promesses. Immanquable, à cinq reprises son prénom résonne. Bien que « passionnément » aimée,
elle n’offre en retour qu’une « affection formidablement bien calculée ». Pour masquer le caractère
mensonger de ce faux attachement, il faut bien deux adverbes mélioratifs avant l’introduction de
l’adjectif final hérissé par l’allitération en « c ». Mieux que leur propre mère, elle incarne un modèle
d’élégance et de culture ; complice et miraculeusement accessible, elle tient par le cœur ces jeunes
filles qui placent en elle toute leur confiance à l’instar d’Enid prête à suivre la voie tracée « pour honorer
la foi de Cathy en mon avenir. » Quoi de plus puissant que le lexique religieux pour éclairer le sacrifice
à venir, le don de soi formulé tel un vœu de fidélité par une novice ? Alors « peut-être » cette croyance
aveugle en la sincérité de l’amour de Cathy « aurait-elle eu raison de ma réticence ». Car parallèlement
aux paillettes de l’amour, Cathy fait miroiter celles de l’argent. Sans doute faut-il la force d’un sortilège
pour troquer son innocence contre quelques billets, Enid comme Cléo reconnaît le degré de persuasion
de cette monnaie « L’argent aurait renforcé la sensation d’avoir un pied dans le futur : un salaire, rien
qu’à moi. » Pailletée, la féérie s’avère d’une redoutable efficacité, aussi Lola Lafon entrouvre-t-elle des
« pages entières de serment » du journal d’Enid pour en témoigner.
Pourquoi introduire à ce stade du roman une écriture biographique ? Enid n’y relate ni ce qui occupe
ses journées ni ses états d’âme, elle y consigne une projection fictive de sa vie d’adolescente enferrée
dans l’ennui et l’attente. Futur antérieur, conditionnel et modalisateurs de l’incertitude _ « sans doutes,
peut-être » _ soulignent cette éventualité. Cependant, en endossant l’identité d’une de ces jeunes filles
de treize ans, elle se met dans la peau de Cléo, comme elle « convaincue, déjà : mes parents ne me
connaissaient pas », contrairement à Cathy qui la comprenait si bien et parlait son langage. Comme
elle, avec l’ambition d’une compétitrice « Je me serais rendue aux déjeuners » et forte d’avoir été
repérée, « Mon appréhension aurait été diluée par les attentions de ces hommes, leurs questions. » Se
retrouver soudain sous les yeux d’un jury pourrait effrayer une enfant, « peut-être aurais-je hésité à
« assister » Cathy », mais encouragée par ses conseils, « J’aurai prétendu connaître les règles du jeu,
j’aurai cherché à être à la hauteur de cette « maturité » louée par les pseudo-jurés » car avait sonné
l’heure de « tout faire » pour s’affirmer « exceptionnelle », de démontrer une assurance inébranlable.
Plus mûre que Cléo, Enid confesse une stratégie réfléchie, « J’aurais fermé les yeux et n’y aurais vu
que du cinéma » ; il n’est pas question de se dérober, l’opportunité est trop inespérée, alors il suffit
de se mettre dans la peau d’une héroïne irrésistible ayant « les atours de l’audace et le visage de
Kim Basinger dans Neuf semaines et demie » et d’occulter qu’il s’agit en fait de « soumission à un
homme ». Kim, autre actrice modèle dans le sillage de Brooke Shield ou de Valéry Kaprisky dont Cléo
est supposée s’inspirer selon Cathy pour leur grande « maturité ».
En laissant croire qu’elle cède la plume à Enid, la narratrice nous transporte dans l’univers
mental d’une ado de douze ans qui n’est ni Cléo, ni Betty mais qui aurait cédé aux mêmes sirènes
« galatéennes ». Il semble que le scénario « face, victime, pile, coupable », se répète identique, en
faveur d’une innocence piétinée. La page du journal d’Enid brosse le portrait de n’importe quelle
adolescente et nous invite à réfléchir à ce que nous aurions fait à notre tour. Murée dans le silence,
Cléo espérait un jugement conforme à la faute commise, indélébile. « Il faut raconter ce qui hante. Et
les sujets des docus comme ceux des romans sont des paravents qui masquent des questions non
résolues ». En démultipliant les points de vue sur Cléo, sans la juger, Lola Lafon nous invite à déchiffrer
ces « questions non résolues » peut-être les nôtres.

38 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021

Étude de PRÉPARER LA QUESTION DE GRAMMAIRE DU BAC
la langue
La négation
FICHE
ÉLÈVE
dans les textes
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d’Olympe de Gouges
Par Martine Rodde et Édith Wolf, professeures de Lettres
Les citations sans référence sont extraites de la Déclaration, les
autres, d’œuvres dramatiques d’Olympe de Gouges.
Les outils grammaticaux de la négation
Leçon
• Les locutions adverbiales ne… pas, et ne… point expriment une
négation totale : elle porte sur l’ensemble de la proposition.
Ex. « Peu faite au langage que l’on tient aux rois,- je n’emploierai
point l’adulation des courtisans pour vous faire hommage de cette
singulière production. » (À la Reine)
– La négation totale peut être exprimée par le terme « ne » seul
après les verbes oser, cesser, savoir, pouvoir, vouloir.
Ex. « Je ne puis m’empêcher d’arrêter la presse. »
• La négation partielle porte sur un des éléments de la proposition.
Le terme « ne » est complété par un adverbe (jamais, plus, encore,
nulle part), un pronom indéfini (personne, rien), ou un adjectif
indéfini (aucun, nul).
Ex. « Nulle femme n’en est exceptée. » La négation porte sur le
sujet.
• Pour coordonner deux éléments négatifs, on emploie des néga-
tions doubles : ne…ni… ni, ou ne pas… ni.
Ex. « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas
assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de
Constitution. »
La locution ne… que n'est pas négative mais uniquement
restrictive.
Exercice 1
a. Repérez les deux éléments des locutions négatives.
b. Dites si les négations sont totales ou partielles.
c. Précisez la nature des éléments des négations partielles.
1. Je n’ai pas attendu, pour m’exprimer ainsi, l’époque de la liberté.
(À la Reine)
2. Je n’ai jamais pu me persuader qu’une princesse, élevée au sein
des grandeurs, eût tous les vices de la bassesse. (À la Reine)
3. Croyez-moi, Madame, notre vie est bien peu de chose, surtout
pour une reine, quand cette vie n’est pas embellie par l’amour des
peuples. (À la Reine)
4. Mon opinion serait de raccommoder le pouvoir exécutif avec le
pouvoir législatif car il me semble que l’un est tout et que l’autre n’est
rien.
5. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de fana-
tisme, de préjugés et de mensonges.
6. Le cabinet n’avait point de secret pour leur indiscrétion.  être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elles n’or-
7. Elle ne peut être admise à aucune fonction publique.
Exercice 2
a. Transposez les éléments négatifs à la forme affirmative (il
y a parfois plusieurs solutions) en faisant les modifications
nécessaires.
b. Dites si les négations de ces phrases sont partielles ou totales.
1. La déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ne prévoyait
rien concernant le rôle public des femmes.
2. Les femmes n’avaient jamais été considérées comme devant par-
ticiper à la vie politique.
3. Après la Révolution, au début du xixe siècle, elles ne pourront
plus s’exprimer publiquement.
4. Olympe de Gouges n’était pas le véritable nom de l’auteure de la
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
5. Fille naturelle d’un notable, elle n’avait reçu aucune instruction.
6. Elle n’hésitera pas cependant à prendre la parole.
7. Elle n’accepte l’injustice nulle part : ni en France ni dans les
colonies.
Exercice 3
Mettez les éléments soulignés à la forme négative (double néga-
tion). Faites les modifications nécessaires.
1. Dans une pièce d’Olympe de Gouges, Zamore et Mirza sont les
personnages principaux.
2. Zamore, esclave, met en question les arguments des maîtres qui
disent : « nous avons sur nos esclaves une supériorité morale et un droit
de propriétaire ».
3. Valère, un personnage de maître, a perdu sa femme et son enfant.
4. Zamore, qui devait être exécuté sera, à la fin, considéré comme
coupable et comme fugitif.
5. Sophie, qui est à leur recherche, pense qu’elle retrouvera un jour
sa fille et son père.
Exercice 4
Remplacez la locution ne… que par un adverbe de même sens.
1. La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment
nécessaires.
2. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité
commune.
3. […] l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que
la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose.
Exercice 5 SYNTHÈSE POUR LE BAC
Tout ce qui n’est pas défendu par ces lois, sages et divines, ne peut
donnent pas.
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 39
a. Relevez les locutions négatives et dites sur quelle partie de
chaque phrase porte la négation. Distinguez négation totale et
négation partielle.
b. Relevez un emploi du mot « ne » seul comme négation et dites à
quel verbe est lié cet emploi.
Exercice 6 SYNTHÈSE POUR LE BAC
Une femme n’avait besoin que d’être belle ou aimable ; quand elle
possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds. Si elle
n’en profitait pas, elle avait un caractère bizarre ou une philosophie peu
commune, qui la portait au mépris des richesses ; alors elle n’était plus
considérée que comme une mauvaise tête ; le commerce des femmes
était une espèce d’industrie reçue dans la première classe qui, désormais
n’aura plus de crédit.
a. Relevez une négation totale et une négation partielle.
b. Dans la proposition « elle n’était plus considérée que comme
une mauvaise tête » s’agit-il d’une négation ou d’une restriction ?
c. Repérez un emploi de la locution restrictive ne… que.
Les outils lexicaux de la négation
Leçon
• L’adverbe non
Seul, il est parfois appelé négation-phrase. Il peut aussi s’em-
ployer pour introduire le terme négatif d’une phrase.
Ex 1. « Cette garantie doit être instituée pour l’avantage et non pour
l’utilité particulière de celles à qui elle est confiée. » (DDFC)
• Des préfixes à sens négatif
De nombreux préfixes ont un sens négatif : in, dé, a …
Ex. Ces colons inhumains disent…
• La préposition sans et la conjonction de subordination
sans que
Ex.  Sans avoir égard à mes raisons, il me condamne impitoyable-
ment à payer au cocher ce qu’il demandait.
Exercice 7
Employez sans que ou sans et modifiez les éléments soulignés :
ajoutez, modifiez et supprimez des mots. Modifiez les modes
verbaux si nécessaire. Les phrases devront conserver le même sens.
1. Aucune instance politique ne le lui a demandé, et pourtant
Olympe de Gouges a compris la nécessité de défendre les droits
politiques des femmes.
2. Des maîtres avaient des enfants avec des esclaves noires et ne les
considéraient cependant pas comme leurs fils ou leurs filles.
3. Les femmes avaient un pouvoir moral et affectif sur les hommes
mais ce pouvoir ne leur donnait aucun droit politique.
4. Les femmes étaient jugées comme des êtres responsables par
les tribunaux et ne pouvaient cependant prétendre à aucune res-
ponsabilité politique.
Exercice 8 SYNTHÈSE POUR LE BAC
J’offre un moyen invincible pour élever l’âme des femmes ; c’est
de les joindre à tous les exercices de l’homme : si l’homme s’obstine à
trouver ce moyen impraticable, qu’il partage sa fortune avec la femme,
non à son caprice, mais par la sagesse des lois.
40 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
a. Relevez deux adjectifs comportant un préfixe négatif et expli-
quez leur sens.
b. Relevez un emploi de non et expliquez son fonctionnement dans
la phrase.
Valeurs de la négation
Leçon
• La négation peut être employée uniquement pour énoncer une
vérité négative. On parle alors de négation descriptive.
Ex. « Je ne l’aimais point » ( Zamore et Mirza).
• Dans un dialogue ou discours, la négation a souvent une valeur
polémique. Son locuteur combat un énoncé auquel il s’oppose.
Ex. « Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en
fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. »
• Les questions rhétoriques peuvent être à la forme négative.
Exercice 9
Les phrases suivantes sont extraites d’une pièce d’Olympe de
Gouges intitulée Les Vœux Forcés. Elle y combat la violence faite à
certaines jeunes filles qu’on obligeait à devenir religieuses contre
leur volonté.
Quelles négations sont descriptives, lesquelles sont polémiques ?
1. Tu ne connais pas mon père. Violent, despote, la moindre résis-
tance à ses volontés est une injure qu’il ne pardonne jamais.
2. La Religion ne commande point d’être sourd à la voix de
la nature.
3. Ni promesses, ni menaces ne me feront manquer à mon devoir.
4. Je ne demande point à sortir de ce Cloître, mais au moins qu’on
retarde la cérémonie dont la religion s’irriterait.
5. Nulle puissance ne peut me séparer de vous, je suis majeur, j’ai le
droit de me choisir une compagne. Votre consentement seul déci-
dera de votre sort ; venez.
6. ARRÊTEZ ! Non, cet affreux sacrifice ne s’achèvera pas.
Exercice 10 SYNTHÈSE POUR LE BAC
Étude de la négation dans un texte
Il était bien nécessaire que je dise quelques mots sur les troubles
que cause, dit-on, le décret en faveur des hommes de couleur, dans
nos îles. C’est là où la nature frémit d’horreur ; c’est là où la raison
et l’humanité n’ont pas encore touché les âmes endurcies ; c’est là
surtout où la division et la discorde agitent leurs habitants. Il n’est
pas difficile de deviner les instigateurs de ces fermentations incen-
diaires : il y en a dans le sein même de l’Assemblée nationale : ils
allument en Europe le feu qui doit embraser l’Amérique. Les colons
prétendent régner en despotes sur des hommes dont ils sont les
pères et les frères, et méconnaissant les droits de la nature ils en
poursuivent la source jusque dans la plus petite teinte de leur sang.
Ces colons inhumains disent : notre sang circule dans leurs veines,
mais nous le répandrons tout, s’il le faut, pour assouvir notre cupi-
dité, ou notre aveugle ambition.
a. Relevez une négation partielle. Pourquoi peut-on dire que son
emploi révèle une pensée politique optimiste ?
b. Relevez une négation totale.
c. Relevez deux mots comportant un préfixe négatif. Montrez la
valeur polémique de ces deux termes.
 Étude de la langue CORRIGÉS DES EXERCICES
Exercice 1
a.
1. Je n’ai pas attendu, pour m’exprimer
ainsi, l’époque de la liberté. (À la Reine)
2. Je n’ai jamais pu me persuader qu’une
princesse, élevée au sein des grandeurs,
eût tous les vices de la bassesse. (À la Reine)
3. Croyez-moi, Madame, notre vie est bien
peu de chose, surtout pour une reine,
quand cette vie n’est pas embellie par
l’amour des peuples. (À la Reine)
4. Mon opinion serait de raccommoder le
pouvoir exécutif avec le pouvoir législatif
car il me semble que l’un est tout et que
l’autre n’est rien.
5. Le puissant empire de la nature n’est plus
environné de fanatisme, de préjugés et de
mensonges.
6. Le cabinet n’avait point de secret pour
leur indiscrétion.
7. Elle ne peut être admise à aucune fonc-
tion publique.
b. et c.
1. n’…pas : négation totale.
2. n’… jamais : négation partielle, jamais est
un adverbe.
3. n’…pas : négation totale.
4 n’…rien : négation partielle, rien est un
pronom indéfini.
5. N’…plus : négation partielle, plus est un
adverbe.
6. n’…point : négation totale.
7. ne… aucune : négation partielle, aucune
est un adjectif indéfini.
Exercice 2
a.
1. La Déclaration des droits de l’Homme
et du Citoyen prévoyait quelque chose
concernant le rôle des femmes.
2. Les femmes avaient déjà été considé-
rées.
3. Après la Révolution, au début du xixe
siècle, elles pourront encore s’exprimer
publiquement.
4. Olympe de Gouges était le véritable
nom de l’auteure de la Déclaration des
droits de la femme et de la citoyenne.
5. Elle avait reçu une certaine instruction.
6. Elle acceptera de prendre la parole.
7. Elle accepte l’injustice partout/dans
certains endoits.
b. Phrases 1, 2, 3, 5, 7 : négations partielles.
Phrases 4, 6 : négations totales.
Exercices 3
1. Ni Zamore ni Mirza ne sont les person-
nages principaux.
2. Nous n’avons sur nos esclaves ni supé-
riorité morale ni droit de propriétaire.
3. Valère n’a perdu ni sa femme ni
son enfant.
4. Zamore ne sera, à la fin, considéré ni
comme coupable ni comme fugitif.
5. Sophie pense qu’elle ne retrouvera
jamais sa fille ni son père.
Exercice 4
1. La loi doit établir uniquement des
peines strictement et évidemment néces-
saires.
2. Les distinctions sociales peuvent être
fondées seulement sur l’utilité commune.
3. […] l’exercice des droits naturels de la
femme a pour bornes seulement la tyran-
nie perpétuelle que l’homme lui oppose.
Exercice 5 SYNTHÈSE POUR LE BAC
a. Locutions négatives  : n’(est) pas, ne,
nul ne, n’(ordonnent) pas. La négation
partielle est nul ne, les autres sont des
négations totales.
b. Ne est employé seul avec le verbe
pouvoir.
Exercice 6 SYNTHÈSE POUR LE BAC
a. Négation totale  : si elle n’en profitait
pas.
Négation partielle : qui désormais n’aura
plus de crédit.
b. «  Elle n’était plus considérée que
comme une mauvaise tête on peut rem-
placer ne que par seulement : Elle était
désormais considérée seulement comme
une mauvaise tête. Il s’agit donc d’une
restriction malgré la présence de l’ad-
verbe plus.
c. Ne que : une femme n’avait besoin que
d’être belle et aimable.
Exercice 7
1. Sans qu’aucune instance politique
le lui ait demandé, Olympe de Gouges
a compris la nécessité de défendre
les droits politiques des femmes.
2. Des maîtres avaient des enfants… sans
les considérer cependant comme leurs
fils ou leurs filles.
3. Les femmes avaient un pouvoir moral
et affectif sur les hommes sans que ce
pouvoir leur donne aucun droit politique.
4. Les femmes étaient jugées comme des
êtres responsables par les tribunaux sans
pouvoir cependant prétendre à aucune
responsabilité politique.
Exercice 8 SYNTHÈSE POUR LE BAC
a. invincible, impraticable ont un préfixe
négatif.
b. « Non par son caprice » s’oppose à « par
la sagesse des lois ». Non introduit le pre-
mier terme de l’opposition.
Exercice 9
1. Deux négations descriptives.
2. Négation polémique, il s’agit d’une
réponse à un argument sur l’autorité
absolue de la religion.
3. Négation polémique  : il s’agit d’une
réponse à des ordres et des menaces.
4. Négation descriptive.
5. Négation polémique  : il s’agit d’une
rébellion contre une tentative de forçage
par l’autorité.
6. Négation polémique.
Exercice 10 SYNTHÈSE POUR LE BAC
a. « C’est là où la raison et l’humanité n’ont
pas encore touché les âmes endurcies.  »
L’optimisme réside dans l’emploi de « pas
encore  », qui révèle la foi de l’auteure
dans les lumières de la raison.
b. «  Il n’est pas difficile de deviner les
instigateurs de ces fermentations
incendiaires. »
c. Méconnaissant : les colons sont pré-
sentés comme des monstres, qui sont
capables de comportements contre
nature. Inhumains  : les colons, par
leur comportement, se sont bannis de
l’humanité.
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 41
Latin 2de LANGUES ET CULTURES DE L’ANTIQUITÉ
FICHE
ÉLÈVE
Psyché aux Enfers
Télécharger Par Jean-Pierre Aubrit, professeur de Lettres classiques
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Objet d’étude n°2 :
l’homme et le divin : le voyage aux Enfers
Présentation
Le conte d’Amour et Psyché couvre deux livres sur les onze des Méta-
morphoses. Moins célèbre que celui d’Orphée1, le voyage aux Enfers
de Psyché est lui aussi lié à l’amour et ses épreuves. La confrontation
entre les textes d’Apulée et de Molière permet de percevoir la variété
des significations – propres et figurées – que recouvre pour le mortel
le monde infernal.
1. Voir l’article « Variations picturales sur Orphée », NRP Collège, janvier
2021, p. 36-41.
Psyché dans Les Métamorphoses d’Apulée
Dans Les Métamorphoses, Apulée raconte les amours de Psyché,
une belle mortelle, et de Cupidon, dieu de l’amour et fils de Vénus.
Hostile à leur relation, cette dernière impose diverses épreuves à la
jeune fille. L’une d’elles consiste à rapporter des Enfers un coffret conte-
nant un peu de la beauté de Proserpine, l’épouse de Pluton. Dûment
munie de conseils pour affronter le monde souterrain, Psyché est par-
venue jusqu’à la déesse des Enfers et lui a exposé sa requête.
Statimque secreto repletam conclusamque pyxidem suscipit et
offulae sequentis fraude caninis latratibus obseratis residuaque
navitae reddita stipe longe vegetior ab inferis recurrit. Et re-
petita atque adorata candida ista luce, quanquam festinans
obsequium terminare, mentem capitur temeraria curiositate
et : « Ecce, inquit, inepta ego divinae formonsitatis gerula, quae
nec tantillum quidem indidem mihi delibo vel sic illi amatori
meo formonso placitura », et cum dicto reserat pyxidem. Nec
quicquam ibi rerum nec formonsitas ulla, sed infernus somnus
ac vere Stygius, qui statim coperculo relevatus invadit eam
crassaque soporis nebula cunctis ejus membris perfunditur et
in ipso vestigio ipsaque semita conlapsam possidet. Et jacebat
immobilis et nihil aliud quam dormiens cadaver.
Apulée, Les Métamorphoses, VI, 20-21
On remplit en secret, on ferme la cassette et Psyché la reçoit. À
l’aide du second gâteau, elle donne le change au chien et muselle la
bête aboyante, remet en paiement au passeur la pièce de monnaie
qui lui reste et, d’un pas bien plus alerte, elle ressort des Enfers.
Mais, après qu’elle eut, en la retrouvant, adoré la blanche lumière
de ce monde, et malgré la hâte qu’elle avait d’arriver au bout de sa
tâche, une curiosité téméraire s’empara de son esprit. « Eh quoi !
dit-elle, suis-je assez sotte de porter la beauté divine sans en préle-
ver même une parcelle pour moi et plaire ainsi, qui sait ? à mon bel
42 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
amant. » Et, tout en parlant, elle ouvre la boîte. Mais dans la boîte,
rien du tout ; de beauté, pas la moindre trace ; rien qu’un sommeil
infernal, un vrai sommeil de Styx, qui l’envahit sitôt libéré du cou-
vercle, répand sur tous ses membres une épaisse vapeur léthargique,
et l’étend captive sur le chemin, à la place même où elle posait le
pied. La voilà gisante, immobile : bref, un cadavre endormi.
Traduction de Paul Vallette, © Les Belles Lettres, C.U.F.
Traduction et commentaire du texte d’Apulée
1. À l’aide du dictionnaire, proposez une traduction mot-à-mot de
la première phrase (du début jusqu’à « recurrit. »). Comparez-la avec
la traduction : quelles remarques syntaxiques pouvez-vous faire ?
2. Identifiez les deux êtres que Psyché rencontre et justifiez vos
réponses. En songeant au double trajet de l’héroïne, expliquez les
adjectifs residua et sequentis.
3. Précédemment, un présage a mis en garde Psyché contre la ten-
tation d’ouvrir la boîte. Quel sort connaît-elle après avoir enfreint
cette interdiction ? En quoi est-ce ironique ?
Le mythe de Psyché chez Molière
Le mythe de Psyché a été repris par Molière (avec l’aide de Corneille
pour la versification) dans une tragédie-ballet en cinq actes. Voici le
texte du 4e intermède et le début du monologue de Psyché qui suit cet
intermède.
La scène représente les Enfers. On y voit une mer toute de
feu, dont les flots sont dans une perpétuelle agitation. Cette mer
effroyable est bornée par des ruines enflammées ; et au milieu de
ses flots agités, au travers d’une gueule affreuse, paraît le palais
infernal de Pluton. Huit Furies en sortent, et forment une entrée
de ballet, où elles se réjouissent de la rage qu’elles ont allumée
dans l’âme de la plus douce des Divinités1. Un Lutin mêle quanti-
té de sauts périlleux à leurs danses, cependant que Psyché qui a
passé aux Enfers par le commandement de Vénus, repasse dans
la barque de Charon, avec la boîte qu’elle a reçue de Proserpine
pour cette déesse.
PSYCHÉ
Effroyables replis des ondes infernales,
Noirs palais où Mégère et ses sœurs font leur cour,
Éternels ennemis du jour,
Parmi vos Ixions, et parmi vos Tantales,
Parmi tant de tourments qui n’ont point d’intervalles2, 5
Est-il dans votre affreux séjour
Quelques peines qui soient égales
Aux travaux3 où Vénus condamne mon amour ?
Elle n’en peut être assouvie,
 Et depuis qu’à ses lois je me trouve asservie, 10
Depuis qu’elle me livre à ses ressentiments4,
Il m’a fallu dans ces cruels moments
Plus d’une âme, et plus d’une vie,
Pour remplir ses commandements.
Molière, Psyché, 1671.
1. Il s’agit de Vénus. 3. Aux épreuves.
2. Qui sont continuels. 4. À sa rancune.
Une version iconographique : Psyché aux Enfers du peintre E.-E. Hillemacher (1818-1887)
Eugène-Ernest Hillemacher, Psyché aux Enfers, 1865.
Commentaire du texte de Molière
4. Par quels procédés le spectacle décrit par l’intermède restitue-t-il
le monde infernal ?
5. Faites une recherche sur les noms propres évoqués par Psyché
dans les v. 2 et 4. À quel aspect du monde infernal se réfèrent-ils ?
6. À quoi sont comparées les épreuves infligées par Vénus ? En quoi
cette comparaison rend-elle pitoyable le sort de Psyché ?
Commentaire du tableau
de Hillemacher
7. D'après le texte d'Apulée, mais aussi
en vous fondant sur vos connaissances
mythologiques, identifiez les divers per-
sonnages de cette scène en justifiant
votre réponse. Observez ce que Psyché
tient à la main : à quelle étape de son
voyage aux Enfers en est-elle ?
8. Comment le peintre rend-il l’atmos-
phère du monde infernal ? Commentez
l’attitude de Psyché.
SEPTEMBRE 2021 NRP LYCÉE 43
 Latin 2de
Traduction et commentaire
du texte d’Apulée
1. Statimque = Et aussitôt
suscipit = elle reçoit
pyxidem = le coffret
repletam = [que l’on a] rempli
conclusamque = et fermé
secreto = en secret
et latratibus = et les aboiements
caninis1 = du chien
obseratis = ayant été verrouillés (après
avoir paralysé les aboiements du chien)
fraude = grâce à la ruse
sequentis2 = du second
offulae = bout de gâteau,
stipe-que = et l’obole
residua = qui [lui] reste
reddita = ayant été remise
navitae = au nocher (et avoir remis au
nocher l’obole qui lui reste)
recurrit= elle ressort en courant
ab inferis = des Enfers,
longe vegetior = bien plus vive
1. Ces « aboiements canins » ne sont le fait
que d’un seul chien, le fameux Cerbère.
2. sequens (= suivant) a ici le sens de
secundus.
La disparité du nombre de verbes principaux
dans chaque texte est flagrante : deux chez
Apulée contre sept dans la traduction. Cela
tient à la différence fondamentale entre
les syntaxes des deux langues : la phrase
latine tend à subordonner à l’action princi-
pale toutes les actions secondaires, quand
le français préfère la parataxe. Ainsi dans la
1re prop. d’Apulée, les part. passifs repletam
conclusamque apposés au COD de suscipit
expriment les actions antérieures, que le
traducteur rend par deux 2 verbes actifs (On
remplit, on ferme) coordonnés au 3e. Même
phénomène dans la 2de prop. latine, où ce
sont les deux abl. abs. caninis […] reddita
qui sont rendus par deux verbes principaux,
muselle et remet en paiement ; de plus, l’abl.
de moyen fraude a été tourné par un autre
verbe principal, elle donne le change.
2. En sortant des Enfers, Psyché retrouve
Cerbère, le chien aux trois têtes, impi-
toyable gardien du royaume souterrain,
et dont les formidables aboiements (latra-
tibus) peuvent dissuader les morts d’accé-
der au royaume de Pluton. Elle a été avertie
de l’apaiser en lui donnant « un gâteau de
44 NRP LYCÉE SEPTEMBRE 2021
GUIDE DE L’ENSEIGNANT ET CORRIGÉS
farine d’orge pétri avec du vin additionné
de miel1 », à l’aller et au retour : c’est donc le
second (sequentis) qu’elle lui offre ici. Juste
après, Psyché rencontre Charon, le « pas-
seur » qui sur sa barque fait traverser le Styx,
en échange d’une «  pièce de monnaie  »
(stipe). Mais contrairement aux défunts qui
ne font aux Enfers qu’un aller sans retour,
on a invité Psyché à se munir d’une seconde
pièce (qu’elle a gardée et qui donc est « de
reste », residua) pour repasser le fleuve.
3. Ayant enfreint l’interdiction d’ouvrir le
coffret, Psyché sombre instantanément
dans un sommeil qui ressemble à la mort,
comme le montre l’abondant champ lexi-
cal du trépas : « un sommeil infernal, un vrai
sommeil de Styx, qui […] l’étend captive
[…] gisante, immobile ». Elle qui vient d’ac-
complir ce qui est permis seulement aux
héros tels Hercule, Orphée ou Énée, à savoir
défier la loi des Enfers, là voilà, en punition
de son sacrilège, frappée d’une malédiction
comme les grands réprouvés du Tartare,
prisonnière du monde infernal et réduite
à l’état de « cadavre » (même si ce cadavre
n’est qu’« endormi », ce qui laisse l’espoir
de rompre le sortilège : ce sera la tâche de
Cupidon dans la suite immédiate du récit).
Le texte de Molière
4. Pièce à machines ornée d’intermèdes
musicaux et chorégraphiques, Psyché se
voulait un spectacle grandiose, avec pas
moins de 327 personnages différents
et une foule de figurants, 13 chanteurs
solistes, un grand chœur, 66 danseurs et
120 instrumentistes. Spectacle fait pour
impressionner, comme dans cet intermède
aux couleurs rougeoyantes (de la «  mer
toute de feu » aux « ruines enflammées »), au
décor terrifiant (« mer effroyable », « gueule
affreuse »), et tout entier animé d’un mouve-
ment fougueux : au milieu de la « perpétuelle
agitation » des flots, « [h]uit Furies » dansent
un « ballet » enfiévré par une joie mauvaise
(« elles se réjouissent de la rage qu’elles ont
allumée » en Vénus) et « un Lutin mêle quan-
tité de sauts périlleux à leurs danses ».
5. Mégère est, avec « ses sœurs » Tisiphone
et Alecto, l’une des trois Furies : d’un aspect
hideux avec leur chevelure entortillée de
serpents et leurs yeux pleurant des larmes
de sang, ces divinités archaïques, équiva-
lant aux Érinyes grecques, pourchassent
sans relâche les criminels qu’elles frappent
de douleurs et de folie. Quant à Ixion et
Tantale, ce sont deux des grands suppliciés
des Enfers, condamnés pour leurs crimes à
subir éternellement une sanction atroce :
le premier à tourner sans arrêt sur une roue
enflammée, le second à éprouver une faim
et une soif toujours près de se satisfaire et
jamais assouvies. Ces trois figures mytholo-
giques font référence (du point de vue des
bourreaux pour la première, des condam-
nés pour les deux autres) aux châtiments
infligés aux mortels par les dieux.
6. Psyché invoque les lieux infernaux (v. 1-3)
pour assimiler son sort aux grands suppli-
ciés punis par les dieux (le pluriel généralise
les deux exemples à l’ensemble des crimi-
nels du Tartare). La question rhétorique
des v. 6-8 et l’hyperbole du v. 13 indiquent
même que leur sort est moins lamentable
que le sien à elle, qui voit se multiplier
sans fin les « travaux ». Mais la dispropor-
tion entre le châtiment et le motif (« mon
amour ») fait ressentir toute l’injustice dont
elle est victime : « Mégère et ses sœurs »
poursuivent d’authentiques criminels,
Vénus ne fait qu’assouvir une vengeance
personnelle, dans le plus complet arbitraire.
Le tableau de Hillemacher
7. Hillemacher suit très fidèlement Apulée.
Au fond à gauche, les trois femmes, dont
l’une tient un fuseau de laine, sont les
Parques qui filent et coupent le destin
des mortels, les «  sœurs tissandières  »
dont Psyché doit « dédaigne[r] les prières
insidieuses  »2. Au centre, Psyché tient à
la main le coffret donné par Vénus pour
recueillir un peu de la beauté de Proserpine
et les gâteaux destinés à amadouer Cer-
bère : elle est donc en train de débarquer
aux Enfers. Charon, à droite, accoste sa
barque, à laquelle s’accroche « un mort flot-
tant à la surface du Styx », dont Psyché a eu
pour consigne de « négliger la requête »2.
8. Les couleurs – des bruns des parois
rocheuses au verdâtre de l’eau – créent
une atmosphère sombre, mais vivement
éclairée au fond par une grande fournaise
inquiétante, dont la flamme semble incen-
dier l’eau du Styx. Sur ce fond lugubre, se
détache Psyché, lumineuse et délicate, tout
entière concentrée sur sa tâche.
1. Apulée, Les Métamorphoses, VI, 18
2. Apulée, Les Métamorphoses, VI, 20.
 C A R R É S C L A S S I Q U E S LYC É E

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