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AL N° 11 CORNEILLE, L’Illusion comique (1635) : V, 5 : de « PRIDAMANT. ― Mon fils comédien !

»
à « ALCANDRE. ― … et le plaisir des grands. »

① INFORMATIONS GÉNÉRALES : AUTEUR + ŒUVRE + SITUATION DE L'EXTRAIT


• AUTEUR :
• CORNEILLE (1606-1684), appelé également « le grand Corneille » ou « Corneille l'aîné » est un
dramaturge et poète français du XVIIe siècle.
• Aîné de six enfants, il suit ses études au collège des jésuites à Rouen où il obtiendra un diplôme de
droit. Mais sa timidité excessive le fait renoncer au barreau et devient écrivain.
• Son théâtre, jonglant entre les comédies et les tragédies, mêlant divers genres, apporte un nouveau
souffle, en particulier au niveau de la comédie : il prouve que l'on peut faire rire sans user de
grossièretés. Dans ses tragédies, il aime mettre en scène des personnages d'une grandeur d'âme mais
qui sont confrontés à leur passion ou à des choix difficiles (d'où l'expression « choix cornélien »).
• Le cardinal de Richelieu sera charmé par son théâtre et lui offrira une pension.
• Il écrira environ 33 pièces (dont 17 comédies / tragi-comédies).
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• ŒUVRE :
• L'Illusion comique est écrite en 1635 – lorsqu'il a 29 ans –, puis représentée en 1636 au théâtre du
Marais.
• Cette pièce de théâtre marquera un tournant dans la carrière de l'écrivain : hormis Le Menteur
(1643), ce sera la dernière comédie que C ORNEILLE écrira. Dans cette pièce, on y voit l'aboutissement
du talent du dramaturge où il sait mélanger tous les genres théâtraux.
• Cette pièce de théâtre a pour thème essentiel le théâtre, d'où le titre de la pièce.
↘ Il s'agit d'un bourgeois nommé Pridamant qui veut retrouver son fils, Clindor, parti depuis dix
ans. Il fait appel aux pouvoirs d'Alcandre, un magicien de renom qui lui montrera la vie de son fils,
devenu comédien.
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• EXTRAIT :
• Il s’agit de la scène 5 de l’acte V, dernière scène de la pièce : Pridamant vient d'apprendre que son fils
qu'il a vu mourir n'est en réalité pas mort mais comédien.
• Dans l’extrait étudié, par les mots d'Alcandre, CORNEILLE se permet de faire l'éloge du théâtre.

② IDÉE GÉNÉRALE DU TEXTE + PROBLÉMATIQUE


• IDÉE GÉNÉRALE DE L'EXTRAIT :
→ Après avoir montré à Pridamant que son fils est en vie et comédien, Alcandre entreprend de défendre
l'art qu'est le théâtre.
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• PROBLÉMATIQUE :
 En quoi cet extrait est-il un éloge du théâtre ?

③ IDENTIFICATION DES MOUVEMENTS DU TEXTE + TITRES


● Mouvement 1 :
→ v. 1 à 13 : Clindor, vivant et comédien !
● Mouvement 2 :
→ v. 14 à 23 : Le théâtre, cet art noble.

④ REPÉRAGE DES IDÉES DE CHAQUE MOUVEMENT + TITRES


1. v. 1 à 13 : Clindor, vivant et comédien !
- v. 1 : Surprise de Pridamant.
- v. 1 à 12 : Confirmation d'Alcandre sur le métier de Clindor.
- v. 13 : Aveu de naïveté de la part de Pridamant.
2. l. 14 à 23 : Le théâtre, cet art noble.
- v. 14 à 16 : Doutes de Pridamant quant à la légitimité du métier choisi par son fils.
- v. 17 & 18 : Réfutation d'Alcandre, double de l'auteur.
- v. 19 : Vision ancienne et péjorative du théâtre.
- v. 20 à 23 : Renforcement de la présentation élogieuse du théâtre.

⑤ ANALYSE LINÉAIRE AVEC PRÉCISION DES MOUVEMENTS ET DES LIGNES

MOUVEMENT 1 – CLINDOR, VIVANT ET COMÉDIEN ! (v. 1 à 13)

A. Surprise de Pridamant (v. 1)


• v. 1 :
→ L’extrait s’ouvre sur le premier hémistiche du vers 1 prononcé par Pridamant : il s'agit d'une phrase
courte, simple, non verbale et exclamative. Pridamant exprime sa surprise quant au métier de Clindor,
son fils. Y sont mêlés à la fois la jioe de le savoir en vie et la surprise du choix d'une telle profession.

B. Confirmation d'Alcandre sur le métier de Clindor (v. 1 à 12)


• v. 1 à 12 : Il s'agit de la réplique d'Alcandre – composée de deux phrases complexes relativement
longues – qui répond à la surprise de Pridamant et durant laquelle le magicien expose les indices qui
confirment le métier de Clindor, éléments prouvant sa bonne santé et son épanouissment professionnel.
La tirade est gouvernée par les tonalités à la fois didactique et laudative : les aspects narratif et
surtout descriptif y sont mis en avant.
 v. 1-2 : confirmation du métier de Clindor
→ Il commence sa tirade par une présentation réaliste du théâtre : l'adjectif « difficile » associé au
terme « art » est renforcé par l'adverbe « si », mettant en valeur l'aspect méritoire de Clindor.
→ Ce départ négatif est immédiatement contredit par la métaphore « doux asile » (« asile », dans son
sens littéraire désigne un lieu où l'on trouve la paix, le calme).
→ De plus, il appuie sur l'aspect professionnel du métier de comédien avec l'expression « au besoin » qui
fait allusion à une rémunération : tout comme n'importe quel autre profession, le théâtre peut faire
vivre.
 v. 3-4 : rappel des péripéties vécues par Clindor
→ Afin de confirmer le métier de comédien du fils de pridamant, Alcandre n'hésite pas à rappeler les
péripéties auxquelles Pridamant a participé comme spectateur (l'utilisation du verbe « voir » conjugué
au passé composé – v. 2 – le confirme). Il énumère des faits à connotation négative : « prison », adultère
amour » et « trépas imprévu ».
 v. 5-6 : identification de la fin d'une tragédie jouée
→ Ensuite, il annonce l'aspect réel des péripéties grâce à une négation restrictive reconnaissable par les
adverbes de négations « ne... que » : il s'agit de la fin d'une tragédie (cela est confirmé par l'adjectif
« triste » associé au terme « fin » et à un autre adjectif, « tragique », épithète de « pièce »). La
négation restrictive a pour valeur, ici, de dédramatiser et d'annoncer l'art de jouer.
→ L'art de jouer se confirme par l'emploi du verbe « exposer » (signifiant « jouer ») conjugué au
présent d'énonciation qui est renforcé par l'adverbe « aujourd'hui » ainsi que par le complément
circonstanciel de lieu « scène publique ».
 v. 7-8 : succès de la troupe de Clindor à Paris
→ Les deux vers mettent en lumière le succès de la troupe de Clindor par l'emploi de termes mélioratifs
tels que « compagnons » (ce terme illustre les adjuvants de Clindor), l'adjectif « noble » attribué à
« métier » et « ravissent » (dans le sens positif du terme, à savoir procurer un plaisir extrême). L'éloge
du théâtre commence à se confirmer.
→ Le succès est confirmé par le lieu de la représentation : « Paris » (capitale où réside le roi) ainsi que
par l'expression superlative « tout entier » en définissant le public, c'est-à-dire le peuple.
 v. 9 à 11 : succès pécuniaire du métier de Clindor
→ L'auteur, dans les vers suivants, n'hésite pas à accentuer l'idée de succès par une description de la
richesse de Clindor en termes d'argent. Clindor use du champ lexical des moyens comme « gain »,
« équipage » pour décrire ce que possède le fils de Clindor.
→ Ces termes sont présentés avec un regard élogieux par le verbe « demeure », les adjectifs « grand »
et « superbe » (le dernier étant l'épithète de « étalage » dans la subordonnée relative qui rappelle ce
qu'a vu précédemment Pridamant / on notera le deuxième emploi du verbe « voir » au passé composé) et
l'adverbe « bien » confirmant définitivement la richesse de Clindor.
→ Cela sous-entend que le métier de comédien est une profession qui peut rendre riche.
 v. 11-12 : succès du succès de Clindor
→ Ce vers clôt la première tirade d'Alcandre : par une double négation (« non pour » et « qu'alors
que »), il confirme ce qu'il a énoncé précédemment en mettant en valeur la passion de Clindor dans la
mesure où il utilise sa richesse au service du théâtre.

C. Aveu de naïveté de la part de Pridamant (v. 13)


• v. 13 :
→ Ce vers est comme un aveu de naïveté de la part de Pridamant :
- le premier hémistiche – sous forme de proposition affirmative et conjugué au passé composé –
annonce qu'il a vraiment cru au décès de son fils (le terme « mort » est associée à l'adjectif « vraie »
qui en est le dernier mot) ;
- le second hémistiche s'oppose au premier dans sa construction et dans le choix du lexique : c'est une
proposition de forme négative conjuguée à l'imparfait et le dernier terme est « feinte » s'opposant
ainsi à « vraie ».
→ S'y dégage un sentiment de soulagement : son fils est vivant.

MOUVEMENT 2 – LE THÉÂTRE, CET ART NOBLE ( v. 14 à 23)

A. Doutes de Pridamant quant à la légitimité du métier choisi par son fils (v. 14 à 16)
• v. 14 :
→ Le soulagement et la joie semble de courte durée : le connecteur « Mais », au début du vers, va
marquer une contradiction. Par l'emploi du terme péjoratif « plainte » associé au verbe « trouver »
conjugué à la première personne du singulier et au présent d'énonciation ainsi qu'au groupe nominal
« mêmes sujets », Pridamant ouvre le débat sur la légitimité du théâtre.
• v. 15-16 :
→ La phrase interrogative qui suit avertit le spectateur de la position de Pridamant sur le théâtre : il
paraît déçu du choix de carrière de son fils et suit la mentalité réactionnaire des adversaires du
théâtre.
→ Cela se confirme, d'une part, par la forme emphatique du début de la question « est-ce » renforcée
par l'adverbe « là » (cette association casse l'éloge amorcé par Alcandre) et, d'autre part par le
registre ironique qui transparaît dans les expressions telles que « ce haut rang d'honneur » et « l'excès
de son bonheur ».

B. Réfutation d'Alcandre, double de l'auteur (v. 17 à 23)


• v. 17 à 23 : Alcandre se permet de réfuter immédiatement les idées traditionnelles et rétrogrades de
Pridamant sur le théâtre et propose sa vision moderne de l'art sous forme d'un discours teinté des
tonalités didactique et laudative, vision qui est celle de l'auteur, en réalité.
 v. 17 : l'autorité du magicien
→ Alcandre commence sa deuxième tirade de manière autoritaire : le premier hémistiche du vers met un
terme aux idées défendues par Pridamant par l'emploi de l'impératif présent et par le choix du verbe
« cesser ». Il assoie ainsi son statut de supériorité et sous-entend que les propos qui vont suivre seront
perçus comme une vérité générale.
 v. 17-18 : l'appréhension moderne du théâtre comme un art aimé et reconnu.
→ À partir du deuxième hémistiche du vers 17, Alcandre se lance dans la défense du théâtre et défend
sa vision moderne de l'art. Cela se vérifie par l'emploi du connecteur de rectification « à présent » et
par le terme générique « théâtre » qui sera le sujet de toute la phrase courant jusqu'à la fin de
l'extrait.
→ La description de la place accordée au théâtre, à l'époque de Corneille, établie par l'expression
superlative « en un point si haut » est valorisante et renforcée par le verbe « idolâtre » dont le sujet
est le pronom indéfini « chacun » pouvant représenter n'importe qui dans la société : le théâtre est
donc universel.
 v. 19 : la vision ancienne et péjorative du théâtre.
→ En un vers, le magicien rappelle la position négative (confirmée par le terme péjoratif « mépris » et
révolue (« temps » sujet du verbe « voir conjugué à l'imparfait) de Pridamant (le déterminant possessif
« votre » associé à « temps » le prouve).
 v. 20 à 23 : le renforcement de la présentation élogieuse du théâtre.
→ Le vers 20 reprend le cours de l'appréhension positive et moderne du théâtre : cela se vérifie par
l'emploi du présent de vérité générale, de l'adverbe « aujourd'hui » et de la métaphore « amour » qui
représente le théâtre. L'éloge se poursuit sur le public identifié par Alcandre comme « bons esprits ».
→ Les vers 21 à 23 se résument en une énumération méliorative qui mêle à la fois le champ lexical du
divertissement (« entretien », « souhait », « divertissement », délices » et « plaisir ») et
l'hétérogénéité du public (« Paris », « provinces », « princes », peuple », grands ») : le théâtre est dès
lors un art universel et noble – dans le sens de « digne, qui a une certaine majesté, qui évoque des
sentiments élevés, qui se met au service d'autrui ».

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