Vous êtes sur la page 1sur 11

Je vis, je meurs…

Je vis, je meurs; je me brûle et me noie ;


J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vi.e m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.

Tout à un coup je ris et je larmoie,


Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.

Ainsi Amour inconstamment me mène ;


Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.

Puis, quand je crois ma joie être certaine,


Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

Louise Labé, Elégies et sonnets (1555)

Ophélia - John Everett Millais (1851-1852)

vi.e  diérèse = émission de 2 voyelles en une seule syllabe


grief  synérèse = émission de 2 voyelles en 2 syllabes
Séance 4 Les vagues de l’amour
Support : Je vis, je meurs – Louise Labé (1555)
1. A quel siècle appartient Louise Labé ?
 XV ème siècle
 XVI ème siècle
 XVIII ème siècle
 XX ème siècle
2. A quel mouvement littéraire Labé est-elle rattachée ?
 La Pléiade
 L’Ecole de Lyon
 Le Parnasse
 Le Romantisme
3. Parmi ces titres d'œuvres, lesquelles sont de Labé ?
 Elégies et sonnets
 Les Regrets
 Les Amours
4. Dans quel recueil de Labé trouve-t-on le poème « Je vis, je meurs » ?
 Elégies et sonnets
 Les Tragiques
 Les Regrets
5. De combien de strophes se composent le poème ?
 2 
 3
 4
6. Comment s’appelle les strophes de quatre vers dans un poème ?
 distique 
 quatrain
 dizain
7. Comment s’appelle les strophes de trois vers dans un poème ?
 tercet
 huitain
 onzain
8. Quel nom donne-t-on au poème formé de strophes de quatre vers et de strophes
de trois vers ?
 rondeau
 sonnet
 ode
9. Quel est la nature de vers du poème ?
 des alexandrins
 des décasyllabes
 des octosyllabes
10. Dans ce poème, dans les deux premières strophes, les rimes sont :
 suivies ou plates
 croisées ou alternées
 embrassées
11. Les problématiques de ce poème :

Comment le poème exprime-t-il la complexité du sentiment amoureux ?

Comment Louise Labé utilise-t-elle le sonnet pour exprimer sa passion ?

Pourquoi la poésie est-elle un des meilleurs moyens pour dire l’amour ?

En quoi ce sonnet exprime-t-il la variété des sentiments amoureux ?

12. Quel est le titre du premier mouvement ?

Les effets contrastés de l’amour – La vision de l’amour

13. A quoi correspond le premier mouvement ?


 aux deux premières strophes
 aux trois premières strophes
 aux deux dernières strophe
14. Quel est le titre du second mouvement ?

Les pouvoirs de l’amour – Une complainte amoureuse

15. A quoi correspond le premier mouvement ?


 aux deux dernières strophes
 aux deux premières strophes
 aux trois dernières strophes
16. A quelle personne est écrit le poème ?
 la 1e personne du singulier
 la 2e personne du singulier
 le 2e personne du pluriel
On retrouve la 1e personne dans chacun des 14 vers de ce sonnet, sous la forme de
pronoms personnels sujet je, ou objet me ou déterminant possessif mon.
C’est la poétesse qui s’exprime ici. Ce poème n’a pas destinataire apparent.
17. Quelle est la figure de style dominante dans les deux premières strophes ?
 l’oxymore
 l’antithèse
 l’épiphore

L’oxymore est une alliance de mots qui consiste à allier deux mots de sens
contradictoires. L’antithèse consiste à rapprocher, dans le même énoncé,
deux termes, deux pensées, deux expressions qui sont à l’opposé pour créer
un effet de contraste. L’épiphore consiste à répéter un mot ou un groupe
de mots en fin de vers qui se suivent.
Les antithèses du premier quatrain sont liées par :
 une virgule je vis , je meurs
 une conjonction de coordination et
 un verbe au gérondif en endurant
 une double coordination et trop… et trop…
 un adjectif entremêlés de

18. Quelle est la figure de style employée dans les vers 2, 3, 6, 7, 12 et 13 ?


 l’hyperbole «extrême ; trop… trop… trop… ; maint ; à jamais ; ma joie être
certaine ; au haut de mon désiré heur»
 l’euphémisme
 la litote
L’hyperbole procède par exagération du propos : on délivre une version
amplifiée d’une idée pour la mettre en relief. L’euphémisme consiste à
utiliser une expression atténuée à la place d’une autre qui pourrait choquer.
La litote consiste à dire peu pour suggérer beaucoup.
19. Quelles sont les manifestations physiques d’un état de désordre exprimé par la
poétesse dans les strophes 1 et 2 ?
 elle exprime ses états d’âme (vie / mort ; ennuis / joie ; rire / larme)
 elle exprime ses sensations (froid / chaud ; dur / mou ; sec / mouillé)
 elle exprime ses sentiments (plaisir / tourment ; s’en va / dure)
20. Quelle est la figure de style employée dans le premier tercet ? Justifiez son
emploi.
 La personnification le mot Amour (v. 9) écrit avec un A en majuscule
 La métaphore
 La comparaison
L’Amour est une allégorie associant une idée abstraite prenant les traits d’une idée
concrète en étant personnifiée. Il est en outre précédé de « Ainsi » connecteur
logique qui l’introduit.
La personnification consiste à donner à un objet, à un animal ou à une
idée de caractéristiques humaines. La métaphore consiste à rapprocher
deux éléments qui ont en commun une caractéristique similaire sans l’outil
de comparaison. La comparaison consiste à envisager ensemble deux ou
plusieurs éléments pour en chercher les différences ou les ressemblances.
22. A qui fait allusion la poète au vers 9 ?
 A la cause de son malheur
 A la cause de son bonheur
 A sa raison de vivre et d’écrire
23. A quel temps sont conjugués les verbes dans le poème ?
 Au présent de l’impératif
 Au conditionnel présent
 Au présent de l’indicatif
24. Quelle valeur a ce temps dans le contexte du poème ?
   La valeur du présent dans le contexte du poème : le présent d’énonciation (« je
vis, j’ai chaud, je pense, je crois ») marque un état physique et moral, actuel et
durable, mais aussi répétitif, tandis que le gérondif (« en endurant ») marque
la simultanéité d’états contradictoires comme si la passion figeait le temps, ce
qui lui donne un caractère intemporel et universel.
25. Ce poème est construit comme un cycle. A quoi le voit-on ?
 Aux deux quatrains
 Aux deux tercets
 Au dernier vers (le verbe re-met et le retour à l’origine avec premier)
26. Quel est le registre du poème de Louise Labé ?
 lyrique (poème élégiaque = sentiments de mélancolie liés aux tourments que
provoque l’amour)
 symboliste
 surréaliste
Le registre lyrique exalte des sentiments (joie, tristesse, espoir, amour...),
souvent exprimés à la 1re personne du singulier.
Les principaux procédés lyriques sont :
le lexique des sentiments et des émotions ;
la ponctuation expressive, les interjections (Hélas !) et apostrophes (Ô nuit...) ;
des figures de style comme l’anaphore, l’hyperbole, la métaphore...

Bilan de la séance
Le poème exprime les tourments amoureux car l’auteur part de son expérience
personnelle pour décrire les émotions paradoxales que tout être peut éprouver
lorsqu’il aime.

Lecture d’image

Présentez en quelques lignes ce tableau ayant pour titre :


Ophélia - John Everett Millais (1851-1852), huile sur toile, 76x111 cm, Tate
Britain, Londres
John Everett Millais, peintre anglais appartenant au courant préraphaélite commence
à peindre l’arrière-plan de son œuvre au mois de juillet 1851 dans la campagne
anglaise. Une des particularités des peintres préraphaélites est alors de s’inspirer de
la nature et de représenter la réalité dans leurs tableaux. Cependant, Millais se rend
rapidement compte que peindre en plein milieu de la campagne n’est pas aussi
idyllique qu’il l’avait imaginé. Il se plaint en effet des très nombreux insectes qui
viennent l’ennuyer dans son travail, des vents violents qui menaçaient de le faire
tomber dans l’eau, la pluie, les cygnes qui l’attaquaient… Bref cette excursion et
cette peinture n’étaient pas une partie de plaisir pour le peintre.

Les nombreuses plantes peintes dans la toile ont toute été copiées d’après nature
lors de son séjour à la campagne et elles ont toutes une signification. Il faut dire que
l’Angleterre victorienne était friande du langage des fleurs. Ainsi, en étudiant la toile,
nous pouvons voir des violettes, symboles de fidélité, de chasteté et de mort, un
saule pleureur, des orties et des marguerites qui représentent l’amour abandonné, la
douleur et l’innocence. Les coquelicots du bouquet d’Ophélie eux aussi symbolisent la
mort… De bien jolies fleurs annonçant un bien sinistre avenir.

Une fois le décor peint, Millais ajoute la figure d’Ophélie vêtue d’une splendide
ancienne robe brodée de fleurs qui fut trouvée par le peintre et achetée pour 4 livres
anglaises. Elizabeth Siddal est la jeune femme qui sert de modèle au peintre. Son
visage vous est peut-être familier car on la retrouve très souvent dans les tableaux
des préraphaélites.

Pour l’œuvre de Millais, Elizabeth Siddal passe près de 4 mois dans une baignoire !
Oui, 4 mois ! Pour l’anecdote, l’eau de la baignoire était maintenue au chaud grâce à
des bougies placées en dessous. Cependant le peintre était tellement absorbé dans
son travail qu’il ne remarquait pas quand les bougies venaient à s’éteindre. Elizabeth
Siddal attrapa alors une mauvaise pneumonie. Le père de la modèle menaça alors de
poursuivre le peintre, mais renonça quand le peintre accepta de payer tous les soins
médicaux.

En quoi ce sonnet exprime-t-il la variété des sentiments amoureux ?


Dans la première strophe, la poétesse exprime la souffrance amoureuse,
à travers diverses sensations, rendant compte d’une douleur extrême :
Le second quatrain souligne l’inconstance du sentiment amoureux :
Dans les deux tercets, le sujet devient objet la poétesse subit dans cette
seconde partie du sonnet l’inconstance et les contradictions inhérentes
au sentiment amoureux,
Le sentiment dominant est la confusion.
La vision de l’amour
place à la sensualité dans les deux quatrains le champ lexical de la
sensation,
Le sentiment amoureux est vu comme un désordre, comme le soulignent
les antithèses soit relatives aux sensations : soit renvoyant aux
sentiments et émotions 

Le champ lexical de l’inconstance et de la soudaineté participe de cette


vision de l’amour comme sentiment chaotique, avec les adverbes « Tout
à un coup » (v.5 et 8) et « inconstamment » (v.9) –particulièrement long
et remarquable.
Enfin, les hyperboles renforcent cette impression de désordre
amoureux :

Une complainte amoureuse


SYNTHÈSE
En effet, il s’agit d’une passion subie par le sujet, à la fois dans la joie et
le désespoir, une expérience intense fondée sur l’alternance de
sentiments contraires et la réunion de sensations hyperboliques. Cette
vision de l’amour est un topos poétique hérité de Pétrarque, mais aussi
une conception universelle et atemporelle du lien amoureux.
Mouvement (structure du sonnet) :
1. Dans un premier temps (les deux quatrains), la poétesse exprime la
contradiction inhérente au sentiment amoureux. Les deux premiers
quatrains se répondent notamment par le chiasme sémantique du vers 1
(« je vis, je meurs ») et du vers 8 (« je sèche, je verdoie »), qui montrent
l’incessant recommencement de la souffrance et de la joie dans l’amour.
2. Dans un second temps (les deux tercets), elle exprime son incapacité
à maîtriser ses affects amoureux et sa douloureuse passivité devant
l’Amour tout puissant. Deux moments sont également à relever au cours
de cette explication : la volta et le concetto (voir v.9 et 13-14).
Question / problématique possible : En quoi ce sonnet d’inspiration
pétrarquiste exprime-t-il la dualité de l’amour ?

Explication linéaire
Strophe 1 : elle est marquée par l’omniprésence de la première personne
du singulier. La tonalité dominante est lyrique.
Vers 1 : la première personne du singulier souligne la forte implication de
l’amante. Les termes antithétiques « vis / meurs, brule / noie » rendent
compte de la souffrance amoureuse et de l’inconstance de l’amour, dans
l’héritage de Pétrarque.
Vers 2 : la dimension antithétique de l’amour est confirmée par le lexique
de la sensation (« chaud » /« froidure ») et même exacerbée par
l’adjectif hyperbolique « extrême ». Le verbe « endurer » au gérondif
révèle d’emblée la passivité de l’amante.
Vers 3 : le sujet est ici non plus le « je », mais la « vie », mise en valeur
par la diérèse, en tant qu’elle est liée à l’amour, voire au désir ou à
l’érotisme, associée à des sensations contradictoires et excessives :
« trop molle » / « trop dure ».
Vers 4 : ce vers vient clore le premier quatrain en explicitant les
sentiments contradictoires et extrêmes (« trop grands ») mêlés dans
l’amour, grâce au participe passé « entremêlez ». Le terme « ennuis »
possède un sens plus fort qu’aujourd’hui et signifie une tristesse
profonde, qui contamine et dépasse ici le sentiment de « joie ».
Strophe 2 : elle est encadrée par la présence des adverbes « tout à (un)
coup » (v.5, v.8) qui créent un effet de boucle et de structure. L’instant
n’empêche pourtant pas un sentiment d’éternité (« à jamais »).
Vers 5 : l’adverbe « Tout à un coup » ouvre le vers, en soulignant la
précipitation, la soudaineté, l’inattendu des réactions ou sentiments qui
envahissent l’amante. On retrouve le pronom personnel de la première
personne et une association de verbes antithétiques, évoquant des
réactions émotionnelles : « je ris »/ « je larmoie ».
Vers 6 : ce vers fait écho au vers 4 car il explicite la dualité de l’amour,
par l’antithèse entre « plaisir » et « maint grief tourment ». Par le nombre
de mots et de syllabes (malgré la synérèse avec « grief »), et le
sémantisme du verbe à la rime (« j’endure », déjà rencontré au vers 2),
la poétesse laisse entendre que la souffrance l’emporte sur le plaisir.
Vers 7 : ce vers exprime l’inconstance de l’amour. L’expression « mon
bien » peut renvoyer soit au bien-être ou au bonheur de l’amante, soit à
l’objet de son amour, son bien-aimé ou le cœur de celui-ci. Malgré le
déterminant possessif, la poétesse regrette qu’il lui échappe, ce que
montrent les verbes choisis, à nouveau antithétiques : « s’en va » / «
dure ». Peut-être veut-elle faire entendre que même lorsque l’amant est
absent, l’amour dure, exprimant ainsi la vision d’un amour éternel.
Vers 8 : dans ce vers, on retrouve l’adverbe « tout à coup » du vers 5. La
poétesse se compare à un végétal, une plante ou une fleur. Mais le
topos (voir la rose dans les poèmes du Moyen Âge et du xvie siècle) est
ici renouvelé grâce à l’énonciation (c’est la poétesse qui écrit et donc
exprime l’amour et le désir au féminin) et au choix de verbes exprimant
un paradoxe : la fleur « sèche » et « verdoie » en même temps, fane et
éclot en un instant. Louise Labé exprime ainsi le caractère éphémère de
l’amour.

Tercets 1 et 2 : ils fonctionnent ensemble, tant par la structure des


phrases que par le lexique et les figures choisis.
Vers 9 : il s’agit de la charnière entre les deux grandes parties du
poème, nommé en italien la volta (v.9). Le lien avec les quatrains est
marqué par l’adverbe « ainsi », qui met en évidence une conséquence
ou une explication. Le sujet n’est plus ici le « je » poétique, devenu objet
donc passif (« me mène »), mais l’Amour lui-même, personnifié et
magnifié par la majuscule (allégorie). L’amante subit l’inconstance de
l’amour, l’adverbe « inconstamment » renvoyant aux sentiments
successifs qu’elle ressent.
Vers 10-11 : la structure de la phrase, l’enjambement et les deux
occurrences du verbe « penser » montrent que les deux vers
fonctionnent ensemble. Un décalage se fait voir dans la perception des
sentiments, confirmant la passivité du sujet (« quand je pense » / « sans
y penser ») et l’inconstance des sentiments (« plus de douleur » / « hors
de peine »). Le sentiment dominant est donc la confusion.
Vers 12-13-14 : ces vers fonctionnent ensemble et forment le concetto,
c’est-à-dire la chute du poème, moment majeur. Ils répondent aux vers
10 et 11, avec le verbe « croire » qui rappelle « penser » : tandis que les
vers 10 et 11 exprimaient la certitude (trompée) du malheur, dans les
vers 12-13 l’amante met en avant sa reconnaissance (à nouveau
erronée) du bonheur. Alors que la poétesse exprime l’espoir d’une joie
extrême (avec les hyperboles : « ma joie […] certaine », « au haut de
mon désiré heur »), l’élan retombe avec le vers final, qui replonge le
sujet dans son état de passivité (« Il me remet) et clôt le poème sur le
mot « malheur » (seule rime masculine du sonnet, avec « heur »).

Vous aimerez peut-être aussi