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ÉTUDE LINÉAIRE DE « 

LA MORT DES AMANTS», in Fleurs du mal, de


Charles Baudelaire 

Introduction :  FDM est un recueil de poèmes qui a été publié en 1857.Il


est composé de 126 poèmes repartis en 6 sections. Le poème étudié
appartient à la section La Mort, qui contient 3 poèmes et qui clôt le
recueil.
“La mort des amants” est composé de deux quatrains et deux tercets,
en résumé, il s’agit d’un sonnet, forme traditionnelle de la poésie lyrique.
Il contient des decasyllabes, alors qu’il serait attendu des alexandrins
dans cette forme fixe qu’est le sonnet, avec des rimes croisées sur les
deux quatrains, suivies et à nouveau croisées sur les deux tercets.
Le poète y évoque la mort de deux amoureux et le fait que leur amour
continuera de perdurer, même au-delà de la mort, les inscrivant dans
l’éternité.

Problématiques possibles : 

● En quoi le poète exprime-t-il l’éternité du sentiment amoureux?

● En quoi ce poème est-il lyrique?

● En quoi la mort n’est-elle pas la fin de tout dans ce poème?

Mouvements du texte : 

- 1er quatrain : la mort, un lieu paradisiaque propice à l’amour

- 2eme quatrain : une union éternelle par le feu

- 1er tercet: l’alliance inattendue entre l’amour et la mort

- 2eme tercet: la promesse d’un bonheur eternel


Analyse du titre: “La Mort des amants”: thème récurrent dans la littérature
romantique: Roméo et Juliette, de Shakespeare, par exemple. Le poète s’appuie sur
l’opposition habituelle entre l’amour et la mort qui souvent sépare ceux qui s’aiment.

Ici, il va créer un effet de surprise puisque les amants seront unis plus que jamais
après la mort.

Il aborde le thème de la mort de manière originale et inattendue.

*******
1er quatrain : la mort, un lieu paradisiaque propice à l’amour

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,


Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Écloses pour nous sous des cieux plus beaux

v.1: Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,

- pronom personnel “nous”: le poète associe la femme aimée au futur certain


qu’il imagine (emploi du futur de certitude), ce qui assimile ce vers et les
suivants à une promesse.
- “des lits pleins d’odeurs légères”: le pluriel à “lit” et l’évocation du sens de
l’odorat (“odeurs légères”) montre la diversité et la richesse des ressentis que
les deux amants éprouveront dans l’au-delà = idée de plénitude, d’absolu

v.2: Des divans profonds comme des tombeaux,

- Il poursuit l’évocation d’un lieu confortable et douillet avec “des divans


profonds” (emploi de l’adjectif mélioratif “profonds”) qui insiste sur le confort,
l’aspect sécurisant des divans”. A noter que “lits” et “divans” dans ce contexte,
évoquent les endroits possibles à l’union des corps et des cœurs.
- comparaison “comme des tombeaux”: première allusion à la mort que le
poète assimile à un endroit sécurisant, confortable. Comme s’il aspirait à cette
mort pour lui et pour son aimé/ La mort serait donc un refuge où peuvent se
cacher ceux qui s’aiment. Il est donc question d’un lieu où les âmes peuvent
se reposer et se retrouver éternellement.
v.3: Et d'étranges fleurs sur des étagères,

- fin de l’énumération (lits/ divans/ fleurs): à double sens ici: on parle du “lit de
mort”, les fleurs ici évoquent celles que l’on dépose sur une tombe, celles qu’
on offre à sa bien aime, et à la fois, elles font penser au titre du recueil:
“Fleurs du mal”: des fleurs étranges ou laides dont Baudelaire réussit à
montrer la beauté grâce à l'alchimie poétique.
-
- “sur des étagères”: CCL qui évoque un lieu encombré de meubles: lits,
divans, étagères. Une sorte de lieu dont il est difficile de délimiter l’espace,
comme au paradis.

v.4: Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.

- rejet de “Écloses”: pour souligner le fait que ces fleurs se sont épanouies, que
la mort n’a pas été un frein à leur croissance. L’amour s’épanouit au-delà de
la mort, et peut-être grâce à la mort qui les rend éternelles.
- rime croisée de “tombeaux” (v.2) avec “plus beaux” (v.4): Terre et ciel sont
réunis pour ne faire qu’un: la mort est le moment où ces deux espaces qui
s’opposent d’ordinaire, se rejoignent pour sceller l’amour des amants.
- “pour nous”: rappel de la promesse faite au vers 1 à celle qu’il aime (pronom
personnel “nous”)

Bilan: Ce lieu évoqué par le poète est sous le signe du confort,de la douceur
de vivre, de la beauté et des odeurs envoûtantes des fleurs. Un lieu presque
paradisiaque pour ceux qui s’aiment.

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2eme quatrain : une union éternelle par le feu

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,


Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

v.5: Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,

- participe présent: “usant à l'envi”: profitant des plaisirs sans fin: expression
soulignant l’abondance de cet amour: plus aucune contrainte, plus aucun
obstacle. Tout est à portée des amants.
- “leurs chaleurs dernières”: ici, ce COD évoque la fin de la vie sur terre, certes,
mais la chaleur des corps va survivre quelques temps même après la mort.
La mort n’est définitivement pas la fin de tout. Ce ne serait qu’un passage, où
on emporte avec soi ce qu’on a été ici-bas.

v.6: Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,


v.7: Qui réfléchiront leurs doubles lumières

- “nos deux coeurs”, une fois de plus, l’expression de la possession avec


l’adjectif possessif “nos” permet à cet amour de continuer dans ce deuxième
quatrain.
- Le poète encore, promet le paradis à celle qu’il aime avec le futur de certitude
“seront”
- “deux vastes flambeaux: métaphore/hyperbole de l’amour, de l’union sacrée
des cœurs. Le passage dans l’éternité va intensifier et rendre cet amour plus
fort.
- l’emploi de l’adjectif mélioratif “vastes” accentue la profondeur et l’infini de cet
amour = idéalisation absolue de la mort comme un facteur d’intensification du
sentiment amoureux
- “qui réfléchiront leurs doubles lumières”: subordonnée relative qui développe
l’idée que les cœurs sont devenus des miroirs dans lesquels se reflète
l’amour de chacun.
- “Doubles lumières: ils ne sont plus qu’un grâce à l’alchimie de l’amour. Cet
amour est devenu mystique, spirituel. Métaphore.

v.8: Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

- la double lumière du vers précédent va se propager jusqu’à l’esprit de chacun


des amants avec le CCL “Dans nos deux esprits”
- continuation du thème du double: “nos deux coeurs”, “double lumière” et dans
ce vers: “nos deux esprits”, “jumeaux”: Cela correspond à une croyance
ancestrale depuis Platon, selon laquelle l’âme a été divisée à la naissance et
les moitiés passeront leur vie à se chercher. La mort est donc l’endroit où
cette union est enfin effective et rendue éternelle. Idée de fusion des deux
esprits.

Bilan: l’union éternelle est rendue possible par la fusion des âmes qui ne font
plus qu’une.

********
1er tercet: l’alliance inattendue entre l’amour et la mort

Un soir fait de rose et de bleu mystique,


Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;

v.9: Un soir fait de rose et de bleu mystique,

- “Un soir”:CCT, évocation d’un moment de la journée favorable aux


retrouvailles amoureuses: le soir… Par extension, cela peut aussi évoquer “le
soir de la vie”: le jour où l’on meurt. Utilisation de l’article indéfini “un” pour
souligner le fait que nous ne connaissons pas le jour de notre mort.
- “fait de rose et de bleu mystique”: ces deux couleurs évoquent le cœur,
l’amour et la pureté avec “le bleu mystique”: “mystique étant un adjectif
valorisant. Ce qui signifie que l’amour n’est plus charnel, mais spirituel.

v.10: Nous échangerons un éclair unique,

- verbe d’action: “nous échangerons” au futur de certitude encore: Ils ne sont


plus que deux, face à face, plus rien n’existe autour. Ils seront dotés d’un
pouvoir, celui de se partager leur feu intérieur avec la métaphore “un éclair
unique” (l’amour)
- “unique”: adjectif valorisant, dans le sens où ce feu sacré n’appartient qu’à
eux. Ils deviendront un couple cosmique fait d'énergie et de lumière

v.11: Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;

- expression d’un paradoxe dans ce vers qui est en contradiction avec le


précédent: le feu devient l’eau avec la comparaison “comme un long sanglot”:
les éléments feu/eau se mélangent dans une sorte de fusion. Ce qui semblait
au vers précédent exprimer l’extase, la puissance de l'énergie, devient dans
ce vers, l’expression d’une douleur sans fin. La mort est donc présente dans
son aspect le plus terrible: le chagrin à l’idée de la séparation. “tout chargé
d’adieux”: métaphore qui rappelle que la mort est aussi pour beaucoup, signe
de déchirement, de séparation, comme si les amants devaient passer au
purgatoire avant d’accéder au paradis

Bilan: L’amour et la mort se font face dans ce tercet: même si l’amour paraît
plus fort que jamais, la mort reste une source possible de chagrin. Mais il
semble que l’idée qui prédomine est que la mort permet à l’amour de survivre.

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2eme tercet: la promesse du bonheur éternel

Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,


Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.

v.12: Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,

- CCT “Et plus tard”: le poète évoque un “après” ce moment de purgatoire, de


purification de l’amour.
- Signe du bonheur éternel: “un Ange entr’ouvrant les portes”: évocation de la
foi chrétienne consistant à penser qu’après s’être purifié de ses péchés, l’âme
accède aux portes du paradis grâce à l’Archange Saint-Michel.
- “les portes”: métaphore qui évoque celles du paradis

v.13: Viendra ranimer, fidèle et joyeux,


v.14: Les miroirs ternis et les flammes mortes.

- rejet de “Viendra”: promesse de la libération finale avec le futur de l’indicatif et


verbe de déplacement.
- “ranimer”: verbe d’action qui fait écho à la résurrection. Redonner vie à ce qui
était mort. Promesse de la vie éternelle.
- “fidèle et joyeux”: deux adjectifs mélioratifs qui caractérisent l’Ange évoqué
dans le vers 12: C’est le bonheur éternel qui se présente aux deux amants.
- “les miroirs ternis”: adjectif péjoratif, écho aux miroirs du vers 8. La mort vient
embellir ce qui avait été enlaidi par la vie terrestre, ce qui avait vieilli. Idée de
miracle: redonner vie et éclat à ce qui était mort ou abîmé
- “et les flammes mortes”: ici, métaphore des amours perdues, celles qui
s’étaient éteintes

-A noter une rime entre “portes” et “mortes” (v. 12 et v.14): la mort n’est pas une fin
en soi: l’éternité attend les amants derrière la porte du paradis.

Bilan: L’amour dans ce dernier tercet a repris vie, et survit à tout, même à la
mort qui le rend plus fort, plus beau, éternel.

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