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En mentionnant une « enchère » (qui se traduit dans son poème par la monovocalisation) et
par le champ lexical de l’essai (« exercer », « tenter », « tester »), on a l’impression que le
poète s’inscrit dans cette tradition ludique du langage qu’il va pousser au maximum. Ainsi,
en plus des contraintes métriques, mathématiques pourrait-on dire, cherche-t-il à créer des
effets sonores autour de la lettre « e ». Les verbes du premier groupe à l’infinitif se
multiplient, de même que les adjectifs formés sur des participes passés, pour accentuer la
présence du « é ».
On remarque également une forte présence des « r », des « v » et des « s » (cf. l’allitération du
premier vers). Or, ces lettres sont celles qui composent le mot « vers », présent dès le début du
poème. On a alors le sentiment que, loin d’être simplement une contrainte ludique et
superficielle, la « règle sévère » que s’est imposée le poète rend compte d’une recherche
active sur le « vers », et donc sur la poésie.
Le poète doit accepter les « déchets de l’échec délétère » (v. 3) et, loin de se décourager, il
faut qu’il « persévère » (v. 7) pour qu’il « pénètre ces secrets » (v. 10).
Ce dernier terme met bien en évidence la quête essentielle à laquelle se livre le poète : il s’agit
de « créer » (v. 10).
L’utilisation de l’impératif de la deuxième personne du singulier et de l’infinitif, de même que
les présentatifs « c’est » (v. 1, 2 et 10) permettent de généraliser le sujet (le poète semble
s’adresser autant à lui-même qu’à un lecteur indéfini) et de le rendre atemporel.
Cet aspect trouve son aboutissement dans le vers final, qui se présente comme une « belle
sentence » (v. 13) : « Réel est éphémère, éternel est le rêve ».
C’est aussi une traque du sens : « resserre » (v. 7), « serrés » (v. 12), « pressé » (v. 12). Il
s’agit également d’avoir de l’ambition, de tendre vers les sommets du sens et non de tomber
dans la facilité : « Redresse tes pensées et sens l’effet se tendre » (v. 9), « le sens s’élève » (v.
12), avec les verbes marquant un mouvement vertical.
Surtout, le poète doit être actif, ce qui est montré par la multiplication des verbes à
l’impératif, et par les verbes de mouvement, en particulier « pénètre » (v. 10). Ce n’est
qu’alors que le verbe, le langage, pressé de toutes parts, pourra délivrer ses secrets : le « e »
devient la « lettre fée», lettre magique au contact de la beauté du monde (« entends le vent
errer ») et qui parviendra au « Rêve ».
Ce dernier mot, paré d’une majuscule et rimant avec « s’élève », laisse libre cours à
l’imagination du lecteur, pour, à son tour, peut-être trouver sa « lettre-fée ».