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À Victor Hugo.
Qu’ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille,
Luisants comme ces trous où l’eau dort dans la nuit ;
Ils ont les yeux divins de la petite fille
20 Qui s’étonne et qui rit à tout ce qui reluit.
Tableaux parisiens :
Section qui dresse un portrait de la ville de Paris, changeante et se modernisant, à
l’époque d’Haussmann.
Trois mouvements :
• Une rencontre dans Paris — 1er quatrain
• Le portrait des vieilles — quatrains 2 à 4
• Fascination pour le regard — quatrain 5
• Titre du poème : adjectif « petites » (sens plutôt affectif) + adjectif substantivé
« vieilles ». Baudelaire offre un poème à la vieillesse, qui est un sujet peut
avantageux et qu’il met à l’honneur, cela correspond bien aux Fleurs du Mal.
Premier quatrain
• Description du cadre du poème : environnement urbain.
• « plis sinueux » désigne les ruelles encore labyrinthiques du vieux Paris (≠ bld
haussmanien).
• La métaphore « plis sinueux » dresse un parallèle entre la vieille ville et les
petites vielles, en comparant les ruelles aux rides : les « petites vieilles »
représentent le vieux Paris.
• « des vieilles capitales », Paris n’est pas directement nommé. Le pluriel sous-
entend une généralisation, comme si cela aurait pu se passer ailleurs, dans une
autre capitale. Reprise du terme « vieille ».
• Le poète est présenté dans un état de Spleen : « humeurs fatales » (cf étymologie
spleen) auquel il ne peut échapper : « obéissant », « fatales ». Sujet lyrique.
Second quatrain
• Début du portrait des « petites vieilles », description de leur démarche.
• Les deux rejets (« Eponine ou Laïs ! » et « Ou tordus, aimons-les ! »), avec les
exclamations à la césure permettent de casser le vers : difformité.
• Assonance en [i] (vers 5-6) : harmonie imitative d’un son strident. Un cri de
souffrance : on est face à une description cruelle qui frôle le fantastique.
• Rappel de leur passé. Elles ont été des femmes : « jupons », « tissus », mais leur
féminité a connu une déchéance : « troués » et « froids ». Cette déchéance renvoie
à la vieillesse, et donc à la mort. Le chiasme grammaticale insiste sur cette fatalité.
• La répétition du terme « sous » invite le lecteur à renverser son regard, à aller
au-delà de l’apparence.
Troisième quatrain
• Le 3e quatrain est lié au précédent par un rejet (suite de la phrase) : « ils rampent ».
• Dimension pathétique : ces « petites vieilles » sont maltraitées par ce qui les
entoure :
• Maltraitées par la nature (« flagellés », qui sous-entend des femmes battues).
Harmonie imitative pour mimer un vent désagréable : répétition du son [z]
(« bises iniques »), allitération en [s] et en [fl]
• Maltraitées par la ville moderne (« fracas roulant des omnibus ») : allitérations
en [r] et en [fr].
• La vision de Baudelaire de la ville est entre nostalgie et modernité.
• Dimension pathétique : elles semblent s’accrocher à ce qui semble être leur seul
bien :
• comparaison « reliques » : sens religieux ironique, connotation de vieillesse.
• « brodés de fleur » représente la beauté passée, et « rébus » laisse planer une
certain mystère sur les vieilles (nécessité de les déchiffrer, d’aller au delà des
apparences).
Quatrième quatrain
• Parallélisme de construction par rapport à la strophe précédente : « ils rampent » /
« ils trottent ». Reprise du pronom personnel masculin qui renvoie aux
« monstres ».
• Enchaînement par contre rejet : « tout cassés / Qu’ils sont ». Cet enchaînement
« casse » la structure traditionnelle du poème tout en imitant le sens du vers
(« cassés ») et en poursuivant l’esthétique de la dislocation.
• Une marque de la modernité de l’écriture de Baudelaire. L’alchimie permet
une exploration, une nouvelle écriture poétique
• Les yeux « luisants » des petites vieilles se retrouvent dans les yeux « divins » de
la petite fille, elle-même attirée par « tout ce qui reluit ». Ce reflet de lumière est la
marque d’un regard vif, attiré par ce qui brille comme lui : une image du regard du
poète.
Conclusion
• Paris est le lieux parfait pour décrire le sale, le boueux : le lieu de la transmutation.
• Baudelaire parvient à tirer l’éternité de ce qui est transitoire : les vielles sont dans le
passé, elles sont les vestiges de celui-ci, mais sont aussi dans le présent puisqu’il
les observe, et dans le futur pour toujours grâce à cette poésie qui les immortalisent.