Texte 2 : « Le Crapaud » Tristan Corbière, 1873

Introduction :

Tristan Corbière est un poète du XIX° siècle que Verlaine qualifiera de « poète maudit », expression
qu’il donne à certains poètes de cette même époque. Elle évoque la marginalité du poète méprisé par la
bourgeoisie. Le poète maudit mène une vie de bohème, au jour le jour, profite des plaisirs de la vie, s’adonne à
l’alcool, au tabac et à la drogue, ce qui confère à son existence et à son œuvre un parfum de scandale. Peu gâté
par la nature, laid, rachitique, les habitants de son village breton le nomment l’Ankou, «le spectre de la mort».
Il est tuberculeux, il meurt à 30 ans deux ans après la parution des Amours jaunes, recueil passé inaperçu.
Verlaine le fait découvrir dans son œuvre Les poètes maudits, en 1884. Le titre de ce recueil est ironique
associant les amours à l’expression «rire jaune» qui sous-entend dérision et sarcasme.

Le poème «Le Crapaud» est un sonnet inversé, deux tercets et deux quatrains en octosyllabes. Ce
texte montre déjà par sa forme, la modernité de l’auteur et la vision qu’il veut montrer de lui-même.

Mouvements du texte: le poème se présente comme une énigme, le crapaud du titre ne se dévoile qu’au vers 7

 1°tercet précise le moment et le lieu, une nuit d’été sans doute à l’extérieur, en évoquant la
lune. Un chant se fait entendre.

 2° tercet : un animal se manifeste que l’on n’identifie pas encore. Le poète ne précise que
l’endroit où il se terre.

 1° et 2° quatrains : le sonnet prend la forme d’un dialogue, pour évoquer le crapaud de façon
plus précise et les sensations et émotions qui lui sont associées.

 Le v.14 est la chute du poème. Le crapaud est associé au poète

Problématique: quelle vision originale du poète nous présente Tristan Corbière dans ce sonnet ?

Pistes de lecture:

 1°tercet : situation spatiale et temporelle

 2°tercet : première apparition physique de l’animal non identifié

 1° et 2° quatrains : apparition brutale du crapaud

1er tercet:
Dès le premier vers «sans air» renvie a une atmosphère étouffante: une contradiction «chant» et «sans air» ce
n’est pas un chant facile, il circule sans air.
Des oppositions «clair» «sombre», et «lune» «métal» renvoie à la froideur de la lumière qui est renforcé par
«plaque» renvoie au malaise avec « découpure ». Tous ces thermes opposent le positif et le négatif qui prépare
l’apparition, c’est les images du romantisme noir : atmosphère froide.
Strophe très visuelle.

2eme tercet:
Un animal évoque par le chant invisible mais vif « tout vif », le crapaud est invisible « dans l’ombre ». La
construction du poème est une énigme: «enterré la», on se rapproche.
Le cadre dans l’ombre renvoie la nuit du premier tercet (sombre, ténèbres, morbide)
On a ici «chant» «comme un écho» fait appel à l’ouïe : la sollicitation auditive est forte.
Vers 5 plutôt négative renvoie la mort et l’obscurité, une idée de sol «sous le massif» un animal qui se cache,
« enterré là », c’est une hyperbole : connotation de la mort « le noir» « obscure ».
Vers 6 la forme qui renvoie a un dialogue «Viens» forme impérative avec une conversation. « Ça se tait » le
crapaud est négligé et pris pour une chose.

Les quatrains:
La forme change et introduit la parole : on progresse sur qui produit le chant avec une phrase nominal et
expressive qui renvoie aux sentiments de peur de la bien aimée apeurée et surprise. « La peur » v7
Le poète rassure sa bienaimée « près de moi ton soldat fidèle » : métaphore qui renvoie à un chevalier, un
héros, l’auteur n’as pas peur.
«Le crapaud» surprend, il est aperçu visuellement. « Vois-le » le poète encourage la bienaimée a découvrir le
Vers 9 «poète tondu, sans aile» connotation négative du crapaud, il ne peut pas voler
Vers 9 un dimère de «poète» Poète c’est de l’autodérision
Vers 10 le positif de «Rossignol» avec le chant et le négatif de «boue» qui renvoie au sale, vile, inspire le dégoût
« Horreur » v10 termine le vers et est mis en valeur. Les sentiments de la femme sont passés de peur à horreur.

Dans le V11 l’horreur est représenté par un chiasme « Horreur pourquoi ?».
Pour l’auteur la bien aimée est excessive, l’auteur lui ne retient que le positif du crapaud : « vois-tu pas son œil
de lumière » v12 c’est le miroir de l’âme, l’auteur cherche le positif. Il se reconnaît dans le crapaud et le défend
La femme ne le comprend pas. Cette situation représente dans la vie de l’auteur : la bourgeoisie face à lui.
Il tente de rassuré la femme de se crapaud qui est lui-même
Dans le v13: froidure «froid» du crapaud inspire les émotions négatives.
L’énigme se résout à la fin du poème au dernier vert avec une chute qui surprend le lecteur. Il a un blanc avec
des pointillé qui fait ressortir le dernier vers.
Formule de politesse qui annonce la fin et la résolution la poète qui s’associe au crapaud il se voit incompris de
la société, réduit de la solitude et de l’isolement, emphatique «c’est moi» un présentatif un poète qui est
maudit.

Conclusion :

Ainsi, ce sonnet inversé présente l’image du poète, rejeté et incompris que Verlaine appelait « poète
maudit ». Tristan Corbière assimile le poète au crapaud. Dans des images singulières et surprenantes, il évoque
la contradiction de la situation du poète, être intelligent mais solitaire. L’image aussi de la mort teinte le poème
de mélancolie et traduit la souffrance du poète. Il s’agit bien d’un autoportrait original. Le poème témoigne de
la modernité de Corbière qui s’inscrit dans la lignée des poètes du XIX° siècle. Il crée du beau avec du laid
comme le fait Baudelaire. Il se montre aussi iconoclaste dans la forme utilisée du sonnet inversé et déstructuré,
la syntaxe disharmonieuse et au rythme haché. Il parodie le lyrisme romantique. Ce texte illustre parfaitement
la définition de Baudelaire: «le beau est toujours bizarre».

On peut rapprocher ce texte de celui de Baudelaire «L’Albatros» qui associe le poète avec l’oiseau des
mers et crée des antithèses avec des images positives et négatives de l’oiseau. Les thèmes de la solitude, du
rejet s’y retrouvent aussi, caractérisant les poètes maudits du XIX°.