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COURS SUR "j'aime l'araignée et j'aime l'ortie"

Il s'agit d'un poème composé de 7 strophes de 4 vers (= 28 vers) composé


d'une alternance de décasyllabes ("J'aime l'araignée et j'aime l'ortie") et de
pentasyllabes (5 syllabes) : "Parce qu'on les hait", aux rimes croisées (aBaB)

Poème de Victor Hugo, célèbre poète du XIX e siècle, chef de file du mouvement
romantique. Recueil Les Contemplations, publié durant l’exil de l’écrivain en 1856.
Recueil que le poète, profondément marqué par la mort de sa fille Léopoldine,
survenue le 4 septembre 1843, considère dans la Préface, comme les "mémoires d'une
âme", qui comprend deux parties , "Autrefois" et "Aujourd'hui" et retrace l'itinéraire
moral du poète de 1830 à 1856. Exil d’abord intérieur mais qui se conjugue très vite à
la crise politique que traverse le poète et qui achève d’opérer la scission intérieure
sur laquelle se fonde le recueil.Livre III, « Les luttes et les rêves ». Livre de 30
poèmes, expression de la pitié, prise en considération de la misère du monde.
(Attention même si le recueil est publié après la mort de Léopoldine, tous les poèmes
ne sont pas centrés sur cette mort, ce sont surtout les textes à partir du livre IV,
"Pauca Meae", qui sont consacrés à la mort de Léopoldine.)
Intitulé « J’aime l’araignée », il se compose de sept quatrains alternant
décasyllabes et pentasyllabes en rimes croisées. Poème dans lequel l’auteur tente de
lutter contre les préjugés des hommes envers les êtres rejetés que sont les araignées
et les orties.
C’est pourquoi il convient de se demander comment Victor Hugo parvient, en
exprimant une compassion paradoxale à l’égard de ces créatures, à inviter le lecteur à
adopter une vision nouvelle de l’araignée et de l’ortie et plus largement à lui montrer
que tout être mérite considération et amour.(même dans le cadre d'une étude linéaire
c'est bien de problématiser l'étude, par rapport au parcours étudié)
Victor Hugo va jusqu’à, de façon anachronique, développer la vision du « poète
maudit » (concept né de la pensée de Verlaine en 1888, dans Les Poètes Maudits),

La structure du poème surprend puisqu’elle repose sur une alternance entre


décasyllabes et pentasyllabes : le poète marie un vers conventionnel (le décasyllabe,
très employé après l’alexandrin) et le pentasyllabe, vers boiteux, impair, irrégulier, et
par conséquent très peu employé. Ainsi, on peut d’ores et déjà constater la volonté du
poète de marier le laid au beau, l’irrégulier au régulier, afin de convertir le premier en
second.

1er quatrain
⮚ Expression lyrique pour débuter mais directement choquante et paradoxale du
fait que le verbe « aimer » soit associé avec des éléments connotés
négativement, évoquant le mal. Poème placé dès le 1 er vers sous le signe de
l’amour : présence de la première personne du singulier – « je » - articulée à un
verbe de sentiment – « aimer » - montre la transmission d’un sentiment
personnel), la répétition du verbe « aimer » marquant ici une insistance qui peut
déjà surprendre le lecteur.
⮚ Sonorités en [i] et [u] qui marquent l’intensité.

⮚ Cet aspect choquant continue avec la proposition circonstancielle de cause


« parce qu’on les hait » l’auteur s’affirme en contre poids des autres. L’Aspect
romantique du poète mal aimé ressort ici.
⮚ Antithèse entre les verbes « aimer » et « haïr » : « Parce qu'on les hait ; »
(vers 2).
⮚ Il continue en rajoutant une deuxième subordonnée conjonctive basé sur
l’opposition entre l’espoir « souhait » et la réalité triste et négative « rien »,
« châtie ». On note aussi une hyperbole qui renforce ce mal être. L’oxymore
« morne souhait » insiste sur la tristesse de l’araignée et de l’ortie

2ème quatrain
⮚ L’explication continue avec l’anaphore du mot subordonnant « parce que »
associé toujours à des caractéristiques qui normalement s’opposent à l’amour
⮚ Notons l’énumération qui renforce leur aspect négatif et renvoie bien au mal, au
négatif avec les références au serpent « rampants » et au mal avec le « noirs »
⮚ Notons également une idée de cercle vicieux avec les deux derniers vers ce que
renforce l’emploi des rimes croisées. Elles sont, elles -mêmes, leurs propres
bourreaux
⮚ L’atmosphère continue d’être triste et terne

⮚ loin de les rendre responsables de cette image, Victor Hugo les convertit en
victimes, d’où de toute évidence la mise en exergue d’une certaine compassion
du poète à l’égard de ces êtres rejetés par le monde. Créatures fragilisées :
voir rime « chétives » « captives » v.5 et 7. Elles sont prisonnières de leur
propre image.
ème
3 quatrain
⮚ L’explication se poursuit ainsi que l’idée de cercle vicieux. D’ailleurs « œuvres »
rime avec « couleuvres »
⮚ Cet emploi du mot « œuvre » peut commencer à laisser penser que cette
araignée et cette ortie sont peut-être la métaphore de l’auteur romantique, du
poète maudit
⮚ Interjection lyrique qui renvoie au 1er vers. Poème moderne qui transfigure la
poésie lyrique traditionnelle
⮚ L’idée de destin, de cercle vicieux est illustrée aussi par l’emploi de l’adjectif
« fatal ». Nous retrouvons le champ lexical de la tragédie « fatal » « nœud »,
« œuvre ».
⮚ Le parallélisme final finit d’associer ces deux éléments et finit aussi d’expliquer
la vision négative qu’en ont les autres.
⮚ le choix des métaphores de la troisième strophe n’est pas innocent : « Parce
que l'ortie est une couleuvre, / L'araignée un gueux » (vers 11 et 12).
Animalisation de l’ortie en couleuvre qui rappelle que, en dépit de l’aspect d’un
reptile dangereux, la couleuvre est un animal inoffensif du fait de son
caractère non venimeux, comme l’ortie.
⮚ De surcroît, la personnification de l’araignée en mendiant introduit subtilement
l’idée de marginalité et souligne que, même si son apparence peut être
repoussante au regard des codes communs de la société, le gueux est un
malheureux que nous devons plaindre et à la douleur duquel nous devons
compatir, à l’instar de l’arachnide. L’araignée et l’ortie sont donc en réalité
gentilles et à plaindre.

4ème quatrain
⮚ L'explication continue en s’accélérant : une explication par vers

⮚ sonorités en « i »

⮚ On retrouve le champ lexical du sombre, de la mort, déjà présent aux vers 5 et


renforcé ici par le pléonasme “sombre nuit”
⮚ On retrouve aussi l’idée de « victime », terme directement associé par la rime
aux “abîmes”
⮚ Sonorité en [i] domine

5ème quatrain
⮚ Nous rentrons dans le 2ème mouvement du texte. L’auteur arrête de s’expliquer
et interpelle les passants par une apostrophe qui débute le vers. (si l’œuvre
évoque l’auteur, les passants peuvent évoquer les lecteurs ?)
⮚ Ce poème est en fait un appel à l’acceptation, à l’invitation de voir au-delà des
apparences.
⮚ Appel à la compassion mise en avant par la répétition du verbe à l’impératif
« plaignez » Ces impératifs présents sont des supplications de la part du poète.
Le tout est renforcé par la modalité exclamative qui met en relief l’état
d’esprit du poète.Celui-ci compte ici sur l’alchimie des mots pour agir sur le
lecteur.
⮚ La gradation lexicale, qui part de « laideur » pour aboutir au « mal » lui-même,
physique (« piqûre » v. 19) puis plus global et incluant un sens moral au vers 20,
approfondit le paradoxe sur lequel repose le poème tout entier. D’une certaine
façon, Victor Hugo tente, paradoxalement, d’obtenir la bénédiction (terme qui
signifie à la base, « dire du bien ») du lecteur en passant par la malédiction (de
la même façon, ce mot a le sens étymologique de « dire du mal »), ce qui
explique la présence de l’anaphore de la conjonction causale « parce que » qui
constitue une liste d’arguments destinés à persuader le lecteur : la malédiction
de l’ortie et de l’araignée est touchante et doit pouvoir susciter la pitié du
lecteur. Ce mal qui se répand doit céder la place à l’amour qui s’insinue, tel un
murmure, tout au long du poème.

6ème quatrain
⮚ Il replace ces êtres vils dans le monde

⮚ Opposition « tout/rien » vers 21. 22. « Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie. Tout
veut un baiser. » Appel à l’amour universel.
⮚ On retrouve le thème romantique de la mélancolie

⮚ L’adjectif “fauve” semble mélioratif (oxymore avec horreur ?)

⮚ A la tristesse s’associe maintenant la douceur et la beauté avec le « baiser »

⮚ Sonorités en [i] et [é]

7ème quatrain
⮚ Réflexion est lancée : qui du laid ou de l’homme est beau moralement ?

⮚ Ce dernier mot « Amour » allégorisé ici donne la clé de lecture du poème.


Amour qui entoure le texte( puisque le poème commence par "j'aime" et se
termine par "Amour") structure circulaire, la boucle est bouclée
⮚ vers 27-28 « vilaine bête » et « mauvaise herbe » / « amour ». Rime « mauvaise
herbe » et « superbe ».
⮚ Personnification “murmurent”: elles n’osent pas s’affirmer mais elles sont dans
la bénédiction au sens propre (à noter l’allitération en m qui fait entendre le
murmure, et la modalité exclamative qui renforce le dernier terme.)
⮚ Le mot amour avec une majuscule évoque un amour universel, celui que l’on doit à
toute créature, ce n’est plus seulement l’amour du poète (cf. le “je “ du vers 1)

CONCLUSION:
L’araignée et l’ortie que les mots du poète ont transfigurées en beauté sont ici
l’allégorie de tous ceux que la société rejette parce qu’elle ne s’arrête qu’à leur
apparence, or Hugo nous invite ici à voir la beauté de l’essence. Il a transformé la
laideur en beauté.
Ouverture possible sur d'autres textes de Hugo qui mettent en avant les
misérables ou sur des textes d'alchimie poétique comme " la Charogne" de Baudelaire.

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