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INTRODUCTON

1. Victor Hugo, (1802 – 1885)  est un poète, dramaturge et prosateur romantique considéré


comme l’un des plus importants écrivains de langue française. Il est aussi une personnalité
politique et un intellectuel engagé qui a joué un rôle majeur dans l’histoire du XIXe siècle
2. Ce poème est extrait des Contemplations, recueil de poésie de Victor Hugo, composé de
158 poèmes rassemblés en six livres, publié en 1856. C’est un ouvrage à dimension
autobiographique divisé en 2 parties (Autrefois / Aujourd’hui) dont le centre est un
hommage à  la fille du poète, Léopoldine morte en 1843.
NB - Il s'agit d'un poème composé de 7 quatrains (= 28 vers)  composé d'une alternance de
décasyllabes : "J'aime l'araignée et j'aime l'ortie" 
        et de pentasyllabes (5 syllabes) : 
        "Parce qu'on les hait", 
      aux rimes croisées ou alternées (abab)
 
Victor Hugo réhabilite dans ce poème un animal (l'araignée) et un végétal (l'ortie) généralement
méprisés. Cf caricature (notez bien ce qui figure sur l'étendard tenu par Victor Hugo et révisez le
nom des principaux auteurs romantiques...) :
 

 
3. Problématique : En quoi cet éloge paradoxal peut-il être lu comme un art poétique ?
Mouvements du texte :
Strophes 1 à 4 : l’amour du poète pour ces 2 êtres et les raisons de cet amour
Strophes 5 à 8 : message du poète et invitation à l’amour (invitation à partager cet amour, reconsidérer les
êtres habituellement méprisés)
 
Strophes 1 à 4 : l’amour du poète pour ces 2 êtres et les raisons de cet amour
 
Strophe 1 :
V. 1 : Le poème s’ouvre sur une double déclaration d’amour surprenante :
J’aimel’araignée et j’aimel’ortie
Association animal / végétal, mise sur le même plan cf parallélisme
 
V. 2 : raison de cet amour (cf locution conjonctive de cause) qui constitue un paradoxe :
Parce qu’on les hait
Paradoxe  (cause de cet amour dans le rejet des autres) que tt le poème va expliquer
Noter la double antithèse : aime / hait et je / on (= opinion commune)
 
V. 3 et 4 : coordination qui relie une deuxième cause (et que) énoncée dans un nouveau parallélisme
Et que rien n’exauce et que tout châtie
Nouvelles antithèses : rien / toutet exauce / châtie et présent de vérité générale : sort commun réservé à
ces deux êtres.
Personnification (cf souhait)  v. 4 qui renforce l’aspect pathétique de ces êtres (morne) qui apparaissent
comme des victimes
 
NB Alternance de décasyllabes et de pentasyllabes : volonté d’associer laid et beau, harmonieux et
disharmonieux. Ouverture provocatrice sur le plan du fond, du contenu comme de la forme.
 
Strophe 2 :
 
Strophe qui débute (comme ttes celles qui suivent dans le premier mouvement par : parce que répété à
chaque fois au vers 3 de chaque quatrain. L’araignée et l’ortie sont présentées comme des victimes
Portrait péjoratif :  
Cf adjectifs : « maudites (condamnation inéluctable), chétives » (laideur qui entraîne la répulsion, le dégoût,
la terreur)) 
« noirs êtres rampants » : vision d’êtres maléfiques, sataniques (image du serpent) + allitération en r
+ GN : « tristes captives » : l’araignée utilise sa toile pour piéger sa proie, l’ortie piège le promeneur au
moindre contact  mais ici Hugo les présente comme victimes elles-mêmes de leurs pièges, enfermées dans
l’image qu’on se fait d’elles.
NB assonance en i
NB personnification (chétives, captives) qui renforce le sentiment de compassion pour ces êtres fragiles
-> Insistance donc sur leur malheur et leur statut de victimes
 
Strophe 3 :
Même   idée de piège qui se referme sur elles, prisonnières de leur propre image
Cf prises dans + nœuds
S’ajoute ici la notion de fatalité, de destin : elles sont condamnées à ne pouvoir s’échapper de l’image
négative qui leur est attachée
Cf « ô sort » (Ô lyrique qui souligne cette dimension tragique), « Fatals nœuds »
+ exclamatives qui traduisent la douleur et l’indignation face à cette fatalité qui s’acharne contre ces êtres
 
Vers 11 et 12 : 
 noter l’animalisation de l’ortie en couleuvre (Couleuvre = aspect dangereux (reptile) mais
animal inoffensif) : rapprochement végétal / animal qui introduit un élargissement du
propos. 
 Noter aussi la personnification de l’araignée en « gueux » : introduit l’idée de marginalité,
de malheur. Personnification qui renforce la notion de compassion.
Deux mots importants à commenter :
 œuvre : terme qui permet d’établir un rapprochement entre l’ortie et l’araignée d’une part
et l’artiste de l’autre. Figure romantique de l’artiste méprisé, rejeté
 gueux = misérables, individus au plus bas de l’échelle sociale. Rapprochement cette fois
avec les individus misérables méprisés dans la société.  
 Nb rime « nœuds » / « gueux » : lie ces 2 notions que sont la fatalité et la misère sociale.
-> A travers l’araignée et l’ortie, ce sont donc tous les réprouvés (dont l’artiste, les pauvres) qui sont
évoqués.
 
Strophe 4 :
Dernière strophe de ce premier mouvement à mettre en relation avec la première où l’araignée et l’ortie
étaient présentées comme objets de « haine » (vers 2) : elles sont devenues ici des « victimes » (vers 15).
Renversement : de la haine à la compassion. 
Image des Enfers à travers « ombre des abîmes », « sombre nuit » 
 
Second mouvement du poème :
Strophes 5 à 8 : message du poète et invitation à l’amour
 
Strophe 5 :
Rupture marquée dans le poème :
 par l’apostrophe : Vers 17 : « Passants » : ceux qui passent dans le monde, qui passent au
cœur de l’œuvre, les lecteurs. Pluriel qui nous implique dans le poème.
 par les impératifs :« faites grâce », « plaignez » (3 occurrences vers 19 et 20)  : moins un
ordre qu’une supplication, une prière. Tonalité religieuse  et appel à la compassion :
cf Présence de périphrases : « la plante obscure », « le pauvre animal »
cf répétition du verbe « plaignez » (forme de litanie, d’incantation) et le mot « grâce ».
NB « grâce » : faveur divine
- Gradation ascendante des 3 termes : de « la laideur », au mal physique, à la douleur (« la piqûre »), puis
au mal plus global incluant un sens moral, spirituel («le mal »). Propos plus large : au-delà de l’ortie et
l’araignée, i s’agit de reconsidérer notre rapport au mal.
Le poète devient un poète messianique (qui se comporte en messie, vient apporter un message aux
hommes : ici celui de l’amour comme réponse au mal).
 
Strophes 6 et 7 :
Vers 21 et 22 :
Présent de vérité générale (est, veut) 
Termes globalisants : tournure impersonnelle (il n’est rien qui…) + tout
Antithèse : rien / tout
Appel à l’amour universel et besoin d’amour comme caractéristique essentielle de tout être.
NB « mélancolie » (= bile noire) : renversement / « noirs êtres rampants »  du vers 6 : opposition entre la
noirceur de ces êtres (apparence, image qu’on a d’eux) et la noirceur de leur douleur (humanisation,
compassion envers eux qui souffrent comme nous, humains).
 
Vers 23 et 24 :
- Vers qui fonctionnent avec le dernier quatrain (enjambement)
Deux concessives (« pour peu que ») : Appel à oublier ses réflexes (« pour peu qu’on oublie de les écraser »)
et à faire preuve d’humilité (« pour peu qu’on leur jette un œil moins superbe »). 
NB « superbe » au sens étymologique = orgueilleux
A rapprocher de « tout bas » (vers 26)
-> se montrer plus humble, au plus près des petits, de ce qui se révèle fragile et méprisé
- Personnification des 2 personnages : la vilaine bête et la mauvaise herbe murmurent. Jusque-là ces
créatures (ortie, araignée, gueux) subissaient leur châtiment sans s’exprimer. Ici, le poète leur donne la
parole et c’est un  murmure (non une parole violente, de révolte) qui dit : Amour.
Le poète les humanise en leur donnant accès à un sentiment purement humain qu’elles adressent au
monde en réponse à la haine dont elles sont l’objet (opposer le vers 28 au début : vers 2 (« on les hait »)
Clausule du poème sur le mot « amour » comme message ultime face au mépris, à la violence.
 
CONCLUSION
1. Geste poétique, politique et spirituel dans cette volonté de redonner leur dignité aux êtres
réprouvés, aux méprisés. Déconstruire une vision manichéenne du monde, des oppositions
binaires simplistes : bien / mal, laid / beau, aimable / méprisable. L’araignée et l’ortie
deviennent la représentation de tous ceux que la société rejette du fait de leur apparence,
des préjugés. Ce sont tous ceux qui sont écrasés parce qu’ils sont laids, pauvres, différents.
Tous les êtres vivants  sont dignes d’êtres aimés, d’être considérés.
+ Dimension esthétique : la poésie comme regard autre sur le monde, comme moyen de
transfigurer le laid en beau, alchimie.
2. Rapprochement avec « Une charogne », Baudelaire. A relire entièrement une nouvelle fois
en insistant sur la fin du poème qui évoque la mission , le pouvoir de la poésie :
Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine 
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés.
OU BIEN : rapprochement avec le travail de Francis Ponge (à suivre…)

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