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1. La poésie un art du langage Du grec poein (fabriquer, produire), le mot « poésie » a désigné
l’art du langage « fabriqué », c’està-dire différent, et de ce fait, rythmé. En ce sens, la poésie
s’oppose à la prose même si des poètes proposent au XIXe siècle des poèmes de ce type
comme Aloysius Bertrand (Gaspard de la nuit, 1842) ou Baudelaire (Petits poèmes en prose,
1869). On peut parler aussi de prose poétique pour un passage d’un texte particulièrement
rythmé, mélodieux et travaillé comme c’est le cas de la cinquième promenade des Rêveries
du promeneur solitaire de Rousseau. On reconnait la poésie par son travail sur les mots
comme matière sonore en jouant sur la répétition de sons comme la rime ou les allitérations
(répétition de sons consonantiques) ou les assonances (répétition de sons vocaliques). Elle
est apparentée à la musique en ce qu’elle est marquée par des effets rythmiques liés au
nombre de syllabes et aux coupes opérées dans le vers. La poésie sollicite aussi la dimension
visuelle par sa disposition dans la page avec les retours, mais aussi par les images créées
(métaphore, comparaison, allégorie). Elle met aussi en place un jeu sur le sens des mots :
polysémie (sens propre et sens figuré) et connotations (associations d’idées, souvenirs et
échos affectifs).
2. la poésie: énonciation et visées Elle peut avoir plusieurs fonctions : célébrer les Grands
(registre épidictique), exprimer des sentiments et sensations (registre lyrique), raconter une
fable (dimension narrative), défendre un point de vue (registres didactique, satirique,
polémique). Le « je » du poète ne renvoie pas à sa personne, mais à une voix qui s’exprime
dans le texte. On l’appelle le « je » lyrique. Mais le poète peut faire parler d’autres voix
notamment avec la figure de la prosopopée quand il fait s’exprimer par exemple un animal,
un objet, un mort et peut employer d’autres pronoms personnels : « on », « nous », « tu »...
Versifications :
Strophe = un groupe de vers (un vers = une ligne). 2 vers : distique 3 vers : tercet 4 vers : quatrain
10 vers : dizain Rappel : un sonnet est une forme fixe composée de deux quatrains et de deux
tercets.
Le sonnet :
Poème à forme fixe, très répandu dans la littérature française à l’époque de la Renaissance, employé
par des poètes tels que Ronsard, Du Bellay ou Louise Labé. Il comporte quatorze vers composant
deux quatrains et deux tercets. Le schéma des rimes et le type de vers varient suivant le type de
sonnet. Le plus souvent les rimes sont embrassées dans les quatrains (ABBA/ABBA) puis suivies et
embrassées (CCD/EED) dans les tercets. Le sonnet est une forme-sens c’est-à-dire que les quatrains
et les tercets sont souvent mis en opposition, laquelle débouche sur un effet final appelé « chute ».
Mais le sonnet peut aussi faire progresser une seule idée par étapes jusqu’à l’amplification finale.
Dans Les Cahiers de Douai, on trouve 11 sonnets : « Vénus Anadyomède », « Morts de Quatre-
vingtdouze », « Rages de Césars », « Le Mal, » « Le Châtiment de Tartufe », « Au Cabaret-Vert », «
La Maline », « L’Éclatante victoire de Sarrebruck », « Rêvé pour l’hiver », « Le Buffet », « Ma
Bohême ».
Le Romantisme occupe toute la première moitié du siècle de 1820 à 1850. Les auteurs majeurs sont
Hugo, Lamartine, Musset, Vigny. Ce mouvement esthétique européen met en avant le lyrisme et
l’expression du « moi » marquée par la mélancolie. Les sujets de prédilection sont la mort, Dieu,
l’amour, la fuite du temps, la nature et la fonction de la poésie. Leur perception du monde peut
s’accompagner d’une dimension fantastique comme chez Nerval et Nodier. Mais leur innovation
porte surtout sur leur affranchissement de l’expression versifiée et la recherche d’une plus grande
musicalité. C’est à cette époque que des poètes choisissent le poème en prose comme Aloysius
Bertrand (Gaspard de la nuit, 1842), mais aussi Baudelaire (Le Spleen de Paris, 1869). Le Parnasse
s’écarte des effusions romantiques pour recentrer la poésie sur le travail formel du poète et
développe la théorie de « l’art pour l’art ». Héritiers de Théophile Gautier, les poètes qui constituent
ce mouvement sont Leconte de Lisle (Poèmes antiques, 1852-1874), Théodore de Banville
(Odelettes, 1857) et José-Maria de Heredia (les Trophées, 1893). Le symbolisme a pour objectif de
fonder l’art sur une conception spirituelle du monde en établissant des correspondances entre les
différentes sensations pour le représenter. Baudelaire est considéré comme un précurseur de ce
mouvement. Il prône une « alchimie poétique » en alliant le laid et le beau, le bonheur et la
souffrance, « la boue et l’or » notamment à travers le recueil des Fleurs du Mal (1857) qui sera
victime d’un procès pour « outrage à la morale publique ». Les figures de Verlaine et de Rimbaud
prolongent le type du poète maudit par leur vie marginale. Rimbaud est associé à la figure du «
voyant », au « voleur de feu » écrivant une poésie faite de fulgurances et de révolte (Une Saison en
Enfer, 1873) tandis que Verlaine privilégie une écriture musicale et un lyrisme mélancolique
influencé par les impressionnistes (Les Fêtes galantes, 1869). L’œuvre de Lautréamont (Les Chants
de Maldoror, 1868) est marquée par son travail flamboyant sur la prose et l’expression de la révolte
contre Dieu et la société. Mallarmé quant à lui est connu pour développer une poésie concise et
parfois hermétique (Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, 1897) qui influencera Paul Valéry.
Les poètes « fin de siècle » tels que Tristan Corbière (Les Amours jaunes, 1873) ou Jules Laforgue
(Les Complaintes, 1885) exprimeront un certain désenchantement marqué par de l’autodérision.
Dès ses quinze ans, Rimbaud cherche à rencontrer les Parnassiens notamment en leur envoyant des
lettres. Les Cahiers de Douai sont écrits alors qu’il n’est qu’un collégien. Cette première « œuvre »
est la preuve de son talent et de sa volonté de produire un ensemble cohérent. Grand lecteur, il
s’inspire des grands auteurs du XIXe siècle inscrits dans le réalisme et le romantisme, tout en
formulant déjà ses premières critiques sur une poésie trop sentimentale. La remise en question de
ces modèles est postérieure et est formulée notamment dans les « lettres du voyant » datant de 1871.
On a souvent considéré Rimbaud comme un précurseur du symbolisme et du surréalisme.
Cependant, son arrêt précoce de l’écriture remet en question ce jugement. C’est Verlaine qui
participera activement à la publication de cette œuvre de jeunesse.
Rimbaud et le romantisme
S’il reconnait dans la « lettre du voyant » écrite à Demeny en 1971 que « Les premiers romantiques
ont été voyants sans trop bien s’en rendre compte », c’est la seconde génération (celle des
Parnassiens) qui pour lui se rapproche le plus de sa conception de la poésie: « Les seconds
romantiques sont très voyants: Th. Gautier, Lec. de Lisle, Th. De Banville. Mais inspecter
l’invisible et entendre l’inouï étant autre chose que reprendre l’esprit des choses mortes, Baudelaire
est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. »
Rimbaud et le Parnasse
Rimbaud écrit le 24 mai 1870 à Théodore de Banville, chef de file du mouvement parnassien: «
Anch’io (moi aussi), messieurs du journal, je serai Parnassien ». Il y joint trois poèmes intégrés aux
Cahiers de Douai: « Sensation », « Ophélie » et « Credo in unam » qui deviendra « Soleil et chair ».
Verlaine le fait venir à Paris en 1871 et débute une relation littéraire et amoureuse houleuse avec
son jeune protégé. Il lui présente les cercles littéraires de l’époque: les « Vilains Bonshommes » et
les Zutistes, dirigés par Charles Cros. Rimbaud crée des scandales par son attitude provocante et
sera rapidement exclu. Il reprend sa liberté et finit par arrêter d’écrire. Il demeure inclassable même
si son œuvre inspirera les symbolistes et les surréalistes.
1865 : Il entre au collège de Charleville. C’est un élève brillant. Le directeur dira de lui: « Rien de
banal ne germe dans cette tête. Ce sera le génie du mal ou celui du bien. » Certains de ses poèmes
sont publiés comme « Les Etrennes des orphelins » dans La Revue pour tous le 2 janvier 1870.
Janvier 1870: Rimbaud rencontre Georges Izambard, un jeune professeur qui lui fait découvrir les
poètes de son temps.
24 mai 1870: Rimbaud écrit à Théodore de Banville, poète parnassien afin de l’aider à se faire
publier.
29 août 1870: Rimbaud fugue pour Paris sans argent. Il est incarcéré à la prison de Mazas (le poème
« Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize… » est écrit pendant son
emprisonnement). Izambard l’aide à le rejoindre à Douai.
1er novembre 1870: Izambard remet Rimbaud à la police et il retourne chez sa mère. Il ne passera
jamais son baccalauréat et erre avec son ami Ernest Delahaye à Charleville pendant cette période
marquée par la guerre.
Février-Mars 1871: Il séjourne à Paris et travaille ensuite pour un journal local de Charleville.
Insurrection des Parisiens et proclamation de la « Commune ». Il écrit des poèmes d’inspiration
communarde, contre le gouvernement de Thiers et contre l’église: « Chant de guerre parisien », «
Paris se repeuple ».
Juin 1871: Il demande à Demeny de détruire les Cahiers de Douai, mais l’ami poète les conserve.
Été 1871 : début de la relation houleuse avec Verlaine à la fois amoureuse et artistique.
Juillet 1872: Après une première dispute violente en mars, Rimbaud persuade Verlaine de quitter
Paris pour Charleville, Bruxelles puis l’Angleterre. Mais leur histoire se terminera mal, Verlaine
tirera deux coups de revolver sur Rimbaud blessé au poignet et il sera condamné à deux ans de
prison.
Printemps 1873 : Rimbaud retourne vivre chez sa mère à la ferme de Roche et écrit Une Saison en
enfer sous l’emprise de l’alcool.
Octobre 1873: Une Saison en enfer est publié à Bruxelles, mais les parnassiens le rejettent en raison
de l’incarcération de Verlaine.
1874 : Rimbaud retourne à Londres avec Germain Nouveau et s’attelle à l’écriture des
Illuminations.
1875-1886: Verlaine rejoint Rimbaud en Allemagne et lui confie le manuscrit des Illuminations
publié en 1886. « L’homme aux semelles de vent » effectue de nombreux voyages. Il abandonne
progressivement la poésie pour le commerce alors que Verlaine publie Les Poètes maudits dans
lequel il lui rend hommage.
10 novembre 1891: Rimbaud meurt d’un cancer des os à trente-sept ans à Marseille. Il a travaillé
auparavant dans le commerce des armes à Aden au Yémen.
« Vénus anadyomène » -
Conclusion
Pour conclure, le poète se livre dans ce sonnet à une violente caricature du mythe initial. Ce sonnet
parodique est la manifestation de son émancipation de la poésie classique en parodiant l’un des plus
grands mythes. Mais plus que la prostituée, c’est donc le texte lui-même qui suscite l’étrangeté par
sa beauté. Rimbaud s’inscrit dans l’héritage baudelairien incarné par le recueil des Fleurs du Mal.
Dans une phrase complexe réunissant plusieurs propositions, on peut repérer des propositions
coordonnées, juxtaposées ou subordonnées. Dans le cas de la proposition subordonnée, la relation
entre la principale et la subordonnée est une relation de dépendance syntaxique car la proposition
subordonnée ne peut exister seule.
« Le Dormeur du val »
– Proposition de lecture linéaire
introduction
–
En mai 1870, Rimbaud a quinze ans et dans une lettre à Théodore de Banville, poète
parnassien, il formule son ambition de devenir poète. Quelques mois plus tard, il quitte
Douai et expérimente une vie d’errance et de dénuement afin de nourrir ses aspirations
poétiques. À son retour, il consigne les poèmes qu’il a créés notamment certaines pièces qui
sont inspirées de l’actualité. En effet, la guerre franco-prussienne a été déclarée au mois de
juillet, et le 2 septembre la France capitule et Napoléon III est fait prisonnier. Ce sonnet
s’apparente à un tableau présentant, comme le titre nous l’indique: « un val », c’est-à-dire
une petite vallée, et « un dormeur », soldat couché à terre. La nature comme le jeune homme
semblent sereins, mais cette première image dissimule la dure réalité dévoilée à la fin du
sonnet: le soldat est mort comme le montrent les « deux trous rouges » du dernier vers. On
pourra se demander comment la chute du sonnet invite à relire le poème comme une
dénonciation de la guerre. Nous pourrons montrer la mise en place du cadre bucolique
présent dans le premier mouvement constitué du premier quatrain. Puis, nous analyserons le
portrait ambivalent du dormeur développé dans les deux strophes suivantes. Enfin, nous
étudierons la chute du sonnet au dernier tercet frappant l’esprit du lecteur.
Conclusion
Ce sonnet présente deux aspects. D’une part, le cadre bucolique évoque la poésie lyrique
traditionnelle et d’autre part, la relecture du poème à l’aune de sa chute lui confère un registre
tragique. Dès lors, le poème a une fonction esthétique par sa dimension picturale, mais aussi
politique en dénonçant la violence de la mort sur ce jeune soldat innocent. Cette double
interprétation est relayée par des jeux sur les couleurs et les images évoquées.
Les Cahiers de Douai, (aussi appelés Le Cahier de Douai, Recueil de Douai ou Recueil Demeny) est
un recueil poétique constitué de poèmes que Rimbaud a recopiés à Douai chez son professeur
Georges Izambard, entre septembre et octobre 1870. La rédaction de ces manuscrits s’effectue lors
de deux fugues du jeune homme. Remis à Paul Demeny, poète parnassien, on peut penser que le
jeune poète a espéré être publié, avant de lui demander de brûler les feuillets. Ils se répartissent en
deux liasses respectivement de 15 et 7 poèmes et constituent en quelque sorte la genèse de la poésie
rimbaldienne.
Alors que Rimbaud est connu pour sa théorie du « voyant » qu’il expose dans deux lettres adressées
à Izambard et Demeny en 1871, ce premier recueil est encore marqué par une poésie assez classique
comme le montre la récurrence de la forme du sonnet employé dans ces pièces poétiques. Il est
aussi encore influencé par les modèles hugolien, baudelairien et les chantres du Parnasse que sont
Banville et Leconte de Lisle. Ainsi, il reprend le souffle poétique des romantiques pour défendre le
peuple lors de la guerre contre la Prusse et les évènements de la Commune de Paris. Il dénonce
l’esprit bourgeois par des images inattendues et la parodie à l’instar de l’auteur des Fleurs du Mal.
Enfin, il s’inspire des théories de « l’art pour l’art » en privilégiant une poésie de la sensation.
Si la révolution poétique du jeune homme reste modeste dans ce recueil, puisqu’elle apparait
essentiellement dans des choix lexicaux plus audacieux (notamment dans leur valorisation dans les
rimes) et un travail sur le rythme du vers, ce sont les thèmes abordés qui expriment une nouvelle
vision du monde à travers son regard aiguisé. En effet, les poèmes mettent en scène un « je »
adolescent et ses expériences personnelles. Dans « A la musique », il raille les bourgeois ridicules
sur la place de la gare de Charleville et dans « Au cabaret-vert », il relate la vie de bohème qu’il a
menée sur les routes de France. Sa révolte est aussi politique, quand il s’attaque de manière
virulente aux conséquences de la guerre sur les civils et quand il dresse des portraits à charge des
grands. Enfin, il réinvestit le thème lyrique de la nature pour faire surgir une poésie de la sensation
annonçant « le dérèglement de tous les sens » formulé dans « les lettres du voyant ».