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Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857) : l'alchimie poétique, la boue et l'or

OBJET D’ETUDE : La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle.

Introduction : Le contexte littéraire et culturel de l’œuvre

Le XIXe est le début du monde moderne que nous connaissons. Ce siècle a été bouleversé politiquement puisqu'un
nouvel ordre se mettait en place après des siècles de monarchie. De grands changements s'opèrent et ils sont de tout
ordre : politiques, économiques, techniques, culturels et artistiques. Cette instabilité politique et sociale a beaucoup
influencé les artistes et leur a permis par là de jouer un rôle plus grand dans la société mais paradoxalement, l'art n'a
jamais été aussi méprisé qu'à cette époque, La société bourgeoise étant surtout portée sur les valeurs matérielles et
financières.

I) Le contexte politique
– 1799-1815 → Napoléon Bonaparte => EMPIRE (Empereur Napoléon 1er)
Après la chute de l'empire, retour à la monarchie. Trois monarques se succèdent :
– 1815-1824 → Louis XVIII (la Restauration)
– 1824-1830 → Charles X => (la Restauration) => Révolte du peuple : révolution de 1830 (les 3 glorieuses)
– 1830-1848 → Louis-Philippe (monarchie de juillet) => Nouvelle république => Révolte en grande partie
ouvrière de 1848 soutenue par les intellectuels socialistes. Baudelaire les soutiendra malgré son aversion pour
les mouvements de masse. Il préfère le dandysme et cultive un détachement contestataire.
– 1852-1870 → Napoléon III => EMPIRE (neveu et pâle copie de son oncle qui installe un régime autoritaire)

II) Le contexte littéraire et artistique

Ce siècle est marqué par de nombreux courants qui traduisent les mutations de cette nouvelle société en construction.
La première moitié du siècle est majoritairement traversée par le mouvement romantique. Ce mouvement artistique
et culturel prend ses sources en Allemagne au siècle précédent. En réaction au classicisme, le romantisme bouleverse
toutes les règles (poésie, théâtre, roman) et s'intéresse à l' individu en tant que tel (ce qui est nouveau). Victor Hugo
est un auteur emblématique : il est le chef de file de ce mouvement (cénacle romantique). Théophile Gautier fera
partie des jeunes romantiques dans ses débuts.
Le courant réaliste lui succède aux alentours des années 1840-50. L'objectif est de rendre compte du réel le plus
fidèlement possible. On représente principalement la classe sociale majoritaire : la bourgeoisie. Le réalisme
permettra au roman de devenir un genre majeur. De grands auteurs font figure de proue mais le maître incontesté sera
Flaubert. Il connaîtra, d'ailleurs la même année que Baudelaire, une condamnation de son roman Madame Bovary par
la justice et ce pour les mêmes raisons.
Le mouvement naturaliste porté par Zola succédera au réalisme.
Parallèlement, aux alentours des années 1850, Théophile Gautier (ami de Baudelaire qui lui dédie son recueil)
romantique de la première heure lance un nouveau mouvement : le Parnasse. Le but poursuivi est de travailler la
forme, de créer simplement pour l'art à la recherche du beau. Les émotions passent après la forme.
Le symbolisme porté par Paul Verlaine verra le jour autour des années 1870-1885. Il s'agit pour ces poètes de
privilégier la suggestion, l' impression et l' harmonie donc en opposition au romantisme et au réalisme. A cette
époque on redécouvre l’œuvre de Baudelaire avec laquelle on trouve des relations esthétiques.

II) Et Baudelaire dans tout cela ?

Il n'est pas possible de faire entrer Baudelaire exclusivement dans une catégorie. On peut dire qu'il est inclassable car
à la croisée de tous les chemins.
Il a connu la déception politique de 1848 comme de nombreux romantiques et en garde trace, il peut se rapprocher
des parnassiens dans l'idéal de recherche de la beauté de l'art mais aussi des symbolistes dans sa recherche de la
correspondance des sens et par ses inspirations des autres arts (peinture, musique).
Baudelaire par son originalité esthétique ouvre la voie à la modernité poétique, il en est le précurseur.

Introduction : Editions, structure, thèmes et dédicace

I) Les différentes éditions


La première édition (1857) regroupe 5 sections : « Spleen et idéal », « Fleurs du mal », « Révolte », «Le Vin », « La
Mort ». Suite au procès l'éditeur se retrouve contraint de retrancher si pièces du recueil (« Lesbos », « Femmes
damnées », « Le Léthé, « A celle qui est trop gaie », « Les Bijoux » et « Les métamorphoses du vampire »).
La seconde édition (1861), celle que retiennent les éditions modernes, contient les poèmes de l'édition originale
diminuée des œuvres censurées et augmentée d'une trentaine de poèmes. Baudelaire ajoute la section « Tableaux
parisiens », modifie l'ordre des autres sections et déplace certains poèmes d'une section à l'autre.
L'édition posthume (1868) contient 6 sections et 151 poèmes dont certaines pièces d'un petit recueil Épaves publié en
1866 contenant 23 poèmes. Les pièces condamnées seront publiées plus tard.
II) La structure et l'organisation de l’œuvre
→ « Spleen et Idéal » décrit sous un éclairage tragique la condition du poète, ses déchirements dus à sa mission
spirituelle et sa fascination pour le mal. « Spleen » traduit la totalité des souffrances morales et physiques.
→ « Tableaux parisiens » traite des figures marginales (prostituées, vieillards, la foule...) dans l'espace parisien et
l’esthétique. L'espace alimente l'imaginaire et le poète convoque les figures naturelles et esthétiques qui lui
ressemblent.
→ « Le Vin » évoque le poète mais aussi les Hommes, les damnés comme les élus recherchant dans l'ivresse
l'impossible oubli.
→ « La Révolte » c'est une sorte de généalogie chrétienne du mal.
→ « La Mort », c'est l'espoir d'une réconciliation et d'un salut par la compréhension du sens de la vie.
Le recueil se termine par le poème « Le Voyage » qui semble prendre appui sur l'alchimie poétique qui a permis de
se servir de l'énergie du mal. Ce recueil semble avoir une fonction cathartique : une volonté de se purifier de ses
tendances mauvaises.
III) Les thèmes de l’œuvre
Le Spleen → état de mélancolie profonde (l'ennui = vide infini), proche de la dépression. Le terme anglais, selon
Baudelaire, traduit l'ensemble de la pluralité des souffrances physiques et morales.
L'Idéal → Lié à la beauté. Baudelaire établit un rapport entre la beauté et la poésie. La mission du poète consiste à
explorer tous les moyens permettant d' appréhender le Beau. Le Beau ne va pas de soi, il peut évoluer et se
transformer. La conquête de l'Idéal est associée à une expérience du bonheur (avec la femme aimée, elle est associée
à cette recherche de l'Idéal). Le désespoir de ne pouvoir atteindre cet idéal conduit vers le spleen.
La figure de la femme → dualité, ambivalence de la figure féminine dans l’œuvre. Elle peut mener le poète vers
l'Idéal mais elle n'est qu'un moyen éphémère d'y parvenir généralement par la beauté de son corps. Elle est
aussi la figure de la cruauté qui brise le génie poétique. A la fois Muse et Sorcière, elle crée un cycle infernal.
Dans l’œuvre trois femmes sont source d'inspiration :
-Jeanne Duval, originaire des îles à la peau ambrée, est la femme tentatrice et destructrice (« Parfum exotique », « la
Chevelure », « Je t'adore... », « Sed non satiata », « Avec ses vêtements... » , « Le Serpent qui danse », « Une
Charogne », « De Profundis clamavi », « Le Vampire », « Remords posthume », « Le Chat », « Le Possédé », « Un
fantôme », « Je te donne ces vers... », « Les Bijoux », « Le Léthé »)
-Marie Daubrun actrice et compagne de Théodore de Banville. Il est fasciné par la beauté de ses yeux vert
mystérieux, elle le trouble. Elle est l' »enfant », la « soeur ». (« Le Poison », « Ciel brouillé », « Le Beau navire », «
L'Invitation au voyage », « L'irréparable », « Chant d'automne », « Causerie », « A une Madone »)
-Mme Sabatier est la femme sublime, digne de toutes les vertus (sa relation avec elle fut plutôt platonique) (« Tout
entière », « La Muse et la Madone », « Que diras-tu ce soir », « Le Flambeau vivant », « Réversibilité », « Confession
», « L'aube spirituelle », « Harmonie du soir », « Le Flacon », « Semper eadem », « A celle qui est trop gaie »)
La figure du poète → Sa représentation est plutôt contrastée. Tantôt il est celui qui communie avec le monde et il
se trouve au cœur des choses lorsqu'il est question de l'Idéal. Tantôt il est dépossédé d'inspiration, objet de mépris et
de haine de la part des autres, en butte à la malédiction il est en exil sur Terre quand il s'agit du Spleen. C'est un
être traversé par une sensibilité aigue.
L'ailleurs et l'exotisme → Peut représenter la quête du beau donc de l'Idéal. C'est un intérêt qu'on beaucoup
d'artistes du XIXe en littérature et dans les autres arts (Delacroix en peinture). C'est tout ce qui est en dehors de nous,
de nos habitudes et coutumes qui suscite l'intérêt. Fréquemment, chez Baudelaire, le voyage des sens est source
d'exotisme
La mort → Dans le recueil, le poète ne cesse d'exploiter son obsession de la mort. Il s'inscrit par là dans le
romantisme noir (« Les Métamorphoses du Vampire », « Une Charogne »). La mort est toujours perçue comme une
menace constante qui paradoxalement représente l'unique espoir du Salut du poète et des Hommes.
IV) La dédicace
Elle est adressée à Téophile Gautier. Romantique dans sa jeunesse aux côtés d'Hugo, il se dirige à la maturité vers le
mouvement poétique du Parnasse dont il est le chef de file. Il rencontre Gautier dans les années 40 et se lie d'amitié
avec lui. C'est ainsi qu'il va l'initier à l'importance de la forme (« l'art pour l'art » est la devise des parnassiens : la
quête absolue du beau). Grâce à lui, il va rencontrer de nombreux artistes et fréquenter les salons. Leur conception de
la poésie diverge cependant : Baudelaire pense qu'il ne peut y avoir de perfection sans émotion alors que Gautier
croit en l'éternité du style.

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