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Thème Poésie
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[Baudelaire] veut être un grand poète mais n’être ni Lamartine, ni Hugo, ni Musset
💡 Nous allons donc voir comment Baudelaire va inscrire une poésie qui se veut différente, et
comme elle va ouvrir un nouveau pan de modernité poétique
Au poëte impeccable
Au parfait magicien ès lettres françaises
À mon très-cher et très-vénéré
Voyons plus en détail les caractéristiques de la poésie de Baudelaire et les rapprochements qu’on peut
faire avec le mouvement parnassien :
A) Le refus du romantisme
Cela mène à un travail de la forme, le poète devient sculpteur de mots : il réalise un travail d’orfèvre
(l’œuvre de Théophile Gautier : Émaux et camées, traduit bien ce travail minutieux, l’auteur travaillant ses
poèmes comme les bijoux antiques que sont les émaux et camées).
Sentimentalisme romantique, lié à un moi Une poésie plus intellectuelle, avec une
hypertrophié. Les plus désespérés sont les forme de dépersonnalisation (notamment
chants les plus beaux et j’en sais d’immortels dans Spleen II), qui va à l’encontre du moi
qui sont de purs sanglots (Le Pélican - Alfred éploré des romantiques. Le moi impersonnel
de Musset) est quasiment menacé par le gouffre, le néant.
Il n’y a vraiment de beau que ce qui ne peut servir à rien, tout ce qui est utile est
laid.
On note une opposition dans ce mouvement à la “valeur travail”. Dans la poésie baudelairienne il y a un
refus de la société moderne utilitaire qui irait toujours vers le progrès.
💡 Il va donc poser une nouvelle esthétique, celle des “fleurs maladives” (conclut la dédicace)
Elle est marquée par un ton beaucoup plus provoquant, qui est une rupture dans ce scandale que devient
la poésie de Baudelaire (opposée à la société bourgeoise et chrétienne). Ce scandale est marquée dès
sa sortie, le livre étant qualifié par un article du Figaro :
d’hôpital à toutes les démences de l’esprit et à toutes les putridités du cœur (…)
l’odieux y coudoie l’ignoble, le repoussant s’y allie à l’infect.
S’ensuit notamment un procès en moralité contre le poète, mené par le procureur Pinard, qui demande la
condamnation du recueil pour offense à la morale politique, à la morale religieuse et aux bonnes
mœurs.
Baudelaire sera seulement condamné à une amende et à la suppression de six poèmes (les pièces
condamnés). Baudelaire étant l’auteur de deux recueils principaux : les Fleurs du Mal et les petits
poèmes en prose (ou le Spleen de Paris).
Un autre choc pour son lectorat peut se comprendre par son poème “le Chien et le Flacon”, où il critique
un public “exaspéré par les parfums délicats et y préférant des ordures bien choisies”.
Le premier, il a rompu avec le public - les poètes s’adressaient au public (…) lui le
premier s’est dit : “la poésie sera chose d’initiés. Je suis damné par le public”
Le poème défini le lectorat de Baudelaire, mais ce lectorat n’est pas valorisé (il est “hypocrite”), et c’est un
lectorat en proie à l’ennui (un ennui existentiel qui dit l’horreur de la vie).
Baudelaire affiche toutefois une proximité avec son lectorat (”nous”), lectorat malmené car défini par une
suite de défauts (des mauvaises qualités décriés dans le christianisme, comme par exemple la lésine -
Mais ces remords (péchés) sont aimables, ce qui nous indique le travail d’antithèses fondamental de
cette esthétique, avec un mal qui devient délicieux (les fleurs du mal) ⇒
Il y a une forme de plaisir dans
le mal.
Et nous rentrons gaiement [le plaisir = le mal] dans le chemin bourbeux [/ “boue”
du parcours]
De même, Satan Trismégiste est un oreiller du mal, comme l’indique aussi la douceur du verbe bercer,
l’esprit devenant enchanté . On retrouve toujours cette bipolarité (mal-plaisir) avec les objets répugnants
qui sont des appas, et les “plaisants desseins” qu’auraient le viol ou les incendies.
On note d’ailleurs que Satan est l’initiateur de l’alchimie (science magique ayant pour but de transformer
le plomb en or), ici c’est la boue (= le mal/vice/toute forme de laideur) qui devient de l’or (par le poème).
Cette esthétique qui se veut violente va introduire des termes à priori rejetés de la poésie (qui est
censée être un genre plus “élevé”), comme catin, viole, helminthes (des vers intestinaux), le houka
(narguilé), vermines (=lecteurs), le verbe puer, ou les références à Satan (le côté blasphématoire). De
même le terme de cerveau , qui s’oppose à l’âme et au spirituel, avec une description plus prosaïque (la
poésie décrit généralement surtout le cœur et parfois la main).
Les images (qui sont caractéristiques de la poésie - un genre plein de métaphores et de comparaisons)
sont ici renouvelés par leur crudité et leur violence, car elles se veulent délibérément choquantes. C’est
une descente aux enfers, la poésie doit aller vers ses laideurs sans niaiseries.
>>> Le recueil
Il a en poésie une sorte d’architecture avec des enchaînements et une logique. Celui des
Contemplations de Victor Hugo peut par exemple se lire comme une sorte de journal (avec comme date
Baudelaire a longtemps insisté sur la structure signifiante du recueil (c’est notamment un de ses
arguments à son procès). (// Barbey d’Aurevilly)
Le seul éloge que je sollicite pour ce livre est qu’on reconnaisse qu’il n’est pas un
album et qu’il a un commencement et une fin.
La première édition des fleurs du mal de 1857 comporte ainsi cent poèmes, ce qui peut indiquer
l’importance du poème 50 : “L’Irréparable”, qui dévoilerait le plan de Baudelaire, avec d’abord une volonté
de voir le passé paradisiaque et radieux (Spleen et Idéal), avant de se tourner vers un passé ténébreux et
irréparable. Dans les cycles de la partie Spleen et Idéal on trouve par ailleurs les cycles des femmes (”A
une passante”, “A une dame créole” etc.).
Mais la structure pourrait aussi être pour Baudelaire un simple moyen d’éviter la censure. La non-rigidité
de cette structure se voit dans l’édition de 1861 où Baudelaire déplace certains poèmes (”la Destruction”
passe des fleurs du mal à Spleen et idéal). S’ensuit d’ailleurs l’ajout des tableaux parisiens (+ 20
poèmes).
⇒ Le recueil s’ouvre sur la section Spleen et Idéal, avec au départ des poèmes qui subliment l’idéal et la
supériorité poétique. Mais à partir du poème “Les Phares” les choses commencent à se gâter, avec un
cycle sur la question de comment travailler ?, qui va poser les conditions modernes de l’écriture poétique.
On sort en effet de la muse qui vient insuffler ses idées au poète, son travail devient laborieux, avec par
exemple la terreur de la page blanche (reprise par Mallarmé) - un poète menacé d’impuissance.
Après ce cycle suit un cycle des femmes (plus érotiques), dont un est dédié à Jeanne Duval. Puis le cycle
de la présidente (dédié à Mme Sabatier), avec des aspects plus “angéliques” (le poète veut tout de même
lui infuser du venin), et un dernier cycle adressé à Marie Daubrun (qui se détache par ses yeux "verts”).
💡 La section Fleurs du Mal, qui met “en abyme” le recueil tout entier, en en reprenant le titre
Dans l’édition de 1857, ce qui suit la section Spleen et idéal c’est la section fleurs du mal. Cette section
reprends par son titre celui du recueil et est souvent considérée comme une mise en abîme du recueil
tout entier.
Dans les six poèmes condamnés à la suite du procès intenté à Baudelaire, trois de appartenaient à
cette section, or la section ne comportait à l’origine que douze poèmes (C’est la section la plus marquée
par la censure).
Dans ces pièces condamnées on peut noter, “Lesbos” et les “Femmes Damnées “(Delphine et
Hyppolite), qui font écho au premier titre du recueil qui devait s’appeler les Lesbiennes. On comprend
donc bien le scandale que ces pièces mettant en avant ce genre d’amour pouvait provoquer.
Après Spleen et Idéal Baudelaire va mettre tableaux parisiens (n’apparaissait pas dans la première
édition), puis la section le Vin avant la section fleurs du mal. Dans la première édition : l’ordre était le
💡 La Mort - dernière section du recueil - serait peut-être la solution ultime au mal-être du poète.
C’est assez significatif que le recueil se termine par cette section, comme étant finalement peut-être le but
ultime, la seule solution apportée au mal-être caractérisant le poète du recueil.
L’édition de 1861 ajoute en dernier poème : “Le Voyage”. Il est tentant à sa lecture d’y voir la morale du
recueil. Pourrait-on y retrouver cette idée d’une architecture secrète ?
La mort, très présente dans ce poème et dans sa section, ce serait la possibilité de résoudre ce postulat
contradictoire donné dans la poésie de Baudelaire : que l’homme est partagé entre Spleen et Idéal;
postulat qui ne peut être résolu ni par les paradis artificiels (section le Vin), ni par l’abandon au péché
(section Fleurs du Mal), ni même par la Rébellion (section Révolte).
Dans ce dernier poème on pourrait donc voir décrites toutes les étapes de la vie du poète, avec un
poème qui serait des mémoires, avec les différents échecs de cette quête du poète. Quête de ce poète
qui demande sans cesse du nouveau et dont la dernière espérance serait la mort - seule certitude dont le
poète essaye de faire le dernier espoir.
A) L’or et la boue
I) La prédominance de la laideur et du mal dans la poésie de
Baudelaire
💡 Pour essayer de comprendre cette laideur : il faut voir l’association entre la laideur et le péché
qui va poser un mal comme étant un mal ontologique (= issu de notre nature même, pas issu
de notre relation au monde, l’homme en est porteur dès l’origine).
Le thème de la chute posé dès la Genèse dans la Bible est repris dans la conception baudelairienne du
monde. On a donc dans la poésie de Baudelaire une opposition à la théologie chrétienne, mais surtout
une ambivalence par les références faîtes à cette théologie (”dire que Dieu est mort et donc le seul Dieu
est Satan” n’est pas la même chose que dire “Je ne crois pas en Dieu”).
Pour Baudelaire Dieu a été remplacé par Satan (trismégiste - trois fois puissant).
Il y a beaucoup de poèmes où on va retrouver la représentation d’un monde sous l’emprise du mal, avec
un Dieu ou absent ou totalement impuissant face aux puissances diaboliques.
"Dieu [...] s’endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes.” [un Dieu absent]
"Les sanglots des martyrs et des suppliciés sont une symphonie enivrante"
Les sanglots sont logiquement opposés aux symphonies enivrantes mais sont ici reliés par Baudelaire,
les sanglots deviennent quelque chose de beau et de plaisant,
💡 On retrouve comme dans le poème “Au Lecteur” la présence de vices qui caractériseraient
l’humanité mais aussi toute la volupté que ce vice occasionne.
Dans un poème comme “Le possédé” Baudelaire Dans un poème comme “la Destruction”.
va une fois de plus chanter la gloire de Satan.
“Sans cesse à mes côtés s’agite le Démon (…)
“Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge
Il me conduit ainsi, loin du regard de Dieu,
aurore ;
Haletant et brisé de fatigue, au milieu
Il n’est pas une fibre en tout mon corps
Des plaines de l’Ennui, profondes et désertes”
tremblant
Qui ne crie : O mon cher Belzébuth, je t’adore
!”
Dans “L’Imprévu” :
“Chacun de vous m’a fait un temple dans son On note toujours cette érotisme tout à fait
cœur; scandaleux (fin deuxième vers) : la sensualité
On pourrait aussi relever d’autres poèmes, comme d’autres appartenant à la section Révolte, mais aussi
“Franciscae meae laudes” (une sorte de messe noire qui s’adresse non pas à Dieu mais à une femme
)
On avait vu que la poésie romantique privilégiait ces espaces naturels, car le poète romantique fuit la
laideur de la ville pour se ressourcer dans sa solitude face à la nature.
💡 Beauté de la nature qui est en général un topos (sorte de lieu commun) poétique, car la nature
c’est le lieu de la beauté.
Or ici la laideur de la ville va trouver une place originale et novatrice dans la poésie
baudelairienne
Chez Balzac, le héros est trop pauvre pour utiliser des voitures (à cheval bien sûr) mais il veut apparaître
comme luxueux dans les lieux qu’il convoite et s’efforce donc de ne pas avoir de bottes crottées par cette
boue.
La boue est caractéristique de cette ville du XIXe et représente métaphoriquement la misère sociale de
la ville.
💡 On a, ne serait-ce que par le titre de la section Tableau Parisiens, la volonté par Baudelaire de
représenter cette misère de la ville, c’est une autre facette de la modernité poétique de
Baudelaire.
(Même chose dans “Melancholia” de Hugo où il représente le travail des enfants , mais chez Baudelaire
on n’a plus la volonté de vaincre la misère sociale par la poésie, nombreux poèmes de cette section sont
d’ailleurs adressés à Hugo) (On note quand même la difficulté de classer les poètes par courant,
Baudelaire est tout de même influencé par les romantiques malgré son rattachement aux parnassiens).
On note les trois vers qui montrent le lien entre la laideur actuelle et la modernité :
L’apparition du “dieu de l’Utile” signe fin des dieux de l’antiquité, avec l’apparition de valeurs nouvelles de
la bourgeoisie “travailleuse” qui valorise le labeur/ le travail.
Les langes sont ces tissus dans lesquelles on emmaillote les nouveau-nés , mais ces langes sont ici de
métal (image bien sûr) : cette métaphore vient empêcher la croissance naturelle de l’enfant et va produire
ces corps tordus, dont la laideur va apparaître soit dans la maigreur (maigres) soit dans l’embonpoint
(ventrus).
3) (à partir de Nous avons, il est vrai, nations corrompues). La laideur de la deuxième strophe aurait aussi
une autre beauté, ces fleurs maladives que la poésie de Baudelaire va révéler. Cette strophe est en
sens particulière, car elle annonce le projet de Baudelaire qui est de montrer que dans ces laideurs il y
a la possibilité d’une nouvelle beauté (“Aux peuples anciens des beautés inconnues”), mais une beauté
paradoxale .
On voit en effet que cette beauté est assez particulière (“chancres (= pustules) du cœur”). La strophe
revient ensuite à une description de l’idéal. (la section Spleen et Idéal ne traite pas forcément les
Par exemple, le poème “A une passante”, est assez intéressant car Baudelaire va décrire un
phénomène nouveau : la présence d’une foule (surpopulation de la ville =/= village) avec la possibilité
de rencontrer des gens qu’on ne verra peut-être qu’une fois. Ce poème rend compte de cet anonymat
des villes et des rencontres fortuites et très brèves : on y trouve célébration d’une beauté qui ne sera vue
qu’une seule fois par le poète.
💡 Cette expression montre bien le projet de Baudelaire qui est de représenter cet aspect nouveau
de la ville au XIXe et d’introduire cette réalité dans une poésie qui l’ignorait jusqu’alors.
Ce lien entre civilisation et ville n’est cependant pas à voir partout, le poème l’Albatros montre par
exemple plutôt l’écart entre le poète maudit et les hommes : l’oiseau = le poète, qui perd sa beauté une
fois au milieu des hommes sur le bateau (ils ne symbolisent pas forcément la foule d’une ville).
💡 Ce sont des sujets certes nouveaux mais aussi souvent écartés car considérés comme laids.
Il se situe toujours dans cette même section des tableaux parisiens. (On peut d’hors et déjà s’interroger
sur son titre, ce n’est pas un pléonasme, mais pourquoi rajouter le “du soir”? Peut-être pour l’opposer à
un poème qui suit: le crépuscule du matin : Tout ne serait donc que crépuscule pour Baudelaire)
On note la dureté et la pénibilité du travail (ouvrier courbé : c’est l’introduction dans la poésie du monde
ouvrier). L’aube a tendance à disparaître dans la poésie de Baudelaire au profit du crépuscule du soir
(avec sa lumière inquiétante et plus sombre).
Le poème pose une représentation de l’humanité, qui se fait en deux temps (voir même trois) :
On a d’abord ceux qui voient dans la nuit qui va bientôt arriver la possibilité de se reposer, on va avoir
une représentation d’une certaine partie de la population qui “aujourd’hui a travaillé”, ce sont les esprits
que dévorent une douleur sauvage (les savants ?) et l’ouvrier courbé. La nuit est alors un moyen mettre
Ce vers marque un travail sur l’image poétique, ce qui maintenant éclaire n’est ni le lampadaire (élément
matériel), ni un élément de la pensée (les Lumières du XVIIIe) mais le mal . On note la majuscule donnée
à Prostitution , qui rappelle le dieu de l’Utile, comme si la Prostitution prenait une telle importance qu’elle
en est comme déifiée. C’est une personnification/ une allégorie qui semble faire de cette état une sorte
de déesse, de force qui va régner sur la ville.
La fin du poème s’intéresse aussi à une autre classe, qui n’est pas plus heureuse (que ceux souffrants
physiquement ou spirituellement du travail) : celle des malades. Leur représentation qui fait référence
aux regroupements : écoles mais aussi hôpitaux, ces derniers devenant des hôpitaux de mort (on verra
aussi la création d’asiles psychiatriques) dont on ne ressort pas : lieux terrifiants de fous.
💡 Baudelaire représente une humanité malheureuse, qui vit son malheur de différentes façons
que le poète représente dans son œuvre.
Les trois façons de vivre cette nuit sont donc : se reposer après avoir travaillé (souffert), vivre le mal
(c’est moins la souffrance des habitants qui est alors soulignée que juste un moment où le vice règne) et
ceux qui vont encore plus souffrir car la nuit ne nous distrait plus des douleurs du corps comme le jour le
fait par ses activités.
Les Tableaux parisiens contiennent de nombreux autres poèmes, dans lesquels Baudelaire s’intéresse
beaucoup à ceux laissés pour compte dans la ville, non pas ceux qui s’enrichissent, mais ceux que
cette société du XIXe abandonne sur le chemin du soi-disant progrès.
Ainsi, en plus des prostitués, voleurs et escrocs, sont aussi décrits les joueurs, qui sont en proie eux
aussi à une sorte de démon. Dans le poème “le Jeu” (un thème aussi présent dans la Peau de Chagrin)
sont développées ces images de joueurs. De même le poème “Vin des chiffonniers” (dans le cycle : le
Vin) dépeint une situation pas plus heureuse.
Dans cette ville sont aussi présents “les Aveugles”, “Les petites vieilles”, finalement toutes les personnes
écartées de la société du fait de la misère, d’un handicap, de la maladie, qui vont devenir les héros de
ces tableaux parisiens. Dans “les Aveugles” :
💡 Représentation de la ville, non pas dans sa beauté mais comme étant l’espace privilégié de
cette laideur.
Autre poème : “Moesta et errabunda”, (Triste et vagabonde) avec une association entre la ville et la
boue :
le “noir océan de l’immonde cité”, “ici la boue est faite de nos pleurs”
💡 La boue a ainsi bien une dimension métaphorique, elle est caractéristique physique de la ville
mais aussi métaphore du vice et du mal favorisés par ce phénomène moderne des grandes
métropoles.
Dans “le crépuscule du matin” (la fin de cette nuit), au lieu d’un chant de l’aube on a plutôt la
continuation de cette nuit misérable qui nous a été décrite dans crépuscule du soir.
(Comme dans la peau de chagrin où après l’orgie apparaissent les visages remplis de laideur)
La fin du poème marque toutefois le retour des ouvriers :
Il y a une différence de longueur entre les deux parties. Celle sur la réalité est plus courte (la réalité
⇒
mérite-t-elle d’être décrite ? horreur de la réalité). Cette dernière est par ailleurs associée à plusieurs
points négatifs : les soucis, la pauvreté (taudis), la mort (dans la dernière strophe, Baudelaire insiste sur
Ce poème ouvre la section Tableaux Parisiens. Il effectue d’abord une description assez méliorative de la
réalité (avec un paysage qu’on reconnaît assez vite comme parisien/urbain : les tuyaux, les cloches, ces
mâts de la cité, (le terme de tuyaux appartient au vocabulaire prosaïque)).
Ce poème décrit un paysage hivernal parisien ⇒ il se termine sur cette volonté d’enfermement.
La première strophe effectue une référence aux poésies anciennes en parlant des églogues : le poète va
décrire un nouveau paysage.
La transition entre les deux descriptions (réel et irréel) s’effectue avec par exemple les fleuves de charbon
(les fumées des usines sont ainsi décrites comme “belles”), avec un paysage parisien qui par la suite va
sembler s’élever à la hauteur d’un idéal (enchantement, firmament).
Mais ce paysage parisien voit la venue de l’hiver, ce qui pose la nécessité d’un paysage rêvé qui
permettrait de nier l’hiver (le poète évoque par la suite le Printemps). L’opposition entre les deux se voit
par les couples : albâtre (=blanc) =/= charbon (=noir), ou encore oiseaux =/= soir.
💡 Le rêve permet d’accéder à quelque chose de merveilleux, une beauté (un paysage) bien
supérieure à la réalité
Les vers qui décrivent ce paysage onirique sont plus luxueux (s’oppose au prosaïsme du terme tuyaux
par exemple) : jardins, jets d’eau, albâtre (pierre assez précieuse). Le rêve échappe à la réalité (l’émeute
tempêtant vainement - cette émeute peut symboliser l’hiver ou bien même l’aspect politique qui est ignoré
par Baudelaire dans sa poésie).
⇒ La réalité est au départ décrite de manière méliorative mais se trouve inférieure au rêve, l’intérêt de
Baudelaire est dès lors de recréer un monde idéal pour se rappeler l’enfance perdue et ignorer la réalité
(un mal qu’il faut fuire, comme les troubles politiques de ce siècle : 1848 etc.) pour rester dans une sorte
de Printemps éternel.
(Chez Baudelaire, l’hiver et le froid sont souvent associés à la mort : “Chants d’Automne”, “Pluviôse”)
>>> Autres poèmes
Différents artistes sont ainsi nommés : Rubens, de Vinci, Rembrandt, Michel-Ange, Puget, Watteau,
Goya, Delacroix, Weber
[Les trois dernières strophes du poème sont particulièrement importantes]
Son analyse nous amène à distinguer la personne de Baudelaire et le poète :
Dans le cycle des femmes sont décrites des femmes qu’il a réellement connu (les différents
rencontres avec elles)
Le premier poème (”Bénédiction”) raconte sa naissance et son enfance parmi les hommes avec un
ordre chronologique : naissance, enfance (heureuse au début (v.25) puis triste dans son rapport aux
autres (v.29-32) avec un rapport d’hostilité). Cette structure “chronologique” se conclut dans la fin du
recueil avec la section la Mort (c’est le voyage de la vie du poète)
La section le Vin peut faire écho au fait que Baudelaire se droguait réellement.
La même dimension tragique se retrouve dans le discours de la femme avec laquelle serait
Baudelaire (où???)
Ainsi parfois Baudelaire se confond avec le poète, mais on distingue aussi le “moi” de Baudelaire et le “je”
poétique (préfigure le “je est un autre” de Rimbaud). Par exemple Baudelaire l’homme trouve-t-il une
charogne vraiment belle et lui aurait-il vraiment tenu ce discours, ne serait-ce pas plutôt de la fiction
poétique.
L’étape essentielle pour la compréhension du travail de poète est la différence entre le simple journal
intime et le travail de poésie qui donne une hauteur lyrique à un vécu.
Poe permettrait de “revêtir la nature entière d’un intérêt surnaturel qui donne à chaque objet un sens plus
profond, plus volontaire, plus despotique (on note le système comparatif avec la répétition des “plus”) (…)
que ce soit par le biais d’une drogue (=opium) ou par le biais de jours plus heureux, qui donneraient
accès à une nature dotée d’un plus (plus attentive, plus resplendissante).
Delacroix est lui “traduction de ces beaux jours de l’esprit”.
💡 Aller au-delà de la nature, aspect que l’on va développer dans cette analyse de l’idéal dans la
poésie de Baudelaire.
Pour Baudelaire comme pour Proust, la vraie vie c’est l’art et non pas la réalité.
Le poète est aussi souvent représenté comme étant celui que la beauté dirige :
>>> Correspondances
On est toujours dans l’évocation de cet idéal.
C’est le premier sonnet du recueil, mais au juste, qu’est-ce qu’un sonnet ?
Le sonnet est une forme de poème apparu d’abord avec Pétrarque en Italie et très utilisée pendant la
période de la Renaissance (Ronsard et Du Bellay en France).
Le XVIIe est moins friand de cette forme poétique, par exemple dans le Misanthrope , un poète demande
à Alceste son avis sur son sonnet et ce dernier répond “franchement, il est bon à mettre au cabinet
monsieur, vous vous êtes réglés sur de méchants modèles”.
Cette forme revient toutefois au XIXe, mais elle a de fortes contraintes :
Pour les rimes des tercets on distingue le style français et le style italien. On considère les deux tercets
comme six vers avec dedans un quatrain (typiquement les 4 derniers vers, ce qui n’est pas le cas ici) et
un distique- deux rimes suivies. Le quatrain peut être en rimes croisées (type français) ou embrassées
(type italien).
Ce sonnet n’est pas régulier, le distique est à la fin et les deux premiers quatrains ne sont pas fondés sur
les mêmes rimes (comme ils devraient l’être).
Cette forme introduit deux axes d’analyse intéressants : réfléchir à ce qui explique la rupture d’une
strophe (la charnière/la volta) et être très sensible au dernier vers qui est la pointe/chute du sonnet et qui
cherche à créer un effet surprenant ou assez fort.
C’est un poème qui va poser le mouvement du symbolisme (dont seront plus tard tributaires Verlaine
et Rimbaud).
D’une part dans le poème le mot symboles est à la rime. Le symbolisme nous invite à mieux comprendre
le rapport entre la réalité et le monde, totalement différent des poètes romantiques ou de la littérature
réaliste.
Ici le poète voit les choses différemment de notre vision “banale”, la forêt devient un temple et les arbres
des piliers. Cela fait du poète quelqu’un qui a accès à quelque chose de supérieur. Le poète et une sorte
de pouvoir, il est comme un mage, avec un rôle intermédiaire entre deux mondes, le réel et le spirituel.
Cet aspect spirituel vient magnifier la perception du monde et de la nature.
On a une nature qui parle (avec des paroles confuses) et qui observe.
Dans le deuxième quatrain on a les fameuses correspondances : des associations d’éléments contraires
(une synesthésie des parfums, des couleurs et des sons). Les correspondances sont d’abord horizontales
: elles lies des choses naturelles de façon à apporter des confusions : elles relient différents sens. C’est
l’idée du lien que nous ne voyons pas (par exemple celui entre les ténèbres et les clartés), c’est la vérité
surnaturelle à laquelle a accès le poète.
On note le jeu sur les sonorités : unité rime avec clarté, or le mot unité a les mêmes sons que nuit.
Les tercets vont développer les parfums, illustrant de ce fait ce qui a été énoncé dans les quatrains.
Il y a plusieurs sortes de parfums : ceux frais, doux et ceux (préférés) corrompus, riches et triomphants.
On a encore une synesthésie, les parfums sont comparés à des chaires d’enfants, à des hautbois
(musique) ou a des couleurs (verts comme des prairies).
(La Métaphore est une correspondance horizontale car elle vise à associer deux choses différentes).
Le dernier tercet va lui introduire les correspondances verticales, avec des parfums réels qui donnent
accès au monde spirituel : des choses infinies, ce sont des transports de l’esprit.
Cette communication entre les mondes était déjà indiquée dans les quatrains : dans le premier vers la
nature devient un édifice religieux qui rappel le spirituel.
💡 Le poète est celui qui est capable de déchiffrer les mystères du monde. Il a recours aux
symboles et aux images, qui lui permettent de saisir une réalité dissimulée et d’établir des
correspondances horizontales entre les choses mais aussi des liens entre le monde visible et le
monde invisible (les correspondances verticales). La poésie ne sert pas à décrire le monde de
façon réaliste mais à exprimer des impressions perçues par le poète, ce qui rejoint l’idée d’une
beauté surnaturelle.
3) La beauté idéale
Dans “Rêve parisien” on a l’opposition entre l’horreur du réveil et la splendeur du rêve, ce monde onirique
qui nous donne un indice sur ce que pourrait être cet idéal.
Dans le poème XVII, “La beauté”, on a une prosopopée (quelque chose qui parle alors qu’elle ne le peut
pas) de la beauté :
Dans “Rêve parisien” au vers 12 on a l’évocation du métal et du marbre, qui sont valorisés par leur
enivrante monotonie, ils ne sont pas soumis aux variations du temps.
Il y a évocation de nombreuses pierres précieuses : l’or (//parcours) mat ou bruni, les gouffres de diamant
(carbone) v.36, les tunnels de pierreries v.39, les pierres inouïes v.29.
Sont évoqués des minéraux charmants, la nacre et le sable morne, l’or, l’acier (lumière?) et les diamants.
Astre inutile (pas le dieu de l’Utile, donc valorisé)
“froide majesté de la femme stérile” (// premier titre : Les Lesbiennes, avec une haine de la fécondité).
La nature est liée pour Baudelaire à l’irrégularité, la fécondité et est condamnée à être modifiée par le
temps ⇒ La beauté de Baudelaire s’oppose à la nature (romantisme)
Cette beauté est le fruit d’une élaboration intellectuelle et elle n’est jamais liée à une description partant
de la réalité (que serait le réalisme).
⇒ Elle s’éloigne du romantisme et du réalisme.
La tâche du poète est de construire une autre réalité, même si cette tâche est liée à une forme de
souffrance, cf. “La Beauté” :
Ce problème est posé dans “Parfum exotique” (qui est par ailleurs un sonnet régulier)
Le cadre est la situation d’intimité avec une femme : les quatrains et les tercets vont de l’odeur du sein
vers les parfums (un ailleurs exotique) ⇒ échapper à la réalité européenne de l’hiver.
On note la progression grammaticale entre quatrains/tercets : les deux couples sont une seule phrase,
mais les quatrains sont : une PS3C puis une principale, alors que les tercets sont une principale + une
PS3C. Les propositions subordonnées sont toutes deux CCT, mais la première est dans la réalité, et la
dernière dans l’ailleurs spirituel exotique, le sommet vient donc gommer la réalité. (PS3C = proposition
subordonnée conjonctive complément circonstanciel).
L’odeur est le réel qui est inférieur au rêve qui lui a droit au mot parfum.