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Analyse linéaire

"A une mendiante rousse" Intro


L'auteur est Charles Baudelaire , précurseur de la modernité poétique. L'Œuvre
est un extrait des fleurs du mal , paru en 1873, mouvement littéraire du
symbolisme , c'est un recueil sur la tension intérieure entre le spleen et l'idéal.
A une mendiante rousse est le troisième poème de la section "Tableaux
parisiens" , section dédiée à la ville et a ses habitants. Baudelaire poétise une
réalité ignorée par la poésie. Il s'intéresse aux marginaux , il propose également
dans ce texte une vision originale de la beauté. Cette beauté est faite
d'éléments contradictoires.
Projet de lecture : Une éloge moderne ?
Structure : Poème long , composé de 14 quatrains , donc 56 vers, Chaque
quatrains comporte trois vers impairs suivis d'un vers pair , rime sont suivies et
toutes sont masculines .

Analyse linéaire
Titre et première strophe
Eloge visible dès le titre « A une mendiante rousse », qui est une dédicace. Le
locuteur fait l'éloge d'une mendiante puisqu'il parle de sa « beauté » tout en
soulignant son dénuement et sa pauvreté. Le poète débute par deux vers
décrivant la mendiante par touches successives, les cheveux puis la robe. Les
couleurs sont contrastées le blanc et le roux l'un débute le vers l'autre le
termine. Une figure d'instance donc. Rappelons que le roux connote depuis des
siècles le feu de l'Enfer et des forces débridées, alors que la symbolique du
blanc est toute positive ( pureté, virginité) Ainsi, Baudelaire s'attaque dans ce
texte aux préjugés qui associent rousseur et mal. Il traite donc doublement le
thème de la marginalité car la mendiante est rousse.

Le thème de la pauvreté est d'abord suggéré, (attendu par le titre


néanmoins), avec le substantif « trous ». puis nommée clairement au vers
3. Toutefois, la chute de la strophe métamorphose la vision de la
mendiante grâce aux associations originales. On notera ainsi, les mots «
pauvreté » et « beauté »reliés par la rime. En outre, cette première
strophe semble être une adresse directe à la mendiante, comme on en
trouve dans la poésie lyrique et en particulier dans les odes Baudelaire
reprend ainsi des codes poétiques mais avec un objet, d'admiration
inattendu.. Cette impression d'adresse directe est confirmée par la strophe
suivante .
2ième Strophe
La deuxième strophe présente en effet le locuteur, le poète qui s'exprime
selon les règles du lyrisme avec une insistance marquée sur sa personne
grâce au pronom tonique « moi ». On notera que la mendiante semble ici
dénudée, son corps normalement entraperçu par les trous de la robe
semble se dévoiler entièrement par l'utilisation de l'adjectif « plein » « Ton
jeune corps maladif,//Plein de taches de rousseur » L'imagination du poète
prend sans doute le relais.
Le même système de rimes est employé faisant résonner ensemble
rousseur et douceur, termes habituellement disjoints dans l'imagerie
collective. Pareillement le lecteur pourra être surpris de l'association faite
entre la maladie et l'admiration/. Ce « jeune corps maladif »est en
harmonie avec le « poète chétif ». On pourrait y lire une forme d'hypallage.
La maladie est une thématique baudelairienne récurrente. Enfin, les
adjectifs « maladif » et «chétif » révèle en filigrane la notion d'exclusion,
de marginalité. C'est aussi la singularité du regard du poète qui est mit en
avant.
3ième Strophe
L'éloge s'étend et l'imagination du poète déborde du cadre traditionnel
d'une mendiante. La métamorphose opère. Les sabots de la mendiante
deviennent cothurnes (=Chaussure montante à semelle très épaisse portée
par les tragédiens du théâtre antique) , l'associant ainsi à l'antique. Le
poète voyage dans le temps par la simple observation des sabots de la
mendiante. Rapprochement par la rime de termes antagonistes «
cothurnes de velours » « sabots lourds » .Adverbe « galamment » qui
contraste avec les sabots lourds et introduit l'idée de noblesse qui sera
développée tout au long du poème. Poème dans l'attitude qui conduira à de
nombreuses comparaisons mélioratives « comme une reine de roman »
dans cette strophe. On pourra également remarquer que la mendiante fait
figure de muse. Baudelaire s'inscrit dans une tradition littéraire associant
l'image de la femme à une figure inspiratrice. Ainsi, l'éloge prend de
l'ampleur par les combinaisons créées par l'artiste. La mendiante est
détentrice d'une beauté cachée mais certaine pour le poète et est la
source de la création littéraire.
4ième et 5ième Strophe
Commence dans ce quatrain le champ lexical de la richesse et de
l'ornement. La transfiguration est annoncée par "au lieu de" et sera reprise
dans la strophe suivante par la formule « en place de ». Ces expressions
placent les propos du poète dans la dimension du souhait, sa parole
transforme la réalité, il métamorphose le laid en beau. On peut donc parler
de poésie magique puisque les paroles prononcées sont des invocations
«Au lieu d'un haillon trop court// Qu'un superbe habit de cour //Traîne à
plis bruyants et longs//Sur tes talons.
Cette métamorphose porte sur les guenilles portées on relèvera les
termes péjoratifs insistant sur l'usure «haillons » et « bas troués »
remplacés par des groupes nominaux évoquant la richesse « habits de
cour » «poignard d'or ». La quatrième strophe offre des détails visuels et
sonores pour mieux se figurer la transformation et la rendre plus réelle.
Le lexique évoque également le crime, le vice à travers deux noms «
roués», « poignard ». De fait, ce poème extrait de la section « Tableaux
parisiens » permet à Baudelaire de traiter le thème de la misère humaine
qu'il évoqué ici à travers le nom « roués ». Le substantif « poignard »
quant à lui laisse à penser que la mendiante est capable de violence pour
se défendre et contraste avec la douceur énoncée dans la première
strophe. La boue a été changée en or.
Conclusion
"Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or" : Baudelaire donne ici une
parfaite illustration de ce mot d'ordre qu'il
exprime dans le projet d'épilogue pour la 2ème édition des Fleurs du Mal.
La poésie de Baudelaire, d'une manière
générale, est à l'image de cette mendiante : imparfaite, étrange, bancale,
et belle à la fois. C'est dans ce paradoxe
que l'on peut appréhender la modernité de Baudelaire.

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