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Analyse linéaire « A une mendiante rousse »

Introduction :

Charles Baudelaire est considéré comme l’un des plus grands poètes français.
Son œuvre inclassable s’inscrit dans les divers mouvements poétiques de son siècle, entre
romantisme, parnasse et symbolisme.
L’œuvre de Baudelaire est une réflexion sur le « Spleen », ce profond mal-être, propre à l’homme, et
renforcé par la modernité industrielle.
Le poète tente de s’en échapper, vers « l’Idéal ».
Les Fleurs du Mal (1857) fut condamné pour « atteintes aux bonnes mœurs ».
Baudelaire élabore en effet une beauté nouvelle, puisant le sublime dans le sordide, ce qui a pu
choquer la société bien-pensante de l’époque.
C’est également cet alliage de la beauté et du sordide qui justifie le titre antithétique du recueil
(Fleurs/Mal).
Il va dans ses poèmes transformer la boue en or. C’est le cas pour le poème à une mendiante rousse,
qui est le troisième poème de la section tableau parisien.

Problématique : En quoi ce poème est-il un éloge paradoxal ?


Comment Baudelaire loue-t-il la mendiante en dépit de l’image dégradé qui lui est
traditionnellement associé ?

1) Eloge de la mendiante
L1 à 4 : apostrophe qui interpelle la mendiante.

Première phrase : L1 à 8 : Nous avons des indices sur cette jeune femme. Baudelaire appuie sur sa
pâleur, rousseur (lié au diable)

Les mots « trou » et « pauvreté » mettent en évidence son indigence mais aussi son impudeur.

Pauvreté rime avec la beauté (rapprochement des mots)

Au 5 ème vers le poète donne son avis « pour moi ». Cela accentue la subjectivité de son regard. Il se
caractérise comme « chétif », faible, fragile. Chétif rime avec maladif = cela associe le poète avec la
mendiante par leurs fragilités.

« Ton » marque la familiarité à l’égard de la jeune femme. « Ton jeune corps maladif » = antithèse =
jeunesse, force est différent maladif.

Fin de la strophe = le poète évoque la douceur de la jeune femme.

Le titre qui se présente comme une dédicace montre que le poète interpelle le mendiant.

2eme phrase = système comparatif de supériorité « plus galamment qu’une reine de roman »
« Cothurnes de velours » et sabots lourds = antithèse avec pauvreté et richesse donc trivialité et
majesté.
Eloge de cette mendiante qu’il voit plus belle qu’une reine.
Cothurne (reine) représente quelque chose de théâtrale, fictif tandis que la mendiante = quelque
chose de vraie, authenticité.

2) Transformation rêvée par le poète.


L 13 à 24 la mendiante est transformée en reine. Baudelaire substitue une figure féminine
majestueuse à une figure négligée, insignifiante. Cette figure se fait par locution prépositionnelle =
« Au lieu de » « en place de » → cela met en évidence cette transformation.

Jeu d’antithèses : haillon trop court est différent d’habit de cour.


Mise en évidence de son apparence négligée V. 13, 17 et 21 à chaque fois en début de vers.
« Les roués » = punis par le châtiment de la roue.

Des hommes la regarde, ils essayent de la toucher » chassent à coups mutins les doigts lutins »

V.25 à 40 = hommage rendu à la mendiante.


Le souhait de Baudelaire : qu’elle cesse son métier

Strophe 8, 9, 10 = évocation de la beauté atemporelle et universelle car Baudelaire met en évidence


la beauté, l’hommage que pourrait lui faire les poètes de la renaissance (Pierre Ronsard).
Allusion à ces poètes mais également à des hommes de basse extraction (valetaille et galant mis au
fers).

Elle plaît à tout le monde. On lui offre des objets précieux (perles, objets précieux, poésie). Il fait
allusion à la poésie amoureuse du XVI e s → tradition littéraire

V40 à 45 : admiration pour la jeune femme.


Conditionnel présent = image idéalisée de la femme

Strophe 11 : mise en evidence du pouvoir de séduction de la jeune femme ( vocabulaire érotique


« baisers »)

La mendiante domine, impose sa loi aux rois « rangerais sous tes lois », « plus d’un Valois »

3) Retour à une réalité triviale


« Cependant » = adverbe = correcteur logique d’opposition → marque la rupture avec le fantasme
qui précède.

Trivialité de la mendiante qui rompt avec l’image idéalisé : « tu vas lorgnant », « tu vas gueusant »
« lorgnant en dessous » qui souligne sa position basse + lieu de marginalité ( « escalier »
« seuil » »carrefour ») →contre plongée.
Elle se livre à la mendicité, à la prostitution (« quelques vieux débris »).

Elle est trop pauvre pour lui donner quoi que ce soit. Oxymore = « bijoux de 29 sous ».

V.51 = « Oh ! Pardon ! » = proposition incidente qui témoigne de la compassion du poète, ou de son


regret à l’égard de cette femme.

Recours à l’impératif = « Va donc ». Enumération = (« parfum, perles, diamant »)


« Ô ma beauté » = hommage à la femme. Déterminent possessif qui souligne le point de vue du
poète. La beauté est présentée comme subjective →elle s’éloigne des canons de la beauté

Conclusion : Ce poème s’inscrit ici dans une tradition = poète sensible à la beauté d’une femme. Ici,
cette femme vulgaire, négligée, triviale = le poème transforme cette mendiante en son double
inversé = riche, majestueuse, sensuelle.
Toutefois, la vision de Baudelaire est éphémère, mais elle permet de mettre l’accent sur ce que tout
le monde côtoie sans pour autant le voir. Lui seul peut révéler cette beauté invisible au commun.
Dans ce poème, Baudelaire transfigure la mendiante pour la rendre plus belle comme dans le poème
de Victor Hugo Le mendiant.

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