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Explication linéaire n°1 : « Le Mal », Rimbaud, Les Cahiers de Douai, 1870

L’INTRODUCTION : rappel des étapes pour l’oral

 Phrase d’accroche (ou amorce): propos d’ordre general qui permet d’aborder l’oeuvre et le texte, et qui témoigne de votre culture générale
 Présentation de l’oeuvre et de l’auteur: titre, auteur, date, genre, contexte littéraire, culturel, historique, éléments biographiques (en fonction des
informations pertinentes pour la comprehension du texte)
 Présentation de l’extrait: thème, forme, registre (s’il y a!)
=> LECTURE A HAUTE VOIX
 Résumé des étapes/mouvements du texte
 Annonce de la problématique: question qui va guider l’analyse (appelée aussi projet de lecture)

 Comment Rimbaud, grâce à la structure du sonnet, parvient-il à dénoncer le “Mal”

ANALYSE

 Dès le début du poème, l’auteur :


 inscrit le texte dans le thème de la violence
o avec le chp lex de la destruction
 donne à voir et à entendre cette violence dans une hypotypose
o à travers un tableau visuel et sonore mis en place par :
1er temps :  Tandis que les crachats rouges de la mitraille  les allitérations (fricatives)
Description Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ;  les notations de couleurs et de bruit
du massacre  Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,  l’évocation du sang des soldats avec la personnification de la mitraille qui est aussi un
des soldats Croulent les bataillons en masse dans le feu ; hypallage
(v.1 à 6)  Tandis qu’une folie épouvantable broie  confère une dimension épique à la description avec
Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ; o les pluriels hyperboliques qui déshumanisent les soldats réduits à « un tas » et à « une masse »
o l’expression d’« une folie épouvantable » qui suggère le caractère incontrô lable et effroyable de la
violence qui se déchaîne (sous-entendue celle du Roi ?)
 Dans ces quelques vers, l’auteur instaure implicitement deux espaces distincts et met en place la critique :
 un premier espace, celui des combats, avec les trois subordonnées circonstancielles de temps introduites
par la conjonction de subordination « Tandis que »+ « qu’ » exprimant la simultanéité
 un deuxième espace qui fait du Roi un spectateur réjoui :
o la rime riche souligne le contraste entre la mort qui guette la multitude de soldats et le plaisir d’un
homme face à ce spectacle : à la violence physique s’ajoute une violence morale.

Synthèse du 1 mvt : Dès le début du poème, Rimbaud suscite notre compassion et notre indignation en donnant à voir et à entendre à travers un ton épique la violence de la guerre et sa
er

force de destruction. Les soldats sont déshumanisés et d’ores et déjà se mettent en place des éléments critiques puisque cette description contraste avec la présence moqueuse du Roi.
 Dans un 2ème temps, l’auteur procède à une rupture pour invoquer un passé où la nature était bienfaisante
 Une nature qu’il apostrophe
2ème temps : o en usant de l’exclamation et de l’interjection lyrique
Célébration  une nature qu’il divinise
lyrique de la – Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie,
o en la personnifiant (2ème personne)
nature Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !…
o en l’associant à une force créatrice et sacrée
(v.7-8)  qui contraste avec la description qui précède
 puisque la force créatrice passée (« fis ») de la nature contraste avec le verbe
« fais » deux vers au-dessus (v.6) qui désigne la force destructrice de la guerre
 avec l’énumération de termes positifs qui l’associent au « ciel bleu »
 avec la rime antithétique entre « joie » et « broie »
 L’auteur exprime ainsi son regret et son indignation
o avec l’apostrophe pathétique qui fait écho au désastre
o à travers une ponctuation expressive et les points de suspension qui ont l’air de suggérer un
temps révolu, regretté.

Synthèse du 2ème mvt : Ces deux vers instaurent un contraste saisissant entre la description qui précède et l’éloge de la nature fait sur un mode lyrique, renforçant ainsi l’idée que la guerre est
un horrible gâchis, qu’elle est contre-nature puisque le présent ne fait que défaire un bonheur passé, idéalisé.

 Le 1er tercet s’inscrit dans la continuité de la phrase puisqu’il constitue la proposition principale des 3 sub.
circonstancielles précédentes dans un rapport de simultanéité.
 Cependant il marque une rupture – marquée par le tiret – puisqu’il met en place un 3ème espace qui décrit :
3ème temps : o l’attitude de Dieu qui semble ignorer les violences de la guerre :
une – Il est un Dieu, qui rit/ aux nappes damassées  avec le contre-rejet interne il « rit » (écho au Roi qui « raille »)
condamna- Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ;  et « s’endort » dans …
tion de Qui dans le bercement des hosannah s’endort, o un univers fait de richesses et d’abondance
l’indifférence  avec les marques du pluriel
de Dieu  la gradation rythmique (v.10)
 l’évocation du luxe +rime
o un univers où règne la plénitude, l’apaisement des sens
 avec la synesthésie (sensations visuelles, olfactive, tactile, auditive)
 et une assonance en -an
 L’auteur condamne aussi l’indifférence de Dieu à travers
o la tournure impersonnelle et l’usage de l’article indéfini qui marquent une distance critique,
expriment un sentiment d’étrangeté

Synthèse du 3ème mvt : La critique se précise ici puisqu’après le Roi, c’est Dieu lui-même qui est visé pour son indifférence aux malheurs des hommes. L’espace de la guerre et de la destruction
laisse alors place au luxe paisible de Dieu et produit un contraste choquant dont la visée est bien sûr critique.
 Le dernier tercet s’inscrit dans la continuité du précédent avec toutefois un effet de surprise créé par :
o Le rejet qui met en valeur l’antithèse : on pourrait alors penser que c’est la conscience divine qui se
réveille face au malheur.
 Le poète décrit en effet la souffrance des mères dans la longue (subordonnée circonstancielle de temps) qui
4ème temps :
correspond au moment du réveil, comme si c’en était la cause.
une critique Et se réveille, (quand des mères, ramassées
o Une angoisse maternelle décrite de manière pathétique avec
de la religion Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir
 Le chp lex du deuil (qui s’oppose au rire de Dieu) + rime
qui tire profit Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !)
 Les ingrédients de la misère
du malheur  Le rejet et son contre-rejet immédiat (v.11-12) qui suggère une douleur écrasante et
des hommes produit un écho négatif aux « nappes damassées » - rime riche – de la strophe précédente
(paronymes)
 tout s ‘oppose, dans cette description pathétique des mères, au bien-être luxueux de Dieu décrit auparavant.

 En réalité le réveil n’est pas le fruit d’une conscience divine mais une réaction au don annoncé dans le vers
final qui constitue une pointe finale (propre au sonnet).
o Rimbaud semble s’être amusé, pour choquer davantage, à créer un effet d’attente et permettre au
lecteur de comprendre in fine que c’est l’argent, le gain, qui seul fait réagir Dieu.
o La symbolique du « gros sou lié dans leur mouchoir » donne à comprendre au lecteur que Dieu
s’enrichit, se nourrit du malheur des mères qui, elles, espèrent naïvement sauver leurs fils par leurs
prières.
 Rimbaud exprime son indignation grâ ce à l’exclamation finale.

Synthèse du 4ème mvt : Ce dernier tercet achève de condamner l’Eglise à travers l’image d’un Dieu cupide dont l’attitude contraste avec la description pathétique des mères dont il tire
profit. On voit combien la structure du dernier tercet rend efficace cette critique acide à travers la pointe finale.

Conclusion :

- Rimbaud exprime donc à travers ce sonnet sa révolte non seulement conte le Pouvoir mais aussi contre le Christianisme qu’il rend
coupables d’ignorer la souffrance des soldats engagés dans la guerre, voire d’en tirer profit. Dieu et le Roi représentent donc « Le Mal »
dont il est question dans le titre, qui prend alors une dimension allégorique.
- La structure du sonnet, qui mêle ici les tons lyrique, pathétique et épique, est en partie revisitée par Rimbaud qui en détourne certaines
règles rythmiques pour mieux faire entendre sa condamnation en jouant efficacement des contrastes et des effets de surprise.
- Ouverture : ………………….
Lycée LPV Meknès, 2023-2024, Christelle Bernoussi

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