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L’étendue de la liberté d’expression des syndicats


Date d'émission : 26/02/2008
Date de mise à
jour : 26/02/2008
Type : Fiches pratiques AP-HP
Rubrique : 03. Personnel
Thème(s) : Droits et Obligations - Droits - Droit syndical

Cette fiche technique a pour objet de rappeler, au travers d’un panorama de


jurisprudences, l’étendue ainsi que les limites de la liberté d’expression des
syndicats.

La liberté syndicale a plusieurs facettes. Sur le plan individuel, il s’agit du droit des
fonctionnaires, ou plus généralement des travailleurs, de s’affilier au syndicat de leur
choix, ou bien de rester en dehors de tout syndicat. Sur le plan collectif, la liberté
syndicale correspond au droit des syndicats de se constituer et de fonctionner librement.

Les agents investis de fonctions syndicales disposent, du fait de la nature de leurs


fonctions et de la protection nécessaire de l’activité syndicale, d’une liberté
d’expression plus large par rapport à d’autres agents non investis de ce genre de
fonctions. Cette liberté d’expression des syndicats n’est toutefois pas sans limite.

1. Limites à la liberté syndicale : l’obligation de réserve

Principe général : L’obligation de réserve, qui pèse sur les fonctionnaires, les agents
publics et les contractuels, impose à celui qui y est soumis, tant dans l’exercice de ses
fonctions qu’en dehors de
celles-ci, un devoir particulier de loyalisme à l’égard de l’Etat et des autorités
publiques (la jurisprudence – voir ci-dessous – sanctionnera un écrit, une attitude ou une
parole qui se révélerait incompatible avec la fonction).

Le manquement à l’obligation de réserve est apprécié en fonction du poste du


fonctionnaire ainsi que du caractère et de la forme donnés à la manifestation critiquée.
Cette réserve s’apprécie compte tenu de la nature des fonctions et des circonstances.
Dans l’hypothèse où elle n’est pas observée, elle peut faire l’objet d’une sanction
disciplinaire sous le contrôle du juge administratif.

Cette obligation de réserve concerne tous les fonctionnaires : même les


fonctionnaires investis d’un mandat syndical doivent la respecter (Conseil d’Etat,
1953, Delle Faucheux : l’appréciation du respect de cette obligation incombe au cas par
cas à l’autorité hiérarchique, sous le contrôle du juge administratif. Divers éléments tels
que le niveau de responsabilité du fonctionnaire doivent être pris en compte).

La jurisprudence administrative :

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Conseil d’Etat, 18 mai 1956, Boddaert, Lebon p. 213 : le Conseil d’Etat a précisé que
le secrétaire général d’un syndicat n’avait pas commis de faute en s’élevant en termes
vifs, mais non inadmissibles, contre une sanction prononcée à l’encontre d’un
fonctionnaire.

Conseil d’Etat, 29 mars 1963, Administration générale de l’Assistance Publique


contre Dlle Puttlan, Lebon p. 221 : le Conseil d’Etat a annulé la révocation d’une
représentante syndicale malgré le fait que cette dernière avait incité une partie du
personnel à se rendre à une réunion non autorisée et organisée par des grévistes.

Conseil d’Etat, 1er décembre 1972, Demoiselle Obrego, n°80195 : le Conseil d’Etat,
saisi d’un recours contre une sanction prononcée à l’encontre d’un magistrat, membre du
syndicat de la magistrature, qui avait d’une part signée une protestation critiquant la
décision prise par son président et participé à sa diffusion et d’autre part, critiqué dans
des termes désobligeants pour le président de sa juridiction une décision commandée
par l’intérêt du service. Le Conseil d’Etat a considéré que seul le premier fait constituait
un manquement à l’obligation de réserve et que la critique de la décision prise par le
Président du TGI dans des termes désobligeants ne pouvait être regardée comme un
manquement au devoir de réserve.

Conseil d’Etat, 29 avril 1983, Guelmane, Lebon p. 166 : le responsable d’un syndicat
au sein d’une entreprise avait participé à la diffusion d’un tract émanant de ce syndicat,
lequel était particulièrement injurieux pour le directeur de l’usine. Ces faits ont été
considérés comme ne pouvant se rattacher à l’exécution normale des mandats dont ce
responsable était investi et révélant de sa part un comportement fautif d’une gravité
suffisante pour justifier son licenciement.

Conseil d’Etat, 25 novembre 1987, District du Comtat-Venaissin, n°73942 : ne


constituent pas une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire les propos tenus
par un agent en sa qualité de secrétaire de section syndicale visant à exposer des
revendications de caractère professionnel malgré la vivacité du ton avec laquelle ils
avaient été prononcés.

Conseil d’Etat, 8 juillet 1991, de Martin contre Commune de Levallois-Perret, Lebon


p.1022 : le comportement d’un ouvrier professionnel traçant sur des palissades autour de
la mairie et sur des véhicules municipaux des inscriptions injurieuses vis-à-vis du maire
d’une commune et de sa formation politique a été considéré comme un manquement à
l’obligation de réserve. Cependant, eu égard à la nature et au niveau hiérarchique des
fonctions de l’intéressé, le maire ne pouvait pas aller jusqu’à la révocation.

Tribunal Administratif de Besançon, 22 octobre 1998, Mlle Irène Laurent contre


Hôpital de Poligny, requête n°971204 : A la suite d’un avertissement délivré par le
directeur d’un hôpital en raison de la diffusion de tracts syndicaux dans les services de
l’établissement de santé et après des entretiens portant sur des questions syndicales, le
Tribunal a considéré que cet avertissement constituait une atteinte illégale au droit
syndical dans la mesure où « il n’est pas établi que les actes de diffusion de tracts ou les
entretiens avec les collègues soient accomplis par l’intéressé selon des modalités
dommageables pour le service public ».

Il en ressort qu’un fonctionnaire ne peut être sanctionné en raison de ses activités


syndicales normales (telles que la diffusion de tracts dans le service ou des entretiens
d’ordre syndical avec des collègues).

Conseil d’Etat, 11 février 1953, Touré Alhonsseini, Lebon p. 709 : des propos

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diffamatoires ont été considérés comme un manquement à l’obligation de réserve. Ces


propos diffamatoires, tenus hors du service, ont été considérés comme étant
inconciliables avec les obligations résultant de la qualité d’agent public et ont justifié
parallèlement une condamnation pénale à une peine de prison.

2. Limites à la liberté syndicale : infractions au regard du code pénal

- Diffamation

Définition :

La diffamation correspond à une allégation ou à l’imputation d’un fait, constitutive d’un


délit ou d’une contravention, en fonction de son caractère public ou non, et qui porte
atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne.

Base textuelle relative à la diffamation « publique » : loi du 29 juillet 1881 sur la


liberté de la presse – ces dispositions ont été insérées dans le code pénal.

L’article 29 alinéa 1 dispose que « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte
atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est
imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette
allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme
dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais
dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits
ou imprimés, placards ou affiches incriminés ».

Base textuelle relative à la diffamation non publique présentant un caractère


raciste ou discriminatoire : articles R. 624-3 et R. 621-1 du Code pénal. Dans cette
hypothèse, les faits sont passibles de contraventions de 4ème classe.

- Injure

En droit pénal, une injure est une expression outrageante, un terme de mépris ou une
invective ne comprenant l’imputation d’aucun fait précis. Lorsqu’elle est publique, l’injure
est un délit. Lorsque ce n’est pas le cas, l’injure est une contravention.

Base textuelle relative à l’injure publique : loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse – ces dispositions ont été insérées dans le code pénal.

L’article 29 alinéa 2 de la loi dispose que « Toute expression outrageante, termes de


mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ».

Base textuelle relative à l’injure non publique présentant un caractère raciste ou


discriminatoire : article R. 624-4 du Code pénal

La jurisprudence en lien avec la liberté syndicale et la diffamation ou l’injure

Cour de cassation, chambre sociale, 28 février 2007, pourvoi n°05-15.228 : par cet
arrêt, la Cour de cassation a considéré que « les propos qualifiés par l’employeur
d’injurieux et de diffamatoires contenus dans les tracts diffusés au public, ne pouvaient
être incriminés qu’au regard de la loi du 29 juillet 1881 ». Par conséquent, dans

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l’hypothèse où un employeur intenterait une action en justice à la suite de la diffusion


d’un tract syndical qu’il considère comme étant diffamatoire ou injurieux, celle-ci ne
pourra être fondée que sur la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Cour d’appel de Paris, 20 janvier 1994, M.N.E.F. contre C.G.T., Gazette du Palais,
1994 sommaire p.774. : « Les énonciations d’un tract syndical doivent être appréciées
dans le contexte précis de leur diffusion, et les propos dénoncés, malgré leur caractère
très négatif, doivent être jugés dans leur ensemble et au regard de la manifestation de
luttes syndicales qui oppose les parties ; dès lors qu’ils traduisent l’expression libre d’un
droit de critique sans excéder les limites de la polémique, toujours particulièrement vive
en matière syndicale, ce que tout lecteur de tract ne saurait ignorer, la diffamation n’est
pas établie » (note sous code pénal, Dalloz). En l’espèce, un tract avait été diffusé par un
syndicat afin de critiquer, violemment, l’ensemble de la politique suivie par la M.N.E.F. en
matière de protection sociale des étudiants (concernant sa gestion et ses orientations).

TGI d’Angoulême, 28 septembre 2007, n°1654-2004 : Injure publique par


l’intermédiaire d’internet

En l’espèce, deux salariés, délégués syndicaux, avaient créé et intégré un dessin


caricatural sur leur site internet, lequel mettait en scène leur directeur dans une position
à caractère pornographique. L’employeur et le directeur de l’usine ont par la suite intenté
une action à leur encontre pour injure publique via internet. Le TGI a considéré que ce
dessin portait « à l’évidence atteinte à l’honneur et à la considération » du directeur de
l’usine et avait « envers ce dernier un caractère outrageant. Le contexte syndical dans
lequel il a été effectué ne saurait lui ôter tout caractère injurieux. La liberté d’expression
et la nécessité de la défense syndicale ne sauraient conduire à admettre la diffusion sur
site internet ou par voie de presse de dessins outrageants et méprisant visant
directement une personne qu’elle soit salariée ou employeur. Le caractère public de
l’injure est établi du fait même de la diffusion non contestée sur site internet de la dite
caricature (…). ».

Cour de cassation, chambre criminelle, 30 mars 2005, JCP 2005, IV, 2136 : Par cet
arrêt, les propos suivants : « manipulateur, menteur, bonimenteur » ont été considérés
comme étant injurieux.

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