Vous êtes sur la page 1sur 3

Éléments de réflexion sur le contrôle de constitutionnalité 

La QPC peut entraîner une abrogation immédiate du texte censuré ou un report.

En cas de report on peut noter un paradoxe : bloc de constitutionnalité supérieur à la loi


dans la hiérarchie des normes, il est donc choquant qu’une loi déclarée inconstitutionnelle
continue à s’appliquer => la QPC est présentée comme un progrès important en droit mais le
report amène à relativiser ce progrès.

Cependant l’abrogation immédiate peut aussi sembler choquante : après la QPC de 2012,
impossible de déposer plainte pour les faits de harcèlement sexuel avant qu’un nouveau
texte définissant le harcèlement entre en vigueur = vide juridique. Dans le cas de la QPC de
2010, si l’abrogation du texte relatif à la GàV avait été immédiate, cela aurait pu porter
atteinte à l’intérêt général, car impossibilité de placer qui que ce fut en garde à vue.

S’agissant des 2 QPC de 2017 sur le délit de consultation habituelle de site faisant l’apologie
du terrorisme :
- 1ère QPC qui abroge le texte en donnant des conditions auxquelles le texte pourrait
être recevable (notamment ajout de critères tels que nécessité de prouver que la
personne qui consulte le site adhère à l’idéologie) ;
- 2e QPC abroge le nouveau texte qui respecte les critères donnés par le CC.

Plusieurs remarques :
1) Le CC se contredit en abrogeant un texte conforme aux conditions qu’il avait lui-
même posées pour que l’incrimination soit constitutionnelle ;
2) Le CC semble dépasser ses prérogatives : il a normalement le pouvoir de juger la
conformité des lois à la constitution + se reconnaît lui-même un pouvoir différent de
celui du Parlement. Selon lui, il ne peut que « constater les erreurs manifestes
d’appréciation » (DC 15 janvier 1975 / DC 26 juin 1986). Or en abrogeant un texte
censé être constitutionnel au regard de la première QPC, le CC semble s’arroger un
pouvoir semblable à celui du législateur (juger de l’opportunité des peines). Pour
rappel principe de nécessité des délits et des peines : art. 8 DDHC ;
3) Loi = expression de la volonté générale (art. 3 DDHC) => légitime par elle-même du
seul fait qu’elle émane du Parlement. Cependant cette affirmation peut être remise
en question. Nous avons évoqué, selon les groupes, la question du découpage
électoral, l’inflation législative, le fait qu’il s’agisse simplement d’une volonté
représentée (on peut ne pas être d’accord avec le parlementaire qu’on a nous-même
élu), le fait que le Parlement n’est pas forcément infaillible et que cela n’est pas
forcément négatif que le CC puisse intervenir pour s’assurer que les libertés des
citoyens ne soient pas trop atteintes (État de droit contre démocratie), etc.

Contrôle de constitutionnalité : texte contre texte -> le texte censuré est amené à
disparaître.
Contrôle de conventionnalité : texte contre application concrète -> le texte inconventionnel
est simplement écarté dans l’affaire d’espèce.
Pendant le report d’abrogation d’un texte par le CC l’inconventionnalité peut toujours être
soulevée devant le tribunal.
Éléments importants pour la fiche d’arrêt :

Accroche :
- Date : 9 janvier 2019
- Formation : chambre criminelle de la Cour de cassation
- Thème : qualification du délit d’exhibition sexuelle lorsque celle-ci est commise à des
fins de manifestation politique

Faits (seulement ceux utiles) :


- Femme appartenant à une association politique
- 20 décembre 2013
- Dans une église
- Alors que des paroissiens sont présents
- Dénude sa poitrine
- Dans le cadre d’une dénonciation des « campagnes anti-avortement » menées par
l’Eglise catholique

Procédure :
1) Le maître de chapelle dénonce les faits et le ministère public poursuit sur le
fondement du délit d’exhibition sexuelle. Le tribunal correctionnel déclare la
prévenue coupable ;
2) La femme interjette appel de la décision. La cour d’appel confirme le jugement ;
3) La femme forme un pourvoi en cassation, considérant que sa condamnation pour
exhibition sexuelle viole son droit à la liberté d’expression.

Question de droit :
- Dans quelle mesure un texte réprimant une infraction contre les personnes
(exhibition sexuelle) peut-il être neutralisé par un article de la CESDH, et plus
précisément, lorsque deux articles de la CESDH s’opposent (en l’espèce art. 10 et art.
9) ?

Solution :
- Rejet du pourvoi
- Motif : pas d’atteinte excessive à la liberté d’expression car :
 Délit caractérisé en tous ses éléments
 Exercice de la liberté d’expression doit se concilier avec le droit pour autrui de
ne pas être troublé dans la pratique de sa religion

Réflexion sur la portée :


- Confirme arrêt antérieur Cass. Crim. 26 octobre 2016 (FN) car dans cet arrêt
neutralisation de l’incrimination mais une seule liberté est en jeu (liberté
d’expression) tandis que dans l’arrêt de 2019 l’infraction n’est pas neutralisée car
cela porterait atteinte à une liberté individuelle d’autrui ;
- Paradoxe à invoquer des libertés individuelles pour justifier l’application ou la non-
application d’une loi qui protège l’intérêt général (et a donc par elle-même toute la
légitimité nécessaire pour être appliquée), sorte de privatisation du droit pénal.

Eon c/ France et suivants :

Contrôle de la CEDH : application concrète du texte = contrôle d’opportunité.


- Semble contraire au principe de sécurité juridique ;
- Objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et intelligibilité de la loi : si contrôle
d’opportunité, nécessité de s’enquérir des arrêts qui existent pour savoir ce qui est
permis ou non ;
- Le juge a-t-il la légitimité nécessaire pour décider qu’une loi ne doit pas s’appliquer
dans certains cas ?
- Contrôle d’opportunité parfois fondé sur des éléments qui paraissent très subjectifs
et dérisoires (ex : « amertume ») = où placer la limite ?
- Les juges doivent, dès publication d’une décision de la CEDH, appliquer cette solution
pour les autres affaires similaires qui leur sont soumises.

Vous aimerez peut-être aussi