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Correction de l’exercice

Commentaire d’arrêt : Le contrôle de la loi

Introduction

- Phrase d’attaque :
L’office du juge administratif a longtemps été présenté comme celui d’un « serviteur de la
loi ». Le présent arrêt conduit à questionner cette affirmation...

- Présentation de l’arrêt :
! Faits : En l’espèce, le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale a pris un
arrêté en date du 28 décembre 1988 relatif à la détention, la distribution, la dispensation et
l’administration d’une substance abortive, la Mifégyne 200 mg. Plusieurs associations
contestent cet arrêté (la Confédération nationale des associations familiales catholiques, le
Comité pour sauver l’enfant à naître, et l’Union féminine pour le respect et l’aide à la
maternité), ainsi qu’un particulier (M. X).

! Procédure : Chacun a alors formé un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté dans le but
d’obtenir son annulation. Le juge administratif a ainsi été saisi, à savoir directement le Conseil
d’État en premier et dernier ressort puisqu’il s’agit d’un recours contre un acte réglementaire
d’un ministre, donc acte de portée nationale. La demande des différents requérants étant
similaire, il est alors décidé de joindre les requêtes pour statuer par une seule décision.

! Demande des requérants : Les requérants demandent à ce que soit constaté l’illégalité de
l’arrêté ministériel. Pour ce faire, ils s’appuient sur des vices de légalité externe et interne,
surtout le fait que cet arrêté ne respecterait pas les normes juridiques supérieures : la loi (lois du
17 janvier 1975 et du 31 décembre 1979 relatives à l’IVG), les traités internationaux
(Convention Européenne des Droits de l’Homme, Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, et Déclaration universelle des droits de l’Homme), ainsi que la Constitution
(préambule de la Constitution de 1946 auquel fait référence le préambule de la Constitution de
1958).

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- Contexte : il s’agit de voir les questions sous-jacentes qui entourent l’arrêt :
! Mécanismes des voies d’action et d’exception :
" Il s’agit ici de demandes d’un contrôle par voie d’action : c’est-à-dire que l’acte
administratif est directement contesté, donc il s’agit de l’irrégularité propre de l’acte, qui
méconnaîtrait les règles et principes qui lui sont supérieurs.
" On le distingue d’un contrôle par voie d’exception : dans ce cas l’acte administratif est
indirectement contesté : c’est-à-dire que l’acte administratif fait application ou se trouve
fondé sur une norme (un autre acte administratif, une loi, un traité, la Constitution) qui
est elle-même contraire à une norme qui lui est, à son tour, supérieure. L’acte
administratif contesté peut alors être « contaminé » par l’irrégularité dont est entâchée la
norme dont il fait application ou sur laquelle il se fonde. → on va être en l’espèce dans
le cadre du mécanisme de l’exception.

! Rapport historique du juge à la loi : Le juge historiquement est bien présenté comme
un « serviteur de la loi ». Or on peut désormais constater une diversification des normes
contrôlées, et en particulier le fait qu’à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte
administratif, le juge administratif s’accorde le droit ou la possibilité d’écarter la loi.

- Solution :
! Dispositif : c’est-à-dire la solution telle quelle du juge administratif : En l’espèce, le Conseil
d’État rejette les requêtes des 3 associations et de M. X. et considère que l’arrêté ministériel est
légal.

! Motifs : c’est-à-dire l’explication du juge administratif, les arguments sur lesquels il se


fonde pour justifier sa solution : Le Conseil d’État écarte rapidement les vices de légalité
externe invoqués. Puis concernant la légalité interne, le Conseil d’État écarte également le
contrôle par voie d’action de l’acte administratif en raison de l’absence de violation des lois
IVG , et le contrôle est redirigé vers un contrôle par voie d’exception dans la mesure où cet
arrêté est conforme, donc légal par rapport aux lois IVG et pris sur le fondement de ces lois
IVG. En effet, l’acte administratif litigieux ne fait que reprendre les termes des lois. Dès lors,
invoquer la méconnaissance par cet acte administratif de la Constitution et des traités
internationaux revient en réalité à interroger la compatibilité de ces textes avec les lois IVG
elles-mêmes.
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! Cela revient donc pour le Conseil d’État à contrôler la constitutionnalité puis la conventionnalité
des lois qui fondent l’acte administratif litigieux. Le Conseil d’État rejette d’abord tout contrôle
de compatibilité des lois IVG à la Constitution (contrôle de constitutionnalité de la loi). Puis il
rejette ensuite leur éventuelle incompatibilité avec des traités internationaux (contrôle de
conventionnalité de la loi). Dès lors, à son tour l’acte administratif fondé sur ces lois est bien
conventionnel.

Précision : Il s’agit déjà d’identifier ce qui est important dans l’arrêt, ce qui a été

déterminant pour le juge administratif et lui a donc permis d’adopter sa solution. Il y a donc
déjà un travail de délimitation qui doit être fait. Ici le commentaire est bien centré sur les
points 6 à 10.

- Enjeu de l’arrêt : c’est-à-dire quelle est sa portée juridique globale, son apport ou intérêt
formulé(e) sous forme de question :
Se pose finalement la question de savoir si le juge administratif dispose d’une plénitude de
compétences pour apprécier la légalité, la conventionnalité et la constitutionnalité d’un acte
administratif pris sur le fondement d’une loi ?

Précision : Il s’agit de dépasser la question de pur droit qui est posée au juge administratif

(l’arrêté ministériel est-il légal?) pour trouver une problématique globale reposant vraiment
sur l’enjeu de l’arrêt qui va transcender la décision d’espèce soumise au juge administratif.

- Réponse : La réponse à cette question est bien apportée par cet arrêt de principe, elle est négative.

- Justification DÉVELOPPÉE de la réponse (Cela ne tient donc pas en une phrase succincte,
tout comme l’idée générale dans une dissertation) : Si le juge administratif est évidemment bien
compétent en ce qui concerne l’appréciation de la légalité d’un acte administratif, la question se
pose ici en des termes différents concernant l’appréciation de sa constitutionnalité et de sa
conventionnalité. En effet, l’acte administratif étant pris sur le fondement des lois, celles-ci
s’interposent alors dans le contrôle. Cela revient donc à s’interroger sur la possibilité pour le juge
administratif de contrôler la constitutionnalité et la conventionnalité de la loi.
Or le juge administratif ne dispose pas d’une plénitude de compétences dans ce cas là : en effet, il
répète de manière traditionnelle qu’il n’est pas compétent pour apprécier la constitutionnalité d’une
loi. En revanche, il est désormais bien compétent pour apprécier la conventionnalité d’une loi.

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Dès lors, « par ricochet », le juge administratif n’est pas compétent pour apprécier la
constitutionnalité d’un acte administratif lorsqu’il est pris sur le fondement d’une loi, mais il est
bien compétent pour apprécier la conventionnalité d’un acte administratif, y compris lorsqu’il est
pris sur le fondement d’une loi.

Précision : Attention le juge administratif se reconnaît compétent depuis longtemps pour contrôler
la constitutionnalité et la conventionnalité d’un acte administratif seul (cf infra). Ici il s’agit d’une
loi qui s’interpose, on dit qu’elle fait « écran » puisque l’acte administratif litigieux ne fait
simplement que la reprendre, donc puisque l’acte est substantiellement le même , cela revient à
s’interroger sur les contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité de la loi par le juge
administratif.

- Annonce du plan : Ainsi, le juge administratif réitère son opposition au contrôle de la


constitutionnalité des lois (I), mais accepte bien le contrôle de la conventionnalité des lois (II).

Précisions :
- Il est important d’avoir une idée à démontrer qui liera le grand I et le grand II.
Cette idée est bien issue de l’enjeu de l’arrêt (qui ici en l’espèce repose sur la compétence
du juge en matière de contrôle de la loi), et le plan se découpe selon cette idée en suivant le
raisonnement du juge administratif (donc ici d’abord raisonnement autour du contrôle de
constitutionnalité de la loi (I), et ensuite un raisonnement autour du contrôle de
conventionnalité de la loi (II).)
→ Gardez à l’esprit que contrairement aux idées reçues, un commentaire d’arrêt n’est pas
plus descriptif qu’une dissertation.
- N’oubliez pas également l’importance d’un arrêt « ancien » : il faudra l’évaluer à l’aune
non seulement de son apport pour l’époque mais aussi des solutions d’aujourd’hui.

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Plan

I. – L’OPPOSITION DU JUGE AU CONTRÔLE DE LA CONSTITUTIONNALITÉ


DES LOIS

- Chapeau: Le juge administratif reprend ici classiquement sa jurisprudence traditionnelle, même


si cette position peut être relativisée. En effet, si le juge administratif réitère son opposition
constante face à un éventuel contrôle de constitutionnalié des lois (A), cette opposition est
désormais moins décisive (B).

A. – UNE OPPOSITION CONSTANTE

Précision : La méthode du commentaire d’arrêt suit dans chaque partie une même structure :
-1er temps : Comme dit précédemment, l’idée à démontrer s’appuie évidemment sur le raisonnement
du juge administratif. Il faut donc le suivre. Pour s’en assurer, il convient pour commencer de
toujours partir de l’arrêt. Vous devez donc identifier dans chaque partie quel est le passage
important de l’arrêt que vous allez utiliser.
-2nd temps : Ensuite, il faut élargir avec vos connaissances. Vous expliquez alors ce passage,
toujours en ayant à l’esprit que vous souhaitez démontrez votre idée.

- On part donc de l’arrêt : la citation à commenter peut être restituée entièrement si elle est succincte :
! En l’espèce, le juge administratif expose dans son point 7 : « Considérant qu'il n'appartient pas
au Conseil d'Etat statuant au contentieux de se prononcer sur la conformité de la loi avec des
principes posés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; »

- On élargit ensuite avec les connaissances : Ici dans cette 1ère partie grand A on souhaite démontrer
cette opposition constante au contrôle de constitutionnalité des lois, il convient donc d’expliquer la position
antérieure du juge administratif qui est bien réitérée ici, et voir aussi si cette position est encore d’actualité
aujourd’hui. Toute la démonstration tourne bien autour de la citation du juge administratif, qui dans ce cas
précis s’analyse au final dans le temps et s’explique avec vos connaissances sur le sujet. Il faudra donc
parler de points essentiels :
! Refus du contrôle de constitutionnalité des lois depuis la jurisprudence Arrighi du CE de 1936,
doc. 4 (même position constante pour le juge judiciaire depuis CCASS, 1833, Paulin).

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! Raisons d’une telle opposition : le JA considère qu’il n’est pas habilité à opérer un tel contrôle,
il n’a pas cette compétence, et le dit expressément. Le juge reste ainsi « serviteur de la loi », et
non son censeur : souci de ne pas porter atteinte à la souveraineté du législateur.

! Si le juge administratif s’estime bien compétent depuis longtemps pour opérer un contrôle de
constitutionnalité des actes administratifs (v. Notamment CE, 1956, Amicale des Annamites de
Paris), tel n’est donc pas le cas pour un contrôle de constitutionnalité des lois. Ainsi, la loi peut
parfois faire écran à cette mission de contrôle de constitutionnalité des actes administratifs,
comme c’est le cas en l’espèce. Il y a un « écran législatif » entre la Constitution et l’acte
administratif qui fait obstacle à tout contrôle de constitutionnalité, d’où rejet du juge
administratif qui ne peut se prononcer ni de manière explicite ni implicite sur la
constitutionnalité d’une loi.

Précision : La simple présence d’une loi entre l’acte attaqué et la Constitution ne suffit pas à
écarter le contrôle du juge si l’acte administratif ne se superpose pas à la loi mais contient
notamment des dispositions dont la loi n’est pas porteuse, on parle alors d’un « écran transparent »,
qui n’empêche pas le contrôle de constitutionnalité de l’acte administratif puisque cela ne revient
pas pour le juge à se prononcer sur la conformité de la loi à la Constitution : v. CE, 1991, Quintin.

! Opposition au contrôle de constitutionnalité des lois par le JA encore réitérée aujourd’hui, a


fortiori depuis l’émergence de la justice constitutionnelle : monopole du Conseil Constitutionnel
conformément au modèle européen de justice constitutionnelle.

→ Transition avec le B : Pourtant aujourd’hui le développement de la justice constitutionnelle en


France est tel qu’il peut permettre de relativiser cette opposition constante affichée dans cet arrêt,
qui est désormais moins décisive.

B. – UNE OPPOSITION DÉSORMAIS MOINS DÉCISIVE

- On repart de l’arrêt : il est possible de réutiliser la même partie de l’arrêt, mais il convient alors de le
préciser, pour montrer dans votre commentaire que vous continuez de commenter : ici nous sommes donc
toujours face au point 7 que nous avons choisi de relativiser en replaçant l’idée dans le contexte actuel
(rappel de l’importance de confronter à la situation actuelle un arrêt « ancien » ) Cela donnerait par
exemple :

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! En l’espèce, ce même point 7 affirmant l’opposition traditionnelle de l’incompétence du juge
administratif face au contrôle de constitutionnalité des lois peut se lire d’une façon beaucoup
moins tranchée que par le passé.

- On élargit ensuite avec les connaissances : il s’agit de démontrer cette idée que l’opposition affichée
est moins décisive en argumentant avec les connaissances générales :
! En effet, la justice constitutionnelle s’est développée, notamment avec l’apparition de la QPC
depuis la révision constitutionnelle de 2008 (article 61-1 de la Constitution) qui permet
désormais à un requérant de soulever la constitutionnalité d’une loi devant le juge administratif :
ce n’est alors plus un moyen inopérant, même si cela reste une hypothèse spécifique puisqu’une
telle question nécessite un renvoi devant le Conseil Constitutionnel. En outre, il ne faut pas
oublier que le Juge administratif est tenu de tirer les conséquences des décisions du Conseil
Constitutionnel : la QPC a une finalité car elle est spécifiquement posée lors d’une instance en
cours (cf conditions d’une QPC). L’enjeu est bien in fine celui de la légalité de l’acte administratif.

! De plus, le juge administratif joue un rôle important de filtre dans ce mécanisme de la QPC : cf
3 conditions devant les juges ordinaires et les 3 devant les juges suprêmes. Et justement à
travers surtout l’analyse de la condition du sérieux de la question, le juge administratif est
amené à apprécier avant le Conseil Constitutionnel la conformité de la loi à la Constitution.
Ainsi, lorsqu’il rejette une QPC posée devant lui pour défaut de caractère sérieux, le Juge
administratif revient à confirmer le respect de la loi aux dispositions constitutionnelles invoquées et
même à substituer son analyse à celle qu’aurait pu en faire le Conseil constitutionnel (puisque celui-
ci ne sera pas saisi selon le filtre opéré par le JA qui décide de ne pas lui renvoyer la QPC). Selon
certains auteurs, le CE devient à travers cette appréciation du caractère sérieux de la QPC « un juge
de la constitutionnalité de la loi », au moins partiel (la fonction de filtrage ne fait pas de lui un juge
constitutionnel à part entière puisqu'il doit forcément renvoyer au CC s’il estime que la disposition
législative est contraire à la Constitution, et seul le CC peut abroger une loi).

! Tout ceci montre clairement que l’opposition du juge administratif au contrôle de


constitutionnalité des lois telle qu’elle est clairement affichée dans cet arrêt est bien aujourd’hui
à relativiser puisqu’elle peut en quelque sorte être « contournée », mais de manière circonscrite
à travers la seule QPC, de telle sorte que cette opposition est aujourd’hui en tout cas moins
décisive.
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→ Transition avec le II : Pour autant, le contrôle de la loi ne se résume pas au seul contrôle de
constitutionnalité, c’est ainsi que la question s’est également posée en l’espèce de la compétence du
juge administratif face au contrôle de conventionnalité des lois.

II. – L’ACCEPTATION PAR LE JUGE DU CONTRÔLE DE LA CONVENTIONNALITÉ


DES LOIS

- Chapeau : Le juge administratif continue son raisonnement, qui est alors placé dans un second
temps sous l’égide du contrôle de conventionnalité des lois. C’est ainsi qu’il reprend et confirme sa
jurisprudence récente en acceptant d’opérer un plein contrôle de conventionnalité des lois (A), tout
en précisant que ce contrôle est conditionné (B).

A. – UN PLEIN CONTRÔLE

- On repart de l’arrêt : Ici il s’agit de commenter les considérants qui accueillent justement ce contrôle
de conventionnalité des lois, démontrant ainsi cette compétence du juge administratif. Comme l’analyse
porte sur 3 traités internationaux, elle est conséquente, il est alors inutile de recopier tous les considérants.
On peut donc seulement rappeler les points précis de l’arrêt que nous allons commenter ensuite, car cela
reste indispensable de partir de l’arrêt à chaque partie. Cela peut donner ici par exemple :

! En l’espèce, les points 8 à 10 témoignent du contrôle effectif de conventionnalité des lois qui est
opéré par le juge administratif dans cet arrêt.

- On élargit ensuite avec les connaissances : il s’agit alors de démontrer que ce contrôle de
conventionnalité des lois par le juge administratif est bien entier et effectif.
! Le Juge administratif opère depuis longtemps un contrôle de conventionnalité des actes
administratifs (CE, 1952, Dame Kirkwood), mais historiquement il a longtemps refusé d’opérer
un contrôle de conventionnalité des lois. En tant que seul « serviteur de la loi » et non censeur ,
mais aussi car il s’agissait de s’assurer de la supériorité des traités sur la loi et donc du respect
de l’article 55 de la Constitution (donc on retombe sur la jurisprudence Arrighi), il refusait
d’effectuer ce contrôle et donc refusait d’écarter une loi contraire à un traité international
lorsque cette loi lui était postérieure (Doctrine Matter : la loi postérieure primait toujours sur un traité
ou convention régulièrement ratifiés : cf CE, 1968, Semoules de France). → banal conflit de

normes dans le temps, pas de contrôle de conventionnalité des lois (envisagé comme une modalité
du contrôle de sa constitutionnalité de par l’article 55 Constitution).
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! Puis, dans sa décision IVG de 1975 (v. doc. 5), le Conseil Constitutionnel avait lui aussi refusé
d’effectuer un tel contrôle de conventionnalité, car selon lui la Constitution ne lui donne pas
cette compétence. Mais il dissocie les différents contrôles : « une loi contraire à un traité ne
serait pas, pour autant, contraire à la Constitution », appelant alors les juges ordinaires à se saisir
d’un tel contrôle de conventionnalité des lois. Le juge judiciaire a de suite saisi cette
compétence de contrôle de conventionnalité de la loi (CCASS, 1975, Société des cafés Jacques Vabre).

! Il a fallu attendre 1989 pour que le juge administratif se reconnaisse à son tour compétent pour
exercer un véritable contrôle de conventionnalité des lois. En suivant les conclusions de son
commissaire du gouvernement FRYDMAN (v. doc. 3), le Conseil d'État a accepté de contrôler
la conformité d'une loi avec les stipulations d'un traité, même lorsque la loi est postérieure à
l'acte international en cause, en application de l'article 55 de la Constitution, abandonnant aussi
la théorie de la loi écran (C.E., Ass., 20 octobre 1989, Nicolo : v. doc. 2). Le JA peut donc
désormais écarter une loi d’un litige en tant qu’elle serait inconventionnelle (non pas abroger, il
s’agit d’un effet inter partes seulement : autorité relative de la chose jugée, seules les parties pourront se prévaloir
de l’irrégularité de la loi. En revanche l’abrogation d’une loi, et donc autorité absolue de chose jugée avec effet
erga omnes, est possible mais est le monopole du CC, en tant que la loi serait inconstitutionnelle seulement) .

! En l’espèce, le Juge administratif confirme bien cette jurisprudence récente qu’il vient à peine
d’adopter, ce qui permet d’ancrer définitivement sa compétence pleine et entière face au
contrôle de conventionnalité des lois, compétence qu’il fonde bien sur l’article 55 de la
Constitution (v. doc. 1, l’habilitant implicitement à contrôler la conformité des lois aux traités et ainsi
faire prévaloir un traité international sur une loi.) → Fin de la doctrine Matter : Acceptation du contrôle
de conventionnalité des lois même postérieures par le JA.

! Le juge administratif n’est en 1990 qu’au début de ce contrôle de conventionnalité des lois, qu’il
continuera de perfectionner en l’admettant même devant le juge des référés alors qu’il avait
longtemps refusé cette possibilité (CE, 31 mai 2016, Mme Gonzalez-Gomez, v. doc. 7), et il
admettra même aussi dans cet arrêt la possibilité d’un contrôle de conventionnalité in concreto
après un contrôle de conventionnalité in abstracto classique (c’est à dire que la loi abstraitement est
bien conventionnelle, mais dans son application particulière à un individu elle peut se révéler
exceptionnellement inconventionnelle).

Précision : N’oubliez pas ce qui a été dit supra : il est important sur un arrêt « ancien » de l’évaluer
non seulement à l’aune de son apport pour l’époque mais aussi des solutions d’aujourd’hui.

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→ Transition avec le B : Contrairement au contrôle de constitutionnalité des lois, le contrôle de
conventionnalité des lois est un réel contrôle entier du juge administratif, c’est bien ce qui ressort de
cet arrêt en l’espèce. Toutefois, si ce contrôle est désormais possible, le juge administratif montre
également en l’espèce qu’il est bien conditionné.

B. – UN CONTRÔLE CONDITIONNÉ

- On repart de l’arrêt : Comme vu dans les A et B du I, on peut continuer le commentaire à propos des
mêmes points, mais il faut toujours le préciser :
! En l’espèce, les points 8 à 10 témoignent certes de la compétence du juge administratif en
matière de contrôle de conventionnalité des lois, mais ils témoignent aussi de l’encadrement
d’un tel contrôle au regard de l’article 55 de la Constitution.

- On élargit ensuite avec les connaissances : il s’agit bien de démontrer ici que ce contrôle de
conventionnalité des lois comporte des limites.
! En l’espèce, plusieurs traités internationaux sont invoqués par les requérants (Convention
Européenne des Droits de l’Homme, Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et Déclaration

universelle des droits de l’Homme) et le juge administratif prend soin de les analyser un par un. Ainsi,
si le juge administratif accepte désormais de contrôler la compatibilté de la loi avec les traités
internationaux, n’importe quel traité international ou plus précisément n’importe quelle
stipulation d’un traité international en particulier, ne peut pas pour autant être invoquée dans le
cadre d’un tel contrôle de conventionnalité de la loi.

! Le contrôle de conventionnalité des lois est donc bien conditionné dès le départ sur la
recevabilité du moyen : il convient d’analyser pour chaque traité international le respect des
conditions d’intégration dans l’ordre interne français (Article 55 de la Constitution, doc. 1),
ainsi que l’invocabilité de ses stipulations (question de l’effet direct) → Renvoi au TD n°3.
" Dans son considérant n°8 : le JA écarte justement tout contrôle de conventionnalité des
lois IVG au regard de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme puisqu’elle a
seulement été publiée au JO, mais n’a jamais été ratifiée par la France.
" Dans son considérant n°9 : le JA reconnaît que les 2 autres traités internationaux
(Convention Européenne des Droits de l’Homme, Pacte international relatif aux droits civils et
politiques) sont eux régulièrement intégrés dans l’ordre juridique interne car ratifiés et

publiés (la condition de réciprocité pour rappel n’est pas nécessaire à vérifier pour le JA
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lorsqu’il s’agit de traités internationaux relatifs aux droits de l’Homme). Le Conseil
d’État intègre dans le même mouvement les stipulations en particulier de ces traités,
reconnaissant ainsi implicitement leur invocabilité.

Précision : L’invocabilité des stipulations internationales est en l’espèce acquise implicitement,


mais c’est bien une condition indispensable, sans laquelle le contrôle de conventionnalité de la loi
n’est pas possible : v. CE, 2015, M. Allenbach: rejet de l’effet direct de certaines stipulations
invoquées donc pas de contrôle de conventionnalité au regard de ces stipulations en particulier.

! Dès lors dans son considérant n°10 : le JA suite à la condition d’un contrôle positif de la
recevabilité du moyen tiré de la contrariété des lois IVG avec ces 2 traités internationaux : le
Conseil d’État opère bien un contrôle de conventionnalité, qui s’avère être un contrôle de
compatibilité (c’est-à-dire que le JA n’exige pas des lois qu’elles soient en tous points conformes aux
conventions internationales : dès lors qu’une loi, prise dans son ensemble, n’est pas manifestement contraire à un

engagement international, le juge rejettera comme non fondée l’exception d’inconventionnalité) : contrôle
aboutissant à la conventionnalité des lois qui ne seront donc pas écartées en l’espèce et par voie
de conséquence l’acte administratif litigieux pris sur leur fondement est légal,ne sera pas annulé.

! En dépit de son efficacité incontestable, force est de constater que le contrôle de


conventionnalité de la loi ne peut être exercé dans toutes les hypothèses. Mais ce contrôle
conditionné de conventionnalité des lois va aussi s’affiner au fil des jurisprudences au-delà des
seules conditions d’applicabilité et d’invocabilité : actualité de la problématique :
" Le CE s’est par exemple refusé à exercer un contrôle de la loi par rapport à la coutume
internationale (C.E., Ass. 6 juin 1997, Aquarone, v. doc. 6) : toute norme internationale
n’est pas invocable dans le cadre de ce contrôle bien conditionné.
" Le CE refuse de contrôler la conventionnalité externe d’une loi, jugeant irrecevable le
moyen tiré de la méconnaissance par le législateur d’une disposition conventionnelle
imposant une procédure donnée : CE, 27 octobre 2015, M. Allenbach, v. doc 8 : tout
moyen n’est donc pas invocable dans le cadre de ce contrôle bien conditionné.

! Si le juge administratif vient en l’espèce confirmer sa compétence en matière de contrôle de


conventionnalité des lois, son encadrement est dans le même temps tout aussi important et n’a
pu que gagner à être affiné au fil des années, préservant ainsi un équilibre entre l’ancien poids
historique du juge « serviteur de la loi » et un contrôle désormais effectif mais conditionné de la
loi au regard de sa seule conventionnalité...
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