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Correction de l'exercice

Dissertation : Peut-on dire de la responsabilité pour risque spécial de


l’administration qu’elle s’est élargie ?

Introduction

 Accroche : La responsabilité de l'administration est de plus en plus aisément engagée par


faveur pour les victimes.

→ Précision : Cette accroche est intéressante car elle permet de justifier l'ordre de définition des
termes du sujet : l'administration étant responsable, il appartient de définir ce qu'est
l'administration et la responsabilité.

 Définition des termes du sujet :


◦ Administration : v. les corrections précédentes → L'administration se doit d'être définie
en évoquant précisément les conceptions organique et fonctionnelle.

◦ Responsabilité
▪ De manière générale, la responsabilité est le fait de répondre de ses actes.
▪ Juridiquement
 La responsabilité se définit comme l'obligation de répondre devant la justice de
son fait ou du fait commis par autrui.
 Il existe plusieurs responsabilités juridiques qui se caractérisent par des finalités
différentes: la responsabilité civile, la responsabilité pénale (et la responsabilité
disciplinaire).
◦ La responsabilité civile est l'obligation de réparer le préjudice que l'auteur ou
non d'un fait générateur a causé à une ou des victimes.
◦ La responsabilité pénale est l'obligation de répondre d'une infraction. Cette
responsabilité n'a pas pour fonction de réparer le préjudice. Elle punit l'auteur
d'une infraction car celui-ci a porté atteinte aux valeurs protégées de la
société.
▪ L'administration peut être responsable civilement (et pénalement). Quand
l'administration commet un fait générateur qui cause un dommage constitutif de
préjudice à autrui, elle est responsable civilement.
▪ L'administration peut précisément être responsable civilement, extra-contractuelle ou
contractuelle) pour faute ou sans faute. Au titre de la responsabilité sans faute,
l'administration peut être responsable du fait de la création d'un risque.
→ Précision : Il n’était pas nécessairement obligé de définir la responsabilité en général. Il fallait
du moins absolument définir responsabilité pour risque spécial en précisant que c’est un
mécanisme de responsabilité civile sans faute de l’administration.

◦ Responsabilité pour risque


▪ C'est une responsabilité sans faute qui oblige l'administration à réparer les préjudices
causés par la réalisation d'un risque qu'elle a créé, alors même que l’administration
n’a pas commis de faute. Plus précisément, il n’est pas exigé la preuve d’une faute
de l’administration. L’administration fait le choix de faire peser un risque de
dommage sur les administrés, sachant que le risque est un événement dangereux dont
la réalisation est incertaine.
▪ Elle est classiquement considérée comme un fondement ou une condition de la
responsabilité sans faute et s'oppose, à ce titre, à la responsabilité pour rupture de
l'égalité devant les charges. Cette considération relève du débat doctrinal.
◦ Responsabilité pour risque spécial
▪ La responsabilité pour risque est relativement différente selon qu'elle concerne les
collaborateurs du service public et les tiers. Alors que, pour les collaborateurs, le
risque se confond simplement avec l’existence du lien entre la victime et la
collectivité, il doit, pour les tiers, être « spécial » ou bien lié à des ouvrages ou
travaux publics.
▪ Par principe, le risque spécial renvoie à un risque particulier qui excède ce qui pèse
normalement sur les tiers.

 Contextualisation :
◦ La responsabilité pour risque spécial a différentes manifestations
▪ Utilisation de choses dangereuses : C.E., 28 mars 1919, Regnault-Desroziers
(G.A.J.A.) : premier cas de responsabilité pour risque.
▪ Utilisation d'armes dangereuses : C.E., Ass., 1949, Consorts Lecomte (doc. 1) et
C.A.A., Nantes, 5 juillet 2018 (doc. 2).
▪ Utilisation de méthodes dangereuses, dont des méthodes d'éducation surveillée
(C.E., Sect., 3 février 1956, Ministre de la Justice c./ Thouzellier, doc. 3) ret des
méthodes de détention (C.E., 2 décembre 1981, Ministre de la Justice c./ Theys,
doc. 4).
▪ Des situations dangereuses : C.E., Ass., 6 novembre 1968, Dame Saulze (doc. 6).

◦ La responsabilité pour risque spécial se caractérisait initialement par des conditions


techniques de mise en œuvre
▪ Seuls les tiers pouvaient se prévaloir de cette responsabilité, et plus précisément les
tiers voisins.
▪ Exigence d'un risque exceptionnel.
◦ Puis un élargissement tend à être constaté
▪ Extension des tiers.
▪ Glissement vers les usagers du service public.
▪ Abandon du caractère exceptionnel du risque.

→ Précision : En évoquant les conditions techniques de mise en œuvre et le constat d'un


élargissement dans le contexte, vous ne répondez pas à la problématique. Vous ne pouvez du reste
pas y répondre dans la mesure où vous ne l'avez pas encore posée. Dans le contexte, vous faites
seulement mention du fait que la responsabilité pour risque spécial, que vous avez définie, a des
caractéristiques propres et que celles-ci ont évolué. Votre plan et vos développements auront pour
objet et but d'expliquer comment se caractérise cet élargissement précisément. Vous ne devez en
aucun cas le décrire.

 Problématique :
◦ La responsabilité pour risque spécial de l'administration s'est-elle élargie ?
◦ Proposition de reformulation en lien avec le contexte : La responsabilité pour risque
spécial de l'administration est-elle restée cantonnée à ses exigences initiales ?

 Réponse à la problématique :
◦ Exposé de la réponse : La responsabilité de l'administration pour risque spécial s'est
élargie, même si l'élargissement est mesuré.
◦ Explication de la réponse
▪ Elle s'est élargie au niveau des victimes qui sont fondées à agir en responsabilité
pour risque spécial. D'une part, cette responsabilité n'est plus subordonnée à la
condition de voisinage pour identifier les tiers et, d'autre part, elle tend à s'étendre
aux usagers du service public.
▪ Mais l'élargissement est mesuré eu égard aux caractères du risque. Le risque
exceptionnel n'est plus requis par principe. Or, tout risque ne permet pas d'engager la
responsabilité sans faute de l'administration.

 Annonce du plan : Aussi, la responsabilité pour risque spécial de l'administration s'est


réellement élargie concernant les victimes bénéficiant de la responsabilité pour risque
spécial (I). Toutefois, cet élargissement est mesuré au regard de l’exigence relative au risque
(II).
Plan

I. – UN ELARGISSEMENT REEL DU CHAMP DES VICTIMES BENEFICIANT DU REGIME DE


RESPONSABILITE POUR RISQUE SPECIAL

Par principe, seuls les tiers peuvent se prévaloir d'un régime de responsabilité sans faute pour risque
spécial. Or, les tiers ne sont plus identifiés par la condition du voisinage. Les tiers sont alors
identifiés de manière élargie (A). De plus, la jurisprudence tend à ouvrir le bénéfice de cette
responsabilité pour risque spécial aux usagers (B).

A. – Une approche élargie du tiers par l'abandon de la condition du voisinage

 Pour débuter, commencez par expliquer que seuls les tiers peuvent agir sur le fondement de
la responsabilité sans faute pour risque spécial. Pour ce faire, évoquez le cas des usagers et
des participants (en ce qui concerne les travaux publics).
◦ Usagers : responsabilité pour faute prouvée ou pour faute présumée.
◦ Participants de travaux publics : responsabilité pour faute prouvée.
◦ Tiers : à l'appui des grands arrêts cités dans l'introduction, démontrez que la
responsabilité sans faute pour risque a bien été consacrée au profit des tiers.

 Expliquez la différence.
◦ Les usagers tirent profit du service public, à l’inverse des tiers.
◦ C’est la raison pour laquelle il existe une différence. Les tiers doivent pouvoir agir plus
aisément en responsabilité.

 Puis enchaînez précisément sur le cas des tiers pour démontrer votre idée du A qui est
l'élargissement des tiers par l'abandon de la condition du voisinage.
◦ Exposez cette condition.
▪ La condition du voisinage a permis au C.E. d'étendre la jurisprudence Regnault-
Desroziers, dont un terme a été mis à la solution par le législateur : v. doc. 10, pt.
135.
▪ La responsabilité pour risque n'est engagée que lorsque le risque excède les limites
normales du voisinage.
▪ Par voisinage, il faut attendre que tous les tiers ne peuvent agir en responsabilité.
Seuls les tiers qui étaient à proximité au moment du fait dommageable sont des
victimes pouvant agir en responsabilité.
▪ Cette solution ne fut que très peu reprise.
 D'une part, de 1919 à 1946, à cause de la loi qui a mis un terme à la solution
Regnault-Desroziers.
 D'autre part, à partir de 1946 (date à laquelle la jurisprudence Regnault-
Desroziers peut de nouveau s'appliquer par l'abrogation de la loi antérieure qui
avait mis un terme à sa solution). Il faut même noter que, si la condition persiste,
elle est d'ores et déjà appréciée + souplement.
◦ Évoquez l'évolution de cette condition
▪ La condition doit être entendue, selon le commissaire du gouvernement LEFAS
concluant sur l'arrêt « S.N.C.F. » (C.E., Ass., 16 mars 1945), « dans une acception
[…] large, celle de proximité ».
▪ Cette extension laisse, en réalité, présager l'abandon de cette condition. C'est ainsi
que, par exemple, purent être indemnisés les préjudices subis par un maire se
trouvant sur un autre navire de guerre que celui qui avait explosé, ou encore ceux
subis par le propriétaire d'une maison incendiée suite à l'ordre de destruction pour
hygiène concernant un immeuble voisin (C.E., 21 mai 1920, Épx. Colas et C.E., 24
déc. 1926, Walther).
▪ Amorce de l'abandon avec la jurisprudence C.E., Ass., 1949, Consorts Lecomte
(doc. 1) qui vise « des personnes et [des] biens » - et non seulement des voisins :
« qualification apparemment plus souple que sous l'empire de la jurisprudence
''Regnault-Desroziers'' » (doc. 10, pt. 137). Il n’y a plus de référence au voisinage.
▪ Consécration progressive de l'abandon avec l'arrêt C.E., Sect., 3 février 1956,
Ministre de la Justice c./ Thouzellier (doc. 3)
 Certes, référence au voisinage par l'expression « les tiers résidant dans le
voisinage ».
 Mais l'utilisation de la notion de tiers et l'exigence du risque spécial permettent
de retenir une vision plus large des victimes : les tiers qui sont dans un voisinage
plus large, à l'instar de la responsabilité du fait des dommages d'ouvrages publics
(doc. 10, pt. 138).
▪ Consécration réelle de l'abandon avec la jurisprudence C.E., 9 mars 1966, Garde
des Sceaux, Ministre de la Justice c./ Trouillet : responsabilité pour risque spécial
pour les tiers. Pas de référence au voisinage. Tous les tiers peuvent agir à condition
de démontrer toutes les conditions de la responsabilité.
▪ Confirmation de l'abandon avec l'arrêt C.E., 2 décembre 1981, Ministre de la
Justice c./ Theys (doc. 4).
◦ Expliquez l'incidence de son abandon : L'abandon de la condition du voisinage a des
répercussions évidentes. Il permet en effet d'accroître le nombre de victimes potentielles
et, partant, l'engagement de la responsabilité sans faute pour risque de l'administration.
Des tiers qui ne résident pas dans le voisinage dans lequel le risque créé s'est réalisé peut
être une victime.

→ Transition avec le B : De plus, la responsabilité sans faute pour risque ne se cantonne plus
seulement au tiers. Elle s'ouvre également aux usagers (B).

B. – Une ouverture aux usagers du service public

 Commencez par présenter la situation : Le juge administratif tend à étendre le régime de


responsabilité pour risque spécial aux usagers du service public, alors même qu'ils tirent
profit du service public. Cette logique que les usagers tirent profit du service public explique
par principe que les usagers ne puissent pas, à l'inverse des tiers, bénéficier du régime de
responsabilité sans faute.

 Puis enchaînez avec les exemples


◦ Usagers d'ouvrages publics exceptionnellement dangereux : C.E., Ass., 6 juillet 1973,
Ministre de l'Equipement et du Logement c./ Dalleau (doc. 9).
▪ Par principe, les usagers d'ouvrages publics doivent agir sur le fondement de la
responsabilité pour faute en présumant un vice de conception de l'ouvrage public ou
un défaut d'entretien de l'ouvrage public. Or, le fait qu'un ouvrage public soit
exceptionnellement dangereux a incité le C.E. à considérer que les usagers de
l'ouvrage public, en l'espèce une route, puissent agir sur le fondement de la
responsabilité sans faute pour risque.
▪ Le C.E. fait du reste explicitement référence aux usagers : la route en cause « DOIT
ETRE REGARDE COMME PRESENTANT PAR LUI-MEME LE CARACTERE
D'UN OUVRAGE EXCEPTIONNELLEMENT DANGEREUX DE NATURE A
ENGAGER LA RESPONSABILITE DE L'ETAT, MAITRE DE Z..., A L'EGARD
DES USAGERS (…) ».
◦ Usagers du service public de santé. Plus précisément, les patients d'un acte médical ou
d'un traitement qui présente un risque dont l'existence est connue mais la réalisation
exceptionnelle : C.E., Ass., 9 avril 1993, Bianchi, n°69336.
▪ Le C.E. pose plusieurs conditions, au-delà de la nature du risque. Il précise, d'une
part, qu' « aucune raison ne permet de penser que le patient (…) soit particulièrement
exposé » audit risque. D'autre part, il précise que l'exécution de cet acte médical ou
traitement est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient
comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême
gravité.
▪ Il faut également préciser que le C.E. n'exige pas que l'acte médical ou le traitement
soit délicat, complexe, contrairement aux opérations de secours.
◦ Usagers du service public de secours : T.A., Nice, 2 mai 2018 (doc. 7).
▪ Par principe, la responsabilité est fondée sur la preuve d'une faute du service de
secours.
▪ Or, le T.A. de Nice vient consacrer une responsabilité sans faute pour les victimes
bénéficiaires d'une opération de secours « lorsque l'intervention de sauvetage
présente des risques exceptionnels et qu'elle est la cause directe de dommages
présentant un caractère d'extrême gravité ».
▪ En tant que bénéficiant d'une opération de secours, les victimes sont des usagers du
service public de secours : « la responsabilité sans faute se déploie ici, dans un autre
cadre, au profit de l'usager d'une opération de secours présentant des risques
exceptionnels. C'est une nouvelle illustration de la responsabilité administrative pour
risque du fait d'activités matérielles qui joue d'ordinaire plutôt au profit de tiers ou
d'agents publics » (doc. 8).
→ Transition avec le II : L'élargissement du champ des victimes est donc réel. Toutefois, la notion
de risque spécial a fait l'objet d'un élargissement plus mesurée (II).

II. – UN ELARGISSEMENT MESURE DE LA NOTION DE RISQUE SPECIAL

Initialement, la responsabilité sans faute pour risque était subordonnée à un risque exceptionnel. Or,
cette exigence a été abandonnée par le juge administratif (A). À l'abandon du risque exceptionnel, le
juge administratif ne reconnaît pas toujours l'existence d'un risque spécial de nature à justifier une
responsabilité sans faute de l'administration (B).

A. – L'abandon de principe du risque exceptionnel

 Commencez par annoncer l'idée : Après le risque excédant les limites normales du voisinage
selon la jurisprudence Regnault-Desroziers, le C.E. est venu exiger par la suite un risque
exceptionnel : C.E., Ass., 1949, Consorts Lecomte (doc. 1).

 Puis expliquez ce qu'est le risque exceptionnel


◦ L'exigence du risque exceptionnel est considérée comme plus rigoureuse que l'exigence
du risque excédant les limites normales du voisinage (v. doc. 10, pt. 137).
◦ Concrètement, le risque exceptionnel renvoie à la fois à la rareté avec laquelle le risque
est pris et à la gravité de ses conséquences éventuelles.

 Enfin, évoquez l'abandon de cette exigence


◦ Le risque exceptionnel a été rapidement abandonné. L'arrêt C.E., Ass., 1949, Consorts
Lecomte (doc. 1) est même considéré comme un arrêt de transition « entre le risque de
voisinage et le risque spécial pour les tiers. En effet, il annonce la jurisprudence
ultérieure en ce qu'elle : 1 abandonnera l'exigence de voisinage ; 2 continuera d'exiger
une certaine qualité du risque encouru (idée de ''risque spécial'', même si ce n'est plus
''exceptionnel'') (doc. 10, pt. 137).
◦ À défaut de risque exceptionnel, le C.E. a toutefois exigé un risque dit spécial. Ce risque
renvoie seulement à la rareté avec laquelle le risque est pris et à la probabilité (forte) de
la survenance d’un dommage, quelle que soit sa gravité.
◦ Le risque est entendu plus souplement. Partant, la responsabilité pour risque peut être
davantage engagée.
◦ Aussi, tout risque qui n'est pas considéré comme spécial ne peut permettre l'engagement
de la responsabilité (B).

B. – Le reflux partiel du risque spécial

 Commencez par présenter l'idée : le reflux partiel du risque spécial → Le juge contrôle
effectivement l'existence du risque. Tout risque ne sera pas nécessairement considéré comme
spécial.
 Puis commentez
◦ Tout risque qui n'excède pas la moyenne, la normalité n'est pas qualifié de spécial. Un
risque spécial repose sur le choix opéré par la collectivité qui accroît la probabilité d’un
dommage par rapport à un autre choix jugé plus conventionnel.
◦ Tout risque qui n'est pas qualifié de spécial ne peut alors permettre l'engagement de la
responsabilité sans faute de l'administration. Illustration avec la prise d'un décret de
grâce collective et les mesures de réduction de peine : C.E., 15 février 2006, Ministre
de la Justice c./ Maurel-Audry (doc. 5) → « les décrets de grâce collective pris par le
Président de la République ni les mesures de réduction de peine accordées par le juge de
l'application des peines (…), ne créent pour les tiers un risque spécial susceptible

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