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CHAPITRE PRELIMINAIRE 

: LA NOTION ET LA
PROBLEMATIQUE DU STATUT GENERAL DE LA
FONCTION PUBLIQUE LOCALE

L’avènement d’un Statut Général pour l’ensemble des fonctionnaires des


collectivités locales est sans doute une des particularités du processus de
Décentralisation depuis l’Indépendance. En effet, si la présence d’agents
fonctionnaires au niveau local n’a jamais posé de problèmes particuliers en ce sens
qu’ils sont perçus par l’opinion locale comme des agents qui viennent apporter leur
savoir-faire, leur expérience dans la gestion des affaires locales, la question de leur
statut a toujours posée quelques appréhensions. Il importe alors de voir ce que
recouvre la notion de Statut Général de la Fonction Publique Locale (Section I) qui
n’en est pas moins problématique (Section II).

Section I : La notion de Statut Général de la Fonction Publique Locale

La notion de Statut Général des fonctionnaires des Collectivités locales peut être
définie comme l’ensemble des règles juridiques et principes qui s’appliquent à
l’exercice de leur fonction par les fonctionnaires. Ces règles juridiques présentent une
certaine spécificité qui s’explique notamment par le fait que les fonctionnaires
exercent des missions d’intérêt général et sont pour cela soumis à des conditions de
travail exorbitant de droit commun. Cette définition est la même que celle de la notion
de Statut Général de la Fonction Publique de l’Etat. La seule différence est une
différence de niveau (national, local). Dans l’étude de la notion de Statut de la
Fonction Publique Locale, il convient de distinguer ce que l’on peut appeler le Statut
traditionnel (Paragraphe I) et l’actuel Statut (Paragraphe II).

Paragraphe I : Le Statut traditionnel ou le Statut Général de la Fonction


Publique Communale

Le Sénégal est un pays qui a une large tradition d’organisation et de gestion


communale. Mais, ce n’est qu’en 1969, qu’un Statut Général de la Fonction Publique
Communale a vu le jour. Ce Statut ne présente pas d’originalité marquante par rapport
au Statut Général des fonctionnaires. Il s’en est plutôt largement inspiré. Par souci
d’harmonisation et d’efficacité, le législateur et les pouvoirs publics n’avaient pas jugé
opportun d’élaborer un Statut que pourtant, la spécificité des Collectivités locales par
rapport à l’Administration aurait pu commander. La loi 69-54 a ainsi défini la notion
fonctionnaire communal, déterminé ses droits et obligations, ses différentes positions
etc. La seule différence notable entre les deux Statuts que l’on peut relever se situe au
niveau de la position d’activité. L’article 39 de Loi 69-54 définit la Position d’activité
comme celle du fonctionnaire communal qui régulièrement titulaire d’un grade exerce
effectivement les fonctions de l’un des emplois correspondants. Soit il est affecté dans
une Commune, soit il est affecté dans un Ministère chargé de la tutelle, soit qu’il soit
mis à la disposition d’une autre Administration.

Cette disposition consacre la double vocation du fonctionnaire communal à


servir aussi bien dans la Commune que dans l’Administration. En définitive,
l’adoption de la Loi 69-54 a eu au moins deux mérites : d’une part, le Statut a
permis de mettre fin à un système de gestion de personnels communaux pour dominer
les prétentions électoralistes d’un Maire qui les poussait à satisfaire leur recrutement
leur par clientèle politique : ce qui était source d’arbitraire et d’injustice ; d’autre part,
en harmonisant les pratiques dans la gestion des personnels communaux, la loi 69-54
avait institué les conditions d’une amélioration de l’utilisation des personnels pour un
meilleur développement des Communes.

Il faut cependant constater qu’en dépit de ces avancées, quarante ans


d’existence n’ont pas permis d’atteindre complètement les objectifs qui ont été à la
base de l’adoption de la loi 69-54. C’est pourquoi, au-delà du contexte, n’est-on pas
fondé à penser que ces mêmes objectifs ont présidés à l’élaboration de l’actuel Statut
Général de la Fonction Publique Locale.

La réponse est sans doute affirmative mais la pleine réalisation desdits objectifs
dépend de l’application effective du nouveau Statut.

Paragraphe II : Le nouveau Statut : le Statut Général de la Fonction


Publique Locale

La loi 96-06 du 22 mars 1996 portant Code des Collectivités Locales


énumère dans son article premier les trois ordres de Collectivités locales sénégalaises ;
il s’agit de la Région, de la Commune et de la Communauté rurale qui selon l’alinéa 2
du même article s’administrent librement par des conseils élus au suffrage universel.
Le principe de la libre administration ne peut pleinement s’exercer si les Collectivités
locales ne bénéficient d’un véritable statut. C’est ce qui explique sans doute que
l’article 90 de la Constitution sénégalaise (version 1998) fut consacré auxdites
Collectivités. De même, dans la Constitution de 2001, l’article 102, alinéa premier
précise que les Collectivités locales qui s’administrent librement, constituent le cadre
institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Les
Collectivités locales ne sauraient aussi s’administrer librement en toute liberté si elles
ne disposent pas d’un personnel propre pour la gestion de leurs propres affaires. Ce qui
justifie au demeurant l’opportunité de l’adoption de et conformément à l’article
premier du Code des Collectivités Locales, de la loi 2011-08 relative au Statut Général
des Fonctionnaires Locaux. Dans son contenu, cette loi s’est aussi largement inspirée
de la loi 61-33 du 15 juin 1961 portant Statut Général de la Fonction Publique d’Etat.

La loi 2011-08 a ainsi défini le fonctionnaire, déterminé ses droits et


obligations, ses différentes positions etc. Elle comporte néanmoins quelques rares
originalités :

Une de ces originalités découle de l’aménagement d’un véritable pouvoir de


nomination aux emplois des cadres des fonctionnaires des Collectivités locales (article
4 de la loi 2011-08).

Une seconde originalité résulte du principe d’unité entre les Collectivités


locales. Ce principe se traduit d’une part par la possibilité pour le fonctionnaire local
de poursuivre une carrière successivement dans plusieurs Collectivités locales et
d’autre part par la création d’un corps commun à toutes les Collectivités locales.

Une troisième originalité est relative à la mobilité entre la fonction publique


d’Etat et locale. La loi 2011-08 prévoit cette possibilité en son article 61 relative au
détachement qui peut être effectué au profit d’une administration de l’Etat.

L’aménagement d’un Statut des fonctionnaires des Collectivités locales


constitue certes un élément indispensable dans la dynamique
d’approfondissement de la décentralisation. Cependant, il n’en est pas moins
problématique eu égard à certaines réalités sociologiques, administratives, ensuite
juridiques.

Section II : La problématique du nouveau Statut Général de la Fonction


Publique Locale
La notion de Statut peut être diversement interprétée mais quelque soit la
conception (large, étroite) ou l’angle où l’on se situe, l’avènement des Statuts
Généraux est l’expression de la démocratisation de la gestion des fonctionnaires. Il en
est de même pour la Fonction Publique Locale du moins tel est là l’un des objectifs
majeurs de la loi 2011-08 relative aux fonctionnaires locaux. Son application risque
cependant de poser un certain nombre de problèmes relatifs notamment à la carrière
des fonctionnaires et à l’autonomie même de la Fonction Publique Locale.

Paragraphe I : Les problèmes inhérents à la carrière des


fonctionnaires locaux

Du point de vue de son contenu, le Statut Général des fonctionnaires des


Collectivités locales n’est pas réellement différent de celui du Statut Général de la
Fonction Publique de l’Etat. On peut alors se demander si l’élaboration du Statut
Général de la Fonction Publique Locale a suffisamment pris en compte les spécificités
des différentes Collectivités.

Certes, comparaison n’est pas raison mais en France, l’élaboration du Statut du


26 juin 1984 relatif à la Fonction Publique Territoriale n’a pas été aussi simple. Il
fallait aussi prendre en compte des problèmes aussi fondamentaux que la carrière, les
droits des fonctionnaires locaux mais surtout d’éviter de dépouiller le pouvoir local de
ses prérogatives traditionnelles.

Au Sénégal, la loi 2011-08 du 30 mars 2011 a certes institué un système de


fonction publique unique pour l’ensemble des Collectivités locales. Le problème reste
cependant de savoir si le système a suffisamment pris en compte certains impératifs
inhérents à toute véritable décentralisation notamment la Libre Administration qui
implique entre autre la dévolution d’un véritable pouvoir réglementaire. Cette
dévolution soulève des difficultés particulières en matière d’administration et de
gestion des fonctionnaires au niveau local. En France par exemple, la question de
savoir si les instances exécutives de l’Etat peuvent eu égard au principe de la Libre
Administration réglementer la Fonction Publique Territoriale avait divisé la Doctrine.

Pour certains, le principe de la libre administration n’autorise pas


l’intervention de règlements étatiques. Seules les autorités des Collectivités
territoriales seraient habilitées à prendre des règlements en application de la loi du 26
janvier 1984. Cette position est confirmée par l’article 72 de la Constitution française
selon lequel : «  les Collectivités territoriales disposent d’un pouvoir règlementaire
pour l’exercice de leurs compétences ».

Pour d’autres, la compétence règlementaire de droit commun en vue de


l’application de la Loi étant attribuée au Premier Ministre, les règlements étatiques
peuvent valablement intervenir.

De même, en l’état actuel du droit positif sénégalais, la compétence


règlementaire de droit commun est constitutionnellement dévolue au Président de la
République (article 43 de la constitution de 2001) et au Premier Ministre qui, dans le
cadre de sa mission d’exécution des lois dispose du pouvoir règlementaire (article 57).

En définitive, on peut dire que la libre administration ne saurait faire


obstacle à l’intervention de la compétence règlementaire étatique. Elle est même
quelquefois prévue par le Législateur. Ainsi, la Loi 2011-08 relative au Statut
Général de la Fonction Publique Locale contient suffisamment de dispositions qui
attestent l’importance et l’exercice de la compétence règlementaire du Président
de la République dans la gestion de la Fonction Publique Locale. Mais, l’exercice
de cette compétence n’est pas suffisamment encadré par la Loi. Ce qui n’est pas sans
risque d’affecter le principe de la Libre Administration ou encore à la liberté de
gestion des fonctionnaires locaux mais surtout à l’autonomie de la Fonction Publique
Locale.

Paragraphe II : Le problème de l’autonomie de la Fonction Publique


Locale

L’élaboration d’un Statut général de la Fonction Publique Locale n’a d’intérêt


que s’il permet d’instituer une Fonction publique autonome par rapport à la Fonction
publique d’Etat. Or, cette autonomie risque de souffrir de deux problèmes majeurs :
l’encadrement des pouvoirs de l’exécutif local dans la gestion des fonctionnaires d’une
part et l’insuffisance des moyens financiers d’autre part.

A- Le renforcement substantiel mais prudent du pouvoir de gestion


de l’exécutif local

La Loi 69-54 relative à la fonction publique communale n’avait attribué à


l’exécutif communal qu’un simple pouvoir de gestion du personnel.
L’Administration préférant jouer la carte de la prudence. Cette prudence
apparait dans l’article 8 de ladite Loi qui précise que les fonctionnaires
communaux sont simplement mis à la disposition du Maire. De même le décret
79-788 du 25 juillet 1979 relatif au Statut particulier des fonctionnaires
communaux en précisant que les pouvoirs de nomination sont délégués Ministre
de tutelle pour les corps autres que les conseillers aux affaires communales et
les attachés d’administration confine le Maire à des taches secondaires
d’affectation, de notation et de sanctions disciplinaires de second degré.
Par conséquent, l’autorité centrale en maintenant les pouvoirs
d’administration qui sont les plus importants avait alors vidé de sa substance
l’autonomie du pouvoir de gestion du Maire sur son personnel. C’est pourquoi,
la Loi 2011-08, en instituant les conditions d’une fonction publique autonome
peut être considérée comme une avancée significative dans le cadre du
renforcement des pouvoirs de nomination et de gestion de l’Exécutif local. Ce
renforcement substantiel résulte d’un volontarisme du Législateur en vue de
donner un contenu au principe de la libre administration. Désormais, la gestion
de la carrière des fonctionnaires relève l’exécutif local. L’article 4 de la Loi
2011-08 attribut ainsi le pouvoir de nomination des cadres de fonctionnaires à
l’exécutif local. Si l’on y ajoute le renforcement du pouvoir disciplinaire (article
43), on peut dire qu’en principe l’autorité locale dispose dorénavant d’un
pouvoir autonome en matière de gestion et de décision. Cependant, quel que
puisse être le degré ou l’ampleur d’une décentralisation, il serait illusoire
de penser à une autonomie absolue d’une quelconque Collectivité au sein
d’un Etat unitaire. Il s’agit là d’un des problèmes récurrents auquel les
autorités décentralisées sont confrontées dans la mise en œuvre du principe de
la Libre administration des Collectivités locales.

En effet, par souci de préserver l’indivisibilité de la République et l’unité


nationale, les autorités publiques font généralement preuve de prudence. C’est
ce qui semble justifier entre autres le maintien dans le nouveau Statut de la
compétence règlementaire étatique. Ce qui peut plus ou moins limiter
l’autonomie locale.

Il en est ainsi de l’article 2 du nouveau Statut selon lequel, les cadres et les
corps hiérarchisés qui les composent sont organisés par décret. De même, le
cumul d’activités est règlementé par décret (article 10). La composition,
l’organisation, le fonctionnement et les attributions des organismes de
participation des fonctionnaires locaux sont fixés par décret (articles 18 et 19).
Le régime de rémunération des fonctionnaires et celui de leurs indemnités sont
également fixés par décret (article 23).

Toutes ces dispositions qui sont la manifestation de l’envahissement de la


compétence réglementaire du Président de la République ne favorisent pas la
préservation de l’autonomie des Collectivités que la faiblesse des moyens
financiers risque d’aggraver.
B- L’insuffisance des moyens financiers : un facteur d’atténuation de
l’autonomie locale

Le principe constitutionnel de la libre administration est l’un des principes


déterminant d’une décentralisation avancée. Il implique que les Collectivités locales
disposent d’un pouvoir réglementaire, d’une liberté de contracter mais surtout
d’une autonomie financière.

Les finances sont considérés par bon nombre de spécialistes le nerf de la


Décentralisation. C’est pourquoi, la nécessité de garantir les moyens financiers des
Collectivités locales est bien prise en compte par certains Constituants. C’est ainsi
qu’en France, l’article 72 de la constitution garantit les ressources propres des
Collectivités territoriales qui doivent constituer pour chaque catégorie d’entre elles une
part déterminante de l’ensemble de leurs ressources.

Au Sénégal comme dans de nombreux pays africains, la compétence fiscale est


une compétence étatique. Elle relève donc du Pouvoir Législatif (Article 67 de la
Constitution). Les Collectivités locales n’ont par conséquent le pouvoir de créer des
impôts locaux, d’en déterminer l’assiette et les modalités de recouvrement. Elles
disposent certes d’un Budget constitué de ressources fiscales préalablement établi par
le Législateur, des recettes d’exploitation du domaine et des services locaux, des
ristournes accordées par l’Etat sur le montant des impôts et taxes recouvrés à leurs
profit et de la répartition du fond de dotation des Collectivités locales (Article 248 du
code des Collectivités locales).

Ces moyens restent évidemment très insuffisant eu égard aux nombreuses


missions de développement que les Collectivités sont appelées à prendre en charge et
auxquelles vient s’ajouter celle de la Fonction Publique Locale.

Il s’avère alors que si l’institution de cette Fonction Publique ne s’accompagne


de moyens financiers conséquents ; autrement dit, si l’Etat comme dans le passé
continue à pourvoir aux Collectivités locales l’essentiel de leurs moyens financiers, il
y a lieu de craindre que l’autonomie de cette fonction Publique Locale soit un simple
label voire une illusion.

Il importe donc que la loi qui est la principale source de cette Fonction Publique
en gestation donne aux Collectivités locales suffisamment de moyens budgétaires en
vue de rendre attrayant le système qui vient d’être institué.

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