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Droit des collectivités locales

Une distinction est établie, en doctrine, entre le droit administratif


général et le droit administratif spécial (R. Chapus, DAG 1, n°15). Le DCL relève
de ce dernier. Il s’agit, en effet, d’une matière détachée du DAG tout en
gardant des liens étroits avec lui (Ibid., n°17). A cet égard, force est de noter
que l’étude du DCL fait appel aux principes qui gouvernent l’action
administrative (principe de légalité, principe de responsabilité), aux buts de
cette action (buts de police et de service public) et à ses moyens (puissance
publique, décision administrative, contrat administratif).

Les sources du droit des CL.

L’étude distincte du DCL se justifie par l’évolution spectaculaire qu’a connue la


matière, ces dernières années. Cette évolution a trait, notamment, à la
mutation des sources de la discipline.

On doit mentionner, d’abord, la constitutionnalisation de cette branche du


droit. La Constitution du 27 janvier 2014 lui a consacré tout son chapitre 7
intitulé du « Pouvoir local », qui comporte douze articles (les articles 131 à
142), en plus de l’article 14 selon lequel: «L’Etat s’engage à renforcer la
décentralisation et à la mettre en œuvre sur l’ensemble du territoire national,
dans le cadre de l’unité de l’Etat », et de l’article 65 qui dispose que les
matières du pouvoir local sont du domaine de la loi organique.

Pour saisir l’importance de l’apport de la nouvelle Constitution au droit des


collectivités locales, il faut se rappeler que le chapitre 8 de la Constitution du 1 er
juin 1959 intitulé « Les collectivités locales », contenait un article unique qui
renvoyait à la loi l’élaboration du droit des collectivités locales: « Les conseils
municipaux, les conseils régionaux et les structures auxquelles la loi confère la
qualité de collectivité locale gèrent les affaires locales dans les conditions
prévues par la loi ».

Notons, tout de suite, que la rupture avec l’ancien DCL n’est pas due seulement
au nombre important des nouvelles dispositions constitutionnelles par rapport
à ce que prévoyait la Constitution de 1959, mais surtout à la consécration du
principe de constitutionnalité par la Constitution de 2014. Car les nouvelles
dispositions constitutionnelles resteraient lettre morte en l’absence d’un

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organe qui veilleraient à leur strict respect. Dans la Constitution de 2014, cet
organe c’est la Cour constitutionnelle qui sanctionnera les lois qui
enfreindraient le droit constitutionnel des collectivités locales (le conseil
constitutionnel contrôlait les projets de loi relatifs aux collectivités locales, dans
le cadre de sa saisine obligatoire, en vertu de l’article 72 al.1 de la Constitution
du 1er juin 1959. Mais, étant sous le joug du président de la République, son
contrôle ne pouvait pas garantir, efficacement, le respect de la Constitution).

L’entrée en vigueur des dispositions constitutionnelles du chapitre 7 relatif au


« Pouvoir local » était liée à l’entrée en vigueur des lois prévues par le même
chapitre, selon l’article 148 al. 2 dernier. tiret de la Constitution. Or, le CCL a
été adopté tardivement: il a été promulgué par la loi organique n°2018-29 du 9
mai 2018 (JORT n°39 du 15 mai 2018, p. 1653 et ss.). Ledit Code renvoie, lui-
même, à la loi pour la mise en œuvre de certaines de ses dispositions. Ainsi,
prévoit-il qu’ « une loi … détermine les conditions et procédures d’exécution
des compétences partagées » (art. 13 al. 2 du CCL). Mais, il renvoie, surtout,
pour sa mise en application, au pouvoir réglementaire général. Les décrets
gouvernementaux prévus par le CCL n’ont pas tous vu le jour.

L’objet du DCL. L’étude distincte du DCL se justifie, également, par


l’originalité de ses concepts. Le particularisme de la discipline, et en même
temps son unité, tiennent à la notion même de CL. C’est pourquoi il faut
définir, dès maintenant, cette notion. Cette définition, on va la puiser dans
l’article 2 du CCL: « Les CL sont des entités publiques qui jouissent de la
personnalité juridique et de l’autonomie administrative et financière… ».

Au vu de cette disposition, la définition de la CL repose donc sur deux


éléments : d’une part, les CL sont dotées de la personnalité juridique, d’autre
part, elles bénéficient d’un statut d’autonomie.

1) La personnalité juridique des C.L.

Elle distingue les CL les unes des autres comme elle les distingue de l’Etat. Elle
les distingue, également, de chacun de leurs habitants.

La personnalité juridique implique un certain nombre de pouvoirs: le


droit de constituer un patrimoine et d’acquérir des biens, de décider et de
s’engager, d’ester et de se rendre responsable en justice. La personnalité

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juridique de la CL suppose, également, des organes propres de représentation
pour parler et agir en son nom et pour son compte.

La reconnaissance de la personnalité juridique des CL concrétise


l’existence d’intérêts locaux distincts de ceux de l’Etat. Ces intérêts seront
gérés par les représentants des habitants de la collectivité concernée. La raison
d’être de la collectivité locale suppose ainsi des intérêts locaux propres et
distincts de ceux de l’Etat, et la remise du pouvoir de les gérer à ses
représentants élus.

Dans la gestion des intérêts locaux, les CL peuvent prendre toute


décision dans l’intérêt de leur population. C’est ce qu’on appelle la
« compétence générale » des CL.

2) L’autonomie des CL.

Elle signifie que les CL ne sont pas soumises à un quelconque pouvoir


hiérarchique comme le sont les autorités déconcentrées. Dès lors, on
comprend que l’autonomie des CL est synonyme du statut de décentralisation
dont elles bénéficient (René Chapus traite de la décentralisation dans une
section intitulée: «L’autonomie par rapport à l’Etat du pouvoir de décision des
autorités décentralisées », DAG, t. 1, p. 393). Ce statut de décentralisation des
CL est affirmé à deux reprises par l’article 131 de la Constitution: « Le pouvoir
local est fondé sur la décentralisation. …

La décentralisation est concrétisée par des CL… ».

L’autonomie des CL veut dire qu’elles bénéficient d’une liberté d’action.


Cette liberté d’action est exprimée de la façon suivante par l’article 132 de la
Constitution: « Les CL sont dotées de la personnalité juridique, et de
l’autonomie administrative et financière. Elles gèrent les intérêts locaux
conformément au principe de libre administration ».

La doctrine propose deux explications théoriques principales de


l’autonomie des CL. D’aucuns pensent que cette autonomie est naturelle, dans
la mesure où elle traduit les réalités sociologiques dont les CL sont le siège.
Autrement dit, elle exprime l’existence de communautés locales dont les CL
sont la concrétisation (position défendue, notamment, par une partie de la
doctrine allemande, Voir Luciano Vandelli, « La cellule de base de toutes les
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démocraties », Pouvoirs, n° 95, 2000, p. 5). D’autres considèrent que
l’autonomie des CL n’est pas naturelle, mais construite, en ce sens qu’elle est
une concession de l’Etat, qu’il accorde plus ou moins selon les exigences de
rationalité administrative qui prévalent à un moment donné (J.-B. Auby et al.,
Droit des collectivités locales, p. 66).

En réalité, l’autonomie locale résulte d’éléments qui relèvent des deux


types d’explication. En effet, la décentralisation permet la proximité du
pouvoir, ce qui facilite l’adaptation et, partant, l’acceptation, par les intéressés,
des décisions prises. D’ailleurs, et c’est l’envers du décor, c’est en cela que la
politique de décentralisation peut s’avérer un moyen, entre les mains de l’Etat,
pour accoutumer les citoyens à l’obéissance à l’autorité publique (Bertrand
Faure, Droit des collectivités territoriales, n°5, p. 5). Mais, en même temps, il
n’y a point de décentralisation sans un minimum de substrat sociologique.
Même les CL qui n’ont pas d’histoire peuvent devenir au bout d’un certain
temps des espaces de solidarité entre les habitants autour du règlement
affaires locales (Ibidem., loc.cit.).

Mais, l’autonomie n’est pas une notion uniforme, elle est susceptibles de
variations. Toujours, sur un plan théorique, on peut distinguer entre trois
niveaux d’autonomie d’une entité publique :

D’abord, la libre administration qui est le fait de disposer d’organes


indépendants et de ne pas être soumis à une tutelle dans le cadre de laquelle
les actes pris peuvent être privés d’effet ou modifiés par une autorité
supérieure.

Ensuite, l’autonomie de gestion qui est le fait de disposer de moyens


techniques et financiers propres suffisants.

Enfin, le pouvoir d’auto-organisation qui est la faculté qu’a une institution de


fixer son propre statut, c’est-à-dire de déterminer elle-même les règles
relatives aux compétences et à la condition personnelle de ses organes
(Ibidem., p. 77).

Disons le, dès maintenant, l’autonomie des CL locales en droit tunisien,


ne leur permet pas un pouvoir d’auto-organisation. Les CL sont des institutions
administratives. Leur organisation est déterminée par la Constitution et par les

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lois et décrets, c’est-à-dire par l’Etat, ce qui est conforme au caractère unitaire
de l’Etat tunisien, affirmé par l’article 14 de la Constitution selon lequel:
« L’Etat s’engage à renforcer la décentralisation…dans le cadre de l’unité de
l’Etat ». Cette décentralisation administrative se distingue de la
décentralisation politique pratiquée, par exemple, en Espagne, et qui reconnaît
aux parlements des communautés autonomes l’exercice du pouvoir législatif
dans certains domaines fixés par la Constitution (pouvoir législatif local).

Ce cours sera consacré à l’étude du droit de la décentralisation, ou au


droit des CL, ces deux expressions devant être regardées comme étant
interchangeables. Le plan du cours s’inspirera de celui adopté par le CCL: ainsi,
la première partie sera-t-elle consacrée aux dispositions communes applicables
à toutes les CL, tandis que la seconde partie va traiter des dispositions
spéciales, c’est-à-dire applicables à chaque catégorie de CL.

Première partie. Le droit commun des CL


(Les dispositions communes applicables à toutes les CL)
Le droit commun des CL se trouve marqué, aujourd’hui, par un principe
consacré, pour la première fois, en droit tunisien, par la Constitution du 27
janvier 2014, à savoir le principe de libre administration des CL (Chapitre 1).
Cette nouvelle liberté locale va imprégner et commander toutes les règles qui
s’appliquent aux CL, à commencer par celles relatives à la physionomie des
acteurs locaux (Chapitre 2), à la détermination de leurs compétences (Chapitre
3), de leur champ d’action (Chapitre 4), des moyens de cette action (Chapitre
5), et du contrôle auquel les CL peuvent être soumises (Chapitre 6).

Chapitre 1. Le principe de libre administration des CL


Pour tracer les contours du principe de libre administration, on va,
exposer, d’abord, le contenu de ce principe (Section 1), ensuite les garanties
qui l’entourent (Section 2), enfin ses limites (Section 3).

Section 1. Le contenu de la libre administration des CL

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Le principe de libre administration des CL est prévu dans la Constitution
et il est repris dans le CCL qui lui consacre une section entière, mais ni celui-ci,
ni celle-là ne prennent la peine de fixer les contours de ce principe.

La doctrine nous enseigne que la libre administration suppose la réunion


des éléments suivants: la gestion des intérêts locaux par des organes élus (§1),
l’exercice par les CL de compétences effectives (§2) et la disposition de moyens
financiers suffisants qui traduisent l’autonomie financière des collectivités (§3).

§1. L’élection des organes de représentation

Le principe de libre administration implique que la gestion des intérêts


locaux soit confiée à des assemblées élues. Cela résulte de la lettre de l’article
133 alinéa 1er de la Constitution qui dispose que: « Les CL sont dirigées par des
conseils élus ». Une double conséquence découle de cette disposition:

d’une part, les autorités locales ne peuvent pas être nommées par l’Etat,
d’autre part, seules des structures dirigées par des conseils élus peuvent être
des CL.

On peut observer que la Constitution ne désigne que les « conseils élus »,


sans mentionner leur exécutif. Cela s’explique par le fait que ce dernier est,
nécessairement, une autorité élue du fait de son appartenance au conseil qui
l’a désigné comme tel.

L’élection des conseils des CL au suffrage universel direct (du moins


pour ce qui concerne les communes et les régions) concrétise l’appropriation
du pouvoir local par les citoyens et donne une signification politique à la
décentralisation territoriale, puisque chaque commune, chaque région
correspond ainsi à une démocratie locale.

Le conseil de district est élu par les membres des conseils municipaux et
régionaux, conformément à la loi (art. 357 al. 1er du CCL). Ce qui donne au
district une spécificité par rapport aux autres CL, c’est une CL pas comme les
autres : ses membres n’étant pas élus au suffrage universel direct, le district est
dépourvu du substrat sociologique propre à toute entité décentralisée,
autrement dit, il est difficile de soutenir que le conseil de district représente
des intérêts locaux, au sens des intérêts de la population du district, faute
d’être élu directement par cette population. Le district n’est pas voué à
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concrétiser la solidarité sociale qui est à la base de la décentralisation
territoriale, c’est une CL à part.

Le caractère électif des conseils des CL a des conséquences sur


l’organisation de la collectivité et la répartition du pouvoir en son sein. En
premier lieu, il est clair que l’article 133 alinéa 1er de la Constitution impose la
démocratie représentative (des conseils élus), ce qui exclut a priori les procédés
alternatifs de décision populaire (démocratie directe) qui pourraient la contredire.
Pourtant, le CCL a institué un mécanisme de référendum local dont les
résultats peuvent être obligatoires si certaines conditions sont réunies.
L’institution de ce référendum est d’une constitutionnalité douteuse. En
second lieu, si l’article 133 alinéa 1er précité ne mentionne que les conseils élus
pour diriger les CL, cela ne veut pas dire que la loi ne peut pas remettre un
pouvoir de décision à une autre autorité de la collectivité, notamment son
exécutif. Il faut considérer que si l’exécutif n’est pas mentionné, il partage
cependant avec l’assemblée qui l’a élue le même caractère représentatif, et la
volonté de la collectivité s’exprime par la collaboration des deux. Néanmoins,
étant directement élue, la primauté revient à l’assemblée. Ainsi, la compétence
de principe pour administrer la collectivité appartient-elle à l’assemblée,
l’exécutif ne pouvant disposer de compétences propres que sur des matières
nettement déterminées (police, domaine…).

§2. Les compétences locales

Le principe de libre administration exige la reconnaissance de


compétences effectives au profit des CL. A l’évidence, celles-ci ne peuvent pas
gérer les affaires locales, si elles ne disposent pas d’un minimum de
compétences effectives.

L’article 134 al. 1er de la C prévoit que « Les CL disposent de compétences


propres, de compétences partagées avec l’autorité centrale et de compétences
déléguées par cette dernière ».

Le CCL substitut à l’expression « compétences déléguées », celle de


« compétences transférées » pour éviter la confusion avec la notion de
délégation de compétence consentie par certaines autorités administratives au
profit de leurs adjoints et subordonnés. Ainsi, l’art. 13 dudit Code prévoit-il que
« Les CL disposent, en vertu de la loi, d’attributions propres qu’elles exercent à
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titre exclusif et d’attributions transférées par l’autorité centrale. Les CL
disposent de compétences partagées avec l’autorité centrale… ».

Et c’est à propos de l’exercice des compétences que le CCL renvoie à des


lois de mise en œuvre. Son art. 13 in fine prévoit, dans ce sens, qu’ « une loi,
prise après avis du Haut conseil des CL, détermine les conditions et procédures
d’exécution des compétences partagées ». Dans le même ordre d’idées,
l’article 16 al. 1er du Code précité prévoit que « Tout transfert de compétence
ou son extension au profit des CL est déterminé par la loi ». Des lois de mise en
application d’une autre loi, le CCL en l’occurrence, n’est pas une pratique
courante en droit tunisien. Mais, elle peut s’expliquer par l’importance
qu’accorde le législateur à la question des compétences des CL et, par
conséquent, à leur libre administration.

Plus loin, le CCL reprend la description des compétences de chaque CL,


en dressant, pour les communes et les régions, des listes relatives aux
différents types de compétences qui leur sont reconnues. Pour ce qui concerne
la commune, par exemple, l’article 235 prévoit que « Les compétences propres
des communes consistent notamment en la prestation de services et
d’équipements de proximité ». L’emploi du terme « notamment » dénote de la
difficulté de l’entreprise de détermination des compétences propres avec
précision. Le même terme est utilisé pour énumérer les compétences
partagées et transférées des communes, et aussi des régions.

La même difficulté dans la répartition des compétences peut résulter de


l’introduction, pour la première fois en droit tunisien, du principe de
subsidiarité, qui est emprunté au fédéralisme où il sert à la répartition des
compétences entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés. C’est sur la base de ce
principe que doivent être réparties les compétences transférées et partagées.
Néanmoins, la définition de ce principe qui nous est fournie par l’art. 15 in fine
du CCL ne brille pas par sa carté : « Il revient à chaque catégorie de CL les
attributions qu’elle est à même d’exercer au mieux compte tenu de sa
proximité des habitants et de sa capacité à mieux servir les intérêts locaux ».

§3. L’autonomie financière

L’autonomie financière des CL est la résultante logique du principe de


libre administration. En effet, ce dernier a des implications financières.
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Le principe de libre administration des CL a pour corollaire la libre
gestion, par les CL, de leurs ressources. C’est ce qu’affirme l’article 137 de la
Constitution en ces termes: « Les CL gèrent librement leurs ressources dans le
cadre du budget adopté… ». Dans le prolongement de cette disposition, l’article
126 al. 2 du CCL prévoit : « Les CL disposent librement de leurs ressources… ».

Le principe de libre disposition des ressources signifie que les CL


« disposent d’un pouvoir discrétionnaire quant à l’usage de leurs ressources  »
(Bertrand Faure, Droit des collectivités territoriales, 2 ème éd., n° 721, p. 557). On
peut en déduire, par exemple, que ce principe devrait interdire les subventions
affectées, accordées par l’Etat sous condition d’utilisation particulière.

Mais, le législateur, juste après la proclamation du principe de libre


disposition des ressources, ajoute que les CL « observent strictement le
principe de légalité financière ». Cette précision est de nature à réduire la
liberté reconnue aux CL dans la gestion de leurs ressources. Elle s’exerce dans
les conditions fixées par la loi.

Pour donner au principe de libre disposition des ressources un plein


effet, les CL doivent disposer de ressources propres. On sait que les ressources
des CL sont constituées par les ressources fiscales des CL et les dotations de
l’Etat, or ces deux types de ressources n’entretiennent pas les mêmes rapports
à l’autonomie locale: les premières laissent plus de liberté aux collectivités.
Pour préserver l’autonomie financière des CL, le législateur prévoit, dans
l’article 131 al. 1er du CCL que « L’Etat s’engage, à travers les lois de finances,
les lois fiscales et les lois relatives aux biens, à ce que progressivement, les
ressources propres représentent la part déterminante des ressources de
chaque collectivité… ». En effet, sans un niveau « déterminant » de ressources
propres, le principe de libre administration des CL sera mis en échec.

Section 2. Les garanties de la libre administration des CL


Elles sont de deux sortes : des garanties liées aux bases juridiques qui
fondent la libre administration (§1), et des garanties juridictionnelles (§2).

§1. Les garanties liées aux bases juridiques de la libre administration

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A. La première garantie de la libre administration est liée au niveau
auquel cette liberté est consacrée. La libre administration des CL est un
principe à valeur constitutionnelle. Bien sûr, il ne suffit pas qu’un principe soit
inscrit dans la Constitution pour que son respect soit garanti. Encore faut-il qu’il
existe un organe chargé de veiller à son respect . Dans la Constitution du 27
janvier 2014, cet organe est la Cour constitutionnelle qui sanctionnera les lois
qui violeraient ledit principe (la libre ad).

En l’absence de jurisprudence constitutionnelle, il est difficile de prédire


les positions du juge constitutionnel concernant la portée du principe de libre
administration des CL. Mais, la richesse des dispositions constitutionnelles
consacrées au pouvoir local va inciter, à notre avis, La Cour constitutionnelle à
interpréter le principe de libre administration dans un sens favorable aux CL. A
cet égard, le principe de libre administration servira à protéger les garanties
dont les CL doivent profiter et à empêcher les tentatives de recentralisation
par la loi en condamnant toute forme abusive de retour au dirigisme
étatique, ce qui donnera une consistance concrète à l’idée d’un pouvoir local
en droit constitutionnel.

Néanmoins, le principe de libre administration des CL n’est pas un


principe absolu, il doit composer avec d’autres principes qui ont aussi valeur
constitutionnelle, mais qui entrent en conflit avec lui, tels que le principe
d’égalité entre les citoyens, l’unité de l’Etat, le contrôle de l’Etat, par exemple.
Il revient au juge constitutionnel de concilier entre le principe de libre
administration et les autres exigences constitutionnelles.

B. La deuxième garantie de la libre administration tient à la compétence


du législateur en matière de pouvoir local. C’est ce que prévoit l’article 65 al. 2
de la C en ces termes : « Sont pris sous forme de loi organique, les textes
relatifs aux matières suivantes :…le pouvoir local… ». La compétence législative
est affirmée par les autres articles du chapitre 7 de la C sur le « Pouvoir local »
et qui renvoient à la loi. La libre administration constitue, ainsi, une « réserve
de loi », mieux encore une «  réserve de loi organique ». Cela dit, les libertés
locales rejoignent le statut des autres libertés qui relèvent, elles aussi, du
domaine de la loi organique.

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Confier la réglementation de la libre administration au législateur revient
à lui réserver le monopole des limitations à ce principe, à l’exclusion donc de
l’exécutif. C’est là où réside l’effet protecteur que l’on attend de l’intervention
de la loi.

Par conséquent, le gouvernement ne peut pas agir directement en


matière de libre administration par voie de décrets autonomes (art. 65 alinéa
dernier). Il n’est compétent que pour prendre les mesures d’exécution des lois,
et dans la mesure où le législateur a décidé de ne pas descendre lui-même dans
les détails. Le pouvoir réglementaire national garde donc en la matière son
caractère traditionnel de pouvoir strictement subordonné à la loi.

Si seule la loi peut mettre une obligation à la charge des CL, à l’exclusion
du gouvernement, les rapports verticaux entre l’administration centrale et
décentralisée s’en trouvent affectés. Les CL s’affranchissent partiellement des
relations de dépendance à l’égard du gouvernement. La doctrine évoque, à cet
égard, l’émergence d’une « directive de séparation des administrations
centrales et décentralisées » (Bertrand Faure, Droit des collectivités
territoriales, 2ème éd., n°25, p. 28). Mais, cette directive n’a qu’une valeur
relative, dans la mesure où le gouvernement peut, toujours, intervenir pour
aménager les contraintes légales.

§2. Les garanties juridictionnelles

A. Les CL ont accès, principalement, au juge administratif, qui est


compétent pour annuler tous les actes administratifs, y compris les décrets
réglementaires, et indemniser les victimes des actes dommageables imputables
à l’administration.

Toutefois, deux limites surgissent lors de l’exercice par le juge


administratif de son contrôle de légalité. D’une part, dans l’édiction des décrets
réglementaires d’application des lois, le gouvernement dispose d’un pouvoir
discrétionnaire, c’est-à-dire d’une marge de liberté qui lui permet de faire des
choix entre plusieurs textes d’application. Et le juge administratif, en cas de
pouvoir discrétionnaire, exerce un contrôle minimum qui se limite à censurer
l’erreur manifeste d’appréciation. D’autre part, la consécration, par le juge

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administratif, de la théorie de la loi-écran lui interdit de censurer les décrets
contraires à la Constitution, tant qu’ils sont conformes à la loi qu’ils mettent en
œuvre.

B. Les collectivités locales n’ont pas un accès direct au juge


constitutionnel. Néanmoins, deux voies de droit distinctes sont envisageables
pour permettre aux CL de défendre leurs intérêts devant le juge
constitutionnel.

En premier lieu, rien n’interdit aux autorités politiques habilitées à saisir


la Cour constitutionnelle (ou actuellement l’IPCCPL) de soumettre au juge
constitutionnel un projet de loi qu’elles estiment contraire au principe de libre
administration des CL. Le CCL fait l’objet d’un recours devant l’IPCCPL. Mais, le
recours à été rejeté pour irrecevabilité (il a été introduit par un avocat).

D’ailleurs, les élus locaux siégeant au sein du Haut conseil des


collectivités locales peuvent attirer l’attention sur les éventuelles
inconstitutionnalités qui entacheraient les projets de loi en matière de pouvoir
local, dans la mesure où le Haut conseil émet son avis sur certains projets de loi
relatifs aux CL. De plus, le président du Haut conseil peut être invité aux
travaux de l’ARP et auditionné sur certains projets de lois. Le bureau du Haut
conseil peut être, également, invité aux réunions d’une commission
parlementaire « pour audition de ses membres ou pour prendre connaissance
des préoccupations et doléances des CL » (art. 56 du CCL).

En second lieu, les CL auront la possibilité, dans un litige auquel elles sont
parties, de soulever une exception d’inconstitutionnalité qui se rapporte à une
disposition applicable au litige. Le tribunal saisi de l’affaire au fond doit surseoir
à statuer et renvoyer l’exception à la Cour constitutionnelle.

Section 3. Les limites de la libre administration des CL


Dans un Etat unitaire, comme la Tunisie, le principe de libre
administration des collectivités locales ne peut pas être absolu. Il trouve ses
limites dans l’unité de l’Etat. Le principe de libre administration, principe de
valeur constitutionnelle, doit composer avec un autre principe, lui-même de
valeur constitutionnelle, qui est le principe de l’unité de l’Etat. Le chapitre
12
premier de la Constitution intitulé « Des principes généraux », comporte un
article 14 qui prévoit que « L’Etat s’engage à renforcer la décentralisation …
dans le cadre de l’unité de l’Etat ». Cet article ne doit pas être regardé comme
une simple déclaration politique. Dans la même veine, l’article 4 du CCL prévoit
que « Chaque CL gère les intérêts locaux en application du principe de libre
administration…sous réserve du respect des exigences de l’unité de l’Etat ».

Il faut voir dans le principe de l’unité de l’Etat un principe de droit positif


qui doit produire des effets de droit pour encadrer la libre administration des
CL. Car, sans limites, la libre administration portera atteinte aux intérêts
supérieurs qu’incarne l’Etat.

L’unité de l’Etat se manifeste, d’abord, sur un plan normatif. L’Etat


unitaire doit avoir le monopole de la compétence législative (§1). Ensuite, la loi
doit, en principe, être la même pour tous, elle doit être uniforme surhf tout le
territoire national (§2). Enfin, pour préserver l’intérêt général, l’Etat doit avoir
un droit de regard sur l’action locale, en exerçant un contrôle sur celle-ci (§3).

§1. Le monopole étatique de la compétence législative

Bibl. Michel Verpeaux, « Aspects du droit constitutionnel de la


décentralisation », AIJC 2006, p. 300 et ss.

Le principe de libre administration, proclamé par la Constitution, est


reconnu à des CL qui concrétisent une décentralisation de type administratif.
Par conséquent, celles-ci ne pourront, en aucune façon, s’arroger l’exercice
d’un quelconque pouvoir législatif. Celui-ci est réservé, par la Constitution, à
l’ARP. En effet, contrairement aux Etats fédérés qui disposent d’une
compétence législative propre, les CL sont exclusivement des institutions
administratives. Elles n’ont ni Constitution, ni Parlement, ni tribunaux qui leur
sont propres. Elles n’ont qu’une administration soumise à la loi nationale. Selon
l’article 65 al. 2 de la Constitution, toute matière concernant le Pouvoir local
relève de la compétence de la loi. Autrement dit, et dans le respect des
prescriptions constitutionnelles, c’est la loi qui donne à la libre administration
son véritable sens et sa portée.

Il est vrai que les CL disposent d’un pouvoir réglementaire, c’est-à-dire de


l’aptitude à prendre des règles générales, mais l’on verra que celles-ci

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demeurent subordonnées à la loi. Elles sont prises pour l’exécution des lois et
leurs décrets d’application.

L’implication du Haut conseil des CL dans le processus d’édiction de


certaines lois ne constitue pas une brèche dans le monopole de l’exercice du
pouvoir législatif par la Parlement. En effet, si ledit Haut conseil « émet son avis
sur les projets de loi relatifs à la planification, au budget et aux finances
locales » (art. 141 al. 2 de la Constitution, art. 53 du CCL), et si sa consultation
est obligatoire, son avis ne revêt aucune valeur contraignante pour l’ARP, qui
reste libre de ne pas suivre cet avis. Mais, étant obligatoire, la consultation du
Haut conseil des CL représente une formalité substantielle. Il en découle que si
l’ARP ne sollicite pas son avis, la loi sera entachée d’inconstitutionnalité.

Une observation sera émise et des questions posées, en ce qui concerne


la consultation obligatoire du Haut conseil des CL. D’une part, on doit observer
que le CCL élargit le champ de la consultation obligatoire du Haut conseil des
CL. La Constitution énumère, à titre limitatif, les projets de loi au sujet desquels
ce dernier donnera son avis: les projets de loi relatifs à la planification, au
budget et aux finances locales, à l’exclusion donc des autres projets de loi qui
pourront intéresser les CL. Au contraire, dans le CCL, ces projets de loi sont
cités à titre indicatif, le Haut conseil pouvant désormais être consulté sur tout
autre projet de loi concernant les CL. L’art. 53 al. 1 er du CCL prévoit, en effet,
que « Le Haut conseil des CL est obligatoirement consulté sur les projets de lois
concernant les CL, et notamment les lois portant sur la planification, le budget
et les finances locales ». Les questions qui se posent ne sont pas sans lien avec
l’observation précédente. La première question qui se pose est de savoir si
l’absence de consultation du Haut conseil des CL sur un projet de loi qui ne
porte pas sur l’une des trois matières prévues par la Constitution, sera
regardée comme étant inconstitutionnelle ou non. Deuxièmement, est-ce que
le champ de la consultation obligatoire se limite aux projets de loi stricto sensu
ou s’étend-il aux propositions de lois dont l’initiative appartient aux députés?
Enfin, dernière question, est-ce que les dispositions introduites par voie
d’amendement dans un projet de loi dont le Haut conseil avait été saisi,
devraient lui être soumises pour avis? (réponse négative en droit français, B.
Faure, Droit des collectivités territoriales, 2ème éd., n° 56, p. 58).

§2. L’uniformité de la loi


14
L’article 12 de la Constitution prévoit que « L’Etat agit en vue d’assurer la
justice sociale, le développement durable et l’équilibre entre les régions, en
tenant compte des indicateurs de développement et du principe de
discrimination positive… ».

Sur la base de cette disposition constitutionnelle, le législateur peut


autoriser des discriminations territoriales, si elles concourent à l’égalité ou à
l’intérêt général. Selon le CC français, est constitutionnelle la loi qui accorde
aux autorités décentralisées le pouvoir de soumettre à autorisation préalable la
vente ou la location d’une propriété immobilière, dans la mesure où la
protection d’intérêts généraux tels que la sauvegarde des sites et des milieux
naturels ne peut être assurée qu’à partir d’appréciations concrètes (CC 17
juillet 1985, n°85-189 DC, Principes d’aménagement, RDP 1986 ? P. 395, note
Louis Favoreu et p. 1256, étude François Luchaire ; AIJC 1985, p. 406, note
Bruno Genevois ; Rev. adm. 1985, p. 462, note R. Etien).

Toutefois, certaines matières ne peuvent pas s’accommoder avec la


diversité des situations locales. Dans ces matières, la règle de droit doit être
uniforme, c’est-à-dire la même sur tout le territoire national sans distinguer les
collectivités ni les individus. Notamment, en matière de libertés, le principe est
que tout individu a le droit d’obtenir de la loi les mêmes garanties sans aucune
discrimination tenant à sa situation géographique. Cette règle de l’uniformité
s’impose au législateur qui ne pourra pas établir des catégories de titulaires de
droits fondamentaux, mais également aux autorités décentralisées qui ne
pourront établir des distinctions là où la loi ne peut en établir. En effet, il ne
faudrait pas que cette égalité devant la règle de droit puisse être écartée par
des inégalités dans son application, au niveau local. Au nom du principe
« d’unicité des conditions d’exercice des libertés publiques », le CC français
impose que chaque citoyen profite également des possibilités qu’offre chaque
liberté. Par conséquent, toute discrimination territoriale est interdite en la
matière (CC 18 janvier 1985, n° 84-185 DC, Loi Chevênement et 13 janvier
1994, n° 93-329, Révision Loi Falloux, Recueil, p. 9 : la liberté de l’enseignement
doit être exercée de manière égalitaire qui ne saurait dépendre des décisions
des autorités locales pour ce qui est du financement des écoles privées).

15
Cela veut dire que la libre administration ne permet pas aux collectivités
locales de faire exception aux valeurs supérieures exprimées par les libertés et
droits fondamentaux dont l’exercice doit être uniforme sur tout le territoire.

§3. Le contrôle de l’Etat sur l’action locale

Dans un Etat unitaire, la libre administration doit être contrebalancée par


un contrôle, exercé par l’Etat, sur l’action des CL. Ce contrôle permet de
sauvegarder l’unité de l’Etat. En exerçant son contrôle sur l’activité des CL,
l’Etat s’assure la préservation de l’IG face aux intérêts locaux de chaque
collectivité. C’est là le fondement théorique du contrôle en droit des
collectivités locales.

Ce pouvoir de contrôle exercé par l’Etat est prévu par l’article 138 de la
Constitution: « Les CL sont soumises au contrôle a posteriori, en ce qui
concerne la légalité de leurs actes ». Ayant ainsi un fondement constitutionnel,
le contrôle sur les CL acquiert une valeur impérative. Il en découle que le
législateur ne peut pas décider sa suppression.

On doit, observer, d’abord, l’abandon de l’emploi du terme de « tutelle »


pour désigner les contrôles auxquels l’Etat soumet les CL. Pour marquer la
rupture avec l’ancien état du droit de la décentralisation, le constituant lui
substitue le terme de « contrôle », le mot « tutelle » peut sembler dégradant
pour des collectivités qu’on veut ériger en « pouvoir local ». Mais, le contrôle
est un terme assez vague qui se caractérise par sa généralité. Il ne renvoie pas à
un contenu précis. Il semble, toutefois, signifier un allègement de la
dépendance des CL à l’Etat. Il va dans le sens de l’idée qui anime tout le
chapitre 7 de la Constitution, c’est-à-dire de la reconnaissance de plus de
liberté au profit de celles-ci.

Cette première lecture se confirme par l’examen des caractéristiques du


contrôle prévu à l’article 138 de la Constitution. C’est un contrôle a posteriori,
qui se distingue donc du pouvoir de tutelle classique qui peut comporter un
pouvoir d’autorisation. Celui-ci s’exerce a priori, en amont de la décision de la
CL, en ce sens que la collectivité ne peut décider que si elle a, au préalable,
obtenu l’autorisation nécessaire. Le nouveau pouvoir de contrôle exclut le
pouvoir d’autorisation. C’est ainsi, par exemple, que l’article 164 du CCL prévoit

16
que « Les ordonnances de paiement ne sont pas soumises au visa des services
de contrôle des dépenses publiques ou à toute autre autorisation ».

L’article 138 précité ajoute que le contrôle concerne la légalité des actes
des CL. Ce qui exclut le contrôle de leur opportunité. Ce dernier permet à l’Etat
de faire prévaloir ses vues propres sur celles de la CL (R. Chapus, DAG, t. 1,
n°571-1°, p. 402). Par contre, le contrôle de la légalité ne fait prévaloir que la
règle de droit dont le respect s’impose à la CL. Bien évidemment,
contrairement au contrôle de l’opportunité, le contrôle de légalité est
conforme à la libre administration des CL.

L’article 138 C évoque le contrôle sur les actes des CL, à l’exclusion du
contrôle sur les personnes, c’est-à-dire sur les autorités locales. Or, l’étude de
ce dernier type de contrôle va nous révéler que la tutelle n’a pas entièrement
disparu et que la frontière entre décentralisation et déconcentration est parfois
très ténue.

Chapitre 2. Les acteurs locaux

Il s’agit, principalement, des CL (Section 1). Par ailleurs, la C et le CCL ont


prévu des structures pour accompagner les CL dans le processus de
décentralisation (Section 2). Mais, la principale originalité, sur ce plan, réside
dans la réhabilitation du citoyen local faisant de lui un véritable acteur de la
scène locale (Section 3).

Section 1. Les CL

La création des CL nous retiendra, dans un premier temps (§1), pour


étudier les éléments qui constituent l’identité des CL, dans un second temps
(§2).

§1. La création des CL

La constitution a créé trois niveaux de CL (« le millefeuille » territorial) :


les communes, les régions et les districts. La Constitution de 1959 consacrait
deux niveaux uniquement: les communes et les conseils régionaux. Cela veut

17
dire que les communes, les régions et les districts ont un statut constitutionnel
qui leur procure une protection contre les ingérences du législateur. Les CL à
statut constitutionnel ne peuvent, surtout, pas être supprimées par une loi.

La coexistence de trois niveaux de CL peut être source de complexité, au


niveau, notamment, de la répartition des compétences entre l’une et l’autre.
Les communes et les régions sont, souvent, compétentes, sinon sur le même
type d’affaires, du moins dans des matières très voisines. Au niveau de la
gestion des dépenses publiques, la coexistence des CL est, également, un
facteur de surcoût, dans la mesure où la création de chaque CL engendre des
coûts supplémentaires. A cet égard, certains observateurs considèrent que les
districts ne seront pas, vraiment, d’une utilité réelle et on aurait pu, donc, s’en
dispenser (s’en passer) sans inconvénient. D’autres pensent même que
l’existence des régions peut présenter des dangers réels pour la cohésion et
l’unité de l’Etat.

Si la Constitution a créé les communes, les régions et les districts en tant


que catégories, il revient au législateur de créer les CL à l’intérieur de chaque
catégorie. Le CCL comporte, d’ailleurs, deux annexes, une annexe A qui
correspond à la liste des communes et une annexe B qui correspond à la liste
des régions. Le CCL prévoit, expressément, qu’il approuve les listes des
communes et des régions qui ont été créées avant la date de son entrée en
vigueur et figurant, respectivement, aux annexes A et B précitées (art. 201 et
294 du CCL).

A côté de ces CL à statut constitutionnel, c’est-à-dire créées par la


Constitution, celle-ci prévoit dans son article 131 alinéa dernier que: «Des
catégories particulières de CL peuvent être créées par loi ». L’idée de CL non
prévue par la C et qui sera créée par la loi n’est pas nouvelle, elle se trouve déjà
dans la C de 1959 dont l’art. 71 prévoyait que « Les conseils municipaux, les
conseils régionaux et les structures auxquelles la loi confère la qualité de
collectivité locale gèrent les affaires locales… ». Mais, aucune autre CL n’a été
créée par la loi, ce qui pose la question de l’utilité de prévoir cette catégorie
particulière de CL de nouveau dans la C de 2014.

La formule relative à une catégorie de CL créées par la loi s’inspire du


droit français. L’art. 72 alinéa 1er de la C française de 1958 mentionne, d’abord,

18
les collectivités existantes à al date de la Constitution. Il ajoute, ensuite, que
« toute autre collectivité territoriale…est créée par la loi ». Le CC fr a jugé que
cette disposition « n’exclut nullement la création de catégories de collectivités
territoriales qui ne comprendraient qu’une unité » (CC 25 février 1982, p. 41,
RDP 1982, p. 1291 et commentaire L. Favoreu). Ce qui veut dire que la loi peut
instituer aussi bien une collectivité unique en son genre qu’un ensemble de
collectivités de même statut qui constituent une catégorie.

Les CL créées par la loi (organique) peuvent, évidemment, être


supprimées par la loi. Leur existence n’est pas protégée par la Constitution.
Mais, tant qu’elles n’ont pas été supprimées, les règles prévues par la
Constitution leur sont applicables. Un même régime juridique s’applique aux
collectivités locales mentionnées par la C et à celles créées par la loi. Il en est
ainsi, par exemple, du principe de libre administration ou de libre disposition
des ressources ou de l’élection de leurs organes délibérants.

§2. L’identité des CL

Bibl. Michel Verpeaux, « Aspects du droit constitutionnel de la


décentralisation », AIJC 2006, p. 300 et ss.(Territoire, population…).

Chaque CL est un individu au sein de la catégorie à laquelle elle


appartient. Sa singularité est due au fait qu’elle a été créée individuellement et
qu’elle dispose d’un territoire (A), d’une population (B) et d’un nom (C).

A. Le territoire

1. Le territoire est l’élément essentiel de l’identification des CL.


Essentiellement, ce qui définit une CL, c’est le fait qu’elle gère les affaires
propres à une circonscription administrative.

La compétence pour délimiter les territoires des CL revient à la loi


(organique). L’art. 131 al. 2 phrase 2 de la C prévoit que chaque catégorie de CL
« couvre l’ensemble du territoire de la République conformément à un
découpage déterminé par la loi ». La compétence du législateur pour délimiter
le territoire d’une CL est confirmée par le CCL: « La loi crée les CL et fixe leurs
limites ». Le législateur est compétent, également, pour approuver les
modifications des limites territoriales des CL, décidées par leurs conseils à la
majorité des deux tiers (art. 3 al. 3 du CCL). Les litiges qui peuvent survenir en
19
ce qui concerne le tracé exact de la frontière entre deux CL relèvent de la
compétence du juge administratif (art. 3 al. dernier du CCL).

Notons que le territoire communal peut être subdivisé en deux ou


plusieurs circonscriptions administratives dénommées arrondissements
municipaux. Les limites territoriales de ces arrondissements sont fixées par
arrêté du conseil municipal, pris à la majorité des deux tiers de ses membres
(art. 226 du CCL). L’arrondissement n’est pas doté de la personnalité morale et
son président est désigné par le maire parmi les membres du conseil municipal
(art. 227 al. 1er du CCL).

Le découpage territorial pose la question de l’éparpillement communal.


En effet, dans la mesure où la C impose la création de communes sur tout le
territoire national, le nombre des petites communes a augmenté suite aux
nouvelles créations qui ont précédé l’organisation des élections municipales de
mai 2018. Plusieurs de ces communes manquent de moyens financiers et
humains et se trouvent, donc, incapables de gérer les affaires locales dont elles
sont responsables. Ce qui est de nature à affecter leur autonomie et à vider le
principe de libre administration de sa substance.

A moins de revoir la carte communale, les inconvénients de


l’éparpillement communal peuvent être atténués par deux moyens: la
coopération entre communes (art. 281 et ss.), mais l’expérience antérieure a
montré les limites de cette solution à cause de la réticence des communes
envers ce mode de coopération, ou bien leur regroupement par voie de fusion.
On peut faire observer que la procédure de la fusion est assez lourde. Celle-ci
est décidée par le conseil municipal à la majorité des deux tiers de ses
membres, et elle doit être approuvée par une loi. La fusion entraîne le transfert
de l’ensemble des obligations et des droits au profit de la nouvelle collectivité
née de la fusion (art. 3 du CCL).

2. Le territoire joue un rôle important dans la détermination des


compétences des autorités de la CL.

Les compétences des autorités locales sont circonscrites par le territoire


de la collectivité concernée. Par exemple, le champ d’application spatial des
règlements de police municipale relatifs à la circulation et au stationnement est
limité au territoire communal, cela dit ils ne s’adressent pas aux habitants de la
20
commune uniquement, mais à tous ceux qui viennent circuler et stationner sur
son territoire. Par contre, si ces règlements sont applicables dans la commune
voisine, il y aura non incompétence matérielle, mais incompétence territoriale.

Néanmoins, les autorités locales peuvent être compétentes en dehors du


territoire de leur collectivité, dès lors que l’acte pris satisfait un intérêt local.
C’est ainsi que le CE fr a admis la possibilité pour une commune d’acquérir des
terrains situés sur le territoire d’une autre commune, afin de réaliser des
équipements nécessaires pour répondre aux besoins de sa population (CE 28
juin 1950, Commune de Choignes et sté immobilière de la Crois, p. 392,
s’agissant d’un cimetière ; CE 6 mars 1981, Association de défense des
habitants du quartier de Chèvre-morte et autres, p. 125, RDP 1981, p. 1695,
note J.-M. Auby, s’agissant d’une voie communale). Il a admis, aussi, qu’une
collectivité se porte candidate à l’attribution d’un marché public qui sera
exécuté sur le territoire d’autres collectivités (CE 10 juillet 2009, Département
de l’Aisne, req. N° 324156).

3. Le territoire d’une CL comporte un chef-lieu où se trouve le siège


principal des autorités et services de la collectivité. L’art. 214 al. 1 er du CCL
prévoit que « Le conseil municipal se réunit au siège de la commune. Toutefois,
le conseil peut, pour des raisons objectives tenir ses séances en tout lieu
accessible du territoire de la commune, qui garantit la sécurité, le caractère
public des séances et la neutralité ». De la même façon, l’art. 357 al. 4 du CCL
prévoit que « Le conseil de district se réunit au siège du district. Toutefois, il
peut décider de se réunir en tout autre lieu à l’intérieur ou,
exceptionnellement, à l’extérieur de son périmètre territorial ».

Le changement du siège de la commune résulte d’une délibération du


conseil municipal, à la majorité des deux tiers de ses membres. Le gouverneur
est, immédiatement, informé de la décision de changement du siège. Celle-ci
est portée à la connaissance du public par tous les moyens. Elle n’entre en
vigueur qu’après l’expiration de deux mois à compter de sa publication au JOCL
(art. 202 du CCL). Par contre, le changement du siège de la région se fait par
une loi, suite à une délibération du conseil régional à la majorité des deux tiers
de ses membres (art. 294 al. dernier du CCL).

B. La population

21
Toute CL a une population. L’importance et la composition de la
population ont certaines conséquences d’ordre juridique pour la CL. On
mentionnera quelques unes :

1) D’après l’art. 150 al. 1er du CCL, les crédits du « fonds d’appui à la
décentralisation, la péréquation et la solidarité entre les CL » sont répartis
selon des critères objectifs parmi lesquels « le nombre d’habitants ».

2) Le nombre des membres des conseils municipaux et régionaux est fixé


en fonction du nombre des habitants des communes et des régions (art. 117 bis
de la loi organique du 26 mai 2014 relative aux élections et référendums).

3) L’indemnité due aux maires est fixée sur la base de deux critères
alternatifs. L’un de ces deux critères se rapporte au nombre des habitants de la
commune à la date de l’organisation des élections municipales, selon les
derniers recensements officiels.

C. Le nom

C’est la loi créant la CL qui lui donne son nom. Les CL peuvent changer de
nom. Le changement de nom se fait selon la même procédure suivie pour le
changement de siège, c’est-à-dire par une délibération du conseil municipal
pour le changement des noms de communes, et par une loi, suite à une
délibération du conseil régional, pour le changement des noms des régions.

En dt fr, le changement de nom d’une commune ou d’un département


est subordonné à l’initiative de la collectivité, mais la décision relève de l’Etat.
Le juge administratif a considéré que la modification du nom d’une collectivité
par la seule initiative de son assemblée est un acte inexistant (CAA Lyon 19
juillet 2007, Commune Chatelguyon, AJDA 2008, p. 92, concl. Besle).

Section 2. Les structures d’accompagnement des CL

On va s’intéresser à deux structures : le Haut conseil des CL (§1) et la


Haute instance des finances locales (§2).

§1. Le Haut conseil des CL

C’est une institution créée par la Constitution qui prévoit, dans son
article 141 al. 1er, que « le Haut conseil des CL est un organisme représentatif

22
des conseils des CL ». Il y est prévu, également, que « Son siège se situe en
dehors de la capitale ». Si la capitale est, normalement, le siège de tous les
pouvoirs publics, dans un Etat unitaire, par cette dernière disposition, le
constituant veut affirmer son engagement ferme dans le processus de
décentralisation. Une proposition de loi organique n°2019-23 a été déposée
par un certain nombre de députés et qui comporte un article unique qui
prévoit que c’est le gouvernorat de Sidi Bouzid qui accueillera le siège du Haut
conseil des CL. Dans l’exposé des motifs accompagnant cette proposition, il est
signalé que les travaux préparatoires de l’ANC relatifs au projet du chapitre 7
de la C, indiquent la priorité du gouvernorat de Sidi Bouzid pour être le siège du
Haut conseil des CL. La proposition de loi organique, sus-indiquée, a été
retirée1.

Le Haut conseil des CL n’est pas mis en place. Celle-ci suivra


l’organisation des élections régionales. Dans les dispositions transitoires, le CCL
prévoit, dans son article 395 al. 1 er, que le Haut conseil exerce ses fonctions
dans une année à compter de la date de proclamation des résultats définitifs
des élections régionales. Une fois ceux-ci proclamés, le Haut conseil sera mis en
place sans les représentants des districts (art. 389 du CCL).

Le Haut conseil des CL est composé, principalement, d’élus locaux : les


présidents des districts, les présidents des régions et certains présidents de
communes: un président de conseil municipal sur chaque région élu par ses
pairs de la même région, les présidents des conseils municipaux des quatre
communes les plus peuplées, à condition d’appartenir à des régions différentes
et les présidents des conseils municipaux des quatre communes affichant le
plus faible indice, à condition aussi d’appartenir à des régions différentes.
S’ajoutent à ces derniers le président de l’Association des villes tunisiennes la
plus représentative (mais comment déterminer qu’elle est la plus
représentative?) et un représentant non élu de la Haute instance des finances
locales. Mais, ces deux derniers membres assistent aux réunions du Haut
conseil sans droit de vote. Par ailleurs, le président du Haut conseil peut inviter
toute personne dont il juge la présence utile, mais sans participation au vote
(art. 48 du CCL). On peut observer que les présidents des conseils municipaux
1
La proposition de loi organique et l’exposé des motifs sont consultables sur le lien suivant :
http://www.arp.tn/site/servlet/Fichier?code_obj=106071&code_exp=1&langue=1

23
sont majoritaires dans le Haut conseil. Ce qui traduit la place prépondérante de
la commune parmi les différentes collectivités décentralisées.

Le Haut conseil des CL est dirigé par un bureau composé d’un président
et de deux vice-présidents, élus pour un mandat de cinq ans non renouvelable.
A l’instar du président de la commune (art. 255) ou de la région (art. 330), le
président du Haut conseil des CL peut être démis de ses fonctions suite au vote,
par les membres du Haut conseil, d’une motion de censure à la majorité des
trois cinquièmes (art. 49 alinéa dernier).

Le Haut conseil des CL se réunit, régulièrement, à la majorité de ses


membres. Si le quorum n’est pas atteint, le conseil tient sa réunion après trois
heures quel que soit le nombre des membres présents. Cette disposition peut
nuire à la crédibilité du Haut conseil dans la mesure où ses délibérations
peuvent, ainsi, émaner d’un nombre restreint de membres. Imaginons, par
exemple, l’approbation du rapport annuel du Haut conseil, qui est présenté au
PR, au président de l’ARP et au chef du gouvernement, par cinq ou six de ses
membres!

Le Haut conseil se réunit à la demande de son président ou du tiers de


ses membres. Permettre au tiers des membres de convoquer une réunion
participe de la démocratisation du fonctionnement de l’institution, mais il peut
inciter aux chicanes et aux divisions au sein du Haut conseil puisqu’on peut voir
se succéder des réunions tenues sur convocation du président et d’autres sur
convocation du tiers des membres. De toute façon, si le quorum n’est pas
atteint, la réunion est régulière après trois heures quel que soit le nombre des
membres présents.

Le Haut conseil des CL a un rôle consultatif. L’article 53 al. 1 er du CCL


prévoit qu’ « il est obligatoirement consulté sur les projets de lois concernant
les CL et notamment les lois portant sur la planification, le budget et les
finances locales ». Nous avons dit que cette disposition élargit la compétence
du Haut conseil par rapport à ce que prévoit la Constitution dans son article
141 al. 2: « Le Haut conseil des CL…émet son avis sur les projets de loi relatifs à
la planification, au budget et aux finances locales ».

Mais, le Haut conseil dispose d’un autre moyen lui permettant d’influer
sur le législateur. En effet, son président peut être invité à assister aux travaux
24
de l’ARP lors de l’examen des projets de lois concernant les CL. Et les membres
de son bureau aux réunions des commissions parlementaires pour être
auditionnés et exprimer les préoccupations et doléances des CL (article 56 du
CCL).

§2. La Haute instance des finances locales

Elle a été créée par le CCL qui l’a placée sous la tutelle du Haut conseil
des collectivités locales. Mais, d’un autre côté, son budget est rattaché pour
ordre au ministère chargé des affaires locales. De même, son secrétariat est
rattaché au même ministère. Cette double dépendance de la Haute instance
des finances locales au Haut conseil des CL et à l’Etat peut l’entraver dans
l’exécution de ses missions.

D’après l’article 61 du CCL, la Haute instance est chargée d’examiner


toutes les questions relatives aux finances locales afin de promouvoir
l’autonomie financière des CL.

La Haute instance des finances locales est présidée par un membre de la


Cour des comptes pour un mandat de quatre ans non renouvelable, et
composée de neuf représentants du Haut conseil des CL désignés par le
président de ce dernier, de représentants de ministères et d’experts. En
attendant la mise en place du Haut conseil des CL, l’article 399 al. 1 er du CCL
prévoit que les membres de la Haute instance des finances locales, à
l’exception des représentants du Haut conseil, sont désignés par décret
gouvernemental. Ce qui a été fait par décret gouvernemental n° 2019-351 du
10 avril 2019 (JORT n° 31 du 16 avril 2019, p. 1043).

Section 3. Les citoyens locaux

La promotion de la décentralisation implique la réhabilitation du citoyen


local, qui constitue le substrat sociologique de la décentralisation. Les conseils
locaux sont élus par les citoyens locaux pour la gestion des intérêts de la
population locale. D’où, le souci de la promotion de la démocratie participative
qui permet au citoyen local d’accompagner les élus tout au long du mandat
électoral. Ainsi, la démocratie locale ne se suffit-elle pas de la démocratie
représentative, elle est complétée par des procédés de démocratie
participative. L’art. 139 C prévoit, à cet égard, que « Les CL adoptent les

25
mécanismes de la démocratie participative et de la gouvernance ouverte afin
de garantir une plus large participation des citoyens et de la société civile à
l’élaboration des projets de développement et d’aménagement du territoire et
le suivi de leur exécution conformément à la loi ».

La notion de démocratie participative n’est pas des plus claires. Par


conséquent, elle peut regrouper des procédés assez variés et de natures
différentes. On va s’en tenir aux procédés retenus par le CCL sous l’intitulé
« De la démocratie participative et de la gouvernance ouverte », qui va des
articles 29 à 37. On distinguera entre les procédés simplement consultatifs (§1)
et les procédés décisionnels (§2).

Bibl. Massimo Luciani, « La démocratie locale en droit comparé en


Europe », AIJC 2006, p. 352 et ss.

§1. Les procédés consultatifs

Ces procédés visent à informer les habitants de la collectivité locale de


certains aspects de l’action locale ou de certains projets que les autorités
locales comptent réaliser. Ils visent, donc, à tenir les habitants au courant de la
gestion de la collectivité pour susciter leurs réactions et, dans certains cas,
engager un dialogue, un échange, avec eux.

Mais, de prime abord, il faut noter que tous ces procédés supposent la
transparence de l’action locale. La transparence est érigée en règle
d’organisation de l’administration publique, dans l’art. 15 de la C. Elle s’impose,
également, à l’administration locale. C’est ce que prévoit, expressément,
l’article 34 du CCL en ces termes: « La CL est tenue de garantir la transparence
de gestion des affaires locales et de son fonctionnement. Elle prend tous les
mesures et moyens permettant d’accéder à l’information… ».

1. Le premier procédé consultatif de démocratie locale est prévu à


l’article 29 du CCL. Il y est prévu, en premier lieu, que l’observation des
procédés de la démocratie participative dans l’élaboration des programmes de
développement et d’aménagement du territoire est une obligation qui pèse sur
les CL. Ces programmes ne peuvent être soumis à l’approbation des conseils
locaux qu’après l’accomplissement des procédures de participation. Et si le
programme en cause est soumis au conseil local sans observer la procédure

26
obligatoire de participation, il doit le rejeter. S’il est approuvé malgré
l’inobservation de celle-ci, la délibération est entachée d’illégalité pour
violation d’une procédure substantielle. Ensuite, sont concernés par la
participation tous les habitants, ce qui est plus large que les électeurs, ainsi que
la société civile. La participation touche toutes les étapes du projet: son
élaboration, son exécution et son évaluation. Le législateur précise, aussi, que
l’évaluation doit être effective, c’est-à-dire doit permettre aux habitants
d’émettre une opinion éclairée sur le programme à réaliser, en leur permettant
d’accéder à toutes les informations nécessaires à la formation de cette opinion.

En quoi consiste, concrètement, la participation des habitants et de la


société civile, aux termes de l’art. 29 du CCL? Ce dernier ne nous fournit qu’un
seul élément dans son alinéa 3, à savoir l’information préalable des
intéressés: « La CL prend toutes les mesures pour informer préalablement les
habitants et la société civile des projets des programmes de développement et
d’aménagement du territoire ». Pour le reste, le législateur renvoie à un décret
gouvernemental le soin de fixer un régime-type des procédés de la
démocratie participative. Sur la base de cet acte-type, le conseil local prend
son règlement relatif aux procédés et modalités de la démocratie participative
applicables à la collectivité. Ce règlement local sera, lui-même, élaboré en
concertation avec la société civile. Le décret gouvernemental précité n’a pas
encore vu le jour.

2. Le deuxième procédé consultatif de démocratie participative est le


Registre des avis et questions des habitants et des composantes de la société
civile et des réponses y afférentes. Ce Registre électronique est géré par un
Bureau dont le président et le vice président sont désignés par le président de
la collectivité locale. Le Bureau fonctionne en coordination avec la Commission
chargée de la démocratie participative et de la gouvernance ouverte relevant
du conseil de la CL. Celle-ci peut consulter ledit Registre et proposer au
président de la CL de donner des réponses aux questions posées. Elle peut,
également, inviter les habitants ou les composantes de la société civile au siège
de la CL pour suivre l’affaire. La Commission rédige des rapports périodiques
sur le fonctionnement du Bureau du Registre qu’elle adresse au conseil de la
CL.

27
Notons que les composantes de la société civile et, notamment, les
associations ne peuvent consigner leurs questions ou avis dans le Registre
précité, que si elles sont, déjà, inscrites dans un autre Registre, le Registre des
composantes de la société civile de la CL. Les composantes de la société civile
doivent satisfaire certaines conditions pour être inscrites à ce dernier Registre.
Parmi ces conditions, on peut citer, par exemple, l’enregistrement de
l’association au Registre national des entreprises. La CL peut mettre en
demeure l’association en question pour régler sa situation et décider de ne plus
traiter avec elle. Si la situation de l’association n’est pas réglée dans le délai
d’un mois, elle sera radiée du Registre des composantes de la société civile. Cet
état du droit est contestable dans la mesure où il procède à une confusion
entre des législations qui doivent être indépendantes: celle relative au RNE, par
exemple, et le droit de la participation des associations à la vie locale. De plus, il
assigne aux CL une mission de contrôle sur les composantes de la société civile,
ce qui n’est pas compatible avec leur raison d’être (servir les intérêts locaux).
(Voir Décret gouvernemental n° 2019-401 du 6 mai 2019 relatif à la
détermination des conditions et procédures de mise en œuvre des procédés de
démocratie participative tels que prévus à l’article 30 du CCL, JORT n° 39 du 14
mai 2019, p. 1517 et ss)

3. Le troisième procédé consultatif de démocratie participative est le


procédé des Rencontres publiques, prévu à l’art. 35 du CCL. Elles sont
organisées avant l’adoption, par la CL, de certaines décisions importantes. Le
CCL donne quelques exemples de ces décisions: des décisions qui intéressent
les finances locales, ou la gestion des biens de la collectivité, divers contrats ou
conventions intéressant l’exercice des compétences des CL, la coopération
décentralisée ou la coopération entre CL ou entre CL et pouvoir central, les
décisions réglementaires des conseils locaux, etc.

On distingue les rencontres facultatives des rencontres obligatoires. Les


rencontres facultatives sont des rencontres qui peuvent être décidées par les
conseils municipaux ou régionaux à la majorité de leurs membres. La rencontre
publique est obligatoire lorsqu’elle est demandée par 5% au moins des
électeurs de la commune ou de la région. L’article 35 alinéa dernier précise que
la demande doit être motivée. Si la demande réunit les conditions légales, la

28
collectivité locale doit organiser la rencontre dans un délai ne dépassant pas
trente jours à partir du dépôt de la demande.

Qu’elle soit facultative ou obligatoire, la rencontre publique a, toujours,


le même objet. Il s’agit d’organiser une rencontre avec les habitants qui sera
une occasion pour les élus pour présenter des clarifications à propos des
projets des décisions à prendre, et pour les habitants pour faire des
propositions. On comprend donc que le procédé de la rencontre publique
devrait aboutir à l’élaboration d’une décision finale qui sera le fruit de cet
échange, ce dialogue qui s’est déroulé entre les élus locaux et les habitants.

§2. Le procédé décisionnel: le référendum local

A. Le référendum décisionnel local est une manifestation de volonté des


électeurs par lequel ceux-ci décident d’accepter ou de refuser un projet établi
par la CL.

Il est à distinguer du référendum consultatif où l’opinion du corps


électoral n’a pas valeur d’une décision. Ce n’est pas un véritable référendum,
c’est une « consultation populaire » (CGCT fr.). Bien qu’il ne soit pas prévu par
le CCL, le référendum local consultatif peut être organisé par une CL (conseil
local) sur le fondement de sa compétence générale pour gérer les affaires
locales (puisque les textes ne l’interdisent pas). N’étant pas décisionnel, le
référendum consultatif n’empiète pas sur les compétences, qui sont d’ordre
public, des autorités locales.

Quant au référendum décisionnel, il peut être fondé sur l’article 139


précité de la C.

B. L’initiative du référendum appartient aux élus et aux électeurs. Du


côté des élus, l’initiative revient au président de la collectivité locale ou aux
tiers des membres du conseil local. Mais, c’est le conseil local qui détient le
pouvoir de décider, à la majorité des deux tiers de ses membres, l’organisation
du référendum. Par ailleurs, un dixième des électeurs locaux peuvent
demander l’organisation d’un référendum. Dans ce cas, aussi, l’initiative
populaire ne dispense pas de l’intervention décisive du conseil local. Si le
dixième des électeurs peuvent demander l’inscription de l’organisation d’un
référendum à l’ordre du jour du conseil, ce dernier n’est pas tenu de faire droit

29
à cette demande. En effet, « dans ce cas, le référendum ne peut être organisé
que suite à l’accord des deux tiers des membres du conseil local dans un délai
ne dépassant pas deux mois ».

L’article 31 al. 1er du CCL prévoit que le conseil local peut décider de
«consulter les habitants par voie de référendum ». En réalité, le pouvoir de
voter revient aux électeurs et non pas à l’ensemble des habitants ou des
administrés. Cela veut dire que le lien civique domine toute autre considération
qui reposerait sur le lien territorial (domicile dans la collectivité) ou fiscal
(assujettissement aux impôts locaux). Cette position restrictive repose sur l’idée
selon laquelle seuls les électeurs peuvent exercer directement les compétences
appartenant aux autorités qu’ils ont désignées (B. Faure, n° 263, p. 204).

C. Conditions restrictives d’organisation du référendum.

1. D’abord, l’organisation du référendum local est soumise à des


conditions de temps. En effet, le référendum n’est pas possible dans certaines
périodes sensibles. Le CCL en interdit l’organisation au cours de première et
dernière année du mandat municipal ou régional (Alinéa dernier de l’article
31). L’interdiction du référendum local au cours de la première année du
mandat manifeste le souci du législateur de ne pas voir le référendum
dégénérer en plébiscite au profit d’une équipe ou d’une politique et se
transformer, ainsi, en procédé de confiscation plutôt que d’exercice de la
démocratie. Autrement dit, le référendum local peut être utilisé pour asseoir la
légitimité d’une équipe contre ses adversaires politiques ou contre l’Etat. C’est
le cas, par exemple, d’une question posée aux électeurs pour porter atteinte à
l’autorité de l’Etat ou pour empiéter sur les compétences des autres CL. Par
ailleurs, un référendum d’initiative populaire peut déstabiliser le conseil local
qui vient d’être élu et même conduire à son renversement. Quant à
l’interdiction du référendum au cours de la dernière année du mandat, elle vise
à ne pas troubler la liberté de choix des électeurs avant le renouvellement du
conseil local.

En outre, dans la détermination de la date du référendum, il est prévu


que « le conseil de la CL … doit observer les délais d’élaboration du budget »
(Art. 31 alinéa avant dernier). Dans la mesure où celle-ci s’avère une opération
lourde et complexe, la loi a prévu que l’organisation du référendum ne doit pas

30
affecter le processus de préparation et d’approbation du budget. Ce dernier
doit être approuvé, par le conseil local, avant le 1 er décembre (art. 172 alinéa
1er).

Enfin, l’art. 31 alinéa 3 du CCL prévoit qu’ « il ne peut être organisé qu’un
seul référendum durant le mandat municipal ou régional ». Cette disposition
traduit la méfiance du législateur à l’encontre du référendum. Le recours à ce
dernier doit demeurer exceptionnel, il ne doit pas devenir un mode normal
d’administration locale. Les CL étant dirigées par des conseils élus, le
référendum local ne doit pas perturber l’exercice de la démocratie
représentative.

2. L’organisation du référendum local est soumise, par ailleurs, à une


condition d’ordre matériel. Il ne peut porter que sur les programmes de
développement et d’aménagement du territoire. Il ne peut pas porter sur
d’autres matières, même si elles relèvent de la compétence de la CL concernée.
Ce qui confirme, encore une fois, le cadre restrictif dans lequel est conçu le
référendum local.

La consultation doit porter sur les projets de développement et


d’aménagement du territoire qui relèvent de la compétence de la CL qui
organise le référendum. Toute autre solution permettrait les ingérences dans
les affaires de l’Etat et des autres collectivités, et du coup le référendum peut
se transformer en une manifestation contre l’Etat et sa politique
d’aménagement du territoire, et prendre figure de plébiscite au profit d’une
équipe. Mais, compétence de la CL ne veut pas dire compétence exclusive, car
les projets d’aménagement du territoire impliquent souvent l’intervention de
plusieurs acteurs. Pour que le référendum soit possible, le projet doit relever
de la compétence propre de la CL qui organise la consultation ou de l’une de
ses compétences partagées. Par exemple, les projets de mise en place de parcs
naturels à l’intérieur du territoire de la commune ou les projets
d’aménagement du littoral situé dans le territoire de la commune, sont des
compétences partagées entre la commune et l’Etat (en vertu de l’article 243 du
CCL), et peuvent donc, à ce titre, faire l’objet de référendum local. Par contre,
si les CL doivent, dans leurs plans d’aménagement, prendre en considération
les projets d’intérêt général (art. 118 du CCL), cette considération ne les
autorise pas à consulter leurs électeurs sur ces projets.
31
La C et le CCL évoquent, respectivement, des projets et des programmes
de développement et d’aménagement du territoire. Néanmoins, cela
n’empêche pas les CL de consulter les électeurs sur des projets de décisions en
rapport avec les programmes et les projets d’aménagement précités. Ces
décisions peuvent être à caractère individuel (passation d’un contrat avec la CL,
démolition d’une construction, octroi d’un permis de construire ou de lotir…)
ou non (aménagement d’une zone industrielle, création d’un parc naturel,
aménagement du littoral …).

3. En outre, le référendum local obéit à des conditions d’ordre


personnel. Du côté des consultants, seules les communes et les régions
peuvent organiser des référendums, à l’exclusion donc des districts. Si les
alinéas 1 et 2 de l’article 31 du CCL laissent comprendre que le référendum
peut concerner toutes les CL, il découle des alinéas suivants qu’il ne peut être
organisé que par les communes ou par les régions. L’exclusion des districts est
logique dans la mesure où ils sont dépourvus du substrat sociologique
nécessaire à la consultation de la population locale. D’ailleurs, on ne peut pas
parler d’électeurs à propos du district. Le conseil du district est élu par les
membres des conseils municipaux et régionaux. Or, c’est cette notion
d’électeurs qui permet, en matière de référendum local, l’initiative populaire et
l’appréciation des résultats du référendum. Du côté des consultés, tout
électeur de la commune ou de la région peut s’exprimer par référendum. La
question se pose de savoir si le référendum peut s’adresser à une partie
seulement des électeurs de la collectivité et non pas à tous, lorsque la question
posée ne concerne que la partie des électeurs sélectionnés (par exemple,
aménagement d’un quartier). Si aucune disposition ne l’exclut, il reste douteux
que le seuil de participation d’au moins le tiers des électeurs inscrits,
nécessaire à l’obtention de la décision populaire, soit atteint dans une telle
hypothèse. Cette considération est de nature à décourager l’utilisation du
procédé.

4. Enfin, le CCL prévoit une condition financière. Avant l’organisation du


référendum, il faut s’assurer de la disponibilité des crédits nécessaires à cet
effet. L’opération référendaire est surveillée par l’ISIE, mais les dépenses liées à
son organisation sont imputées sur le budget de la collectivité concernée.

32
Cette condition est de nature à dissuader les CL d’organiser des
référendums, notamment celles dont le budget est faible. Ce qui crée des
disparités entre CL dans l’utilisation de ce procédé de démocratie participative.

D. Portée du référendum local.

Le vote des électeurs locaux peut prendre force d’une décision.


Néanmoins, cette décision n’acquiert pas force légale du fait de l’intervention
populaire. Elle prend, seulement, rang administratif par le fait que les électeurs
sont réputés se prononcer sur délégation de pouvoir du conseil local. Mais,
pour que le référendum acquière effet décisionnel, le tiers au moins des
électeurs inscrits doivent avoir pris part au vote.

Le seuil de participation exigé par le législateur n’assure pas le caractère


représentatif du vote majoritaire, dans la mesure où il permet à une minorité
des électeurs de dicter leur choix à la population. Cette déformation de la
démocratie semi-directe portera atteinte à l’autorité des décisions censées
traduire la volonté populaire.

Si la condition du seuil de participation n’est pas remplie, le référendum


n’emportera aucun effet juridique contraignant. De plus, il est très peu
probable que le vote exercera un quelconque pouvoir d’influence sur la
décision des autorités locales vu la faible autorité qui s’y attache.

E. Contentieux du référendum local.

1. La délibération du conseil local décidant l’organisation du référendum


peut être attaquée devant le juge administratif.

Le CCL institue un recours spécial, au profit du gouverneur, contre la


décision d’organiser le référendum. En effet, le président de la collectivité
locale doit notifier celle-ci au gouverneur territorialement compétent. Ce
dernier peut s’opposer à l’organisation du référendum devant le juge
administratif, dans un délai d’un mois à partir de la date de la notification qui
lui a été faite. Le tribunal doit rendre son jugement dans un délai de deux mois.
Le juge administratif contrôle la légalité de la décision d’organiser le
référendum, au regard de ses conditions légales. L’opposition du gouverneur a,
donc, la nature d’un REP. Le jugement de première instance est susceptible

33
d’appel dans un délai de sept jours. La juridiction d’appel rend un jugement
définitif dans un délai ne dépassant pas un mois à partir de sa saisine.

Les délais prévus pour s’opposer à la décision de référendum et pour


statuer sur cette opposition ne permettent pas de constater l’illégalité de la
décision dans les plus brefs délais et d’empêcher qu’un référendum irrégulier
ne se tienne effectivement. Par ailleurs, le CCL ne prévoit pas que l’opposition
du gouverneur entraîne la suspension de l’organisation du référendum. On
peut noter, à cet égard, qu’aucune procédure spécifique de référé n’est
instituée à cet effet.

Le gouverneur n’est jamais tenu de s’opposer à la décision de


référendum. Qu’il s’oppose ou s’abstienne, les administrés ont toujours la
possibilité d’intenter un REP dans les conditions du droit commun, assorti le cas
échéant d’une demande de sursis à exécution.

Ont intérêt pour attaquer en annulation la décision d’organiser le


référendum, les électeurs et les habitants de la collectivité, mais aussi, plus
largement, toute personne que l’objet du référendum pourrait concerner (par
ex. CE Sect. 14 février 1958, Abisset, p. 98 : à propos de l’intérêt à agir d’un
campeur vis-à-vis de l’arrêté municipal interdisant le camping sur la commune).

2. En dépit de son mode d’adoption, la décision populaire peut être


contestée. Censée prise sur délégation de pouvoir du conseil local au profit du
corps électoral, la décision populaire a le même statut que si elle avait été prise
par ledit conseil. Mais, il faut distinguer entre les opérations qui concourent au
vote des électeurs (propagande, secret du vote, procurations…) et la décision
populaire elle-même.

L’opération de vote peut être contestée. Le CCL est muet sur ce point.
Néanmoins, on peut considérer que le juge compétent est le juge administratif,
juge des élections des membres des conseils municipaux et régionaux. La
décision populaire peut être contestée par la voie de REP. Notons qu’ici, il y a
matière à l’application de la théorie des opérations complexes, puisque la
décision populaire (décision finale) est prise après l’intervention de plusieurs
décisions successives spécialement prévues pour l’adoption de cette décision
finale qui achèvera l’opération. Par conséquent, le requérant sera recevable à
attaquer la décision populaire en invoquant le moyen de l’illégalité de la
34
délibération autorisant le référendum, délibération inattaquable directement
car devenue définitive.

Chapitre 3. Les compétences des CL


La compétence des CL est leur aptitude à agir dans un certain nombre de
domaines.

Dans un Etat unitaire, c’est la loi qui définit les compétences des CL. Ce
qui veut dire que la détermination des compétences des CL se fait
unilatéralement, en vertu d’un texte national: la loi. Il en découle que les CL ne
peuvent, juridiquement, se soustraire à l’exercice des compétences obligatoires
imposées par la loi (éclairage public des routes ou collecte des ordures
ménagères pour les communes, par exemple). Cela ressort de l’article 65 al. 2
de la C qui fait du pouvoir local une matière réservée à la loi, le pouvoir
exécutif ne pouvant intervenir, dans ce domaine, que pour prendre les décrets
d’application des lois.

Si la C n’opère pas elle-même la répartition matérielle des compétences


entre l’Etat et les CL, elle renferme quand même certains principes directeurs
pour guider le législateur dans sa tâche: clause générale de compétence,
distinction entre trois catégories de compétences des CL (compétences
propres, compétences partagées et compétences transférées), principe de
subsidiarité appelé à présider la répartition des compétences, garantie de
ressources correspondant aux compétences, compensation des charges
découlant des nouvelles compétences.

Cela dit, le législateur a retenu deux modes principaux de détermination


des compétences locales: la technique de la compétence générale (Section 1)
et celle des compétences d’attribution (Section 2), ce qui pose le problème de
leur coexistence dans le droit des CL (Section 3). Celui-ci n’en consacre pas
moins d’autres modes particuliers de détermination des compétences des CL
(Section 4).

Section 1. La compétence générale

35
La compétence générale des CL ou clause générale de compétence
implique la liberté d’agir en général pour tout ce qui concerne la population
locale et fait qu’a priori aucun domaine n’échappe à l’exercice de cette liberté
(B. Faure, n° 688, p. 530). La compétence générale repose sur deux
fondements: un fondement théorique (§1) et un fondement positif (§2).

§1. Le fondement théorique.

La compétence générale des CL a un fondement théorique. En effet, dans


la mesure où la CL représente un groupe humain, elle bénéficie d’une
compétence générale de décision pour tout ce qui se rapporte aux besoins de
la population locale (B. Faure, n° 686, p. 529). Autrement dit, les CL peuvent
prendre toute décision dans l’intérêt de leur population, sous réserve du
respect des compétences des autres CL et de l’Etat. C’est ce qui distingue,
d’ailleurs, les CL des EP, puisque ces derniers sont soumis au principe de
spécialité.

La clause générale de compétence n’est pas sans lien avec le principe de


libre administration. En vertu de cette clause, la CL agit librement pour
répondre aux besoins de sa population. Par contre, dans le cadre d’une
compétence d’attribution, la CL ne fait qu’exécuter telle ou telle loi
d’attribution de compétence. La clause générale de compétence libère les CL
de leur dépendance aux lois d’attribution de compétence.

En reconnaissant aux CL la liberté d’agir pour satisfaire les intérêts de la


société locale auxquels ne correspond pas l’accomplissement de tâches
précises nettement définies à l’avance par les lois, va dans le sens de
l’affirmation d’un véritable pouvoir local.

§2. Le fondement positif.

La compétence générale des CL est consacrée, d’abord, par la C qui


prévoit dans son article 132 in fine que les CL « gèrent les intérêts locaux
conformément au principe de libre administration ».

La clause générale de compétence a, donc, une valeur constitutionnelle


au même titre, d’ailleurs, que le principe de libre administration qui lui est
intimement lié, comme le montre la rédaction de la disposition
constitutionnelle précitée. Par conséquent, le législateur ne peut pas remettre
36
en cause la clause générale de compétence ni instituer une nouvelle catégorie
de CL sans compétence générale.

La clause générale de compétence est consacrée, également, par la loi.


En vertu de l’article 200 du CCL, la commune « gère les affaires communales
conformément au principe de libre administration… ». La compétence générale
des régions est énoncée dans des termes identiques, dans l’article 293 du
même Code: la région « gère, conformément au principe de libre
administration, les affaires régionales… ».

Par contre, une telle clause n’est pas proclamée au profit des districts.
L’article 356 du CCL assigne au district une mission bien particulière: « Le
district est une CL … qui œuvre pour l’intégration et la complémentarité du
développement économique global, équilibré et juste entre toutes les zones
qui le composent ». Ensuite, l’article 358 du même Code vient dresser une liste
limitative des attributions qui rentrent dans la compétence du conseil de
district.

L’absence de compétence générale au profit du district confirme, encore,


si besoin est, la spécificité de ce dernier en tant que CL dépourvue de substrat
humain. De par le mode d’élection des membres de son conseil, le district ne
représente pas une population du district dont il veillerait à satisfaire ses
besoins. Le district s’apparente plutôt à une collectivité chef de file, chargée,
principalement, de coordonner les actions des autres CL qui se trouvent sur
son territoire. Des raisons d’ordre politique peuvent expliquer, aussi, l’absence
de compétence générale des districts. Car, reconnaître à ces derniers une telle
compétence, leur donnera un poids très important qui peut entrer en
concurrence avec l’Etat et susciter les penchants régionalistes pouvant nuire à
l’unité de l’Etat.

D’une manière générale, l’idée de l’abandon de la compétence générale


est défendue par une certaine doctrine qui considère que la reconnaissance de
la compétence générale au profit de toutes les CL serait responsable d’une
administration décentralisée désordonnée et coûteuse dans la mesure où elle
laisse chaque collectivité libre de ses initiatives. Leurs adversaires pensent que
la suppression de la clause générale de compétence est nuisible pour les

37
libertés locales (B. Faure, n° 683, p. 527). De toute façon, le droit positif cumule
compétence générale et compétences d’attribution.

Section 2. Les compétences d’attribution

La C et le CCL distinguent entre trois catégories de compétences des CL:


des compétences propres, des compétences transférées et des compétences
partagées.

Cette distinction entre trois catégories de compétences concerne les


communes et les régions, à l’exclusion des districts. Comme nous l’avons
signalé plus haut, l’article 358 du CCL établit une liste unique et limitative des
attributions qui relèvent de la compétence du district.

Après avoir exposé les différentes catégories de compétences


d’attribution des CL (§1), nous passerons à l’étude des principes qui régissent
ces compétences d’attribution (§2).

§1. Les catégories des compétences d’attribution des CL

A. Les compétences propres. Le CCL établit des listes des compétences


propres des communes et des régions. Il s’agit de listes indicatives, le
législateur utilisant, toujours, le mot « notamment » dans l’énumération des
attributions relevant des compétences propres (art. 235 et 237 du CCL pour les
communes, art. 296 du même code pour les régions). L’article 235 du CCL fait
de la proximité un critère d’identification des compétences propres des
communes: il prévoit que celles-ci «consistent, notamment, en la prestation de
services et d’équipements de proximité ». 

Quand on dit compétences propres, la première chose qui vient à l’esprit


est que ces compétences sont exercées au nom de la collectivité en question et
pour son compte, par le biais de ses autorités et de ses agents.

L’article 13 alinéa 1er du CCL prévoit que « Les CL disposent, en vertu de


la loi, d’attributions propres qu’elles exercent à titre exclusif… » (voir aussi
article 14 alinéa 1er). Néanmoins, le principe de l’exercice exclusif des
compétences propres peut connaître des exceptions. D’abord, en vertu de
l’article 12 du CCL, une collectivité peut habiliter une autre CL ou des
38
établissements ou entreprises publics à exercer l’une de ses compétences
propres. L’habilitation est décidée par une délibération votée à la majorité
absolue des membres du conseil de la CL concernée. La compétence attribuée
est exercée au nom de la CL habilitante et pour son compte. C’est une façon de
dire que la compétence attribuée demeure, toujours, une compétence propre
de la collectivité habilitante. L’habilitation doit prendre la forme d’une
convention à durée déterminée. Une convention-type a été fixée par le décret
gouvernemental n°2019-941 du 16 octobre 2019 (JORT n° 86 du 25 octobre
2019, p. 3735 et ss., en arabe uniquement). La compétence propre attribuée
doit être stipulée avec précision dans la convention. Elle ne peut être stipulée
en des termes généraux ni porter sur les attributions de police administrative
ou de gestion administrative et financière de la collectivité habilitante. La
convention stipule les droits et obligations de chaque partie, et notamment la
contrepartie financière due à la partie habilitée et le mode de paiement. La
collectivité habilitante a le droit de contrôler l’exécution de la convention par la
partie habilitée qui doit lui fournir des rapports périodiques. En cas de litige
portant sur l’exécution de la convention, les parties doivent négocier pour le
résoudre à l’amiable, avant de saisir le juge administratif. La convention peut
être modifiée par voie d’avenant. A priori, la modification unilatérale de la
convention est exclue. La convention prend fin, normalement, à l’arrivée de
son terme. Mais, elle peut prendre fin avant l’expiration de son terme dans
deux cas: en cas d’accord des parties pour mettre fin à la convention avant son
terme ou bien pour des motifs d’intérêt général, à l’initiative de la CL
habilitante.

Ensuite, bien que le décret précité ne concerne que l’habilitation faite au


profit d’une autre CL ou d’un établissement ou une entreprise publics, l’article
14 alinéa 2 du CCL prévoit qu’une CL peut demander à l’Etat d’exercer une
partie de ses compétences propres. La question se pose de savoir pourquoi le
législateur a distingué entre l’hypothèse d’attribution d’une compétence à
l’Etat de celle de son attribution à une autre CL ou à un établissement ou une
entreprise publics. Certes, dans les deux cas, l’attribution de compétence
nécessitera la conclusion d’une convention. Lorsque l’Etat n’est pas partie à la
convention, le législateur a cru bon de renvoyer à une convention-type fixée
par décret, ce qui permet de protéger les parties et, notamment, la collectivité
habilitante contre ses propres errements. Mais, lorsque l’Etat est partie, le
39
législateur a considéré que cette médiation d’une convention-type n’est pas
nécessaire, la présence de Etat sera garante des intérêts de toutes les parties.
Il y a, dans cette dichotomie, la persistance de l’attitude classique qui conçoit
l’Etat supérieur aux CL, celles-ci ayant toujours besoin de la protection de celui-
là.

Dans les deux exceptions précitées, la CL renonce à l’exercice d’une


compétence propre, au profit d’une autre CL ou au profit de l’Etat. Il s’agit
d’exceptions, autorisées par le législateur, au principe de l’indisponibilité des
compétences, qu’il faut interpréter donc avec le maximum de rigueur et de
prudence, parce que les compétences sont d’ordre public.

Sans renoncer à l’exercice de sa compétence propre, l’art.14 al. 3 du CCL


prévoit la possibilité de son exercice conjoint. Deux CL ou plus peuvent décider
d’exercer conjointement, par voie de coopération, une partie de leurs
compétences propres. La coopération peut prendre soit la forme
conventionnelle, par voie d’accord, soit la forme institutionnelle, en créant une
entreprise publique ou une agence d’aménagement urbain ou un groupement
de services ou un établissement de coopération intercommunale.

L’art. 14 alinéa dernier du CCL prévoit que « le représentant de l’autorité


centrale peut, exceptionnellement, exercer une partie des compétences
propres d’une CL, conformément aux procédures et conditions prévues par les
dispositions de la présente loi ».

Cette disposition montre que la tutelle de l’Etat sur les CL n’a pas disparu
totalement, même si les textes n’emploient plus ce terme. Une illustration en
est donnée par l’article 268 du CCL qui permet au gouverneur de se substituer
au maire lorsque celui-ci ne prend pas un acte « auquel il est tenu par la loi ».

Le pouvoir de substitution d’action du gouverneur a un champ très large


puisqu’il peut concerner toutes les matières. Mais, il est conditionné par des
limites assez strictes. D’abord, son exercice est subordonné à une mise en
demeure restée infructueuse. Ensuite, il doit être exercé pour faire face à un
péril certain. Enfin, la décision du gouverneur doit être motivée. L’alinéa 2 de
l’art. 268 tient à préciser que l’intervention du gouverneur prend fin une fois
les circonstances qui l’ont justifiée ont cessé.

40
Mais, le pouvoir de substitution d’action demeure remarquable puisqu’il
permet au gouverneur de faire ce qui n’est pas permis au supérieur
hiérarchique.

B. Les compétences transférées. L’art. 16 alinéa 1er du CCL prévoit que


« Tout transfert de compétence ou son extension au profit des CL est
déterminé par la loi ». Le CCL dresse des listes indicatives des matières qui
peuvent être transférées par l’Etat aux CL. Ce qui veut dire qu’une loi ultérieure
doit intervenir, si l’Etat décide de transférer ses compétences dans tel ou tel
domaine.

On peut définir le transfert de compétence comme étant « l’opération


légale qui consiste à attribuer à une CL une compétence qui appartenait
auparavant à l’Etat (B. Faure, n° 624, p. 475). Dans le domaine transféré, la CL
agit en son nom propre et pour son propre compte, par ses propres moyens.

Les compétences transférées deviennent, ainsi, des compétences


propres de la collectivité. Autrement dit, il n’y a pas de différence de nature
entre les compétences propres et les compétences transférées.

En matière de compétences transférées, la CL reçoit des compétences


dont la loi détermine les conditions d’exercice. Ce qui veut dire que le rôle de la
collectivité sera variable selon que la loi de transfert lui laisse une réelle liberté
ou, au contraire, qu’elle la soumet à des conditions précises quant à l’exécution
de la compétence transférée.

C. Les compétences partagées. Les CL disposent de compétences


partagées avec le pouvoir central. Elles les exercent en concertation et en
coopération avec les autorités centrales. D’après l’article 13 al. 2 du CCL,
l’exercice partagé des compétences a deux finalités: la bonne gestion des
deniers publics et la meilleure prestation des services.

Le CCL dresse des listes indicatives de compétences partagées entre la


commune et le pouvoir central ou la région et le pouvoir central, et renvoie à
une loi pour la détermination des conditions et procédures d’exécution des
compétences partagées (art. 13 al. 2).

Contrairement aux compétences propres ou transférées qui peuvent être


exercées à titre exclusif par la CL, les compétences partagées, comme leur nom
41
l’indique, ne peuvent être exercées, par les collectivités, que conjointement
avec les autorités centrales. C’est cela uniquement qui les distingues des
compétences propres ou transférées. Sinon, du reste, elles ont la même nature
que les compétences transférées. D’ailleurs, en droit français, on a pu
distinguer entre les transferts pléniers qui réalisent une substitution pure et
simple de la CL à l’Etat, et les transferts partiels qui opèrent une distinction
entre ce qui relève de l’action de l’Etat et ce qui est abandonné à la CL (B.
Faure, n° 625, p. 476). Les compétences partagées, en droit tunisien,
correspondent aux transferts partiels du droit français. Autrement dit, les
compétences partagées constituent, en réalité, des compétences transférées
partiellement.

§2. Les principes régissant la répartition des compétences locales

Certains de ces principes sont prévus par la C, et d’autres par le CCL. La C


a consacré les principes de subsidiarité (A) et de compensation des charges (B),
tandis que le CCL prévoit, explicitement, l’interdiction d’une tutelle entre
collectivités locales (C). Un dernier principe apparaît en filigrane à travers les
dispositions du Code: le principe des blocs de compétence (D).

A. Le principe de subsidiarité

L’article 134 al. 2 de la C dispose que « Les compétences partagées et les


compétences transférées sont réparties conformément au principe de
subsidiarité ». Ce principe est explicité par le législateur dans l’art. 15 du
CCL: «…Il revient à chaque catégorie de collectivités locales les attributions
qu’elle est à même d’exercer au mieux compte tenu de sa proximité des
habitants et de sa capacité à mieux servir les intérêts locaux ».

Le principe de subsidiarité traduit la nécessité de faire exercer les


compétences au niveau le plus adéquat au regard de la satisfaction des
habitants. L’échelon le plus adéquat est déterminé au regard de deux critères:
la proximité de la collectivité aux habitants et sa capacité à mieux servir les
intérêts locaux. Ce qui veut dire concrètement que les compétences reviennent
en priorité au niveau communal, et ce n’est que dans le cas où les besoins des
habitants seraient mieux satisfaits au niveau supérieur, qu’il faudrait en faire
remonter l’exercice, d’abord, au niveau régional, puis au niveau du district et,
enfin, étatique.
42
L’autorité juridique du principe de subsidiarité est incertaine à cause de
l’emploi, par le législateur, d’expressions imprécises non sanctionnables telles
que: « au mieux », « compte tenu » ou « à mieux servir ». C’est pour cette
raison, d’ailleurs, que la subsidiarité est souvent perçue comme un principe de
nature plus politique que juridique.

Néanmoins, on ne peut pas dénier au principe toute autorité juridique.


En effet, on peut assigner, à ce dernier, deux fonctions: une fonction de
contrôle et une fonction d’interprétation. En tant que norme de contrôle, le
principe de subsidiarité sert de fondement à la sanction du juge constitutionnel
soit dans l’hypothèse où la loi aurait manifestement mal choisi le niveau
adéquat d’exercice d’une compétence, soit dans l’hypothèse d’une
recentralisation pure et simple d’une compétence par l’Etat. En tant que norme
d’interprétation, la référence à la subsidiarité peut servir au juge pour désigner
l’autorité la plus appropriée à agir, dans l’hypothèse où la répartition des
compétences n’est pas claire. Dans ce cas, le principe de subsidiarité a pour
fonction de résoudre les conflits positifs ou négatifs de compétence entre CL ou
entre une collectivité et l’Etat qui relèvent de la compétence du juge
administratif, selon l’article 24 du CCL.

B. Le principe de compensation des charges

Comme le principe de subsidiarité, ce principe a valeur constitutionnelle.


Il est prévu par l’art. 135 al. 2 de la C: «Toute création ou transfert de
compétences de l’autorité centrale au profit des CL est accompagné de
l’attribution de ressources appropriées ». Il s’impose, donc, au législateur. 

Comme nous l’avons dit plus haut, le transfert des compétences est fait
dans des conditions déterminées par la loi, c’est-à-dire qui échappent aux CL.
Or, le législateur peut les engager dans le financement d’équipements et de
services devenus coûteux pour les finances de l’Etat. Ainsi, le transfert des
compétences engendre-t-il des transferts de charges. La libre administration
veut que les charges résultant de tels transferts soient compensées.

Si la notion de charges n’est pas prévue, expressément, dans l’article


précité de la C, elle ressort, clairement, de l’art. 16 al. 2 du CCL selon
lequel: «Tout transfert de compétence ou son extension est accompagné d’un

43
transfert de crédits et de moyens adéquats avec les charges qui en découlent
pour les CL ».

La compensation des charges peut prendre plusieurs formes. La C


évoque « l’attribution de ressources appropriées » et le CCL « le transfert de
crédits et de moyens adéquats avec les charges ».

1. La compensation peut être, en premier lieu, financière. Il découle de la


C que cette compensation doit être appropriée, et du CCL qu’elle doit être
adéquate avec les charges. Cela veut dire que la compensation doit être
intégrale. Mais, l’art. 16 alinéa dernier du CCL prévoit que la compensation est
attribuée aux collectivités « dans la limite de ce qui est prévu par le budget de
l’Etat ». Ce qui signifie que le caractère intégral de la compensation n’est pas
contraignant, selon la loi.

La compensation doit, également, pouvoir indemniser toute charge,


importante ou non.

Il ressort d’une lecture combinée des articles 16 et 61 du CCL que


l’évaluation du montant de la compensation relève de l’autorité centrale, après
avis de la Haute instance des finances locales qui est chargée de l’élaboration
« des études préalables du coût estimatif des transferts ou élargissements des
compétences en concertation avec les services de l’autorité centrale ».

L’évaluation du coût de la compensation suppose l’évaluation préalable


des dépenses faites par l’Etat au jour du transfert, concernant la compétence
transférée. Il s’agit, donc, nécessairement, d’un coût provisoire qui doit pouvoir
évoluer pour prendre en considération les fluctuations à la hausse des charges.
Mais, la réalité de la compensation financière, en droit français, montre que
souvent la progression des ressources transférées n’est pas à la mesure de celle
des ressources effectivement engagées par les CL.

Les textes ne disent pas si la compensation est concomitante ou non.


Mais, il va de soi que le transfert des compétences sans transfert effectif de la
compensation correspondante retardera l’exercice par les CL des compétences
dont elles étaient investies par transfert. Ce qui aura des conséquences
néfastes sur la qualité des services ou des équipements transférés, et
notamment sur la continuité des SP. En droit français, le retard pris par le

44
gouvernement dans l’édiction des décrets d’exécution nécessaires à organiser
les financements des charges imposées par la loi, est sanctionné par le juge
administratif et peut engager la responsabilité de l’Etat.

2. La corrélation entre les charges et les moyens doit s’apprécier,


également, au regard des personnels. Le transfert des compétences doit
s’accompagner du transfert des agents dont la CL a besoin pour gérer les
services chargés, au sein des collectivités, de ces nouvelles compétences qui
ont été transférées.

Le principe de compensation implique que l’Etat prenne en charge la


rémunération des agents qui seront affectés aux CL. A cet égard, les articles
273, 343 et 379 du CCL prévoient que l’Etat peut mettre des agents publics,
respectivement à la disposition des communes, des régions et des districts. Et
ces articles de préciser que la rémunération de ces agents est supportée par
leur administration d’origine (Voir, aussi, l’art. 161 du CCL).

La mise à disposition d’agents publics de l’Etat au profit des CL est l’une


des quatre modalités de la mobilité fonctionnelle, à côté du détachement, de la
mutation et du redéploiement, prévues par le décret gouvernemental n°2020-
315 du 19 mai 2020 relatif à la mobilité fonctionnelle des agents publics au
profit des CL.

La mise à disposition est définie à l’art.9 al.1 er du décret, précité, comme


étant: «le mode en vertu duquel les administrations centrales … mettent un
agent public, sur sa demande, auprès d’une CL pour une période maximale de
cinq ans tout en continuant à appartenir au corps d’origine, et ce afin de
pourvoir à une vacance dans certains emplois ».

Néanmoins, le mode de mise à disposition comporte certaines limites.


D’abord, c’est un procédé volontaire qui repose sur l’assentiment de l’agent
intéressé. Or, il est peu probable que les agents des administrations centrales
ou même régionales de l’Etat soient attirés par une carrière au sein des CL. De
plus, il peut être mis fin à la mise à disposition, à tout moment, sur demande
motivée, de l’agent public concerné. L’administration ne peut que donner une
suite favorable à cette demande (art. 9 al. 5). Ensuite, c’est l’administration
centrale (ministre des finances et ministre des affaires locales) qui fixe le
nombre annuel des emplois à pourvoir par la mise à disposition. Enfin, si
45
l’administration d’origine de l’agent continue à le rémunérer, la CL bénéficiaire
de la mise à disposition doit lui verser « une indemnité de mise à disposition » à
titre de complément de salaire, en plus d’une indemnité de motivation pour la
mobilité fonctionnelle et une indemnité pour charges de changement de
résidence. Ainsi, la mise à disposition devient une source de charges pour la CL
censée en bénéficier en application du principe de compensation des charges.
Qui plus est, la CL bénéficiaire doit organiser des sessions de formation pour les
agents mis à sa disposition (art. 18 du décret précité). Ce qui n’est pas sans
engendrer des dépenses. Celles-ci représentent des charges indirectes qui
échappent, a priori, au principe de compensation des charges.

3. Comme pour le personnel, l’Etat doit se départir des biens affectés aux
services transférés. L’art. 144 du CCL prévoit que l’Etat veille à transférer la
gestion de certaines dépendances de ses domaine public et privé aux CL. Et il
renvoie à un décret gouvernemental le soin de déterminer les modalités et les
procédures du transfert, ainsi que les mécanismes de partage des charges et
des ressources découlant de l’exploitation des dépendances transférées. Mais,
de toutes les façons, il est prévu que le transfert donne lieu à la conclusion
d’accords particuliers.

Cet accord est, en principe, un contrat administratif, surtout lorsqu’il a


pour objet la gestion d’une dépendance du domaine public. Mais, étant conclu
entre deux personnes publiques, on peut penser qu’il échappera au régime
d’inégalité qui caractérise les contrats administratifs, en général. Mais, l’alinéa
dernier de l’art. 144, sus-indiqué, infirme cette lecture lorsqu’il prévoit
que l’Etat peut résilier, avant terme, tout accord relatif à la gestion, par la CL,
de la dépendance domaniale, si celle-ci s’est avérée inefficace.

La mise en œuvre du principe de compensation des charges devient,


ainsi, aléatoire, dans la mesure où elle dépend de la volonté de l’Etat.

C. Le principe de l’interdiction de la tutelle entre collectivités locales

Ce principe résulte de l’article 11 du CCL : « Il ne résulte nullement de la


répartition des compétences entre les différentes catégories de CL, établie par
la loi ou par les accords ou les habilitations conclus entre elles, l’exercice d’une
tutelle quelle qu’en soit la nature, d’une CL sur une autre ».

46
Ce principe est le corollaire d’autres principes, à savoir l’égalité entre CL,
leur libre administration et la compétence législative à laquelle revient le droit
de déterminer l’organisation des compétences des CL.

Le principe de l’interdiction de la tutelle entre CL n’a pas valeur


constitutionnelle en soi, mais une loi qui autoriserait une collectivité à exercer
une tutelle sur une autre serait inconstitutionnelle dans la mesure où elle
enfreindrait d’autres principes constitutionnels, notamment le principe de libre
administration des CL.

Il ne faut pas se méprendre lorsque le législateur exclut toute tutelle


« quelle qu’en soit la nature ». En effet, dans la mesure où les CL collaborent,
souvent, dans l’exercice de leurs compétences, il est peu réaliste d’éliminer le
moindre phénomène d’influence entre collectivités locales. Par conséquent, le
principe de l’interdiction de la tutelle entre CL ne saurait interdire toute
contrainte de fait exercée par une collectivité sur une autre.

D. Le principe des blocs de compétence

L’établissement, dans le CCL, de listes déterminant les compétences


propres, transférées et partagées des communes et des régions, et une liste
des compétences revenant au district traduit le ralliement du législateur au
principe des blocs de compétence.

Ce principe veut asseoir la répartition des compétences entre les


différentes catégories de CL sur une logique de cohérence. Le regroupement
par domaines d’activité autour d’un acteur exclusif est considéré comme de
nature à prévenir l’émiettement des compétences et la concurrence entre CL,
contraires à la clarté et à l’efficacité de l’action publique. En vertu du principe
des blocs de compétence, dans chaque matière, une autorité et une seule
devrait avoir compétence.

Mais, la pratique montre que la distinction absolue entre ce qui revient à


l’Etat et ce qui revient à telle ou telle CL est impossible. On ne peut pas
échapper à l’enchevêtrement des compétences des uns et des autres, dans la
mesure où l’exercice de celles-ci requiert, souvent, la coopération et la
coordination entre les différents acteurs. La rédaction ambigüe et, parfois,
défectueuse des textes incite, aussi, à la confusion.

47
Section 3. La coexistence entre la compétence générale et les
compétences d’attribution

La compétence générale des CL a subi des critiques sérieuses. En effet,


une certaine doctrine soutient que la clause générale de compétence conduit
au désordre à cause des risques de chevauchement d’intervention entre l’Etat
et les CL et entre les CL elles-mêmes. Par conséquent, face à la complexification
de l’action administrative et à la multiplication des niveaux d’administration, la
solution réside dans la spécialisation du pouvoir local. Ce qui veut dire,
concrètement, le recours à la méthode de l’énumération qui va résoudre les
conflits de frontières entre les différents acteurs, puisque chaque autorité sera
assignée à l’exécution de la mission qui lui a été confiée par la loi.

Le recours du législateur, dans le CCL, à la méthode de l’énumération en


établissant des listes des différentes compétences propres, transférées et
partagées des communes et des régions peut être interprété dans le sens du
rejet de la compétence générale.

En réalité, il n’en est rien. Nous avons vu, plus haut, que la compétence
générale des CL a un fondement en droit positif, et que les listes établies, dans
le CCL, pour énumérer les compétences des CL n’ont pas un caractère
exhaustif. Ce qui laisse intacte la liberté d’initiative des CL pour satisfaire les
intérêts locaux.

La question qui se pose, maintenant, est donc de savoir comment


s’articulent les deux modes de détermination des compétences.

Les compétences d’attribution constituent des domaines d’action


prioritaires. Elles représentent la charpente de l’action de chaque catégorie de
CL. Cela dit, la méthode de l’énumération permet de protéger l’intervention
des CL dans ces domaines des empiètements des autres collectivités et de
l’Etat. Chaque collectivité pourra se défendre en justice de ces atteintes
portées à la répartition légale des compétences. Les compétences d’attribution
deviennent, ainsi, des affaires locales « par détermination de la loi ».

A côté de ces compétences d’attribution, la clause générale de


compétence trouve sa place comme base complémentaire pour l’action des CL.
Sur son fondement, celles-ci pourront satisfaire tout autre besoin de la

48
population locale. La compétence générale permet, ainsi, aux CL de répondre
aux nouveaux besoins de la société locale et de résoudre l’ensemble des
problèmes posés dans leur circonscription.

 Chapitre 4. L’action des CL

Les formes de l’action des CL sont diverses. On peut les regrouper en


deux types d’activités. D’une part, les CL distribuent des prestations aux
membres de la collectivité, en leur fournissant biens et services : versement
d’aides et de subventions, collecte des ordures ménagères, éclairage public des
routes, organisation de manifestations culturelles, préservation de la santé des
habitants et de la propreté de leur cadre de vie …

La plupart de ces activités sont qualifiées d’activités de service public


(Section 1). D’autres activités ne prétendent pas à cette qualification. Il s’agit,
notamment, de certaines interventions des CL en matière économique et
sociale (Section 2).

D’autre part, les CL sont amenées à prendre divers actes juridiques, qui
peuvent être des actes unilatéraux ou conventionnels. Ces deux types d’actes
traduisent l’exercice, par les CL, de leur pouvoir normatif (Section 3).

Section 1. Le service public local

Deux questions vont nous retenir ici, d’une part, l’existence du SP local
(§1), et d’autre part, les modes de gestion du SP local (§2).

§1. L’existence du SP local

On va traiter, d’abord, de la création du SP local (A) et, ensuite, de sa


suppression (B).

A. La création du SP local

Le SP local est créé par une délibération du conseil local concerné, dans
le respect de la répartition des compétences entre l’Etat et les CL afin de ne pas
empiéter sur le rôle conféré aux SP nationaux. C’est en ce sens que l’art. 240 du
CCL prévoit que « Le conseil municipal crée les services publics municipaux et
les gère … ».

49
Nous savons qu’en vertu de leur compétence générale, les CL peuvent
intervenir dans tous les domaines qui touchent aux intérêts locaux, à moins
que cette intervention n’enfreigne pas la loi. La création de services publics est
une application ponctuelle de cette clause générale de compétence des CL.

Par conséquent, les CL peuvent librement créer tout service public


relevant de leurs compétences, dans tous les cas où la loi ne s’y oppose pas. Ce
qui permet aux CL et, notamment, aux communes de prendre en charge tout
besoin de la population. La création d’un SP est, ainsi, un droit pour la CL.

A côté de ces SP qu’on peut qualifier de spontanés, parce que créés à


l’initiative de la CL au gré des besoins de la population locale, la loi peut
imposer la création du service qu’elle estime indispensable aux besoins des
habitants de la CL mais plus à même d’être exercé au niveau décentralisé. Dans
ce cas, la CL se trouve dans une situation de compétence liée, en ce sens
qu’elle ne dispose d’aucune marge d’appréciation sur sa création. Il s’agit, ici,
de SP locaux obligatoires.

Parmi ces derniers, et concernant les communes, la loi (art. 240 du CCL)
prévoit la collecte des ordures ménagères, leur tri et leur transport aux
décharges contrôlées, l’éclairage public des routes et des places publiques,
l’organisation de manifestations commerciales ou culturelles, la gestion de
centres de vacances d’été et de repos, la préservation de la santé des
habitants, de la propreté de leur cadre de vie et la protection de
l’environnement …

On peut se demander si le SP obligatoire ne serait pas de nature à


heurter le principe constitutionnel de libre administration des CL. Le CC fr a
jugé que les contraintes liées à l’existence de SP locaux obligatoires ne sont pas
contraires à la C, même si elles sont « définies avec précision quant à leur objet
et leur portée et ne sauraient méconnaître la compétence propre des
collectivités ni entraver leur libre administration » (CC 29 mai 1990, n° 90-274,
Droit au logement, Recueil p. 61). En effet, la libre administration des CL
s’exerce dans les conditions prévues par la loi (art. 65 al.2 de la C). De plus, il
est, notamment, permis de tenir le SP obligatoire pour non contraire à la libre
administration du moment où l’Etat assure la compensation des charges liées à
sa création et à son fonctionnement. Rappelons que le principe de la

50
compensation des charges est imposé par la C et par le CCL. La question qui se
pose, alors, est de savoir non pas si les SP obligatoires sont contraires ou non
au principe de libre administration des CL, mais si la compensation répond ou
non aux conditions prévues par la C et par le Code.

B. La suppression du SP local

A priori, la CL dispose d’une liberté d’appréciation sur l’existence des SP


qui relèvent de son initiative, c’est-à-dire les SP spontanés. Mais, on peut
observer, dans le CCL, des éléments qui incitent les CL à la procéduralisation de
la suppression d’un SP. Ainsi, avant de décider cette suppression, la collectivité
peut, en vertu de l’art. 78 alinéa dernier du CCL, sonder l’opinion des usagers
sur le fonctionnement d’un service public. Les résultats du sondage sont
publiés par tout moyen disponible. Dans ces conditions, on peut estimer qu’il
est difficile de voir un conseil local décider, par exemple, la suppression d’un SP
dont le fonctionnement est satisfaisant et auquel les habitants s’attachent, à
travers le sondage organisé. Par ailleurs, l’art. 78 al. 1 er prévoit que la CL peut,
sur demande des composantes de la société civile, créer une commission
spéciale chargée d’assurer le suivi du fonctionnement des SP. Cette commission
est composée de membres appartenant au conseil local, d’agents de
l’administration locale et de représentants de la société civile. Au cas où cette
commission existe, le conseil local serait enclin à lui demander son avis, avant
de délibérer sur la suppression d’un SP, même si cette consultation n’est
imposée par aucun texte.

Quant aux SP obligatoires, ils ne peuvent pas être supprimés par la CL, et
les usagers peuvent contester la décision de suppression devant le juge
administratif et, éventuellement, demander réparation des conséquences
dommageables.

§2. Les modes de gestion du SP local

L’art. 80 al. 1er du CCL prévoit que la CL peut exploiter ses SP par elle-
même en gestion directe (A), ou bien en gestion indirecte, c’est-à-dire par les
soins d’une personne (physique ou morale) à laquelle cette exploitation sera
déléguée (B).

51
Traditionnellement, il appartient à l’autorité administrative d’apprécier
comment la gestion des SP doit être assurée. C’est une question d’opportunité,
sur laquelle le contrôle juridictionnel ne porte pas. Désormais, les CL ne sont
plus totalement libres dans le choix du mode de gestion du SP, puisque ce choix
est soumis à certaines conditions citées à l’al. dernier de l’art. 80 du CCL: « Le
choix par les conseils des CL du mode de gestion des SP est soumis à un bilan
permettant de retenir le meilleur mode de gestion qui tient compte d’une part
des critères d’efficacité et de qualité et d’autre part des capacités propres de la
CL… ». Et parce que l’établissement de ce bilan peut s’avérer compliqué, le
législateur a autorisé les CL à faire appel à des experts en vue d’apprécier et de
choisir le meilleur mode de gestion.

A. La gestion directe

La gestion directe ou gestion en régie signifie que le SP est géré par la CL


dont il relève. Elle l’assure avec ses propres moyens, en personnel et en argent.

Normalement, cette gestion est faite en régie directe, le service n’étant


d’aucune façon distingué des autres dont la CL a la charge. L’art. 81 al. 1 er du
CCL prévoit que les SP locaux à caractère administratif sont, en principe, gérés
en régie directe. Mais, la gestion directe des SP locaux peut être faite en régie
indirecte. Celle-ci peut être pratiquée pour la gestion des SPA (art. 81 al. 2 du
CCL), mais surtout pour la gestion des SPIC (art. 82 du CCL).

Gérés en régie indirecte, ces services publics disposent d’une certaine


autonomie administrative et financière. Pour les SPA, l’art. 81 al. 3 du CCL
prévoit que « Les recettes et les dépenses de la régie sont inscrites au budget
de la CL conformément aux règles d’une comptabilité simplifiée fixées par
décret gouvernemental… ». L’autonomie financière est plus poussée pour les
SP économiques dans la mesure où ils disposent d’un budget spécial et sont
soumis aux règles de la comptabilité applicable aux entreprises. En contrepartie
de cette autonomie, les SP gérés en régie indirecte sont soumis au contrôle
d’un commissaire aux comptes (art. 82 al. 2).

B. La gestion déléguée

La gestion des SP est déléguée, notamment, par contrat. A cet égard,


l’art. 80 al. 2 du CCL prévoit que « La CL conclut des contrats en vertu desquels

52
elle charge des entités publiques ou privées de gérer ses services publics … ».
Mais, la délégation peut aussi procéder d’une décision de l’autorité
décentralisée. A côté de la délégation contractuelle, il y a place donc à la
délégation unilatérale.

1. La délégation unilatérale

La gestion d’un service public local à caractère industriel et commercial


peut être confiée à une entreprise publique locale ou à une entreprise à
participation publique locale. L’art. 103 al. 1 er du CCL prévoit, en ce sens, que
« Les CL peuvent, dans la limite des compétences qui leur sont attribuées par la
loi, créer des entreprises publiques locales ou participer à des entreprises à
participation publique pour l’exploitation des SP à caractère industriel ou
commercial ».

L’entreprise publique locale peut prendre soit la forme d’un


établissement public local (personne publique), soit la forme d’une société
anonyme (société privée) dont le capital est détenu individuellement ou
conjointement par les CL à raison de plus de cinquante pour cent.

La création de l’entreprise publique locale, la participation à son capital


ou à celui des entreprises à participation publique est approuvé par
délibération du Conseil de la CL concernée (art. 104 al. 1er du CCL).

Dans le cadre de la coopération intercommunale, deux ou plusieurs


communes peuvent exploiter, en commun, un SP à caractère économique, par
une entreprise publique qu’elles créent (art. 283 du CCL).

Dans le même cadre, « deux ou plusieurs communes peuvent, en vertu


d’un accord conclu à cet effet, créer des groupements de services
conformément à un statut type fixé par décret gouvernemental … ». (art. 283
du CCL).

Le groupement de service constitue un établissement de coopération


intercommunale permettant à deux ou plusieurs communes de fournir des
prestations d’intérêt commun. Un établissement de coopération communale
est une personne publique. Plusieurs indices vont dans ce sens : création par
des CL, soumission aux dispositions relatives au fonctionnement du conseil
municipal et au contrôle a posteriori des communes, édiction d’actes
53
administratifs relevant de al compétence du juge administratif en cas de litige,
compétence de la juridiction administrative pour statuer sur le retrait d’une
commune d’un ECI.

La gestion d’un SP local peut être déléguée aussi à une association. La


mission confiée à une association, par un acte unilatéral, est qualifiée de SP
lorsque la CL  exerce un contrôle sur l’association qui peut porter sur sa
création, ses organes ou sa gestion (CE, sect., 22 février 2007, APREI).

2. La délégation contractuelle

La délégation de la gestion d’un service public local passe, aussi, par la


conclusion d’un contrat.

La CL peut déléguer la gestion d’un SP en concluant un contrat de


concession. En vertu de l’art. 80 al. 1er du CCL, la concession est « le contrat par
lequel une CL, en sa qualité de personne publique, désignée concédant, confie
pour une durée déterminée, à une personne publique ou privée, en sa qualité
de concessionnaire, la gestion d’un SP … en contrepartie de rémunérations
qu’elle perçoit des usagers à son profit … ».

L’article 84 du CCL précise que les contrats de concession conclus par les
CL sont régis par les textes législatifs et réglementaires en vigueur, c’est-à-dire
la loi du 1er avril 2008 et ses décrets d’application, « sous réserve du respect du
principe de libre administration ».

Les CL peuvent déléguer la gestion de leurs SP en concluant des contrats


de délégation de service public. Ce contrat, emprunté au droit français, est
consacré pour la première fois en droit tunisien. Il est défini par l’art. 85 al. 1 er
du CCL de la manière suivante : « Les CL peuvent, sur délibération de leurs
conseils, décider d’exploiter des services publics à caractère économique,
industriel et commercial, moyennant des contrats de délégation de services
publics locaux, par lesquels la CL délégante confie à une personne publique ou
privée, en sa qualité de délégataire, la gestion d’un SP ne revêtant pas un
caractère administratif relevant de ses prérogatives et dont la rémunération est
substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service public objet de
la délégation … ».

54
On doit distinguer ce nouveau contrat de délégation de SP du contrat de
concession conclu, également, par les CL. En premier lieu, la concession porte
sur la gestion d’un SP à caractère administratif ou industriel et commercial,
l’exploitation de dépendances domaniales, de matériaux ou d’équipements, ou
le recouvrement des droits revenant à la CL, tandis que

Section 1. Le service public local

Section 2. Le pouvoir normatif local

Bibl. Dossier. La coopération conventionnelle, AJCT, n°3-novembre 2010, p. 98-


112.

Section 3. L’intervention économique des CL

§1. Les entreprises publiques locales

§2. Les aides

§3. L’aménagement du territoire, l’urbanisme et le développement durable

Chapitre 5. Les moyens d’action des CL

Section 1. Les moyens humains: le personnel des CL

Section 2. Les moyens financiers: les finances des CL (budget et fiscalité)

Section 3. Les moyens matériels: les biens des CL

Chapitre 6. Le contrôle exercé sur les CL

Section 1. Le contrôle juridictionnel

55
Section 2. Le contrôle non-juridictionnel

Deuxième partie : Le droit spécial des CL

Les principes régissant la répartition des compétences locales

Le principe de subsidiarité

Le principe de compensation des charges

Le principe de l’interdiction de la tutelle entre collectivités locales

Le principe des blocs de compétence

56

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