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Section 2.

Les modalités de la décentralisation

En France, le droit des collectivités locales est parcouru par deux aspirations
constitutionnelles contraires :
° L’unité et l’indivisibilité de l’État
° Le principe de libre administration des collectivités locales

Cette dualité est perceptible à l’article 1er de la Constitution qui prévoit dans le même temps
que « La France est une République indivisible » et que « son organisation est décentralisée ».
Le droit des collectivités tente en permanence de concilier ces principes antagonistes. Une
tension existe donc entre le principe de l’indivisibilité de l’État et le principe de libre
administration des collectivités territoriales.

§1. L’unité et l’indivisibilité de l’État

Le caractère unitaire de l’État se trouve assuré par le principe d’indivisibilité de la République


consacré à l’article 1er de la Constitution qui pose que « la France est une République
indivisible ». Ce principe, afin d’assurer sa vocation de préservation du caractère unitaire de
l’État, va trouver à s’appliquer à ses différents éléments constitutifs : indivisibilité de la
souveraineté (1), indivisibilité du peuple (2) et enfin indivisibilité du territoire (3).

A. L’indivisibilité de la souveraineté
p
En tant qu’élément constitutif de l’État, la souveraineté ne peut être exercée que par lui. Seul
l’État en tant qu’entité globale peut exercer cette souveraineté nonobstant les multiples
collectivités ou structures qui le composent. Ce caractère indivisible de la souveraineté au
profit de l’État implique deux effets : d’une part que seul l’État détient le pouvoir normatif et,
d’autre part, que les collectivités doivent respecter les prérogatives de l’État.

● L’unité du pouvoir normatif de l’État

Le fait que l’État doive détenir, de manière unitaire, le pouvoir normatif implique
logiquement que les collectivités locales soient privées d’un tel pouvoir normatif local
autonome. Les collectivités ne disposent pas d’un pouvoir règlementaire autonome situé en
dehors du domaine de compétence du législateur. Leur pouvoir règlementaire local découle
seulement d’une habilitation législative.

Trois atténuations à ce principe peuvent être soulignées :

- La première est celle du droit à l’expérimentation législative ou règlementaire qui


appartient à toutes les collectivités et à leurs groupements. La loi peut autoriser une
collectivité locale à expérimenter des règles législatives ou règlementaires sur leur
territoire durant 5 années maximum.

- La seconde concerne l’outre-mer. Le régime de l'article 73 (DROM – Départements et


régions d’outre-mer : Guyane, Martinique, Guadeloupe, Réunion, Mayotte) demeure
dominé par le principe d'identité législative (les lois et règlements y sont applicables
de plein droit. Il n’y a donc pas d’atteinte à l’unité du pouvoir normatif de l’État).
Quant au régime de l'article 74 (COM – collectivités d’outre-mer : Polynésie
française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-
Futuna), il est caractérisé par un principe de singularisation et d'adaptation bien plus
important et ainsi par une forme avancée d’autonomie. Ce transfert ne doit cependant
pas concerner certaines compétences régaliennes de l’État telles que la sécurité
publique, la défense, la justice, la monnaie ou encore la garantie des libertés publiques.
Pour autant, s’il s’agit ici d’une atténuation à l’unité du pouvoir normatif de l’État, il
ne s’agit pas d’une exception car les actes pris par les autorités des collectivités
d’outre-mer demeurent des actes administratifs qui peuvent être contrôlés par le juge
administratif.

- La dernière atténuation à l’unité du pouvoir normatif de l’État est la plus importante et


on peut même parler ici d’une véritable exception. Cette dernière concerne la Nouvelle
Calédonie. En effet, à partir des accords de Nouméa signés en 1998 (5 mai), la
Nouvelle-Calédonie s’est vue accorder un statut particulier d’autonomie pour une
période transitoire et susceptible de déboucher sur l’indépendance complète. Ce statut
allait à l’encontre de l’unité du pouvoir normatif de l’État et cela a nécessité
l’introduction, au sein de la Constitution, d’un nouveau titre, le titre XIII, entièrement
consacré à la Nouvelle-Calédonie. Le point majeur de ce statut est la dévolution au
Congrès néo-calédonien d’un pouvoir législatif. En effet, l’assemblée délibérante est
habilitée à voter ce qu’on appelle des « lois du pays ». Ces dernières ont vocation à
régir certaines matières telles que le droit du travail, l’état des personnes, la fiscalité, le
droit de propriété… les autres matières conservent quant à elles un caractère
règlementaire. Ces lois du pays peuvent faire l’objet d’une saisine du Conseil
constitutionnel qui rend alors les décisions « L ». Fut même créée une citoyenneté
néo-calédonienne.

● Le respect des prérogatives de l’État par les collectivités territoriales

L’État contrôle en permanence les actes des collectivités territoriales et cela est même une
exigence constitutionnelle. En effet, l’article 72 al. 6 de la Constitution prévoit que « dans les
collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun
des membres du gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et
du respect des lois ». Les actes des collectivités sont donc transmis au préfet, qui est le
représentant de l’État. Ce dernier peut, s’il estime que l’acte est illégal, saisir le juge
administratif. Évidemment, le législateur ne peut pas prévoir des mécanismes de contrôle trop
lourds au profit du représentant de l’État car cela reviendrait à méconnaître la libre
administration des collectivités locales. Ainsi, le Conseil constitutionnel dans sa décision
Prévention de la corruption de 1993 a invalidé un mécanisme de sursis à exécution institué au
profit du représentant de l’État qui aurait en pratique abouti à la suspension automatique des
actes des collectivités pendant trois mois. Une telle mesure méconnaissait la libre
administration.

Ainsi, le Préfet veille à la légalité des actes adoptés par les collectivités à travers le déféré
préfectoral. Par ailleurs, les chambres régionales des comptes assurent aussi un contrôle
budgétaire (respect de la procédure budgétaire, refus d’inscription d’une dépense obligatoire
ect…)
B. L’indivisibilité du peuple

Le principe d’indivisibilité du peuple est issu de la combinaison de deux principes


constitutionnels : le principe d’indivisibilité de la République et le principe d’égalité. Ainsi,
l’égalité entre les composantes de la population de l’État, liée à l’indivisibilité de la
République entraine l’indivisibilité du peuple. Cela signifie qu’il est impossible, au sein du
peuple, d’opérer des différenciations entre les citoyens.

Ce principe a émergé de manière éclatante dans la décision du Conseil constitutionnel Statut


de la Corse du 9 mai 1991. La loi déférée au Conseil constitutionnel relative au statut de la
Corse comprenait en son article 1 une reconnaissante du « peuple Corse » en tant que
« composante du peuple français ». Le Conseil constitutionnel censura alors ce
fractionnement du peuple français qu’opérait la loi en cause en distinguant en son sein un
peuple Corse. Il estima dans un considérant de principe que la Constitution « ne connait que le
peuple français composé de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, ou de
religion ». On voit clairement ici le lien qui est établi entre d’une part l’indivisibilité de la
République à travers la mention de « peuple français » et d’autre part du principe d’égalité à
travers la référence à l’absence de distinction d’origine, de race ou de religion, l’article 1 er de
la Constitution prévoyant que la France assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans
distinction d’origine, de race ou de religion.

S’agissant des effets du principe d’indivisibilité du peuple. On peut situer les effets du
principe à trois niveaux :

- Premier point, l’effet le plus voyant du principe d’indivisibilité du peuple réside dans
l’interdiction de distinguer au sein du peuple français différents peuples comme la loi
sur le statut de la Corse distinguait le peuple Corse. Cependant, ce principe ne
s’oppose pas à la reconnaissance des « populations d’outre-mer » dans la mesure où la
Constitution elle-même procède à cette distinction. En effet, le préambule de la
Constitution de 1958 prévoit qu’ « en vertu de ces principes et de celui de la libre
détermination des peuples, la République offre aux territoires d’outre-mer qui
manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal
commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution
démocratique ». Le préambule de la Constitution reconnait le droit à
l’autodétermination et à la libre expression de leur volonté aux « peuples d’outre-
mer » en les distinguant du reste du peuple français. La Constitution était assez
ambigüe sur ce point et pour certains auteurs il fallait entendre cette expression de
« peuple » seulement comme un synonyme de « population ». Cela semble confirmé
par le pouvoir constituant en 2003 qui a inscrit à l’article 72-3 le fait que la
République « reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans
un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ». Il n’est pas fait mention ici de
peuple mais de population.

- Deuxième point, le principe d’unicité du peuple français implique non seulement


qu’on ne peut établir de distinction entre différents peuples au sein du peuple français
mais également qu’on ne peut pas distinguer des minorités au sein de ce peuple. La loi
ne saurait, afin de leur attacher des droits particuliers, distinguer des minorités
ethniques, religieuses, ou linguistiques. Une telle démarche violerait l’unicité du
peuple français.

Ainsi, lorsque le Conseil constitutionnel a été amené à contrôler la Charte européenne


des langues régionales ou minoritaire qui tendait à confier certains droits spécifiques
aux personnes pratiquant une langue régionale ou minoritaire, il déclara ces
dispositions contraires au principe d’unicité du peuple français. CC, 99-412 DC du 25
juin 1999. A l’origine et de la même manière, le principe d’unicité du peuple français
s’opposait à la distinction, au sein du peuple, entre les hommes et les femmes. Ainsi,
en 1982 (82-146 DC), le Conseil constitutionnel fut conduit à contrôler la loi qui
établissait des quotas par sexe dans la composition de listes électorales pour les
élections municipales. Cette dernière prévoyait que pour les communes de plus de
3500 habitants, les listes de candidats ne pouvaient comprendre plus de 75% de
candidats du même sexe. Cela visait à accroître la présence des femmes au sein de ces
listes. Pour autant, le Conseil dans sa décision Quotas par sexe a censuré ces
dispositions au motif qu’une telle division par catégorie de citoyens méconnait le
principe d’indivisibilité du peuple. Le Conseil jugea dans le même sens en déclarant
contraire à la Constitution l’institution de la parité pour les élections régionales dans sa
décision Élection des conseillers régionaux de 1999 (98-407 DC). La mise en place de
la parité pour les élections politiques majeures a donc nécessité une révision
constitutionnelle en 1999. Fut alors rajouté à l’article 1 de la Constitution la formule
suivante : « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives ».

Ce n’est pas la seule fois ou le pouvoir constituant est intervenu pour surmonter une
violation du principe d’unicité du peuple français. Il l’a également fait pour la
Nouvelle-Calédonie dont le statut reconnaît des droits spécifiques à la minorité Kanak
ce qui a nécessité une révision constitutionnelle.

- Dernier point, l’unicité du peuple français contribue même à assurer l’unicité de la


représentation de ce peuple. En effet, le peuple étant indivisible, sa représentation ne
saurait être divisée. Ainsi, le peuple a droit à une représentation égale et
indifférenciée. Ainsi, la loi portant statut de la Corse avait prévu au profit des
parlementaires Corses certaines prérogatives particulières ce que le Conseil avait jugé
contraire à la Constitution.

C. L’indivisibilité du territoire

Quand on évoque le principe d’indivisibilité du territoire il est nécessaire de lever une


ambiguïté. L’objet de ce principe n’est pas de cristalliser le territoire national, de le fixer en le
rendant intangible mais simplement de s’assurer que le droit soit appliqué uniformément sur
l’ensemble du territoire.

La Constitution n’a pas vocation à figer le territoire, elle reconnait d’ailleurs le droit de
sécession c'est-à-dire le droit, pour un territoire, de cesser d’appartenir à l’État français. La
Constitution de 1958 avait d’ailleurs, à l’origine, laissé le choix aux territoires d’outre-mer
soit d’accepter la Constitution soit d’accéder à l’indépendance (Refus seulement de la Guinée
qui a accédé à l’indépendance).
Le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle du droit de sécession dans sa
décision n° 75-59 DC du 30 décembre 1975. Il était alors saisi d’une loi sur
l’autodétermination des îles Comores et cela pour la première fois car il ne fut jamais saisi
pour les cas antérieurs des départements français d’Algérie et du Sahara (1962) et des
territoires français de Somalie (1967). Le Conseil admet alors qu’un territoire peut faire
sécession et il précisa en 1987 (87-226 DC) dans sa décision Consultation des populations
calédoniennes que ce droit résultait des principes de libre détermination des peuples et de
libre manifestation de leur volonté prévus pour les territoires d’outre-mer par l’alinéa 2 du
préambule de la Constitution.

Cependant, ce droit semble limité à l’outre-mer.


De plus il est encadré par quatre conditions :
- L’initiative doit émaner des autorités compétentes de la République.
- Le processus doit s’inscrire dans le cadre de la Constitution ce qui exclut l’application du
droit international pour ce faire.
- Les populations locales doivent être consultées à travers une question qui doit être loyale,
claire et ne comporter aucune équivoque.
- Enfin, le Parlement doit autoriser la sécession et fixer ses conditions d’application.
Le principe d’indivisibilité du territoire n’implique donc pas que le territoire ne puisse en
aucun cas changer, il implique en revanche que les droits doivent s’appliquer de manière
uniforme sur l’ensemble du territoire.

Le principe d’indivisibilité du territoire implique que le droit doit s’appliquer de manière


uniforme, homogène, sur le territoire, sans qu’une portion ou différentes portions de ce
territoire ne soient régies par des règles différentes du reste. Cependant, ce principe supporte
certaines atténuations que nous avons déjà évoquées telles que les adaptations législatives des
collectivités d’outre-mer, le droit à l’expérimentation des collectivités territoriales. Ce type de
possibilités offertes à certaines collectivités font que la loi peut ne pas être appliquée de la
même manière sur l’ensemble du territoire. De manière plus générale, le législateur peut
parfaitement décider d’adapter certaines dispositions législatives à des particularismes locaux
à tel point que Louis Favoreu a pu parler d’État « pluri-législatif », le Conseil constitutionnel
ne jugeant pas ce type de législation attentatoire à l’indivisibilité du territoire. Cependant,
cette tendance ne peut aller trop loin et deux domaines ne peuvent supporter de telles
différenciations sur le territoire de la République.

- Le premier domaine concerne les libertés publiques et les droits fondamentaux. Le


Conseil constitutionnel affirme dans une jurisprudence constante que l’application
d’une loi relative aux libertés publiques ne peut dépendre des décisions des
collectivités. Tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence, doivent pouvoir
bénéficier des mêmes libertés : liberté de conscience et de religion, liberté
d’association, liberté d’enseignement, liberté sexuelle…

- Le second domaine concerne la solidarité nationale. En effet, le Conseil


constitutionnel a jugé dans sa décision Prestation dépendance vieillesse du 21 janvier
1997 que le transfert à des collectivités locales de compétences en matière de
prestations sociales ne pouvait se faire qu’à condition que le législateur ait prévenu
d’éventuelles ruptures caractérisées du principe d’égalité. En effet, dès lors que des
personnes ont droit à certaines prestations sociales au titre de la solidarité nationale, on
ne pourrait accepter que cette solidarité ne s’exprime pas de la même manière sur
l’ensemble du territoire.
§2. La libre administration des collectivités territoriales

La libre administration des collectivités locales est consacrée par la Constitution :


- Article 34 C. : « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration
des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources »
- Article 72 C. : « dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales
s’administrent librement par des conseils élus ».
Les références que ces dispositions font à la loi signifient que les règles touchant à la libre
administration et aux compétences des collectivités et à leurs ressources doivent être fixées
par la loi. Le législateur doit cependant respecter certaines exigences constitutionnelles.

On peut ainsi identifier trois composantes de la libre administration :

A. Une composante institutionnelle

L’article 72, comme nous l’avons déjà évoqué, dispose que dans les conditions prévues par la
loi, les collectivités locales s’administrent librement par des conseils élus. Cette garantie
institutionnelle appelle donc les citoyens français à élire les membres de leurs conseils
municipaux (communes), de leurs conseils départementaux (département) et de leurs conseils
régionaux (région). En effet, pour qu’une collectivité puisse prétendre à une administration
libre, il est nécessaire que son assemblée délibérante soit élue par la population qui compose
cette collectivité. Cela implique, en quelque sorte, que les affaires de la collectivité soient
gérées par les intéressés eux même.

Sur cet aspect, il convient de préciser quatre points :

- La Constitution impose l’élection de l’assemblée délibérante d’une collectivité et de toute


l’assemblée délibérante. Ainsi, il n’est pas possible de trouver une assemblée qui serait
composée à la fois de membres élus et de membres nommés par exemple.

- La Constitution prévoit ici un minimum visant à assurer la libre administration. Elle


n’impose l’élection que des assemblées délibérantes des collectivités et pas des organes
exécutifs. Cependant, la loi est allée au-delà de ce minimum prévu par la Constitution
notamment la loi du 2 mars 1982 qui impose l’élection de l’ensemble des organes des
collectivités locales.

- La Constitution n’impose pas un mode de scrutin particulier pour l’élection, elle n’impose
notamment pas qu’elle ait lieu au suffrage universel direct.

- Enfin, le Conseil constitutionnel impose une certaine régularité dans ces élections des
assemblées délibérantes sans pour autant fixer un délai précis. En effet, dans sa décision
Renouvellement triennal des conseillers généraux de 1994 (13 janvier- 93-331 DC), le
Conseil précise que « les électeurs doivent être appelés à exercer leur droit de suffrage pour la
désignation des membres des conseils élus des collectivités territoriales selon une périodicité
raisonnable ».
B. Une composante financière

La libre administration implique aussi l’autonomie financière des collectivités, celles-ci


devant disposer de ressources budgétaires leur permettant d’exercer leurs compétences. De
plus, il appartient à la collectivité concernée d’affecter de manière libre les ressources qui sont
à sa disposition pour assurer les actions de son choix. Pour autant, le législateur peut parfois
fixer des dépenses obligatoires mais cela doit se faire dans une certaine mesure. De plus, le
Conseil ajoute que ces dépenses obligatoires doivent être définies avec précision quant à leur
objet et à leur portée.

Ainsi, le législateur ne peut supprimer certaines ressources des collectivités locales sous peine
de méconnaître leur libre administration.

- Depuis la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, l’article 72-2 C. prévoit que les
ressources propres des collectivités doivent représenter une part déterminante de l’ensemble
de leurs ressources. Cette disposition vise à endiguer un phénomène qui consistait, pour le
législateur, à diminuer les ressources propres des collectivités notamment les impôts locaux,
c'est-à-dire les ressources qu’elles perçoivent directement, elles-mêmes, pour les remplacer
par des dotations de l’État. Ainsi, depuis 2003, au sein de l’ensemble des ressources d’une
collectivité, leurs ressources propres doivent être présentes dans une proportion déterminante
ce qui assure leur autonomie financière.

- Enfin, le législateur, en vertu de l’article 72-2 C., est dans l’obligation, pour chaque nouveau
transfert de compétence entre l’État et les collectivités locales, de prévoir les ressources
nécessaires pour les collectivités concernées afin qu’elles puissent mettre en œuvre, librement
bien sûr, les nouvelles compétences dont elles ont la charge.

C. Une composante juridique

Cette composante juridique de la libre administration des collectivités locales implique deux
éléments : un pouvoir règlementaire local et une liberté contractuelle

- Le pouvoir règlementaire local. Celui-ci est expressément prévu par la Constitution


depuis la révision constitutionnelle de 2003. Depuis lors, l’article 72 alinéa 3 de la
Constitution dispose que « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités (…)
disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Ce
pouvoir consiste pour les collectivités locales, uniquement dans le cadre de leurs
compétences, à pouvoir prendre des mesures de portée générale et impersonnelle à
travers des actes règlementaires. Ce pouvoir règlementaire local confié aux
collectivités participe à la libre administration de ces dernières car cette dévolution
vise à leur donner les moyens de mettre en œuvre leurs compétences. Les collectivités
sont ici habilitées par la loi.
Attention : le pouvoir règlementaire local ne constitue pas un pouvoir normatif
autonome qui se situerait en dehors du domaine d’intervention du législateur. Ce
pouvoir, au contraire, est confié par le législateur, aux collectivités locales, l’article 72
alinéa 3 précisant bien que les collectivités locales disposent d’un pouvoir
règlementaire « dans les conditions prévues par la loi ». On dit que les collectivités
territoriales sont « habilitées » par le législateur. Par ailleurs, ce pouvoir règlementaire
local n’empiète pas sur le pouvoir règlementaire national attribué par l’article 21 de la
Constitution au Premier ministre et au Président de la République en vertu de l’article
13.

- La liberté contractuelle. Cette liberté fut clairement affirmée au profit des collectivités
locales par la Conseil constitutionnel dans sa décision de 1993 Prévention de la
corruption (92-316 DC). Celle-ci s’impose donc au législateur et implique que les
collectivités puissent sans contraintes excessives conclure des contrats en négociant et
en appréciant librement l’opportunité de ces contrats. Dans le cas contraire, sera
atteinte la libre administration des collectivités locales.

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