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Dans son œuvre, La Faillite de l'enseignement (1937), Jules Payot déclare que « La première réforme

devra être une intelligente décentralisation. » D’où la nécessité de définir la notion d’état unitaire
centralisé et de décentralisation, ainsi que les conséquences que portent les différents degrés de
décentralisation sur l’unité des états. Par définition, l’État unitaire centralisé est un système politique où
l'application d'une loi identique à tous les citoyens est assurée et garantie par la concentration du
pouvoir au seul échelon national. Dans un État unitaire centralisé, toutes les décisions sont prises par
l'État au niveau central. Il n'existe qu'une seule personne morale de droit public et qu’une
seule législation nationale, l'État, qui possède encore une personnalité juridique et un pouvoir
discrétionnaire totale, or un pouvoir de décision que nul peut contraindre, et une mono-constitution.
L’unité de l’état se caractérise de même par une affirmation constitutionnelle de son indivisibilité et de
sa souveraineté comme en France, en Espagne et en Italie, ou même par une assurance dans le cadre
des normes légales en cas d’état à constitution orale comme la Grande Bretagne, ainsi que par une
existence d’un système juridique hiérarchisé vide de superpositions de plusieurs ordres juridictionnels.
Pour Pierre Pactet, un État unitaire correspond à « celui qui sur son territoire et pour la population qui y
vit ne comporte qu’une seule organisation politique et juridique dotée, et elle seule, de la plénitude de
sa souveraineté ». Le système centralisé peut parfois être inefficace, d’où son éloignement du peuple et
son inhabilité de compléter toutes les demandes administratives et répondre aux besoins de la
population. Cependant, les États unitaires ne sont pas automatiquement centralisés, c’est ce qui mène à
l’émergence de la décentralisation. La décentralisation est en principe une politique de transfert des
attributions de l’état vers des collectivités territoriales ou des institutions publiques pour qu’elles
disposent d’un pouvoir juridique et d’une certaine autonomie. Le transfert de ces attributions, qui
restent néanmoins sous la surveillance de l'État, permet à ce dernier de décharger ses administrations
centrales et de confier les responsabilités au niveau le plus adapté. Les États ont recours à la
décentralisation de manière plus ou moins forte. En fonction de l’intensité du contrôle de l’état sur les
collectivités territoriales, la centralisation va elle aussi varier entre poussée et limitée. Moins il y a de
contrôle, plus il y a de décentralisation. A cause de ce qui précède, certains pays jugent, négativement,
l’application de décentralisation comme étant une approche indirecte vers le fédéralisme, c’est-à-dire
des entités territoriales qui possède une forte autonomie dans un État fédéral, menaçant donc le
principe d’état unitaire centralisé. Cette théorie souleva des questions concernant l’effet de la
décentralisation, avancée soit-elle ou restreinte, sur l’unité de l’état. Par suite, la décentralisation
remet-elle en cause l’indivisibilité de l’état ? Les différents degrés de cet aménagement sont-ils des pas
vers un état composé ? Afin qu’une réponse claire soit trouvée, il conviendra dans un premier temps à
développer le rôle de l'État dans la décentralisation (I), puis d'évoquer le mouvement vers l’amélioration
systématique qu'engendre la décentralisation (II).

Partie I : L’Etat, gardien de l’indivisibilité.

L'indivisibilité de l'État signifie que le territoire national, y compris sa population, est considéré comme
un tout indivisible (A), et que l'État a pour mission de préserver cette unité malgré l’institution de la
décentralisation (B).

A) - L'indivisibilité, notion égalitaire à base constitutionnelle

L'indivisibilité de l'État est un concept visant à dire que l'État est une entité unique et souveraine, et qu'il
ne peut pas être divisé en entités indépendantes ou autonomes. Cela signifie que l'autorité de l'État
s'exerce de manière uniforme sur l'ensemble de son territoire, et que toutes les régions ou entités au
sein de l'État sont soumises à la même autorité centrale. Un transfert des compétences tel que réalisé
dans un État décentralisé nécessite un encadrement juridique et constitutionnel pour garantir son bon
fonctionnement. Dès l’article 1er de la constitution française, il est disposé que « La France est une
République indivisible, laïque, démocratique et sociale (…) Son organisation est décentralisée ». De
même, l’Article 2 de la Constitution Espagnole affirme que « La Constitution a pour fondement l’unité
indissoluble de la Nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. Elle reconnaît
et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre
elles. », l’Article 5 de la Constitution Italienne qui stipule que « La république, une et indivisible,
reconnaît et favorise les autonomies locales; elle effectue dans les services qui dépendent de l'État la
plus large décentralisation administrative, elle harmonise les principes et les méthodes de sa législation
avec des exigences de l'autonomie et de la décentralisation ». Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d'Irlande du Nord se classe parmi les États unitaires, bien qu'il n'existe pas d'État britannique, au sens
français, mais quatre « Local Government » et états-nations dont chacune a une relation distincte avec
le pouvoir central. Ces quatre nations ont gardé des éléments importants de leurs institutions, cultures
et droits historiques, même si elles sont assujetties au même Parlement central, à Westminster.
L'indivisibilité de l'État décentralisé est en effet une notion qui vise à combiner l'indivisibilité de l'État
avec une certaine décentralisation du pouvoir. Dans un État décentralisé, l'autorité politique est répartie
entre le gouvernement central et les gouvernements régionaux ou locaux, tout en préservant l'unité de
l'État. Cette approche peut être considérée comme une manière d'atteindre une forme d'égalité
territoriale. Dans un État décentralisé, les régions ou les entités locales peuvent bénéficier d'une
certaine autonomie dans la gestion de leurs affaires locales, tout en restant soumises à l'autorité de
l'État central pour les questions de compétence nationale. Cela permet de prendre en compte les
particularités régionales, culturelles, économiques et sociales tout en maintenant l'unité de l'État. L'idée
sous-jacente est que la décentralisation peut contribuer à une certaine égalité territoriale en permettant
aux régions de participer à la prise de décision et à la gestion de leurs affaires locales, tout en
bénéficiant de la protection de l'État central pour garantir l'égalité des droits et des opportunités pour
tous les citoyens, où qu'ils résident sur le territoire de l'État.

B) - Le contrôle de l'État, condition de la décentralisation

Même si les collectivités territoriales possèdent une autonomie et jouissent d’une personnalité
juridique, elles restent soumises à certains contrôles imposés par l’état central. En vertu du principe
d'indivisibilité de la République, les actes des collectivités territoriales doivent respecter l'ordre juridique
et la Constitution. Le contrôle des actes des collectivités décentralisées est rendu nécessaire par le
principe d'indivisibilité de la République qui parait dans l’article 1er de la Constitution Française, l’article
2 de la Constitution Espagnole et l’article 5 de la Constitution Italienne. C'est par les services
préfectoraux que l'État opère ce contrôle. Ce contrôle est une composante fondamentale de la
décentralisation et est par ailleurs une des conditions d'existence de cette décentralisation. A l'occasion
de l'examen de la loi du 2 mars 1982 en France, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 82-137 DC
du 25 février 1982, ne déclare pas le principe de libre administration inconstitutionnel qu’à condition
que le contrôle administratif « permette d'assurer le respect des lois et, plus généralement, la
sauvegarde des intérêts nationaux ». Ce principe implique que la loi et les décrets nationaux, édictés par
des autorités centrales qui sont le Parlement ou le pouvoir exécutif, soient respectés par les autorités
publiques locales. L’article 72 alinéa 6 de la Constitution Française prévoit que "dans les collectivités
territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du
Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois".
Néanmoins, ce contrôle doit également respecter le principe de libre administration des collectivités qui
a aussi valeur constitutionnelle. Il ne doit donc pas revêtir les mêmes caractéristiques que le contrôle
hiérarchique exercé par des autorités supérieures de l’État sur des autorités subordonnées. Cet équilibre
entre la liberté et le contrôle a été rappelé par le Conseil constitutionnel en France, Italie, Espagne et
même en Angleterre. L’état central exerce notamment un contrôle à triple critères. Premièrement, les
actes des collectivités territoriales peuvent être annulés après leur entrée en vigueur, uniquement par
les juridictions administratives, reconnue comme un contrôle a posteriori non plus a priori, ce qui
empêche un contrôle d’opportunités sur certains projets et renforce l’idée de libre administration des
collectivités locales. En seconde place, vient le contrôle juridictionnel qui déclare que les juridictions
administratives sont désormais seules compétentes pour annuler les actes contraires à la légalité, d’où
certains actes (relatifs à l'urbanisme ou la commande publique par exemple) doivent obligatoirement
être transmis aux services préfectoraux qui procèdent à un contrôle de légalité. Finalement, les entités
locales sont soumises à un contrôle de légalité dont le but est d’assurer la cohérence et conformité des
lois par rapport à la constitution. De plus, l'État doit veiller à ce que la décentralisation soit mise en
œuvre de manière uniforme et équitable sur l'ensemble du territoire puisqu’il joue un rôle de
coordination entre les différents niveaux de gouvernement pour assurer la cohérence des politiques
publiques. Il peut être nécessaire de coordonner les actions des gouvernements locaux ou régionaux
pour résoudre des problèmes qui dépassent les frontières administratives, et s’assurer que ces derniers
utilisent les ressources qui leur sont confiées suite à la répartition des ressources financières entre les
différents niveaux de gouvernement. Cela garantit que les citoyens bénéficient de services publics de
qualité, quelle que soit leur région de résidence. Cette conservation de souveraineté protège l’unité
étatique et populaire.

Le contrôle de l'État a pour avantage de ne pas faire basculer l'État unitaire en un État qui
s'apparenterait à un État fédéral suite à sa décentralisation. En résumé, le contrôle de l'État est
nécessaire pour garantir que la décentralisation se déroule de manière ordonnée, légale, équitable et
efficace.

Partie II : La décentralisation, un mouvement vers l’amélioration systématique

Il est important de trouver un équilibre entre le contrôle de l'État et l'autonomie des gouvernements
locaux ou régionaux, afin de permettre une véritable décentralisation démocratique (A) et des
conséquences agréables (B).

A) - La démocratie locale : moyen de la libre administration

La démocratie locale est en effet un moyen essentiel de promouvoir la libre administration au niveau
local. La libre administration est un principe constitutionnalisé et fondamental en droit administratif et
politique, qui reconnaît aux collectivités locales, telles que les municipalités, les régions, ou les districts,
le droit de gérer leurs affaires et de prendre des décisions autonomes dans le cadre de la loi. La
démocratie locale, quant à elle, repose sur la participation citoyenne et le respect des processus
démocratiques au niveau local, cela a l’aide de la décentralisation qui peut prendre différentes formes,
notamment la dévolution de pouvoirs législatifs, administratifs et financiers. La décentralisation
politique implique le transfert de compétences décisionnelles des niveaux supérieurs de gouvernement
vers les collectivités locales, permet aux résidents locaux de participer à la prise de décisions au niveau
de leur collectivité, contribuant ainsi à la gestion des compétences décentralisées aboutissant au
renforcement de la libre administration car les collectivités locales ont davantage de pouvoir pour
façonner leurs politiques en fonction de leurs besoins et de leurs préférences, tout en respectant les lois
nationales. La décentralisation fiscale consiste à transférer une partie des ressources fiscales aux
collectivités locales, ce qui leur permet de financer leurs activités et services. Cette dernière devient
d'autant plus significative lorsque les collectivités locales ont un pouvoir décisionnel sur la levée et
l'utilisation des impôts locaux ce qui renforce la libre administration en permettant aux collectivités de
mobiliser des ressources pour répondre à leurs besoins locaux sans une dépendance excessive vis-à-vis
des transferts financiers du gouvernement central. Alors que la décentralisation administrative implique
la délégation de la gestion des services publics locaux aux collectivités locales, y compris la prestation de
services de santé, d'éducation et d'autres services sociaux. La démocratie locale garantit que les citoyens
locaux ont leur mot à dire dans la prestation de ces services et peuvent influencer les politiques locales
qui les régissent. Et la libre administration est favorisée car les collectivités locales peuvent adapter la
prestation de services en fonction des besoins de leur communauté, améliorant ainsi l'efficacité et la
qualité des services publics.

Cette combinaison renforce la gouvernance locale et favorise la démocratie tout en respectant le


principe de libre administration et en adhérant à la constitution.

B) – Des conséquences agréables

La Grande-Bretagne n'a pas connu de processus de décentralisation comparable à l'Espagne, l'Italie et la


France, car le Royaume-Uni est essentiellement un État unitaire. Cependant, l'Écosse, le Pays de Galles
et l'Irlande du Nord ont des degrés variables d'autonomie, notamment des pouvoirs législatifs délégués,
et ils ont vu des résultats positifs grâce à ces processus d'autonomie. La décentralisation en Espagne a
permis de reconnaître et de promouvoir les cultures et les langues régionales, telles que le catalan, le
basque et le galicien. Les communautés autonomes gèrent des domaines tels que l'éducation, la santé
et le développement économique, ce qui a permis une meilleure adaptation aux besoins locaux. Par
suite, les citoyens ont un rôle plus actif dans la prise de décisions locales, renforçant ainsi la participation
politique. En Italie, la décentralisation a contribué à la reconnaissance et à la préservation des identités
culturelles et linguistiques dans les régions italiennes qui sont à présent autonomes et ont la possibilité
de gérer leurs services publics locaux, ce qui a amélioré la qualité de ces services. Ainsi que certaines
régions ont profité de la décentralisation pour mettre en place des politiques de développement
économique spécifiques à leurs besoins. Alors qu’en France, la décentralisation a permis aux citoyens
d'interagir plus directement avec leurs élus locaux et d'influencer les politiques locales ce qui a favorisé
une gestion plus efficace des services publics locaux, en permettant une adaptation aux besoins
spécifiques des régions, et une meilleure valorisation des différentes communautés en reconnaissant
leurs spécificités culturelles et économiques.
En conclusion, la décentralisation est une reforme indispensable pour améliorer et garantir un bon
fonctionnement de l’état, qui à son tour, s’assure de la légalité et constitutionnalité des décisions des
entités locales. Cette approche n’est d’aucune façon menaçante en ce qui concerne l’unité de l’état
puisqu’un changement de constitution est presque impossible.

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