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Sujet : « En se fédérant, un état abandonne-t-il sa souveraineté ?

« La souveraineté est le pouvoir de commander et de contraindre sans n’être condamné ni contraint. »


Cette citation est extraite des Six Livres de la République de Jean Bodin, un jurisconsulte et théoricien
politique du XVIe siècle. Cette citation soulève la nécessité de définir l’état fédéral et la notion de
souveraineté dans ces états. La notion de souveraineté est le concept de base de toute dialectique en
droit public. Pour que naisse un État, il doit y avoir réunion de trois éléments essentiels : un élément
charnel, la population ; un élément matériel, le territoire ; un élément juridique, la souveraineté. Pour
que l'État existe, il est fondamental que la population accepte que son comportement soit réglementé
par une autorité supérieure chargée de voir au respect de l'intérêt public. La souveraineté est
l'expression juridique de cette puissance au-dessus des intérêts particuliers et s’exprime par deux
niveaux, le premier interne et l’autre externe et lui permet d’exercer une autorité qu'elle soit législative,
exécutive ou judiciaire sur cette population et ce territoire. Il est habituel de distinguer deux formes
d’Etat, l’Etat fédéral et l’Etat unitaire. Qu’il soit l’un ou l’autre, il est régi par le principe de souveraineté :
chaque Etat est maître de son organisation politique sur son territoire et seul un Etat peut passer des
traités ou conventions internationales avec un autre Etat. Or, l’état fédéral, par son institution, fut le
sujet de débat en termes de souveraineté. L’Etat fédéral se distingue de l’Etat unitaire dans la forme de
l’organisation politique sur son territoire. Par définition, un État fédéral est un État composé de plusieurs
entités fédérées autonomes dotées de leur propre organisation et de leur propre gouvernement.
Autrement dit c'est un État constitué de sous-États autonomes. Chaque membre fédéré, dispose d'une
large autonomie garantie par sa Constitution, qui répartit les compétences entre les niveaux fédéral et
fédéré. Le principe d'autonomie dont se comblent les états fédérés est relié au concept de souveraineté,
et a suscité des discussions fort vives par rapport au partage ou même l’abandonnement du pouvoir
suprême de l’état fédéral en face des états fédérés qui le constituent. Où réside donc la souveraineté
dans un État fédéral ? La complexité de ce sujet sera clôturée par la négation de la souveraineté absolue
dans un état fédéral (Partie I) et par la persistance d’une prééminence de l’entité fédérale (Partie II) dans
ces états.

Partie I : La négation de la souveraineté absolue dans un état fédéral.

Un État fédéral se compose à la fois d'un État central et d'États fédérés. L'État fédéral organise
l'ensemble du territoire de l'État alors qu'un État fédéré administre une partie limitée du territoire de
l'État central. Cette compétence administrative et politique a exigé l’explication de l’organisation d’une
autorité fédérée au niveau interne (A) dans les états fédéraux qui implique, par suite, la consécration de
l’autonomie des états fédérés(B) face à l’état fédéral.

A) - Une autorité fédérée au niveau interne.

Les États fédérés ont gardé les apparences et la réalité d'un Etat avec une constitution, un
Parlement, des tribunaux. C'est une construction à deux étages. Au premier niveau figurent les
États membres ou Etats fédérés, au niveau supérieur se trouve l'Etat fédéral où fédération qui
enveloppe les États fédérés mais ne les absorbent pas. L'Etat fédéré peut être considéré comme
une entité parfaitement autonome et participante dans les affaires internes de l’état fédéral.
Grace à leur autonomie, les états fédérés possèdent un pouvoir exécutif, législatif et juridique
limité par les frontières de leur territoire, ressemblant ainsi à la souveraineté exercée par l’état
fédéral lui-même. C’est ce qui est appelé les droits communs. Ceux-ci disposent du principe
d'autonomie considérant qu'ils sont assez compétents pour gérer leur propre affaire et établir
leur propre constitution. Gil Rémillard déclare que « Les États fédérés à l'intérieur de leur sphère
de compétences législatives sont tout aussi souverains que l'Etat fédéral ». Cela, dans des
mesures limitées par la constitution fédérale à laquelle nul état fédéré peut opposer. La
constitution fédérale organise la répartition des compétences qui sont partagées entre l’état
fédérale et l’état fédéré (pouvoir législatif, constitutif, juridique et exécutif), mais aussi les
compétences strictement admises par l’état fédérale. En effet, cette répartition de compétences
permet à chaque État fédéré de mettre en place une législation qui peut être différente de celle
de l’État fédéré voisin, tant qu’il ne s’agit pas des domaines de compétences réservés à l’État
fédéral. Plus concrètement cela se traduit, par exemple, aux États-Unis par des législations très
différentes en matière de peine de mort, d’avortement, de légalisation du mariage homosexuel
ou encore de législation sur les drogues etc… Aussi, chaque État fédéré peut avoir sa propre
Constitution et un fonctionnement institutionnel propre qui est souvent calqué sur celui de
l’entité fédérale. Là encore, l’exemple américain est parlant : dans chaque entité fédérée, on
retrouve un gouverneur (exécutif), un parlement (législatif), une cour suprême (judiciaire) etc.
Ce découpage contribue aussi à renforcer la séparation des pouvoirs. Les États fédérés
possèdent aussi un droit de participation à l’échelle fédérale.

B) – La consécration de l’autonomie des états fédérés.

L'Etat, étant une personne morale, il ne peut exister comme telle qu'en vertu d'un statut : c'est
la constitution. Elle organise et définie le rôle et les compétences des entités territoriales et des
institutions. L'acte fondateur de l'Etat fédéral consacre l'autonomie des Etats fédérés en leur
octroyant l'autonomie financière, l'autonomie administrative, l'autonomie constitutionnelle et
l'autonomie législative, c'est-à-dire un large champ d'action pour l'administration et la gestion,
en théorie. Cette autonomie garantie à ces états le pouvoir de s’accommoder aux besoins ou
diversité de la population qu’ils gouvernent. Chaque Etat fédéré a sa propre constitution, élaboré
par son pouvoir constituant (assemblée constituante). Par cette constitution, l'Etat fédéré
organise ses institutions et légifère dans les domaines qui lui ont été dévolus (implicitement ou
explicitement) par la constitution fédérale, on parle d'une autonomie constitutionnelle
matérielle. Cela s'inscrit dans les garanties juridiques concernant leur autonomie. Elles
organisent leurs pouvoirs publics dans le respect de la constitution fédérale. Ceci dit, la
constitution des Etats fédérés varie d'un Etat à un autre, l'organisation interne aussi y est conçue
différemment que ce soit pour l'administration, la gestion ou le mode de scrutin. En guise
d’exemple, la reconnaissance et protection des droits fondamentaux figurent principalement
dans la Déclaration des droits, dans les dix premiers amendements de la Constitution
Américaine, et dans certains des dix-sept amendements adoptés par la suite. Cette autonomie
garantie à ces états fédérés le droit de participation à l’échelle fédérale. La participation des États
fédérés au sein du pouvoir législatif fédéral se traduit par un parlement bicaméral, c’est-à-dire
composé de deux chambres. Généralement, une des chambres représente la population pour
l’ensemble de l’État fédéral : aux États-Unis, il s’agit de la Chambre des représentants (House of
Representatives). L’autre chambre représente, quant à elle, les États fédérés, les territoires : le
Sénat. Plus rarement, les États fédérés sont également amenés à participer au pouvoir exécutif
de l’État fédéral et y sont représentés. La participation des États fédérés au pouvoir exécutif est
plus rare. C’est principalement en Suisse que les États fédérés participent au pouvoir exécutif de
l’État fédéral.

Malgré la place des États fédérés et leurs compétences, l’État fédéral reste largement
prééminent dans son fonctionnement institutionnel.

Partie II : La persistance d’une prééminence de l’entité fédérale.

Les États fédérés possèdent un champ de pouvoir vaste qui se superpose à la souveraineté fédérale sur
son territoire, au niveau législatif, constitutionnel et juridique. Cette superposition de pouvoir a mené
l’état fédéral à clarifier sa détention de souveraineté primordiale, en régulant les limites du cadre de
compétences dans lequel s’applique la souveraineté des états fédérés. Parmi les différentes approches
de l’état fédéral, se posent le principe de superposition hiérarchique (A) et le rôle immuablement
incontournable de la Cour Constitutionnelle (B).

A) – Le principe de superposition hiérarchique

En effet, ce qui fait qu'un état est fédéral, c'est avant tout le partage des compétences entre
un gouvernement central et les gouvernements régionaux. Cependant, la règle de base de
ce partage est à l'effet que ce qui est d'intérêt national doit relever de la compétence de
l'autorité centrale et ce qui est d'intérêt local doit appartenir aux gouvernements régionaux.
Bien que cette règle puisse poser évidemment des difficultés d'application qui font partie du
compromis fédéral, elle fait néanmoins ressortir essentiellement une certaine hiérarchie des
pouvoirs. Or toute hiérarchie implique les notions de supériorité et d'infériorité et, par
conséquent, celle de prépondérance. L’Etat fédéral est supérieur aux unités fédérées, c’est le
principe de la Suprématie. L'article VI alinéa 2 ou clause de suprématie (Supremacy clause)
de la Constitution Fédérale des Etats-Unis, pose le principe de la suprématie fédérale en
déclarant que « la Constitution et les lois des États-Unis qui serviront à sa mise en œuvre et
tous les traités déjà conclus sous l'autorité des États-Unis constitueront la loi suprême du
pays ; ils s'imposeront aux juges de chaque État, en dépit de toute disposition contraire dans
la Constitution ou les lois de l'État ». Ainsi, en cas de conflit entre l'intérêt national et un ou
des intérêts régionaux, l'intérêt national a prépondérance et s'impose aux intérêts
régionaux. Ainsi deux ordres juridiques se superposent, celui du niveau fédéré et celui du
niveau fédéral. Dans ses domaines de compétence, le droit fédéral bénéficie de
la primauté et d'une applicabilité immédiate sur celui des Etat fédérés. Ceci suppose que le
droit des Etats fédérés doit concorder et être conforme au droit fédéral. Toutefois, si cette
autonomie est garantie par la Constitution et le juge constitutionnel, il convient également
de souligner qu’elle est encadrée selon un modèle de répartition des compétences fixé par le
constituant fédéral. Ainsi, dans le modèle dominant, les entités fédérées bénéficient d'une
compétence de principe alors que la fédération ne bénéficie que d'une compétence
d'attribution. Cela signifie que le constituant a entendu fixer au sein de la Constitution
fédérale une liste de matières qui seront expressément réservées au niveau fédéral. En effet,
les fonctions régaliennes et donc les compétences relatives à la monnaie, à la conduite des
affaires étrangères, à la défense… (c'est-à-dire celles relatives aux attributs essentiels de
l'Etat), sont confiées au niveau fédéral. Assurément, d’après les travaux de Gil Rémillard en
émerge : «la personnalité internationale n'appartient qu’à l’Etat fédéral », en outre
uniquement l'Etat fédéral pourrait s'engager dans l'ordre juridique international lui seul
aurait « la capacité d'avoir des droits et des obligations découlant du droit international. »
Dans cette optique, l'étendue des compétences est plus importante d'un point de vue
qualitatif en faveur de la fédération.

B) -Le rôle immuablement incontournable de la Cour Constitutionnelle.

En principe, il n'y a pas de contrôle fédéral sur l'exercice des compétences des institutions ou
d'autorité fédérées, les juges peuvent cependant leur imposer le respect des règles
fédérales. Bien que les Etat fédérés soient dotés d'un pouvoir constituant qui leur donne la
possibilité de créer des normes juridiques s'appliquant seulement sur leur territoire, il reste
que la suprématie de la loi fédérale est évidente et s'impose dès sa promulgation. Cela
implique qu’en cas d’empiètement du niveau fédéral sur une des matières relevant des
entités fédérées, le juge constitutionnel serait compétent alors pour le sanctionner. Il abroge
toutes les lois contraires : « le droit fédéral brise le droit des Etats ». Il est fréquent, qu'en
dehors des domaines réservés, la constitution prévoit des compétences concurrentes, avec
une priorité de l'Etat fédéral sur l'Etat fédéré. Les juridictions au sein de l'Etat fédéral jouent
un rôle essentiel pour régler les conflits de compétence entre les entités fédérées et la
fédération. Cependant, il est vrai que les juges ont pendant longtemps développé une
jurisprudence en faveur du niveau fédéral. A titre d’exemple, la Cour suprême américaine a
très souvent privilégié l’exercice des compétences par la fédération au détriment des états
fédérés et cela depuis l’arrêt Marbury V. Madison. Aussi, elle a dégagé la théorie des
compétences implicites à l’occasion de l’arrêt de 1819 McCulloch V. Maryland. Il s'agit d'une
interprétation audacieuse de l'article 1 section 8 qui dispose que le Congrès « peut faire
toute les lois nécessaires et propres à assurer la mise à exécution des pouvoirs énumérés ».
Ainsi, la justification avancée dans le cadre de cette extension des compétences par effet de
la jurisprudence de la Cour Suprême tient à l'intérêt général représenté par la fédération et
non pas par les entités fédérées qui, elles, représentent des intérêts locaux. Cela prouve que
l’autonomie des entités fédérées n’est pas un principe absolu et vérifiable sur le terrain de la
pratique.

En conclusion, la souveraineté est le pouvoir absolu dont un état peut posséder, une
attribution lui garantissant son indépendance, son pouvoir de contrainte sans être lui-même
contraint et sa reconnaissance dans le cadre international. Cela s’applique, dans ce cas,
uniquement sur l’état fédéral puisque les états fédérés sont soumis à la puissance fédérale.
Donc, la souveraineté réside, dans un état fédéral, avec l’état fédéral, tout en affirmant une
autonomie particulière aux composantes fédérées. Or, ne serait-il pas possible, qu’avec le
champ vaste de compétences attribuées aux états fédérés, que ces derniers demandent leur
propre indépendance et séparation de l’état fédéral, nuisant ainsi à l’unité de l’état ?

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