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IV- L’Etat :

L’Etat, toujours écrit avec un « E » majuscule, désigne la personne morale


de droit public ; il est une forme élaborée de la vie commune d'une société
humaine.
par extension, il comprend l'ensemble des institutions et des services qui
permettent de gouverner et d'administrer un pays : ministères, déconcentrées
ou décentralisées, etc.
Au sens étymologique, le mot « Etat » vient du latin status, qui signifie
forme de gouvernement, régime.
Il convient d’analyser, d’abord la définition de l’Etat, ensuite ses
différentes formes avant d’appréhender l’organisation des pouvoirs.

1- Définition
Selon R. Carré de Malberg (1861-1935), l’Etat est une communauté
d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où
résulte pour le groupe envisagé, dans ses rapports avec ses membres, une
puissance suprême d’action, de commandement et de coercition.
L’Etat existe donc dès lors que sont réunis trois éléments : un territoire
défini, une population vivant sur ce territoire et consentant à un pouvoir de
commandement et de contrainte (pouvoir politique). Si l’un de ces éléments
manque, l’Etat n’existe pas.

1-1- Un territoire délimité


Du latin « territorium », le terme territoire, dérivé de « terra », indique la
terre, le sol.
C'est une condition essentielle puisqu’il détermine le titre et le cadre de
compétence de l'État. Comme l’écrit Maurice Hauriou (1856-1929) : « l'État est
une corporation à base territoriale ».
Le territoire de l’Etat se compose de l’espace terrestre qui contribue à
fixer la population. Il implique une délimitation précise, en l’occurrence la
frontière. Celle-ci peut être naturelle (fleuve, rivière ou chaine de montagnes),
historique (par exemple la seconde guerre mondiale a fixé le découpage de
l’Allemagne) ou artificielle déterminée par un traité ou accord entre les Etats
limitrophes.
Hors de ses frontières, un État est présent par ses représentations
diplomatiques (ambassades et consulats) qui sont censées faire partie

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intégrante du territoire de l'État représenté et bénéficient à ce titre d'une
immunité juridique.
A ce territoire, il convient d’ajouter le territoire maritime pour les Etats
ayant un débouché sur les mers ou océans (Etats maritimes) et s’étendant
jusqu’à 12 milles des côtes : les eaux territoriales où l’Etat a un droit de pleine
souveraineté (1 mille = 1 852 mètres).

On reconnait aussi à l’Etat une zone économique exclusive (ZEE) dans


laquelle il a un droit de gestion des ressources. Au-delà de deux cent (200)
milles se trouve la haute mer, propriété collective de l’humanité.
Le territoire aérien, quant à lui, il s’étend à la colonne d’air située au
dessus des territoires terrestre et maritime, à l’exclusion de l’espace extra-
atmosphérique.

1-2- Une population déterminée


La population d'un État se présente comme un groupe humain identifié.
Elle est composée pour l’essentiel des nationaux, individus ayant la nationalité
de l’Etat (marocain, italien, américain, etc.) et des étrangers qui y séjournent,
tous soumis au même ordre juridique, expression de la souveraineté de l’État.
L’acquisition de la nationalité peut être favorisée ou rendue très difficile.
On distingue deux conceptions en la matière : l’une fondée sur « le droit du
sol » : un enfant né sur le territoire d’un Etat a la nationalité de cet Etat ; l’autre
basée sur « le droit du sang » : l’enfant a la nationalité de ses parents.
L’unité de la population résulte d'une certaine homogénéité entre
l'ensemble de ses membres grâce à des caractéristiques communes comme la
langue, la culture, l'histoire commune, etc.

Toutefois, de nombreux États sont fondés sur une diversité plus ou moins
contrastées de populations : pluralité de langues, d'ethnies, de religions.
La population d’un Etat dans sa diversité forme le peuple.
La nation se définit généralement comme un groupement humain dont
les membres sont unis les uns aux autres par des liens à la fois matériels
(langue, religion, histoire, culture, habitudes de vie) et spirituels (une même
volonté d’appartenir à une communauté unique).

1-3- Un pouvoir de contrainte


Le troisième élément constitutif d'un État est le pouvoir de contrainte et
de commandement, c'est-à-dire le pouvoir de fixer des règles juridiques et de
les faire appliquer par la force s’il le faut, à travers l'armée, la justice et la

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police. Il ne peut y avoir dans un Etat de pouvoirs de contrainte concurrents,
comme par exemple l’utilisation de la violence par des factions ou des groupes.

L’Etat est également chargé d’offrir des prestations d’intérêt général


appelées « mission de service public ».
Le concept d'État implique ainsi une organisation politique qui bénéficie
de la capacité de commander et de se faire obéir. Pour que cette organisation
puisse être obéie, elle doit être légitime et respecter les règles en vigueur dans
la société.

2- Les différentes formes d’Etat

Il existe des variétés différentes d’Etat. Généralement une distinction est


établie entre l’Etat unitaire ou simple et l’Etat composé. Le choix de la forme de
l’Etat est dicté par la réponse à apporter à la question des rapports entre le
central et le local.

2-1- L’Etat unitaire

Il s’oppose traditionnellement à l’Etat fédéral en ce sens que tous les


citoyens sont soumis à une seule organisation juridique et politique détenant
l'ensemble des attributs de la souveraineté. Un parlement unique légifère pour
l’ensemble de la population soumise à l’autorité d’un seul gouvernement. Le
droit en vigueur est partout le même sur tout le territoire de l’Etat.
C'est la forme la plus répandue d'État dans le monde. Le Maroc est un
Etat unitaire comme la France, la Chine, etc. L'Italie et l'Espagne sont aussi des
Etats unitaires mais avec une régionalisation poussée.
L’existence d'un niveau unique de gouvernement qui dispose seul du
pouvoir normatif n’empêche pas la présence de subdivisions territoriales qui
prennent le relais au niveau local avec une autonomie nulle ou très limitée et
placées sous le contrôle de l'Etat .

2-2- L’Etat composé

Dans ce cas, l’Etat est constitué d’un nombre d’unités qui se présentent
comme des Etats dépossédés de certains attributs de l’Etat, mais qui
entretiennent des liens d’union.

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2-2-1- La confédération

La confédération désigne une association de plusieurs Etats


indépendants qui, par un traité constitutif, confient l’exercice de certaines de
leurs compétences, à des organes communs. Les Etats confédérés ne
renoncent pas entièrement à leurs ouveraineté.
La confédération finit souvent par éclater au profit de ses Etats
membres ou évolue vers la fédération ou l’Etat fédéral.

Exemples de confédérations :
- La Confédération des États-Unis d’Amérique de 1777 à 1789,
- La République Arabe Unie (RAU) constituée de l'Égypte et de la Syrie
entre 1958 et 1961.
- La Confédération de Sénégambie (1982-1989)

2-2-2- L’Etat fédéral

Dans ce cas, l’Etat fédéral se présente comme « un Etat d’Etats », ce qui


implique la coexistence de deux sortes d’Etats : l’Etat fédéral (au sens strict) et
les Etats fédérés (membres de la fédération) entre lesquels il y a partage de
souveraineté, et de deux ordres juridiques.

Chaque Etat fédéré a sa propre constitution, son parlement, son


gouvernement (principe d’autonomie). Il dispose d’une véritable souveraineté
interne dans la mesure où il légifère dans des domaines aussi importants que la
fiscalité, l’enseignement, etc.

Toutefois, l’Etat fédéré est dépouillé des attributs de la souveraineté


externe puisqu’il n’a aucun pouvoir en matière de politique étrangère et n'a
pas, au sens du droit international, le statut d'État indépendant. Il ne dispose
pas d’armée.
Sur le plan interne, l’Etat fédéral exerce les compétences abandonnées
par les Etats fédérés au moment de la formation de la fédération. Il assure une
mission de coordination et d’harmonisation des règles juridiques émanant des
Etats fédérés. Ces derniers participent au fonctionnement de l’Etat fédéral,

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essentiellement dans le cadre du pouvoir législatif fédéral (principe de
participation). Le parlement, nécessairement bicaméral, comprend une
chambre représentant la population de la Fédération et l’autre les Etats
fédérés.
Sur le plan externe, seul l’Etat fédéral a une existence internationale et a
en charge la défense nationale.
Exemples d’Etats fédéraux : Etats-Unis, Allemagne, Russie, Inde, Canada,
Mexique, Brésil, Argentine, Nigeria, Australie, Suisse, Belgique.
D'un point de vue juridique, la fédération est fondée sur une constitution
et une souveraineté, tandis que la confédération d'Etats repose sur un traité
international.

3- L’organisation des pouvoirs

L’organisation politique de l’Etat a fait l’objet de controverses entre


philosophes politiques. Aux régimes de confusion des pouvoirs dans lesquels
tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un homme (dictature) ou
d’une assemblée (régime d’assemblée), s’opposent les régimes de séparation
des pouvoirs dans lesquels le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir
judiciaire sont confiés à des organes distincts.
3-1- Le principe de la séparation des pouvoirs
Aristote (384 av. JC-322 av. JC), en Grèce, J. Locke
(1632-1704) en Angleterre sont à l’origine de ce principe. Mais, c’est à travers
Montesquieu (1689-1755) que le principe de la séparation des pouvoirs est mieux
appréhendé.
Dans son ouvrage «De l’esprit des lois »(1748), Montesquieu essaie
d’identifier le meilleur système de gouvernement. Pour lui, le meilleur régime
politique où « il fait bon vivre [est celui où] le pouvoir arrête le pouvoir ». Dans
ce cas, tous les pouvoirs ne sont pas concentrés entre les mains d’une seule
personne, mais séparés.
Il insiste sur l’harmonie et l’équilibre entre les différents pouvoirs. Il
remarque que le principe de la séparation des pouvoirs assure la démocratie et
la défense des libertés des citoyens.
3-2- L’identification des trois pouvoirs
Trois sortes de pouvoirs sont à distinguer.
3-2-1-Le pouvoir législatif
Il est à la base de tous les pouvoirs. Il appartient au parlement (critère
organique). Celui-ci, assemblée délibérante, a pour fonction de voter les lois et
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de contrôler le gouvernement (critère matériel). Il est composé de
représentants du peuple appelés parlementaires.
Le parlement peut comprendre deux chambres
(bicaméralisme) ou une seule chambre (monocaméralisme).
3-2-2- Le pouvoir exécutif
La fonction exécutive consiste à faire appliquer les lois (critère matériel)
par l’intermédiaire d’actes juridiques dénommés règlements.
A la tête de l’exécutif (critère organique), il peut y avoir un président de
la république, un roi, un empereur, un dictateur. L’exécutif peut être constitué
par une seule personne (monocéphale) ou deux (bicéphale) comme par
exemple un chef d’Etat et un chef du gouvernement. Selon les régimes
politiques, l’exécutif peut être nommé, élu, etc.
3-2-3- Le pouvoir judiciaire
Il est exercé par des juridictions (critère organique). Il y a des juridictions
de droit commun, des juridictions répressives et des juridictions
administratives. Il peut y avoir des juridictions d’exception.
La fonction judicaire (critère matériel) consiste à trouver des solutions
juridiques aux litiges qui sont portés devant elles en toute indépendance par
rapport au pouvoir exécutif et législatif.

Législatif Exécutif Judiciaire


Critère Le parlement Le gouvernement La juridiction
organique
Critère Faire des règles Exécuter les règles Faire appliquer les règles
matériel générales
Les décisions La loi Le règlement Les décisions de justice
Critère formel Voter la loi Prendre des Prendre des jugements et
règlements des arrêts

Une séparation totale des pouvoirs n’est que théorique ; sa mise en


œuvre conduirait à une paralysie. Dans la pratique, on constate une distinction
d’organes qui collaborent et participent à l’exercice d’une des fonctions du
pouvoir. Ainsi, le gouvernement contribue à la fonction législative. Cela
s’appelle le principe de la collaboration des pouvoirs.

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4- Les institutions politiques marocaines
Elles ont considérablement évolué sous l’effet conjugué de plusieurs
facteurs. Une double dimension les caractérise : l’une est la tradition arabo-
islamique, l’autre réside dans l’influence du droit moderne.
L’adoption par référendum en 1962 de la première constitution a conféré
aux institutions politiques marocaines une base juridique écrite et formelle.
Celles-ci sont bâties autour de l’institution royale.
L’actuelle constitution promulguée le 30 juillet 2011 est perçue comme
une nouvelle étape dans le processus de construction de l'État de droit et des
institutions démocratiques au Maroc dans la mesure où elle a permis un relatif
rééquilibrage des pouvoirs et une clarification et précision d'un certain nombre
de principes pour une meilleure interprétation de ses dispositions : « Le régime
est fondé sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs » (art. 1er
Constit.).

4-1- Le roi : une situation de suprématie


D’après la constitution, « Le Maroc est une monarchie constitutionnelle,
démocratique, parlementaire et sociale » (art. 1er).Malgré les limitations récentes
apportées aux prérogatives du roi en matière de définition et d'exécution des
politiques publiques, celles-ci demeurent importantes.
Le roi a un double statut :
- celui du Commandeur des Croyants (Amir Al Mouminine), en charge du
domaine religieux ; à ce titre, il préside le conseil supérieur des Oulémas, veille
au respect de l’Islam et est garant du libre exercice des cultes (art. 41 Constit.). Il
s’agit d’un domaine de compétences exclusives ; et,
- celui de Chef de l’Etat et son représentant suprême, garant de sa
continuité, symbole de l’unité nationale et territoriale, assurant des missions
d’arbitrage entre les institutions, garant du choix démocratique, des droits et
des libertés, des engagements internationaux et des intérêts fondamentaux
du pays (art. 42 Constit.).
Le roi dispose ainsi de pouvoirs aussi importants que diversifiés puisqu’il
intervient dans les domaines religieux, législatif ou réglementaire. Il jouit d’une
indépendance totale par rapport aux autres pouvoirs. Il exerce ses
compétences par dahir .

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Le souverain possède des prérogatives propres qui lui assurent une place
de prééminence et d’autres partagées qui lui permettent la participation au
pouvoir législatif et exécutif. Dans ce dernier cas, il les exerce en accord avec le
chef du gouvernement grâce au procédé du contreseing.
4-1-1- Les compétences propres
La monarchie marocaine est une « monarchie active » dans la mesure où
le roi règne et gouverne.
Le roi préside le conseil des ministres (art 48 Constit.) pour délibérer des
projets de loi ou de règlements ou encore des questions devant avoir son
accord (orientations stratégiques de la politique de l’Etat, projets de révision
de la constitution, projets de lois organiques, orientations générales du projet
de loi de finances, etc.) (art. 49 Constit.). Il peut déléguer au chef du
gouvernement la présidence d’une réunion de ce conseil sous certaines
conditions.
Il est aussi le chef suprême des forces armée s(art.53 Constit.). Il nomme à
ce titre aux emplois militaires, peut déléguer ce droit et préside le conseil
supérieur de sécurit é(art.54 Constit.), instance de concertation sur les stratégies
de sécurité intérieure et extérieure du pays, et de gestion des situations de
crise. Il préside en outre le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (art.56 Constit.)
et approuve la nomination des magistrats par ce dernier (art.57 Constit.).
Il peut encore proclamer l'état d'exception lorsque l’intégrité du
territoire national est menacée ou que se produisent des événements qui
entravent le fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles ;mais
le parlement n'est pas dissous au cours de cette période(art.59 Constit.).

Ne sont pas non plus contresignés par le chef du gouvernement, la


nomination par le roi de certains membres du conseil de régence (art.44 Constit.),
l’exercice du droit de grâce (art. 58 Constit.)ainsi que la nomination du président
de la Cour constitutionnelle et de certains de ses membres (art.130 Constit.).

Le souverain accrédite les ambassadeurs auprès des puissances


étrangères et des organismes internationaux Les ambassadeurs ou les
représentants des organismes internationaux sont accrédités auprès de lui
Il signe et ratifie les traités à l’exclusion de ceux qui requièrent au préalable
approbation par la loi (exemples : traités de paix ou d’union, ou ceux relatifs à
la délimitation des frontières, etc.) (Art. 55 Constit.).

En matière de révision de la constitution, le roi peut à son initiative


présenter son projet de révision directement au référendum (art.172 Constit.) ou
saisir le parlement (art.174 Constit.) pour le même objet. Mais toute proposition

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de révision émanant du parlement ou du gouvernement doit être soumise au
peuple par dahir et donc par le roi.

Le roi dispose enfin d’une liste civile (art. 45 Constit.)et d’un cabinet royal. Il
est entouré de plusieurs conseillers qu’il nomme et révoque.

A l’égard de l’organe législatif, le roi préside l’ouverture de la première


session du parlement. Il peut dissoudre les deux chambres du parlement ou
l’une de ses deux chambres (art. 51 Constit.). Mais il est le seul à pouvoir
dissoudre la chambre des conseillers.

A l’égard de l’exécutif, le souverain nomme le chef du gouvernement au


sein du parti arrivé en tête des élections de la chambre des représentants (art.
47 Constit.).

4-1-2- Les compétences partagées


Le roi nomme les membres du gouvernement sur proposition du chef du
gouvernement. Il peut, à son initiative, et après consultation de celui-ci, mettre
fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement. A son tour,
le chef du gouvernement peut demander au roi de mettre fin aux fonctions
d’un ou de plusieurs membres du gouvernement (art. 47 Constit.).
Le roi partage avec le chef du gouvernement le pouvoir de nomination
aux emplois civils de wali de Bank Al Maghrib, d’ambassadeur, de wali et de
gouverneur, et des responsables des administrations chargées de la sécurité
intérieure, ainsi que des responsables des établissements et entreprises publics
stratégiques. Ces nominations font l’objet d’une délibération au sein du conseil
des ministres (art.49 Constit.).
Autres décisions contresignées par le chef du gouvernement, la
déclaration de guerre (art.49 et 99 Constit.) et la déclaration de l’état de siège par
le roi (art.49 et 74 Constit.).
Dans le domaine des relations extérieures, le roi ne ratifie certains
traités, qu’après approbation du pouvoir législatif ; c’est le cas par exemple des
traités de commerce ou ceux engageant les finances de l’Etat (art. 55 Constit.).

4-2- Le parlement : pouvoir législatif


Il s’agit d’examiner la composition et l’organisation du parlement avant
d’étudier son fonctionnement et ses pouvoirs.
4-2-1- Composition et organisation
Le parlement se compose de deux chambres :
- la chambre des représentants dont les membres (395 députés) sont élus
pour cinq (5) ans au suffrage universel direct (art. 62 Constit.) ;
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- la chambre des conseillers dont les membres (120 conseillers) sont élus
pour six (6) ans au suffrage indirect. Ils sont désignés dans la proportion des
trois cinquièmes (3/5) dans chaque région par un collège électoral composé de
représentants des collectivités territoriales et, dans une proportion des deux
cinquièmes (2/5) dans chaque région par des collèges électoraux composés
d'élus des chambres professionnelles et des organisations professionnelles des
employeurs les plus représentatives et de membres élus à l'échelon national
par un collège électoral composé des représentants des salariés (art. 63 Constit.)
Tous ces élus tiennent leur mandat de la nation(art. 60 Constit.)

Pour le bon fonctionnement du parlement, des organes de travail sont


mis en place. Ils sont régis par le règlement intérieur des deux chambres.
4-2-1-1- Le bureau
Il assure l’administration de la chambre et la direction des débats : fixer
l’ordre du jour de l’assemblée, organiser les services administratifs et
financiers, établir le budget de la chambre, etc.
Il comprend :
-un président, élu au début de la législature pour trois ans seulement, qui
représente la chambre tout entière et gère les travaux de la chambre en toute
neutralité ;
- des vice-présidents, également élus, dont le rôle est de diriger selon
leur classement, la chambre en cas d’absence du président ;
- des questeurs, chargés de veiller sur les services administratifs et
financiers de la chambre : établissement du budget, personnel, locaux,
matériel ;
- des secrétaires qui contrôlent la rédaction des procès-verbaux et les
opérations de vote, ainsi que le résultat des différents scrutins.

4-2-1-2- Les groupes parlementaires


Ils sont issus des partis politiques représentés à la chambre à partir d’un
nombre minimum d’élus ou autour d’idées fédératrices.
Ils jouent un rôle dans la formation du bureau de la chambre ou des
commissions parlementaires, l’établissement de l’ordre du jour, coordination
entre les parlementaires à l’intérieur du même groupe (distribution des rôles,
spécialisation des taches …) et coordination permanente avec la présidence et
les autres instances de la chambre, etc.
Un ou plusieurs groupes de la chambre parlementaire concernée peut
parrainer une motion présentée par les citoyens et la transformer en
proposition de loi (art. 14 Const .; Loi organique 64-14).

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4-2-1-3- Les commissions
Ce sont des formations restreintes qui préparent le travail de la chambre.
Elles sont de deux catégories (art. 67 Constit.).

4-2-1-3-1- Les commissions permanentes


Elles sont spécialisées chacune dans un domaine particulier (affaires
étrangères, finances, enseignement, etc.) et compétentes pour examiner les
projets ou propositions de lois qui seront soumis à la chambre. Leurs réunions
ne sont pas publiques (art. 68 Constit.).
Elles sont chargées de préparer les travaux des séances plénières en y
présentant généralement un rapport. C'est en leur sein que la politique du
gouvernement est discutée avant que les uns et les autres ne déterminent leurs
positions respectives en séance plénière et ne les entérinent définitivement par
le vote.
Les membres du gouvernement ou leurs représentants ont libre accès à
ces commissions et participent à leurs travaux mais sans droit de vote.

4-2-1-3-2- Les commissions temporaires


Comme leur nom l’indique, ces commissions sont créées à titre
temporaire et disparaissent une fois leur mission accomplie.
Elles ont pour tâche d’étudier un projet ou proposition particuliers, ou de
procéder à une enquête (commissions d’enquête) concernant des faits
déterminés ou la gestion de services, entreprises et établissements publics.
Exemple : la commission d’enquête sur les événements d’Ifni (2008) et celle
relative aux événements du « camp Agdim » (2010).

4-2-2-Fonctionnement
Le parlement n’est pas un organe permanent. Il siège en sessions
divisées en plusieurs séances.
On distingue :
- Les sessions ordinaires, au nombre de deux par an. La première dont
l’ouverture est présidée par le roi, se tient le deuxième vendredi du mois
d’octobre (session d’automne), la seconde, le deuxième vendredi du mois
d’avril (session du printemps). Leur durée est de quatre mois (art. 65 Constit.).
- Les sessions extraordinaires qui peuvent se tenir à la demande du chef
du gouvernement ou du tiers des membres de la chambre des représentants ou
de la majorité de ceux de la chambre des conseillers. Elles prennent fin, une fois
l’ordre du jour épuisé (art. 66 Constit.).

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Si les deux chambres se réunissent séparément, elles peuvent
exceptionnellement tenir des réunions communes à l’initiative du roi ou du
chef du gouvernement, à l’occasion par exemple de l’ouverture par le roi de la
session d’automne, des déclarations du chef du gouvernement, de la
présentation du projet de loi de finances, etc. (art. 68 Constit.).

Les séances sont publiques mais peuvent être tenues à huis clos à la
demande du chef du gouvernement ou du tiers des membres de la chambre
concernée (art. 68 Constit.).

4-2-3- Compétences
Les compétences du parlement concernent essentiellement les domaines
de la production législative et celui du contrôle politique du gouvernement et
de l’évaluation des politiques publiques (art. 70 Constit.).

4-2-3-1- L’élaboration de la loi


Le parlement concentre l’essentiel du pouvoir législatif en dehors de celui
reconnu au roi. Outre les matières dévolues au domaine de la loi par d’autres
articles de la constitution, celle-ci dresse la liste des matières dans lesquelles le
parlement légifère (art. 71). En procédant ainsi, le constituant délimite le champ
d’intervention de l’institution parlementaire et le protège contre les risques
d’ingérence du gouvernement.
Cette liste, plus étendue que dans les constitutions précédentes, inclut
les libertés et droits fondamentaux , le statut de la famille et l’état civil, les
principes et règles du système de santé, les droits réels et les régimes des
propriétés immobilières publique, privée et collective, le régime des médias
audio-visuels et de la presse, l’amnistie, la nationalité et la condition des
étrangers, la détermination des infractions et des peines qui leur sont
applicables, l’organisation judiciaire, la procédure civile et la procédure pénale,
le régime pénitentiaire, le statut général de la fonction publique, les garanties
fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires, le statut des
services et forces de maintien de l’ ordre, le régime des collectivités
territoriales, l’urbanisme et l’aménagement du territoire, les règles relatives à
la gestion de l’environnement, le régime fiscal, des douanes, de l’émission de la
monnaie et le statut de la banque centrale, des transports, des obligations
civiles et commerciales, le droit des sociétés et des coopératives, la
nationalisation d’entreprises et le régime des privatisations, etc.

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A cela s’ajoute le fait que le parlement vote aussi des lois-cadres relatives
aux objectifs fondamentaux de l’activité économique, sociale,
environnementale et culturelle de l’Etat.

4-2-3-2- Le contrôle politique du gouvernement


Il est mis en œuvre par le biais de plusieurs mécanismes.

4-2-3-2-1- Les questions


Elles sont posées par les députés et conseillers et les ministres sont tenus
d’y répondre. Elles peuvent être écrites ou orales. Une séance par semaine est
réservée dans chaque chambre aux questions des membres de celle-ci et aux
réponses du gouvernement (art. 100 Constit.).
La constitution a également rendu obligatoire la tenue de séances
réservées aux questions de politique générale et réponse du chef du
gouvernement (une fois par mois) (art. 100 Constit.) ou à la discussion et à
l’évaluation des politiques publiques (une fois par an) (art. 101 Constit.).
Un bilan d’étape de l’action gouvernementale peut être présenté par le
chef du gouvernement devant le parlement, à son initiative ou à la demande du
tiers des membres de la chambre des représentants ou de la majorité des
membres de la chambre des conseillers (art. 101 Constit.).

4-2-3-2-2- Les commissions


Parmi les missions des commissions parlementaires (voir supra), celles-ci
peuvent demander à auditionner les responsables des administrations et des
établissements et entreprises publics (art. 102 Constit.).

4-2-3-2-3- La mise en jeu de la responsabilité du gouvernement


La chambre des représentants peut mettre en cause la responsabilité du
gouvernement par une motion de censure signée par le cinquième de ses
membres et votée à la majorité absolue. Le vote a lieu trois jours francs après
son dépôt et son approbation entraîne la démission collective du
gouvernement. En cas de rejet, aucune autre motion n’est recevable pendant
un délai d’un an (art. 105 Constit.).
Parallèlement, la chambre des conseillers peut présenter dans les mêmes
formes une motion d’interpellation qui pousse le chef du gouvernement à
s’expliquer devant la chambre dans un délai de six jours. La motion est suivie
d’un débat sans vote et ne cause pas le départ du gouvernement, à l’inverse de
la motion de censure (art. 106 Constit.).

4-3- Le gouvernement : pouvoir exécutif


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Le pouvoir exécutif désigne la fonction dans l’Etat qui consiste à exécuter
les lois (art. 89 Constit.). Il est assuré par le gouvernement qui est responsable à la
fois devant le roi et le parlement.
Il convient ainsi d’examiner successivement sa composition et ses
attributions.

4-3-1- Composition
Le gouvernement est composé du chef du gouvernement, des ministres,
et éventuellement des secrétaires d’Etat (art. 87 Constit.).

- Le chef du gouvernement
Dans l’actuelle constitution, le terme de chef du gouvernement succède à
celui de premier ministre avec des pouvoirs plus importants. Il est nommé par
le roi et sur sa proposition, le roi nomme les autres membres du gouvernement.
C’est également le roi qui met fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres
du gouvernement, à son initiative et après consultation du chef du
gouvernement. Celui-ci peut demander au roi de mettre fin aux fonctions d’un
ou de plusieurs membres du gouvernement et sa démission entraine le renvoi
de l’ensemble du gouvernement par le roi (art. 47 Constit.).
Toutefois, le roi ne peut démettre le chef du gouvernement de ses
fonctions que s’il démissionne de son propre chef ou perd la confiance du
parlement.

- Les ministres d’Etat, avec ou sans portefeuille, se distinguent des


ministres par leur rang protocolaire. Cette distinction est donnée pour marquer
l’importance d’un département ministériel, ou distinguer une personnalité
politique.

- Les ministres sont en charge de ministères, ont des budgets propres et


une autorité sur les services de leurs départements. Chacun mène la politique
gouvernementale dans le secteur qui est le sien (enseignement, agriculture,
santé, affaires étrangères, etc.).

- Les ministres délégués reçoivent délégation de pouvoirs pour s’occuper


de certaines affaires déterminées sous l'autorité du chef du gouvernement ou
de certains ministres.
Du point de vue protocolaire, ils sont placés entre les ministres et les
secrétaires d'État.

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- Les secrétaires d’Etat reçoivent le plus souvent leurs missions par
délégation de certaines compétences du chef du gouvernement ou de ministres
aux attributions nombreuses (art. 93 Constit.). Ils ne participent pas de plein
droit aux travaux du conseil des ministres ; ils y prennent part lorsque ce
dernier débat de questions relevant de leur compétence.

Après la formation du gouvernement, le chef du gouvernement présente


et expose devant les deux chambres du parlement réunies, le programme qu’il
compte appliquer, notamment dans les domaines de la politique économique,
sociale, environnementale, culturelle et extérieure. S’il fait l’objet d’un débat
devant chacune des deux chambres, ce programme est suivi d’un vote à la
chambre des représentants uniquement. Le gouvernement est investi après
avoir obtenu la confiance de la dite chambre (art. 88 Constit.).

Les ministres sont à la fois responsables, chacun dans le secteur dont il a


la charge et dans le cadre de la solidarité gouvernementale, de l’exécution de la
politique du gouvernement (art. 93 Constit.).

Ils sont, enfin, pénalement responsables devant les juridictions


répressives ordinaires pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs
fonctions (art. 94 Constit.).

4-3-2- Attributions
Le gouvernement met en œuvre son programme, sous l’autorité du chef
du gouvernement. Pour y parvenir, il dispose de l’administration et supervise
l’action des entreprises et établissements publics (art. 89 Constit.).

Malgré la séparation du domaine de la loi et du règlement, le


gouvernement intervient en matière législative en présentant des projets de
lois et ses membres siègent aux commissions parlementaires.
Grâce à la loi d’habilitation, il est autorisé par le parlement à intervenir,
pendant un délai limité et pour un objectif déterminé, dans le domaine
législatif. Les décrets-lois ainsi pris doivent être soumis à la ratification du
parlement (art. 70 Constit.).

L’actuelle constitution a défini et clarifié les compétences du conseil du


gouvernement comme instance de préparation des décisions et de délibération
particulièrement , en matière de politiques publiques et sectorielles, de
l’engagement de la responsabilité du gouvernement devant la chambre des
représentants, des questions d’actualité liées aux droits de l'homme et à
l’ordre public, des projets de loi, décrets-lois, projets de décrets réglementaires
15
et de la nomination des secrétaires généraux et des directeurs centraux des
administrations publiques, des présidents d’universités, des doyens et des
directeurs des écoles et instituts supérieurs(art. 92 Constit.).

La présidence de cette instance incombe au chef du gouvernement que la


constitution a doté de pouvoirs plus larges comparé à ses prédécesseurs.
En premier lieu, il :
- exerce le pouvoir réglementaire et ses actes réglementaires sont
contresignés par les ministres chargés de leur exécution et peut leur déléguer
certains de ses pouvoirs (art. 90-91 Constit.) ;
- nomme aux emplois civils dans les administrations publiques et aux
hautes fonctions des établissements et entreprises publics, sans préjudice des
compétences du roi en la matière (art. 91 Constit.).

En second lieu, le chef du gouvernement peut engager la responsabilité


du gouvernement devant la chambre des représentants, sur une déclaration de
politique générale ou sur le vote d’un texte. Le refus de confiance provoque la
démission collective du gouvernement (art. 103 Constit.).

En troisième lieu, le chef du gouvernement peut, sous certaines


conditions, dissoudre la chambre des représentants (art. 104 Constit.).

Il lui appartient de présider le conseil des ministres à la demande du roi et


sur la base d’un ordre du jour fixé d’avance; il peut également demander au roi
de convoquer ce conseil (art. 48 Constit.). Par délégation du roi, il peut nommer
aux emplois militaires (art. 53 Constit.) et présider le conseil supérieur de sécurité
sur un ordre du jour déterminé (art. 54 Constit.).
Enfin, il a la tâche classique de réaliser les arbitrages entre ministres et la
coordination de leurs activités.

Les ministres intéressés à un problème particulier peuvent créer des


comités interministériels pour préparer les décisions appropriées.

16
V- L’organisation administrative

L’organisation administrative complète et prolonge les institutions


politiques en assurant la mise en application des normes génératrices de droits
et d’obligations et des politiques publiques à toute la population sur l’ensemble
du territoire.
Sous ce vocable, on range les organismes et autorités (sens organique)
qui assurent des activités d’intérêt public (sens fonctionnel ou matériel):
maintien de l’ordre public au sens large du terme (réglementation et
régulation) et prestations de service public (fourniture de biens et de services),
etc.
Il s’agit d’identifier tour-à-tour les modalités d’administration
(comment administrer ?), les cadres territoriaux d’administration (où
administrer ?) et l’action des divers autorités et organismes administratifs.

1-Principes généraux : Centralisation, Déconcentration,


Décentralisation
L’organisation administrative d’un Etat oscille entre deux grandes
techniques : la centralisation et la décentralisation.

1-1- La centralisation
Du verbe « centraliser » qui veut dire rassembler dans un même centre (la
capitale) aux mains d’une seule autorité. La centralisation administrative est un
système dans lequel l'ensemble des pouvoirs de décision est détenu par des
autorités au sommet de l’Etat.

Elle a des avantages :


- assurer l’égalité des administrés devant les droits et les charges
publiques ;
- permettre une bonne coordination de l’action publique sur le territoire
grâce à une administration unifiée et hiérarchisée ;
- réaliser des économies en ressources humaines et financières ;

17
- renforcer la cohésion de l’Etat et écarter les particularismes nuisibles.

Elle présente en revanche des inconvénients :


- En gérant tout par lui-même, le centre du pouvoir s’expose à la
congestion, ce que traduit l’adage suivant : « l’apoplexie au centre et la
paralysie aux extrémités » ;
- Les décisions prises risquent d’être lentes, inadaptées et inefficaces ;
- La centralisation est contraire à la démocratie, le citoyen étant éloigné
de toute participation à la gestion des affaires publiques.
La centralisation absolue n’existe guère. Dans la pratique, elle est allégée
grâce à la déconcentration

1-2- La déconcentration
Elle constitue une atténuation de la centralisation : « c’est le même
marteau qui frappe mais le manche est plus court ». Elle consiste dans
l’existence de relais locaux, répartis sur le territoire, qui recueillent les
demandes et les sollicitations, les transmettent au niveau central dont ils
reçoivent délégation et des instructions.

Ce mode d’administration a le principal mérite de rapprocher


l’administration et les administrés et d’accélérer les prises de décisions.
Toutefois, son inconvénient réside dans le manque de cohérence entre les
différents agents et services déconcentrés, d’où la nécessité d’instaurer des
mécanismes de coordination.

1-3- La décentralisation
Elle repose sur le transfert d’attributions de l'Etat vers des institutions
publiques disposantd'un pouvoir juridique et d'une autonomie financière.
Néanmoins, celles-ci restent sous la surveillance de l'Etat.
Dans ce mode d’organisation administrative, on note la présence de
personnes morales de droit public autres que l’Etat. Celles-ci possèdent une
autonomie mais pas la souveraineté.

La décentralisation a deux visages.

1-3-1-la décentralisation territoriale


Elle vise à accorder à des collectivités géographiquement délimitées
appelées collectivités territoriales, des compétences propres, distinctes de
celles de l'État. Ce sont la région, la préfecture et province, puis la commune.

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Ces entités dotées de la personnalité morale, gèrent leurs affaires par des
assemblées élues.

1-3-2- La décentralisation technique ou fonctionnelle


Cette technique d’organisation consiste à confier des compétences
spéciales à des établissements publics jouissant de l’autonomie administrative
et financière pour la gestion d’un service (ONCF, universités, académies
régionales d’éducation et de formation, hôpitaux, etc.).
La différence entre ces deux aspects de la décentralisation est que la
collectivité territoriale a une assise géographique et ses compétences sont
générales, alors que l’établissement public concerne un service ou une activité
nettement individualisée (transport, santé, enseignement, etc.).
Il arrive parfois qu’un établissement épouse les deux caractères,
territorial et fonctionnel ; à titre d’exemple : un groupement de coopération
inter-collectivités territoriales.

Les partisans de la décentralisation, notamment territoriale, mettent en


valeur son aspect démocratique, la participation de la population à la gestion
de ses propres affaires, une meilleure connaissance et défense des intérêts
locaux.

Ses adversaires lui reprochent d’accentuer les déséquilibres à cause de


choix différents et de ressources inégalement réparties, de faire prévaloir les
intérêts locaux au détriment de l’intérêt national, ce qui est susceptible de
menacer la cohésion de l’Etat.

L’organisation administrative marocaine est un mariage des trois


grandes techniques : centralisation, déconcentration et décentralisation. Elle
comprend une administration d’Etat ou centrale située dans la capitale avec
ses prolongements locaux (services déconcentrés) et une administration
décentralisée que constituent les collectivités territoriales et établissements
publics.

2- L’administration d’Etat
Elle constitue l’élément essentiel de l’armature administrative, et ses
organes sont en même temps des organes politiques. Elle se compose de
l’ensemble des ministères qui possèdent des organes d’exécution répartis sur
l’ensemble du territoire.

2-1- L'administration centrale

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Elle fait intervenir le Roi, le chef du gouvernement, les ministres. A côté
de ces autorités, existent aussi différentes instances publiques indépendantes
(conseil économique, social et environnemental, médiateur, conseil de la
concurrence, agence nationale de régulation des télécommunications, etc.)
assurant des missions de consultation, de régulation, de contrôle ou de
surveillance.

2-1-1- Le Roi Le
Roi, chef de l’Etat, est compétent pour les nominations aux postes clés de l’Etat
pourvus en conseil des ministres. D’autres nominations peuvent intervenir sans
délibération en conseil des ministres. Ce pouvoir peut être délégué au chef du
gouvernement (Voir supra).

2-1-2- Le gouvernement autorité administrative


En vertu de la constitution, le gouvernement « dispose de
l’administration » (art. 89).
L’action administrative est menée, d’abord par le chef du gouvernement
et par les ministres dans leurs domaines respectifs.

2-1-2-1- Le chef du gouvernement


Le chef du gouvernement agit par décret, acte administratif se situant au
sommet de la hiérarchie administrative. Il dispose de la compétence de droit
commun en matière règlementaire (art. 90 Const.).
Il a deux types de pouvoir règlementaire : l’un appelé pouvoir
réglementaire dérivé, consiste à prendre les règlements d’exécution des lois ;
l’autre lui permet de statuer sur toutes les matières qui ne sont pas confiées
à la loi par l’article 71 de la constitution : l’on parle, dans ce cas, de pouvoir
réglementaire autonome (art. 72 Const.).
Les actes réglementaires du chef du gouvernement peuvent faire l’objet de
recours pour excès de pouvoir devant la chambre administrative de la Cour de
cassation qui statue en premier et dernier ressort.

Pour mener à bien sa mission, le chef du gouvernement préside un bon


nombre d’organismes tels que les conseils d’administration des établissements
publics. Il a un cabinet composé de conseillers techniques ou de chargés de
missions qui l’assistent dans la mise en œuvre de ses compétences
administratives.

Une place particulière est à réserver au secrétariat général du


gouvernement. Créé au lendemain de l’indépendance, il est placé au carrefour
des institutions de l’Etat dont la mission essentielle est d’assurer le bon
20
fonctionnement du travail gouvernemental.
Il a trois tâches principales :
- Coordonner la préparation des projets de lois et de règlements
provenant des différents départements ministériels en vérifiant leur
conformité avec les dispositions constitutionnelles et leur compatibilité avec
les textes législatifs et réglementaires en vigueur ;
- Conseiller le gouvernement en donnant son avis sur les questions
d’ordre juridique qui lui sont posées par les administrations et les
établissements publics ;
- Préparer les réunions interministérielles, notamment le conseil des
ministres et le conseil du gouvernement (préparation de l’ordre du jour,
convocation des ministres intéressés, tenue des procès-verbaux, etc.).

2-1-2-2- Les ministres


Les services relatifs à un secteur d’activité gouvernementale déterminé
relèvent du même ministère et sont placés sous l’autorité d’un ministre. Il en
est ainsi du ministère de la santé publique, des finances, de l’agriculture, de
l’enseignement, etc.
Le ministre, quel que soit son titre, décide de toutes les mesures
d’organisation intérieure de son département. Il :
- nomme à certains emplois dans la mesure où cette prérogative lui est
déléguée ;
- exerce le pouvoir hiérarchique et disciplinaire sur l’ensemble des agents
du ministère ainsi que le pouvoir d’instruction, de réformation ou
d’annulation ;
- représente l’Etat en ce qui concerne les attributions du département
ministériel : signature des contrats passés par l’Etat, représentation de l’Etat
devant la justice;
- assure la gestion financière de son département ministériel en sa qualité
d’ordonnateur.

Le ministre a à sa disposition un cabinet composé de ses plus proches


collaborateurs. Celui-ci comprend un directeur qui a en charge les missions
protocolaires, personnelles et politiques, des attachés, des conseillers
techniques et des chargés de mission répartis selon les différentes questions
relevant de la compétence du ministre.

L’ossature administrative du ministère est constituée principalement par


les directions qui se distinguent du cabinet ministériel par leur permanence.
Chaque direction est divisée en sous-directions, services et bureaux.

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2-2- Les autorités administratives déconcentrées
Hors de la capitale, existent des organes de l’administration d’Etat
situés au plus près des administrés. Ils agissent dans des aires géographiques
délimitées : les circonscriptions administratives. Ils dépendent des services
centraux par le biais du pouvoir hiérarchique.
Certains de ces organes accomplissent des tâches spécialisées
correspondant aux activités des divers ministères ; d’autres exercent des
compétences générales.

2-2-1- Les services déconcentrés


Anciennement appelés services extérieurs, ils ont pour mission de mettre
en œuvre l’action des ministères qu’ils représentent dans les limites de leurs
circonscriptions.

Leur organisation et leurs attributions sont désormais déterminées par le


décret n° 2-17-618 du 26 décembre 2018 portant charte de la déconcentration
administrative abrogeant le décret du 20 octobre 1993 relatif à la
déconcentration administrative, et celui du 2 décembre 2005 relatif aux règles
d’organisation des départements ministériels et de la déconcentration
administrative (BO n° 6738, version arabe du 27 /12/ 2018).

La déconcentration telle qu’elle a été engagée antérieurement s’est


heurtée à de nombreux obstacles et à de fortes résistances et les compétences
les plus importantes sont demeurées du ressort des administrations centrales.

A titre d’illustration, il est à signaler notamment que:


- Les découpages territoriaux successifs perturbent l’implantation des
services déconcentrés ;
- Certains ministères ne parviennent pas à couvrir l’ensemble du
territoire national ;
- Si des ministères choisissent la province ou la préfecture, d’autres
préfèrent la région pour implanter leurs services déconcentrés.
La nouvelle charte accorde aux services déconcentrés de l’Etat de
nouvelles attributions d’ordre décisionnel et réorganise leurs relations avec les
services administratifs centraux en vertu du principe de subsidiarité : les
administrations centrales ont en charge les missions à caractère national et
toutes celles que les services déconcentrés ne peuvent assumer (art. 14 Charte).

La région y est choisie comme échelon territorial approprié pour la


concrétisation de la politique de déconcentration administrative ; les walis et
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gouverneurs sont confortés dans leur statut de représentants du pouvoir
central et leur rôle de supervision et de coordination des activités des services
déconcentrés (art. 5 Charte).

La dite charte crée, au niveau de chaque région, une commission


régionale de coordination, chargée d’assister le wali dans l’exercice des
compétences qui lui sont imparties, et met en place sous son autorité un
« secrétariat général des affaires régionales », présidé par un secrétaire général
(art. 30 Charte).

L’autre apport original de cette charte est de permettre aux ministères


de mettre en place des services déconcentrés communs au niveau de la région,
de la préfecture ou de la province. Cette option, dictée sous impératif
financier, a pour objectif notamment de réduire les dépenses, à travers la
mutualisation des ressources humaines et matérielles.

Enfin, la charte clarifie les attributions du comité technique préfectoral


ou provincial présidé par le gouverneur territorialement compétent et
composé des chefs des services déconcentrés de l’Etat.

2-2-2- Les autorités administratives locales


Il s’agit de représentants du pouvoir central dotés de compétences
générales à l’intérieur de leurs circonscriptions. Elles ont un statut particulier.

Ce sont le wali dans la région et la wilaya, le gouverneur dans la


préfecture ou la province, le gouverneur de préfecture d’arrondissement, le
chef de cercle (super-caïd), le pacha dans la circonscription urbaine ou pachalik,
le caïd dans la circonscription rurale (caïdat).

Dépositaires de l’autorité de l’Etat, elles sont investies d’une mission très


vaste qui touche les domaines politique (envoi au gouvernement de rapports
périodiques sur les mouvements d’opinion publique), administratif (maintien
de l’ordre public), économique et social (résolution des conflits collectifs du
travail).

Ainsi les walis et gouverneurs assurent l’application des lois, mettent en


œuvre les règlements et les décisions gouvernementales et exercent le contrôle
administratif, assistent les présidents des collectivités territoriales,
coordonnent les activités des services déconcentrés de l’administration
centrale sous l’autorité des ministres concernés et veillent à leur bon

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fonctionnement (art. 145 Const.). Toutefois, les juridictions et l’administration
militaire échappent à leur contrôle.

3- Les collectivités territoriales


La région, la préfecture ou la province et la commune sont des
collectivités territoriales qui traduisent l’existence d’intérêts locaux distincts de
l’intérêt national (art. 135 Const.). Outre ces collectivités, l'on trouve différentes
structures de coopération entre collectivités territoriales (groupement de
collectivités territoriales, groupement de préfectures ou provinces, etc.), mais
qui n’ont pas le statut de collectivités territoriales. Il en est de même de
circonscriptions qui sont des délimitations administratives du territoire :
wilaya, cercle, caïdat, etc.

Les collectivités territoriales sont des personnes morales de droit public.


L’organisation des communes est régie par la loi organique n° 14.113
promulguée par le dahir n° 1.15.85 du 7 juillet 2015.
Le régime juridique des préfectures et provinces est fixé par la loi
organique n° 14.112 promulguée par le dahir n° 1.15.84 du 7 juillet 2015.
La région est régie par la loi organique n° 14.111 promulguée par le dahir
n° 1.15.83 du 7 juillet 2015.

Présentation générale

Collectivité territoriale Organe délibérant Organe exécutif


Le conseil régional élu au Le président du conseil
La région suffrage universel direct régional élu parmi et par les
membres du dit conseil
Le conseil préfectoral ou Le président du conseil
La préfecture ou province provincial élu au suffrage préfectoral ou provincial élu
indirect à partir du collège parmi et par les membres du
des conseillers communaux dit conseil
Le conseil communal élu au Le président du conseil
La commune suffrage universel direct communal élu parmi et par
les membres du dit conseil

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