Vous êtes sur la page 1sur 11

Droit constitutionnel

Chapitre 2 : Les différentes formes de l’État

Les formes de l’État résultent d’une organisation verticale du pouvoir, c’est-à-dire, à la


répartition du pouvoir entre l’État central et les différentes Collectivités qui le composent. Elles
se rapportent, ainsi, aux modèles d’organisation sur lesquels il repose, de manière à répondre
aux attentes suscitées dans ses rapports avec les citoyens. On oppose deux grandes formes de
l’État : la forme simple qui correspond à l’État unitaire (Section 1) et la forme complexe qui
désigne l’État fédéral (Section 2). Entre les deux existent des formes intermédiaires à savoir
l’État régional et la confédération d’États.

Section 1 : L’État unitaire

L’État unitaire est le modèle du Sénégal. C’est la forme la plus ancienne et la plus répandue
dans le monde. Bernard Chantebout le définit comme « celui dans lequel une volonté politique
unique s’impose à l’ensemble des citoyens, lesquels sont par conséquent soumis aux mêmes
lois en tous domaines »1. Il importe de rappeler le modèle idéal de l’État unitaire (Paragraphe
1) avant d’aborder son aménagement (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le modèle idéal de l’État unitaire

L’État unitaire se caractérise, principalement, par l’articulation de son pouvoir autour du


principe d’unité (A) et de la simplification de sa structure (B).

A. L’articulation du pouvoir autour du principe d’unité

L’État unitaire, dans son modèle idéal, est celui dans lequel l’organisation du pouvoir
politique est régie par le principe d’unité et de l’indivisibilité de la République. On est donc en
présence d’un seul État, le seul détenteur de la souveraineté, avec un seul centre de décisions
politiques. C’est dire qu’il y a une volonté politique unique qui s’impose uniformément à
l’ensemble de la population et sur l’ensemble du territoire de l’État. En conséquence, tous les
citoyens sont soumis aux mêmes lois dans tous les domaines. Il en ressort la centralisation, en

1
Bernard Chantebout, Droit constitutionnel, Ed. 30, Dalloz, 2013, p.57.

[1]
Dr. Abdoulaye GUISSE
Droit constitutionnel

principe, du pouvoir. On parle, ainsi, de l’État unitaire centralisé dans la mesure où toutes les
décisions aussi bien dans le domaine politique que administratif relèvent du pouvoir central.
Le principe d’unité s’apprécie, également, dans la structure de l’État marqué par sa simplicité.

B. La simplification de la structure de l’État

L’organisation de l’État unitaire se caractérise par la simplicité de sa structure. Elle


repose naturellement sur l’unité des trois éléments constitutifs de l’État. D’abord, l’unité du
territoire qui n’admet aucune fragmentation. Le territoire est indivisible. Ensuite, l’unité de la
population dans la mesure où elle forme un tout : un seul peuple qui forme une Nation. Et selon
l’article 3, alinéa 2 de la Constitution du 22 janvier 2001, « aucune section du peuple, ni aucun
individu, ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté ». Enfin, l’unité de l’organisation
politique qui implique l’existence d’un seul pouvoir exécutif, d’un seul pouvoir législatif et
d’un seul pouvoir judiciaire.

Cette simplicité organisationnelle permet une homogénéité de l’ordre juridique et de la


volonté politique de l’État sur son territoire, lui permettant de disposer de l’ensemble des
compétences étatiques et d’être en contact direct avec la population. Cependant, elle peut être
source de paralysie et d’inefficacité. C’est pourquoi, des aménagements ont été apportés au
principe d’unité visant à assouplir le degré de centralisation du pouvoir.

Paragraphe 2 : L’aménagement de l’État unitaire

Pour des raisons d’efficacité, des aménagements ont été apportés au principe d’unité et de
centralisation du pouvoir qui caractérise l’État unitaire. Deux techniques d’aménagement sont
utilisées. Il s’agit de la déconcentration (A) et la décentralisation (B).

A. La déconcentration

La déconcentration est un système d’organisation administrative dans lequel sont créés,


au niveau local, des relais du pouvoir central. Elle consiste à implanter, dans des
circonscriptions locales administratives, des autorités administratives représentant l’État. C’est
toujours l’État qui agit. C’est pourquoi, affirme Odilon Barrot que « c’est toujours le même
marteau qui frappe ; on a seulement raccourci le manche ». Mais, pour être plus efficace, il

[2]
Dr. Abdoulaye GUISSE
Droit constitutionnel

rapproche certaines de ses autorités des administrés. C’est tout le sens des propos de Napoléon
Bonaparte selon lequel « on peut gouverner de loin, mais on n'administre bien que de près ».
Au Sénégal, la déconcentration a permis la division du territoire en 14 régions dirigées chacune
par un gouverneur qui représente l’État dans la limite de sa circonscription. Chaque région est
subdivisée en trois ou quatre départements (soit un total de 45) administré chacun par un préfet.
Chaque département est subdivisé en arrondissements (on en compte 123 au total) administrés
chacun par un sous-préfet.

Ces représentants de l’État (gouverneurs, préfets et sous-préfets) sont nommés par le


pouvoir central et sont dépourvus de personnalité juridique. Ils exercent leurs compétences par
délégation de l’État. Ils agissent dans le cadre du pouvoir hiérarchique. Ce pouvoir est détenu
de plein droit par l'autorité supérieure qui peut intervenir, pour des raisons tant d'opportunité
que de légalité. Il s’exerce aussi bien sur les personnes que sur les actes. Le pouvoir hiérarchique
sur les actes se traduit par le pouvoir d'instruction, le pouvoir de réformation et le pouvoir
d'annulation. Sur les personnes, il se traduit par le pouvoir de nomination, de notation et le
pouvoir disciplinaire.

B. La décentralisation

La décentralisation correspond à la création des collectivités ou d’entités administratives


dotées de personnalité juridique distincte de cette de l'État a qui, il est transfert un certain
nombre de compétences.
La décentralisation peut être fonctionnelle ou territoriale. La décentralisation fonctionnelle ou
technique ou encore décentralisation par service est le procédé qui consiste à reconnaître à
certains services publics ou institutions spécialisées une autonomie permettant de faire
participer les administrés à leur gestion. Les compétences qui leur sont transférées sont liées à
un objet précis. (Exemple : les Universités, les hôpitaux publics). La décentralisation
territoriale se rapporte à la création de Collectivités territoriales dotées d’une personnalité
morale et d’une autonomie par rapport à l’État central.

Le niveau de décentralisation ainsi que les collectivités peuvent varier d’un État à un
autre.
Au Sénégal, par exemple, en vertu de la loi de 1996, les Collectivités locales sont la région, la
commune et communauté rurale. Toutefois, avec la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant

[3]
Dr. Abdoulaye GUISSE
Droit constitutionnel

Code général des Collectivités locales dénommée l’Acte III de la décentralisation, on assiste à
la suppression de la région et des communautés rurales comme Collectivités territoriales, au
profit d’une départementalisation et d’une communalisation sur l’ensemble du territoire
sénégalais.
De régions, communes et communautés rurales, on aboutit à la mise en place de communes et
départements comme Collectivités territoriales.
Au Mali, les Collectivités territoriales sont constitués par les régions, les cercles, les
communes2. Au Togo, on retrouve les communes, les préfectures et les régions3. En France, ce
sont les régions, les départements et les communes qui représentent les Collectivités
territoriales.
En Belgique, les Collectivités territoriales sont les communautés et les régions, tandis qu’en
Suisse, les Collectivités territoriales sont les cantons et les communes.

Cette autonomie dont bénéficient les Collectivités territoriales découle du principe de la


libre administration tel qu’il ressort de l’article 102 de la Constitution aux termes duquel « les
Collectivités territoriales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la
gestion des affaires publiques. Elles s’administrent librement par des assemblées élues au
suffrage universel direct. Elles participent, à la territorialisation des politiques publiques, à la
mise en œuvre de la politique générale de l’État ainsi qu’à l’élaboration et au suivi des
programmes de développement spécifiques à leurs territoires ».
Cette autonomie est à la fois juridique, organique, fonctionnelle et financière. En ce sens, elles
bénéficient d’une clause générale de compétences en ce qui se rapporte à l'administration des
affaires locales et d’un certain nombre de compétences transférées par l’État4.
La nature des compétences transférées permet de distinguer deux types de décentralisation : La
décentralisation administrative et la décentralisation politique. Au Sénégal ou en France, par
exemple, les compétences transférées sont purement administratives. Par contre, dans certains
États, les entités décentralisées peuvent se voir transférer des compétences législatives. On
passe alors à la décentralisation politique ou à l’État Régional. C’est le cas de l’Italie, de
l’Espagne voire de la Belgique à un certain moment.
Quelle que soit l’étendue de l’autonomie, elle reste néanmoins, soumise au respect du principe
unitaire de l’État. D’où l’existence d’un contrôle qui permet de garantir le respect de l’unité

2
Voir la loi n°2017-051 du 02 octobre 2017 portant code des collectivités territoriales.
3
Voir la loi N°2007-011 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales.
4
Cf. livre II, Titre II du Code général des Collectivités Locales.

[4]
Dr. Abdoulaye GUISSE
Droit constitutionnel

nationale et de l’intégrité du territoire. Il s’agit d’un contrôle de légalité portant sur les actes des
collectivités locales exercé par les représentants de l’État5.

Déconcentration et décentralisation sont deux techniques distinctes d’aménagement de


l’État. Cependant dans la réalité, elles sont combinées et participent tous à maintenir la forme
unitaire de l’État tout en assouplissant le principe de la centralisation du pouvoir. C’est le cas
du Sénégal. En effet, selon l’article 102, alinéa 3, « la mise en œuvre de la décentralisation est
accompagnée par la déconcentration qui est la règle générale de répartition des compétences et
des moyens entre les administrations civiles de l’État ».

Section 2 : L’État fédéral

L’État fédéral, est une forme composée d’État. La notion d’État composé désigne l’idée
d’une association d’États. Il résulte du principe du fédéralisme qui renvoie à l’idée du
regroupement d'entités étatiques ayant en commun un certain nombre de caractéristiques et
aspirant à atteindre des buts communs.
Historiquement, on rencontre deux principales formes d’association d’États à savoir les unions
personnelles et les unions réelles qui constituent des formes primitives d’États composés. Les
unions personnelles sont des unions entre deux ou plusieurs États autour d’une même personne,
le Chef de l’État. On le retrouve dans le cadre des anciennes monarchies. Elles permettent à un
même souverain d’occuper deux trônes. Les unions réelles, quant à elles, se réalisent non pas
autour d’une personne mais autour d’affaires que les États traitent en commun (diplomatie,
défense nationale, finances. Ces formes d’États n’existent plus. Les formes modernes de l’État
composé sont constituées par la confédération et la fédération d’État. Aujourd’hui, la
confédération n’existe plus. C’est l’État fédéral qui constitue la forme actuelle de concrétisation
de l’idée de fédéralisme. Sa signification et son processus de formation seront étudiés
(Paragraphe 1) et ses principes d’organisation examinés (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Signification et processus de réalisation de l’État fédéral

Qu’est-ce que l’État fédéral (A) et comment se forme-il ? (B). Nous tenterons de répondre,
tour à tour, à ces questions.

555
Article 14 du code général des Collectivités locales.

[5]
Dr. Abdoulaye GUISSE
Droit constitutionnel

A. Définition de l’État fédéral

L’État fédéral est une association d’États ayant renoncé à leur souveraineté internationale
au profit d’un seul État qui les englobe. Cette association d’États est fondée sur la base d’une
constitution. Ce qui le distingue de la confédération qui est également une forme d’association
d’États créé par un traité. C’est dire que la Confédération n'est pas un État, ni même une
véritable union d'États, pour reprendre le Professeur El Hadji Mbodj. Les États acceptent de
coopérer dans un certain nombre de domaines (diplomatiques ou militaires, en générale.) tout
en conservant leur souveraineté et donc leur existence internationale.
On rencontre dans l’histoire plusieurs confédérations d’État : la confédération des États-Unis
de l'Amérique du Nord (1778-1787) ; la Confédération Helvétique (1315-1848) ; la
Confédération Sénégambienne (1981 à 1989) ; l’Union des États africains (1961-1963) qui
regroupaient le Ghana, la Guinée et le Mali…

Or, dans le cadre de la l’État fédéral, seul l’État central dispose de la compétence
internationale. Les autres États dits fédérés (provinces au Canada et en Afrique du Sud, cantons
en Suisse, Landers en Allemagne et en Autriche, États au Nigeria et aux États-Unis) en sont
dépourvus et ne peuvent entretenir des relations internationales. L’État fédéral est la forme
d’État composé qui reste d’actualité, les confédérations n’existent presque plus.
On constate, aujourd’hui, une préférence pour la forme fédérale. Les grands États ou les plus
puissants sont, pour l’essentiel, des États fédéraux.
Il en existe plusieurs, repartis sur presque tous les contient. En Amérique, on peut citer, par
exemple, les États-Unis, le Canada, le Brésil, le Mexique, l’Argentine... En Europe, on retrouve
des États comme l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Autriche… En Asie, la Russie 6, les
Émirats arabes unis, l’Inde, l’Irak, Malaisie peuvent servir d’exemple. En Afrique, on peut citer
l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, le Nigeria, le Comores, la Somalie, le Soudan. En Océanie, on
peut citer de l’Australie, États fédérés de Micronésie, le Palaos.
Mais comment l’État se forme-t-il ?

6
La Russie est à cheval sur l’Asie du Nord (74,7 % de sa superficie) et sut l’Europe (25,3).

[6]
Dr. Abdoulaye GUISSE
Droit constitutionnel

B. Le processus de formation de l’État fédéral

L’État fédéral peut se réaliser soit par un processus d’association soit par un processus
de dissociation.
Le fédéralisme par association, intégration ou agrégation existe lorsqu’un ensemble d’États,
jusqu’alors indépendants, décident de se regrouper au sein d’un État, en renonçant à leur
souveraineté internationale. C’est l’exemple des treize premières colonies britanniques
d’Amérique du Nord qui se sont rassemblées à la fin du 18ème siècle pour former les États-
Unis ou encore les 10 cantons suisses qui vont unir leur volonté à partir du XIVème siècle pour
donner naissance à la fédération helvétique. Il en est de même pour les Émirats Arabes Unis ou
encore l’Allemagne.
Le plus souvent, l’association des États au sein d’un État fédéral est précédée par la création
d’une Confédération qui les regroupe. C’est le cas de la confédération des États-Unis de
l'Amérique du Nord créée en 1776 qui sera transformée en fédération en 1787. C’est aussi le
cas de la Confédération Helvétique fondée en 1315 qui sera transformée en 1848, en un État
fédéral. De même, l’Empire allemand créé en 1871 est précédé par la formation de la
Confédération de l’Allemagne du Nord en 1866.

En ce qui concerne le fédéralisme par dissociation, désintégration ou désagrégation, il


renvoie à la situation ou la création de l’État fédéral résulte de la décomposition en plusieurs
entités d’État unitaire. Comme le souligne Bernard Chantebout « cet éclatement de l’État
unitaire est en général provoqué par la pression de certaines minorités ethniques, linguistiques
ou religieuses qui, s’estimant lésées par la politique poursuivie par les gouvernants,
revendiquent leur autonomie, à défaut de pouvoir espérer leur indépendance complète »7.
C’est le cas, par exemple, de la Russie, de la Belgique et de certains pays africains.
L’ancienne Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) qui était auparavant un
empire appelé la Russie que l’on va s’éclater en plusieurs États après la révolution d’octobre
1917. La Russie, la plus vaste des Républiques issues de ce démembrement de l’URSS,
conserve une structure fédérale, étant donné qu’elle comportait déjà en son sein plusieurs
Républiques autonomes.

7
Bernard Chantebout, Droit constitutionnel, op. cit, p.63.

[7]
Dr. Abdoulaye GUISSE
Droit constitutionnel

S’agissant de la Belgique, elle était un État unitaire depuis 1830. En raison de l’antagonisme
entre les Flamands et les Wallons, elle va connaître une forte décentralisation entre 1970 et
1980 avant de devenir un État fédéral avec l’adoption de la Constitution du 14 juillet 1993.
En Afrique, on peut se référer aux cas de l’Afrique du Sud, de l’Ethiopie ou encore du Nigeria.
En effet, l’instauration d’un système fédéral en Afrique du Sud en 1994 est faite à la suite de
l’Apartheid. Pour l’Éthiopie, la création de l’État fédéral est intervenue après la chute de la
dictature militaire en mai 1991. De 1991 jusqu'en 1995, le pays est dirigé par un gouvernement
de transition chargé de mener l'Éthiopie vers un régime démocratique.
La nouvelle Constitution, entrée en vigueur en août 1995, institue l’État fédéral composé de 9
États fédérés sur la base d’une répartition ethnique.
En ce qui concerne le Nigéria, il a opté, dès son accession à l’indépendance en 1960, pour un
système fédéral composé de 3 États fédérés. Ces derniers feront l’objet de redécoupages
successifs amenant aujourd’hui le nombre d’États à 36. C’est dire que l’accroissement du
nombre des États résulte de la fragmentation d’entités préexistantes. Ce processus de formation
du fédéralisme nigérien lui a valu la qualification du fédéralisme scissipare.

In fine, on peut considérer que l’État fédéral est la concrétisation d’une idée d’agrégation
ou désagrégation. Son organisation obéit à plusieurs principes garant de la cohérence de sa
structure.

Paragraphe 2 : Les principes d’organisation de l’État fédéral

L’organisation de l’État fédéral est régie par trois principes fondamentaux : le principe de
superposition (A), le principe d’autonomie (B) et le principe de participation (C).

A. Le principe de superposition

À la différence de l’État unitaire, l’État fédéral est caractérisé par la complexité de sa


structure. Cette complexité n’entache pas la cohérence de son organisation. En effet, la diversité
des États au sein d’un seul État se réalise sur la base du principe de superposition. Celui-ci peut
être apprécié à deux niveaux étatique et juridique.

[8]
Dr. Abdoulaye GUISSE
Droit constitutionnel

Au niveau étatique, il signifie que les deux ordres étatiques se superposent. Au niveau
supérieur se trouve l’État central, et au niveau inférieur se situent les États fédérés. C’est
pourquoi, le Professeur El hadji Mbodj « parle de construction à deux étages ».
Dans cette situation, seul État central ou « Super-État » selon les termes de Jean Gicquel est
détenteur de la souveraineté internationale et représente la fédération sur la scène internationale.
Les entités fédérées ne peuvent en principe participer aux relations internationales. On observe,
toutefois, quelques exceptions dans la pratique. Il s’agit, par exemple, du Québec qui a une
délégation générale à côté de l’Ambassade du canada, ou encore de l’Ukraine et Biélorussie
qui, à l’époque de l’URSS, siégeaient à l’ONU.

Sur le plan juridique, le principe de la superposition se manifeste par la superposition


des ordres juridiques avec primauté de l’ordre juridique fédéral. Autrement dit, les ordres
juridiques (constitutionnels, législatifs, exécutifs, judiciaires) des entités fédérées s’inscrivent
dans le cadre de l’ordre juridique global de l’État central.

En outre, l’exercice des compétences entre l’État fédéré s’inscrit dans le respect du principe
d’autonomie.

B. Le principe d’autonomie

Contrairement aux États qui demeurent souverains, les entités fédérées ne sont protégés
que par un principe d’autonomie. Il signifie que les États fédérés disposent d’une sphère de
compétences propres dans laquelle les autres entités ne peuvent pas intervenir. En ce sens,
chaque entité dispose de sa propre Constitution qui régit son organisation et son
fonctionnement.
Chaque entité continue de disposer d’un pouvoir législatif, d’un pouvoir exécutif et d’un
pouvoir judiciaire. Ce qui les rend indépendantes les unes des autres dans l’exercice de leurs
compétences.

Ainsi, l’autonomie pose la question de partage de compétence entre l’État fédéral et des
États fédérés. Ce partage est souvent organisé par la Constitution. On distingue trois formes de
répartition des compétences entre l’État fédéral et les entités fédérées. La première forme de
répartition qui répond le mieux à l’esprit du fédéralisme réponse sur un critère autonomiste.
Elle consiste à identifier un certain nombre de domaines limités dans lesquels intervient l’État

[9]
Dr. Abdoulaye GUISSE
Droit constitutionnel

fédéral en laissant aux entités fédéré une compétence générale. C’est le cas aux États Unis et
en Suisse. La deuxième forme est centraliste. La compétence générale est conférer à l’État
fédéral alors que l’entité fédérée dispose d’une compétence d’attribution. En d’autres termes,
tout ce qui n'est pas expressément attribué à l’État fédéral relève de la compétence des entités
fédérées. C’est la forme adoptée par la Belgique, le Canada et l’Afrique du Sud.
La troisième forme est mixte. Elle repose sur le principe d’une double compétence consistant à
la détermination d’un domaine de compétence propre à chaque État en plus d’un domaine de
compétence commun ou partagé. C’est la forme adoptée par la République Fédéral
d’Allemagne (RFA) et par l’Australie.

L’autotomie garantie aux entités fédérées n’exclut pas leur participation commune au
pouvoir fédéral, d’où le principe de participation.

C. Le principe de participation

Le principe de participation se définit comme le pouvoir reconnu aux États fédérés de


participer à la vie et au fonctionnement de l’État fédéral. Il s’agit, selon Georges Scelle, d’une
participation des États fédérés à la formation de la « volonté » fédérale. Cette participation se
réalise à plusieurs niveaux.
Elle se manifeste d’abord dans l’exercice du pouvoir constituant. Ainsi, les États fédérés
participent tant à l’élaboration qu’à la modification de la Constitution. Tout amendement ou
toute révision constitutionnelle est soumise à une procédure de participation des États fédérés.
Par exemple, aux États-Unis, un amendement à la Constitution ne peut être adopté que s’il est
adopté à la majorité des deux tiers des Chambres du Congrès, où siègent des représentants des
États, et s’il est ratifié par au moins les trois quarts des États fédérés (c’est-à-dire les 38 sur les
50 États)8. La Constitution sud-africaine de 1996 prévoit trois procédures de révision faisant
intervenir au moins l’approbation de six Provinces ou États fédérés pour être entérinée9.

Le deuxième niveau de participation se manifeste dans l’exercice du pouvoir législatif.


L’élaboration de la législation fédérale s’effectue à travers le bicaméralisme fédéral, c’est-à-
dire par un Parlement composé de deux chambres. La deuxième chambre assure la
représentation des États fédérés qui sont directement associés à l’exercice du pouvoir législatif

8
Voir article V de la Constitution.
9
Voir article 74 de la Constitution

[10]
Dr. Abdoulaye GUISSE
Droit constitutionnel

fédéral. C’est ainsi qu’aux États-Unis, on distingue la Chambre des représentants du Senat qui
représente les États et participe aux œuvres législatives et budgétaires, à la ratification des
traités internationaux, etc. En Allemagne, on a le Bundestag (Chambre du peuple) et le
Bundesrat, Chambre des États. C’est également le cas en Afrique du Sud où on a, d’une part
l’Assemblée Nationale représentant le peuple et, d’autre part, le Conseil National des Provinces
représentant les États fédérés.

Le troisième niveau de participation se situe au niveau du pouvoir exécutif. Il s’agit


généralement d’une participation indirecte qui se matérialise par la participation à la désignation
ou la conformation des titulaires du pouvoir exécutif fédéral. C’est le cas en Suisse ou en
Allemagne où le Président fédéral est élu par une assemblée composée des membres des deux
chambres (Conseil national et le Conseil des États). Il en est de même aux États-Unis où les
États fédérés participent à la désignation du Président fédéral avec le système des grands
électeurs. Aussi, le sénat participe-il à la confirmation de la nomination à des emplois ou postes
fédéraux, comme les membres de la Cour Suprême.
Dans certains États fédéraux, à l’instar du Canada, les États fédérés doivent être représentés au
gouvernement fédéral par au moins un ministre de chaque province. Il s’agit d’une convention
constitutionnelle, c'est-à-dire une règle non écrite de la Constitution.
Il en va de même en Suisse et en Belgique où la composition de l’exécutif fédéral tient compte
de la diversité des cantons et des communautés linguistiques. Au Nigeria, le Président est
contraint de choisir au moins un ministre originaire de chacun des 36 États fédérés.

Finalement, on peut retenir que l’État fédéral est une superposition d’États distincts
(États fédérés) qui se regroupent, pour l’exercice de certaines compétences, en un Super-État
(État fédéral) dans le respect de l’autonomie de chacun des États et la garantie de leur
participation à l’exercice commun de compétences de l’État fédéral. Chaque État conserve
l’intégralité des attributs de l’État à l’exception de la souveraineté externe. Ce qui justifie, sans
doute, le succès de cette forme de l’État par rapport à l’État unitaire ; dans la mesure où il se
distingue par sa souplesse et par son caractère protéiforme.
Qu’il soit constitué en forme simple ou complexe, c’est-à-dire unitaire ou fédérale, l’État
moderne est fondé par la Constitution qui détermine son statut.

[11]
Dr. Abdoulaye GUISSE

Vous aimerez peut-être aussi