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fr - 11/06/2022 14:55 | UNIVERSITE BRETAGNE


OCCIDENTALE

La loi du 6 août 2019, ou comment développer le statut « en même


temps » que le contrat
Issu de Revue du droit public - n°1 - page 111
Date de parution : 01/01/2021
Id : RDP2021-1-009
Réf : RDP janv. 2021, p. 111
Auteur :

 Par Charles Fortier, Professeur de droit public à l'Université Bourgogne Franche-Comté Centre de
recherches juridiques de l'Université de Franche-Comté (CRJFC - EA 3225)

La fonction publique française, incontestablement, se transforme. Depuis le début des années 2000, on ne


compte plus les études relatives à ses évolutions, rarement brutales mais parfois profondes, qui semblent
participer de « l’émergence d’un droit de l’activité professionnelle »1 – d’un droit global de l’activité
professionnelle – ou, à tout le moins, densifier et élargir le tronc commun au droit de la fonction publique
et au droit privé du travail. Les convergences de ces deux droits s’observent d’ailleurs, significativement,
au-delà des frontières nationales2. La loi n° 2019-828 du 6 août 2019, qui affiche l’ambition d’une
transformation de la fonction publique, prolonge logiquement la réflexion relative au modèle français de
fonction publique.

Hérité de la loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires, ce modèle se
caractérise essentiellement par l’existence d’un statut général de niveau législatif :

– par l’existence d’un statut, d’abord. Contrairement au droit privé du travail, le droit de la fonction
publique n’a pas pour objet de concilier les intérêts des agents avec ceux des employeurs – même s’il
accorde aux agents publics, naturellement, les contreparties de leurs sujétions particulières. Au premier
chef, cette branche du droit administratif concerne en effet les modalités d’accomplissement des services
publics, qu’elle contribue largement à déterminer. C’est la raison pour laquelle les obligations des agents
publics sont définies, unilatéralement, par la puissance publique : l’idée même du « statut » est
étroitement liée aux missions de service public confiées aux agents publics, qui ne sont pas invités à
négocier les principes qui président à leur mise en œuvre – même s’ils sont appelés à participer, par
l’intermédiaire de leurs représentants, à la détermination des conditions de travail dans la fonction
publique ;

– par le caractère général du statut, ensuite. En 1946, il s’agissait de mettre fin à l’éparpillement des
régimes statutaires, alors dispersés et très hétérogènes : l’harmonisation des règles de recrutement et de
gestion des fonctionnaires de toutes les administrations d’État – le principe du concours, le principe de la
carrière – a facilité la concrétisation des principes fondamentaux de l’égalité des candidats à un emploi
public et de l’égalité de traitement des agents publics, qui valent aujourd’hui dans les administrations des
trois versants de la fonction publique ;

– par le niveau législatif du statut général, enfin. La consécration du statut par le législateur a permis
d’encadrer le pouvoir réglementaire dans la définition des règles applicables et de limiter l’arbitraire des
chefs de service dans la gestion des agents, ces derniers tirant leurs garanties de la loi elle-même.

Solidaires, ces enjeux sont au fondement de la conception française de la fonction publique. Sont-ils
délaissés par la loi du 6 août 2019 et la « transformation » qu’elle annonce ? Dans un article remarqué3,
Antony Taillefait a défendu la thèse d’un statut à la fois « évidé » et « évité » par la loi du 6 août 2019 :
vidé de sa substance par divers effets dissolvants de la condition statutaire, contourné et concurrencé par
le procédé contractuel y compris pour les emplois publics permanents, le statut général des fonctionnaires
subirait l’onde de choc de la « grande bifurcation » des années 1980 vers le néolibéralisme – cette
bifurcation de « l’État social » à « l’État-entreprise » décrite par Gérard Duménil et Dominique Lévy4.

Pour s’interroger sur un changement de modèle, il convient d’analyser non seulement ce que la loi
réforme effectivement, mais aussi ce qu’elle conserve. Or, force est de constater que le système français
de fonction publique demeure assis sur un statut de droit public, dont les déterminants, certes fragilisés
depuis longtemps par une orientation inspirée des principes du droit privé du travail et confirmée de
réforme en réforme depuis une quinzaine d’années, n’ont pas pour autant cédé en 2019 : de ce point de
vue, la loi du 6 août n’est pas, par elle-même, structurante. En effet, si le législateur a nettement élargi les
possibilités dérogatoires, pour une personne publique, de recourir au contrat pour accomplir une mission
de service public administratif, il n’a pas abandonné le principe fondamental du recrutement d’un
fonctionnaire pour pourvoir un emploi public permanent (I) ; et il a maintenu la soumission des agents
contractuels concernés au droit public – en l’occurrence, à un droit statutaire (II).

I. — LE PRINCIPE DU RECRUTEMENT D’UN


FONCTIONNAIRE POUR POURVOIR UN
EMPLOI PERMANENT
Posé par l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et
constituant le titre Ier du statut général, le principe qui consiste à pourvoir par des fonctionnaires les
emplois permanents de l’État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements
publics à caractère administratif, « sauf dérogation prévue par une disposition législative », contribue à
fonder le modèle français de fonction publique, statutaire et dit « de carrière ». Le Conseil d’État annule
régulièrement le recrutement d’un agent contractuel sur un emploi permanent ne justifiant pas une
dérogation à ce principe – qu’il s’agisse d’un emploi à temps complet5 ou non6.

L’affirmation selon laquelle la loi du 6 août 2019 maintient le principe du recrutement d’un fonctionnaire
pour pourvoir un emploi permanent peut certes paraître excessivement formelle, tant on sait qu’un
principe peut être vidé de sa substance par le périmètre des dérogations qui y sont admises. Mais ce
principe est en réalité fragilisé depuis de nombreuses années (A) et il nous paraît abusif d’imputer un
changement de modèle, à cet égard, à la loi du 6 août 2019 (B).

A. — Un principe fragilisé bien avant la loi du 6 août 2019


Depuis le début de ce siècle, les hypothèses dérogatoires de recours au contrat dans la fonction publique
se sont considérablement élargies, y compris pour répondre à des besoins permanents. En particulier,
l’introduction du contrat à durée indéterminée par la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 puis l’extension
continue des cas dans lesquels il est possible pour les administrations d’y recourir ont sorti le contrat de la
place relativement marginale qu’il y occupait jusqu’alors.

Sans qu’il soit nécessaire de revenir ici sur les étapes et les motifs de cette évolution, on se contentera
d’observer qu’en 2017, les agents contractuels représentaient déjà plus du quart de l’ensemble des agents
publics – environ 1,5 million sur un total de 5,5 millions7. Seul un gros tiers d’entre eux, recrutés pour
une durée de moins d’un an8, répondaient véritablement à la vocation classique des agents publics
contractuels qui est d’assurer la continuité et l’adaptabilité du service public ; près de la moitié
bénéficiaient déjà d’un contrat à durée indéterminée9, occupant donc des emplois permanents. Porter le
raisonnement non plus sur la masse des agents publics, mais sur les flux permet d’accéder à des chiffres
encore plus parlants : parmi les recrutements effectués en 2016, seuls 20 %, environ, ont concerné des
fonctionnaires10 – dont 7 sur 10 seulement, par ailleurs, ont été recrutés par la voie du concours puisque
se développent de longue date, parallèlement, des modes concurrents d’accès à la qualité de
fonctionnaire11.

Ainsi, à cet égard, la loi du 6 août 2019 ne fait que s’inscrire dans le prolongement de réformes qui, mises
en œuvre depuis 15 ans, ont porté leurs fruits bien avant elle : c’est l’irruption du CDI dans la fonction
publique, y compris en primo-recrutement, qui a faussé le principe de l’emploi titulaire – à tel point qu’a
pu être évoquée dès 2011, en doctrine, la perspective d’une « fonction publique sans fonctionnaires »12.
On peut dès lors soutenir avec Alexis Zarca que « s’il est indéniable que l’excroissance des cas de recours
au contrat individuel colore encore davantage notre système de carrière d’une logique d’emploi parée ici
de toutes les vertus […], il n’y a là au fond que l’expression d’une transformation de notre fonction
publique par sédimentation, dans la continuité des réformes législatives qui, censées décloisonner cette
dernière, émaillent chaque quinquennat depuis près de vingt ans »13.

B. — Un principe maintenu par la loi du 6 août 2019 et ses textes


d’application
La loi du 6 août 2019 n’a donc pas supprimé l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983, dont il n’a pas non
plus modifié la rédaction : le recours au contrat pour pourvoir un emploi permanent n’est légal que s’il
entre dans le champ d’une dérogation prévue par une disposition législative. Dans le contexte rappelé ci-
dessus et alors que le rapport du comité Action publique 2022 suggérait au gouvernement la
généralisation du contrat pour les emplois non régaliens des administrations publiques14, ne pas avoir
renoncé au principe du recrutement d’un fonctionnaire pour un emploi permanent n’est pas anodin, même
si l’élargissement du champ des dérogations établit un nouveau point d’équilibre entre l’emploi titulaire et
l’emploi contractuel dans la fonction publique15.

En effet, l’ensemble des établissements publics administratifs de l’État16 – on en dénombre plus de
40017 – ainsi que les communes de moins de 1 000 habitants et les groupements de communes totalisant
moins de 15 000 habitants peuvent désormais pourvoir leurs emplois permanents par la voie du contrat,
directement : ici, si l’on peut dire, la « dérogation » est généralisée à un pan entier des acteurs
institutionnels, indépendamment de la nature de leurs besoins. Une telle coupure du lien traditionnel entre
l’emploi public permanent et la condition de fonctionnaire suggère peut-être un nouveau modèle de
fonction publique. À ce jour, toutefois, ce point de bascule n’est pas franchi.

La loi prévoit d’ailleurs, à son article 15 qui ouvre une section intitulée « Élargir le recours au contrat »,
qu’à l’exception de certains emplois particuliers « le recrutement d’agents contractuels pour pourvoir des
emplois permanents est prononcé à l’issue d’une procédure permettant de garantir l’égal accès aux
emplois publics »18 ; elle annonce un décret en Conseil d’État relatif à cette procédure. Or, le décret
n° 2019-1414 du 19 décembre 2019, relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois
permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels, précise clairement, pour les
hypothèses où « la nature des fonctions ou les besoins des services » justifient un recrutement contractuel,
que le principe est le recrutement d’un fonctionnaire : l’autorité de recrutement ne peut plus s’orienter
directement vers la voie contractuelle pour pourvoir un tel emploi permanent puisque « l’examen des
candidatures des personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire […] n’est possible que lorsque
l’autorité de recrutement a établi le constat du caractère infructueux du recrutement d’un fonctionnaire sur
cet emploi » – et le renouvellement du contrat d’un agent occupant un tel emploi est lui-même soumis,
désormais, à cette condition19. Ainsi, dans ces hypothèses qui, à travers l’appréciation de la « nature des
fonctions » ou des « besoins des services », laissent habituellement une marge importante aux autorités
administratives pour renoncer au recrutement d’un fonctionnaire, le contrat devient un recours ultime.

II. — L’APPLICATION DU DROIT PUBLIC


AUX AGENTS CONTRACTUELS
Le rapport du comité Action publique 2022, déjà mentionné, ne proposait pas seulement la généralisation
du contrat pour les emplois non régaliens des administrations publiques : il se positionnait en faveur du
recours au contrat de droit privé, c’est-à-dire d’un contrat soumis au Code du travail20. On sait que la
tentation du droit privé est ancienne : elle inspirait déjà le rapport Longuet en 197921, et sous l’ère du
statut général actuel elle fut très visible dans le discours que prononça le Président Sarkozy à Nantes en
2007, puis dans le rapport Silicani en 200822, avant de motiver une proposition de loi en 200923. Le
législateur de 2019 l’a repoussée (A) ; il a même confirmé l’attractivité du statut des fonctionnaires sur le
droit applicable aux agents publics contractuels (B).

A. — Le rejet du droit privé


On sait que les agents contractuels de droit public se trouvent, en dépit de l’assise conventionnelle de leur
relation d’emploi, dans une situation statutaire vis-à-vis de leur employeur public :

– d’une part, les trois décrets relatifs à la situation des agents publics contractuels24, pris pour
l’application du statut général, traitent l’ensemble des questions susceptibles d’être réglées par un statut :
ils abordent quelques principes généraux, relatifs notamment aux obligations des agents contractuels, puis
déclinent les modalités de leur recrutement, les règles relatives à leurs conditions de travail, celles
applicables en matière de discipline et les principes gouvernant la fin de leur relation d’emploi ;

– d’autre part, l’article 32 du titre Ier du statut général rassemble depuis 2016 les diverses extensions de
ses propres dispositions aux agents contractuels des trois fonctions publiques. Ces extensions couvrent un
champ considérable : les agents publics contractuels bénéficient d’un grand nombre des droits et garanties
accordés aux fonctionnaires, et sont soumis à toutes les obligations qui, participant de la déontologie du
service public, pèsent sur ces derniers.

Le régime juridique des agents contractuels de droit public est ainsi dominé par des éléments objectifs et
abstraits, décidés unilatéralement, ce qui les distingue fondamentalement, comme les fonctionnaires, des
salariés de droit privé ; leur situation peut d’ailleurs être modifiée à tout moment selon les nécessités du
service public, comme l’a rappelé récemment le Conseil d’État25.

Or, la loi du 6 août 2019 les maintient dans ce régime juridique de droit public : si le législateur a élargi le
recours au contrat pour pourvoir des emplois permanents, il n’a pas soumis les agents concernés au droit
privé. Les agents contractuels de l’administration affectés à des missions de service public administratif
restent donc régis par le droit public, et ce choix est déterminant pour la préservation du modèle statutaire
de fonction publique.

B. — L’attraction du statut
Parce qu’il concerne en particulier les emplois permanents, l’assouplissement des conditions de recours
au contrat dans la fonction publique s’accompagne d’une évolution qui voit la condition juridique de
l’agent public contractuel, davantage installé dans ses fonctions qu’auparavant, s’inspirer de plus en plus
nettement de celle du fonctionnaire. La loi du 6 août 2019 s’inscrit dans ce mouvement – et ne dément
donc pas le caractère attractif du statut.

Ainsi, on l’a déjà relevé, le législateur de 2019 a imposé au pouvoir réglementaire la définition d’une
procédure formalisée pour le recrutement d’agents contractuels sur des emplois permanents26, afin de
revenir à l’esprit du principe d’égal accès aux emplois publics. Quoique plus légère et moins exigeante
que le concours en l’absence d’un jury indépendant et souverain garantissant l’impartialité du
recrutement, cette nouvelle procédure s’en inspire pourtant :

– publicité des modalités du recrutement ;

– publication de l’avis de création ou de vacance de l’emploi à pourvoir et d’une fiche de poste précise ;

– contrôle de la recevabilité des candidatures ;

– tenue obligatoire d’entretiens destinés à vérifier les aptitudes des candidats ;

– organisation possible d’épreuves de sélection ;

– appréciation harmonisée des mérites respectifs des candidats auditionnés à travers la formalisation
écrite des appréciations émises sur chacun d’eux ;

– obligation de les informer de l’issue du processus de recrutement.

La loi de transformation de la fonction publique prévoit par ailleurs que « la rémunération des agents
contractuels est fixée par l’autorité compétente en tenant compte des fonctions exercées, de la
qualification requise pour leur exercice et de l’expérience de ces agents » (art. 28, I). Malgré la marge de
manœuvre conservée par l’autorité administrative concernée, l’encadrement législatif se resserre27,
imposant la prise en compte objective des fonctions exercées (comme est pris en compte, dans le calcul
de son traitement, le grade du fonctionnaire, qui détermine les emplois qu’il est susceptible d’occuper), de
la qualification (comme est prise en compte la catégorie d’emplois du fonctionnaire), de l’expérience
(comme est prise en compte l’ancienneté du fonctionnaire à travers l’échelon qu’il détient au sein de son
grade). Parallèlement, la loi permet de tenir compte des « résultats professionnels » et des « résultats
collectifs des services ». Charles Froger en déduit avec raison que « le régime de rémunération des
contractuels s’aligne un peu plus sur celui des fonctionnaires »28. Le juge administratif apprécie certes
depuis longtemps le niveau de rémunération des agents contractuels par référence à celui des
fonctionnaires29 ; il pourra, désormais, fonder son contrôle sur la loi.

Enfin, la loi du 6 août 2019 généralise la « portabilité » du contrat à durée indéterminée. Cette possibilité
pour l’agent de changer d’employeur public en vue d’exercer des fonctions relevant de la même catégorie
hiérarchique que son emploi initial, en conservant le bénéfice de son ancienneté et de la durée
indéterminée de son contrat, est désormais ouverte entre les trois versants de la fonction publique30. Elle
est symbolique de la « quasi-carrière », qui se construit, de l’agent public contractuel31.

***

Par touches successives aménageant une part croissante à une logique d’emploi, le modèle statutaire et de
carrière dont se réclame la fonction publique française semble se reconfigurer, assez profondément. La
mobilité professionnelle et la différenciation des parcours sont depuis plusieurs années au cœur des
réformes qui concernent les fonctionnaires, sans renoncement à leur cadre statutaire ; dans le même
temps, le recours au contrat est ouvert au maximum, probablement, de ce qu’autorise le maintien formel
de l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 ; parallèlement se construit un droit qui consolide la situation
statutaire des agents contractuels en leur conférant diverses garanties qui participent d’une sécurisation de
leur relation professionnelle (procédure formalisée de recrutement sur emploi permanent, contrats à durée
indéterminée, formations dédiées, entretiens professionnels annuels, droit à un reclassement professionnel
dans diverses situations, portabilité du CDI). La loi du 6 août 2019 contribue de façon significative à cette
mutation qui redessine le modèle initial de fonction publique, en conservant ses piliers mais en
redéfinissant ses équilibres internes. Elle n’est toutefois qu’un jalon de ce « détricotage-retricotage » : elle
ne l’a pas engagé, ni ne marque son terme.

Cette loi rappelle en tout cas que le « statutaire », profondément imprégné d’une exigence d’égalité,
n’implique pas l’uniformité. En assumant la coexistence au sein de la fonction publique des deux grandes
catégories d’agents publics sous statut que constituent respectivement les fonctionnaires et les agents
contractuels – les agents titulaires d’un grade, les agents titulaires d’un contrat –, elle poursuit l’idée que
c’est sur le chemin de l’uniformité que l’administration, qui est d’abord une mission et doit s’adapter
constamment, se mettre en phase avec le monde qu’elle contribue à façonner, risquerait de dégénérer en
bureaucratie et de s’engoncer au détriment des principes d’action qui doivent caractériser la fonction
publique.

Le 15 avril 2020

1 –

(1) Marc E. et Struillou Y., « Droit du travail et droit de la fonction publique : des influences réciproques
à l’émergence d’un “droit de l’activité professionnelle” ? », RFDA 2010, p. 1169 ; v. aussi, pour une
étude systématique et très poussée, Font N., Le travail subordonné entre droit privé et droit public, 2009,
Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèses, vol. 85.

2 –

(2) V. Dunand J.-P., Mahon P. et Perrenoud S., Le droit de la relation de travail à la croisée des chemins :
convergences et divergences entre le droit privé du travail et le droit de la fonction publique, 2016,
Schulthess.

3 –

(3) Taillefait A., « Transformer n’est pas bifurquer : à propos de la “loi Dussopt” », AJFP 2019, p. 314.

4 –

(4) Duménil G. et Lévy D., La grande bifurcation. En finir avec le néolibéralisme, 2014, La Découverte,
L’horizon des possibles.

5 –

(5) CE, 16 mai 2011, n° 341936, Association des administrateurs civils de la Défense : AJFP 2011,
p. 317, obs. Guillaumont O.

6 –

(6) CE, 19 déc. 2018, n° 401813 : AJFP 2019, p. 155.

7 –

(7) La Direction générale de l’administration et de la fonction publique évalue le nombre des agents
publics contractuels à 1 357 000, mais le champ de son étude se limite à ceux dont la durée d’activité est
« suffisante » (DGAFP, Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, 2019, p. 218 et 219). En
ajoutant aux agents contractuels qu’elle recense par ailleurs (un peu plus d’un million, ibid., p. 85)
l’ensemble des agents publics qui, non comptabilisés au titre de cette catégorie, sont pourtant bien
recrutés par contrat (des militaires d’une part, des agents relevant d’« autres catégories et statuts » d’autre
part), on aboutit approximativement au même nombre global de 1,5 million. Au terme d’une analyse fine
de l’ensemble des statistiques disponibles, Fabrice Melleray conclut aussi que « les fonctionnaires
représentent actuellement non pas plus de 80 % des effectifs, mais plus probablement entre 70 et 75 % » ;
Melleray F., « Vers un élargissement du recours au contrat dans la fonction publique », AJDA 2019,
p. 25.

8 –

(8) 53,5 % des agents contractuels sont recrutés pour une durée déterminée et 70 % d’entre eux ont un
contrat d’une durée inférieure à un an ; DGAFP, rapport préc., p. 84.

9 –

(9) 46,5 % pour être précis ; ibid.

10 –

(10) Pour 433 100 entrants dans la fonction publique en 2016, 80 800 seulement étaient des
fonctionnaires, soit 18,65 %, et 282 800 étaient des agents contractuels, soit 65,3 % ; il faut ajouter à ces
deux catégories celle des militaires (31 900 entrants), dont on sait qu’ils sont majoritairement recrutés par
contrat, et celle des « agents relevant d’autres catégories et statuts », qui sont presque tous des agents
contractuels (les 16 % que ces deux « catégories », ensemble, représentent font donc grossir, presque
exclusivement, la part des recrutements contractuels). Encore ces statistiques n’intègrent-elles pas les
238 800 personnes recrutées en cours d’année pour une période courte, c’est-à-dire par contrat, et qui
pour cette raison n’ont été comptabilisées dans les effectifs de fin d’année ni en 2015 ni en 2016.
V. DGAFP, Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, 2018, p. 101.

11 –

(11) Le « recrutement direct » est admis non seulement à l’occasion de la constitution initiale d’un corps
ou d’un cadre d’emplois, mais aussi, de façon plus significative, dans certains corps et cadres d’emplois
de catégorie C, sur des « emplois réservés » au nom de la solidarité nationale, et dans divers emplois de la
haute administration de l’État au titre du « tour extérieur » ; par ailleurs, plusieurs types de contrats
permettent d’accéder à une titularisation hors de tout concours – pour les personnes handicapées, ou dans
le cadre du parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l’État
(PACTE).

12 –

(12) Jean-Pierre D., « Une fonction publique sans fonctionnaires ? », JCP A 2011, p. 39.

13 –

(13) Zarca A., « Contractualisation(s) et transformation de la fonction publique : de la sédimentation à la


disruption », AJFP 2019, p. 125 ; dans le même sens, v. Aubin E., « Le contrat, avenir de la fonction
publique ? », AJDA 2019, p. 2348.

14 –

(14) Comité Action publique 2022, Service public. Se réinventer pour mieux servir, Rapport, juin 2018,
p. 37.

15 –

(15) Derboulles L., « Quel statut pour le contrat au sein d’une fonction publique transformée ? »,
AJFP 2019, p. 190.

16 –

(16) Firoud M., « Établissements publics administratifs de l’État et dérogation à l’occupation des emplois
permanents par des fonctionnaires : vers un nouveau modèle ? », AJFP 2019, p. 197.

17 –

(17) V. le jaune budgétaire « Opérateurs de l’État » annexé au projet de loi de finances pour 2020, p. 32
et s.

18 –

(18) L. n° 83-634, 13 juill. 1983, art. 32 nouveau.

19 –

(19) Id.

20 –

(20) Comité Action publique 2022, rapport préc., p. 37.


21 –

(21) Longuet G., avis présenté au nom de la Commission des lois, session 1979-1980, Doc. AN, n° 1296,
t. III, « Réflexions sur le devenir de la fonction publique », p. 35 et s.

22 –

(22) Silicani J.-L., Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, avr. 2008.

23 –

(23) Proposition de loi instituant la liberté de recrutement par les collectivités territoriales, 21 janv. 2009,
Doc. AN, n° 1393.

24 –

(24) D. n° 86-83, 17 janv. 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de
l’État ; D. n° 88-145, 15 févr. 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ; D.
n° 91-155, 6 févr. 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la
fonction publique hospitalière.

25 –

(25) CE, 19 nov. 2018, n° 413492, Autorité de la concurrence : « les agents contractuels de l’État étant
placés vis-à-vis de leur administration dans une situation légale et réglementaire, les modifications
apportées aux règles qui régissent leur emploi leur sont, en principe, et sauf dispositions contraires,
immédiatement applicables » – V. Melleray F., « Sur la situation juridique des agents contractuels »,
AJDA 2019, p. 301.

26 –

(26) V. D. n° 2019-1414, 19 déc. 2019 relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois
permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels ; Derboulles L., « Recrutement des
agents contractuels sur emplois permanents : “plus” et “autrement” », AJFP 2020, p. 132.

27 –

(27) Il se substitue, pour les agents contractuels de l’État et hospitaliers, à un encadrement réglementaire
en s’alignant sur celui déjà en vigueur pour les agents contractuels territoriaux.

28 –

(28) Froger C., « La loi du 6 août 2019 et le déroulement de la carrière des agents publics », AJDA 2019,
p. 2367.

29 –

(29) Sur cette question, v. Benelbaz C., « La rémunération des agents publics contractuels », AJDA 2017,
p. 396.

30 –

(30) La portabilité n’avait été conçue, par la loi n° 2007-209 du 19 février 2007, qu’au sein d’une même
personne publique et seulement dans la fonction publique territoriale, pour permettre le maintien en CDI
d’un agent contractuel affecté dans un autre emploi de sa collectivité ou de son établissement public ; elle
fut élargie en 2012 à tout emploi du même versant de la fonction publique, autorisant donc la
conservation du CDI à l’occasion d’un changement d’employeur de ce versant.

31 –

(31) Sur cette notion, v. Fortier C., Droit de la fonction publique, 2020, Dalloz, Mémentos, p. 128 et s.,
spéc. p. 141 et s.

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