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Jamal-Eddine ZOHIR Grands Services Publics 2020-2021

CHAPITRE PREMIER
RÉGIME JURIDIQUE DES SERVICES PUBLICS

Les modes de gestion des services public sont divers :


- régie,
- établissement public,
- concession et autres services publics gérés par des organismes privés.
De la diversité des services publics est née une diversité de régimes juridiques. Cependant, malgré
cette diversité, il y a des éléments qui restent communs à leur fonctionnement, formant ainsi, les
principes fondamentaux du service public.

SECTION I :
EVOLUTION DU RÉGIME JURIDIQUE DES SERVICES PUBLICS

§ - 1 Le point de départ : le service public régi par un régime juridique spécial

Selon l’école du service public, les activités de l’administration qui tendent à assurer la satisfaction
d’un besoin d’intérêt général, et qui constituent des services publics, sont entièrement régies par un
droit spécial, exorbitant du droit commun. Le régime juridique des services publics serait, dans ces
conditions un régime de droit public applicable à tous les aspects de leurs activités.
Les agents des services publics se voient appliquer, en principe, un droit spécial, celui de la
fonction publique ;
leurs actes sont des actes administratifs (soit des décisions administratives, soit des contrats
administratifs)
leurs biens relèvent du domaine public ;
leur responsabilité connaît l’application d’un régime particulier.

➡ En somme, le service public devait être entièrement régi par un droit spécial, au point
que les adeptes de l’école du service public ont, pendant longtemps, défini le droit
administratif comme le droit des services publics.

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En effet, pendant toute une période, le service public ne semblait revêtir que l’aspect d’un service
géré par l’administration selon des procédés exorbitants au droit commun. Et si l’on excepte la
concession et la gestion privée l’on peut dire qu’il y avait une certaine équation entre le régime
juridique du service public et le droit administratif. Le service public devait être régi
essentiellement par un régime spécial, le droit administratif.

§ - 2 Apparition et développement du régime de droit privé dans les services publics

Dans un premier temps l’introduction des règles de droit privé dans le régime applicable aux services
publics est due à la gestion privée.
La distinction gestion publique - gestion privée (T.C.8 Fev. 1873, Blanco) allait connaître un grand
développement par la suite.
Donc, extension des cas de gestion privée, notamment en matière contractuelle (C.E. 31 juill. 1912,
société des granits porphyroïdes des Vosges, Rec. 901, concl. Blum).

➡ Conséquence : de plus en plus de règles de droit privé dans l’activité des services publics.

Dans un second temps, l’accroissement de la part des règles de droit privé était dû à l’apparition de
services publics fonctionnant dans des conditions analogues à celles des entreprises privées ; des services
ayant un caractère industriel et commercial (SPIC), essentiellement régis par des règles de droit
privé (jurisprudence Bac d’Eloka, T.C.22 Janv. 1921. Société commerciale de l’Ouest Africain Rec. 91).

§ - 3 Conséquences de cette évolution : la distinction SPA/SPIC

Il résulte de cette évolution une différence de régime selon qu’il s’agisse d’un service public à caractère
administratif (SPA) ou d’un service public à caractère industriel et commercial (SPIC).

1 - Régime juridique des SPA

Il s’agit des services publics traditionnels qui ont le caractère administratif. Ces services publics
administratifs continuent donc à être régis par des règles exorbitantes au droit commun et leur litiges
relèvent de la compétence des juridictions administratives; sauf lorsqu’ils recourent à l’emploi de
procédés de gestion privée, auquel cas, ils se voient appliquer un régime de droit privé par les tribunaux
judiciaires.

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2 - Régime juridique des SPIC

a) Définition du SPIC
Selon la jurisprudence bac d’Eloka, le SPIC serait un service exploité dans les mêmes conditions qu’un
industriel ordinaire.
Pour qu’il soit admis qu’une activité de service public ait le caractère industriel ou commercial, c-a-d,
pour que l’on soit en présence d’un SPIC, il faut que soient réunies trois conditions :
Il faut que l’objet soit industriel et commercial et qu’il présente des caractères identiques à ceux des
entreprises privées. Par conséquent.
Les frais du service doivent être couverts par les redevances payées par ses usagers et non par des
subventions.
et enfin, il ne faut pas que ses modalités d’organisation et de fonctionnement s’appuient sur des règles
ayant le caractère exorbitant.
Union syndicale des industries aéronautiques, C.E. 16 novembre 1956, p.759; J.C.P. 1957, 11, n° 9968;
AJDA, 1956, 2. 489.

b) Le droit applicable aux SPIC


b1 - Le caractère industriel et commercial du service public entraîne, pour ce dernier, l’application d’un
régime juridique largement basé sur les règles de droit privé.
généralement, les actes pris et les contrats conclus par les services publics industriels et commerciaux
n’ont pas le caractère administratif; et sous réserves de quelques exceptions, il s’agit d’actes et de contrats
de droit privé dont le contentieux relève de la compétence des tribunaux judiciaires.
Leurs actes ont le caractère administratif lorsqu’ils concernent l’organisation du service (époux Barbier).
Leurs contrats avec les usagers sont des contrats de droit privé, même s’ils contiennent des clauses
exorbitantes.
Et enfin les contrats conclus avec les fournisseurs sont généralement des contrats de droit privé, sauf s’ils
contiennent des clauses exorbitantes, auquel cas ils acquièrent le caractère administratif.

b2 - Le SPIC est avant tout un service public. Par conséquent,, les règles de droit public ne sont pas
totalement exclues de son régime juridique qui contient également des règles de droit public régissant
certains de ses domaines.
Au même titre que le SPA, le SPIC est soumis aux principes fondamentaux du service public.
Les actes des SPIC peuvent avoir le caractère administratif (époux Barbier); ou cas de l’usage d’une
prérogative de puissance publique (expropriation pour cause d’utilité publique).

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Leurs contrats conclus avec des fournisseurs peuvent avoir le caractère administratif :
- par détermination de la loi
- ou lorsqu’ils contiennent des clauses exorbitantes.
Par contre, avec ou sans clauses exorbitantes, les contrats conclus entre les SPIC et leurs usagers sont
toujours des contrats de droit privé dont le contentieux relève des tribunaux judiciaires.
Les agents de direction et de comptabilité ont la qualité d’agents publics et se trouvent soumis à un
régime de droit public.

SECTION II :
LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU SERVICE PUBLIC

Malgré la diversité de leurs régimes juridiques, on peut dégager un certain nombre de règles communes
qui s’imposent à tous les services publics et qui forment les principes fondamentaux du service public.

§ - 1 Le principe de continuité du service public.

La satisfaction des besoins d’intérêt général qui demeure le but du service public doit être assurée de
manière continue.

Toute interruption est susceptible de générer des troubles dans la vie de la collectivité. Pour éviter de
telles situations, la jurisprudence a posé le principe de la continuité du service public. Que celui-ci soit
administratif ou industriel et commercial, son fonctionnement ne doit pas tolérer d’interruption.

L’une des applications du principe de continuité est fournie par la théorie de l’imprévision (cf. cours
S.3) dont le but est d’éviter la rupture du contrat par d’octroi d’une indemnité au cocontractant, afin
d’assurer la continuité du service public.
L’autre application de ce principe concerne le droit de grève dans le service public. La solution, ici,
n’est pas aussi aisée que la précédente dans la mesure où le principe de continuité est confronté à un droit
fondamental qui a valeur constitutionnelle.

En France, le droit de grève a été, pendant longtemps, exclu dans le service public par l’application du
principe de continuité. Mais à partir de la constitution de 1946, le juge administratif a suivi la voie de la
conciliation entre le droit de grève et le principe de continuité. Le gouvernement, responsable du bon
fonctionnement des services publics a la faculté d’apporter des limitations au droit de grève pour le
concilier avec le principe de continuité (C.E. 7 Juillet 1950, Dehaene, Rec. 426).

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Depuis cette jurisprudence, le droit de grève est reconnu dans le service public, mais seulement lorsqu’il
est mis en œuvre pour défendre des intérêts professionnels. N’étant pas légitime, la grève politique n’est
pas garantie (C.E.18 Fev.1955, Bernot, Rec.p. 97). Toutefois, le gouvernement peut prendre des mesures
pour que l’usage du droit de grève ne soit ni abusif ni contraire aux nécessités de l’ordre public.

Au Maroc, avant la promulgation de la première constitution, la grève n’était pas tolérée dans le service
public. Un décret du 2 février 1958 stipulait dans son article 5 que toute cessation concertée du service
ou tout acte collectif d’indiscipline caractérisée pourra être sanctionné en dehors des garanties
disciplinaires.

Dans l’arrêt El Hihi Ch. Ad. C.S. 17 Avril 1961, en considérant que cet article 5 était légal et qu’il trouvait
« son fondement dans le pouvoir réglementaire propre au président du conseil », le juge aurait en même
temps admis que le droit de grève pouvait être interdit par le pouvoir réglementaire tant que ce droit n’est
pas consacré par un texte de valeur supérieure. Les données du problème vont changer à partir de la
promulgation de la constitution de 1962.
Celle-ci garantit le droit de grève sans restriction et charge le législateur de fixer, par une loi organique,
les conditions et les formes dans lesquelles ce droit peut être exercé (Art.14). Dans ces conditions, est-il
encore admis que l’exercice du droit de grève puisse être interdit par le pouvoir réglementaire, et que le
juge continue à apprécier ce pouvoir sur la base de la jurisprudence El Hihi ? Le principe de continuité du
service public est-il de nature à permettre l’interdiction absolue de l’exercice d’un droit garanti par la
constitution ?

La lecture des dispositions constitutionnelles permet d’affirmer que ni la loi ni le règlement ne peuvent
interdire de manière absolue le droit de grève. Cependant, l’aménagement de l’exercice de ce droit reste
possible et peut, par conséquent, donner lieu à quelques limitations, notamment pour le concilier avec la
continuité du service public et les nécessités de l’ordre public. Mais si limitations il y a, il faudrait
d’abord qu’elles se réalisent par une loi organique; ensuite, il ne pourrait s’agir d’une interdiction
générale et absolue touchant l’ensemble du personnel du service public.

§ - 2 Le principe d’adaptation

Selon ce principe, le service public doit pouvoir s’adapter à l’évolution de l’intérêt général. En effet, les
changements que connaissent les exigences de l’intérêt général nécessitent généralement qu’on modifie le
régime du service public.
Lorsque l’adaptation du service public se concrétise par des modifications dans son organisation ou son
fonctionnement, de telles modifications s’imposent à tous. Elles s’imposent aux agents du service, à ses

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usagers et même aux cocontractants de l’administration comme il a pu être constaté dans la théorie du fait
de prince.

§ - 3 Le principe d’égalité devant le service public

Ce principe est le prolongement de celui de l’égalité de tous devant la loi. Les règles du service public ne
souffrent aucune discrimination entre les administrés qui doivent être traités sur un même pied d’égalité.
Cette égalité concerne aussi bien les charges que le bénéfice des prestations.
Tout usager doit pouvoir bénéficier des prestations du service public s’il remplit les conditions légales.
Lorsque le service est payant, les tarifs appliqués peuvent certes varier en fonction de la différence des
situations des usagers, mais jamais pour des considérations tenant à la personne de l’usager (C.E., 10 Mai
1974, Denoyez et Chorques, AJDA 1974, p.31 1).

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