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M.

Bugada Droit social L3 Semestre 6

Thème n°1 : Le transfert d'entreprise


En principe, le changement d'employeur équivaut à une modification du contrat de travail. Si dans un
groupe de société, un salarié d'une société A va travailler pour une société B, il peut y avoir des modalités
pour organiser le transfert du salarié, ce qui va emporter novation du contrat et nécessite l'accord du
salarié.
C.Cass, Soc, 23 septembre 2009 : un salarié ne peut accepter par avance un changement d'employeur. La
rédaction de la clause de mobilité qui permet aussi le changement d'employeur est nulle puisqu'elle vise à
obtenir du salarié une acceptation a priori de toute mutation.

La logique du transfert d'entreprise est différente car elle va imposer aux parties le transfert du/des
contrat(s) de travail en cas de changement dans la situation juridique de l'employeur. La règle est d'OP.
Le salarié ne peut pas s'y opposer, pas même non plus les employeurs successifs (L1224-1 C.Trav). C'est
une dérogation à l'effet relatif des conventions pour maintenir l'emploi.
Ce texte est ainsi libellé : "lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur,
notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les
contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de
l'entreprise".
Il faut avoir à l'esprit que la règle date de 1928. Elle doit être lue en parallèle, et parfois de façon
dissonante, avec le droit européen puisqu'elle a fait l'objet de plusieurs directives (1977, 1998 et 12 mars
2001 n°2001/23). C'est donc que cette question du transfert d'entreprise nécessite une bonne maitrise du
droit européen qui surplombe toute la question.

La jurisprudence va tenir compte de l'immense possibilité que lui laisse le législateur pour interpréter
cette notion qu'est la "modification dans la situation juridique de l'employeur". C'est là que le droit va
rencontrer une certaine conception économique de l'entreprise.

§1 Conditions de mise en oeuvre


Les cas d'application sont des cas ouverts parce que le texte cite une série d'hypothèses en les faisant
précéder de l'adverbe "notamment", si bien que le juge devra faire une appréciation au cas par cas et
admettre des cas non visés par la loi.
En revanche, récemment, la jurisprudence a précisé que ce texte ne s'appliquait pas pour les particuliers
employeurs (C.Cass, Soc, 26 septembre 2012).

La jurisprudence a posé finement la définition nécessaire pour l'application de ce texte, définition qui
varie selon le juge national ou européen et en fonction de l'époque. Ce qui ressort principalement est qu'il
faut être en présence du transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est
poursuivie ou reprise.
Dans les 10 dernières années, cette définition a fluctué. En 2004, la C.Cass disait "constitue une entité
économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice
d'une activité économique qui poursuit un objectif propre que celle-ci soit principale ou accessoire".
En 2007, elle condense la formule : "constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de
personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit
un objectif propre".
En 2010, elle touche à peine a la définition : "poursuivant un exercice économique propre".

I La question de la poursuite de l'activité


On comprend qu'il faut que l'activité économique se poursuive ie qu'elle ne soit pas interrompue et qu'elle
conserve une même identité dans un même continuum de temps.
La jurisprudence veille de près à ce que les employeurs successifs n'organisent pas des interruptions dans
l'activité pour contourner cette règle d'OP. C'est pourquoi la jurisprudence précise que le seul fait qu'il se
soit produit une interruption de quelques mois mise à profit pour organiser la reprise de l'activité, même

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sous une direction nouvelle, ne fait pas obstacle à l'application du texte dès lors que la même entreprise
recommence à fonctionner.

II La notion d'identité
Cette notion d'identité de l'entreprise va s'analyser à partir de l'activité de l'entité qui est transférée.
Autrement dit, le juge va analyser les éléments d'exploitation qui sont transférés. Le juge ne va pas se
contenter qu'il y ait un transfert d'un service de l'entreprise. Il va vérifier si l'entité transférée a une
autonomie et une identité qui permette l'application du texte.
C'est là où on retrouve le coeur de la définition : ce qui compte est qu'on soit en présence d'un ensemble
organisé de personnes avec des éléments corporels ou incorporels, les deux réunis permettant l'exercice
de l'activité économique qui poursuit un objectif propre.
Au titre des éléments incorporels, on retrouve la marque, la clientèle. Il peut aussi s'agir de céder un
rayon (rayon de boucherie), un service de boissons, denrées alimentaires. Cela peut concerner un élément de
l'entreprise. La cession peut ne porter que sur une branche d'activité de l'entreprise initiale.

La jurisprudence admet que la reprise d'une activité secondaire peut emmener le maintien des contrats de
travail si elle est encadrée par une activité économique autonome.
Il est des secteurs d'activités où il est difficile de s'adosser sur le transfert d'éléments corporels ou
incorporels. Ce qui fait l'objet du débat est lorsque l'activité repose essentiellement, voire exclusivement,
sur de la main d'oeuvre. Ce sont les branches d'activité de nettoyage ou de gardiennage. Est-ce que cette
main d'oeuvre pourra se revendiquer du transfert des contrats de travail.

L'application du texte nécessite-elle un lien de droit entre employeurs successifs ?


Historiquement, la jurisprudence était très libérale ie très peu contraignante. Elle disait à l'origine que ce
texte pouvait s'appliquer en l'absence de lien de droit entre employeurs successifs.
Illustration : une entreprise fait appel à un prestataire de service (nettoyage). N'étant pas satisfait, l'entreprise rompt le
contrat et offre le marché à l'entreprise B. L'entreprise B pouvait réemployer les mêmes salariés que ceux présents dans
l'entreprise A.
Dans les années 80, arrêt Desquesnes et Giral, la C.Cass impose l'existence d'un lien de droit entre
employeurs successifs. La difficulté est que la CJCE, interprétant la directive de 77, admettait que la
succession de contrat de travail est applicable en cas de succession de concessionnaires, même en
l'absence de lien de droit entre eux. La C.Cass a du revoir sa jurisprudence.
C.Cass, AP, 16 mars 1990 : L1224-1 s'applique, même en l'absence de lien de droit, entre employeurs
successifs, à toute entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.
Tout dépendra donc des conditions de fait. Si les salariés sont repris, organisés et affectés à une tache
commune, il y a transfert du contrat de travail. Mais, s'il n'y a pas d'élément corporel mais que les salariés
sont repris, organisés et affectés à une tache commune, il y aura aussi transfert du contrat de travail.

La question du transfert volontaire


En effet, certaines branches d'activités, précisément parce que les changements d'employeurs
interviennent en l'absence de lien de droit, organisent un maintien, un transfert conventionnel. Si bien que
la, ou les, convention(s) collective(s) vont organiser des conditions de garantie d'emploi. Il ne s'agira pas
ici d'appliquer L1224-1 mais bien telle ou telle convention collective qui va poser telle ou telle condition.
On a une convention collective relative au secteur de la propreté qui régit le transfert conventionnel.

Le transfert des contrats de travail s'applique-t-il du secteur public vers le secteur privé et inversement ?
Le législateur a été amené à intervenir pour réguler cette spécificité française qui consiste à avoir des
travailleurs dans le secteur public avec cette règle de maintien des contrats de travail pour laquelle la
jurisprudence communautaire ne voit pas d'obstacle au maintien de l'emploi.
Le législateur est intervenu en 2005 pour le passage de salariés du droit privés repris par une personne
publique et il a du intervenir en 2009 pour l'hypothèse inverse (public vers privé). Ces textes sont codifiés
aux articles L1224-3 et L1224-3-1 C.Trav.
L1224-3 al 1 : "Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par
transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il
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appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée
ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires."
L1224-3-1 al 1 : "Sous réserve de l'application de dispositions législatives ou réglementaires spéciales,
lorsque l'activité d'une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est
reprise par une personne morale de droit privé ou par un organisme de droit public gérant un service public
industriel et commercial, cette personne morale ou cet organisme propose à ces agents un contrat régi par le
présent code."
L'employeur devra proposer des adaptations pour se conforter au droit applicable au repreneur. Il faudra
organiser l'acceptation du salarié non pas du transfert mais de la modification de son contrat initial.

§2 Les effets du transfert d'entreprise


I Le principe est le transfert des contrats de travail (sans modification)
L'application de L1224-1 emporte transfert du contrat de travail dans tous ses éléments. Si bien
qu'aucune modification du contrat de travail ne peut être imposée à l'occasion du changement
d'employeur (hormis la question du changement d'employeur).
Cela étant posé, on comprend que le transfert en lui-même n'est pas un motif pour une modification du
contrat puisqu'il maintient les obligations en cours. Tout de même, il faut avoir à l'esprit que cela
n'empêche pas le nouvel employeur d'imposer un simple changement des conditions de travail. Encore
faut-il que lorsqu'il entreprend un changement des conditions de travail d'un salarié protégé, il obtienne
son accord et, en cas de refus, engage la procédure devant l'inspection du travail. En aucun cas, le salarié
ne peut s'opposer à un changement d'employeur puisque la règle est d'OP.
La question s'est posée de savoir si, avant le changement d'employeur, le salarié devait être informé
individuellement du changement. Lorsqu'il y a des IRP, on sait qu'il y aura au préalable une information
collective. Pour autant, le salarié ne doit pas être informé individuellement.

Puisqu'il y a maintien des contrats de travail dans leur intégrité, en aucun cas le transfert ne peut justifier
la rupture des contrats de travail (soit par le cédant, soit par le cessionnaire). Si d'aventure il y avait
licenciement, il serait sans effet. De ce fait, le salarié dispose d'une option : soit il demande au repreneur la
poursuite du contrat de travail illégalement rompu, soit il exige de l'auteur du licenciement (l'employeur
initial) la réparation du préjudice découlant de la perte de son emploi.
Le salarié peut agir contre les deux employeurs lorsque l'un et l'autre ont été de cohésion dans l'écart de
L1224-1. Tout cela dépend du moment de la rupture.
C.Cass, 2013, Voisin : le salarié ne peut agir contre le repreneur si celui-ci lui avait proposé, avant la fin
du préavis, de le reprendre.

L'application de ce texte ne vaut pas protection absolue et l'ancien ou le nouvel employeur a la possibilité,
soit de procéder à un licenciement personnel, soit de procéder à un licenciement pour motif économique
(individuel ou collectif). Il faut être en présence d'un motif économique réel et sérieux. Souvent, ces
opérations de changement d'employeur se font soit parce que les entreprises concernées traversent des
difficultés économiques, soit parce qu'elles souhaitent se réorganiser pour améliorer leur compétitivité
derrière un secteur d'activité donné.

II L'incidence sur le statut collectif


L'opération de transfert nécessite d'examiner les normes collectives applicables aux entreprises
concernées. L'on sait que certaines opérations de transfert peuvent générer une mise en cause des
conventions collectives applicables à l'entreprise.
Cette mise en cause va conduire au maintien temporaire de l'ancien statut collectif pendant un an, précédé
d'un préavis de 3 mois, laissé pour que les partenaires sociaux puissent négocier un accord de
substitution. S'ils le négocient, peu importe que cet accord soit plus ou moins avantageux, à l'issue du
délai de 15 mois, il va s'appliquer au contrat de travail puisqu'il y a une autonomie entre le contrat de
travail et le statut collectif conventionnel.

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En revanche, si au delà du délai de 15 mois, il n'y a pas d'accord collectif de substitution, les avantages
individuels dont les salariés ont bénéficié dans le passé seront maintenu et la jurisprudence indique même
qu'ils font l'objet d'une intégration dans leur contrat de travail (L2261-14).
Cela crée dans l'entreprise des différences de traitement et la jurisprudence considère que ces différences
ne portent pas atteinte au principe d'égalité puisqu'elles sont prévues par la loi.

La question s'est ensuite posée de savoir si les usages, engagements unilatéraux, accords atypiques
pouvaient bénéficier d'une protection similaire. La jurisprudence a considéré que si ces sources
informelles n'avaient pas été dénoncées pendant le transfert étaient transférées au nouvel employeur, à
charge pour lui de les dénoncer.
Elle considère que le maintien d'un avantage issu d'un usage au seul profit des salariés transférés ne
portait pas atteinte au principe d'égalité.

III Le cas particulier du transfert des contrats du secteur privé au secteur


public et inversement
Le législateur a du adapter le principe de solution. Ces deux lois ont organisé la garantie de l'emploi en
cas de changement d'employeur mais il a fallu préciser comment organiser le passage du régime
applicable au passage du droit privé au droit public et inversement. 3 enseignements :
- Il appartient au repreneur de proposer aux salariés / agents concernés un nouveau contrat concernant
au régime de droit public ou de droit privé selon le cas.
- Sauf disposition légale spécifique, les conditions générales de rémunération et d'emploi des agents
concernés doivent être prises en compte par le repreneur puisque le contrat qu'il propose doit
reprendre les clauses substantielles du précédent contrat et en particulier celles qui concernent la
rémunération.
- En cas de refus du salarié, le contrat prend fin de plein droit et les deux textes sur lesquels on travaille
précisent que lorsque le repreneur est la personne publique, s'il rompt le contrat, devra appliquer aux
agents licenciés le droit prévu par le droit du travail et leur contrat. Lorsque c'est une personne privée
ou un SPIC, il devra appliquer les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés.

Le repreneur doit prévoir un nouveau régime adapté. Mais la loi n'indique pas dans quels délais cette
proposition doit être faite, si bien que la jurisprudence de la Ch Soc a du préciser que tant que cette
proposition n'a pas été faite, le nouvel employeur est tenu de continuer à rémunérer les salariés transférés
aux conditions antérieures.
CE, 25 juillet 2013 a précisé que le repreneur (ici de droit public) doit conserver à l'esprit que le
législateur n'a pas entendu autoriser à proposer aux intéressés une rémunération inférieure. Ceci étant dit,
le CE considère qu'il doit être exclu que le repreneur reprenne dans un contrat de droit public des clauses
qui impliquent une rémunération dont le niveau, même corrigé de l'ancienneté, excèderait manifestement
celui que prévoit les règles générales fixées, le cas échéant pour la rémunération de ces agents non
titulaires. Il appartient à l'AA de rechercher si des fonctions en relation avec l'expérience du salarié
transféré peuvent permettre une comparaison pour fixer une rémunération adaptée par rapport à des
agents exerçant des fonctions analogues.
Concernant la rupture, le salarié peut refuser. Dans ce cas, la rupture est de plein droit. La jurisprudence
a du préciser que cette rupture ne relevait pas des dispositions applicables au licenciement pour motif
économique, ni pour la procédure, ni pour l'appréciation du motif. On est en présence d'un licenciement
sui generis. Dans ce cas, la C.Cass va sanctionner l'employeur, retenir l'absence de cause réelle et sérieuse
qui se contente de rompre le contrat après le refus du salarié au seul prétexte qu'il n'y a pas de disposition
législative ou réglementaires susceptibles de correspondre aux travailleurs. Il va donc devoir expliquer
pourquoi et dans quelles conditions il a proposé une diminution de la rémunération (C.Cass, Soc, 13
novembre 2012).

Ces questions soulèvent des questions procédurales quant à la juridiction compétente. Il sera parfois
difficile de déterminer le juge qui sera compétent.
C.Cass, Soc, 18 février 2014 : dès lors qu'un salarié a accepté par courrier le contrat de droit public
proposé par le repreneur, il travaillait à des conditions qui ne subordonnaient son accord à aucune règle
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particulière et dans ce cas, le juge judiciaire n'est pas compétent pour connaitre du litige auquel donnent
lieu l'exécution et la rupture de ce contrat de droit public.
Il devrait s'en déduire qu'il s'agit de la nature du contrat rompu qui va déterminer le juge compétent

IV Le sort des créances salariales


L1224-2 C.Trav pose la règle selon laquelle le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés dont les
contrats de travail subsistent des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la
modification, sauf dans les cas suivants :
- Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire
- Substitution d'employeur intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci
Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la
modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention
intervenue entre eux.

Ce texte concerne les créances dites salariales. Il en résulte au profit du salarié une règle qui permet
d'obtenir, en cas d'arriéré de salaire une condamnation des deux employeurs in solidum (C.Cass, Soc, 26
avril 2011).
Il arrive fréquemment que dans le cadre de ces opérations complexes, il y ait une convention entre
employeurs successifs et que ces conventions organisent une clause de garantie du passif. Cette clause
peut déterminer que le montant de la cession tient compte des dettes existantes et à venir et que seul le
repreneur pourrait en répondre.
Le nouvel employeur est tenu à l'égard des créances salariales, sauf en cas de procédure collective.
D'abord, la procédure collective permettra de déterminer les créances nées avant et après la procédure
collective. Une partie des créances seront prises en charge par l'AGS et elles seront prises en compte soit
dans le plan de gestion.
Le nouvel employeur est tenu, sauf hypothèse de substitution d'employeur intervenue sans convention
entre employeurs successifs. C'est la théorie du coemploi.

CCL :
L'importance de cette thématique est qu'elle touche à la garantie d'emploi. Mais il faut y mettre une limite
et savoir se placer des deux cotés du raisonnement. Du coté de l'employeur, il a généralement intérêt à ne
pas vouloir reprendre les salariés. Mais il pourrait aussi dire qu'il y a eu transfert des contrats de travail
pour ne pas indemniser.
L'action en justice n'est pas la même selon qu'il revendique des D&I ou la rupture du contrat de travail ou
si sa seule demande touche au paiement de créances salariales dues par l'ancien employeur.
Il y a des hypothèses de transformation des entreprises qui ne s'abordent pas nécessairement sous l'angle
du contrat de travail. C'est lorsqu'une entreprise publique modifie sa forme juridique.

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COURS DU 20/01/15 :
Thème n°2 : Le licenciement pour motif économique
Il faut retenir que ce motif de licenciement appartient aux causes de licenciement non inhérents à la
personne du salarié. Ce motif se rattache à une opération de gestion du personnel qui va déboucher sur la
suppression d'un ou plusieurs emplois. Il ne s'agit pas simplement de la rupture du contrat de travail mais
plutôt de la conséquence de la suppression d'un emploi.
Il est clair qu'au vu du caractère massif de ces licenciements, le juge va être amené à apprécier le caractère
réel et sérieux du licenciement pour motif économique puisque celui-ci ne déroge pas au principe posé par
la loi de 1973 et le chapitre du C.Trav sur ce licenciement précise que tout licenciement pour motif
économique doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le juge prud'homal peut être amené à vérifier le motif figurant dans la lettre de licenciement et lorsque
cette lettre qui doit être motivée est ambiguë, il lui appartient d'identifier le motif déterminant
(économique ou personnel). Selon la réponse, la cause du licenciement et la procédure vont changer.

Le droit du licenciement pour motif économique nécessite une bonne connaissance de ce que le droit
français comprend autour de la notion de motif économique, mais également tous les enjeux procéduraux,
étant précisé que la procédure de licenciement va être plus ou moins complexe selon que l'entreprise a
plus ou moins de 50 salariés (IRP) et selon la taille du licenciement. Les licenciements collectifs sont
particulièrement réglementés en termes de délais, de consultation des CE (lorsqu'il y en a un). Tout retard
pris dans la mise en oeuvre des licenciements peut avoir un impact décisif pour l'adaptation de l'entreprise
à son environnement économique, voire sa survie. La question est sulfureuse.

Section 1 : Le motif économique du licenciement


Le C.Trav le définit à l'article L1233-3 qu'il faut lire avec L1233-4.
L1233-3 al 1 C.Trav : "Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un
employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression
ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de
travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques"
Pour procéder à un LME, il faut être en présence d'un "motif économique" et qui a une incidence sur
l'emploi. Cela participe de la notion de justification du LME. Quand l'employeur va justifier, il devra
rédiger sa lettre en exprimant et expliquant la cause économique et les conséquences sur l'emploi occupé.

§1 La définition du motif économique


Du fait de la présence de l'adverbe notamment, le motif économique va résulter de situations prévues par
le législateur mais aussi par la jurisprudence. Le législateur a prévu deux hypothèses : les difficultés
économiques et les mutations technologiques. La jurisprudence a admis expressément deux autres cas : la
réorganisation de l'entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité et celle de la cessation d'activité
de l'entreprise.

A Les difficultés économiques


Elles sont issues d'une loi de 1989 inspirée d'une directive européenne de 75. Elles sont sous l'étroite
surveillance du juge puisqu'il ne les retiendra que si elles sont suffisamment graves. Une simple baisse
d'activité, la seule perte de client, le fléchissement du chiffre d'affaire ou du bénéfice, voire le coût du
travail ne sont pas, en soi, des arguments suffisants pour caractériser en droit des difficultés économiques.
La chambre sociale de la C.Cass va même assez loin puisqu'elle considère que les juges du fond disposent
d'un pouvoir souverain pour apprécier ces difficultés économiques et qu'ils peuvent en déduire que si des
difficultés économiques résultent d'une faute de gestion de l'employeur, les juges peuvent dénier au
licenciement son caractère économique.
À certains égards, les juge est amené à émettre un jugement sur les choix de gestion de l'employeur et,
parmi le critère qu'il retient, il faut que les difficultés économiques soient d'une certaine gravité. Cette

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exigence sera satisfaite si, en effet, il apparait que l'entreprise subit une perte importante de son chiffre
d'affaire et que ses charges, dettes sont supérieures à celui-ci.

Il apprécie ces difficultés au regard de l'activité de l'entreprise elle-même mais aussi au regard de son
environnement ie son secteur d'activités et, le cas échéant, son appartenance à un groupe d'entreprises.
Concernant le secteur d'activité de l'entreprise, le juge tiendra compte de la branche d'activité ou du
marché concurrentiel dans lequel se situe l'entreprise. Ici, il n'y a pas de grille d'appréciation. Tout va
dépendre des services ou des produits fournis, des modes de distribution, etc.
Son analyse va consister à apprécier les difficultés dans le périmètre du groupe auquel appartient
l'entreprise et ce périmètre a été dégagé par la C.Cass : C.Cass, Soc, 1995, Vidéocolor. Cela s'apprécie
que le groupe soit de niveau national ou international.

RMQ : Une entreprise appartenant à un groupe peut présenter des difficultés mais si elle est la seule du
groupe à les présenter, le juge peut dénier la réalité de ces difficultés. Le juge va comparer la situation de
l'entreprise considérée avec les autres entreprises du groupe qui sont dans le même secteur d'activités.

RMQ : La notion de groupe entendue par la jurisprudence de la C.Cass est une notion autonome. Ce
n'est pas nécessairement celle du droit commercial. Il y a là une approche plus empirique.

NB : Il est reproché aux magistrats de la Ch Soc de la C.Cass de ne pas toujours tenir compte de l'impact
économique de leur propre jurisprudence. Ce reproche interpelle d'autant plus que ces magistrats (issus
pour la plupart de l'ENM), outre le fait qu'ils ont peu fait de droit social, sont en réalité pas ou très peu
formés à la science économique. On a du mal à admettre le lien entre le droit social et notre réalité
économique.

B Les mutations technologiques


C'est la question la plus simple. Il ne s'agit pas d'un critère cumulatif. Lorsqu'elles rendent nécessaire le
licenciement, l'employeur devra respecter les motivations mais aussi s'engager dans un travail qui
consistera à vérifier si des salariés peuvent ou non s'adapter à leur nouveau poste. À cet égard, il devra
satisfaire son obligation d'adaptation et aussi de reclassement (L1233-4) étant également un élément
indispensable pour que le licenciement puisse être justifié. Le reclassement doit être effectué dans
l'entreprise ou dans le groupe d'entreprise auquel l'entreprise appartient. Dans l'hypothèse des mutations
technologiques.

C La sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise


C.Cass, Soc, 5 avril 1995, Vidéocolor a apporté cette condition.
On est en présence d'un cas très discuté puisque découvert par la jurisprudence. Ce cas a été si discuté
que les parlementaires ont été tentés de faire disparaitre l'adverbe notamment pour réduire le nombre de
cas découverts par la jurisprudence. Cette dernière admet ce motif ou que la réorganisation de l'entreprise
soit rendue nécessaire pour la sauvegarde de sa compétitivité.
Il y a eu débat sur la question de savoir si cette réorganisation devait être indispensable à cette
sauvegarde. La Ch Soc semble l'admettre alors que le CC dans sa décision du 18 janvier 2002 fait
simplement référence à la notion de nécessité.

À ce jour, on est en présence d'une hypothèse qui repose sur une jurisprudence constante. Cette mesure
de réorganisation vise précisément à anticiper l'évolution du marché, étant précisé que le périmètre
d'appréciation de ce motif concerne également les entreprises du groupe relevant du même secteur
d'activités.
Un tel cas de recours au LME soulève la question du pouvoir d'appréciation du juge. La jurisprudence
exige que l'employeur démontre des difficultés économiques prévisibles et la nécessité d'anticiper. Pour
autant, le pouvoir d'appréciation du juge comporte une limite admise par la C.Cass elle-même (C.Cass,
Soc, 8 juillet 2009) : s'il appartient au juge de vérifier l'adéquation entre la situation économique de
l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail, celui-ci ne peut se substituer à
l'employeur dans la mise en oeuvre de la réorganisation.
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D La cessation de l'activité de l'entreprise


La jurisprudence a admis au début des années 2000 que la cessation de l'activité puisse constituer un
motif autonome de licenciement. La jurisprudence a néanmoins posé une série de limites, notamment :
- La cessation de l'activité doit concerner toute l'entreprise.
- Elle doit être définitive.
- C.Cass, 17 février 2006 : il faut que cette cessation ne soit pas due à une faute de l'employeur ou à
une légèreté blâmable. Cette notion de légèreté blâmable peut contredire l'idée selon laquelle
l'entrepreneur doit prendre des risques. Voilà pourquoi la jurisprudence exige que les juges du fond
caractérisent précisément cette légèreté dès lors que le risque d'erreur de l'employeur est
naturellement inhérent à tout choix de gestion. C'est pourquoi le juge va dénier le motif économique
quand il apparait qu'une filiale d'un groupe a été fermée pour améliorer le fonctionnement du
groupe.
Il y a des hypothèses où la jurisprudence sera tentée de recourir à la théorie des coemployeurs lorsqu'il
apparait qu'une filiale a vampirisé l'entreprise pour qu'elle cesse son activité. Dans ce cas cela conduit le
juge à rendre impossible l'invocation de la cessation d'activité comme motif économique pour l'employeur.

§2 Les effets sur l'emploi


Pour que le licenciement soit justifié, encore faut-il que le licenciement économique soit accompagné
d'une incidence sur l'emploi, ce qui inclut la suppression ou transformation d'emploi, ou modification du
contrat de travail.
Cela veut dire que soit il apparait qu'un emploi va disparaitre, ou même une partie des tâches effectuées
au titre de cet emploi ie la suppression d'emploi peut être totale ou partielle. Cela ne prive pas l'employeur
de la possibilité de redistribuer les tâches précédemment accomplies par un ou plusieurs salariés.
Idem, l'incidence du motif économique peut se traduire par une modification du contrat de travail. Il
devra notifier au salarié la proposition de modification du contrat de travail, celui-ci ayant un délai d'un
mois pour y répondre. En l'absence de réponse, il s'agira d'une acceptation tacite (envers de la
jurisprudence Raquin).
Existe une ambiguité au regard de la jurisprudence de la Ch Soc. La loi évoque la modification d'un
élément essentiel du contrat de travail. Or, la jurisprudence relative à la modification du contrat de travail
imposait l'acceptation du salarié. Mais L1233-3 évoque la modification d'un élément essentiel.

Il n'empêche que cette incidence sur l'emploi ne peut être retenue que si l'employeur a satisfait à
l'exécution de son obligation de BF et a procédé à la recherche du reclassement de chaque salarié
concerné. Le reclassement s'applique lorsque le licenciement est un licenciement individuel pour motif
économique mais aussi lorsque le licenciement est collectif et massif.
Dans les gros licenciements, les plans de sauvegarde de l'emploi vont intégrer un plan de reclassement et
organiser des cellules de reclassement pour faire des propositions au salarié.

A La nature de l'obligation de reclassement


La jurisprudence est très exigeante avec l'employeur. Elle ne va pas jusqu'à imposer une obligation de
résultats. Il s'agit d'une obligation de moyens renforcée. L'employeur devra faire tout son possible pour
trouver un poste adapté aux qualifications du salarié, si possible avec une rémunération équivalente, ou à
défaut avec une rémunération qui ne l'est pas. Il devra aussi et surtout se ménager la preuve de sa
recherche, de l'intensité de se recherche et de la ou des propositions qu'il a pu faire au(x) salarié(s).
Dans ce processus, la jurisprudence converge pour dire que l'obligation de reclassement peut
s'accompagner d'une formation. Mais il n'empêche que la jurisprudence (C.Cass, Soc, 17 mai 2006)
admet que l'employeur n'a pas le devoir de proposer une formation qualifiante qui dépasserait l'obligation
d'adaptation.
La grande difficulté tenant à la réalisation du reclassement est son périmètre en ce que le périmètre
imposé par la jurisprudence est le groupe et c'est ce qu'a validé le législateur dans son article L1233-4.

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
La jurisprudence précise que la recherche doit se faire dans l'ensemble des entreprises du groupe dont
l'organisation ou le lieu d'exploitation permettraient d'effectuer la permutation de tout ou partie du
personnel, y compris lorsque ces entreprises sont à l'étranger.

B Modalités de reclassement
Conformément à la loi, les ordres de reclassement proposés sont écrits et précis, y compris au sein
d'entreprises étrangères. Au vu de la jurisprudence, les employeurs qui ont eu à gérer cette obligation ont
été amenés à faire des propositions d'emploi, y compris dans des pays moins développés en proposant des
rémunérations au minimum légal local.
Le législateur intervient le 18 mai 2010 pour organiser ce type de communication d'offres de postes
disponibles à l'étranger. L'employeur doit préalablement demander au salarié s'il accepte de recevoir des
offres de reclassement hors territoire national (L1233-4-1). Si le salarié accepte de les recevoir, il doit
mentionner quelles seraient les éventuelles restrictions quant aux emplois offerts, aux rémunérations et à
la localisation. L'employeur n'a pas à proposer un reclassement à l'étranger si l'emploi proposé
contrevient à la législation locale qui peut notamment interdire l'emploi d'étrangers. Les offres ne seront
alors adressées au salarié en fonction des restrictions qu'il aura mentionnées, étant précisé qu'il ne s'agit
que de simples offres d'emploi.
L'offre d'emploi disponible doit être faite au moment où l'employeur s'engage dans le cadre d'un
processus de licenciement pour motif économique et l'employeur devra requérir l'éventuel accord du
salarié à ce moment là. C'est une donnée importante.
Si l'employeur ne satisfait pas cette obligation, le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse.
La notion en elle-même englobe la notion de motif économique et ses conséquences sur l'emploi.

Section 2 : Les modalités du licenciement pour motif économique


§1 Mobilisation des politiques de l'emploi
Les politiques de l'emploi impliquent l'entreprise en elle-même mais également les représentants de l'Etat,
et notamment le direction générale du travail (DIRECCTE). Les évolutions les plus récentes rappellent
trois idées qui invitent l'employeur et les partenaires sociaux économiques à définir une politique de
l'emploi.

Concernant les accords de mobilité et de maintien dans l'emploi, le législateur était intervenu le 14 janvier
2013 pour permettre la conclusion d'accords collectifs spécifiques pour faciliter les mobilités internes à
l'entreprise, pour que les partenaires sociaux définissent le secteur géographique et les contreparties mais
aussi des accords de maintien dans l'emploi à durée déterminée par lequel l'employeur faisant face à des
graves difficultés économiques conclut un accord collectif lui permettant d'obtenir la modification sur la
durée du travail ou la rémunération.
En cas de refus d'adaptation des salariés, l'employeur peut procéder à des licenciements économiques. Il y
a une grande incertitude quant à l'appréciation de ces motifs. Certains disent que les refus consécutifs à
l'application de ces accords entraineraient un licenciement pour motif économique ad hoc. D'autres sont
plus dubitatifs et considèrent que puisque la loi renvoie à un licenciement pour motif économique, cela ne
dispenserait pas le juge d'aller vérifier si les conditions de l'article L1233-3 sont remplies.
Le législateur contemporain va être amené à prendre un risque juridique.

L'employeur qui s'engage sur le terrain d'un licenciement pour motif économique, notamment collectif, va
devoir contribuer financièrement à une politique de revitalisation du bassin d'emploi (article L1233-84).
Quand elle remplit certaines conditions (taille et santé économique), ie qu'elle est in bonis, une convention
sera passée avec l'autorité administrative pour convenir d'une contribution financière à verser pour
financer des actions publiques de politiques de l'emploi. Ces contributions sont négociables mais ne
peuvent être inférieures à un plancher (2x la valeur mensuelle du SMIC par salarié concerné).

Concernant la recherche d'un repreneur (voir affaire Florange), il était convenu que pour les entreprises
de moins de 1000 salariés qui envisageaient un licenciement collectif ayant pour effet la fermeture d'un
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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
établissement, l'employeur ouvre une procédure d'information et de consultation auprès du CE pour que
celui-ci émette un avis avec des propositions sur les offres de reprise formalisées. Ce dispositif a été durci
par la loi du 1 avril 2014 visant à reconquérir l'économie réelle selon laquelle les entreprises d'au moins
1000 salariés envisageant un LME contraint l'employeur à rechercher un repreneur, étant précisé qu'un
expert comptable doit être financé par l'entreprise pour accompagner ce processus.
En cas de violation de cette obligation, le T de commerce pouvait être saisi par les autorités
administratives compétentes pour obtenir un titre exécutoire ordonnant le remboursement des aides
pécuniaires qui avaient été allouées à l'entreprise pour s'installer, se développer sur le site dans les deux
précédentes années. Puis, l'entreprise pouvait être condamnée à une pénalité financière pouvant atteindre
20 fois la valeur du SMIC par emploi supprimé. Cette sanction n'a pas passé le contrôle de
constitutionnalité. CC, 27 mars 2014 a considéré que la sanction portait une atteinte disproportionnée à
la liberté d'entreprendre et au droit de propriété.

COURS DU 27/01/15 :
§2 Le licenciement individuel pour ME
La loi soumet le licenciement pour ME à une procédure moins lourde s'il ne s'agit que d'un licenciement
individuel. Pour qu'il le soit, il faut qu'il ne concerne qu'un seul salarié, mais sur une même période de 30
jours. Cela étant posé, la mise en oeuvre du licenciement soulève le problème de son articulation avec la
proposition d'une modification préalable du contrat de travail, mais également l'appréciation qui peut être
faite d'autres causes de ruptures qui sont susceptibles de se rattacher à un motif économique.

Articulation avec la modification du contrat de travail :


En cas de modification du contrat de travail reposant sur un motif économique, il faut une information par écrit et le
salarié dispose d'un mois pour faire part de son refus. Ce délai est ramené à 15 jours en cas de liquidation judiciaire et ce
n'est qu'en cas de refus que l'employeur pourra, ou non, s'engager sur la voie d'un licenciement pour ME. Dans la
chronologie de la procédure de licenciement pour ME, il faut tenir compte du délai qui doit être laissé au salarié pour
accepter ou refuser la modification.

Pour comptabiliser les seuils, la jurisprudence tient compte de toute rupture du contrat de travail qui
serait rattachée à des raisons économiques et également ce ne sont que des ruptures conventionnelles qui
sont conclues. La jurisprudence en tient compte alors même que L1233-3 précise que les dispositions
relatives au licenciement pour ME ne concernent pas la rupture conventionnelle. Donc il est tout à fait
possible de proposer une rupture conventionnelle dans un contexte de réorganisation.
Mais C.Cass, 9 mars 2011 tient compte de ces autres modes de rupture pour savoir si elles rentrent dans
le calcul du seuil permettant de déterminer l'existence d'un licenciement collectif. Si ces modes de
ruptures sont proposés en nombre, le seuil de 10 ruptures conventionnelles permettra d'imposer à
l'employeur le respect de la procédure collective.
S'agissant des propositions de modifier les contrats de travail, la jurisprudence estime que la qualification
de jurisprudence collective s'applique dès lors qu'au moins 10 salariés ont refusé la modification d'un
élément essentiel.

Le licenciement individuel pour ME soulève trois difficultés. La première concerne la détermination du


salarié licencié, la seconde la procédure à respecter et la troisième l'après licenciement.

1 La détermination du salarié licencié


Pour se séparer d'un salarié, l'employeur va devoir respecter des critères de choix du salarié licencié et
ensuite, les communiquer au juge en cas de contentieux pour en justifier de leur application. Ces critères
sont posés à L1233-5. Il en résulte que l'employeur ne peut pas désigner arbitrairement le salarié qui
devra quitter l'entreprise. Ces critères sont les suivants :
- les charges valides (parents éloignés)
- l'ancienneté du salarié
- situation sociale de ceux qui ont des difficultés de réinsertion professionnelle
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- Loi du 14 juin 2013 a indiqué que l'employeur peut privilégier un de ces critères à condition de
tenir compte de l'ensemble des autres critères
Cette liste n'est pas limitative et l'employeur peut intégrer un autre critère et notamment celui de la valeur
professionnelle des salariés concernés. Mais il a tout intérêt à négocier avec les partenaires sociaux ou,
avec les DP et les CE, cet ordre de licenciement. S'il entend prendre en compte les critères professionnels,
il devra prendre en compte les autres critères, ce qui peut conduire à se séparer d'un salarié
particulièrement compétent.
Pour remédier à ce risque, les partenaires sociaux ont entendu dire que l'employeur pouvait privilégier un
critère à condition de ne pas exclure les autres.

Il faut relever que cette contrainte d'établir des critères d'ordre de licenciement s'impose aussi lorsque
l'employeur entend procéder à un licenciement collectif pour ME. La jurisprudence est amenée à
tempérer cette exigence lorsque, par exemple, tous les emplois sont supprimés (Soc, 5 février 2014).
Du reste, l'employeur peut être amené à tenir compte des catégories professionnelles concernées par la
mesure et, dans ce cas, la jurisprudence considère qu'appartiennent à une même catégorie les salariés qui
exercent, dans l'entreprise, des activités de même nature supposant une formation professionnelles
commune.
Naturellement, dans la fixation de ces critères, il y a deux grandes limites :
- Les éléments retenus doivent être objectifs et vérifiables, même lorsque l'employeur se fonde sur la
valeur professionnelle.
- La loi interdit toute discrimination, y compris entre travailleurs à temps complet et à temps partiel.

En cas de méconnaissance de cet ordre de licenciement, l'employeur s'expose à une condamnation à des
D&I. C'est le droit de la responsabilité civile qui s'applique. La violation de l'ordre des licenciements
n'influe pas sur la cause réelle et sérieuse du licenciement.
L'employeur qui méconnait ces dispositions s'expose à des sanctions pénales (contraventions de 4e
classe).

2 La procédure
Outre l'articulation avec la proposition éventuelle de modification du contrat de travail, le processus de
licenciement est presque identique à celui du licenciement individuel. Autrement dit, l'employeur va
convoquer le salarié à un EP. Le salarié pourra se faire assister par une personne de son choix ou par un
conseiller du salarié en l'absence d'IRP dans l'entreprise. C'est au cours de l'entretien que l'employeur va
indiquer les motifs de la décision envisagée. L'entretien doit avoir lieu 5 jours ouvrables après la
présentation de la convocation.
Ensuite, une lettre RAR de licenciement sera adressée dans un délai qui va varier. Ce délai est de 7 jours
pour les salariés ordinaires ou de 15 jours pour le personnel d'encadrement. Elle comportera le motif du
licenciement. La lettre devra mentionner le droit du salarié à une priorité de réembauchage qui va durer
un an.

L'employeur doit informer l'autorité administrative dans les 8 jours de la lettre de rupture et il devra
indiquer l'identité du salarié licencié, l'effectif et le nom de l'établissement. Cette information est
obligatoire sous peine d'amende de contravention de 4e classe.

3 L'après licenciement
Le salarié licencié sera en mesure d'exercer deux droits :
- Demander par écrit à l'employeur de lui communiquer les critères qu'il a utilisé pour décider de le
licencier (L1233-17). L'employeur devra lui répondre par écrit sur les critères retenus. Cette
demande doit être faite dans un délai de 10 jours après notification du licenciement et le défaut de
réponse (10 jours) permet au salarié d'invoquer une irrégularité qui cause nécessairement un
préjudice. Cela veut donc dire qu'il va bénéficier de D&I en conséquences. En réalité, cette
indemnité va être considérée comme une indemnité qui répare une irrégularité de la procédure et

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
sera évaluée en fonction du préjudice subi, soit jusqu'à un mois de salaire (plus de 11 salariés et +2
ans d'ancienneté).
- Bénéficier d'une priorité de réembauchage pendant une durée d'un an. Il suffit que dans ce délai il
ait manifesté ce souhait pour que l'employeur en tienne compte, si bien qu'il sera obligé d'informer le
salarié de tout emploi devenu disponible, compatible avec sa qualification. Si l'employeur a méconnu
cette priorité, des D&I peuvent être alloués. L1235-13 prévoit une indemnité égale à deux mois de
salaire.

§3 Le licenciement collectif pour ME


Le droit du travail opère une distinction forte dès lors qu'au moins deux salariés sont licenciés. On est
dans une dimension collective du licenciement. Mais au delà de 10 salariés, la procédure sera d'autant
plus alourdie en terme d'information consultation des IRP d'une part et en terme de mesures
d'accompagnement d'autre part. Au titre de ces mesures, il y a l'obligation d'établir un plan de sauvegarde
de l'emploi dès lors que l'entreprise a plus de 50 salariés.
S'agissant de ces licenciements les plus lourds, la réglementation envisage des hypothèses qui permettent
d'éviter les licenciements par paquets pour contourner ces effets de seuils. C'est ainsi que l'obligation
d'établir un PSE vaut pour le licenciement d'au moins 10 salariés, mais aussi lorsque l'entreprise a
procédé, pendant 3 mois consécutifs à des licenciements économiques de plus de 10 salariés, mais
également, est prise en compte les hypothèses dans lesquelles l'entreprise a licencié, au cours d'une année
civile, plus de 18 personnes.

L'appréciation de ces seuils va nécessiter de prendre en compte certaines situations :


- autres modes de ruptures prononcés dans le cadre d'un dispositif économique
- on va additionner les licenciements prononcés, même lorsque l'entreprise est à structure complexe
- licenciement prononcé au sein d'une unité économique et sociale ie une collectivité de travail
reconnue soit par les partenaires sociaux, soit par décision judiciaire dans l'hypothèse où plusieurs
entreprises partagent un même site sous une direction commune dans des conditions de travail
voisines et en vue d'une finalité économique commune

1 Licenciement inférieur à 10 salariés sur 30 jours (petit licenciement collectif)


On va retrouver, spécialement dans la gestion individuelle de la rupture du contrat de travail, les éléments
traités pour le licenciement individuel pour motif économique. S'ajoute une procédure notamment quant à
la consultation des IRP. L'employeur devra informer et consulter, soit le CE s'il y en a un, soit les délégués
du personnel pour les entreprises de 11 salariés. Les IRP n'émettront qu'un avis. L'employeur ne sera pas
lié.
Il peut ne pas y avoir d'IRP dans le cas où l'entreprise a moins de 11 salariés. Dans ce cas, l'employeur ne
sera pas tenu à cette contrainte réglementaire, même si on peut penser que dans les TPE, le dialogue
social peut s'instaurer plus facilement.
Dans le cas où l'absence d'IRP est irrégulière, ce peut être le cas quand il n'y a eu aucun candidat aux
élections. Dans ce cas, les obligations d'information/consultation seront neutralisées à condition que
l'employeur ait régulièrement procédé aux élections et établi un procès verbal de carence. Si, en revanche,
l'absence est irrégulière, la procédure sera irrégulière et il va être en infraction pénale.
Il y a des hypothèses où le CE n'a pu être constitué. Ce seront les délégués du personnel qui seront
amenés à assumer toutes les fonctions d'information/consultation dévolues au CE.

L'employeur devra transmettre toutes les informations utiles (économiques, financières, sociales,
techniques) pour que les représentants du personnel puissent se faire une opinion éclairée sur la situation,
d'autant que les informations peuvent concerner le groupe auquel appartient l'entreprise puisque c'est
aussi à ce niveau que s'apprécie de reclassement.
L'employeur devra faire état des effectifs de salariés atteints, les établissements touchés, le calendrier, les
critères proposés, etc.
Les délégués ou membres du CE ont peu de temps pour préparer ces réunions. La règle des trois jours
s'applique entre la notification de la convocation et la réunion. Cette procédure est peu encadrée.
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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
L'information consultation devra néanmoins être doublée pour scinder les analyses du projet et de sa
réalisation. Il est fréquent d'ailleurs qu'une irrégularité conduise soit les syndicats, soit les salariés à
solliciter en référé la suspension de la procédure pour que l'employeur soit contraint de procéder à des
régularisations.

L'autorité administrative doit être informé, d'abord en amont, du projet de licenciement. Elle va ainsi
vérifier que les IRP ont été informés, que les obligations légales et réglementaires ont été respectées, idem
pour les mesures visant le reclassement.
Le DIRECT devra être informée dans les 8 jours suivant le licenciement ainsi que le PV de la réunion des
représentants du personnel qui auront été consultés sur le projet de licenciement collectif. En aucune
façon le droit français ne constate la cogestion en la matière.

2 Le licenciement de plus de 10 salariés


La loi va réglementer de façon très complexe le processus d'information consultation, étant précisé qu'elle
permet néanmoins aux partenaires sociaux de négocier ce qu'on appelle des accords de méthode ie de
recourir à la négociation collective dans le but de prévoir au préalable le processus d'information
consultation en cas de projet d'ajustement des effectifs pour motif économique.
Lorsqu'ils sont signés, ils s'imposent et ajoutent aux contraintes légales.

Dans l'hypothèse d'un grand licenciement pour une entreprise de plus de 50 salariés, l'employeur devra
établir un plan de sauvegarde de l'emploi. Ce plan est défini à L1233-62. Il doit comporter des actions de
reclassement, des créations d'activités nouvelles pour l'entreprise, des actions favorisant le reclassement
externe, des actions de soutien à la création d'activité nouvelle, des actions de formation ou de
reconversion pour les salariés concernés, et enfin, des mesures de réduction ou d'aménagement du temps
de travail.
La Ch Soc a admis que le juge du fond pouvait pousser très loin son contrôle du caractère suffisant du
plan de sauvegarde. Si bien qu'elle en déduisait (C.Cass, 28 février 1997, La Samaritaine) qu'un plan de
sauvegarde insuffisant permettent d'en déduire la nullité de la procédure. Elle en déduisait la nullité de
tous les licenciements subséquents.
Le 14 juin 2013, le législateur a modifié le processus d'adoption de plan de sauvegarde de l'emploi. Il peut
être négocié si les partenaires sociaux majoritaires acceptent de le faire. Cela peut être par voie de
décision unilatérale que le plan sera adopté dans le respect de la procédure d'information consultation du
CE et du CHSCT.
Cette procédure se prolonge par un contrôle de l'administration du travail et selon que le plan de
sauvegarde est unilatéral ou conventionnel, le DIRECCTE (DR, patron de la DIRECCTE) va
homologuer ou valider le plan.

Désormais, le plan de sauvegarde est soumis à l'autorité administrative. Cela conduit, en cas de
contentieux, à transférer celui-ci vers le JA. L'administration a peu de temps pour rendre sa décision (15j
pour accord et 21j pour décision unilatérale). Si la décision est contestée, le contentieux va être déféré au
JA par toute personne qui y a intérêt. La saisine du juge se fait dans un délai de 2 mois. Le TA a trois
mois pour statuer. A défaut, l'affaire est directement transmise à la CAA qui a trois mois pour statuer et si,
même la CAA n'a pas statué, l'affaire est portée directement devant le CE.
Un des droits les plus discutés est celui du droit pour l'employeur de procéder à des gros licenciements.
La procédure devient extrêmement rapide. Ce transfert de contentieux laisse néanmoins un rôle non
négligeable au JJ et notamment au CPH.

L'employeur va devoir recourir à la consultation du CE. Il doit y avoir au moins deux consultations
(projet + réalisation). Les deux réunions doivent être espacées d'au moins 15 jours et voilà pourquoi la loi
du 14 juin 2013 a fait en sorte que l'ensemble de ces réunions respectent des délais plafond. Ces délais
plafond tiennent compte du nombre de ruptures : deux mois si le nombre de licenciements est inférieur à
100, 3 mois jusqu'à 250 et 4 mois au delà.

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
Ces réunions peuvent se multiplier, notamment lorsque le CE décide de recourir à un expert. Cela va
rajouter au moins une réunion au processus. Le comité devra entendre les résultats de l'expert qui sera
choisi librement et dont les honoraires sont prises en charge par l'entreprise.
Du reste, lorsque l'entreprise est un établissement à structure complexe, le lieu de consultation est
généralement celui de l'établissement où sont réalisés les licenciements. C'est le CE d'établissement qui
sera consulté. Mais sa consultation sera suivie par celle du CE central d'entreprise si les licenciements
projetés ont une incidence sur le fonctionnement général de l'entreprise.

Concernant les autres mesures d'accompagnement, la loi dispose que selon la taille de l'entreprise (+/- de
1000), elle devra mettre en place des dispositifs d'accompagnement pour faciliter la réinsertion
professionnelle des salariés.
Les entreprises de 1000 ou + devront, dans le cadre de leur plan de sauvegarde, proposer des congés de
reclassement pour que les intéressés bénéficient d'actions de formation et d'un suivi par une cellule
d'accompagnement qui va suivre les salariés dans leur recherche de nouvel emploi.
Pour les entreprises de moins de 1000, elles doivent proposer à chaque salarié pour lequel est envisagé un
LME un contrat de sécurisation professionnelle. Ce contrat est une convention qui implique pole emploi
et qui va offrir au salarié qui accepte des droits particuliers d'accompagnement. Si le salarié accepte, la
rupture va être qualifiée de rupture de commun accord. Attention, ce n'est pas une rupture
conventionnelle.
La question qui se pose est celle de savoir si le salarié qui accepte le CSP et rompt à l'amiable le contrat de
travail est en droit de contester la cause économique du licenciement qui n'a pas été prononcé. Une
jurisprudence ancienne admettait cette contestation dans les conventions types de reconversion.

Le choix d'un LME expose l'employeur à de multiples demandes en réparation. S'agissant d'une
procédure qui implique un PSE, les conséquences peuvent être redoutables parce que si l'employeur
procède à des licenciements alors que le DIRECCTE a refusé le PSE ou encore, si le JA prononce
l'annulation du PSE, le salarié a la possibilité soit de solliciter sa réintégration, soit de demander des D&I
qui ne peuvent être inférieurs aux salaires des 12 derniers mois.
Si l'annulation est prononcée par le JA alors que l'administration avait validé le plan, et qu'elle repose sur
un motif étranger à l'absence ou insuffisance du PSE, la poursuite du contrat de travail est soumise à
l'accord des parties, sans quoi il a droit à un minimum de 6 mois de salaire.

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COURS DU 03/02/15 :
Thème n°3 : Les IRP
La question de la représentation des travailleurs est une question qui soulève celle de leur participation à
leur détermination collective de leurs conditions de travail. Ce droit à la participation est un droit d'ordre
constitutionnel posé à l'alinéa 8 du Préambule de 1946. On le retrouve dans les textes supranationaux
comme la charte sociale européenne ou le traité des DF de l'UE... À ce titre, il ne se confond pas avec la
liberté syndicale consacrée à l'article 6 du Préambule de 46.
Alinéa 8 du Préambule de 46 : "Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la
détermination collective de ses conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises". Cette
formulation avait été préparée dans les travaux préparatoires à une refonte constitutionnelle après la
2GM, notamment sous l'impulsion du Conseil National de la Résistance. Ce texte, tel qu'il a été pensé,
constitue une réaction au régime de Vichy qui avait renié les principes de 1789 ainsi que les nouvelles
libertés publiques, dont la liberté syndicale.
On a un principe de participation que DG avait tenté de développer au titre d'une troisième voix et qui,
ensuite, a été décliné en droit positif pour que les travailleurs puissent exercer une influence dans les
choix de gestion opérés par l'employeur. Pour autant, le modèle français n'a pas consacré un modèle de
cogestion (cf. droit allemand). Il s'articule autour de l'information, la consultation et la négociation
collective (dialogue social).

Le droit à être représenté nécessite trois observations préalables :


- La mise en place d'IRP ne correspond pas forcément à la forme juridique de l'entreprise ie le cadre de
représentation va tenir compte, dans les limites légales et jurisprudentielles, d'une réalité sociologique,
celle de l'existence d'une communauté de travail.
- Le droit français conduit à distinguer la représentation des salariés et la représentation syndicale. D'un
coté, il y a donc les représentants du personnel strictement entendus, et de l'autre, le/les délégué(s)
syndicaux qui n'obéissent pas au même mode désignatif et n'ont pas les mêmes attributions. Les
délégués du personnel ont vocation à réclamer le respect de la réglementation de l'entreprise alors que
les délégués syndicaux sont là pour revendiquer la création de droits nouveaux et ils auront le
monopole de la négociation collective. Du reste, les représentants du personnel vont être titulaires d'un
mandat à l'issue des élections qui vont se dérouler dans l'entreprise alors que les délégués syndicaux
vont être désignés par un syndicat représentatif ayant une personnalité juridique distincte de
l'entreprise qui aura atteint le seuil de 50 salariés. C'est donc que le droit français n'a pas choisi un
mode de représentation des travailleurs qui soit moniste. Les organisations syndicales auront le
monopole de présentation des candidats aux élections professionnelles au premier tour. Ce système
réformé par la loi du 20 août 2008 lie ces candidatures d'origine syndicale pour déterminer, au vu du
résultat des élections professionnelles les syndicats qui seront représentatifs dans l'entreprise et qui
pourront exercer toutes les prérogatives attribuées aux OSR (Organisations Syndicales
Représentatives).
- Touchant au droit collectif des salariés, ces questions touchant à la représentation du personnel se
répartissent dans plusieurs contentieux. Lorsqu'on est dans le contentieux électoral ou désignatif, le
juge principalement compétent sera le TI. Parfois, ce contentieux peut dériver vers le JA lorsqu'il
apparait que l'autorité administrative est intervenue, notamment aux fins de déterminer un
établissement distinct. Dans les hypothèses où aucune texte n'attribue de compétence spéciale à une
juridiction, ce sera le TGI qui le sera. L'employeur qui entraverait, par son attitude, le bon
fonctionnement des IRP peut commettre un délit pénal qu'on appelle le délit d'entrave. On a un
contentieux qui se développe autour de cette réglementation d'OP.

§1 Le délégué du personnel (DP), représentant des salariés de


proximité
Le délégué du personnel est un héritage historique des délégués mineurs. Leur existence a été consacrée
par les accords de Matignon de 1936 pour être effectifs avec une loi de 1946. L'idée force est que
l'entreprise, ou l'établissement, va être tenu d'organiser des élections professionnelles pour désigner un
DP lorsque le seuil de 11 salariés aura été atteint.
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Il y a donc des effets de seuils.

A Le champ d'application
Les DP doivent être institués dans les entreprises ou les établissements du secteur privé. Il faut l'entendre
au sens large. L2311-1 vise également les EPIC ou les établissements publics à caractère administratif
lorsqu'ils emploient dans des conditions de droit privé.
La loi impose la mise en place d'un DP pour tous les établissements d'au moins 11 salariés. Elle emploie le
terme d'établissement et non pas d'entreprise ie lorsque l'entreprise est à structure complexe, le fait qu'elle
atteigne le seuil de 11 salariés dans chaque établissement doit la conduire à organiser des élections.
Il existe un contentieux non négligeable sur la question de savoir à partir de quand le seuil de 11 salariés
est atteint. La réglementation précise que ce seuil peut être atteint dans les 12 mois qui précèdent les
élections, ce qui pose ensuite la question du calcul des effectifs par rapport au temps de présence des
salariés. Autrement dit les CDI à temps plein ne posent pas de problème mais les temps partiels, CDD ou
contrats intérimaires devront être calculés au prorata de leurs temps.

Le législateur, en 1993, est intervenu pour permettre la contraction de deux IRP lorsque l'entreprise a
entre 50 et 199 salariés. Dans cette hypothèse là, l'employeur va pouvoir opter, après consultation du CE
existant, pour la délégation unique du personnel. Cela va permettre de réduire le nombre de représentants
de salariés en fonction de la taille de l'entreprise. Ces seuils sont fixés dans le C.Trav.
Exemple : Une entreprise qui a entre 50 et 74 salariés, il y aura 3 titulaires et 3 suppléants. Une entreprise qui a de 175
à 199 salariés, il y aura 8 titulaires et 8 suppléants.

La loi prévoir une hypothèse où lorsque sur un même site, il y a plusieurs établissements de moins de 11
salariés où travaillent durablement au moins 50 salariés, le DIRECCTE peut imposer de sa propre
initiative ou à la demande des OS, les élections de délégués du personnel "lorsque la nature et l'importance
des problèmes communs aux entreprises du site le justifient". Il y aura ensuite un accord conclu entre
l'autorité gestionnaire du site et les organisations syndicales de salariés pour organiser les élections. A
défaut d'accord, c'est l'AA qui va fixer les conditions de cette élection (nombre de sièges, de collèges
électoraux, etc).
Naturellement, le nombre de DP titulaires et suppléants va varier en fonction de la taille de l'entreprise.
D'ailleurs, ce nombre de représentants vaut pour toutes les institutions.

B Les élections
Le principe est une élection tous les 4 ans étant précisé que l'employeur est censé faire un appel aux
candidatures. La demande d'organisation des élections peut être faite par un syndicat ou un salarié et
l'employeur aura un mois pour répondre à cette demande. S'il ne réagit pas, il peut être coupable du délit
d'entrave.
En cas d'échec des élections, il lui est nécessaire d'établir un PV de carence et c'est d'autant plus
nécessaire qu'en l'absence de PV de carence, il pourra lui être reproché de ne pas avoir régulièrement
consulté des institutions qui n'existent pas.

1 Le déroulement des élections


Il nécessite de distinguer la détermination de l'électorat et celle de l'éligibilité.
Sont électeurs ceux qui ont au moins 16 ans et travaillent depuis 3 mois au moins dans l'entreprise. Ils
vont être répartis en deux collèges : celui des ouvriers et employés et celui des ingénieurs, techniciens et
agents de maitrise. Ces deux collèges peuvent être agrémentés, multipliées s'il y a eu un accord collectif
qui a été signé par toutes les organisations syndicales représentatives dans l'entreprises. Dans un but de
simplification, L2314-9 précise que lorsque l'entreprise n'a pas plus de 25 salariés, l'électorat sera réuni
autour d'un collège unique.

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
Sinon, la répartition du personnel dans les collèges et des sièges dans les différentes catégories sont fixées
après la conclusion d'un accord préélectoral. Dans le cas contraire, l'inspection du travail opèrera cette
répartition.
La jurisprudence s'est employée à exclure de l'électorat les représentants, même salariés, de l'employeur.
Pour éviter d'éliminer tous les cadres du scrutin, la C.Cass en 2001 a précisé que cette exclusion ne
concernait que les représentants de l'employeur dotés d'une délégation particulière d'autorité écrite (ou
délégation de pouvoir).
La jurisprudence et la réglementation ont permis de prendre en compte au titre de l'électorat des salariés
qui sont mis à disposition par une entreprise extérieure. Ce personnel entrera en ligne de compte pour
déterminer l'électorat à condition que :
- l'entreprise utilisatrice les occupe pendant 24 mois consécutifs
- les salariés concernés puissent choisir l'entreprise dans laquelle ils seront électeurs ou éligibles

Pour être éligible, il faut avoir 18 ans, être salarié depuis un an. La condition de nationalité n'est pas
exigée même s'il demeure la condition de savoir s'exprimer en français.

2 Le scrutin
L'employeur devra informer le personnel par voie d'affichage des élections futures. Il doit respecter un
délai de 45 jours minimum et doit inviter les syndicats représentatifs à présenter les candidats et à
participer à la négociation d'un accord préélectoral.
La pièce maitresse est le protocole d'accord préélectoral.

Plusieurs difficultés se posent :


- Les organisations syndicales invitées à négocier sont les OS présentes dans l'entreprise mais aussi celles
qui ne le sont pas mais qui remplissent des critères minimum posés par L2314-3 ie avoir deux ans
d'ancienneté et avoir un champ d'activité qui couvre l'entreprise ou l'établissement qui organise les
élections. Ces syndicats vont ensuite envoyer une délégation syndicale pour négocier dont le nom varie
en fonction de la taille de l'entreprise et qui peut comporter des personnes extérieures à l'entreprise.
- La conclusion de l'accord préélectoral : toutes les OS ne sont pas habilitées à signer l'accord
préélectoral. C'est un accord collectif d'un genre dérogatoire. Le principe est qu'il soit signé par la
majorité des syndicats ayant participé à la négociation. C'est une majorité en nombre qui est nécessaire.
Mais en plus, il faut que pour les signataires, il y ait un ou plusieurs syndicats représentatifs ayant
obtenu la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections. Si le résultat de ces élections ne sont
pas disponibles, il faut obtenir la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise. Avant la
loi du 20 août 2008 prévalait la règle de l'unanimité. Pour autant, la règle de l'unanimité existe encore
lorsque l'accord valide la suppression d'un CE, lorsqu'il y a une modification du nombre et de la
composition des collèges électoraux ou lorsque l'accord prévoit une élection qui se tient en dehors du
temps de travail.

Les élections professionnelles se déroulent conformément à la règle de la représentation professionnelle à


la plus forte moyenne. Il s'agit d'un scrutin de liste à deux tours.
Au premier tour, les syndicats de l'entreprise ont le monopole de la représentation des syndicats et ce sont
eux qui vont établir les listes et communiquer sur l'appartenance syndicale de leurs candidats. Les
électeurs vont voter pour une liste mais disposent d'un droit de rature. Mais ces ratures ne seront prises
en compte que si elles atteignent un taux supérieur à 10% des suffrages exprimés en faveur de la liste
raturée. En deçà, la rature est sans effet et les candidats retenus le seront en fonction de leur ordre de
représentation.
Le second tour n'est envisagé que si moins de la moitié des électeurs inscrits a voté au premier tour ou si
certains sièges n'ont pas été pourvus au premier tour. Dans ce cas, il a lieu dans un délai de 15 jours et
c'est ici que les candidatures peuvent être formées en contournant le monopole syndical.

Ce contentieux se déroule devant le TI. La procédure applicable est très particulière puisque l'on
distingue le contentieux dit préélectoral et le contentieux électoral.

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
S'agissant du premier, il a vocation à prévenir des irrégularités. Il convient d'agir dans les 3 jours après la
publication des listes électorales, étant précisé que le tribunal statue en premier et dernier ressort, sa
décision n'est pas susceptible non plus de pourvoi en cassation immédiat. La décision rendue n'est pas
dotée d'autorité de la chose jugée et qu'elle peut être réexaminée dans le cadre du contentieux électoral où
le juge appréciera la régularité du scrutin. Dans cette hypothèses, les demandeurs ont 15 jours à compter
des élections pour agir. Le juge du TI va statuer au principal au fond mais en la forme des référés.
Lorsque l'irrégularité a une influence sur l'appréciation de la représentativité d'une OS, lorsqu'il a été
porté atteinte au PGD électoral, les scrutins pourront être annulés.

3 Les attributions du DP
a Les attributions générales
Le rôle du DP consiste à porter devant le chef d'établissement des réclamations, qu'elles soient
individuelles ou collectives.
L'employeur est censé organiser une réunion mensuelle. Pour qu'il puisse la préparer, le chef
d'établissement doit être destinataire, deux jours avant la réunion, des réclamations. Il doit y répondre par
écrit six jours après la réunion. Cette exigence est d'OP (délit d'entrave), ce qui n'exclut pas des réunions
exceptionnelles ou par service.

b Les attributions spécifiques


Elles sont nombreuses et diversifiées.

* Le remplacement
Le DP peut être amené à assurer un rôle de remplacement des autres IRP (CE, CHSCT) lorsqu'il y a une
carence.
Du reste, lorsque l'entreprise a moins de 50 salariés et que le seuil pour désigner à plein un DS n'est pas
atteint, un syndicat représentatif peut investir un DP. Si bien que le DP aura la double casquette de DP et
de DS et il pourra à la fois porter des réclamations venant des salariés et porter des revendications initiées
par son syndicat. Lorsqu'il est les deux, il ne cumulera pas le crédit d'heures du DP et du DS et ne fait
qu'exercer les fonctions du DS et n'a pas vocation naturelle à négocier des accords collectifs.

* Le droit d'alerte
Le premier est à destination de l'inspection du travail. L2313-1 précise qu'il peut saisir l'inspection de
travail de toutes les plaintes et observations relatives à l'application des dispositions légales dont
l'administration du travail doit assurer le contrôle.
L2313-2 consacre le DP comme défenseur des libertés. Ce texte dispose que si un DP constate
notamment qu'il existe une atteinte au droit des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux
libertés individuelles dans l'entreprise qui ne seraient ni justifiées, ni proportionnées, il en saisit
directement l'employeur. Ils doivent ensuite procéder à une enquête et remédier à la situation. S'il y a
carence dans l'attitude de l'employeur ou divergence sur la solution à apporter au problème, un salarié ou
le DP va avertir par écrit le salarié victime et, s'il ne s'y oppose pas, le lanceur d'alerte peut saisir le
bureau de jugement du CPH qui va statuer selon la forme des référés.

* La libre circulation
Le DP doit pouvoir prendre contact avec les autres salariés de l'entreprise. Ce droit de circulation ne doit
cependant pas procurer une gêne importante dans l'accomplissement du travail. Le DP sera amené à
entrer en contact avec des salariés, même s'il existe des horaires diversifiées. C'est pourquoi la
jurisprudence considère que, par principe, l'existence d'un horaire variable ne fait pas obstacle au DP
dans l'utilisation de ses heures de délégation mais en dehors de ses horaires de travail.
L'employeur doit mettre à disposition des RP des panneaux d'affichages leur permettant de communiquer
avec le personnel.
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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6

* L'attribution d'un local


L2315-6 prévoit que "l'employeur met à la disposition des DP le local nécessaire pour leur permettre
d'accomplir leur mission et notamment de se réunir". C'est une obligation impérieuse puisque l'employeur
ne peut pas prétexter d'une insuffisance de locaux. La jurisprudence criminelle considère qu'hors le cas de
FM, l'employeur est tenu de cette obligation.
La loi prévoit bien un local "adapté" à l'exercice de leur mission.
Plus délicate est la question de savoir si l'employeur doit attribuer un local individuel à chacun des DP

c Le crédit d'heures
Les DP vont bénéficier d'un nombre d'heures nécessaire à l'exercice de leurs fonctions. La loi prévoit un
crédit d'heures de 15 heures qui peut varier en fonction du seuil atteint par l'entreprise.
15h pour les entreprises d'au moins 50 salariés et 10h pour les plus petites.
Ces heures sont financées par l'entreprise. Elles valent tant de travail effectif. Elles sont utilisables à
l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise. En principe, elles doivent être utilisées pendant le temps de
travail. Il est des situations exceptionnelles, de même que certains dépassements du crédit d'heure
peuvent être admis précisément lorsque la situation l'exige.
La jurisprudence, en cas de contentieux, admet que le DP puisse être en mesure d'en justifier l'usage mais
elle considère que c'est d'abord à l'employeur d'établir la non conformité de ce temps avec l'objet du
mandat.
Ce temps est individuel en ce sens qu'il n'a pas vocation à être réparti entre les titulaires et les suppléants.
Son usage peut être organisé et amélioré par voie d'accord collectif, étant précisé que lorsque l'employeur
s'est engagé sur la voie d'une délégation unique du personnel, il sera amené à allouer un crédit d'heures
plus important (en principe mensuel de 20h).

COURS DU 10/02/15 :
§2 Le CE
Sa genèse commence en 1945 et cette institution a été pensée dans un contexte politique pour lequel l'idée
de participation des travailleurs pouvait être considérée comme une troisième voix, si bien que cette
institution a été conçue comme un outil de coopération pratique entre le capital et le travail.
Cette instance collective est une instance associée aux prises de décisions mais sans pour autant consacrer
la cogestion. Au regard des prérogatives qui lui ont été attribuées, elle a néanmoins été conçue comme un
contrepouvoir, d'autant que le CE dispose de la personnalité civile.

A La mise en place et l'implantation du CE


Le CE va se constituer à l'issue d'élections qui, comme pour les DP, auront lieu tous les 4 ans, même si un
accord collectif peut déroger à cette périodicité et envisager un rythme plus bref qui ne saurait être
inférieur à deux ans. Les élections des membres du CE seront d'autant plus suivies par les syndicats
(monopole de la présentation au premier tour) que c'est d'abord le résultat aux élections CE qui sont
prises en compte pour apprécier la représentativité syndicale.
La loi va imposer un troisième collège par principe si d'aventure, dans l'entreprise, il y a au moins 25
salariés qui sont susceptibles d'appartenir à la catégorie des cadres et assimilés. Cette question conduit à
s'interroger sur le seuil qui permet de déclencher la mise en place d'un CE.

L2321-1 C.Trav précise que la création d'un CE est obligatoire dès lors que l'entreprise a atteint le seuil
d'au moins 50 salariés sur une période de 12 mois (consécutifs ou non) au cours des trois années
précédentes.
Cette règle se décline lorsque l'entreprise est à structure complexe. Dans ce cas, il n'y aura pas un CE
unitaire mais des comités d'établissement (CEt) lorsqu'ils ont atteint le seuil légal chapeautés par un
comité central d'entreprise. Ce comité central d'entreprise sera composé de délégués élus par les
représentants qui composent les comités d'établissement. Quand la décision concerne l'entreprise, le
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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
comité central d'entreprise sera consulté. Le comité d'établissement le sera lorsque seul l'établissement
sera concerné.
Il ne faut pas confondre entreprise à établissements multiples avec l'hypothèse du groupe de sociétés qui
devra constituer un comité de groupe.

Cela peut poser des difficultés lorsque le périmètre de l'entreprise évolue. En cas de baisse d'effectif, il
peut y avoir une disparition du CE. Mais la loi prévoit qu'il faut un accord collectif en ce sens et signé par
l'ensemble des syndicats représentatifs. Faute d'accord collectif organisant cette disparition, c'est le
DIRECCTE qui va valider la suppression si la réduction des effectifs est importante et durable
(L2322-7).
En cas de restructuration, le mandat des membres du CE perdure si la restructuration n'atteint pas
l'autonomie juridique de l'établissement transféré. Si la restructuration atteint l'autonomie juridique de
l'établissement transféré, on bascule sur la solution précédente (accord pour la suppression). A défaut, les
mandats seront maintenus jusqu'aux prochaines élections dans l'entreprise d'accueil.

Les enjeux liés au CE :


Le CE est une institution qui mixe les représentations. On trouve d'abord les représentants des salariés
dont le nombre varie en fonction de la taille de l'entreprise. Ils sont divisés en titulaires et suppléants, les
suppléants siégeant mais n'ayant qu'une voie consultative.
À cette représentation élue s'ajoute un représentant syndical pour chaque syndicat représentatif avec une
souplesse pour les entreprises de moins de 300 salariés : les DS déjà désignés par leurs syndicats sont, de
droit, représentants au CE.
Le chef d'entreprise est président de droit du CE. Il peut se faire représenter et assister par deux
collaborateurs.

La procéduralisation du droit du travail fait que l'employeur qui ne respecte pas ses obligations
d'information / consultation s'expose juridiquement.
Il s'expose pénalement puisqu'il encourt le délit d'entrave à la mise en place ou au bon fonctionnement de
l'entreprise. Ce délit permet la condamnation pénale personnelle du dirigeant mais aussi, le cas échéant,
une condamnation de la personne morale.
Toute une panoplie de sanctions civiles peuvent s'y ajouter. Si un déficit de consultation est constaté et
que ces manquements produisent un préjudice, le dirigeant et la société peuvent voir leur responsabilité
civile engagée mais ce n'est pas tant sous l'angle de la responsabilité civile que les sanctions civiles sont le
plus efficaces. Il existe toute une jurisprudence qui développe la théorie des nullité des décisions
patronales ou leur inopposabilité en cas de défaut d'information consultation.
Du reste, des textes particuliers prévoient des sanctions civiles ou sociales particulières. Lorsque
l'employeur est tenu de créer un plan de formation à ses salariés et qu'il n'a pas été soumis au CE, sa
contribution obligatoire pour la formation professionnelle sera augmentée de 50%.

L'employeur doit également veiller aux réactions que pourrait avoir le CE puisque celui-ci a la
personnalité civile et peut agir en justice à l'issue d'un vote mandatant un ou plusieurs membres à cette
fin. La jurisprudence lui a accordé cette personnalité civile au titre de la réalité des personnes morales. Le
législateur l'a ajouté à L2325-1 C.Trav.
Au sein d'une entreprise qui va avoir la personnalité morale, on trouve d'autres personnes morales.

B Les attributions du CE
Ici, il y a trois grandes séries d'attributions consacrées par la loi :
- attributions économiques et financières
- attributions dans le domaine de l'emploi, des conditions de travail et de la santé au travail
- attributions sociales et culturelles

1 Attribution économiques et financières


Le texte fondateur de ces attributions est L2323-1 C.Trav issu de la législation de 1982. Il dispose :
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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
Art. L. 2323-1 : Le comité d'entreprise a pour objet d'assurer une expression collective des salariés
permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à
l'évolution économique et financière de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation
professionnelle et aux techniques de production.
Il formule, à son initiative, et examine, à la demande de l'employeur, toute proposition de nature à améliorer
les conditions de travail, d'emploi et de formation professionnelle des salariés, leurs conditions de vie dans
l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles ils bénéficient de garanties collectives complémentaires
mentionnées à l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale.
Il exerce ses missions sans préjudice des dispositions relatives à l'expression des salariés, aux délégués du
personnel et aux délégués syndicaux.

Il devra être consulté pour tout ce qui va concerner le fonctionnement général de l'entreprise si bien que
l'employeur va devoir informer, consulter cette IRP préalablement à toute décision. L'employeur n'est pas
censé pouvoir prendre de décision à portée collective avant d'avoir consulté le CE. S'il a déjà pris sa
décision avant de consulter le CE, il commet un délit d'entrave.
La jurisprudence de la Ch Crim est extrêmement vigilante puisque ce qui doit être soumis à cette IRP est
le projet envisagé par l'employeur. S'il a une incidence collective, il devra d'abord être soumis au CE
accompagné des documents utiles et pertinents pour que les membres du CE puissent émettre un avis
motivé et éclairé. Une simple communication de l'employeur peut ne pas s'avérer suffisante (C.Cass,
Crim, 27 mars 2012).
Cette contrainte sociale est parfois mal vécue par les dirigeants qui préfèrent conserver le secret des
affaires pour être certains de la réussite d'une opération. Ils préfèreront parfois prendre le risque d'un
délit d'entrave plutôt que de laisser passer une opportunité d'évolution de l'entreprise.
Pour que cette consultation ne soit pas un frein au choix des décideurs, la loi met en place une obligation
de discrétion envers les membres du CE (L2325-5). Elle se cumule avec l'obligation pour les salariés de
respecter les secrets de fabrication. Pour qu'elle s'applique, il faut que les informations transmises
revêtent un caractère confidentiel mais qu'en plus, les employeurs aient mentionnés que les documents
transmis sont confidentiels. La jurisprudence condamne les pratiques patronales qui auraient tendance à
conférer un caractère confidentiel à tous les documents transmis au CE.
cf. Loi Macron

les réformes récentes, notamment issues de la loi du 14 juin 2013, ont fait en sorte que les IRP , membres
du CE compris, puissent désormais avoir accès à une banque de données appelée la base de données
uniques, régulièrement mise à jour et qui porte sur les informations stratégiques de l'entreprise. Cette
BDU a vocation à nourrir les prévisions que peuvent faire les représentants des salariés. Des modalités de
communication existaient mais la base de donnée les enrichit.
Ces informations portent sur l'année en cours, les deux années précédentes et les trois prochaines années.
Les items développés dans cette base de donnée sont nombreux : l'ensemble des éléments de rémunération
des salariés, mais aussi des dirigeants, l'état de la sous-traitance pratiquée par l'entreprise, les flux
financiers entre entreprises du groupe.
Cela concerne les entreprises de 300 salariés et plus et n'est censée être généralisée qu'à partir de 2016.

* Les circonstances de la consultation :


Cette consultation sera en lien avec la marche générale de l'entreprise. Le CE devra être consulté sur les
orientations stratégiques. Il y a aussi des informations périodiques ou ponctuelles qu'il faudra fournir aux
membres du CE.
On peut distinguer les consultations en lien avec une décision de l'employeur. Le CE va être consulté
pour les projets de LME et la réalisation. Il va de soi également que celui-ci sera consulté pour toute
modification dans la situation juridique de l'employeur. Il y a de la jurisprudence qui s'est prononcée sur
la question de savoir si une simple cession d'actions entrainait une procédure de consultation. Cela
dépend si cette cession est plus qu'une simple opération patrimoniale privée et a des effets au regard du
contrôle de la société et de sa dépendance vis-à-vis d'une autre société.

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
Idem en cas de projet d'introduction de nouvelles technologies. Même si le droit positif n'a pas clairement
défini le concept de nouvelle technologie, il s'avère qu'un tel projet mérite consultation même s'il n'a pas
vocation à intéresser toute l'entreprise.

Il existe aussi les consultation en lien avec les orientations stratégiques. Ces informations sont variées.
L'employeur va devoir consulter le CE pour ces grandes orientations. La base de donnée unique sert de
point d'appui pour cette information consultation. Le CE sera informé consulté si l'employeur, par
exemple, envisage de procéder à une annonce publique portant sur la stratégie économique de
l'entreprise. Idem en cas d'OPA ou de processus de concentration.

On trouve les informations récurrentes ou périodiques. Dès sa constitution, le CE doit être destinataire
d'une information initiale qui contraint le chef d'entreprise à communiquer toute une série de documents
économiques et financiers qui touchent à l'organisation juridique et structurelle de l'entreprise, qui
concerne la répartition du capital entre associés, etc.
S'ajoutent à cela des informations annuelles. L'employeur est tenu à la rédaction d'un rapport d'ensemble
qui va porter sur les activités, résultats, investissements, affectation des bénéfices, montant des salaires
par catégorie, traitement de la soustraitance, etc.
Elles sont complétées par des informations trimestrielles ou semestrielles (suivant que l'entreprise compte
plus ou moins de 350 salariés), notamment s'agissant des mesures envisagées en termes d'équipement, de
méthodes de production et d'exploitation de l'entreprise.
S'y ajoutent des informations particulières dans les sociétés commerciales. Exemple : Le CE est destinataire
des documents comptables transmis ensuite aux réunions des actionnaires.
NB : Il y a, s'agissant du contenu et de la périodicité de ces informations, des allègements selon la taille
des entreprises, et notamment lorsqu'elle a moins de 300 salariés.

On trouve enfin la consultation en lien avec l'existence d'une procédure collective. Le CE est étroitement
associé à la procédure de prévention des difficultés, de redressement et de liquidation judiciaire, étant
précisé que, notamment dans le cadre des prévention des difficultés, le CE dispose d'un droit d'alerte
lorsqu'il a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de
l'entreprise (L2323-78).
Le CE va transmettre ces faits au dirigeant, demander une explication, l'établissement d'un rapport avec
assistance d'un expert comptable (si réponse du dirigeant insuffisante), le CAC peut être convoqué. Le
CE peut saisir les organes dirigeants mais aussi informer les associés qui sont présents au titre du capital
de la société. Si bien que ce droit d'alerte est voisin à celui du CAC qui peut même déboucher sur une
demande en justice de révocation / récusation.

2 Les attributions dans le domaine de l'emploi, les conditions de travail et de santé au


travail
a Dans le domaine de l'emploi
Art. L. 2323-15 Le comité d'entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de
compression des effectifs.
Il émet un avis sur l'opération projetée et ses modalités d'application (L. no 2013-504 du 14 juin 2013,
art. 18-XXIX) « dans les conditions et délais prévus à l'article L. 1233-30, lorsqu'elle est soumise à
l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi ».
Cet avis est transmis à l'autorité administrative.

Tous les ans, le CE est censé étudier l'évolution (n-1) et les prévisions (n+1) de l'emploi dans la société et
un PV est adressé à l'administration du travail. Du reste, il sera consulté sur tout ce qui concerne les
projets de compression des effectifs, tout ce qui attrait à la gestion prévisionnelle de l'emploi et des
compétences

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b Les conditions de travail et la santé au travail
Art. L. 2323-27 Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les
conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de
l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération.
A cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur dans les
domaines mentionnés au premier alinéa et formule des propositions. Il bénéficie du concours du comité
d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence. Les avis de ce
comité lui sont transmis.

C'est un terme très évasif puisqu'il peut être même adressé à l'employeur. Cela concerne la durée,
l'aménagement du temps de travail, mesures en cas d'accident.

Se pose la difficulté d'information entre le CE et le CHSCT. L'employeur est souvent tenu à une double
information.
Soit l'entreprise a un médecin du travail, soit cette fonction est externalisée puisqu'il peut y avoir un
service médical du travail et le CE sera consulté sur la gestion de ce service et qui donnera son agrément à
la nomination et à la révocation du médecin du travail.

3 Les attributions sociales et culturelles


La loi a conféré au CE des oeuvres sociales (L2323-83). Cette volonté d'attribuer cette compétence au
CE s'est accompagnée de toute une démarche visant à évincer le paternalisme d'entreprise. Les CE ont
vocation soit à gérer directement ces oeuvres, soit à en contrôler directement la gestion.
Il peut apporter des aides financières, créer des bourses d'études, obtenir des avantages en termes de
réductions, si bien que la jurisprudence a une conception très ouverte de ces attributions dites sociales.
Elles peuvent être récurrentes ou exceptionnelles. Il y a tout de même des limites.

Ces oeuvres n'ont pas vocation à se substituer à l'employeur, notamment en termes de prévoyance
complémentaire, de gestion d'un restaurant. Mais elles n'ont pas non plus vocation à se substituer aux
syndicats. Il n'a pas vocation à financer la propagande syndicale, les abonnements aux revues juridiques
dont pourraient bénéficier les syndicats.
Le financement de ces activités est prise en charge par une contribution patronale dont le montant est
défini par un accord collectif. L3323-87 donne une méthode de détermination du montant de cette
consultation qui se calcule à partir des sommes qui ont été versées sur les 3 dernières années desquelles on
retient la meilleure année et qui est pondérée en fonction de la masse salariale. Cette contribution s'ajoute
à la contribution patronale versée au titre du budget de fonctionnement du CE (à hauteur de 0,2% de la
masse salariale, au minimum). Ce mode de calcul peut être fixé par un usage.

Il peut y avoir des litiges concernant le budget consacré aux activités sociales et culturelles. Ce
contentieux se déroule devant le TGI.

C Le fonctionnement du CE
Il faut retenir que, généralement, le CE se réunit mensuellement. Si d'aventure l'employeur ne se pliait
pas à cette périodicité, les membres du CE ont la possibilité de le contraindre à la majorité en saisissant à
cette fin l'inspecteur du travail.
Pour les entreprises de moins de 150 salariés, les réunions ne sont pas censées êtres mensuelles mais
auront lieu tous les deux mois. Retour à la réunion mensuelle si l'employeur a opté pour la représentation
unique du personnel.

L'une des difficultés concerne l'ordre du jour parce que la loi dispose que cet ordre du jour est arrêté
conjointement par le président et le secrétaire du CE. Il faut un ordre du jour conjoint, ce qui peut encore
générer du contentieux. Il est communiqué au minimum 3 jours avant la réunion et celle-ci se déroule.
Lorsqu'un avis est requis, il est pris à la majorité des membres présents. L'employeur (président du CE)
ne participe pas au vote lorsque les membres du CE statuent en tant que délégation du personnel.
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Un PV est rédigé par le secrétaire. Il doit être transmis à la direction départementale du travail, affiché ou
diffusé dans l'entreprise. Ces modes de transmission de l'information doivent être déterminés par le RI du
CE.
On peut relever que le CE peut faciliter ses travaux en organisant des commissions préalables. Pour les
entreprises de plus de 1000 salariés, il doit y avoir une commission économique au sein du CE pour
instruire les dossiers de portée économique. Du reste, le CE peut se faire assister d'un expert comptable
qui sera rémunéré à titre principal par l'entreprise et même se faire assister d'experts en nouvelles
technologies lorsque le projet porte sur l'introduction de nouvelles technologies. Il y a un contentieux
assez nourri lorsque le CE envisage de recourir à ce type d'expertises puisque c'est elle qui en supporte la
rémunération, sauf abus.
Le contentieux peur opposer l'employeur au CE ou l'employeur à l'expert.

§3 Les autres IRP


A Le CHSCT (comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail)
C'est une IRP spécialisée aux questions de santé - sécurité au travail. Chaque fois que l'employeur va
avoir un projet pouvant avoir un impact sur les conditions de travail en lien avec la santé au travail, le
CHSCT devra être consulté.

Il est composé de représentants du personnel mais qui, par principe, ne font pas l'objet d'une élection
directe ie ils sont élus à partir d'un collège qui est composé de l'ensemble des élus du personnel (DP et
membres du CE). Peuvent être choisis des membres de la délégations du personnel mais aussi des salariés
lambda. Et du seul fait d'être ainsi désignés, ils deviennent alors des salariés protégés. À ce titre, ils
bénéficient d'une protection contre le licenciement, d'un crédit d'heures, d'une liberté de déplacement
dans l'entreprise.
Cette institution va exercer, à la fois des fonctions consultatives, mais aussi des fonctions de contrôle.
Consultatives puisqu'il est consulté sur tous les programmes de prévention des risques, d'amélioration des
conditions de travail, du bilan social de l'employeur, pour l'élaboration du RI, s'agissant de la partie
hygiène et sécurité. Fonctions de contrôle puisque les membres du CHSCT sont amenés à procéder à des
inspections de contrôle. Ils effectuent ensuite des enquêtes lorsqu'il y a eu un accident du travail ou une
maladie professionnelle.

Dans les entreprises qui partagent un site présentant des risques particuliers, la loi prévoit même des
CHSCT interentreprises et pour les entreprises classées seveso, il est même prévu des CHSCT élargis et
notamment à toutes les entreprises qui sont amenées à intervenir sur le site classé.

Ce dispositif prend de plus en plus d'importance, notamment avec l'avènement de l'obligation de sécurité
de résultat pesant sur l'employeur. Il est donc aussi consulté sur les problématiques nouvelles, notamment
s'agissant de la santé mentale au travail.
Lorsqu'il est consulté, le CHSCT émet un avis. Là encore, cet avis n'a pas à être un avis conforme.
L'employeur est responsable de la bonne marche de l'entreprise et il n'a pas à attendre un avis agréant sa
décision.
Deux points révèlent à quel point le CHSCT est important.
- D'abord parce que le CHSCT dispose d'une procédure d'alerte lorsqu'il constate un risque grave et
imminent. Non seulement il met en demeure l'employeur de trouver une solution, l'inspection du travail
peut être avertie de ce danger mais l'existence d'un danger grave l'autorise en plus à décider de la
désignation d'un expert en matière de santé au travail.
- Ensuite, le CHSCT peut rendre un avis négatif et ne pas agir en justice. La question s'est posée de
savoir si, sur la base de cet avis négatif, les syndicats, en vue de la défense de l'intérêt collectif de la
profession, pouvaient agir sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat. C.Cass, mars 2008,
Snecma a fait droit aux syndicats qui avaient demandé l'arrêt d'une décision de restructuration décidée
par l'employeur régulière mais susceptible de générer des risques importants pour la sécurité des
salariés. Le juge a renvoyé l'employeur à réouvrir une négociation collective avec les syndicats de
l'entreprise.

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6

COURS DU 17/02/15 :
B Le comité de groupe
C'est une IRP créée en 1982 visant à appréhender les phénomènes collectif qui affectent les groupes de
société. Le groupe est depuis appréhendé aux articles L2331-1s. C.Trav. Ces textes prévoient la mise en
place de comité de groupes dans les hypothèses où une entreprise considérée comme dominante dont le
siège social est en France est en relation avec des filiales qu'elle contrôle. Ce rapport renvoie aux
modalités de contrôle qui sont prévues dans L233s. C.Co.
Le C.Trav précise que cette situation est reconnue en présence d'une entreprise dominante qui exerce son
influence et détient au moins 10% du capital lorsque l'importance et la permanence des relations établies
se rapporte à un même ensemble économique.
Pour l'établissement d'un CG, il faut reconnaitre socialement au préalable le groupe qui, juridiquement,
va se réaliser par voie d'accord collectif, soit par la voie contentieuse (compétence du TGI du siège de
l'entreprise dominante).

Le CG doit être établi dans les 6 mois de la reconnaissance du groupe. Il sera composé du chef de
l'entreprise dominante assisté de deux personnes de son choix et des RP des entreprises qui composent le
groupe. Ces représentants font l'objet d'une désignation tous les 4 ans par les organisations syndicales
parmi les élus aux différents comités qui relèvent du groupe. En cas de contestation de la désignation, ce
sera le TI qui sera compétent.

Le CG exerce un rôle majeur pour faire circuler l'information économique et social dans le groupe, au
sein des collectivités de travail, bien qu'en réalité les missions de cette institutions soient différentes de
celle du CE

C Le comité d'entreprise européen


C'est une institution qui vise à concrétiser le principe de participation des entreprises de taille
européenne. Il se distingue de la participation des salariés à la société dite européenne régie par d'autres
textes.
Il est mis en place dès lors que l'entreprise a une dimension européenne. Il a été institué par la loi du 16
novembre 1996 qui transpose les textes européens. Cette mise en place peut concerner les groupes
d'entreprise de taille européenne. Le cadre de l'implantation est prévu par L2341-1 pour l'entreprise et
L2341-2 pour le ou les groupes.
Cette IRP concerne les entreprises qui emploient au moins 1000 salariés dans les Etats de l'UE ou de
l'espace économique européen. En outre, il faut que cette entreprise ait au moins un établissement
comportant 150 salariés et qu'elle ait un établissement de ce seuil dans deux des états, peu importe la
localisation du siège social et, dans cette configuration, le C.Trav impose la mise en place de ce comité.
Cette institution vise à favoriser le transfert d'informations au niveau de la politique de l'entreprise ou du
groupe. Pour que ce comité soit mis en place, il y a un groupe spécial de négociation qui va conclure un
accord pour déterminer les attributions, modalités de fonctionnement et moyens de cette instance.
Se posent en pratique des difficultés pour articuler les niveaux de consultation entre le CEE et les
instances nationales de représentation des travailleurs. Cette articulation fait l'objet d'une imprécision
puisque le règlement des procédures d'articulation est plutôt laissé aux partenaires sociaux. Reste que
l'idée est là encore de faire vivre les communautés de travail de dimension européennes, et notamment,
pour coordonner les politiques sociales de ces grandes entreprises dont les décisions ont un fort impact en
terme d'emploi.

Il se distingue de la société européenne qui, elle-même, a un comité. Le C.Trav transpose une directive de
2001 à L2351-1 qui vise plutôt à organiser une entreprise européenne en imposant qu'elle ait en son sein
un CE.

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6

§4 L'unité économique et sociale


Le périmètre de désignation des IRP est l'établissement ou l'entreprise. La jurisprudence a inventé le
concept de l'UES, notamment pour lutter contre les pratiques d'atomisation des collectivités de travail
qui, prises individuellement, seraient en dessous des seuils.
La jurisprudence a admis la reconnaissance de ces communautés de travail alors même qu'elles sont
composées de sociétés de personnes morales distinctes, sans pour autant être constitutives d'un groupe de
société. La jurisprudence a posé des critères pour reconnaitre l'UES :
- deux ou plusieurs entreprises
- une unité économique :
- unité de direction
- communauté de moyens
- communauté d'intérêt
- une unité sociale :
- communauté de salariés
- permutabilité du personnel
- communauté de statuts collectifs
- conditions de travail similaires

La reconnaissance de l'UES va se faire soit de façon négociée par voie d'accord collectif, soit de façon
contentieuse par reconnaissance judiciaire. La loi a entériné ces créations prétoriennes et vise l'UES dans
L2322-4 pour rendre un CE commun obligatoire dès lors que cette collectivité regroupe au moins 50
salariés.
La reconnaissance d'un CE de groupe et d'une UES constitue deux actions a priori incompatibles.

§5 La protection des représentants contre le licenciement


Les salariés protégés que constituent les représentants du personnel vont bénéficier d'outils qui vont
limiter le recours au licenciement. Les membres de ces IRP ne sont pas les seuls salariés protégés. Il y a
les DS, le/les médecins du travail, les conseillers du salarié et les conseillers prud'homme.
Pour être licenciés, ces salariés devront se voir opposer une autorisation administrative de licenciement.
L'employeur devra obtenir de l'inspecteur du travail cette autorisation, à défaut de quoi, le licenciement
qui serait prononcé serait nul. Autrement dit, la protection applicable à ces salariés protégés est d'OP.
La question s'est même posée dans les années 70 de savoir si l'employeur pouvait, pour contourner cette
protection, demander la résiliation judiciaire. C.Cass, Ch Mixte, 21 juin 1974, Perrier : une telle
demande constituait un délit d'entrave.
Les salariés protégés pourront, en cas de nullité de la procédure, demander la réintégration et une
indemnisation tenant compte de la durée et de la nature de leur mandat. La protection est d'autant plus
importante que l'employeur ne peut imposer à ses salariés de modification de leurs conditions de travail
sans leur accord.
L'employeur qui voudrait s'engager sur le terrain d'un licenciement doit alors obtenir l'autorisation de
l'administration du travail.

A L'autorisation administrative de licenciement


L'employeur va devoir convoquer le salarié protégé à un EP. Si ce salarié fait partie ou est compris dans le
cadre d'un LME, l'employeur doit au préalable consulter le CE. Cela étant fait, l'employeur doit ensuite,
avant de prendre sa décision, demander l'avis consultatif du CE sur le cas individuel du salarié concerné.
Il va y avoir un vote à scrutin secret avec en principe audition du ou des intéressés.
Une fois cette étape franchie, l'employeur transmet la demande d'autorisation dans les 15 jours qui
suivent la délibération spéciale du CE. L'employeur y joint la délibération. Ce délai peut être raccourci à
48h lorsque l'employeur a mis à pied conservatoire le salarié protégé. Lorsque l'employeur reçoit cette
demande, il va l'instruire et en vérifier la régularité et émettre une opinion sur le fond. Pour se faire, il va
procéder à une enquête contradictoire. À l'issue de cette enquête, il rend sa décision 15 jours après la

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réception de la demande ou 8 jours dans le cas de la mise à pied conservatoire ou du licenciement pour
faute grave.
La décision doit être motivée. La nature du contrôle varie selon qu'on est en présence d'une demande de
licenciement pour motif personnel ou d'un LME avec en toile de fond la vérification que l'on ne soit pas
en présence d'une discrimination.
S'agissant du LMP, l'inspecteur va vérifier si le licenciement n'est pas lié avec les fonctions de
représentant et surtout si les faits reprochés sont d'une gravité suffisante. Cette notion de gravité
suffisante ne se confond pas avec la notion de faute grave que l'on a vue en droit disciplinaire, ce qui laisse
une marge d'appréciation à l'inspecteur du travail. Un fait reproché à un salarié protégé peut ne pas
caractériser un fait suffisamment grave alors qu'il aurait caractérisé une faute grave pour un fait ordinaire.
L'inspecteur du travail va contextualiser les griefs mais aussi prendre en compte l'état dans l'entreprise de
la représentation du personnel. La jurisprudence administrative tient compte de motifs d'IG, notamment
s'il apparaissait que le licenciement de tels salariés pourrait priver la collectivité de représentants ou
accentuer l'existence d'un conflit collectif.
S'agissant du LME, l'inspecteur du travail va analyser la situation de l'entreprise et vérifier si le projet de
licenciement est nécessaire et même si le reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe est en effet
impossible. Il peut tenir compte aussi de motifs d'IG pour permettre la continuation du fonctionnement
des IRP.

Le C.Trav organise des recours. Les premiers sont gracieux (hiérarchiques) et les seconds sont
contentieux.
Le recours hiérarchique peut être porté directement devant le ministre du travail qui peut annuler la
décision de l'inspecteur. Le recours peut être formé par l'employeur, le salarié ou un syndicat. Du reste, le
salarié peut demander à être représenté par ce syndicat. Ce recours est introduit dans le délai de deux
mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur du travail. R2422-1 précise que le silence
du ministre pendant plus de 4 mois vaut décision de rejet. On est en présence d'un recours hiérarchique
devant le ministre qui a tout pouvoir pour réformer la décision, à la fois sur des motifs qui touchent à la
légalité de la décision prise mais aussi au regard d'éléments touchant à l'opportunité. Ce recours n'a pas
d'effet suspensif et est facultatif.
Le recours contentieux va se dérouler devant le JA et va devoir être introduit dans les deux mois de la
décision soit de l'inspecteur du travail, soit du ministre. Le JA exerce un contrôle approfondi en la
matière parce que ce type de contentieux est rattaché au contentieux d'idées. Lorsque l'autorisation est
refusée, le contrôle va simplement vérifier que l'administration a bien mis en balance les intérêts en
présence. Un contentieux d'ordre administratif va s'élever devant le JA. Cela soulève des difficultés de
compétence entre le TA et le CPH. Lorsque le CPH est saisi d'une demande visant à apprécier la CRS du
licenciement, il doit inviter les parties, après avoir sursis à statuer, à saisir le JA. La décision du JA
s'imposera au JJ. En revanche, si le salarié a été licencié pour faute grave, le JJ reste compétent pour
apprécier l'existence de cette faute grave et les conséquences indemnitaires.

B Les effets sur le contrat de travail


Ici, il faut scinder la question en deux points :
- Est-ce que le licenciement a été prononcé avec ou sans autorisation ?
- Quelle indemnisation du préjudice subi ?

1 Licenciement avec ou sans autorisation


S'il est réalisé sans autorisation, on a très vite considéré que le licenciement est nul, même si à l'origine les
juges avaient plutôt tendance à allouer des D&I et non pas à admettre la réparation en nature impliquant
la réintégration.
Aujourd'hui, le licenciement d'un salarié protégé est considéré comme une voie de fait qui permet la
réintégration, le cas échéant, devant le juge des référés.
Dans l'hypothèse de l'annulation de l'autorisation, la C.Cass a reconnu que même sans fraude de
l'employeur, l'annulation de l'autorisation rend le licenciement sans effet (C.Cass, Ch mixte, 18 janvier
1980). Le législateur, en 1982, a expressément consacré le principe de la nullité duquel se déduit la

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possibilité de demander la réintégration du salarié. Pour cela, il faut que le salarié le demande dans les
deux mois qui suivent la notification de la décision qui lui est favorable.

2 L'indemnisation
L'indemnisation varie selon les cas vus dans le 1.

Dans le premier cas, le salarié aura droit à une indemnisation forfaitaire et elle se calcule en tenant compte
des salaires perdus, et ce, jusqu'à la fin de la période de protection (mandat + après le mandat). Cette
indemnité se cumule avec les indemnités de licenciement, de préavis, de licenciement illicite (au moins
égale à 6 mois de salaire). La jurisprudence précise que l'indemnité forfaitaire n'est due qu'à la condition
qu'il a présenté une demande d'indemnisation avant la fin de la période de protection.

Lorsque l'autorisation est annulée, la jurisprudence a progressivement admis que le salarié puisse être
indemnisé à compter du licenciement (L2222-4). Cette indemnisation n'est acquise qu'à partir du moment
où la décision d'annulation est devenue définitive. Dans cette hypothèse là, le salarié va avoir droit à la
réintégration et à l'indemnisation. Il n'est pas obligé de demander sa réintégration.

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Thème n°4 : La liberté syndicale (le droit syndical)


La liberté syndicale est un héritage de la loi du 21 mars 1884. Cette loi remet en cause le délit de coalition
et aujourd'hui, la liberté syndicale est consacrée, tant par la Constitution (Préambule de 46), que par les
textes européens mais aussi par des textes internationaux et notamment la Convention OIT n°96.
Cette liberté s'exerce dans et hors de l'entreprise. Elle vise à organiser et protéger un type de
représentation collective des travailleurs et c'est une LF. Elle s'est construite en droit français aussi à
partir des héritages de l'après 2GM et de constructions idéologiques sur fond de guerre froide entre les
tenants de l'économie de marché et ceux de l'économie planifiée.

§1 La liberté syndicale
Cette liberté est conçue largement, d'autant que la CEDH la protège au titre de l'article 11 CESDHLF.
Cet article est celui qui consacre la liberté d'association. Des arrêts d'octobre 2014 ont reconnu la liberté
syndicale, y compris dans l'armée.
Cette liberté comporte une dimension positive et une dimension négative.
Positivement, elle porte sur la liberté de créer un syndicat, d'adhérer à ce syndicat, étant précisé que le
droit français privilégie le pluralisme syndical, ce qui multiplie la présence syndicale sur le terrain et sans
doute le faible taux d'adhésion à un syndicat.
Ce faible taux d'adhésion est aussi dû à d'autres phénomènes. Certains évoqueront le risque de
discrimination. Ceci étant dit, le droit positif interdit expressément (L2141-5) de prendre en
considération l'appartenance à un syndicat pour arrêter ses décisions pour l'employeur. Non seulement, il
existe un dispositif répressif pour lutter contre les discriminations mais aussi favorisant les réparations,
notamment par voie d'allègement de la charge de la preuve (cf. cours du semestre précédent). Pour favoriser
cette liberté, le C.Trav renvoie notamment à la négociation pour que les partenaires sociaux déterminent
les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale pour
prendre en compte l'expérience acquise dans le cadre d'exercice de mandat (L2141-5).
Une autre explication tient au fait que les doctrines syndicales ne sont plus tout à fait adaptées aux
générations montantes, d'où la réforme du 20 août 2008. Mais aussi en raison du fait qu'il n'est pas
nécessaire, en France, d'appartenir à un syndicat pour bénéficier des avantages obtenus à la suite d'une
négociation collective. Or, par principe, les syndicats ont le monopole pour signer des accords collectifs à
ce niveau. Reste que la représentation syndicale peut se faire à tous les niveaux (établissement, entreprise,
groupe, branche, interprofession). On est ici à la jonction entre le droit et la politique.

Négativement, c'est la liberté de ne pas adhérer à un syndicat. Ni l'employeur, ni les organisation


syndicales ne peuvent faire pression sur les salariés pour faire adhérer les salariés sur les syndicats. Il ne
peut y avoir de mise à l'index ou refus d'embauche pour cela. Si bien que sont interdites les clauses/
pratiques de sécurité syndicale. Seraient interdites les pratiques qui engageraient la responsabilité civile
de leurs auteurs.

Elle se manifeste par la liberté de création d'un syndicat. Mais il convient de préciser que cette liberté doit
respecter certaines règles de forme et de fond.
S'agissant des règles de forme, des statuts doivent être rédigés, indiquant les responsables du syndicat et
l'objet du syndicat. Ils doivent être déposés auprès d'une municipalité du siège du syndicat. Il n'y a donc
pas d'autorisation préalable, le dépôt des statuts n'a pas à être fait en préfecture, mais en mairie. C'est le
Maire qui est chargé de le transmettre au procureur de la République pour qu'il exerce son contrôle sur la
licéité de l'objet du syndicat.
La rédaction des statuts est déterminante puisque sans le dépôt des statuts, le syndicat n'aura la valeur
que d'un groupement de fait. Ensuite, il va permettre d'acter la naissance du syndicat. Pour apprécier la
représentativité du syndicat, il faut que les statuts aient au minimum deux ans.
Enfin, c'est par les statuts que se déterminent l'objet et le périmètre d'action du syndicat. À compter du
dépôt des statuts, le syndicat a la personnalité civile, il peut agir en justice, gérer les biens, engager sa
responsabilité.
Traiter du droit syndical est aussi traiter d'un droit des groupements particuliers.

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Concernant les conditions de fond, existe le principe de spécialité posé à L2131-1 qui indique que "les
syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que les intérêts
matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels des personnes mentionnées dans leurs statuts". Ce texte
doit être lu en parallèle avec L2131-2 : "les syndicats ou associations professionnelles de personnes exerçant
la même profession des métiers similaires ou connexes concourant à l'établissement de produits déterminés
où la même profession libérale peuvent se constituer librement".
Le principe de spécialité impose que ces groupements défendent uniquement des intérêts professionnels.
Le texte exclut qu'un syndicat puisse avoir, à titre principal, une activité économique ou commerciale.
L'objet syndical, en principe, devrait être indépendant de tout objectif et parti politique.
La jurisprudence a été amenée, de façon ambivalente, à tracer une frontière entre la question politique et
la question syndicale, notamment dans C.Cass, Ch mixte, 10 avril 1998. La C.Cass admet que toute
personne justifiant d'un intérêt à agir pouvait demander la dissolution d'un syndicat si son objet s'avérait
illicite au regard de L2131-1. En l'occurence, la Ch mixte a admis la dissolution du syndicat FN police
parce qu'il faisait la promotion de la conquête de droits fondés sur la préférence nationale et que, de
surcroit, ce syndicat s'avérait dépendant d'un parti politique.

COURS DU 03/03/15 :
§2 La représentativité syndicale
C'est une question centrale qui touche à la légitimité des pouvoirs conférés par la loi aux syndicats. La loi
du 20 août 2008 a réformé le système de représentativité français qui conférait une importance
considérable au mécanisme de la représentativité d'emprunt.
Héritage du passé, la loi considérait que les 5 grandes confédérations syndicales nationales (CGT,
CGTFO, CFECGC, CFDT, CFTC) jouissaient d'une présomption irréfragable de représentativité. Les
syndicats, pour prouver leur représentativité, devaient démontrer qu'ils remplissaient certains critères
(indépendance, cotisation, audience, etc). Mais ils pouvaient aussi, du seul fait de leur adhésion à l'une
des 5 grandes confédérations, profiter de cette présomption irréfragable de représentativité.
Ce système présentait plusieurs inconvénients :
- Il ne contribuait pas au renouvellement des doctrines syndicales.
- Il ne contribuait pas non plus au renouvellement du paysage syndical.
- Il posait un problème de légitimité puisqu'un syndicat présumé représentatif dans l'entreprise pouvait
engager la collectivité des travailleurs en signant un accord collectif, quand bien même il comportait
peu d'adhérents. Cela ne posait aucun problème pendant les trente glorieuses mais en période de crise,
dans une logique transactionnelle avec l'avènement des accords donnant-donnant, il est apparu
nécessaire de faire en sorte que des accords parfois moins favorables soient signés par une délégation
syndicale suffisamment représentative dans l'entreprise ou l'établissement.
Cette présomption irréfragable a été abolie.

L2121-1 C.Trav pose 7 critères qui font basculer le système vers un système de représentativité prouvée :
La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants :
1° Le respect des valeurs républicaines ;
2° L'indépendance ;
3° La transparence financière ;
4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de
négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ;
5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L.
2122-6 et L. 2122-9 ;
6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ;
7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations.

Pour faciliter l'accès à la représentativité, la C.Cass a une interprétation assez bienveillante du caractère
cumulatif de ces critères et elle a considéré que les critères relatifs à l'influence, à l'ancienneté et à
l'audience électorale font l'objet d'une appréciation globale.

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
Le juge, s'il est saisi, va apprécier distinctement les critères 1, 2, 3 et 4. Les trois derniers feront l'objet
d'une analyse groupée. Le critère désormais devenu le plus sensible est celui de l'audience retenue à
l'issue des élections professionnelles.

Le respect des valeurs républicaines : il faut avoir à l'esprit qu'avant 2008, la loi tenait compte, lorsqu'un
syndicat voulait prouver sa représentativité, de son attitude pendant l'occupation. La C.Cass a été amenée
à préciser comment utiliser ce critère, notamment dans l'affaire Soc, 13 octobre 2010, syndicat CNT
(confédération nationale du travail). Se posait la question de savoir si ce syndicat dont les statuts datant
de 1947 promeuvent l'action directe et l'abolition de l'Etat. La C.Cass dit que c'est à celui qui invoque la
violation des valeurs républicaines d'en apporter la preuve et qu'en l'espèce, le demandeur ne démontrait
pas que les représentants syndicaux avaient eu une attitude ou un comportement portant atteinte à ces
valeurs. L'invocation de ces statuts anciens ne suffisait pas, à elle-seule, à combattre la représentativité de
ce syndicat.

L'indépendance : ce critère vise en réalité à combattre toute tentative d'appropriation du mouvement


syndical, notamment par le camp patronal. L'idée est que l'on ne soit pas en face d'un syndicat maison.

La transparence financière : la question s'est posée de savoir si les syndicats devaient ou non
communiquer sur leurs moyens financiers. Le critère de la transparence financière s'est révélée
indispensable, notamment à la suite de l'affaire du syndicat UINM dans lequel un cadre retirait
énormément d'argent en liquide pour "fluidifier le dialogue social". Ce critère conduit les syndicats dont
les comptes dépassent un certain montant à les faire certifier par un CAC. Ici, le droit social s'inspire du
droit commun de la tenue des comptes des entreprises. Pour les syndicats qui n'atteignent pas un certain
seuil, les formalités sont allégées.
La loi du 5 mars 2014 a créé un fond paritaire chargé d'une mission de SP pour allouer une contribution
au financement des organisations professionnelles d'employeurs et de salariés.

L'ancienneté minimale : s'apprécie à compter du dépôt légal des statuts qui se fait en mairie. La rédaction
des statuts est essentielle pour déterminer le champ d'action statutaire du syndicat qui est une personne
morale. Dans une grande entreprise, il peut y avoir des syndicats d'établissement, des syndicats
d'entreprise, des unions locales de syndicats qui vont se fédérer entre elles et déposer un statut, des
fédérations de syndicat pour régir le dialogue social dans la branche d'activité. L'ancienneté est rapportée
au champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation ie dès lors qu'un syndicat a
vocation à négocier des accords collectifs de travail, c'est à partir de ce niveau de négociation que va se
déterminer sa capacité à négocier dans l'entreprise, le groupe, la branche, l'interprofession, etc.

Les trois derniers critères : le critère décisif est celui de l'audience qui se calcule à l'occasion des élections
professionnelles. Puisque les syndicats ont le monopole de présentation des candidats au premier tour des
élections professionnelles, la loi en a déduit que si le syndicat obtenait 10% des suffrages au premier tour
des élections, il satisfaisait au critère de l'audience au niveau de l'établissement ou de l'entreprise. Il n'y a
pas de quorum, il s'agit de 10% des votants. Ceci étant dit, au niveau de la branche et au niveau national
et interprofessionnel, le critère de l'audience n'est pas le même.
Au niveau de la branche, il faut que le syndicat ait une implantation territoriale équilibrée dans la
branche. S'agissant de l'audience, ces syndicats doivent avoir obtenu au moins 8% des suffrages exprimés
quel que soit le nombre de votants.
S'agissant du niveau national et interprofessionnel, il faut avoir recueilli 8% des suffrages exprimés et que
les syndicats concernés soient représentatifs dans les grandes branches qui structurent l'économie
française ie l'industrie, la construction, le commerce et les services.
C'est pourquoi, tous les 4 ans (date des élections), tous les résultats sont agrégés au niveau national.

Pourquoi basculer vers un système complexe alors que le précédent était simple ?
Il s'agit d'un problème de légitimité, notamment en raison des accords moins avantageux. L'idée était de
basculer sur un mécanise de représentativité de type électif.

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Quid des petites entreprises ?
La loi a établi un mécanisme qui permet aux PME-TPE, qui ont moins de 11 salariés et n'organisent pas
l'élections de RP, d'accéder à un vote sur la base de sigles. Les salariés votent pour des sigles. Ces
résultats sont également agrégés au niveau national. Mais tout le débat actuel de la réforme du dialogue
social est de savoir si ce résultat peut justifier la mise en place de comités extérieurs à l'entreprise afin de
contraindre les plus petites entreprise à la négociation collective.
Cette question est capitale pour comprendre les relations de travail.

Le cas des syndicats catégoriels :


Le C.Trav réserve un sort particulier à la représentativité des syndicats catégoriels et L2122-2 C.Trav
précise que, pour être représentatives, les OS catégorielles doivent être affiliées à une confédération
syndicale catégorielle interprofessionnelle et avoir recueilli au moins 10% des suffrages exprimés dans les
collèges électoraux dans lesquels leurs règles statutaires leurs donnent vocation à présenter des candidats.
La plupart des syndicats de salariés en France sont dits intercatégoriels ie ils ont vocation à représenter
les ouvriers, employés, ingénieurs et cadres. C'est à l'occasion de la préparation du protocole préélectoral
que se déterminent les listes et les bottes.
Ce texte vise sans le dire le cas particulier de la CFECGC (cadres). On comprend qu'il y a fréquemment
des syndicats qui n'ont pour vocation qu'à représenter cette catégorie de personnel. Pour satisfaire les
équilibres existants, le législateur a maintenu la règle de l'affiliation à la confédération à laquelle elle a
ajouté l'audience dans le collège considéré. L'idée était de ne pas trop déstabiliser ce syndicat mais aussi
d'ajouter une condition pour qu'il ne jouisse pas d'une représentative excessive par rapport aux autres.
La jurisprudence a du s'interroger sur la possibilité qu'avait un syndicat catégoriel à signer un accord
collectif avec d'autres syndicats représentatifs intercatégoriels. C.Cass, 2 juillet 2014 a considéré qu'un
tel syndicat pouvait signer aux cotés des syndicats intercatégoriels, un accord collectif qui concerne
l'ensemble des catégories. Mais il ne peut signer seul un accord collectif qui concerne l'ensemble du
personnel.

La représentativité patronale :
La réforme de 2008 n'avait concerné que les OS de salariés laissant de coté la question de la
représentativité des organisations professionnelles d'employeur. La loi du 5 mars 2014 a inséré les
articles L2151-1s.
L2151-1 pose des critères voisins de ceux que l'on rencontre pour les organisations de salariés : respect
des valeurs républicains, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale de deux ans dans le
champ professionnel et géographique couvrant les négociations, l'influence et l'audience.
L'audience va se calculer différemment selon les niveaux (branche professionnel, national et
multiprofessionnel, national et interprofessionnel). Pour chacun des trois niveaux, il faut que
l'organisation démontre son implantation territoriale au niveau de la branche, de l'interprofession, etc. Le
système choisi ne pouvait être fondé sur une élection. Donc, ce qui a été retenu pour chacun de ces
niveaux est le taux d'adhésion des entreprises à ces organisations professionnelles. Il faut que ce taux
d'adhérents à jour des cotisations représente au moins 8% de l'ensemble des entreprises adhérentes.
La question de la représentativité patronale ne se pose pas au niveau de l'établissement de l'entreprise. Le
chef d'entreprise ou d'établissement est l'acteur naturel pour signer des accords avec les syndicats de
salariés représentatifs.

§3 La présence syndicale dans l'entreprise


L'action syndicale va se déployer hors de l'entreprises, notamment pour les négociations de branche,
interprofessionnels mais aussi au coeur de l'entreprise, l'établissement. Si le syndicat est une personne
morale distincte de l'entreprise, il va être présent ou représenté par trois institutions :

La section syndicale :
C'est la reconnaissance d'une émanation des syndicats composée de salariés de l'entreprise adhérents du
syndicat et attestant de la présence de ce syndicat dans l'entreprise. Ces sections datent de la loi du 27
novembre 1968.

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
Elle pourra être constituée par tout syndicat même non représentatif au sein de l'entreprise. Il suffit qu'il y
ait au moins deux adhérents. La loi de 2008 a précisé que seuls pouvaient constituer une section syndicale
les syndicats présents dans l'entreprise représentatifs, ceux affiliés à une OS représentative au niveau
national et interprofessionnel ou ceux qui respectent les valeurs républicaines, indépendance et
ancienneté minimale de deux ans dont le champ professionnel couvre l'entreprise et l'établissement.
Elle a vocation à assurer la représentation des intérêts matériels et moraux de l'OS. Le syndicat aura
accès aux panneaux d'affichage dédiés à cet effet, transmettre l'information syndicale sous forme de tracts
écrits ou électroniques (avec accord pour ces derniers). Des moyens matériels seront mis à sa disposition
puisque dès lors que l'entreprise a au moins 200 salariés, un local commun est mis à disposition des
différentes sections syndicales. Pour les entreprises de plus de 1000 salariés, chaque section doit avoir un
local aménagé qui dispose du matériel nécessaire à son fonctionnement.
Il peut y avoir une SS sans DS.

Le délégué syndical :
Il est le représentant du syndicat dans l'entreprise et aura comme mission de porter des revendications.
Traditionnellement on distingue le DS (revendique) et le DP (réclame).
La désignation d'un DS n'est possible que si un certain nombre de conditions sont remplies :
- Il faut qu'il y ait une section syndicale. Avant la loi de 2008, la jurisprudence considérait que la
désignation d'un DS présumait l'existence d'une SS. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
- Il faut que l'entreprise ait atteint le seuil de 50 salariés. Quand il n'est pas atteint, on peut désigner un
DP comme DS. Le nombre de DS va varier en fonction de la taille de l'entreprise et du nombre d'OS
représentatives car seule une OSR peut désigner un DS.
- Le syndicat va devoir choisir la personnalité qui a recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au
premier tour des élections professionnelles. S'il n'y a plus de candidats, le syndicat peut désigner
quelqu'un qui n'a pas obtenu les 10%, voire un membre de la SS.
La désignation doit être notifiée à l'employeur, ne serait-ce que parce que cela déclenche le statut
protecteur. À partir de ce moment là, le DS va bénéficier de toutes les prérogatives découlant de celles
conférées à son OSR (animation de la SS, interlocuteur privilégié de l'employeur, défense des intérêts
collectifs de la profession et exercice du monopole de la négociation collective dans l'entreprise.
Il dispose d'un crédit d'heures pour exercer sa fonction. Ce sont les heures de délégation. Il pourra
s'absenter du poste de travail, circuler librement dans l'entreprise, prendre contact avec les salariés et se
déplacer hors de l'entreprise (entre 10 et 20h par mois).

Le représentant de la SS :
Ce RSS dans l'entreprise va avoir vocation à préparer les élections professionnelles lorsque le syndicat a
une SS mais n'est pas représentatif.
La loi interdit au syndicat qui a désigné un RSS de le désigner à nouveau, si le seuil des 10% n'est pas
atteint, sauf à désigner ce même RSS seulement dans les mois qui précèderont la nouvelle élection.

Les syndicats ont pour but de défendre des droits et intérêts des personnes visées par leurs statuts
(L2131-1). Le syndicat dispose de la personnalité civile et peut exercer tous les droits attachés à la partie
civile et donc agir en justice.
Il va pouvoir défendre les intérêts propres du groupement mais il a également une action de type collectif
en défense des intérêts de la profession. À ce titre, la jurisprudence a une conception extensive de cette
action. Le syndicat peut agir à titre principal pour obtenir l'annulation d'une procédure collective, la
suspension d'une procédure de suspension. Mais elle admet aussi qu'il puisse agir en exécution forcée
d'un accord collectif.
La plupart des actions des syndicats ayant une dimension collective sont des litiges individuels qui
relèvent des juridictions de droit commun (TI, TGI). Toutefois, l'on peut retrouver le syndicat dans une
instance prud'homale dans deux grandes hypothèses :
- l'action en intervention : le syndicat va se greffer à une instance existante pour demander par exemple
des D&I pour le préjudice causé à la profession.
- l'action en substitution : il s'agit d'une dérogation au principe selon lequel nul ne plaide par procureur.
Dans des cas déterminés par la loi, le syndicat va agir à la place et pour le compte d'un salarié à

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
condition de l'en informer et de lui rappeler qu'il peut, à tout moment, s'opposer à l'action exercée pour
son compte.
L'action en justice des syndicats n'est absolument pas liée à la représentativité. Il peut notamment agir en
exécution d'un accord collectif, même s'il ne l'a pas signé.


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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6

Thème n°5 : Les conventions et accords collectifs de travail


Le droit du travail est profondément marqué par sa dimension négociée. Les accords collectifs de travail
sont des sources conventionnelles du droit qui vont réglementer la relation de travail en recourant à la
technique contractuelle. Toute la spécificité des accords et conventions collectives de travail est qu'ils ont
à la fois une dimension contractuelle dans le processus de négociation mais aussi au titre des obligations
souscrites par les signataires. Mais ils ont aussi une dimension réglementaires puisque ces normes ont
vocation à s'appliquer dans le champ territorial et géographique correspondant au niveau de négociation.

Section 1 : La conclusion des accords collectifs de travail


§1 Les signataires
Ce sont en réalité les acteurs du dialogue social, les partenaires sociaux. D'un coté, les organisations
d'employeur ou l'employeur seul et de l'autre les organisations syndicales représentatives de salariés. Les
OS représentatives de salariés ont donc le monopole de la négociation collective et dans l'entreprise ou
l'établissement, ce monopole s'exprime par la voix du ou des DS présents dans l'entreprise.
Ce constat n'empêche pas l'existence de situations dérogatoires, d'abord parce qu'il peut avoir recours au
mandatement. En effet, en l'absence de DS dans l'entreprise et de DP (avec PV de carence), les accords
d'entreprise ou d'établissement peuvent être négociés avec des salariés mandatés par une ou plusieurs OS
dans la branche. Une fois le mandat donné, l'accord signé, encore faut-il pour que l'accord devienne
valable, qu'il soit approuvé par référendum. Les salariés expriment par un vote leur approbation à la
majorité des suffrages exprimés. Lorsqu'il y a un DP dans l'entreprise, le mandatement lui sera confié par
priorité.
Seconde dérogation : la négociation avec le représentant de la section syndicale lorsque celui-ci existe et
néanmoins que le syndicat considéré n'est pas représentatif. Dans ce cas, le RSS peut bénéficier d'un
mandatement pour un accord d'entreprise ou d'établissement qui, là encore, devra être soumis à
référendum.
Lorsqu'il n'y a pas de véritable partenaire social représentatif dans l'entreprise, il peut y avoir des
pratiques parallèles qui consistent à négocier avec les DP, les membres du CE. Ce type de négociation est
qualifié de négociation atypique et, même si elle prend une forme négociée, son régime est soumis à celui
des sources informelles (usages et engagements unilatéraux).

§2 L'accord majoritaire
La loi, progressivement, et pour favoriser une négociation d'adaptation a voulu organiser un principe
majoritaire pour la validité des conventions et accords collectifs de travail. L'idée est précisément que
l'accord conclu ne le soit que dans des conditions qui favorisent son acceptabilité par la communauté de
travail. Avant la réforme de mai 2004, un syndicat représentatif pouvait engager la collectivité de travail.
Depuis la loi de mai 2004, on parle d'accord majoritaire. Cela a été confirmé par la loi d'août 2008.
L'idée désormais en vigueur est que, pour être valable, l'accord doit avoir été signé par un ou plusieurs
syndicats de salariés représentatifs dont le taux d'audience cumulé atteint le seuil de 30%.
Il faut en plus de ce seuil de 30% que les syndicats majoritaires en nombre de voix (50%) ne s'opposent
pas à l'accord.
Cela étant posé, il y a tout de même, de façon résiduelle, certains types d'accord collectifs qui nécessitent
une majorité d'engagement en nombre de voix, notamment pour la négociation de PSE.

§3 Les différents types d'accords et conventions collectives de travail


Un accord ou une convention collective sont soumis au même régime juridique. La différence est que la
convention est une norme négociée qui a vocation à traiter de l'ensemble des conditions de travail.
L'accord a vocation à traiter seulement de points particuliers.
Les accords et conventions se déclinent en fonction du niveau de dialogue social : établissement,
entreprise ou groupe. Cela change aussi en fonction du champ d'application : professionnel, de branche
ou interprofessionnel. Cela se complexifie en fonction du champ territorial : local, régional ou national.
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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
Cette norme négociée est, par principe, écrite. La règle veut qu'elle soit, par principe, à durée
indéterminée, ce qui n'exclut pas des accords à durée déterminée (en principe 5 ans). Mais, sauf
dispositions contraires, à l'échéance prévue par les parties, l'accord se transforme en accord à durée
indéterminée.
Une fois signés, les conventions et accords sont déposés auprès de l'administration du travail, de la
DIRECCTE. L'employeur doit mettre à disposition des salariés un exemplaire de la convention collective
applicable. En principe, l'employeur doit remettre une notice pour informer le salarié des normes
collectives applicables dans l'entreprise.

COURS DU 17/03/15 :
Section 2 : L'application des conventions et accords collectifs de
travail
La question de l'application des conventions et accords collectives de travail dépend en réalité du champ
d'application que cette norme collective revêt. Il convient tout d'abord de préciser qu'il importe peu que
le/les salariés concernés aient adhéré à l'un des syndicats signataires. Il suffit que l'accord ait été signé par
des OS représentatives pour qu'il ait vocation à s'appliquer à l'ensemble des salariés concernés.
La question de l'application des conventions et accords collectifs de travail va dépendre de deux
éléments : la détermination de son champ d'application et de sa portée réglementaire si la convention ou
l'accord a fait l'objet d'une extension ou d'un élargissement.

§1 Le champ d'application
Qu'il soit matériel ou territorial, le champ d'application dépend d'abord des termes utilisés par les
partenaire sociaux. Ce sont les textes conventionnels qui définissent leur champ d'application. Ce champ
d'application est à la fois territorial (géographique) mais également matériel ie lié à une activité
économique.

Le champ d'application territorial est la question la plus simple puisque ce périmètre, qu'il soit national,
régional, local, est déterminé par l'accord et tout dépendra finalement du lieu d'implantation de
l'établissement ou de l'entreprise.
NB : En cas de mobilité internationale, sauf stipulation contractuelle contraire, les conventions et accords collectifs de
travail n'ont pas vocation à être exportés.

Le champ d'application matériel peut se révéler délicat puisque tout va dépendre de l'activité exercée par
l'entreprise, étant précisé que la question de la détermination de la convention collective applicable
concerne essentiellement les conventions de champ large telles les conventions de branche. Cette question
est déterminée par quelques principes directeurs :
- Il convient de tenir compte de l'activité de l'entreprise et non du ou des salariés concernés.
- Il faut tenir compte de l'activité principale et réelle de l'entreprise. La jurisprudence a apporté
deux précisions. Tout d'abord, l'employeur peut se voir attribuer un code APE ou NAF par
l'INSEE. Ce code ne constitue qu'un indice. Il n'y a pas de présomption à en déduire. Ensuite, il
se peut que l'employeur ait mentionné dans les bulletins de paie une convention collective qui
n'est pas normalement applicable à l'entreprise. La jurisprudence a sur ce point évolué. Elle a
considéré que cette mention ne valait que présomption simple d'application de ladite convention
collective, à charge pour l'employeur de démontrer que son entreprise relevait d'une autre
convention collective (antérieurement, cette mention emportait de la part de l'employeur
reconnaissance de l'application de cette convention collective).
- Concernant la détermination de l'activité principale lorsque l'entreprise a des activités multiples, il
faut retenir que la jurisprudence n'admet pas le cumul d'avantages. Il faut déterminer la
convention applicable. La jurisprudence distingue selon que l'activité est une activité industrielle
ou commerciale :
• Quand l'activité est de nature industrielle, il convient de faire prévaloir le nombre de
salariés affectés à telle ou telle activité.
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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
• Pour les activités à caractère commercial, ce qui semble en jurisprudence est l'importance
du chiffre d'affaire dégagé par l'activité dominante.
Cette règle de répartition est parfois altérée par la volonté des partenaires sociaux qui peuvent
prévoir dans leurs textes des clauses d'options. Cela permet de gagner en sécurité juridique.
Il existe une jurisprudence qui admet, au sein d'une même entreprise, l'application de deux conventions
collectives lorsqu'il apparait que les activités pratiquées sont nettement différenciées. D'un coté, il y a un
centre d'activité autonome, et de l'autre, une activité distincte qui permettra l'application d'une
convention collective spécifique

Le droit du travail va tenir compte de la qualité des signataires. Excepté pour l'accord d'entreprise ou la
convention collective d'entreprise, les signataires patronaux seront représentés par des organisations
patronales. Le texte signé n'est censé s'appliquer qu'aux entreprises dont les employeurs adhèrent aux
organisations signataires. Autrement dit, indépendamment de la question du champ d'application
matériel, territorial, un employeur qui n'a ni signé, ni adhéré, ni fait partie d'une OS signataire ne peut se
voir imposer l'application du texte conventionnel.
Cette règle vaut pour le texte conventionnel lui-même mais également pour ses avenants. La
jurisprudence considère même qu'un employeur ou une entreprise qui démissionne d'une organisation
patronale signataire doit néanmoins continuer à appliquer l'accord initial qui avait été signé, d'où la
possibilité pour le ministre compétent d'étendre ou élargir la convention ou accord collectif de travail.

§2 Les procédures d'extension et d'élargissement


La norme conventionnelle est un contrat qui a un effet réglementaire. Mais cet effet ne joue pas pour les
non signataires du coté patronal. Voilà pourquoi, pour rendre obligatoire à l'ensemble des entreprises qui
entrent dans le champ matériel et territorial de la convention ou de l'accord, le ministre prend un arrêté.
Ce texte réglementaire va ainsi conférer un plein effet au texte conventionnel, même à l'encontre des
entreprises non signataires.
La procédure d'extension est une procédure lourde parce que le ministre du travail devra recueillir l'avis
de la commission nationale de négociation collective (organisme paritaire). Il peut exclure certaines
dispositions de l'accord qui doit, notamment comporter un certain nombre de clauses obligatoires. Une
fois que l'arrêté est pris, la voix de contestation s'oriente vers les TA et le CE, ce qui ajoute à l'effet
réglementaire de la convention collective.
L'avantage de l'extension d'une convention collective de travail est tout d'abord de couvrir l'ensemble des
salariés d'une branche déterminée et d'autre part, d'uniformiser la concurrence entre entreprises.

Cette procédure se distingue de l'élargissement qui, ici, est une procédure voisine mais qui va avoir
vocation à faire appliquer ou rendre obligatoire un texte conventionnel existant dans un champ territorial
ou professionnel qu'il ne couvrait pas précédemment.
L2261-18 pose des conditions et ne permet cet élargissement que lorsque le ministre constate une carence
des partenaires sociaux dans une branche déterminée, et notamment lorsqu'il n'y a pas eu de conclusion
de convention ou d'accord depuis 5 ans au moins.

Ces techniques ne concernent que le niveau supérieur de la négociation collective.


La loi du 5 mars 2014 a entrepris d'inciter à réduire le nombre de branches professionnelles. Pour se
faire, il peut élargir des conventions de branche préexistantes à des branches dont l'activité normative est
faible, et notamment lorsque les entreprises sont sous-représentées (moins de 5% des entreprises qui
adhèrent à une organisation professionnelle représentative).
Concernant le niveau interprofessionnel, les partenaires sociaux concluent parfois des accords majeurs
structurant l'économie française à partir de ce niveau national et interprofessionnel. Les partenaires
sociaux ont compris que ces négociations pouvaient avoir un effet équivalent à la loi. Il suffit d'un accord
national interprofessionnel soit signé par des OS, qu'il soit majoritaire pour qu'il s'applique. S'il est
étendu puis élargi, la norme créée par les partenaires sociaux va s'appliquer à toutes les entreprises.
L'accord peut aussi avoir un rôle pré-législatif. Les partenaires sociaux peuvent conditionner leur accord
à l'adoption d'une loi ultérieure. C'est ce qu'il s'est passé avec les accords du 11 janvier 2008 et 11 janvier
2013 qui ont réformé le marché du travail. Le législateur a ensuite adopté une loi reprenant les idées des
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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
partenaires sociaux. Les lois peuvent donc être adoptées à l'initiative des OS patronales et salariales. Ces
deux accords ont posé les fondements à la flexisécurité.

Section 3 : L'altération des conventions et accords collectifs de


travail
Il est tenu compte du facteur temps. C'est d'abord au texte de prévoir, le cas échéant, sa durée. Le C.Trav
ne permet pas la conclusion d'accords ou de conventions d'une durée de plus de 5 années. Les textes
précisent qu'à l'échéance du terme, sauf disposition contraire des parties, l'accord se poursuit pour une
durée indéterminée.
Cela étant posé, le droit du travail organise différents mécanismes permettant d'adapter ou de mettre fin à
l'accord. Il y a trois grandes techniques qui sont mobilisées à cette fin : la révision, la dénonciation et la
mise en cause.

§1 La révision
Il incombe d'abord aux partenaires sociaux d'organiser, dans le texte initial, les modalités dans lesquelles
une négociation de révision pourra s'engager. Elle peut se faire par voie d'avenants, ou par voie d'accords
venant remplacer l'accord initial. Le but de la révision est de modifier, d'adapter, le texte ancien et donc de
le renégocier en cours d'exécution.
La difficulté est que le droit de la révision des accords collectifs de travail a été plusieurs fois modifié par
la jurisprudence, puis par la loi, étant précisé que de jurisprudence ancienne, la C.Cass considérait que
seuls les signataires initiaux pouvaient réviser l'accord qu'ils avaient conclu. Une telle solution, si elle était
appliquée aujourd'hui serait source de blocage, ne serait-ce que parce que le paysage des OS
représentatives est censé évoluer tous les 4 ans.
L2261-7 précise désormais que les OS de salariés représentatives signataires d'une convention ou d'un
accord, ou qui y ont adhéré, sont seuls habilités à signer les avenants portant révision à cette convention
ou cet accord collectif. L'idée est que ce sont les signataires initiaux qui sont appelés à réviser le texte.
Cela étant dit, l'accord de révision est désormais soumis au principe de l'accord majoritaire. Rien
n'empêche une OS non signataire à l'origine de venir signer un accord de révision, à condition qu'elle y
ait préalablement adhéré. Le fait de se déclarer adhérent d'un accord déjà signé permet de rentrer dans le
cercle des signataires initiaux.

La difficulté est que la révision peut être obtenue sans qu'une unanimité ne se soit dégagée. Il faut
envisager deux hypothèses :
- révision par une partie des signataires "salariés" : La jurisprudence a considéré dans un premier temps
que le nouvel accord incomplètement signé n'était pas un accord de révision et qu'il entrait en concours
avec l'accord initial. Ce concours se résolvait par l'application du principe de faveur ie application du
principe le plus favorable. Depuis 1992, le législateur est intervenu et il suffit qu'un des signataires
représentatifs ait signé l'accord pour qu'il emporte révision et se substitue à l'accord initial.
- du coté patronal, la chose est plus compliquée puisque l'accord de révision qui va être signé ne va viser
que les entreprises pour lesquelles l'employeur fait partie d'une OS signataire. Autrement dit, l'accord
de révision ne va pas supprimer l'accord initial mais va simplement réduire son champ d'application
puisque les non signataires vont devoir continuer à appliquer l'ancien accord. Cette subtilité ne
s'applique pas aux accords d'entreprise, d'établissement ou de groupe.

S'agissant de la révision des accords collectifs de travail, on ne sait pas encore avec certitude comment
articuler la révision des anciens accords collectifs d'avant 2008 et 2004 avec les techniques modernes,
contemporaines, reposant sur le principe des accords majoritaires. La doctrine pense que les OS
représentatives qui souhaiteraient s'engager sur la voie de la révision s'engagent à adhérer à d'ancien
accords auxquelles elles n'ont pas adhéré.
Désormais, le droit positif ne soumet pas les accords de révision à un droit d'opposition s'ils s'avèrent
moins favorables. Autrement dit, avant les lois de 2004 et de 2008, lorsqu'un accord de révision
supprimait un ou plusieurs avantages, les syndicats signataires de l'accord initial mais qui n'avaient pas
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signé l'accord de révision pouvaient s'opposer à l'entrée en vigueur de l'accord de révision régressif. Cela
n'est plus le cas. L'opposition est une opposition de droit commun conférée aux OSR majoritaires qui
n'ont pas signé ledit accord de révision. Ce droit d'opposition n'est pas conditionné au fait que la révision
soit moins favorable.

§2 La dénonciation
La dénonciation est un acte unilatéral qui permet de mettre fin en tout ou partie à une convention ou un
accord collectif à durée indéterminée. Les signataires mettent fin à leur engagement conformément au
principe de prohibition des engagements perpétuels.
Autant la révision relève de la négociation réussie pour continuer à faire vivre le statut conventionnel.
Autant, la dénonciation comporte le risque de conduire à un vide normatif conventionnel.

La dénonciation peut être réalisée soit du coté salariés, soit du coté patronal. Du coté salariés, la
dénonciation devra être notifiée à l'ensemble des signataires. Il en va de même du coté patronal. La
décision de dénoncer un accord collectif nécessitera pour l'employeur de consulter, au préalable, le CE ou
le DP. À défaut, la dénonciation sera sans effet (Soc, 5 mars 2008). Il faut, du reste, quelles que soient
les parties à l'origine de la dénonciation, en informer l'administration du travail car une telle décision peut
être lourde d'impact.
La loi a posé un régime juridique qui permet toute rupture sèche. En effet, sauf disposition
conventionnelle plus précise, la loi impose un préavis qui est au moins de trois mois. Il a vocation à
permettre l'engagement de négociations collectives de substitution. Mais ce n'est pas une obligation. À ces
trois mois s'ajoutent une période de survie de la convention ou de l'accord collectif qui est d'au moins 12
mois. Si bien que, d'une manière ou d'une autre, le texte conventionnel sera maintenu pendant 15 mois
après la notification de la dénonciation.
À l'issue de ces 15 mois, soit les partenaires sociaux ont réussi, dans cet intervalle, à négocier un accord de
substitution. Cet accord va donc régir l'après dénonciation. Dans l'autre cas, il n'y a pas d'accord de
substitution et dans cette hypothèse, la loi prévoit que les salariés ont droit au maintien des avantages
individuels acquis (L2261-13). La jurisprudence considère que l'avantage individuel acquis correspond à
un droit déjà ouvert qui ne se confond pas avec un droit simplement éventuel. Ch Soc, 13 mars 2001
définit les avantages individuels acquis comme "ceux qui, au jour de la dénonciation, procuraient au salarié
une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert
et non simplement éventuel". Dès lors qu'un avantage a un caractère collectif, les salariés ne peuvent en
exiger le maintien.
La C.Cass a précisé que constituait un avantage collectif celui dont le maintien est incompatible avec le
respect, par l'ensemble des salariés concernés, de l'organisation collective du temps de travail et qui leur
est désormais applicable.

La jurisprudence est parfois très ambiguë. S'agissant de la rémunération, un droit à caractère salarial peut
être qualifié d'avantage individuel acquis. Soc, 1 juillet 2008 considère que la structure de la
rémunération est un avantage individuel acquis. En revanche, un arrêt de 1991 considérait qu'un système
de répartition de pourboires n'était pas un avantage individuel acquis. Soc, 1 juin 2005 considère que cet
avantage avait un caractère collectif (une heure hebdomadaire de remise en forme).
Se sont posées deux grandes questions s'agissant du régime des avantages individuels acquis :
- Quelle est leur nature juridique ? La jurisprudence de 1991 a considéré qu'ils s'incorporent au contrat
de travail.
- La règle du maintien des avantages individuels acquis entre les anciens salariés qui en bénéficient et les
nouveaux salariés entrant ne portaient pas atteinte au principe à travail égal, salaire égal. La C.Cass a
sauvé ce système en considérant que ces avantages maintenus venaient compenser le préjudice
résultant de l'absence d'accord de substitution (Soc, 4 décembre 2007).

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§3 La modification dans la situation juridique de l'employeur


Celle-ci peut avoir un impact dans les relations individuelles de travail. Mais s'agissant du statut collectif,
il y a des hypothèses qui vont soit modifier l'activité de l'entreprise et donc la faire sortir du champ
d'application de la convention ou de l'accord, soit des évènements qui vont affecter les parties signataires.

A Le changement d'employeur
Lorsqu'il y a un repreneur, l'acte de reprise va entrainer la mise en cause de l'accord collectif parce que la
partie signataire patronale a changé en totalité. Cet évènement va entrainer un délai de préavis de trois
mois et le maintien du statut conventionnel pendant un an. La mise en cause produit les effets de la
dénonciation.
Dans ce contexte là, le repreneur va devoir, au sein d'une même entreprise, gérer provisoirement deux
statuts conventionnels si chacune des entreprises conventionnelle possédait des accords d'entreprise ou
d'établissement. Il va donc devoir orchestrer une négociation de substitution dans les délais requis pour
éviter le maintien des avantages individuels acquis.
S'il y a deux conventions collectives applicables dans la nouvelle entité, il risque d'y avoir conflit d'accord
ou de convention collective, donc potentiellement des concours d'avantages qui se solderont par
l'application de l'avantage le plus favorable.

B L'évènement venant modifier la qualification d'activité principale de


l'entreprise
À l'occasion d'une vente, d'une cession, fusion ou autre, l'activité principale ou de l'entreprise cédée, ou de
l'entreprise d'accueil peut être bouleversée.

CCL :
Les réformes de 2004 et de 2008 ont vocation à renverser la hiérarchie des normes conventionnelles.
Historiquement, l'accord de champ le plus restreint avait vocation à s'adapter aux évolutions de l'accord
de champ plus large (branche interprofessionnelle). Désormais, l'accord d'entreprise peut déroger, même
dans un sens moins favorable, aux accords de champ plus large dès lors que la convention de branche
n'interdit pas cette dérogation. Finalement, le principe conventionnel posé est la possibilité de déroger.
Toutefois, la marche de dérogation offerte au niveau de l'entreprise ou de l'établissement n'est pas ouverte
dans les domaines suivants : les salaires minima en matière de classification, garanties collectives
complémentaires et mutualisation des fonds de la formation professionnelle.
En dehors de ces cas, le législateur a fait le pari qui consiste à faciliter la négociation d'adaptation au
niveau de l'entreprise.

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COURS DU 24/03/15 :
Thème n°6 : Les conflits collectifs de travail
L'expression "conflits collectifs du travail" n'est pas définie par le C.Trav. Elle va opposer les partenaires
sociaux, les syndicats, et parfois des communautés de travail qui vont porter des revendications, faire état
de contestations et dont la partie la plus visible sur le plan juridique est constituée du droit de grève. Mais
tous les conflits collectifs ne sont pas absorbés par le droit de grève. Tout différent relatif à une
négociation, révision, dénonciation, peut donner lieu à un conflit collectif. C'est pourquoi les conventions
collectives organisent en leur sein des commissions paritaires d'interprétation.
Il y a parfois des mouvements sociaux qui sont aux lisières du droit et qui empruntent à différentes
catégories et dont on peut parfois discuter la légalité. Par exemple, un piquet de grève qui emprunte au
droit de grève, au droit de réunion, au droit de manifester, est-ce un mode d'action licite ? C'est plutôt
illicite s'il vise à empêcher la libre circulation des personnes, porte atteinte au droit de travail ou au droit
de propriété.
Les conflits collectifs ne se résument pas au droit de grève.

§1 Le droit de grève
Le droit de grève est constitutionnellement protégé. Al 6 Préambule de 46 "le droit de grève s'exerce dans
le cadre des lois qui le réglementent". Problème : très peu de lois réglementent le droit de grève, sauf SP,
transport des personnes. Et la C.Cass n'admet pas qu'il puisse être réglementé par voie de conventions
collectives. Constitutionnellement, les manifestations du droit de grève vont bénéficier d'une protection
très forte. Sous cet angle, notre pays est extrêmement libéral par rapport à cette forme d'action collective.
Aucun texte ne définit le droit de grève, si bien que c'est la jurisprudence qui en a défini le coeur. On
retient traditionnellement qu'il s'agit d'une cessation collective et concertée du travail en vue de faire
aboutir des revendications professionnelles. Tout mouvement social rattaché à un conflit collectif n'est pas
nécessairement l'expression du droit de grève. Il n'y a pas lieu de porter des revendications politiques. Or,
la distinction entre le politique et le social est parfois très difficile à faire.

La qualification du droit de grève est essentielle puisque le/les salariés qui exercent le droit de grève sont
juridiquement protégés. Le contrat de travail est suspendu et non rompu. Aucune sanction ne peut être
prise à l'encontre des grévistes à peine de nullité.
Comme elle suspend le contrat de travail, la rémunération est suspendue. S'il y a disqualification du
mouvement de grève, l'employeur peut invoquer une mauvaise exécution ou une inexécution du contrat
de travail et prendre des sanctions disciplinaires.

A Les éléments constitutifs du droit de grève


Plusieurs conditions sont posées pour que le droit de grève soit retenu :
- une cessation du travail : les salariés doivent effectivement cesser d'effectuer leur prestation de
travail et donc s'abstenir de tout travail, peu important la durée de la cessation du travail. Elle
peut être complexe. Seuls sont concernés par le droit de grève les travailleurs subordonnés. Les
professions indépendantes ne peuvent exprimer le droit de grève.
La cessation de travail doit être effective ie il ne faut pas que l'exécution du travail soit
instrumentalisée à des fins revendicatives, soit en travaillant plus, soit en travaillant moins (grève
du zèle). Cela entraine des risques de sanctions disciplinaires. Ce n'est pas parce qu'un salarié
refuse un ordre de l'employeur qu'il exerce le droit de grève. La grève perlée a vocation à faire
pression sur l'employeur en ralentissant l'activité. La jurisprudence ne l'admet pas.
La question se pose parfois de savoir quand les salariés peuvent se mettre en grève. Dans les
entreprises de droit privé (droit commun), les salariés collectivement choisissent librement le
moment de la cessation collective et donc du déclenchement de la grève. Techniquement parlant,
cela veut dire que la grève peut être une grève surprise. Cette possibilité est d'autant plus admise
en jurisprudence que dans Soc, 7 juin 1995, Société de transport seroul, la C.Cass refuse de
donner un effet aux clauses de préavis avant grève contenue dans des conventions collectives.
Seule la loi peut réglementer le droit de grève. Dans ce système jurisprudentiel, ce qui importe
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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
est que, concomitamment au déclenchement de la grève, les salariés informent l'employeur de
leurs revendications.
L'esprit de la jurisprudence à l'égard du droit de grève est dominé par le fait que le droit de grève
est d'abord un droit individuel qui s'exerce collectivement. Les restrictions normatives au droit de
grève ne peuvent être que très limitées et proportionnées.
Le CE, quant à lui, lorsqu'il est amené à contrôler la légalité des RI d'entreprise, admet que les
autorités publiques et dans les entreprises privées pour lesquelles il y a des enjeux sanitaires et
environnementaux, puissent édicter un RI restrictif du droit de grève, notamment en terme
d'astreintes imposées aux salariés (CE, Atochem).
Il y a une exception importante qui existe dans le secteur public puisque, à cet égard, toute grève
est nécessairement précédée par un préavis. Le préavis doit être déposé par une ou plusieurs OS.
Ce préavis a vocation à permettre une éventuelle négociation. Cette contrainte est d'OP et vaut
aussi pour les entreprises privées qui assument une mission de SP. Le syndicat transmet un
préavis motivé faisant état des revendications, même de façon évasive.
Illustration : la grande grève à la RTM à Marseille en 1995. La communauté urbaine de Marseille avait
décidé de réhabiliter le tramway. Une délégation de SP avait été proposée et Veolia avait obtenu le marché du
transport. Grève de plus de 5 semaines. Tous les syndicats de la RTM déposent un préavis pour s'y opposer.
Toute une série de tracts parlait "d'action citoyenne". Le juge des référés dit que cette revendication dépasse les
compétences patronales et ces revendications ne sont pas exclusivement à vocation professionnelle. Il suspend
donc le préavis de grève au bout de 5 semaines. Il y a eu appel. La CA a confirmé l'ordonnance du juge des
référés. Il y a eu cassation qui a censuré puisque peu importe que l'employeur soit en mesure de satisfaire à ces
revendications et la défense de l'emploi a un caractère professionnel.
Illustration : En 2014, affaire de la SNCM. Un syndicat appelle à la grève sans préavis, notamment pour
protester contre les conditions de navigation entre Toulon et la Corse. Dans le communiqué, ils appelaient à
manifester en solidarité. Ce syndicat aurait du procéder par voie de préavis de grève qui laisse en principe 5 jours
pour engager des négociations. La C.Cass dit que s'il est vrai que la SNCM a une délégation de SP pour
Marseille-Corse, elle n'a pas une telle délégation pour la ligne Toulon-Corse. Il n'y avait donc pas lieu de
respecter un préavis.
En principe, le préavis est de 5 jours. Sinon, le mouvement collectif sera déclaré illicite.
Peu importe la durée de la cessation du travail. Depuis 1992, la Ch Soc considère qu'il
n'appartient pas au juge d'apprécier la proportionnalité de la durée du mouvement collectif. On
est un peu hors champ du droit. La jurisprudence admet qu'il puisse y avoir des débrayages
courts et momentanés, quand bien même cela désorganiserait l'entreprise, puisque la grève est le
droit de nuire économiquement à l'employeur. Même si la grève prend une forme dite de grève
tournante ie une grève qui successivement est portée par un service, un atelier, un établissement
de l'entreprise. La cessation doit simplement être franche et nette.

- La cessation collective et concertée : les juristes essaient de catégoriser ces notions. On est à la
frontière entre le droit et la sociologie. C'est une appréciation au cas par cas.
Par principe, le droit de grève est un droit de nature collective. S'exerçant individuellement, il a
une nature mixte. Il suffit que deux salariés se mettent en grève pour que l'on ait la dimension
collective. Toutefois, la jurisprudence a admis en 1996 que lorsque le salarié est le seul salarié de
l'entreprise ou le seul salarié d'une catégorie du personnel ou d'un service de l'entreprise, ce
salarié peut se mettre en grève, quand bien même il exercerait son droit au regard d'un mot
d'ordre national.
La jurisprudence admet même que des petits groupes de salariés se mettent en grève pour
participer à des grèves nationales dont l'objectif est professionnel, et même si l'objet de la
revendication et les réponses susceptibles d'être apportées, dépassent le cadre de l'entreprise, les
pouvoirs de l'employeur.
La jurisprudence est assez libérale. Elle ne tient pas compte du nombre des grévistes, de leurs
statuts. Elle ne confère aucune considération aux résultats des AG de grévistes, si bien que même
si les grévistes sont minoritaires dans l'entreprise, la grève est licite. Peu importe que cette
majorité ait voté la reprise du travail.
Cette action collective n'a pas à être coordonnée ou menée par les OS. Parfois on a des leader
dans les conflits collectifs qui ne sont pas des DS. La dimension concertée qui se déduit du

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
caractère collectif doit se comprendre par le fait que les revendications doivent être un minimum
coordonnées, unitaires. La qualification de grève peut être retenue alors que les salariés n'ont pas
utilisé le mot grève

- Les revendications d'ordre professionnel : il faut que le mouvement collectif porte de telles
revendications et en informent l'employeur et la C.Cass n'est pas très regardante sur le moment de
cette information. Même si elles ont été adressées préalablement à l'employeur, la jurisprudence
admet la grève alors que l'employeur ne les a pas expressément rejetées. Souvent, ces
revendications sont formulées de façon très générale.
La jurisprudence est très libérale sur les motifs. Il s'agit parfois de simple réclamations. On a de la
jurisprudence qui admet le malaise social, l'anxiété collective comme un motif de grève. La Ch
Soc, depuis 1992 (confirmé dans l'arrêt RTM), considère qu'il n'incombe pas au juge d'apprécier
la légitimité des revendications professionnelles, ni la proportionnalité. Les grévistes sont seuls
juges du bienfondé de leurs revendications. Cette doctrine est prise en étau de l'AP de la C.Cass
et de la CJUE.
C.Cass, AP, 1986, Air France : période charnière pour Air France qui décide de renouveler son
parc d'avions et notamment d'acheter des Airbus qui, contrairement aux Boeing, permettent un
équipage à 2 (antérieurement à 3). La grève dure de longues semaines. Parmi les revendications,
on trouvait la demande d'acquisition d'avions permettant un pilotage à 3 ou de modifier la
construction des avions. In fine, l'AP de la C.Cass considère que le juge des référés peut en
déduire un trouble manifestement illicite en présence de revendications déraisonnables. C'est
pourquoi elle admet que le juge des référés suspende la grève des pilotes.
La CJUE est chargée d'appliquer TUE et TFUE. En 2007, dans les arrêts Laval et Viking,
confirmés en décembre, la CJUE dit que la grève est une forme d'action collective qui est, en soi,
un droit fondamental de l'UE. Ce droit doit être concilié avec les autres libertés constitutives que
sont les libertés de circulation et d'établissement. La CJ admet qu'on puisse exercer un contrôle
de proportionnalité dans la mise en oeuvre du droit de grève.

B Les modalités du droit de grève


En réalité, pour traiter de cette question il faut bien avoir à l'esprit les droits individuels et collectifs des
salariés d'une part et les modalités de gestion du mouvement collectif du coté patronal d'autre part.

1 Les droits des salariés


Le droit de grève vise à permettre à un collectif de travailleurs d'exercer une pression sur le pouvoir
patronal et pour que l'équilibre des forces soit respecté, ces travailleurs doivent être, pendant l'arrêt de
travail, protégés contre toute mesure de rétorsion.
Le droit de grève est donc d'abord un droit protecteur qui a pour effet d'entrainer la suspension du
contrat de travail. Temporairement, les salariés s'abstiennent d'effectuer leurs prestations de travail.
L'employeur ne peut déduire d'un mouvement collectif la volonté pour les salariés de rompre leur contrat
de travail et d'autre part, il ne peut prétexter un mouvement collectif pour rompre le contrat de travail. Le
C.Trav est particulièrement clair sur ce point (L2511-1).

La jurisprudence n'admet le licenciement que si le comportement du salarié se révèle particulièrement


inadapté. Cela veut dire que, même si le mouvement collectif est qualifié de droit de grève, il se peut que
certains grévistes aient commis, à l'occasion de la grève, une faute revêtant les caractéristiques d'une faute
lourde. C'est l'exemple des salariés qui vont proférer des menaces, procéder à des séquestrations. Autre
comportement susceptible de constituer une faute lourde : piquet attentatoire à la liberté du travail. Cette
faute lourde doit être imputable aux salariés licenciés. Il appartient à l'employeur de veiller à ce que la
preuve, pour chaque salarié concerné, soit ramenée.
À défaut de faute lourde et imputable, le licenciement est nul de plein droit. Le salarié peut demander en
référé sa réintégration et un rappel de salaires au titre de la nullité du licenciement.

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Cette rigueur se retrouve également lorsque l'employeur envisage de prononcer un sanction plus lourde
puisque la jurisprudence a étendu cette garantie aux sanctions disciplinaires. L1132-2 C.Trav rappelle
qu'aucun salarié ne peut être sanctionné en raison de l'exercice normal du droit de grève.

Le contrat de travail est suspendu. En conséquences, la rémunération ne sera plus versée, si bien que les
jours fériés et chômés compris dans une période couverte par le droit de grève ne donnent pas lieu à
rémunération. La réduction de la rémunération est proportionnelle à la durée de l'arrêt du travail. Hors
de question de pratiquer des forfaits abstraits.
La question soulève d'importantes difficultés quand le salarié est soumis au forfait jour, qu'il a une partie
de sa rémunération soumises au rendement, ou quant au paiement de certaines primes (telles la prime
d'assiduité).

Il faut avoir à l'esprit que les partenaires sociaux concluent des accords de fin de conflit qui sont des
accords collectifs ou des accords atypiques. Ces accords de fin de conflit prévoient parfois le paiement des
jours de grève.
La seconde conséquence est que puisque le lien de subordination est provisoirement mis entre
parenthèses, il va y avoir toute une série de conséquences telles que la non prise en compte du temps de
grève pour le droit du congé annuel ; la mise entre parenthèses de la couverture pour les risques accident
de travail ou de trajet ; l'employeur ne peut plus être attrait à la responsabilité du commettant du fait de
ses préposés.

2 Les modalités de gestion de l'arrêt de travail


Il convient d'avoir à l'esprit que l'employeur n'a pas la possibilité, sauf dans des hypothèses très limités, de
fermer son entreprise en représailles d'un mouvement collectif. Il va devoir gérer ces arrêts de travail
collectif. Il peut organiser une forme de service minimum avec les non grévistes. Si son RI le permet, il
peut restreindre le droit de grève et imposer une présence. Une telle clause est extrêmement fragile au
regard de la jurisprudence de la C.Cass.
Il n'a pas le pouvoir de réquisition. La réquisition est un pouvoir conféré au préfet. Elle est extrêmement
rarement prononcée sous étroit contrôle du CE. Il vérifiera qu'il y a un risque d'atteinte à l'OP pour
justifier la réquisition, la nécessité d'une urgence. Sous couvert de principe de proportionnalité, le CE
exige que le nombre de salariés grévistes réquisitionnés soit limité à ce qui est vraiment nécessaire.

Il convient de préciser qu'indépendamment de la question du service minimum dans le SP, il n'y a pas de
principe qui permette clairement à l'employeur d'organiser un service minimum dans l'entreprise. Voilà
pourquoi, s'agissant d'un secteur particulier (transport des personnes), la loi, en 2007, est intervenue pour
obliger les grévistes à informer leur employeur individuellement de leur intention de se mettre en grève.
Le but n'est pas de susciter les envies de rétorsion mais de permettre à l'employeur d'avoir une visibilité
sur les personnels disponibles pour réorganiser ces services.
L'employeur va devoir gérer ces arrêts de travail tout en respectant un certain nombre de principes
directeurs :
- Il va devoir continuer à fournir du travail aux non grévistes.
- Principe de non discrimination ie il ne pourra pas avantager les non grévistes, notamment par le
recours à des primes.
- Question : l'employeur peut-il remplacer les grévistes ? L1242-6 interdit de remplacer des grévistes en
recourant à des contrats précaires (CDD ou intérim). Cette interdiction est d'OP et pénalement
sanctionnée. La C.Cass a appliqué cette interdiction dans l'hypothèse où l'employeur avait augmenté
l'amplitude du travail horaire de travailleurs intérimaires déjà présents dans l'entreprise (Soc, 2 mars
2011). La jurisprudence admet cependant le recours à la sous-traitance, à la redistribution des taches
en interne, y compris à ce que ce soient des associés qui viennent apporter en industrie. Elle a même
admis le bénévolat.

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COURS DU 31/03/15 :
C Les limites au droit de grève
Le droit de grève est limité par deux institutions : l'abus de droit et le droit de la responsabilité.

1 L'abus du droit de grève


S'agissant de l'abus du droit de grève, il va produire un effet disqualifiant ie l'arrêt de travail va devenir
illicite. De là, la protection attachée au droit de grève n'a plus vocation à s'appliquer. Il est traditionnel de
dire que la grève est dite abusive lorsque l'arrêt de travail est constitutif d'un mouvement désorganisant
l'entreprise. Ce qui est ici contrôlé par le juge est que le droit de grève ne soit pas détourné.
Tout le paradoxe est que depuis les années 1992, la Ch Soc considère qu'il n'appartient pas au juge
d'apprécier la légitimité des revendications des grévistes. Reste que en droit, le juge peut être amené à
apprécier si les modalités d'exercice du droit de grève sont adaptées et ne sont pas disproportionnées.
Si les motifs en eux-mêmes ne sont pas légitimes, on sera en présence d'un mouvement collectif
disqualifiant la grève. Il y a la jurisprudence des juges du fonds qui admet que l'on peut prendre en
compte l'ampleur des conséquences, la disproportion flagrantes des moyens, etc.
S'il fallait mettre un indicateur, on pourrait dire que si l'exercice normal du droit de grève comporte une
part de nuisance, pour autant, il ne devrait pas s'agir de produire ou de causer un préjudice à l'entreprise
qui dépasse les conséquences d'un arrêt collectif du travail.
Une jurisprudence ancienne retient l'abus du droit de grève en tenant compte de l'activité de l'entreprise
ou des modalités de l'action collective. Un tribunal civil avait admis qu'une grève surprise dans un
établissement médico-social qui avait eu pour conséquence de faire retirer l'agrément à l'entreprise etait
abusive.

En pratique, l'abus du droit de grève est peu retenu.


Les conséquences d'une telle qualification peuvent être considérables pour l'ensemble des salariés ayant
pris part au mouvement collectif illicite. Les juges sont donc très réticents à retenir l'abus du droit de
grève.
De plus, il faut savoir distinguer le mouvement collectif abusif des actes illicites éventuellement commis
par tel ou tel gréviste ou groupe de gréviste... Ces actes constituent des abus individuels qui permettent,
techniquement parlant, d'envisager une sanction. Cette sanction nécessite une faute lourde et donc la
preuve d'une intention malveillante, la participation de l'individu à la commission de l'abus. Il incombe à
l'employeur d'apporter ces preuves de la faute individuelle et du dommage. Si l'employeur entend se
prévaloir d'une faute lourde, il se place sur le terrain du droit disciplinaire avec toutes les conséquences
procédurales.
Le juge va rechercher une faute d'une particulière gravité commise à l'occasion du droit de grève. Il
semblerait que contrairement aux situations de droit commun, l'employeur n'a pas forcément à démontrer
l'intention de nuire (CE, 6 mars 2002).
Cela concerne l'entrave au travail des autres salariés, barricades, sabotage des machines, séquestration,
etc. La jurisprudence a également admis que le fait de participer à un mouvement illicite peut être
constitutif d'une faute lourde. La difficulté ici est que l'on est en présence d'actes abusifs et individuels,
situation qu'il faut distinguer de l'abus du droit de grève.

2 Les responsabilités
L'exercice légitime du droit de grève, parce qu'il comporte une part de droit de nuire à l'entreprise, vise à
générer un dommage économique. Il va de soi que si l'exercice de ce droit est légitime, ce droit de nuire
économiquement est frappé d'une immunité.
Du reste, certains agissements illicites peuvent ouvrir droit à réparation et, le cas échéant, ouvrir droit à la
mise en oeuvre de la responsabilité pénale. Certains grévistes/syndicats peuvent voir leur responsabilité
engagée.

Concernant les responsabilités civiles, l'employeur peut avoir un préjudice économique ayant diverses
origines : maintien de salaires aux non grévistes, pertes commerciales, perte de clientèle, D&I aux clients
ou fournisseurs en cas de retard dans l'exécution de ses contrats.
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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6
L'un des principes classiques est que la grève d'une entreprise ne peut être invoquée comme un cas de
FM. L'employeur peut avoir une stratégie pour mettre en oeuvre les responsabilités :
- Il peut agir contre les grévistes ayant eu un comportement fautif. L'employeur est tenu de se placer sur
le terrain de la faut lourde. En dépit du fait que cette action se déroule à l'occasion de l'exercice d'un
droit collectif, l'action en justice devra être menée devant le CPH.
- L'employeur peut chercher à engager la responsabilité civile des OS. Comme ce sont des personnes
morales, elles peuvent répondre de leurs actes. Difficultés :
• Lorsqu'un employeur agit sur ce terrain, on risque de lui dire qu'une telle action en justice est
attentatoire à la liberté syndicale et qu'appliquer trop rigoureusement les règles de la
responsabilité civile peut nuire à l'action revendicative qui est le fondement même de l'action
syndicale.
• A l'exception des SP, le droit de grève reste un droit individuel. Voilà pourquoi il est difficile
pour l'employeur de se placer sur ce terrain sauf s'il apparait qu'une OS a appelé à commettre
des agissements illicites, ou que, à l'égard de certains meneurs, le syndicat s'est comporté en
commettant, en donnant des directives d'action. Il faut rechercher la faute de l'organisation.
• Les salariés non grévistes qui pourraient engager un responsabilité pour perte de salaire, pour
entrave à la liberté du travail, voire réclamer des D&I si des violences ou voies de fait on été
commises sur la personne.

Concernant les responsabilités pénales, le droit pénal général s'applique et tous les actes de violence, de
détérioration d'un bien, le vol, la violation de domicile est pénalement sanctionné même si ce sont des
grévistes qui en sont à l'origine.
Le droit pénal permet la condamnation des personnes morales et désormais, il n'y a plus de principe de
spécialité, si bien qu'une OS, en théorie, peut être pénalement sanctionnée. L'essentiel du contentieux
pénal, outre les dégradations, porte en réalité sur le délit d'atteinte à la liberté du travail (431-1s. CP). Il y
a atteinte à la liberté du travail dès lors qu'il y a des menaces, violences, comportements injurieux,
obstacles qui empêchent autrui d'exercer son activité professionnelle. Ce délit d'atteinte à la liberté du
travail s'est substitué en 1884 lorsqu'a été aboli le délit de coalition.
Le délit d'atteinte à la liberté du travail est sévèrement puni (1 an et 15 000€), ce qui devrait être dissuasif.
Crim, 1951 considère que pour des grévistes, le fait de couper le courant n'est pas en soi constitutif du
délit d'entrave à la liberté du travail.

L'abus du droit de grève est très rarement retenu. Les juges sont très réticents à engager la responsabilité
civile des OS, y compris dans les SP.
Dans ce prolongement, la jurisprudence européenne n'a pas encore été mise en oeuvre par la
jurisprudence française pour retenir un abus du droit de grève.
S'agissant des responsabilités, peut se poser aussi la question de la responsabilité de l'Etat, notamment
lorsque l'employeur obtient en référé une ordonnance d'expulsion et que l'autorité de police refuse
d'exécuter la décision de justice exécutoire prétextant le risque de trouble à l'OP.

§2 Le lock-out
C'est un arrêt de travail décidé par l'employeur pour réagir à un conflit collectif du travail. C'est donc une
fermeture provisoire de l'entreprise. Dans certains pays, le lock-out est le droit miroir du droit de grève
pour l'employeur. En droit français, le recours au lock-out est par principe fautif ie l'employeur sera
condamné à des D&I, au paiement de salaires correspondant aux jours de travail perdus et il y a des
risques en pratique d'ordre pénal puisque s'il ne consulte pas les IRP préalablement à sa décision, il
pourrait être condamné pour délit d'entrave au fonctionnement du CE.
Il y a trois hypothèses où cette mesure de fermeture de l'entreprise est recevable, licite :
- La force majeure : l'employeur va devoir démontrer que la fermeture s'impose parce que les
éléments subis sont extérieurs à la volonté des parties prenantes, que l'évènement est imprévisible
et irrésistible. Dans cette hypothèse, la FM permettra à l'employeur de ne pas exécuter ses
obligations contractuelles. La jurisprudence admet peu la FM en présence d'un conflit collectif,
d'autant qu'elle ne l'a pas admis pour les évènements de mai 68.

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On a des hypothèses où le lock-out est admis : lorsque l'employeur a obtenu une ordonnance de
référé pour expulser les grévistes et que les forces de police n'interviennent pas. C'est aussi le cas
des mouvements collectifs qui dégénèrent ou qui entrainent la paralysie de l'entreprise.
- L'inexécution fautive par les salariés de leurs obligations : ici, on a une hypothèse rare en
pratique, construite par la jurisprudence, qui admettrait qu'en raison du caractère
synallagmatique du contrat de travail et de l'ampleur du mouvement collectif ou de modalités
irrégulières du droit de grève, le recours au lock-out.
C'est très discuté puisque le droit de grève suspend le contrat de travail.
- Pour des raisons d'ordre et de sécurité : l'employeur est responsable de la bonne marche de
l'entreprise et il est débiteur d'une obligation de sécurité de résultat (selon la jurisprudence). De
là, certains courants patronaux soutiennent que lorsque le mouvement collectif désorganise
l'entreprise et génère une insécurité grave, l'employeur devrait être en mesure de fermer le site.
En réalité, l'esprit du droit français est le suivant : l'employeur n'a pas de droit comparable au droit de
grève et le lock-out est une mesure extrême qui ne sera admise en jurisprudence qu'en présence d'une
situation qui ressemblera à la FM.

§3 Le règlement des conflits collectifs du travail


Le droit français est, sur ce point, en présence d'un paradoxe total. Le C.Trav consacre de nombreuses
pages aux règlements alternatifs des conflits collectifs. Il faut se reporter à L2521-1s. C.Trav. En dépit de
dispositions étoffées, les partenaires sociaux et les parties à un conflit collectifs recourent de façon très
exceptionnelle. En droit français, nous avons la passion du conflit qui se résout soit devant le juge, soit
par l'Etat pour les conflits collectifs puisque la résolution non étatique de ces conflits est mal acceptée.
Pourtant le conciliateur, le médiateur et l'arbitre sont prévus par la loi.

A La conciliation
Elle est prévue à L2522-1 et la loi indique que tous les conflits collectifs de travail peuvent être soumis aux
procédures de conciliation. De là, les conflits assis sur des revendications, des interprétations, ayant pour
objet le statut collectif des salariés devraient pouvoir être déférés à un conciliateur.
La conciliation n'est pas obligatoire. Elle n'est pas un préalable à un déclenchement de la grève et il
revient généralement aux partenaires sociaux de prévoir soit dans des convention ou accords collectifs
préexistants, soit au titre d'un accord collectif particulier le recours à un conciliateur. C'est donc d'abord
les partenaires sociaux qui seront en charge de processualiser une éventuelle conciliation (conciliation
conventionnelle).
Cela étant dit, la loi pose un certain nombre de principes directeurs pour que l'éventuelle conciliation
respecte des modalités minimales. D'abord, si le conflit intervient à l'occasion de l'établissement, la
révision ou le renouvellement d'une convention de branche, d'un accord professionnel ou
interprofessionnel, c'est le ministre du travail qui peut engager une procédure de médiation réglementaire.
Il agira après avoir été saisi par une des parties signataires de l'accord.

Ensuite, quel que soit le type de conciliation, les parties doivent faciliter le travail du conciliateur. La loi
précise de quelle manière les parties peuvent se faire représenter, comment elles sont convoquées et
surtout, elle précise qu'il appartient au président de la commission d'établir un PV pour constater l'accord
ou le désaccord des parties pour envisager d'autres modes de résolution.
En cas d'échec, la loi permet aux parties de s'engager sur le terrain de la médiation.

En pratique, les conciliations nationales sont rares. Elles sont fréquentes sous l'autorité des DIRECCTE.
En réalité, les parties prenantes essaient de trouver des modes de règlement qui relèvent de la soft law
plutôt que de s'engager dans un processus de conciliation.

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B La médiation
Le recours à la médiation est sans doute plus fréquent. C'est un autre mode de règlement qui sera engagé
soit après un échec de la conciliation, soit directement.
Ce doit être le président de la commission de conciliation, soit le ministre de travail ou les DIRECCTE
qui désigneront le médiateur au regard de sa compétence en matière économique et sociale et au regard de
son autorité morale. L2523-2 précise que lorsque les parties ne s'entendent pas, c'est l'autorité
administrative qui procède à celle-ci sur la base d'une liste dressée par voie d'arrêté après avis des OS.
Une fois en situation, le médiateur a de larges pouvoirs pour réaliser sa mission. Il peut procéder par voie
d'enquête, il a un pouvoir d'instruction, peut auditionner les parties, procéder à des expertises et en
principe, il doit rendre son avis dans le délai arrêté par les parties. Elles ont alors 8 jours pour rejeter la
proposition. A défaut, le médiateur constate l'accord.
Ce constat d'accord sera déposé auprès de l'administration du travail et cela produira les mêmes effets
qu'une convention ou un accord collectif de travail.

C L'arbitrage
La loi prévoit cette hypothèse en matière de conflits collectifs du travail. L2524-1 précise que les
partenaires sociaux peuvent prévoir une clause compromissoire. Ils peuvent même annexer à l'accord une
liste d'arbitres. Si le recours à l'arbitrage est prévue de façon impérative, les partenaires sociaux, en
fonction de la nature du différend, devront respecter la procédure d'arbitrage qu'elles se sont imposées. Il
est fréquent que les conventions collectives ne comportent pas de clause compromissoire. Dans ce cas, les
parties peuvent décider q'y recourir d'un commun accord pour les litiges qui subsisteraient à l'issue d'une
procédure de conciliation ou de médiation.
Dans l'hypothèse où les parties décident de compromettre, le compromis devra énoncer les points que
l'arbitre est censé trancher. En effet, l'arbitre n'a pas le pouvoir de statuer sur un objet qui sortirait du
périmètre du compromis. Lorsqu'il est saisi, il va rendre une sentence et statuer en droit sur les conflits
relatifs à l'interprétation et à l'exécution des lois, des règlements et des conventions ou accords collectifs.
En revanche, il peut statuer en équité sur les autres conflits et notamment lorsque le conflit porte sur les
salaires ou les conditions de travail qui ne sont pas fixées par des normes.

Une fois que l'arbitre rend sa sentence, celle ci produira les mêmes effets que les conventions et accords
collectifs de travail. En principe, ces sentences ne peuvent faire l'objet d'un REP devant la cour
supérieure d'arbitrage.
Elle est compétente pour les excès de pouvoirs ou violations de la loi pour les sentences arbitrales. Cette
institution est présidée par le vice président du CE et composée de manière paritaire de conseillers d'Etat
et de magistrats de l'ordre judiciaire. Quand elle prononce l'annulation de la sentence, elle renvoie l'affaire
aux parties qui peuvent désigner un nouvel arbitre. Si la nouvelle sentence est encore annulée, c'est elle
qui, in fine, va statuer au fond sur le différend.

CCL : le droit français est rétif au règlement amiable des conflits collectifs de travail. Il est très fréquent
que les fin de conflit se soldent par les accords de fin de conflit. Soit ce sont des accords collectifs, soit des
accords atypiques.
Il arrive que dans les préambules des conventions collectives, les partenaires sociaux recommandent le
recours à des règlement amiables des conflits. La C.Cass considère que, faute d'être en présence d'une
clause obligatoire, cette prescription ne peut être imposée aux syndicats.
Il est fréquent que les partenaires sociaux organisent dans les conventions et accords collectif un mode
particulier de règlement des différents lorsqu'il touche à l'interprétation des conventions et accords
collectifs de branche. Les partenaires sociaux instituent des commissions paritaires d'interprétation. La
jurisprudence considère que les avis rendus par ces commissions ne s'imposent aux juges et n'ont de force
juridique que si l'accord collectif leur donne la valeur d'un avenant à l'accord ou à la convention
collective.
Le droit de grève en France est particulièrement protégé mais les conflits collectifs de travail sont peu
réglementés et leurs modes de résolutions non aboutis.

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M. Bugada Droit social L3 Semestre 6

Thème n°7 : La règlementation du travail (non vu)

Examen théorique : questions de cours


Examen pratique : cas pratique ou commentaire au choix. Code autorisé.

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