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L’État autorise, à des conditions qu’il impose par la loi, de nombreux acteurs à produire des règles de droit.
Les agents économiques, leurs représentants, sont évidemment intéressés à l’élaboration de règles tenant
compte de leurs intérêts. La diversité de nature de ces sources est remarquable et une ligne de partage
peut être dessinée entre production négociée et production unilatérale des règles.
C. trav. L. 2231-1
La convention est un accord conclu entre :
- d’une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ
d’application de la convention ou de l’accord ;
- d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d’employeurs, ou toute autre association
d’employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement.
• Objet
Les stipulations d’une convention collective peuvent-elles faire l’objet d’une sanction pénale ? Pour
répondre à cette question, il faut envisager deux situations. La première est-celle visée par l’article L. 2263-
1 du code du travail qui prévoit qu’une sanction pénale ne peut être prononcée que lorsqu’un employeur
ne respecte pas un cadre conventionnel étendu dérogatoire à la loi dont le non-respect - de la loi - est lui-
même pénalement sanctionné. Si le champ des dispositions légales couvre le domaine sensible du temps
de travail, on observera que ce texte ne vise ni la dérogation à des textes réglementaires et que ne sont
pas visées les dérogations opérées par accord d’entreprise de loin les plus nombreux en termes
d’organisation du temps de travail.
La seconde situation concerne la violation de clauses conventionnelles améliorant le statut légal de la
représentation du personnel. Dans un arrêt, la chambre criminelle a confirmé qu’un employeur est passible
de poursuites pour délit d’entrave pour n’avoir pas respecté un dispositif conventionnel prévoyant
l’obligation de mettre en place un CE dans une entreprise employant moins de 50 salariés (Crim. 5 mars
2013, no 11-83.984 FS-PBR14).
• Typologie
En premier lieu, sur un plan juridique, il n’y a pas lieu de distinguer l’accord collectif de la convention
collective ; leur régime est le même.
En second lieu, bien que leur régime juridique soit pour l’essentiel le même, pour comprendre l’organisation
du tissu conventionnel français, il importe de différencier les conventions collectives selon le niveau auquel
elles sont conclues. Reposant sur un principe de liberté contractuelle, il appartient aux négociateurs,
organisations syndicales de salariés représentatives et organisations d’employeurs de définir le champ
d’application territorial et professionnel de la convention.
- L’interprofession. Le champ d’application territorial des accords interprofessionnels peut être national,
régional ou local (C. trav. L. 2231-1) et concerne presque toutes les branches professionnelles. Le secteur
de l’ESS, les professions libérales sont principalement exclues, les organisations professionnelles
patronales de ces secteurs n’étant pas représentatives.
14
Le présent numéro est la référence du pourvoi. Le texte intégral de l’arrêt peut être retrouvé sur le site www.legifrance.gouv.fr -
jurisprudence judiciaire – copier dans la case Numéro d’affaire.
• Applicabilité d’une convention collective de branche à une entreprise
Une convention collective de branche valablement conclue s’applique si deux conditions sont réunies :
1°) l’entreprise doit entrer dans le champ d’application territorial (désormais national) et professionnel
déterminé par les organisations professionnelles parties à l’accord. L’entreprise doit essentiellement avoir
une activité économique concordante avec celles visées par le texte conventionnel (se reporter à l’article
1 des conventions de branches qui précise le champ d’application du texte).
2°) l’employeur, es qualité, doit adhérer à un groupement d’employeurs lui-même signataire de la
convention collective de branche ou bien la convention collective doit avoir fait l’objet d’un arrêté
d’extension.
Règle d’unicité du statut collectif. En principe, une entreprise ne relève que d’une seule et unique
branche professionnelle. Pour la déterminer, il convient de rechercher l’activité réelle et principale de
l’entreprise, spécialement en cas de pluralité d’activités.
L’hypothèse d’une application volontaire d’une convention collective de branche par un employeur est
possible soit :
- par adhésion ultérieure (C. trav. art. L. 2261-3),
- par usage (v. infra),
- par engagement unilatéral (v. infra),
- par mention sur le bulletin de paie (mention obligatoire, C. trav., art. R. 3243-1 3°).
Exception faite de l’adhésion, un accord collectif appliqué volontairement ne se voit pas soumis au régime
légal de la convention collection mais à celui, jurisprudentiel, de l’engagement unilatéral. En cas
d’application volontaire, le salarié peut toujours demander l’application de la convention collective à laquelle
l’employeur est assujetti compte tenu de l’activité principale de l’entreprise.
Article L2222-1, extrait. Les conventions et accords collectifs de travail (…) déterminent leur champ
d’application territorial et professionnel. Le champ d’application professionnel est défini en termes
d’activités économiques.
Article L2261-2
La convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur.
En cas de pluralité d’activités rendant incertaine l’application de ce critère pour le rattachement d’une
entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels
peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles
l’entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.
Article L2262-1
Sans préjudice des effets attachés à l’extension ou à l’élargissement, l’application des conventions et
accords est obligatoire pour tous les signataires ou membres des organisations ou groupements
signataires.
B/ Le contrat de travail
Le rapport de travail qui s’établit entre un employeur et un travailleur salarié est avant tout de nature
contractuelle. Le contrat de travail a une double fonction.
En premier lieu, le contrat de travail, en tant qu’acte juridique, établit la condition du salarié en le plaçant
sous la subordination de l’employeur. En ce sens, le contrat de travail institue un rapport de pouvoir au
bénéfice de l’employeur. Le contrat de travail conditionne donc l’application de normes, lois et règlements,
conventions collectives de travail qui déterminent les conditions d’emploi et de travail. Ainsi, le contrat de
travail rend applicable, sans les incorporer, de nombreuses règles étatiques et professionnelles.
Un contrat n’est certes pas un acteur normateur ; il crée seulement un rapport d’obligation entre les parties.
Mais, et en second lieu, cette dimension contractuelle permet aux parties de préciser leur droits (avantages
en nature, prime) et obligations (clause de non-concurrence) dans la limite de l’ordre public. De ce point de
vue, le contrat singularise le rapport de travail. Cette part du contrat en constitue le negocium. L’écrit n’est
pas nécessaire à la validité de l’opération juridique « contrat de travail » sauf prescription légale contraire
(CDD) mais il est utile en tant que moyen de preuve spécialement du contenu de ce contrat sinon
nécessaire (validité de la période d’essai).
§2. LES SOURCES UNILATERALES
Le pouvoir de l’employeur est une source majeure du droit du travail que la loi et le juge encadrent. Ce
pouvoir peut être défini comme une « habilitation donnée à l’employeur d’accomplir au service de l’intérêt
de l’entreprise, intérêt au moins partiellement distinct du sien, des actes matériels ou juridiques qui
s’imposent aux salariés et qui vont affecter leurs droits et intérêts ». Ces manifestations sont multiples ; les
décisions individuelles qui produisent immédiatement effet sont quantitativement les plus importantes15.
Certains de ces actes à dimension collective ont un régime légal comme le règlement intérieur de
l’entreprise, d’autres jurisprudentiel à l’instar des usages d’entreprise ou de l’engagement unilatéral.
Il existe sans doute encore quelques usages professionnels proches de coutumes professionnelles ; les
usages d’entreprises sont en revanche encore très présents. Pour être reconnu en droit, un usage
d’entreprise requiert une certaine volonté de l’employeur – expresse (versement d’une prime) ou tacite
(pratique des salariés acceptée) c’est pourquoi on applique aux usages d’entreprise le régime des
engagements unilatéraux. Ces derniers sont une décision par laquelle l’employeur s’est engagé à
accorder immédiatement, et le plus souvent pour l’avenir (durée déterminée ou indéterminée), un avantage
aux salariés de l’entreprise.
Conditions. C’est à celui qui se prévaut d’un usage ou d’un engagement unilatéral de l’employeur d’en
rapporter la preuve.
L’usage est caractérisé par une pratique effective (élément matériel) ; cette pratique étant pensée comme
obligatoire (éléments subjectif). Trois conditions sont nécessaires pour qu’un usage fasse naître un droit :
sa généralité (au bénéfice d’une catégorie ou de l’ensemble du personnel), sa constance (répétition) ce
qui renvoie à la question de savoir « combien de fois ». Si l’usage ne peut évidemment émerger à la vie
juridique à raison d’un fait isolé, sa juridicité dépend de la fréquence de la pratique ; plus son rythme est
espacé, moins le nombre de répétitions sera élevé16) enfin sa fixité (les conditions d’attribution et de
détermination de l’avantage doivent être objectives c’est-à-dire indépendantes de tout arbitraire de
l’employeur.) Si ces trois conditions sont réunies, le droit né par voie d’usage s’impose à l’employeur.
Usages et engagements unilatéraux ne peuvent contenir que des avantages et donc, dans leur rapport
avec d’autres normes, que des dispositions plus favorables que les stipulations du contrat de travail, des
conventions collectives applicables dans l’entreprise ou des dispositions légales. Mais le droit ainsi créé ne
s’incorpore pas au contrat de travail des salariés. Les usages d’entreprise et les engagements unilatéraux
de l’employeur ont le même régime juridique.
Révocation. L’employeur peut toujours révoquer un usage ou son propre engagement à certaines
conditions cependant. Le motif ne doit pas être illicite (rétorsion à la suite d’une grève) et à la double
condition d’information du comité social et économique (*) d’abord, puis individuelle des salariés par LR-
AR. Enfin, un délai de prévenance suffisant doit être respecté par l’employeur devant lui permettre
d’engager des négociations avec les délégués syndicaux de l’entreprise. Au terme de ce délai, l’avantage
disparaît et ne peut plus être réclamé par les salariés.
Enfin, on relèvera que les usages et engagements unilatéraux sont automatiquement mis en cause par
l’entrée en vigueur d’une convention collective dès lors que l’accord collectif a strictement le même objet
que celui porté par l’usage ou l’engagement unilatéral.
15
Sauf rares exceptions (licenciement d’un représentant du personnel) ces décisions individuelles, auxquelles le salarié se soumet,
produisent effet et ne peuvent être contestées devant le juge qu’ultérieurement (sorte de privilège du préalable).
16
Par exemple, une pratique annuelle deviendra sans doute constante au bout de trois répétitions.
B/ Le règlement intérieur
Le code du travail ne consacre pas expressément le pouvoir de l’employeur. Ce dernier est pourtant au
cœur du droit du travail lequel tend à en limiter ou encadrer certaines manifestations17. On distingue le
pouvoir de direction18 de l’employeur - pouvoir général - et deux pouvoirs qui en dérivent : le pouvoir
normateur et le pouvoir disciplinaire19. Le pouvoir normateur se concrétise dans l’élaboration du
règlement intérieur, acte réglementaire de nature privée.
Le règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant au moins 50
salariés (C. trav., art. L. 1311-2).
Notion de discipline. Sont visées les dispositions ayant pour objet direct la prescription d’un
comportement du salarié. Le code du travail soumet certains documents de l’employeur au même régime
juridique dès lors qu’ils ont le même objet. Il s’agit des notes, circulaires, chartes, codes de conduite, etc.
Depuis la loi du 8 août 2016, Le règlement intérieur peut également contenir des dispositions inscrivant le
principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés (C. trav., art. L. 1321-
2-1).
La Cour de cassation a précisé que le règlement intérieur devant fixer les règles disciplinaires et notamment
l’échelle des sanctions l’employeur ne peut prononcer une sanction qui n’aurait pas été prévue au
règlement intérieur.
• Personnes concernées
Tous les travailleurs y sont assujettis. Les salariés de l’employeur, également ceux qui ne lui sont pas liés
par un contrat de travail mais qui effectuent une prestation de travail dans l’entreprise (intérimaires, salariés
mis à disposition, stagiaires).
17
Voir supra, introduction.
18
Ce pouvoir habilite l’employeur à organiser son entreprise et à diriger les personnes.
19
Voir infra. C’est le pouvoir d’infliger une sanction disciplinaire devant figurer au règlement intérieur.
20
Caractère d’un acte ou d’un fait qui régit les rapports juridiques entre deux ou plusieurs personnes. Ainsi, un acte opposable ne
peut être méconnu par ceux auxquels il s’adresse ou par les tiers, tous devant en subir les effets et le respecter à condition que cet
acte soit valable.
au fonctionnement régulier au comité sociale et économique est constituée.
Le règlement intérieur et les notes de service qui le complètent ne pouvant produire effet que si
l’employeur a accompli les diligences prévues par l’article L. 1321-4 du code du travail, la cour
d’appel, qui a constaté que l’employeur ne justifiait pas avoir préalablement consulté les
représentants du personnel et communiqué le règlement à l’inspecteur du travail, en a exactement
déduit, sans dénaturation, ni inversion de la charge de la preuve, qu’il ne pouvait reprocher à son
salarié un manquement aux obligations édictées par ce règlement et par une note de service.
Le règlement intérieur est déposé au greffe du conseil de prud’hommes (C. trav. R. 1321-2), affiché à une
place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte
des locaux où se fait l’embauche et communiqué pour contrôle à l’inspection du travail (l’inspecteur du
travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions).
Concernant l’application du principe de neutralité, les restrictions doivent être justifiées par l’exercice
d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et être
proportionnées au but recherché (C. trav. L. 1321-2-1). Ce texte opère un inédit renversement de logique
puisque les valeurs protégées ne sont plus les droits et libertés des personnes mais un prétendu principe
de neutralité21. C’est là une nouveauté singulière car, jusqu’à présent, un principe de neutralité, n’était
opposable qu’aux agents des administrations, collectivités territoriales, établissements publics ou aux
salariés d’organismes privés délégataires d’une mission de service public. La sécurisation des actes des
employeurs, l’une des justifications au soutien de ce texte, est surprenante22. En effet, la compatibilité de
ce texte avec notre Constitution, à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme ou encore
à la Directive Européenne no 2000-78 du 27 novembre 2000 sera immanquablement soulevée. Tout
comme ne manqueront pas les recours contentieux lors du contrôle administratif du règlement intérieur ou
les débats devant le juge judiciaire quant aux justifications et/ou la proportionnalité des restrictions
apportées aux convictions des salariés. Lesquelles d’ailleurs ? L’imprécision du texte n’étant pas le moindre
de ses défauts.
Illustration (source Cour de cassation). Par un arrêt du 22 décembre 2017, la chambre sociale
tire les conséquences en droit français des deux arrêts rendus le 14 mars 2017 par la Cour de
justice de l’Union européenne en ce qui concerne la liberté de religion dans l’entreprise. S’agissant
d’un licenciement fondé sur le refus d’une salariée portant un foulard islamique de l’ôter lors de ses
contacts avec la clientèle, la Cour de justice a précisé l’interprétation qu’il convenait de retenir des
dispositions de la directive 78/2000/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un
cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, qui prohibe les
discriminations en raison de l’âge, du handicap, de l’orientation sexuelle et des convictions
religieuses. Pour la Haute juridiction, en l’état du droit positif, dans la mesure où, dans l’entreprise
concernée, aucune clause de neutralité ne figurait dans le règlement intérieur ni dans une note de
21
Il faut ici comparer avec la rédaction des articles L. 1221-1 et L. 1321-3 du code du travail. Voir encore l’article 1er du projet de loi
no 3600 tel qu’il fut déposé à l’Assemblée nationale.
22
L’amendement a été déposé par la sénatrice Mme Laborde et approuvé par le gouvernement. Voir le compte rendu intégral des
débats sur ce texte sur : http://www.francoiselaborde.fr/a-paris/item/la-neutralite-en-entreprise-votee-par-le-senat
service relevant du même régime légal, le licenciement pour faute prononcé en raison du non-
respect d’un ordre oral donné à une salariée et visant un signe religieux déterminé a été analysé
comme une discrimination directe. Aucune contrainte objective ne s’opposant à ce que des
fonctions d’ingénieur en informatique soient assurées par une salariée portant un foulard, cette
discrimination directe ne pouvait être justifiée. Cette décision, qui définit ainsi le cadre d’instauration
d’une politique de neutralité au sein des entreprises privées, ne s’oppose pas à la négociation au
sein de l’entreprise de chartes d’éthique portant sur les modalités du « vivre ensemble » dans la
communauté de travail. Mais de telles chartes sont dénuées de caractère obligatoire et ne
sauraient fonder un licenciement pour motif disciplinaire dans le cas du non-respect par un salarié
des préconisations qu’elles comportent.
Actualité. Affaire Baby-Loup suite. Par arrêt du 25 juin 2014, l’Assemblée plénière de la Cour de
cassation a rejeté le pourvoi formé par Mme X..., directrice adjointe de la crèche et halte-garderie
gérée par l’association Baby-Loup, licenciée par son employeur à la suite du refus d’ôter son voile.
La Haute juridiction a approuvé la cour d’appel d’avoir déduit du règlement intérieur que la
restriction à la liberté de manifester sa religion qu’il édictait ne présentait pas un caractère général,
mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de
l’association et proportionnée au but recherché (contact avec de très jeunes enfants dans une
crèche). L’argumentation pouvait être discutée et l’affaire a reconnu un ultime rebondissement. En
effet, Mme X. a présenté une communication devant le comité des droits de l’homme de l’ONU
(comité) en juin 2015 en affirmant que l’État français avait violé les droits qu’elle tient des articles
18 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le comité n’est pas une
juridiction et n’a pouvoir contraignant. Selon le comité, l’interdiction faite à une éducatrice de la
crèche Baby-Loup de de porter son foulard sur son lieu de travail est une ingérence dans l’exercice
de son droit à la liberté de manifester sa religion. Le comité estime que la France doit indemniser
l’éducatrice « de manière adéquate et … prendre des mesures de satisfaction appropriées, incluant
une compensation pour la perte d’emploi sans indemnités et le remboursement de tout coût légal,
ainsi que de toute perte non pécuniaire encourue par l’auteure en raison des faits de l’espèce. »
Le premier président de la Cour de cassation s’est prononcé sur cette affaire : « le comité a
constaté que notre assemblée plénière elle-même avait méconnu des droits fondamentaux (…).
« Même si cette constatation n’a pas, en droit, de force contraignante, l’autorité qui s’y attache de
fait constitue un facteur nouveau de déstabilisation de la jurisprudence qui vient perturber, aux
yeux des juges du fond, le rôle unificateur de notre Cour, qui plus est au niveau le plus élevé de
son assemblée plénière.
« C’est pourquoi, il nous faut réfléchir en permanence à de nouveaux mécanismes nécessaires
pour intégrer les directives croissantes d’origines diverses, et pas toujours cohérentes, que reçoit
notre Cour, et qui, encore une fois, exercent nécessairement une incidence forte sur la motivation
de ses arrêts. » …
A/ Positionnement du problème
Des règles organisent les rapports entre les différentes normes juridiques, les articulent (ou les ordonnent),
au sein du système juridique. Ces mécanismes sont importants car des normes appliquées - et de leurs
énoncés - dépendent les droits et obligations concrets des salariés comme des employeurs. En pratique,
une situation donnée (un préavis) peut être régi simultanément par plusieurs normes juridiques (loi,
conventions collectives de travail, usage ou contrat de travail). On évoque alors un concours entre normes
juridiques de nature différente pouvant créer un conflit entre les règles juridiques portées par ces normes.
Le point de départ de tout problème de concours de normes suppose que plusieurs normes sont
simultanément applicables dans une entreprise donnée (la loi évidemment, une ou des conventions
collectives (de niveaux différents), des usages d’entreprise, le contrat de travail de chaque salarié), lesdites
normes contenant un même avantage notamment, mais traité différemment dans les normes en cause
générant un conflit. Une telle situation n’est pas anormale ne serait-ce que parce que chaque norme est
créée à des époques différentes et procède d’auteurs différents. Par exemple, une convention collective
peut traiter d’une durée de préavis en matière de licenciement alors que la loi précise de telles durées (C.
trav., art. L. 1234-1).
Quoi qu’il en soit, dans cette configuration, toutes les normes applicables sont - doivent - être appliquées.
Mais pour sélectionner la règle applicable, car tout cumul est exclu, il faudra, pour régler le conflit, évincer
une ou plusieurs normes, par exemple une stipulation au détriment d’une disposition légale. Cette opération
ne concerne que la situation considérée et devra être renouvelée pour chaque conflit.
D’une façon générale, les normes dans un ordre juridique sont organisées ; elles ne sont pas placées sur
un même rang mais hiérarchiquement agencées. Ainsi une norme de niveau inférieur doit être conforme à
une norme de niveau supérieur : la Constitution a une autorité supérieure à la loi, la loi doit être conforme
aux traités et le règlement administratif respecter la loi. Les normes professionnelles (conventions
collectives, usages, contrats de travail, règlement intérieur) sont subordonnées à la loi et doivent lui être
conformes (caractère impératif ou d’ordre public des lois et règlements). Cette place conférée à la loi, son
caractère d’ordre public, est, dans notre système juridique, essentielle spécialement en droit du travail.
Toutefois, il est aussi admis que les normes professionnelles peuvent toujours améliorer les droits que les
salariés tiennent de la loi. C’est l’ordre public dit social. Par exemple, lorsque le code du travail dispose
que le temps de pause n’est pas considéré comme un temps de travail effectif et donc rémunéré, un accord
collectif d’entreprise peut prévoir de maintenir le salaire pendant ce temps voire l’assimiler à un temps de
travail effectif.
Il s’en suit l’idée que l’articulation entre normes différentes serait gouvernée par un principe général de
faveur consistant à toujours sélectionner l’avantage le plus favorable pour le ou les salariés concernés.
Cette règle érigée par la Cour de cassation en principe fondamental du droit du travail est encore positive
mais voit son champ d’application de plus en plus limité par le législateur. On évoque à cet égard, assez
maladroitement, un phénomène d’inversion de la hiérarchie des normes. Il n’en est rien. En revanche,
l’ordre public social - seulement mobilisé lorsque la loi est en conflit avec une norme professionnelle - et le
principe de faveur connaissent de notables exclusions au point de reléguer ledit principe au rang lui-même
d’exception. Ils seront précisés par la présentation des règles de conflits lesquelles sont pour l’essentiel
d’origine légale ; le code du travail consacrant, dans la partie relative aux conventions collectives, un titre
à l’articulation des conventions et accords.
B/ Application
Pour tenter globalement de rendre compte de ces règles d’articulation, on partira d’un conflit entre une
convention collective de branche et une autre source du droit tel que l’organise le code du travail.
La loi du 8 août 2016 dite travail, a reconfiguré l’articulation des principales sources du droit du
travail et l’ordonnance no 2017-1385 du 22 septembre 2017 parachève la construction.
Désormais, l’architecture proposée par la loi s’étage en trois blocs. Des règles dites d’ordre public fixent,
pour les négociateurs des conventions ou accords collectifs, les minimas auxquels il ne leur est pas permis
de déroger tandis que des règles légales dites supplétives, beaucoup plus contraignantes et/ou plus
onéreuses, s’imposant donc à l’employeur, auront vocation à s’appliquer en l’absence d’accord.
Par dispositions légales d’ordre public, il faut comprendre des règles qu’il n’est pas possible d’aménager
(ordre public dit absolu) ou aménageables dans le respect du minima légal (ordre public social). Sur cette
base de règles d’ordre public social, des aménagements négociés pourront donc être élaborés et ce sont
ces règles conventionnelles, pour autant qu’elles respectent les conditions posées par la loi, qui seront
appliquées. Les règles légales supplétives ne seront effectives et opposables à l’employeur dans l’exercice
de ses pouvoirs qu’à défaut de règles conventionnelles. Elles sont donc dans cette hypothèse impératives.
23
Hors tout système d’aménagement du temps de travail, évidemment. Toute heure accomplie au-delà de la durée légale
hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale
ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent (C. trav. L. 3121-28).
Synthèse
D’une façon générale, l’autonomie de la négociation collective s’accroît permettant aux agents de la
négociation collective de s’émanciper des dispositions légales dans le respect d’un ordre public - très -
minimal au profit de l’accord collectif tout en privilégiant le niveau de l’entreprise. Cette orientation n’est
pas condamnable en soi. Elle inquiète cependant au regard du contrepouvoir que peuvent réellement
exercer les représentants-négociateurs des salariés, spécialement au niveau de l’entreprise.
Actualité. Jusqu’à une époque récente, il était admis qu’une convention collective entrant en
vigueur postérieurement à la conclusion d’un contrat de travail ne pouvait le modifier24. Par
exemple, une convention collective nouvellement appliquée prévoyant une clause de non-
concurrence tandis que le contrat de travail d’un salarié n’en contenait pas, ne pouvait lui être
opposée (même solution pour une clause de mobilité). En d’autres termes, le salarié n’était pas lié
par la stipulation conventionnelle nouvelle. La Cour de cassation avait pourtant jugé qu’un régime
d’astreinte nouvellement mis en place par une convention collective s’impose au salarié sans qu’il
puisse invoquer une modification de son contrat de travail.
Plusieurs textes législatifs ont créé des exceptions à cette construction. L’Ordonnance no 2017-
1385 du 22 septembre 2017 uniformise des dispositifs en un seul régime. Désormais, l’article
L. 2254-2 du code du travail dispose, en substance, qu’afin de répondre aux nécessités liées au
fonctionnement de l’entreprise ou (et non pas et) en vue de préserver, ou de développer l’emploi,
un accord d’entreprise peut :
– aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ;
– aménager la rémunération dans le respect du Smic et des salaires minimas conventionnels
– déterminer les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
24
La situation est différente lorsque qu’une convention collective est appliquée dans une entreprise avant la conclusion du contrat de
travail. Dans cette hypothèse, à supposer que le salarié ait été informé de l’existence de cette convention par son employeur, la
stipulation conventionnelle s’applique sauf clause plus favorable du contrat de travail.
Dans ces hypothèses dont le champ d’application est très vaste (répondre aux nécessités liées au
fonctionnement de l’entreprise), les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses
contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée
du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.
Le refus du salarié confronté à une stipulation conventionnelle entraînera - certainement - son
licenciement au motif même de la mise en œuvre de la stipulation conventionnelle (V. supra).