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CONTRAT DE TRAVAIL ET CLAUSES PARTICULIERES

EXAM : Questions de cours


INTRODUCTION

L’article L1221-1 alinéa 1er CT dispose que « Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme
normale et générale de la relation de travail » (=CDI à temps complet).

Ce qui veut dire que tous les contrats de travail qui ne répondent pas à ce type de contrat,
caractérisent ce que l’on appelle des « contrats spéciaux du travail », tels que les contrats à durée
limitée mais ce sont aussi les contrats à durée indéterminée mais qui ne sont pas des contrats à
temps complet. Ces contrats spéciaux sont soumis à des règles de formation particulières et
obéissent à un régime juridique propre.
Néanmoins, on retrouve des caractéristiques communes à tous ces contrats :

- Ce sont des contrats d’exceptions parce que l’employeur ne peut pas généralement y
recourir librement. La conclusion de ces contrats est généralement enfermée dans des cas
expressément visés par la loi ou pour des situations précises, et limitativement énumérées.
De plus, ce sont des contrats d’exceptions car ils obéissent à des règles dérogatoires du droit
commun du travail quant à la formation du contrat lui-même, mais également quant à la
durée ou quant à la rupture du contrat.

- Ce sont des contrats formalistes : le principe du consensualisme, qui est pourtant posé à
l’article L1221-1 CT, est écarté. Ce texte rappelle la règle selon laquelle « Le contrat de
travail est soumis aux règles du droit commun, il peut être établi sous les formes que les
parties contractantes décident d’adopter ». Donc, en vertu de ce principe l’écrit n’est pas
une condition de validité du contrat de travail (en pratique, l’écrit facilite la preuve de la
relation ainsi que de l’existence du contrat de travail). Ce principe est cependant écarté en ce
qui concerne les contrats spéciaux puisque ce principe de liberté des parties quant à la forme
du contrat, ne joue que pour le CDI à temps complet. Donc, pour tous les autres contrats dit
spéciaux, il y a un formalisme rigoureux qui est imposé tel que l’obligation de rédiger un
contrat par écrit, mais également des mentions obligatoires. Ce formalisme est imposé
comme condition de validité de ces contrats spéciaux. En cas de non-respect de ce
formalisme, la sanction n’est pas la nullité du contrat spécial, mais une sanction origine
puisqu’il y aura requalification du contrat en contrat de travail de droit commun (CDI).

- Ce sont des contrats qui répondent à une finalité précise puisqu’ils répondent soit à des
besoins particuliers de l’entreprise et vont avoir pour objet d’assurer aux entreprises, une
certaine flexibilité dans l’organisation de l’activité de l’entreprise, soit ils favorisent l’emploi
et développent les compétences professionnelles. Il en résulte une multitude de contrats
dont le contenu varie en fonction des choix de politique sociale adoptés par les différents
gouvernements.

S’agissant des clauses particulières, le principe du consensualisme conduit à reconnaitre aux parties
au contrat de travail la faculté d’aménager par des clauses spéciales, les obligations découlant des
relations de travail. Néanmoins, le caractère d’ordre public des dispositions légales peut conduire à

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limiter cette liberté contractuelle. C’est la jurisprudence qui a fixé et qui a construit de manière
purement prétorienne, le régime juridique applicable à ces clauses particulières. Ce régime a été
construit autour d’une idée principale selon laquelle il faut concilier l’intérêt de l’entreprise et la
protection des droits et des libertés des salariés.

Les contrats spéciaux du travail et les clauses particulières peuvent faire l’objet d’une classification en
fonction de la finalité de ces contrats et de ces clauses :
- Les contrats et les clauses qui s’inscrivent dans le cadre de politique destinée à favoriser les
entreprises
- Les contrats et les clauses qui sont liées aux politiques d’emplois et qui ont pour objet
d’assurer l’accès ou le maintien d’un emploi.

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PARTIE 1 : CONTRATS ET CLAUSES AUX SERVICES DE L’ENTREPRISE

Il s’agit ici principalement de contrats qui sont destinés à répondre aux besoins d’adaptation des
entreprises, qu’il s’agisse d’un besoin momentané/ponctuel ou au contraire d’un besoin qui est
inhérent à la nature même de l’activité de l’entreprise.

A différentes occasions, l’entreprise peut connaitre un besoin de main d’œuvre supplémentaire pour
faire face par exemple, à une variation d’activité, pour assurer le remplacement d’un salarié absent
ou encore pour assurer la réalisation d’une mission temporaire et précise. Dans ces différentes
hypothèses, le contrat de travail aura nécessairement une durée limitée. Mais, les besoins de
l’entreprise peuvent également être liés aux caractéristiques de l’entreprise qui induisent la
nécessité d’une certaine flexibilité pour pouvoir adapter l’organisation du travail ou pour pouvoir
assurer la protection des intérêts de l’entreprise.

TITRE 1 : LES CONTRATS A DUREE LIMITEE

Lorsque l’entreprise fait face à un besoin momentané de main d’œuvre, deux possibilités s’offrent à
elle :
- Soit elle va recruter directement un salarié et va de ce fait, recourir à un CDD
- Soit elle ne va pas directement recruter un salarié et va faire appel à un tiers, et dans ce cas-
là elle va contracter un contrat de travail temporaire avec une agence de travail intérimaire.

CHAPITRE 1 : CONTRATS A DUREE DETERMINEE

Bien que le CDI soit la règle, on constate depuis ces dernières années une montée massive des CDD,
d’ailleurs on parle d’un phénomène de société qui est la précarisation du marché du travail. En effet,
plus de 80% des recrutements se font par CDD. Ensuite, on constate également que la part de CDD
dans l’emploi n’a cessé de croitre avec une forte propension de contrat très court : on a 12% de
travailleurs qui sont en CDD, et parmi ces 12%, il faut savoir que 30% des CDD ont une durée d’une
journée, et 40% des CDD ont une durée inférieure ou égale à 1 mois.

Ce phénomène de précarisation du marché du travail est largement dénoncé par les syndicats qui
insistent sur les conséquences sociales qui en résultent pour les travailleurs. Pour lutter contre ce
phénomène, les pouvoirs publics ont adopté différentes mesures :
- Un principe de « bonus-malus » a été mis en place, et prévoit une majoration pour les
entreprises de plus de 11 salariés du taux d’assurance chômage en fonction du nombre de
CDD qui a été conclu.
- Une taxe forfaitaire de 10€ a été mise en place dans certains secteurs pour le recours aux
« CDD d’usages ».

S’agissant du CDD, c’est un contrat très encadré par la loi mais la volonté des pouvoirs publics a été
de donner un peu plus de souplesse aux entreprises, notamment en augmentant la durée de certains
contrats ou en donnant la main aux syndicats représentatifs pour négocier en matière de CDD.

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Le régime juridique du CDD est prévu aux articles L1241-1 et suivants du CT. Tout CDD ne peut être
conclu que si deux conditions cumulatives sont remplies :
- Ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire
- Ne peut être conclu uniquement dans les cas prévus par la loi.

L’article L1242-1 CT pose le principe selon lequel un CDD, quel que soit son motif, ne peut avoir ni
pour objet ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente
de l’entreprise. Les juges n’hésitent pas, sur le fondement de cette règle, à sanctionner un CDD qui a
été conclu avec le même salarié. Lorsque le contrat conclu ne respecte pas cette obligation, la
sanction n’est pas la nullité du contrat mais est la requalification du CDD en CDI. De plus, dans cette
hypothèse l’employeur encoure une sanction pénale qui est punie d’une amende de 3750€.

Donc, en vertu de cette règle lorsque l’entreprise a une activité qui est par nature, temporaire,
l’employeur ne peut pas en principe recourir à un CDD dès lors que l’emploi est lié à l’activité
normale et permanente de l’entreprise.
 CC° chambre sociale du 4 décembre 1996 : dans cet arrêt, il s’agissait d’un centre de
formation d’apprentis en bijouterie qui avait été créé pour une durée de 5 ans. Ce centre
avait embauché des enseignants formateurs mais par CDD pour une durée de 5 ans. Lorsque
le centre avait cessé son activité au bout de 5 ans, les CDD avaient pris fin. Mais les salariés
sont allés contester devant les juridictions prudhommale la validité de leur CDD puisqu’en
réalité, le contrat a été conclu pur toute la durée de l’activité de l’entreprise. La Cour a
considéré qu’en l’espèce, ces CDD étaient illicites car ils n’avaient d’autre objet que de
pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. de
ce fait, ces contrats ont été requalifiés en CDI et la cessation des relations de travail a été
considérée comme illégitime, et le centre a été condamné à verser des D&I pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a toutefois des exceptions à cette règle posée par l’article L1242-1, mais il s’agit d’exceptions qui
sont expressément prévues par la loi et qui visent les CDD conclus dans le cadre de politique
d’emploi, c’est-à-dire destiné à assurer l’accès ou le maintien dans l’emploi de certaines catégories
de personnes.

La loi fixe la liste des cas de recours aux CDD qui sont autorisés. De manière générale, il y a une
interdiction concernant les salariés engagés par CDD, de leur faire exécuter des travaux
particulièrement dangereux (liste établie par voie règlementaire, tels que l’exposition à des
substances cancérigènes…). Toutefois, une dérogation peut être accordée à cette interdiction à titre
exceptionnel par l’administration du travail.

SECTION 1 : Les cas de recours autorisés

La liste des cas de recours a un caractère limitatif car si l’employeur et un employé concluent un CDD
pour un motif non prévu par la loi, non seulement il y a une sanction pénale à la clé mais aussi le CDD
sera requalifié en CDI.

Cette liste est fixée à l’article L1242-2 CT :

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§1. Le remplacement
Le texte vise des sous-hypothèses :
- Le remplacement d’un salarié qui est absent ou dont le contrat de travail est suspendu : quel
que soit le motif de l’absence, l’employeur peut recourir à un CDD. La jurisprudence admet
ici ce que l’on appelle la « pratique du remplacement en cascade », c’est-à-dire que l’on
prend un salarié qui est déjà dans l’entreprise pour l’affecter sur le poste du salarié absent et
à recruter par CDD un nouveau salarié pour assurer le remplacement du salarié remplaçant.
Toutefois, ce remplacement ne sera pas possible en cas de grève.
Le CDD de remplacement peut prendre effet avant l’absence du salarié qui doit être
remplacé afin de permettre la transmission des fonctions et des interdictions. Les juges
rappellent que cette anticipation doit avoir un caractère raisonnable.

- Le remplacement en cas de passage provisoire d’un salarié à temps partiel : c’est le cas
lorsque le salarié passe, pour des raisons médicales, à un mi-temps thérapeutique.

- Le remplacement d’un salarié dont le poste est supprimé mais qui est parti avant la
suppression effective : dans cette hypothèse, les juges vérifient que le départ du salarié soit
définitif, et que les représentants du CSE soient consultés préalablement à la conclusion du
CDD. Le texte précise que la suppression du poste doit être réelle, et doit intervenir dans un
délai maximum de 24 mois.

- Le remplacement dans l’attente de l’entrée en fonction effective d’un salarié qui a été
recruté par CDI. Toutefois, la jurisprudence rappelle que le recrutement par CDI ait déjà été
effectué au moment de la conclusion du CDD, et à défaut si le CDD intervient avant ce
recrutement définitif, il est illicite et sera requalifié en CDI.
 Ce principe a été posé par la chambre sociale dans un arrêt du 9 mars 2005, confirmé par un
arrêt du 15 janvier 2020 : la Cour rappelle le caractère impératif de cette exigence du
recrutement définitif par CDI avant la conclusion du CDD.

- Le remplacement du chef d’entreprise ou d’une personne exerçant une profession libérale


ou de leur conjoint lorsque celui-ci participe effectivement à l’activité de l’entreprise à titre
professionnel et habituel : cela peut être par exemple le remplacement d’un associé non-
salarié d’une personne morale exerçant une profession libérale (société d’avocat).

Le recours au CDD de remplacement n’est pas limité et la loi autorise la conclusion de CDD successifs
avec un même salarié pour assurer des remplacements. Ceci-étant, la jurisprudence a toutefois posé
un principe selon lequel le recours au CDD ne peut être considéré comme un outil de gestion du
personnel destiné à pallier un besoin structurel de main d’œuvre.
 Ce principe a été posé par un arrêt de la chambre sociale du 22 janvier 2005, PBRI (il est
publié au bulletin des arrêts de la CC° mais aussi au rapport annuel de la CC°, c’est-à-dire que
c’est un arrêt de principe). Cet arrêt nous dit que le CDD de remplacement ne doit pas
devenir un outil de gestion du personnel qui permet de pallier un besoin structurel de main
d’œuvre.

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Cette jurisprudence a été critiquée par la doctrine, et a fait valoir que cette jurisprudence
pouvait produire un effet pervers parce qu’il y a le risque que l’employeur ne fasse plus appel
à un même salarié pour assurer le remplacement du salarié absent (cette solution se
retourne donc contre le salarié).

 Dans un arrêt du 14 janvier 2018, la Cour est venue assouplir sa position puisque si elle
rappelle le principe, elle précise que « Le seul fait pour l’employeur qui est tenu de garantir
aux salariés le bénéfice des droits à congés maladies ou maternité, à congés payés ou repos
que leur accordent la loi, de recourir à des CDD de remplacement de manière récurrente voire
permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique au CDD pour faire face
à un besoin structurel de main d’œuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à
l’activité normale et permanente de l’entreprise ».
La chambre sociale assouplit sa position et considère que le juge ne peut pas se contenter de
relever que l’entreprise a recours de manière systématique à des CDD de remplacements,
pour en déduire qu’il y a un besoin structurel de main d’œuvre. Donc par cet arrêt, la Cour
pose une exigence à l’égard des juges du fond, d’une motivation renforcée, c’est-à-dire que
pour elle, la taille de l’entreprise et notamment le fait qu’elle est un effectif de salariés
important ne peut suffire à lui-seul, à caractériser un recours abusif au CDD de
remplacement puisque plus l’employeur a de salariés, plus il est confronté à cette nécessité
de remplacement.
En l’espèce, la CA avait prononcé la requalification en CDI des CDD de remplacement
successifs qui avaient été conclus avec une salariée sur une période de 4 ans. La Cour avait
appliqué la décision de 2005 mais la CC° casse l’arrêt d’appel pour motivation insuffisante.
Les juges doivent relever des éléments factuels (nature des fonctions, l’enchainement sans
interruption des CDD de remplacement, le nombre de CDD conclus, la durée totale
d’emploi…), précis pour caractériser ce recours illicite au CDD de remplacement, et donc
pour caractériser l’existence d’un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de
l’entreprise.

S’agissant du contrat de remplacement, pour pallier ces difficultés et donc ces risques liés à la
position des tribunaux, un décret du 18 décembre 2019 a été adopté et a lancé un dispositif
expérimental permettant, dans certains secteurs d’activités, aux entreprises de recruter un seul
salarié par un seul CDD, mais pour assurer le remplacement de plusieurs salariés. ici, les secteurs
sanitaire et social, ainsi que les secteurs de la propreté et nettoyage ou encore le secteur du tourisme
en zone de montagne sont concernés.

§2. L’accroissement temporaire d’activité

C’est une notion assez floue, qui n’est pas précisée par le texte et qui a donné lieu à des
interprétations jurisprudentielles. Cet accroissement temporaire d’activité est susceptible de viser
plusieurs situations :
- L’augmentation temporaire, ponctuelle de l’activité habituelle de l’entreprise :

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La jurisprudence précise que l’augmentation doit être limitée dans le temps, mais ne doit pas avoir
nécessairement un caractère exceptionnel ou inhabituel. Cette augmentation, limitée dans le temps
de l’activité, peut être liée à des variations cycliques de l’activité permanente.
 CC° sociale, 2 mars 1988 : l’augmentation de l’activité d’une station-service d’autoroute
pendant l’été a été considéré comme un accroissement d’activité, et n’est pas considéré
comme un contrat saisonnier.
 CC° sociale, 25 mars 2015 : l’augmentation de l’activité d’un fabricant de pneus pendant
l’hiver a été considérée comme un accroissement d’activité et non pas comme un emploi
saisonnier.

Si l’accroissement s’inscrit dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’entreprise, mais


qu’il a vocation à se pérenniser dans le temps, la jurisprudence considère qu’il ne peut pas y avoir
recours au CDD.
 CC° 5 juillet 2005 : recrutement par un CDD pour l’ouverture d’un nouvel établissement
 Arrêt 5 mai 2009 : il s’agissait d’un recrutement pour le lancement d’une nouvelle gamme de
produit.

Si l’accroissement de l’activité de l’entreprise est habituel, fréquente avec des répétitions à intervalle
régulier, il s’inscrit alors dans le cadre d’une activité qui présente intrinsèquement un caractère
intermittent, c’est-à-dire que l’on est bien en présence d’une activité normale mais qui a un caractère
intermittent. Dans ce cas, le recours au CDD ne peut pas être envisagé. dans cette hypothèse, le
recrutement de salariés devra se faire par le biais d’un autre contrat, le CDI intermittent.
 CC° sociale 10 décembre 2008 : il s’agissait du recrutement d’hôtesse par un musée, le
Grand-Palais à Paris, pour assurer l’organisation d’exposition temporaire. C’est une activité
normale et permanente, et il faut donc passer par le CDI intermittent et non pas par le CDD.

- L’exécution d’une tâche occasionnelle précisément définie et non-durable et qui ne relève


pas de l’activité normale de l’entreprise.

- Commande exceptionnelle d’exportation : l’employeur récupère une commande particulière


et a besoin de moyens humains supplémentaire.

- Travaux urgents liés à la sécurité : il s’agit de travaux nécessaires pour prévenir des accidents
imminents ou pour organiser des mesures de sauvetages.

17/09/20

L’art L. 1242-5 interdit en principe de recourir à des CDD pour accroissement temporaire pour
pourvoir des emplois ayant donné lieu dans les 6 derniers mois à un licenciement économique.

 CC° 18.02.2003 : la Cour considère que le recours au CDD pour accroissement temporaire
d’activité n’implique pas l’obligation d’affecter le salarié recruté aux tâches directement
liées à ce surcroît d’activité ; la chambre sociale admet le glissement du sal recruté par CDD
sur un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ; elle reconnaît à
l’employeur, sur le fondement de son pouvoir de direction la faculté d’affecter un salarié

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permanent à l’exécution des tâches directement liées au surcroît d’activité et de le
remplacer par le salarié recruté par CDD pour assurer l’exécution de tâches relevant de
l’activité normale permanente de l’entreprise : Chauffeur routier embauché par CDD mais
affecté à la livraison des différents clients de l’entreprise et non à la seule commande
exceptionnelle ayant entraîné le recours à ce CDD. Mais, la chambre sociale subordonne la
validité du « glissement » à la condition que les emplois (en CDD et en CDI) relèvent de la
même activité, cad celle concernée par l’accroissement temporaire.

§3. L’emploi saisonnier

Art L. 1242-2-3° CT dispose que le CDD peut être conclu pour pourvoir un « emploi à caractère
saisonnier » ; la loi ne fixe pas la liste des secteurs professionnels dans lesquels le recours au CDD
saisonnier est possible et c'est la jurisprudence qui, dans un premier temps, est venue préciser la
notion d’emploi saisonnier.

La saison peut être définie comme une période ayant un caractère cyclique découlant de
circonstances naturelles, climatiques ou sociologiques ; en toute hypothèse, la saison échappe
nécessairement à la volonté de l’employeur.

 CC° arrêt des caissières de la Tour Eiffel, 12.10.1999 : la Cour a posé le principe que « le
caractère saisonnier d'un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter
chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons ou des modes
de vie collectifs ». En l’espèce, la Cour a relevé que l’activité connaissait chaque année, à des
dates à peu près fixes (avril à septembre), une variation liée à une augmentation significative
du nombre de visiteurs ; elle a donc admis le recours au CDD saisonnier durant la « saison
touristique (avril à septembre)».

Cette solution a été ultérieurement entérinée par le législateur à travers la loi travail du 8.08.16 : Art
L. 1242-2-3° précise désormais :"emplois à caractère saisonnier dont les tâches sont appelées à se
répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des
modes de vie collectifs".

Le recours au CDD saisonnier est possible lorsqu’est caractérisé une variation régulière, prévisible et
cyclique de l’activité de l’entreprise (chaque année, à des dates à peu près fixes) déterminée par le
rythme des saisons ou celui des modes de vie collectifs.

Une entreprise qui exploite son activité toute l’année peut donc embaucher par contrats
saisonniers si elle a une activité en partie saisonnière, cad une période où elle connaît un pic
important de son activité et à la condition toutefois que ce pic soit lié au rythme des saisons
climatiques ou à un mode de vie collectif.
 CC° 19.09.2013 : à propos d’une Sté exploitant des lignes fluviales (bateaux sur la Seine) et
qui avait embauché un capitaine par CDD saisonnier pour la saison touristique.
 CC° 26.10.1999 : il ne saurait y avoir emploi saisonnier sans activité saisonnière ; une
entreprise qui fabrique toute l’année des produits plastiques correspondant à différents

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usages ne peut pas recruter par CDD saisonnier en invoquant la fabrication d’articles de
camping concentrée sur 6 mois de l’année.
 CC° 5.12.2007 : le fabriquant de pizzas surgelées qui exploite cette activité toute l’année et
qui connaît un pic au printemps et à l’été ne peut pas se prévaloir d’une activité saisonnière ;
il n’existe pas une saison de la pizza surgelée ! ; dans cette situation, l’employeur peut
recourir au CDD pour accroissement temporaire d’activité.

La distinction entre emploi saisonnier et accroissement temporaire d’activité n’est donc pas
toujours aisée ; or elle est essentielle dans la mesure où ces 2 situations n’obéissent pas à des règles
identiques (voir plus infra)

Le recours au CDD saisonnier est également possible lorsque l’emploi en cause a, lui même un
caractère saisonnier, c’est-à-dire qu’il présente un lien direct avec une saison clairement identifiée :
ex : moniteur de ski ; plagiste … ;
 CC° 30.05.2000 : Sté de remontées mécaniques exploitant son activité également pendant
l’été mais n’employant des perchistes que l’hiver : l’emploi de perchiste est bien un emploi
saisonnier.

Cependant lorsque l’entreprise ne fonctionne qu’une partie de l’année, pendant une période
déterminée, la question se pose alors de la possibilité de recruter les salariés par CDD saisonniers
pour toute la durée de fonctionnement ou d’ouverture de l’entreprise ; dans cette hypothèse, les
emplois sont alors liés à l’activité normale et permanente de l’entreprise (quand bien même cette
activité a une durée limitée) ! Le travailleur « saisonnier » (en apparence, puisque recruté par CDD
saisonnier) qui a été embauché par une entreprise ayant, elle-même, un caractère saisonnier, pour
toute la durée de son activité, est en réalité recruté sur un emploi permanent. En cas de cessation
des relations de travail (qui en pratique, intervient souvent après la reconduction du contrat pendant
plusieurs années), le salarié peut demander la requalification en CDI et obtenir réclamer des DI pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse.
 CC° 13.12.1995 : secrétaire embauchée chaque année par le Syndicat des moniteurs de ski
pendant toute la période d’activité de l’école de ski.

L'emploi saisonnier implique donc que les fonctions confiées au salarié correspondent, soit à des
« tâches à caractère strictement saisonnier et non durables » soit à des tâches qui sont en
augmentation importante du fait de la saison.

 CC° 16.01.1992 : les emplois liés à l’enseignement ou à son organisation ne peuvent avoir un
caractère saisonnier
 CC° 13.11.1990 : chauffeur de bus scolaire recruté pour l’année scolaire.

Les juges doivent se livrer à une appréciation in concreto au regard de chaque espèce et vérifier le
caractère saisonnier de l’emploi ; le simple fait que l’entreprise appartienne à un secteur
professionnel soumis au rythme des saisons ou qu’elle ait une activité saisonnière ne suffit pas à
démontrer le caractère saisonnier de l’emploi lui-même : Soc 30.09.2014, à propos d’un manœuvre
agricole.

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L’emploi saisonnier suppose l’accomplissement de tâches normalement appelées à se répéter
chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie
collectifs.
Si l’emploi a bien un caractère saisonnier, le fait que le contrat soit reconduit à chaque saison, même
pendant plusieurs années, n’entraîne pas la requalification des contrats en relation de travail à durée
indéterminé. La loi prévoit en effet la possibilité de conclure avec le même salarié des CDD
saisonniers successifs sans aucune limitation : Art L 1244-1-3°.
 CC° 26.10.2011 : salariée embauchée pendant 16 années consécutives par la Sté exploitant
la marque Géant vert par CDD saisonniers de mi-juillet à mi sept, pour effectuer le
conditionnement du maïs doux. Les juges ont relevé que l’emploi occupé par la salariée avait
bien un caractère saisonnier puisqu’il correspondait à des tâches appelées à se répéter
chaque année à des dates à peu près fixes en fonction de la maturité du produit de saison (il
existe bien une saison de la récolte du maïs doux). En csqce, la non-reconduction du CDD
(bien qu’intervenant après 16 années) ne pouvait ouvrir un droit à réparation sur le
fondement des règles du licenciement.

Afin de lutter contre cette grande précarité des travailleurs saisonniers, des dispositions
particulières ont été adoptées en 2017 ; elles prévoient notamment, sous certaines conditions, un
droit des salariés saisonniers à la reconduction du contrat chaque saison (voir infra).

A côté des règles communes applicables aux CDD saisonniers, existe un contrat particulier qui obéit à
un régime spécifique : « le contrat vendanges » : Art L. 718-4 c. rural et de la pêche maritime. Ce
contrat est réservé aux travaux de vendanges qui s’entendent « des préparatifs de la vendange à la
réalisation des vendanges jusqu’aux travaux de rangement inclus ». Durée maximum d’1 mois mais
possibilité de conclure plusieurs CDD vendanges successifs (selon les vignobles, les dates de
vendanges diffèrent), à la condition toutefois que le cumul des contrats n’excède pas 2 mois sur une
période de 12 mois.

§4. Les emplois par nature temporaire

L’art L. 1242-2-3° CT autorise également le recours au CDD dans certains secteurs d’activité où il est
d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité et du caractère par
nature temporaire de ces emplois : on désigne ces contrats sous l’expression « CDD d’usage ».

L’art D. 1242-1 CT fixe la liste des secteurs d’activité concernés : 15 secteurs ; on y


trouve notamment :
- L’hôtellerie et la restauration ;
- Les centres de loisirs et de vacances ;
- Les spectacles ;
- L’audiovisuel ;
- La production cinématographique, l’enseignement, le déménagement…

Cette liste peut toutefois être complétée par un accord collectif étendu.

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C’est l’activité principale de l’entreprise (et non celle du salarié) qui doit être prise en considération
pour déterminer si le recours au CDD d’usage est possible. Une entreprise dont l’activité ne relève
pas d’un des secteurs visés par le texte ou d’un accord collectif étendu ne peut pas recourir à des
CDD d’usage.

L’article D. 1242.1 vise également le secteur du sport professionnel, mais depuis la loi du 27
novembre 2015, il existe désormais un CDD spécifique pour les sportifs et les entraîneurs
professionnels ; ce CDD obéit à des règles particulières et dérogatoires : Articles L. 222-2 et s. du
code du sport. Cette loi résulte de la volonté du législateur de sécuriser les CDD dans le domaine du
sport professionnel et d’éviter des requalifications en CDI. Le CDD devient le contrat de travail de
base des sportifs professionnels.
Pr ailleurs un CDD propre aux « e-sportifs » a été créé par la Loi du 7 oct 2016 pour une République
numérique (art 102); il déroge aux règles du CDD d’usage et s’applique aux joueurs professionnels
salariés de jeu vidéo compétitif .

Le fait que le secteur d’activité soit visé (soit par le code du travail, soit par un accord collectif
étendu), ne signifie pas cependant que tous les emplois relevant de ce secteur peuvent être pourvus
par CDD.

Une 2nde condition doit être remplie : l’emploi, lui-même, dt ê par nature temporaire et l’existence
d’un usage constant dans la profession de ne pas recourir au CDI pour ce type d’emploi doit être
établie (appréciation souveraine des juges du fond).

Certaines conventions collectives fixent d’ailleurs une liste précise des emplois pour lesquels il pt être
recouru au CDD d’usage. La Cour de cassation estime cependant que le juge n’est pas lié par cette
énumération des partenaires sociaux. En cas de litige, il appartient au juge de vérifier que l’emploi
en cause a bien une nature temporaire et qu’il n’est pas lié à l’activité normale et permanente de
l’entreprise. A défaut, le CDD pourra être requalifié en CDI : ex : Soc 9.10.2013, à propos d’un accord
interprofessionnel dans l’audiovisuel visant expressément dans sa liste l’emploi de régisseur.

La difficulté vient de ce que la loi autorise, sans aucune limite, la conclusion de CDD d’usage
successifs avec le même salarié. Il arrive donc qu’en pratique, dans les secteurs professionnels visés,
un salarié soit employé pendant plusieurs années par des CDD successifs pour occuper en fait le
même emploi.

Or, la CC° rappelle de manière constante que les juges doivent vérifier le caractère par nature
temporaire de l’emploi concerné qui doit être établi par des éléments concrets et précis :
appréciation in concreto.
 CC° 23.01.2008 : à propos d’un journaliste pigiste embauché pour réaliser des émissions de
TV

Mais, généralement le juge va apprécier le caractère par nature temporaire de l’emploi considéré
précisément en considération de la succession de CDD. Même si chaque CDD porte sur un emploi sur
lequel il est en principe d’usage de ne pas recourir au CDI, le juge sera enclin à retenir que la
succession de contrats dénature l’emploi en cause et lui confère le caractère d’un emploi lié à

11
l’activité normale et permanente de l’entreprise. Dès lors, il pourra estimer que cette relation de
travail caractérise un CDI.

Les exemples de requalification en CDI de CDD d’usage sont nombreux dans les secteurs de
l’audiovisuel et du spectacle :
 CC° 21.03.2000 : animateur radio qui n’est pas chargé d’une émission particulière et
temporaire mais qui a assuré pendant plusieurs années, sur une tranche horaire déterminée,
toutes les émissions de la chaîne
 CC° 20 oct. 2015, Aff Canteloup : succession de 192 CDD (d’usage) signés avec la société
Canal plus pendant 16 ans pour un emploi d’animateur ; requalification en CDI car les juges
ont relevé que le salarié avait exercé les mêmes fonctions dans la même émission : « les
guignols de l’info »

§5. La réalisation d’un objet défini

Art L. 1242-2-6° CT vise le recrutement d’ingénieurs ou de cadres en vue de la réalisation d’un objet
défini.

Fruit d’une réflexion menée par les partenaires sociaux, ce dispositif a d’abord été institué à titre
expérimental, avant d’être finalement pérennisé par une Loi du 20.12.2014.

Il a la particularité de mélanger les genres (CDD et CDI), en consacrant d’une part, des conditions de
recours restrictives (à ce titre, il emprunte au régime des CDD) et d’autre part, des mécanismes
applicables au CDI, spécialement en matière de rupture : le contrat doit comporter une clause
mentionnant la possibilité de rupture à la date anniversaire de la conclusion du contrat, par l'une ou
l'autre partie, pour un motif réel et sérieux et le droit pour le salarié, lorsque cette rupture est à
l'initiative de l'employeur, à une indemnité égale à 10 % de la rémunération totale brute du salarié :
Art L. 1242-12-1 CT.

Le recours à ce CDD est subordonné à l’existence préalable d’un accord de branche étendu, ou à
défaut, d’un accord d’entreprise (volonté de donner aux entreprises les moyens d’adaptation et
d’organisation) prévoyant la faculté de recourir à ce type de contrat et précisant les « nécessités
économiques auxquelles ce contrat est susceptible d’apporter une réponse ». L’accord collectif doit
en outre fixer les conditions dans lesquelles ces salariés bénéficient de garanties en matière d’emploi
et de formation professionnelle, notamment concernant la priorité d’accès aux emplois en CDI dans
l’entreprise.

SECTION 2 : La conclusion du CDD

Peu importe le motif du recours, la validité du contrat est subordonnée au respect impératif d’un
formalisme strict.
En outre le contrat doit en principe stipuler un terme précis. Toutefois pour certains CDD ou il n’est
pas possible de mentionner avec précision le terme, le contrat doit prévoir une durée minimale.

§1. Les conditions de forme

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Il faut un contrat écrit qui doit indiquer de manière précise le recours (Art.L1242-12), à défaut bien
qu’il s’agisse d’une condition de validité, le contrat n’est pas nul. La sanction sera la requalification en
CDI.

Si en l’absence d’écrit, le contrat de travail est réputé être un CDI, cette présomption ne joue qu’à
l’égard de l’employeur. La JP reconnaît au salarié la faculté de rapporter la preuve du caractère
limité de la durée du contrat. La présomption d’un CDI est une présomption irréfragable pour
l’employeur.

Le contrat doit être rédigé en français, et si le salarié est étranger, il doit être traduit dans la langue
du salarié. En cas de divergences entre les 2 textes, seul le contrat dans la langue du salarié lui est
opposable.

Le contrat doit être signé par les 2 parties : c’est une prescription d’ordre public. À défaut de
signature, cela équivaut à l’absence de contrat écrit et dès lors le contrat est réputé être un CDI. La JP
applique la règle aussi bien en cas d’absence de signature de l'employeur ou de l’employé.

 CC° 20 septembre 2017 : Seule la preuve de la mauvaise foi du salarié ou de son intention
frauduleuse, permet à l’employeur d’échapper à la requalification du contrat en CDI. Mais le
simple fait d’établir que le salarié avait connaissance du caractère à durée limitée de la
relation de travail n’est pas considérée comme un élément suffisant pour établir cette
mauvaise foi.

L’employeur ne peut invoquer le défaut de signature pour prouver le CDD. Le salarié peut rapporter
la preuve d’un CDD quand bien même le contrat n’a pas été signé.
 CC° 29 janvier 2014 : le salarié avait vu son CDD rompu avant le terme. Ce contrat n’était pas
signé. Il aurait pu demander une requalification. Il a préféré rester en CDD car si le contrat
est rompu avant le terme sans motif valable, il faut payer tous les salaires prévus jusqu’à la
fin du contrat.

Le contrat doit comporter des mentions obligatoires. Le motif du contrat a un caractère substantiel, à
défaut le contrat sera réputé être un CDI. L’employeur est lié par le motif énoncé dans le contrat. Si
le juge estime que le motif est erroné, la sanction sera la requalification en CDI.

L’article L2212-1 prévoit également d’autres mentions obligatoires, notamment lorsqu’on est en
présence d’un CDD de remplacement, le contrat doit remplacer le nom et la qualification
professionnelle du salarié remplacé (L1242-12 ) est ce que ces mentions ont un caractère substantiel
ou non. C’est la JP qui est venue apporter des précisions et distinguer entre les mentions ayant un
caractère informatif et celles qui présentent un caractère essentiel car se rattachent à la nature du
contrat.
La CC° juge de manière constante que cette mention a un caractère substantiel et que la simple
désignation du poste ne suffit pas.

13
La loi du 5 septembre 2018, a institué un dispositif expérimental qui est le CDD à remplacement
multiple. À compter du 1er janvier 2019 et jusqu’en décembre 2020 il est possible, dans certains
secteurs de conclure un seul CDD pour le remplacement simultané de plusieurs salariés ou pour
remplacer de manière successive plusieurs salariés.
Cette liste a été fixée par un décret de 2019 qui vise 11 secteurs professionnels : sanitaire, social,
restauration collective…

Le contrat doit également mentionner la date d’échéance et dans l'hypothèse où le terme précis ne
peut être indiqué, la durée minimum doit être mentionnée. La CC° considère que la date de
conclusion du contrat ne constitue pas une mention substantielle car n’est pas visée par les textes.

24/09/20

Lorsque le CDD a été conclu pour la réalisation d’un objet défini, l’article L1242-12-1 prévoit d’autres
mentions obligatoires qui ont pour objet d’informer de manière précise le salarié sur l’objet de sa
mission mais également sur les garanties qui lui sont accordées. Ces mentions ont un caractère
essentiel. Le texte prévoit que le CDD doit rappeler au salarié la survenu proche de la fin du contrat.

L’employeur est tenu à l’obligation de transmettre le contrat au plus tard dans les 2 jours ouvrables
qui suivent l'embauche du salarié. La JP de la CC° sanctionnait l’inobservation de ce délai puisque là
encore, elle jugeait que dans une telle hypothèse le salarié pouvait obtenir la requalification du
contrat en CDI.
Le législateur est intervenu pour briser cette JP. Désormais, l’article L1245-45 pose le principe selon
lequel, le non-respect par l’employeur de cette obligation n’entraine pas à lui seul la requalification
du contrat en CDI. Le salarié pourra seulement prétendre à une indemnité maximum d’un mois de
salaire.

§2. La durée du contrat

En principe, le CDD doit comporter un terme précis qui est fixé dès sa conclusion. Il s’agit d’un
contrat de date à date. La JP exige que le terme du CDD soit mentionné de manière précise avec
exactitude. Il a été jugé que la mention « le CDD terminera au plus tard » n’est pas un terme précis.

A. La durée maximale

Il y a des hypothèses où le terme ne peut pas être fixé dès la formation du contrat, on parle alors de
CDD à terme incertain. C’est le cas de la plupart des CDD de remplacement, des CDD saisonniers et
des CDD à objet défini.

Lorsque le CDD est à terme incertain, le salarié est dans une grande précarité. Pour compenser cette
précarité, la loi prévoit que le CDD à terme incertain doit impérativement mentionner une durée
minimale. La loi s’en remet à la liberté des parties sur la durée minimum, sauf pour le CDD à objet
défini ou la loi fixe un minimum de 6 mois. La JP a jugé que le CDD conclu pour la durée du congé
maternité, a bien été considéré comme étant une durée minimum car la durée du congé maternité
est fixée par la loi CassSociale 25 juin 2013.

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Concernant un CDD saisonnier, le contrat qui stipule qu’il prendra fin à la fin de la campagne luzerne,
la CC° a considéré que le contrat ne comporte ni terme précis ni une durée minimum, car le salarié
ne sait pas quand va se terminer la campagne. On était donc là, en présence d’un contrat en terme
incertain, la sanction est alors la requalification en CDI.

Pour des CDD, la mention de terme précis est impérative, c’est le cas du CDD pour accroissement
temporaire d’activité, c’est aussi le cas du CDD de remplacement mais qui a été conclu pour
remplacer un salarié qui a quitté l’entreprise et dans l’attente de la suppression effective du poste.

La loi fixe également des durées maximales. Mais l’ordonnance Macron n°3 de 2017, relative à la
prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a assoupli les règles légales puisqu’elle donne
désormais la main aux partenaires sociaux, pour donner davantage de flexibilité aux entreprises.
Les dispositions légales n’ont plus qu’un caractère supplétif. L’accord collectif peut alors prévoir une
durée maximum plus longue.

L’article L1242-8 prévoit ainsi qu’une convention collective ou un accord de branche étendu
peuvent fixer la durée totale maximum du CDD. La loi ne fixe aucun plafond à cet égard mais il y a
toujours le principe selon lequel, le CDD ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir
durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
À défaut de stipulation conventionnelle, il y a des dispositions légales. Cette durée maximum est
fixée à 18 mois. Dans des cas elle est ramenée à 9 mois et dans d’autre jusqu'à 24 mois. Pour les CDD
à objet défini la durée maximum est de 36 mois.

Lorsqu’on est dans l’hypothèse d’un CDD à terme incertain, la durée maximum ne s’applique pas et
le contrat prendra fin avec la réalisation de l’objet ou du retour de la personne concernée.

B. Le renouvellement

L’article L1243-11 pose le principe que lorsque la relation de travail se poursuit après l’échéance du
terme du contrat, celui-ci devient un CDI. Toutefois, la loi donne la faculté aux parties d’écarter cette
règle en convenant de renouveler le CDD. Mais attention, seuls les CDD à terme précis peuvent faire
l’objet d’un renouvellement. La loi fixe en principe le nombre de renouvellement à 2, mais ici encore,
ces dispositions ont un caractère supplétif.

Les conditions dans lesquelles le renouvellement va être organisé peuvent être prévues par le
contrat lui-même. Il y aura dans le CDD une clause de renouvellement. Mais le renouvellement peut
aussi en l’absence de clause, être envisagée avant l’arrivée du terme. Dans cette hypothèse il y aura
conclusion et signature d’un avenant de renouvellement.

Qu’il y ait une clause de renouvellement ou pas, la JP pose l’exigence d’un accord express du salarié
au renouvellement. Ce qui signifie que l’employeur doit rapporter la preuve de cet écrit. Le fait que
les relations de travail se soient poursuivies après le terme ne vaut pas acceptation tacite par le
salarié du renouvellement stipulé au contrat.

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Lorsque dans le CDD il y a une clause de renouvellement et que le contrat n’est pas renouvelé, en cas
de litige le juge doit vérifier que le non renouvellement du contrat n’est pas fondé sur un motif
discriminatoire. Si le salarié, a le statut de salarié protégé et que le contrat comporte une clause de
renouvellement, le non renouvellement est soumis à la procédure spéciale prévue en matière de
licenciement des salariés protégés. L’employeur devra demander à l’inspecteur du travail
l’autorisation de ne pas renouveler le CDD.

§3. La succession de CDD

Là encore, la loi encadre strictement la succession des CDD. Sauf exceptions, mais qui sont
expressément et limitativement prévues, la conclusion de CDD successifs avec le même salarié,
même sur des postes différents, est interdite.

Il y a 3 exceptions à l’article L1244-1 :


- CDD de remplacement
- Les emplois saisonniers
- Le CDD d’usage

Pour les emplois saisonniers, il y a des dispositions particulières, l’article L1244-2 dispose qu’une
convention ou un accord collectif peut prévoir que l’employeur est tenu de proposer au salarié sauf
motif réel et sérieux un emploi de même nature pour la même saison de l’année suivante. Le texte
précise que l’accord collectif doit prévoir le délai minimum avant le début de la saison dans lequel
l’employeur doit informer le salarié de cette proposition. À défaut de proposition, l’employeur est
tenu de verser une indemnité au salarié.

 La question s’est posée de savoir si ces clauses conventionnelles de réemploi dénaturent le


CDD pour le transformer en CDI ?

La JP s’est prononcée, la CC° a jugé que ces clauses conventionnelles de réemploi ont seulement pour
effet d’imposer à l’employeur une priorité d’emploi pour la saison suivante. Mais elles ne sauraient
être assimilées à ce qu’on appelle une clause contractuelle de reconduction automatique.

En ce qui concerne les emplois saisonniers, le législateur est venu introduire des dispositions
particulières. Ainsi, dans les branches où l’emploi saisonnier est particulièrement développé, les
travailleurs saisonniers bénéficient d’un droit à la reconduction de leur CDD si 2 conditions sont
réunies :
- Le salarié doit avoir effectué au moins 2 saisons dans l’entreprise sur 2 années consécutives
- L’employeur doit disposer d’un emploi saisonnier à pourvoir qui est compatible avec la
qualification du salarié article L1244-2-2.

La liste des secteurs où l’emploi saisonnier est particulièrement développé est fixée par un arrêté, on
y trouve les hôtels, cafés restaurants, remontés mécaniques etc. Le texte précise que l’employeur
doit informer le saisonnier de ce droit à reconduction qui ne peut être écarté sauf motif dûment
fondé.

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Par ailleurs, afin d’éviter que le CDD ne soit détourné de sa finalité et permette bien sûr de pourvoir
un poste de l’activité normale et permanente, la loi subordonne la succession d’un CDD sur un même
poste y compris avec un salarié différent, au respect d’un délai de carence : art L1244-3
l’inobservation de ce délai de carence est sanctionnée par la requalification en CDI.

Le texte vise la succession sur un même poste. La JP est venue préciser cette notion d’identité de
poste. Il s’agit selon elle, de la nature des emplois concernés au regard des missions qui sont
confiées. Elle en déduit que si c’est le même emploi qui est occupé même sur 2 sites distincts, le délai
de carence doit être respecté. Ce délai varie en fonction de la durée du CDD précédant.

Il existe des exceptions, la succession immédiate de CDD sur un même poste peut être envisagé dans
certains cas prévus à l’article L1244-4-1. Ces exceptions visent la plupart des CDD de remplacements,
les CDD pour les travaux urgents, les CDD d’usages, les contrats aidés ou le CDD conclu en cas de
rupture anticipée du précédant salarié, lorsque le salarié titulaire du CDD initiale a refusé le
renouvellement de son contrat.

L’ordonnance du 22 septembre 2017, a assoupli les règles puisque ces dispositions n’ont plus qu’un
caractère supplétif.

Lorsqu’il y a CDD successif, chaque CDD est un contrat distinct.

La CC° adopte une interprétation stricte aux exceptions des délais de carences. La JP pose une
exigence, et pose le principe que la succession de CDD sans délai de carence avec un même salarié
sur un même poste, n’est licite que si chaque contrat a été conclu pour l’un des motifs prévus par
le texte.
 CC° 30 septembre 2014
 CC° 30 septembre 2018

La loi ne limite pas le nombre de CDD successifs, mais la CC° a rappelé en se fondant sur les
dispositions de l’accord cadre européen, qui a été entérinée par la directive européenne du 28 juin
1999 que le juge doit vérifier que le recours à l’utilisation de CDD successifs est justifié par des
raisons objectives qui s'entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère
temporaire de l’emploi.
La CC° a ainsi estimé, qu’en présence de CDD d’usage successif il appartient au juge de procéder à
cette vérification sans se considérer lié par la liste des emplois prévus par la convention collective de
branches.

Un arrêt vient illustrer ces principes : CC° 9 octobre 2013, il s’agissait d’un salarié embauché en tant
que régisseur et assistant de plateau et qui avait enchainé des CDD d’usage pendant 17 ans. Le
salarié avait introduit une action tendant à obtenir une requalification en CDI. Le juge vient dire que
le fait que le salarié consente de façon pérenne à la conclusion de CDD successifs, ne le prive pas de
la possibilité de se prévaloir de la sanction prévue en cas d’utilisation abusive du CDD, c’est-à-dire la
requalification en CDI.

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La loi du 17 juin 2020 (urgence sanitaire) autorise temporairement les entreprises à négocier un
accord collectif prévoyant le nombre maximum de renouvellement fixant les modalités de calcul du
délai de carence ou même prévoyant les cas dans lesquels il n’est pas applicable.

SECTION 3. La cessation du CDD

Il cesse de plein droit à l’échéance du terme, mais il peut également dans certains cas expressément
envisagés, faire l’objet d’une rupture anticipée.

§1. La rupture à l’échéance du terme

C’est la rupture classique, le contrat va cesser de plein droit à l’arrivé du terme soit à la date prévue
soit dès lors que l’objet pour lequel il a été conclu est réalisé. Aucun formalisme particulier n’est
exigé.

Lorsque c’est un CDD de remplacement à terme incertain, la fin du contrat c’est le retour de la
personne absente ou bien son départ définitif de l’entreprise.

Lorsque le contrat arrive à son terme, la loi prévoit afin de compenser sa précarité, que le salarié a le
droit à une indemnité de fin de contrat qui est égal à 10% de la rémunération totale brut. Mais il
existe de nombreux cas qui excluent cette indemnité, c’est le cas des CDD saisonniers, ni pour les
CDD d’usage, CDD vendange, CDD qui relève de politique d’emploi et est écartée pour les CDD
concluent avec des jeunes jusqu'à 28 ans pour une période comprise dans les vacances scolaires.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 juin 2014, pour se prononcer sur la validité de cette
dernière exclusion. Le conseil a jugé que ces exclusions étaient conformes à la Constitution en
estimant que la différence de traitement par rapport aux autres salariés en CDD était justifiée par la
différence de situation liée à la particularité des emplois en causes.

La CJUE 1er octobre 2015 a également été interrogée sur l’exclusion des jeunes, et a considéré qu’il
n’y avait pas atteinte au principe de non-discrimination. Elle a estimé que cette indemnité est
destinée à compenser la situation de précarité professionnelle dans laquelle se trouve placé le salarié
qui ne se voit pas proposé de CDI à la fin de son CDD. Tel n’est pas la situation de l’étudiant qui a
vocation à reprendre ses études à l’issue des vacances, son emploi étant par nature temporaire et
accessoire.

Lorsque le CDD est requalifié en CDI, le salarié ne peut prétendre à l’indemnité de précarité.

§2. La rupture anticipée

Elle peut intervenir que dans les cas expressément prévus par la loi L1243-1 et L1243-2 :
On trouve :
- L’accord des parties
- La faute grave
- La force majeure

18
- L’embauche du salarié en CDI par un tiers
- Inaptitude physique

Règle d’ordre public, toutes stipulations conventionnelles qui prévoient la rupture anticipée du CDD
en raison de la survenance d’un événement non autorisé par la loi est réputée non écrite.
 CC° 4 février 2015, à propos d’un joueur de basket, dont le contrat prévoyait de mettre fin au
contrat en cas de plus de 3 absences injustifiées. La Cour a considéré que cette clause était
inopposable au salarié, et a considéré que le fait que le salarié dispose d’une faculté de
rupture plus large était sans incidence et donc a considéré que l’employeur qui s’était fondé
sur ces dispositions conventionnelles, devait être condamné pour rupture abusive.

La CC° estime que cette rupture anticipée caractérise une sanction disciplinaire au sens de l’article
L1331-1. En conséquence, elle estime donc que l’employeur est tenu de mettre en œuvre la
procédure disciplinaire prévu par le code du travail. Cette procédure s'apparente à la procédure de
licenciement pour motif personnel. En cas de non-respect de cette procédure, le salarié pourra
prétendre à des dommages et intérêts, sauf si la rupture n’a pas été motivée expressément. Dans
cette hypothèse, la JP considère que la motivation écrite est une condition substantielle qui en cas
d’omission prive la sanction de légitimité. La rupture sera considérée comme injustifiée.

1/10/20

S’agissant de la force majeure, elle est définie par le code civil à l’article L1218 ; article qui pose le
principe suivant : « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au
contrôle du débiteur qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat, et
dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées empêchent l’exécution de son
obligation par le débiteur ». On parle d’événement imprévisible et irrésistible ( qui rend impossible
durablement la poursuite des relations de travail).

Cette force majeure est très rarement admise par les tribunaux.
D’ailleurs même en cas de sinistre la JP exige que la totalité des installations soient détruites et que
l’exploitation soit durablement compromise, afin de retenir la force majeure.
Dans un arrêt du 31 Octobre 2006, la CC° a toutefois admis la force majeure comme motif de rupture
anticipée de CDD. En l’occurrence, il s’agissait d’une société qui organisait un spectacle dans un
Festival, mais les représentations n’avaient pas pu se tenir en raison d’un mouvement des
intermittents du spectacle, qui étaient extérieurs du festival et qui avaient bloqués tous les accès.
Donc le CC° a considéré que les CDD qui avaient été rompus ont été rompus par la force majeure.

Lorsque la force majeure est retenue, la rupture anticipée du CDD n’ouvre droit à aucune indemnité
pour le salarié.
L’article L1243-4 du code du travail prévoit néanmoins une exception : en cas de sinistre relevant
d’un cas de force majeur, la rupture anticipée du CDD ouvre droit à une indemnité compensatrice
d’un montant au moins égal à la rémunération qu’il aurait perçu jusqu’au terme du contrat, et qui est
à la charge de l’employeur.
Cette exception s’explique par le fat qu’en cas de sinistre, l’employeur est assuré, donc c’est
l’assurance qui prendra en charge ces sommes.

19
Si la force majeure n’est pas retenue, l’employeur devra verser l’indemnité de précarité (si on est
dans un cas où le salarié peut y prétendre).

Est-ce que l’épidémie du Covid19 peut caractériser un cas de force majeure permettant de justifier
des ruptures de CDD ?
Cette question est très actuelle, puisque plusieurs entreprises ont agi de la sorte (Disneyland, DMF…).
En réalité, on peut bien entendu retenir le caractère imprévisible. En revanche, le caractère
irrésistible non, puisque tous les salariés qui étaient concernés par la rupture d’activité, qu’ils soient
liés par un CDD ou par un CDI, pouvaient bénéficier du dispositif d’activités partielles qui a été mis en
place par la loi du 13 Mars 2020 sur l’état d’urgence sanitaire. Donc les entreprises qui se sont placés
sur le terrain de la FM pour rompre ces CDD, courent un risque sérieux de voir la force majeure non
retenue par es tribunaux, et donc d’être condamné à verser à ces salariés une indemnité courant un
minima le préjudice résultant de la perte des rémunérations qu’ils auraient perçus jusqu’au terme du
contrat.

S’agissant de l’inaptitude physique, il faut qu’elle soit constatée par le médecin du travail, selon la
procédure prévue par les textes.

Toutefois, comme en matière du CDI, la rupture anticipée du CDD ne sera légitime que si l’employeur
a préalablement respecté son obligation de reclassement. Autrement dit, l’employeur doit chercher
un poste disponible en CDD dans l’entreprise, permettant de prendre en compte l’aptitude physique
réduite du salarié, et de le conserver jusqu’au terme du CDD. En pratique c’est assez rare.

En cas de rupture anticipée du CDD par l’employeur, en dehors des cas prévus par la loi, la rupture
est jugée abusive.
Elle ouvre donc droit au salarié à une indemnité couvrant au minimum les salaires qu’il aurait perçu
si le contrat s’était poursuivi jusqu’à son terme. Attention, la rupture n’est pas nulle : elle reste
acquise mais elle n’est pas légitime, donc caractérisée d’abusive.
A savoir : si le salarié a le droit à une indemnité de précarité, elle sera calculée non seulement sur la
base des rémunérations qu’il a perçu, mais aussi sur la base de toutes les rémunérations qui l’aurait
perçu si le contrat était aller jusqu’à son terme. En effet, CC° SOC 3 mai 2018 le confirme.
La rupture anticipée du CDD qui ne repose pas sur un motif légitime, ouvre droit à réparation de
cette rupture abusive. Mais le préjudice ne se limite pas nécessairement aux seuls salaires perdus. La
chambre sociale estime, en effet, qu’il appartient au juge d’apprécier l’entier préjudice subi par le
salarié de prendre en considération l’existence d’un préjudice économique. Par exemple, CC° SOC 3
Juillet 2019.

La rupture anticipée du CDD peut aussi être à l’initiative du salarié, notamment le cas où le salarié se
voit proposer par un autre employeur une embauche en CDI. Dans cette hypothèse, la loi prévoit que
le salarié est autorisé à rompre son CDD. Toutefois, le salarié devra respecter un préavis fixé par
l’employeur, mais qui est de maximum 2 semaines.

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S’agissant de la faute grave, elle peut aussi être invoqué par le salarié, pour mettre fin de manière
anticipée au CDD : on parle de la faute grave de l’employeur. Le salarié devra établir des
manquements de l’employeur à ses obligations, qui rendent impossible la poursuite des relations de
travail.
Cette situation fait penser à la « prise d’acte de la rupture du contrat ». Dans un arrêt CC° SOC 3 Juin
2020, la CC° précise que la rupture anticipée du CDD à l’initiative du salarié, fondé sur une faute
grave de l’employeur ne peut être qualifié de prise d’acte, car la prise d’acte ne vise que le CDI. Or
s’agissant de la rupture anticipée du CDD, nul besoin de recourir à la qualification de prise d’acte,
puisqu’il y a un texte qui prévoit la faculté des 2 parties, de mettre un terme au CDD de manière
anticipée en cas de faute grave.
Le salarié va cesser immédiatement l’exécution du contrat, et va informer l’employeur de cette
rupture, et il pourra, si la rupture est légitime, obtenir une indemnité au moins égale au salaire qu’il
aurait perçu jusqu’au terme du contrat (et à l’indemnité de précarité éventuellement).
En revanche, si le juge considère que cette faute grave n’est pas justifiée, la rupture anticipée du
salarié du CDD ouvre droit par l’employeur à des D&I pour le préjudice subi.

Lorsque la rupture anticipée du CDD à l’initiative de l’employeur, est motivé par une faute grave du
salarié, est ce que l’employeur ne pourrai pas obtenir une indemnisation du préjudice subi du fait de
cette rupture anticipée ?
La CC° a répondu par la négative, en rappelant que l’article L1243-3 du code du travail qui envisage
la possibilité pour l’employeur d’obtenir des D&I en cas de rupture anticipée à l’initiative du salarié,
ce texte ne s’applique que dans l’hypothèse ou c’est le salarié qui prend l’initiative de cette rupture.
Or, lorsque c’est l’employeur qui rompt le CDD, on n’est pas dans cette hypothèse.
Ce n’est que dans l’hypothèse de la faute lourde (= intention de nuire du salarié à l’égard de
l’employeur), qui permets d’engager la responsabilité pécuniaire du salarié.
Ces principes ont été rappelle dans CC° SOC 26 Avril 2017.

SECTION 4. Les sanctions de l’utilisation irrégulière

La violation des règles relatives au CDD n’entraine pas la nullité du contrat du travail, mais donne lieu
à une sanction originale : la requalification du CDD en CDI avec les conséquences qui en résultent.

Cependant, l’utilisation irrégulière du CDD, peut donner lieu aussi à des sanctions pénales.

§1. La requalification du contrat

Cette requalification en CDI peut être désigné sous l’expression « requalification sanction », qui
permets de la distinguer de la situation plus classique « requalification interprétation », c’est-à-dire
quand le juge va restituer au contrat sa véritable nature (droit des contrats de droit commun).

On parle de requalification sanction car elle est prévue à titre de sanction par l’article L1245-1 du
code du travail, en cas de non-respect par l’employeur des règles impératives.

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Cette requalification sanction a pour objet de protéger le salarié contre l’inobservation de
l’employeur des règles impératives. De ce fait, la JP rappelle que seul le salarié peut demander cette
requalification, et le juge ne peut pas l’ordonner d’office.

L’action en requalification obéit à des règles particulières de procédure, car dans cette hypothèse, la
procédure devant le CPDH est accélérée, puisque l’affaire est portée directement devant le Bureau
de Jugement du CPDH : on neutralise la phase de conciliation qui est en principe obligatoire en
matière prud’homale. La loi prévoit que le jugement doit intervenir dans le délai d’1 mois maximum,
suivant la saisine du CPDH.

L’article L1245-1 du code du Travail vise différentes hypothèses où la requalification est possible :

- Lorsque le CDD a eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à
l’activité normale et permanente de l’entreprise.
En pratique, c’est généralement après une succession de CDD que survient ce pb.
- Lorsque le CDD a été conclu pour un motif qui n’est pas prévu par la loi.
- Lorsque le motif est illicite (exemple : remplacement d’un salarié gréviste par un CDD).
- Lorsque le motif mentionné dans le CDD est erroné.
- Lorsque le formalisme n’a pas été respecté.
Exemple : quand le contrat n’a pas été signé par les parties, quand le contrat ne comporte
pas les différentes mentions obligatoires.
- Lorsqu’on est en présence d’un CDD à terme incertain, et que ce contrat ne mentionne pas la
durée minimum.
- En cas de durée supérieure à la durée maximum légale ou conventionnelle de la durée du
contrat, ou en cas de dépassement du nombre maximum de renouvellement.
- En cas du non-respect du délai de carence : dans certains emplois, la loi exige le délai de
carence qui vient séparer les 2 CDD successifs.

La JP rappelle de manière constante que la requalification du contrat en CDI n’a d’effet que sur le
terme du contrat, mais laisse inchangé les stipulations contractuelles.
L’exemple type c’est le CDD conclu à temps partiel, et qui est requalifié en CDI pur un des motifs
susvisés Dans cette hypothèse, la requalification en CDI est sans incidence sur la durée du travail. Si
les conditions du contrat ont été respectés, on sera en présence d’un CDI à temps partiel toujours.

Lorsque la requalification est prononcée, le salarié a le droit au paiement d’une indemnité de


requalification, au moins égale à 1 mois de salaire, à la charge de l’employeur. D’ailleurs, il peut
prétendre aussi aux indemnités de rupture prévus en cas de licenciement (puisque le CDD est
requalifié en CDI).

Dans une hypothèse de succession de CDD qui est requalifié en « une relation globale à durée
indéterminée », le salarié ne peut toutefois prétendre à une seule indemnité de requalification : c’est
l’ensemble de la succession de CDD qui caractérise un CDI.
En revanche pour calculer les droits auquel il peut prétendre, l’ancienneté du salarié sera calculée à
compter de son premier jour d’embauche.

22
En outre, lorsque les CDD successifs ont été entrecoupés de période d’inactivité, la JP reconnait au
salarié la possibilité d’obtenir un rappel de salaire au titre « des périodes interstitielles », s’il
rapporte la preuve que durant ces périodes d’inactivité, il est resté à la disposition de l’employeur.
Cette preuve peut être rapportée par le fait que le salarié n’a exercé aucun autre emploi pdnt ces
périodes ; et par le fait que le salarié a accepté toutes les propositions de CDD qui ont été formulés
par l’employeur.
Exemple : l’affaire Canteloup du 20 octobre 2015  la CC° a considéré qu’il appartient au juge
d’apprécier la légitimité du licenciement au regard des griefs invoqués par l’employeur dans le
courrier qu’il a adressé à Canteloup, invoqué au soutien de la cessation des relations de travail.
Donc, même lorsqu’il y a requalification en CDI, si le salarié peut prétendre à des indemnités liées au
licenciement, ce licenciement ne sera pas pour autant automatiquement jugé sans cause réelle et
sérieuse : tout dépend de la motivation. Si l’employeur a pris soin de motiver la fin des relations de
travail dans un courrier écrit au salarié, alors le salaire ne pourra pas nécessairement prétendre à
des D&I pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsque les relations de travail se sont poursuivies après l’échéance du terme et que le contrat est
donc devenu un CDI, la JP estime alors que le salarié ne peut pas prétendre à l’indemnité de
requalification.
Mais il y a toutefois une exception qui est admise par la JP : même dans cette hypothèse, le salarié
conserve toujours le droit de demander la requalification d’un CDD irrégulier, et de réclamer
l’indemnité correspondante (indemnité de requalification). Finalement, la JP pose le principe que le
CDD ne peut pas être purgé de ses vices, par la conclusion d’un CDI.
La requalification du CDD en CDI ne fait pas obstacle au paiement de l’indemnité de précarité qui
reste acquise au salarié si le CDD qui a été conclu y ouvrait droit.

S’agissant de la prescription de l’action en requalification : cette action en requalification peut-elle


s’entendre à l’action de paiement des salaires ?
La CC° SOC le 3 mai 2018, a répondu par la négative : cette action ne relève pas de la prescription
triennale prévue en matière de salaire. Donc l’action en requalification est enfermée dans le délai de
prescription de 2 ans qui était prévu pour els actions en justice, portant sur l’exécution ou sur la
rupture du contrat.
Simplement, cet arrêt avait été rendu sous l’emprise des anciens textes applicables à ce moment-là,
et qui soumettaient les actions portant sur l’exécution du contrat, ou sur les actions portantes sur la
rupture du contrat, à un délai de prescription identique. Or, l’Ordonnance du 22 Septembre 2017 a
modifié le régime des prescriptions : désormais, si pour les actions concernant l’exécution du
contrat de travail, la prescription reste fixée à 2 ans ; les actions en contestation de la rupture du
contrat de travail sont enfermées dans un délai de prescription raccourcie, puisqu’il est désormais
de 12 mois.
La question est : si on a un délai de prescription différent, est ce que l’action en requalification est
une action qui porte sur la rupture (prescription de 12 mois) ou action qui porte sur l’exécution du
contrat (2 ans) ? Il y a eu des thèses qui se sont affrontés pour savoir quelle prescription qui fallait
appliquée, pour que finalement, dans un arrêt du 29 Janvier 2020 (arrêt PBRI : arrêt de principe) , la
chambre sociale a posé le principe que l’action en requalification du CDD a la nature d’une action
portant sur l’exécution du contrat, et est donc enfermée dans le délai de prescription de 2 ans.

23
L’article L1471-1 du code du travail précise que le délai de prescription commence à courir du jour
où celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son
droit. Cela va dépendre en fait du motif invoqué à l’appui de la demande de requalification.
Explication : si la demande de requalification est fondée sur une irrégularité du CDD tenant à sa
formation (absence d’une mention par exemple), dans ce cas le point de départ du délai de
prescription est la date de conclusion du CDD. En revanche, en cas de successions de CDD, alors le
délai de prescriptions sera au terme du dernier CDD.

Cette action en requalification peut être intenter par le salarié alors que son contrat est toujours
en cours d’exécution, donc avant la fin du CDD. En effet, la CC° reconnait au juge des référés le
pouvoir d’ordonner la poursuite provisoire d’un CDD au-delà de son terme en attendant qu’il soit
statué au fond. Il peut donc arriver que le jugement qui doit intervenir au fond, intervienne alors
même que le CDD est encore en cours d’exécution.
Est-ce que l’employeur qui a fait appel du jugement du CPDH, peut néanmoins mettre un terme aux
relations de travail en invoquant la survenance du terme du CDD qu’il a conclu ? Dans un arrêt CC°
SOC 18 Décembre 2013, la chambre sociale a répondu par la négative et a jugé que lorsqu’une
décision assortie de l’exécution provisoire ordonne la requalification d’un CDD en CDI, la rupture du
contrat de travail intervenu postérieurement à la notification de cette décision sur le fondement de
l’arrivée du terme du CDD, caractérise une violation du droit d’accès à la justice. Or, le droit d’accès à
la justice est une liberté fondamentale, donc cette rupture est nulle et le salarié peut demander une
indemnité minimum de 6 mois de salaire ou une réintégration. L’intérêt de la solution est que le
jugement qui prononce la requalification du CDD en CDI, est de plein droit assorti de l’exécution
provisoire.

Si la requalification intervient après le terme du CDD, dans ce cas-là, la cessation du contrat


s’analysera en un licenciement.

§2. Les sanctions pénales

Article L1248-1 à -11 code du travail : en cas de requalification du CDD en CDI, l’employeur peut
dans certains cas se voir infliger une sanction pénale.

La peine encourue est 3750 euros d’amende, et en cas de récidive, elle est doublée + l’employeur
encourt une peine d’emprisonnement de 6 mois.

24
CHAPITRE 2 : Le contrat de travail temporaire

Lorsqu’une entreprise a besoin d’une main d’œuvre momentanément, plutôt que de recruter par
CDD, elle peut préférer recourir au travail intérimaire.
Depuis 2015, l’emploi intérimaire augmentent régulièrement chaque année et principalement dans
le secteur tertiaire (secteur de services), exception faite cette année (covid).

Ce travail temporaire permet de satisfaire les besoins de flexibilité de l’entreprise, mais il permet
aussi de répondre aux besoins des salariés qui sont désireux de concilier vie pro et vie privée.

Le travail intérimaire est quand même perçu comme un facteur de précarité, et fait donc l’objet d’un
encadrement juridique qui est destiné à éviter les recours abusifs à ce type de main d’œuvre.
A cet égard, la directive européenne du 19 Novembre 2008 a établi un cadre de protection des
travailleurs intérimaires et pose notamment un principe d’égalité de traitement des travailleurs
intérimaires avec les salariés permanentes de l’entreprise utilisatrice. Ce principe a été transposé en
droit interne et le code du travail édicte un ensemble de règle qui vient encadrer l’utilisation du
contrat de travail temporaire, et qui assure donc la protection des travailleurs intérimaires.
Là aussi, comme en matière de CDD, les règles ont été modifiées et certaines dispos légales n’ont
plus qu’une valeur supplétive désormais.

Il n’y existe pas de définition légale du travail temporaire : les textes se contentent de fixer l’objet du
recours au travail temporaire et de défini l’entrepreneur du travail temporaire.

25
L’article L1251-1 du code du travail qui énonce la règle suivante : « le recours au travail temporaire a
pour objet la mise à disposition temporaire d’un salarié par une entreprise de travail temporaire au
bénéfice d’un client utilisateur, pour l’exécution d’une mission ».
L’article L1251-2 du code du travail nous donne la définition de l’entrepreneur de travail
temporaire : « personne physique ou morale, dont l’activité exclusive et de mettre à la dispo
temporaire d’entreprise utilisatrice des salariés qu’en fonction d’une qualification convenue, elle
recrute et rémunère à cet effet ».

Finalement le travail temporaire est caractérisé par une relation de travail tripartite :
- L’entreprise de travail temporaire (ETT) : employeur du travailleur intérimaire.
- Le travailleur intérimaire : salarié de l’ETT.
- L’entreprise cliente : entreprise utilisatrice.

Le travailleur intérimaire est le salarié de l’ETT, donc un contrat de mission doit être conclu entre ces
2 parties. Mais l’ETT va mettre à dispo ce travailleur, au sein d’une entreprise utilisatrice : un autre
contrat commercial se conclu entre l’ETT et l’entreprise utilisatrice « contrat de mise à disposition ».

SECTION 1. Les conditions de recours au travail temporaire

Principe général : article L1251-5 du code du travail  le contrat de mission quelque soit son motif,
ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et
permanente de l’entreprise utilisatrice.

En cas de violation de ce principe, le travailleur intérimaire pourra se prévaloir de l’existence d’un


CDI, mais à l’encontre de l’entreprise utilisatrice.

§1. Les cas de recours autorisés.

Les cas de recours sont strictement identiques à ceux prévus en matière de CDD. Mais il y 1
exception : le contrat à objet défini.

La loi autorise également le recours au travail temporaire dans le cas de dispositifs particuliers
destinés à favoriser l’embauche de personnes particulières.

La loi prévoir les mêmes interdictions qu’en matière de CDD (ex : remplacement d’un gréviste).

8/10/20

§2. Le contrat de mission.

Chaque mission du salarié doit donner lieu à la conclusion d’un contrat de mise à disposition
entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice, et d’un contrat de mission
entre l’ETT et le salarié intérimaire.

La loi prévoit que chaque mission doit donner lieu à la conclusion d’un contrat liant l’entreprise de
travail temporaire et le salarié. Les règles relatives au CDD sont écartées.

La loi a institué le CDI intérimaire. C’est un CDI qui permet au salarié d’avoir un contrat stable et
même pendant les périodes d’inactivités, il va bénéficier d’une rémunération minimum. Cela avait

26
été instauré à titre expérimental en 2015 et a connu une progression constante qui a amené le
législateur à pérenniser ce mécanisme dans la loi avenir.

A. Formation du contrat, durée et renouvellement

Il y a un formalisme à respecter, il doit être écrit, signé par les 2 parties et être remis au salarié dans
les 2 jours qui suivent sa disposition.
Le retard dans la délivrance du contrat est sanctionné par une indemnité de maximum 1 mois de
salaire.

Ce contrat doit comporter des mentions obligatoires, article L1251-16, on y trouve le motif du
recours, le terme de la mission, la qualification professionnelle, la rémunération etc.

La loi pose ici un principe d’égalité de rémunération avec les salariés permanents de l’entreprise
utilisatrice. Pour une même qualification professionnelle, un salarié intérimaire qui occupe le même
poste qu’un salarié permanent de l’entreprise utilisatrice doit percevoir une rémunération identique.
La rémunération s’entend du salaire de base et de tous les accessoires.

La durée du contrat est calquée sur celle du contrat de mise à disposition . Il y a un assouplissement,
l'ordonnance Macron est venue donner la faculté aux partenaires sociaux de fixer par un accord de
branche la durée totale maximum du contrat de mission et du nombre de renouvellement autorisée.
Les dispositions légales n’ont plus qu’une valeur supplétive.
Cette durée est fixée à 18 mois mais dans certains cas elle est à 9 mois et parfois 36 mois, article
L1251-12-1.

La loi prévoit un délai de carence qui doit être respecté entre 2 contrats de mission successifs. Ce
délai, peut être fixé par convention ou accord de branche. À défaut de précision, la loi fixe la durée
de ce délai de carence à 1/3 du contrat si la durée du contrat est d’une durée égale ou supérieure à
14 jours.
Ce délai n’est pas applicable en cas d’emploi saisonnier, par nature temporaire ou encore dans
l'hypothèse de remplacement.

Lorsque le salarié temporaire ne va pas se voir proposer de CDI à la fin de sa mission par l’entreprise
utilisatrice, il a droit à une indemnité de fin de mission qui a pour objet de compenser la précarité qui
est versée par l’entreprise de travail temporaire qui est égal à 10% de la rémunération totale brut du
salarié.
Cette indemnité n’est pas due en cas de rupture anticipée à l’initiative du salarié en cas de faute
grave commise par le salarié ou encore en cas de force majeure.

La loi autorise en effet le travailleur temporaire à rompre le contrat de mission, avant l’arrivée du
terme en cas d’embauche par CDI d’une autre entreprise. Mais dans ce cas le salarié doit respecter
un préavis dont la durée dépend de la durée de la mission.

Quid lorsque l’entreprise utilisatrice rompt de manière anticipée le contrat de disposition. Peut-on
considérer que cette rupture constitue pour l’entreprise de travail temporaire un cas de force

27
majeure entraînant la rupture automatique et de plein droit de contrat de mission qui la lie au
travailleur ?

La JP répond par la négative et le contrat de mission ne peut se poursuivre et dans ce cas, l’entreprise
de travail temporaire est tenue de poursuivre le paiement des salaires jusqu’au terme de la mission
prévue.

En pratique il est fréquent que dans une telle situation, l’entreprise de travail temporaire, a
l’obligation de proposer au salarié un nouveau contrat de mission qui doit prendre effet dans un délai
maximum de 3 jours ouvrables. Ce nouveau contrat de mission doit viser un emploi de même
qualification assortie d’une rémunération équivalente et à défaut l’entreprise de travail temporaire
doit verser une indemnité couvrant les salaires si la mission était allée à son terme.

Cette obligation est écartée dans l'hypothèse où l’entreprise utilisatrice a mis un terme au contrat
de disposition en raison d’un comportement fautif du salarié caractérisant une faute grave.

La loi prévoit également, lorsque l’entreprise utilisatrice continue de faire travailler le salarié après
l’arrivée du terme de la mission et sans avoir conclu un nouveau contrat, le salarié est alors réputé lié
à l’entreprise utilisatrice en CDI.

B. L’exécution du contrat

C’est l’entreprise de travail temporaire qui juridiquement est l’employeur du travailleur


intérimaire. C’est donc sur elle que pèse les différentes obligations et responsabilités qui sont
inhérentes à cette responsabilité. Mais durant l’exécution de la mission, il y a un transfert d’une
partie des prérogatives de l’employeur à l’entreprise utilisatrice. Dans la mesure ou le salarié exécuté
la prestation de travail sous la direction et contrôle de l’utilisateur.

C’est donc l’entreprise utilisatrice qui est responsable des conditions d’exécution du travail et du
respect des règles légales et conventionnelles relatives à la durée du travail, au travail de nuit, au
repos hebdomadaire et c’est elle qui est responsable des règles relatives à la santé et sécurité des
travailleurs.
À cet égard c’est l’entreprise utilisatrice qui doit fournir le matériel nécessaire à l’exécution de la
mission et les équipements de protection individuel qui sont nécessaires.

En revanche, c’est l’employeur (entreprise de travail temporaire) qui demeure titulaire du pouvoir
disciplinaire, l’entreprise utilisatrice ne peut pas sanctionner le travailleur intérimaire.

SECTION 2 : Les sanctions de l’utilisation irrégulière

Comme en matière de CDD la loi prévoit 2 types de sanctions :


- La requalification en CDI
- Des sanctions pénales

§1. La requalification du contrat

Elle est prévue à l’article L1251-40 et est prévue non pas à l’égard de l’entreprise de travail
temporaire mais à l’égard de l’entreprise utilisatrice.

28
Le texte prévoit que lorsque l’entreprise utilisatrice a eu recours à un salarié d’une entreprise de
travail temporaire en méconnaissance de certaines dispositions légales ou stipulations
conventionnelles, le salarié « peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits
correspondants à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa
mission ».

Cet article vise une série de disposition légale ou stipulation conventionnelle qui font référence à
différentes situations illicites :
- Lorsque le travail temporaire a eu pour objet ou effet de pourvoir durablement un emploi lié
à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
- En cas de recours au travail temporaire dans des cas interdits ou dans des hypothèses non
visées par la loi.
- Lorsque les règles au contrat de mission ou au nombre de renouvellement n’ont pas été
respectées.

Dans ces hypothèses, le salarié peut demander la reconnaissance d’un CDI qui va le lier à l’entreprise
utilisatrice et éventuellement, obtenir le versement d’indemnité afférentes à un licenciement.

Lorsque la reconnaissance du CDI est acceptée, le salarié a le droit à une indemnité de requalification
qui est à la charge de l’entreprise utilisatrice qui est égale au minimum a 1 mois de salaire L1251-41.

On s’est demandé si le salarié peut demander la requalification en dehors des cas de l’article ?

 CC° 23 février 2005 : elle estime que la liste des hypothèses ouvrants droit à requalification
fixé par l’article L1251-41 a un caractère limitatif. Elle estime que le salarié ne peut pas
demander la requalification en CDI en dehors des hypothèses prévues par le texte. Cet arrêt
est intéressant car évoque la situation du non-respect du délai de carence. La requalification
ne pouvait être obtenue sur ce fondement car l’article ne prévoit pas cette hypothèse.
 Cette règle a été confirmé par la CC° le 10 décembre 2008, qui concernait l’absence de
remise au salarié du contrat écrit. Il revendiquait cette irrégularité pour demander la
requalification. Mais cette situation n’est pas visée par l’article.

En principe le salarié va agir contre l’entreprise utilisatrice, mais la JP admet que l’entreprise de
travail temporaire puisse être tenue solidairement responsable des conséquences de la rupture
des relations de travail lorsque les conditions à défaut desquelles toutes opérations de prêt de
main d’œuvre est interdites n’ont pas été respecté.

 Arrêt du 24 avril 2013 : dans cette affaire, le travailleur intérimaire avait enchainé plusieurs
contrats de mission sur le même poste et avait donc assigné conjointement l’entreprise
utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire afin de faire reconnaitre l’existence d’un CDI
et obtenir les indemnités afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La CC° a retenu la responsabilité solidaire de l’entreprise de travail temporaire au motif que
l’entreprise de travail temporaire avait agi de concert avec l’utilisateur pour contourner
l’interdiction de recourir au travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi, lié de
l’entreprise utilisatrice. La CC° a considéré que cette concertation résultait du fait que

29
l’entreprise de travail temporaire en ne proposant pas au salarié d’autres missions que celles
au sein de la société utilisatrice avait réservé ce salarié à l’usage exclusif et régulier de cette
société.

 CC° 14 février 2018 : la JP admet la possibilité pour l’entreprise utilisatrice d’appeler


l’entreprise de travail temporaire en garantie. La CC rappelle que si l’entreprise utilisatrice ne
peut pas invoquer pour mettre en jeu la responsabilité contractuelle de l’entreprise de travail
temporaire, la méconnaissance par cette dernière des obligations mises à sa charge à l’égard
du salarié, en revanche la CC précise qu’il appartient au juge de vérifier si un manquement
peut être imputé à l’entreprise de travail temporaire dans l’établissement des contrats de
mise à disposition.

Lorsque l’entreprise de travail temporaire a manqué à ces propres obligations à l’égard du travailleur
intérimaire, la loi ne prévoit pas expressément la sanction. Mais la CC° estime que dans cette
hypothèse, le salarié peut se prévaloir à l’égard de l’entreprise de travail temporaire d’un CDI. C’est
l'hypothèse où le contrat de mission n’a pas été signé ou il n’y pas les mentions obligatoires ou
encore le contrat de mission n’a pas été remis au salarié.
Dans ces différentes hypothèses la JP estime que l’entreprise de travail temporaire n’a pas respecté
les règles d’ordre public qui sont destinées à encadrer les conditions de recours au travail intérimaire
et assurer la protection du travailleur et que dès lors le contrat doit être requalifié en contrat à durée
indéterminée.

 Arrêt du 12 juin 2014 : la cour a admis que le travailleur intérimaire peut demander la
requalification de sa relation de travail avec l’entreprise de travail temporaire en contrat à
durée indéterminée sur le fondement du non-respect du délai de carence qui doit séparer
les contrats de missions successifs.

La salarié ne peut pas invoquer la violation par l’entreprise de travail temporaire de ses obligations à
son égard pour se prévaloir à l’égard de l’entreprise utilisatrice de droit afférents à un CDI, CC 17
septembre 2008 à propos du défaut de remise au salarié d’un contrat de mission écrit.

 CC° 21 septembre 2017 : la cour a jugé que la requalification du contrat en CDI prononcé
après l’expiration du terme n’ouvre pas droit au salarié à réintégration dans l’entreprise. Le
salarié peut seulement prétendre à une indemnisation.
Ce qui est intéressant c’est que le salarié fondait son action sur le droit à l’emploi qui est
prévu par l’alinéa 5 du préambule de 1946. Le salarié faisait valoir que le droit à l’emploi,
devait permettre au salarié d’obtenir la réintégration dans son emploi en cas de
requalification en CDI quand bien même elle arriverait après l’arrivée du terme.

La CC° n’a pas retenu l’argument. Elle rappelle que la nullité de la rupture du contrat de
travail ne peut être prononcé que si un texte prévoit expressément cette sanction. Ou en
cas d’atteinte à une liberté fondamentale (ce que soutenait le salarié). La CC° précise que le
droit à l’emploi qui est consacré par la Constitution, n’est pas une liberté fondamentale
mais « un droit créance » qui doit être concilié avec d’autres droits ou principes
constitutionnels tel que la liberté d’entreprendre. Or la CC prend soin de préciser que cette

30
liberté d’entreprendre, fonde le droit pour l’employeur de recruter librement ou de licencier
un salarié.

Elle en conclu qu’un justiciable ne peut pas se prévaloir directement dans le cadre d’un litige
d’une violation du droit à l’emploi. Sauf a vider de leur substance les autres droits
constitutionnels avec lesquels ce droit doit être concilié.

§2. Les sanctions pénales

Comme en matière de CDD, le manquement de l’entreprise de travail temporaire à ses obligations,


sont sanctionnés par une amende de 3750€ qui si en cas de récidive, l'amende peut être doublé et
peine de 6 mois d’emprisonnement.
L’entreprise utilisatrice peut se voir appliquer les mêmes peines en cas de violation des règles qui lui
sont directement applicables.

En cas de requalification du contrat, en CDI avec l’entreprise utilisatrice, cette dernière peut être
poursuivie pour travail dissimulé. Dans la mesure ou on reconnait l’existence d’un CDI qui la lie au
travailleur intérimaire, il lui appartenait en sa qualité d’employeur de procéder aux obligations
prévues en matière d’embauche. En cas de travail dissimulé, l’article L8221-1 prévoit une amende de
45 000€ et une peine d'emprisonnement de 3 ans.

TITRE 2 : LES CONTRATS ET LES CLAUSES LIES A L’ACTIVITE DE L’ENTREPRISE

Certaines entreprises ont une activité économique qui nécessite une adaptation de la durée et du
temps de travail. Cette exigence de flexibilité va conduire l’entreprise à conclure des contrats de
travails particuliers qui permettent un aménagement du temps du travail des salariés.

D’autres entreprises doivent pouvoir compter sur la mobilité de leur salarié. Ou alors encore l’activité
de l’entreprise présente des caractéristiques qui nécessitent une protection renforcée contre une
éventuelle concurrence de la part d’ancien salarié.
Pour faire face à ces exigences, généralement on passera par le biais de clauses particulières, clause
de mobilité et de non concurrence.

CHAPITRE 1 : LES CONTRATS D’AMENAGEMENT DE LA DUREE DU TRAVAIL

L’entreprise peut avoir besoin d’ajuster le temps de travail de certains emplois au besoin de la
production ou distribution. Dans une telle hypothèse elle va avoir recours au travail à temps partiel.
Les salariés titulaires de ces postes seront liés par un contrat de travail à temps partiel.

Certains secteurs d’activités sont plus particulièrement concernés, la loi impose dans les branches ou
au moins 1/3 de l’effectif occupe un emploi à temps partiel de négocier dans la branche sur le travail
à temps partiel, afin de mettre en place un cadre général applicable à toutes les entreprises du
secteur concerné.

31
Certaines entreprises ont une activité qui par nature connait des fluctuations importantes au cours
de l’année. Des fluctuations qui applique une variation des besoins humains. Pour faire face à ces
variations, l’entreprise, peut faire le choix de recourir au contrat de travail intermittent.

15/10/20

SECTION 1 : Le contrat de travail à temps partiel

Le travail à temps partiel a fait l’objet de plusieurs réformes qui avaient toutes pour objet de concilier
à la fois le besoin de flexibilité des entreprises mais également la protection des salariés à temps
partiel (ces derniers se trouvaient dans une situation de précarité économique dans la mesure où ils
ont un temps de travail réduit).

Le droit européen a également contribué à la construction du régime juridique en élaborant le


principe de non-discrimination, et la directive du Conseil européen du 15 décembre 1997 est venue
poser un cadre juridique destiné à favoriser le temps partiel choisi et vient améliorer les conditions
d’emplois.

C’est l’article L3123-1 CT qui vient définir le salarié à temps partiel comme le salarié dont la durée du
travail est inférieure à la durée légale ou à la durée conventionnelle, si celle-ci est inférieure à la
durée légale.

§1. Formation et contenu du contrat

La loi assure aux salariés à temps partiel une égalité de traitement avec les salariés à temps complet,
et on retrouve encore ici le formalisme qui est destiné à protéger les salariés conter d’éventuels
abus, et plus particulièrement le formalisme imposé par la loi vise ici d’éviter des modifications
intempestives des conditions de travail qui seraient décidées par l’employeur.

Le principe ici est que la prévisibilité du temps de travail est essentielle pour les salariés parce que
dans la mesure où ils sont à temps partiel, elle va leur permettre de cumuler leur emploi avec un
autre emploi salarié ou une autre activité professionnelle indépendante. Cette prévisibilité est
également un gage pour que le salarié puisse adapter sa vie familiale.

Formalisme du contrat :
- Doit être rédigé par écrit, et à défaut, le contrat sera réputé être à temps plein
- Doit comporter des mentions obligatoires : rémunération, qualification professionnelle,
durée hebdomadaire, doit préciser la répartition de la durée du travail entre les jours de la
semaine ou du mois, doit préciser les cas dans lesquels une modification de cette répartition
pourrait intervenir, les modalités selon lesquelles les horaires de travail sont communiquées
aux salariés, et enfin, doit mentionner la limite des heures complémentaires que le salarié
pourrait effectuer à la demande de l’employeur.

Conséquences de ce formalisme :

32
- L’absence d’écrit n’affecte pas la validité du contrat lui-même mais dans cette hypothèse, le
contrat est présumé être à temps complet et, de ce fait, le salarié pourra demander un
rappel de salaire sur la base d’un temps complet.
- L’absence d’une mention entraine également présomption de travail à temps plein. Là
encore, la chambre sociale fait une différence entre les mentions qui sont considérées
comme ayant un caractère essentiel (durée du travail mais également la répartition des
heures de travail) et celles qui n’ont qu’une simple valeur informatique.

Ici, il ne s’agit que d’une présomption simple c’est-à-dire qu’elle peut être renversée par
l’employeur. En effet, l’employeur devra rapporter la preuve d’une part, de la durée exacte du
travail qui a été convenue, et d’autre part, il doit établir que le salarié avait bien connaissance du
rythme auquel il devait travailler et qu’il n’était pas dans l’obligation de se tenir constamment à la
disposition de l’employeur. Cette preuve peut être rapportée par tous moyens, mais la
jurisprudence rappelle que la simple production des bulletins de salaires mentionnant la durée du
travail accomplit ne suffit pas à renverser la présomption. De la même manière, le fait que la
convention collective applicable à l’entreprise prévoit expressément le recours au travail à temps
partiel sur ce type d’emploi, ne sera pas une preuve suffisante pour renverser la présomption.
 CC° 21 mars 2012 : il s’agissait d’une salariée qui avait été embauchée par CDD par une
société de gardiennage et de sécurité pour assurer la sécurité dans une enceinte sportive lors
de match durant la saison de football. Son CDD avait été prévu comme à temps partiel, mais
le contrat précisait que la durée du travail serait variable en fonction du nombre et de la
durée des matchs. La salariée avait saisi les tribunaux à la suite de la rupture du contrat afin
de demander un rappel de salaire sur la base d’un temps plein.

La CA avait rejeté la demande de la salariée en considérant que cette dernière ne pouvait pas
se prévaloir d’un temps plein car le calendrier des matchs était fixé à l’avance par la ligue de
football, que les matchs se jouaient 1 semaine sur 2, et qu’ils avaient lieux le samedi ou le
dimanche soir. De plus, les juges ont considéré que la salariée, compte tenu de la durée
intangible des matchs, était en mesure de connaitre le rythme de travail et qu’elle n’était pas
dans l’obligation de se tenir dans la disposition constante de l’employeur.

La CC° casse l’arrêt d’appel et rappelle que le contrat doit mentionner de manière précise la
durée hebdomadaire ou mensuelle, et qu’en outre, il doit mentionner la répartition du
travail.
L’arrêt est cassé pour violation des dispositions légales, et estime qu’en l‘espèce, les juges du
fond auraient dû tirer de leur constatation, le fait que la durée exacte hebdomadaire ou
mensuelle du travail convenu n’était pas établie, que la salariée s’était trouvée dans
l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler, et qu’en conséquence, elle
s’était trouvée dans l’obligation de se tenir en permanence à la disposition de l’employeur
pour satisfaire sa mission.

Si la requalification en contrat à temps complet est retenue par les juges, la durée du travail sur la
base de laquelle sera calculée le rappel de salaire est la durée légale ou conventionnelle. La CC°
refuse de fixer la durée du travail à une durée supérieure à la durée légale ou conventionnelle

33
parce qu’elle estime que, cela aboutirait au salarié de percevoir des heures supplémentaires qu’il n’a
pas réellement effectué.

§2. Exécution du contrat

La loi a institué une garantie de durée minimum de travail hebdomadaire afin d’assurer aux
travailleurs à temps partiel, souvent placés dans une situation de précarité économique, une
protection sociale et un salaire décent. Cette durée minimum est prévue à l’article L3123-27 CT et est
fixée à 24h/semaine.

Cette obligation devait s’appliquer aux contrats de travail en cours mais entrainait des difficultés
parce que, comment les entreprises pouvaient financer les heures supplémentaires pour atteindre
ce minimum et comment occuper ces heures ?
Cela a suscité de vives réactions entrainant une réforme instituant de nombreuses exceptions à cette
durée minimum :
- CDD courts : durée inférieure ou égale à 7 jours ;
- CDD et les contrats de travail temporaire conclus pour motif de remplacement ;
- Lorsque le salarié demande à avoir une durée inférieure soit en raison de contraintes
personnelles (charges familiales…), soit pour pouvoir cumuler plusieurs activités lui
permettant d’atteindre un temps plein.

En outre, cette durée minimum n’a plus qu’un caractère supplétif depuis la loi travail du 8 août 2016.
Désormais, une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir une durée inférieure à la
durée minimum, mais dans ce cas la loi impose aux partenaires sociaux de prévoir des garanties
permettant la mise en œuvre d’horaires réguliers ou permettant aux salariés de cumuler plusieurs
activités afin d’atteindre un temps plein ou du moins, la durée minimum légale.

La durée du travail mentionnée au contrat est la référence, et l’employeur est tenu d’assurer aux
salariés le nombre d’heures travaillées indiqués, et en cas de dépassement les heures effectuées
donnent lieu à une majoration de rémunération au moins égale à 10%.

A partir du moment où le salarié va effectuer des heures au-delà des heures prévues, on bascule
dans le régime des heures complémentaires. Ces heures complémentaires obéissent à un régime
propre et distinct de celui des heures supplémentaires. Normalement, le contrat de travail à temps
partiel doit fixer le volume, la limite de ces heures complémentaires, mais indépendamment de
cette limite, on trouve une limite légale : article L3123-28 CT prévoit que « A défaut d’accords
collectifs, le volume d’heures complémentaires accompli par un salarié au cours d’une même semaine
ou d’un même mois ne peut excéder le 10ème de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au
contrat ». Cependant, un accord d’entreprise ou de branche peut prévoir un plafond supérieur. La
loi donne la prééminence à l’accord d’entreprise, ce qui veut donc dire que l’on donne encore
d’avantage de souplesse aux entreprises.
Ceci étant, la loi fixe une limite maximum absolue (OP) : 1/3 de la durée hebdomadaire ou
mensuelle.

34
Comme en matière d’heure supplémentaire, c’est l’employeur qui décide librement de faire exécuter
des heures complémentaires aux salariés, avec une limite : maximum légal ou conventionnel.

Si l’employeur fait exécuter des heures complémentaires hors contingent prévus par le contrat de
travail ces heures ouvrent droit aux salariés à une majoration de 25%.
Ceci étant, le législateur introduit une souplesse à ce principe puisque la loi du 14 juin 2013 est
venue consacrer une pratique dite des avenants temporaires de compléments d’heures. C’est
l’article L3123-22 CT qui dispose qu’« Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir
la possibilité par un avenant au contrat de travail, de porter temporairement la durée du travail au-
delà de la durée prévue au contrat. L’accord ou la convention doit déterminer le nombre d’avenant
qui peut être conclu. Ce nombre ne peut pas en principe, dépasser 8/an et par salariés, sauf en cas de
remplacement d’un salarié absent ».
La loi précise que l’accord collectif qui fixe le nombre d’avenants, peut prévoir la majoration salariale
des heures effectuées dans le cadre de cet avenant, mais peut également ne pas en prévoir et dans
ce cas, les heures accomplies au-delà de la durée de travail convenue, seront rémunérées au taux
normal ou voire à un taux majoré inférieur à 25%.
Si l’avenant a été conclu, seules les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée fixée
dans l’avenant ouvriront droit à la majoration de 25%. La loi précise que chacun des avenants
pouvant être conclus avec les salariés, doit respecter le même formalisme que le contrat initial et
notamment mentionner la répartition dans la semaine ou dans le mois de la nouvelle durée de
travail.

Indépendamment de cette faculté de conclure un avenant temporaire, lorsque les heures


complémentaires entrent dans le contingent prévu par le contrat de travail, le salarié est tenu
d’accomplir ses heures à la demande de l’employeur. Toutefois, une condition est posée : le salarié
doit être informé au moins 3 jours avant la date d’exécution de ses heures complémentaires. Le refus
du salarié d’exécuter ces heures complémentaires prévues dans le contingent, caractérise une faute.
En revanche dès lors qu’on est hors contingent, les heures complémentaires qui peuvent être
proposées par l’employeur n’ont pas de caractère obligatoire pour le salarié, et dans ce cas le salarié
peut légitimement refuser sans avoir à motiver son refus : article L3123-10 CT.

Lorsque l’employeur dépasse la limite légale ou conventionnelle des heures complémentaires, le


contrat est requalifié en contrat de travail à temps plein. A cet égard, l’article L3123-9 CT pose un
principe selon lequel les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de
travail accomplie par le salarié à temps partiel au niveau de la durée légale de travail ou si elle est
inférieure au niveau de la durée conventionnelle. La chambre sociale fait une application très stricte
de ce principe en déduisant qu’en toute hypothèse, même si le nombre d’heure complémentaire
effectuée entre dans le plafond légal ou conventionnel, le contrat doit être requalifié en contrat à
temps plein dès lors que l’exécution de ces heures complémentaires a eu pour effet de porter la
durée du travail accomplie à la durée légale ou conventionnelle. Mais en outre, la CC° estime que
dans cette hypothèse, la requalification est encourue dès la première irrégularité et pour l’avenir =
requalification-sanction donc présomption irréfragable.
 CC° 17 décembre 2014
 CC° 6 juillet 2016 : salarié embauché par CDI par un exploitant de discothèque en tant que
serveur. Au cours d’une saison, il avait été amené à accomplir des heures complémentaires

35
entrainant une durée de travail équivalente à la durée de travail légale. Le salarié avait été
licencié pour faute grave et avait saisi le CPH pour redemander la qualification à temps plein.
La CA rejette la demande en faisant valoir que le salarié avait toujours disposé de son temps
libre, qu’il exerçait en parallèle une autre activité et que la discothèque était fermée toute la
semaine.
CC° casse l’arrêt d’appel et reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché la durée du
travail.

 Pourrait-on contourner cette solution jurisprudentielle par la faculté de conclure un


avenant temporaire ?

Lors des débats parlementaires, cette possibilité avait été évoquée : le rapporteur de l’AN était
d’accord, alors que le rapporteur du Sénat était contre. Aujourd’hui, cette question est réglée
puisque l’article L3123-9 CT fait partie des dispositions d’ordre public, donc aucune dérogation n’est
possible. Lorsqu’on est en présence d’une disposition d’ordre public, le salarié ne peut pas renoncer
aux garanties qui sont instituées, ce qui signifie que quand bien même un avenant temporaire
d’heure complémentaire aurait été signé entre l’employeur et le salarié, cet avenant sera
inopposable aux salariés s’il aboutit à porter la durée du travail accomplie à la durée légale
hebdomadaire ou conventionnelle.

La répartition du temps de travail relève en principe du pouvoir de direction de l’employeur, et la


modification de cette répartition n’est pas subordonnée à l’accord express du salarié. Cependant,
cette règle est écartée en présence d’un contrat de travail à temps partiel puisqu’une exigence de
prévisibilité est posée à l’égard du salarié, et conduit à considérer que la répartition des heures de
travail au cours de la semaine ou des semaines au cours du mois, est considérée comme un
élément essentiel devant être mentionnée dans le contrat. Ici, l’accord express du salarié est
nécessaire. Néanmoins, le contrat de travail peut stipuler une clause qui prévoit les cas dans lesquels
une modification de cette répartition pourra intervenir : la clause doit préciser les modalités de la
modification, et doit prévoir un délai de prévenance suffisant. A défaut de convention/accord
prévoyant la durée de ce délai de prévenance, la loi fixe un délai de 7 jour ouvré (disposition
supplétive). En toute hypothèse, ce délai ne peut pas être inférieur à 3 jours ouvré.
Ceci étant, même en présence d’une clause de variation, le salarié pourra légitimement refuser la
modification s’il justifie soit d’obligation professionnelle, soit du suivi d’un enseignement scolaire
ou universitaire ou en cas d’obligation familiale impérieuse.

Sauf dispositions conventionnelles contraires, l’horaire du travail du salarié à temps partiel ne peut
pas comporter au cours d’une même journée, plus d’une interruption d’activité ou une interruption
supérieure à 2h. Le non-respect de l’employeur ouvre droit aux salariés de dommages et intérêts.
 CC° 13 juin 2018 : vient préciser que le fait que le contrat de travail à temps partiel soit
requalifié en contrat à temps complet, n’a pas pour effet de faire disparaitre
rétroactivement les manquements de l’employeur qui demeure tenu de réparer le
préjudice causé au salarié.

SECTION 2 : Le contrat de travail intermittent

36
Certaines entreprises ont une activité économique qui, par nature, peut connaître des fluctuations
importantes au cours de l’année. Fluctuations qui, rendent nécessaire une certaine flexibilité. Pour
faire face à ces besoins fluctuants de main d’œuvre, l’entreprise a le choix entre :
- Gestion externalisée de l’emploi en faisant appel à la sous-traitance ;
- Gestion interne de l’emploi : le contrat de travail intermittent est l’un des outils proposés par
la loi.

Le contrat de travail intermittent est au cœur de ce concept de flexisécurité. Cette notion de


flexisécurité caractérise le compromis entre une souplesse dans la gestion des emplois (flexi) mais
aussi avec la protection des parcours professionnels des salariés.

Ce contrat de travail a été institué par une ordonnance de 1986, mais a été supprimé et on le lui
avait substitué le régime de ce que l’on appelait le travail à temps partiel annualisé, c’est-à-dire que
c’était un contrat de travail à temps partiel mais le décompte de la durée de travail s’effectuait sur
l’année. Finalement, ce dispositif s’est révélé peu adapté aux besoins des entreprises et, de ce fait, le
contrat de travail intermittent a été rétabli par une loi du 19 janvier 2000.

Le contrat de travail intermittent répond à deux objectifs :


- Prendre en compte la spécificité des secteurs professionnels qui connaissent d’importantes
fluctuations d’activités sur l’année, fluctuations liées notamment au rythme scolaire, au
tourisme, au spectacle ou encore au cycle des saisons. Cela permet aux entreprises de ces
secteurs de s’adapter à cette fluctuation en leur donnant la possibilité de conclure des
contrats de travail intermittent pour pourvoir des emplois permanents comportant une
alternance de périodes travaillées et non-travaillées.
- Assurer aux salariés une stabilité de la relation de travail : stabilité se concrétisant par le fait
que le contrat de travail intermittent est un CDI. Cela leur permet aussi de leur assurer le
bénéfice d’un certain nombre de garanties minimum prévues par la loi.

Donc, le contrat de travail intermittent est un CDI ayant pour objet de pourvoir un emploi permanent
qui, par nature, comporte une alternance de période travaillées et de périodes non-travaillées.

Ce contrat est règlementé aux articles L3123-33 et suivants du CT. On retrouve également le
tryptique suivant :
- Dispositions d’ordre public
- Dispositions ouvertes au champ de la convention collective
- Dispositions légales s’appliquant à défaut de textes conventionnels.
29/10/20
§1. Les conditions de recours au travail intermittent

Ce contrat comporte deux conditions cumulatives :

- Activité intermittente :

Ce contrat a pour objet de répondre aux besoins des entreprises qui relèvent de secteurs
professionnels qui ont une caractéristique qui est de connaitre une forte fluctuation au cours de

37
l’année. La loi encadre le recours à ce contrat mais en fixe pas la liste des secteurs concernés. On a
une circulaire administrative qui vise certains secteurs, mais cette liste n’est pas exhaustive, tels que
l’enseignement, le tourisme, le spectacle… Potentiellement, tous ces secteurs professionnels sont
concernés dès lors que l’activité comporte naturellement une alternance de période d’activité et de
période d’inactivité.

Le caractère intermittent de l’activité doit être extérieur à la volonté des parties puisqu’il doit
découler de contraintes inhérentes à l’activité elle-même et non pas d’un choix d’organisation d’un
choix de l’employeur.
Exemple : le secteur des sondages et des enquêtes est un secteur où ce contrat est très développé.

De plus, le contrat intermittent n’est conclu que pour un emploi permanent comportant une
alternance de période travaillée et non-travaillée. Dans le cas contraire, l’employeur pourra avoir
recours au CDD d’usage. Ce contrat doit servir un besoin de main d’œuvre lié à l’activité normale de
l’entreprise, mais qui présente un caractère discontinu. Autrement dit, on peut avoir une entreprise
qui a, à la fois une activité permanente continue et une activité permanente intermittente : dans
cette hypothèse, l’entreprise aura recours à des CDI à temps complet/partiel mais également à des
contrats de travail intermittent, et si nécessaire, elle pourra avoir recours à des CDD en cas d’emploi
saisonnier. Donc, tous ces contrats répondent à des besoins distincts de l’entreprise et ont donc un
caractère complémentaire.

Exemple : une entreprise de transport exploite une ligne régulière telle que Marseille-Cassis. Pour
assurer l’activité toute l’année, elle va employer des chauffeurs à temps partiel/complet. Elle peut
aussi exploiter un service de ramassage scolaire sur cette ligne, et dans ce cas, les chauffeurs affectés
au ramassage scolaire occupent un emploi qui, par nature a un caractère intermittent puisque
l’emploi dépend des cycles scolaires. Par ailleurs, pendant la saison touristique, l’entreprise peut
connaitre une influence importante et donc elle pourra recourir au CDD saisonnier et pourra
embaucher des chauffeurs supplémentaires.

- Encadrement conventionnel :

La loi pose deux exigences par rapport à cette condition :


 La faculté de recourir au contrat de travail intermittent doit être prévu par une convention
collective ou un accord d’entreprise ou à défaut, par un accord collectif de branche
étendu : article L3123-33 CT. Initialement, le contrat de travail ne pouvait être conclu que si
la faculté était conclue par un accord d’entreprise ou de branche. Puis, les choses ont évolué
afin de donner plus de souplesse aux entreprises et, de ce fait, le législateur a ouvert cette
faculté en donnant désormais la possibilité aux entreprises de négocier en interne, un accord
envisageant la possibilité de recourir au contrat de travail intermittent. Désormais, la
primauté est donnée à l’accord d’entreprise, et même s’il existe un accord de branche
prévoyant la faculté de recourir au contrat de travail intermittent, les entreprises qui
appartiennent à cette branche peuvent négocier un accord d’entreprise, et ce sera cet
accord qui primera sur l’accord de branche.
 L’accord collectif (entreprise ou branche étendu) doit expressément désigner les emplois
permanents pour lesquels il est possible de conclure un contrat de travail intermittent. La

38
jurisprudence considère que l’exigence d’un encadrement conventionnel est une condition
de validité du contrat de travail intermittent. En conséquence, à défaut d’accord collectif ou
si l’accord ne précise pas les emplois susceptibles d’être pourvu par un contrat de travail
intermittent ou bien encore, si un tel contrat a été conclu pour pourvoir un emploi qui ne
figure pas dans la liste prévue par l’accord collectif, le contrat de travail sera réputé être un
CDI de droit commun, c’est-à-dire un contrat de travail à temps plein.

Exemples de jurisprudences :
 CC° 27 juin 2007 : il s’agissait de contrat de travail intermittents conclus par la Poste en vertu
des dispositions des conventions collectives de l’entreprise. La CC° a requalifié ces contrats
de travail intermittent en contrat à temps complet parce qu’elle a relevé que si la convention
collective indiquait qu’il pouvait être recouru à des contrats de travail intermittent sur « les
emplois comportant une alternance de période travaillée et non-travaillées afin d’éviter les
éléments de précarité liés au CDD », elle ne définissait pas de manière précise les emplois
pour lesquels le recours au contrat de travail intermittent pouvait être envisagé. La Cour a
donc jugé que la condition de l’encadrement conventionnel n’était pas remplie et qu’en
conséquence, ce contrat devait être requalifié en contrat à temps plein.

 CC° 11 mai 2016 : il s’agissait en l’espèce d’un contrat de travail intermittent conclu avec un
ouvrier agricole en application des dispositions de la convention collective de la
conchyliculture (élevage de coquillages). L’entreprise a cru être autorisée à conclure un
contrat de travail intermittent sur un emploi qui, par nature comportait une alternance de
période travaillée et non-travaillée, en application de l’article 24 de la convention collective.
La Cour requalifie ce contrat en contrat de travail à temps complet puisqu’elle relève que la
convention collective ne précisait pas les emplois qui étaient concernés par ce contrat de
travail intermittent, et estime que le salarié peut obtenir un contrat de travail à temps
plein. La cour considère de plus qu’on est en présence d’une présomption irréfragable.

 CC° 10 juillet 2013 : La Cour a été saisie d’une demande de QPC relative à l’interprétation
jurisprudentielle de l’article L3123-33 CT qui impose l’encadrement conventionnel, et sur la
sanction de requalification en contrat à temps complet retenu par la jurisprudence. La
demande de QPC était fondée sur l’atteinte qui serait portée par la jurisprudence au principe
constitutionnel de proportionnalité des peines, garanti par l’article 8 DDHC, et sur l’atteinte
du droit de propriété également consacré par ce texte.

La QPC faisait valoir que la sanction de requalification en contrat à temps complet emporte
la condamnation de l’employeur à payer des salaires sur la base d’un temps plein,
indépendamment du travail effectif réellement accompli par le salarié. De plus, elle faisait
valoir que les conséquences de cette requalification constituent une sanction pécuniaire
démesurée ayant la nature d’une peine.

La CC° balaye l’argumentation et refuse de transmettre la question au Conseil constitutionnel


puisqu’elle estime que la condamnation de l’employeur au rappel de salaire n’est que la
conséquence de l’illicéité résultant de l’absence d’encadrement conventionnel et de la durée
pendant laquelle cette situation illicite a été maintenue. De ce fait, la Cour estime que la

39
condamnation de l’employeur à payer ce rappel de salaire n’est ni une sanction ayant un
caractère de punition, ni une privation de propriété.

 CC° 19 mars 2014 : la Cour a eu à répondre à une argumentation fondée sur l’atteinte au
principe de sécurité juridique, découlant de l’article 6 §1 CEDH, et d’autre part, sur l’atteinte
excessive et injustifiée au droit de l’employeur au respect de ses biens. Dans cette affaire, il
s’agissait de 2 salariés embauchés par contrat de travail intermittent par une société pour
assurer ponctuellement des opérations de promotion et d’animation dans des supermarchés.
Or, la société qui avait conclu ces contrats de travail intermittent ne pouvait pas justifier de
l’existence d’une convention ou d’un accord collectif prévoyant la faculté de recourir à ces
contrats de travail intermittent pour ce type d’emploi.

Les salariés avaient demandé la requalification de leur contrat à temps plein, et la CA avait
fait droit à leur demande en considérant que leur contrat était illicite en raison de
l’absence d’encadrement professionnel et qu’il devait être requalifié en contrat de travail à
temps complet. L’employeur, pour sa défense, faisait valoir que non-seulement les salariés
avaient travaillé que quelques heures par mois et que d’ailleurs, ils avaient même travaillé
pour d’autres employeurs pendant leur période d’inactivité. La CA balaye l’argument de
l’employeur et considère que les contrats doivent être requalifiés à temps plein, et
condamne la société à payer à chaque salarié la somme de 105.000€ au titre de rappel de
salaire et indemnité de rupture calculée sur la base d’un temps plein.

L’avocat de la société forme un pourvoi en cassation en invoquant l’atteinte au principe de


sécurité juridique, et l’atteinte excessive et injustifiée au droit de l’employeur au respect de
ses biens.
La CC° balaye l’argument et estime que l’application des règles du droit commun (CDI à
temps plein), en cas de non-respect par l’employeur des règles permettant le recours à un
contrat dérogatoire, est conforme au principe de prévisibilité de la règle de droit et que
l’obligation pour l’employeur de supporter les conséquences financières de la situation illicite
ne peut constituer une atteinte aux biens.

La CC° considère que, même lorsqu’il existe dans la convention collective ou l’accord collectif une
liste des emplois précis pour lesquels le recours au contrat de travail intermittent est possible, le juge
n’est pas lié par cette liste et elle estime de ce fait, qu’en toute hypothèse il lui appartient de vérifier
que l’emploi sur lequel porte le contrat de travail intermittent est bien un emploi qui comporte par
nature, une alternance de période de travail et d’inactivité.

Dans les entreprises où il n’existe pas de convention collective ou d’accord collectif étendu, s’il n’y a
pas d’accord d’entreprise, l’employeur ne peut pas recourir au contrat de travail intermittent. De ce
fait, l’employeur pourra recourir au CDD ou au contrat de travail temporaire. Cependant, un autre
risque apparait : si cet emploi est lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, le juge
pourrait considérer que le recours au CDD a eu pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à
l’activité normale et permanente.

§2. Formation et exécution du contrat

40
Là encore, la conclusion du contrat de travail intermittent suppose le respect d’un formalisme
impératif dont l’inobservation est susceptible d’entrainer la requalification du contrat de travail en
contrat de droit commun, c’est-à-dire en contrat de travail à temps plein.

C’est l’article L3123-34 CT qui énumère les différentes mentions que doit comporter le contrat de
travail intermittent :
- Doit être écrit
- La qualification professionnelle du salarié
- La rémunération
- La durée annuelle minimum de travail
- Les périodes travaillées
- La répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes d’activités.

Là encore, la loi ne précise pas la sanction du défaut de ces mentions, et c’est donc la jurisprudence
qui est venue combler ce vide. La CC° fait une distinction selon la nature des mentions : elle estime
que certaines mentions présentent un caractère essentiel et à défaut, emportent une présomption
irréfragable de contrat à temps plein. En revanche, d’autres mentions sont considérées comme
n’ayant pas ce caractère essentiel et vont donc entrainer une présomption simple de contrat à temps
plein.

Les mentions jugées comme ayant un caractère essentiel sont celles relatives aux périodes de
travail : la chambre sociale considère que cette mention des périodes travaillées participe de la
nature même du contrat de travail intermittent et qu’elle a un caractère essentiel dans la mesure
où elle constitue le gage d’une prévisibilité pour le salarié : CC° 25 mai 2016.

Toutefois, la loi prévoit que dans certains secteurs déterminés par décret la nature de l’activité ne
permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au
sein de ces périodes. Le texte précise que dans cette hypothèse, la convention collective doit alors
déterminer les adaptations nécessaires et notamment, les conditions dans lesquelles le salarié peut
refuser les dates et les horaires de travail qui vont être proposées.
Aujourd’hui, un seul secteur professionnel est visé par décret : spectacle vivant enregistré  article
D3123-4 CT.

S’agissant des autres mentions, la jurisprudence adopte une position plus souple puisqu’elle estime
que l’omission de ces mentions n’entraine qu’une présomption simple de contrat à temps complet.
Présomption qui peut donc être renversée si l’employeur rapporte la preuve d’une durée minimum
annuelle convenue et de la connaissance par le salarié des jours et des heures auxquelles il devait
assurer une activité et du fait qu’il n’était donc pas dans l’obligation de se tenir constamment à la
disposition de l’employeur.

La CC° rappelle également que le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui doit
mentionner la durée annuelle minimum de travail ainsi que les périodes de travail et la répartition
des heures de travail à l’intérieur de ces périodes. Elle précise toutefois que les dispositions relatives
au contrat de travail à temps partiel et notamment celles qui prévoient que le contrat doit

41
mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle et la répartition de la durée du travail entre les
jours de la semaine ou entre les semaines du mois, ne sont pas applicables au contrat de travail
intermittent. De ce fait, le salarié ne peut pas se prévaloir des règles du contrat de travail à temps
partiel pour demander la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à
temps plein : CC° 30 septembre 2020.

Le salarié recruté par contrat de travail intermittent peut être amené à effectuer des heures qui vont
au-delà de la durée annuelle minimum de travail qui a été convenue. Mais dans ce cas, la loi prévoit
une limite maximum égale au tiers de la durée annuelle prévue sauf accord du salarié. Se pose alors
la question de savoir si l’on bascule dans le régime des heures supplémentaires ? La jurisprudence a
été amenée à répondre à cette question et la Cour rappelle que le contrat de travail intermittent ne
constitue pas en soi, une annualisation du temps de travail qui autoriserait l’employeur à ne
décompter les heures supplémentaires qu’au-delà de la durée annuelle légale qui est de 1607h.
La conséquence est que les heures supplémentaires doivent donc être décomptées par semaine
travaillée sous-réserve de dispositions légales ou conventionnelles contraire. Donc, dès lors que le
salarié accomplit des heures au-delà de la durée annuelle minimum prévue au contrat, ces heures
doivent être payées en heure supplémentaire si au cours d’une même semaine la durée légale
hebdomadaire ou conventionnelle, est dépassée. Il importe peu qu’au cours de la semaine suivante,
le salarié ait effectué un volume d’heure inférieur à la durée légale.

Il arrive également que le salarié n’effectue jamais au cours des périodes de travail, l’équivalent d’un
temps plein. Dans l’hypothèse où l’employeur augmente son temps de travail tout en restant de deçà
de la durée hebdomadaire de la durée conventionnelle, le salarié peut-il se prévaloir des règles
applicables au contrat de travail partiel pour les heures supplémentaires ? La CC° répond par la
négative et rappelle que contrat de travail intermittent et à temps partiel sont deux contrats distincts
qui obéissent à des régimes distincts, et que de ce fait, le salarié ne peut pas se prévaloir du régime
des heures complémentaires : CC° 31 janvier 2012.

CHAPITRE 2. LES CLAUSES PARTICULIERES

L’activité d’entreprise peut parfois justifier la nécessité d’anticiper les évolutions et de s’assurer
notamment, de la mobilité géographique de ses salariés ou du moins d’une catégorie d’entre eux.
L’employeur est en droit de compter sur une certaine mobilité relative de ses salariés, mais lorsque
l’activité nécessite un besoin de mobilité plus important, il pourra alors conclure une clause
particulière lui permettant de répondre aux besoins de l’entreprise et à son organisation : clause de
mobilité.

Par ailleurs, il arrive également que l’entreprise ait une activité qui présente un caractère fortement
concurrentiel ou hautement confidentiel qui justifie que l’employeur envisage de se prémunir contre

42
la concurrence éventuelle d’anciens salariés afin de protéger les intérêts de l’entreprise. Pour
satisfaire à ce besoin de protection, les parties peuvent décider de conclure un engagement
particulier que l’on désigne sous l’expression de « clause de non-concurrence ».

SECTION 1 : La clause de mobilité

De manière générale et en l’absence même de toute clause de mobilité, l’employeur est en principe
en mesure de pouvoir compter sur une certaine mobilité géographique de ses salariés.

La jurisprudence considère en effet que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail n’a
qu’une simple valeur informative sauf clause claire et précise stipulant que l’exécution du travail se
fera en un lieu exclusif : CC° 3 juin 2003.

Il en résulte que l’employeur, sur le fondement de son pouvoir de direction, se voit reconnaitre la
faculté de déplacer le lieu de travail à l’intérieur d’un même secteur géographique. Dans une telle
hypothèse, l’accord du salarié n’est pas requis puisque ce déplacement ne constitue pas une
modification du contrat de travail mais s’analyse en un simple changement des conditions de travail.
De ce fait, le refus du salarié peut s’analyser en un acte d’insubordination justifiant une sanction
disciplinaire voire même un licenciement pour faute.

La jurisprudence ne donne pas de définition exacte de la notion de secteur géographique mais la CC°
rappelle que le juge doit se livrer à une appréciation objective en prenant en compte différents
critères :
- La distance séparant les deux sites de travail
- L’existence de voie de communication entre les deux sites
- Les moyens de transports disponibles
- La notion de bassin d’emploi.

A l’inverse, une mutation dans un lieu qui est situé en dehors du secteur géographique où le salarié
exécute habituellement son travail, caractérise une modification du contrat de travail ne pouvant pas
être imposée unilatéralement par l’employeur : ce dernier doit obtenir l’accord express du salarié et
le refus ne pourra pas justifier un motif de licenciement.

La jurisprudence admet deux exceptions au principe de refus du salarié de modifier le lieu de travail
en dehors du même secteur géographique :
- Déplacement occasionnel du lieu de travail qui est motivé par l’intérêt de l’entreprise et
qui est justifié par des circonstances exceptionnelles : la Cour subordonne cette exception à
la condition que le salarié ait été préalablement informé dans un délai raisonnable du
caractère temporaire de son affectation et de sa durée prévisible  CC° 3 février 2010.
- La spécificité des fonctions du salarié implique en elles-mêmes une certaine mobilité, et
dès lors que la mission confiée au salarié est justifiée par l’intérêt de l’entreprise : CC° 22
janvier 2003.

43
En dehors de ces deux exceptions, lorsque l’employeur souhaite se ménager, la faculté de déplacer le
lieu de travail au-delà du même secteur géographique sans avoir à recueillir préalablement l’accord
du salarié, doit conclure une clause de mobilité.

La clause de mobilité est la stipulation par laquelle le salarié s’engage par avance à accepter le
déplacement durable de son lieu de travail en dehors du même secteur géographique où il travaille
habituellement. Dès lors que le salarié s’est engagé à cette mobilité, toute mutation qui s’inscrit dans
la zone de mobilité prévue par la clause ne constitue pas une modification du contrat de travail
puisque le salarié s’est engagé par avance à accepter le déplacement. Donc, si le salarié refuse de se
conformer à la décision de mutation, on peut invoquer un manquement à son obligation
contractuelle susceptible de constituer un licenciement disciplinaire.

La clause de mobilité permet donc d’envisager la mutation éventuelle du salarié sur un autre lieu de
travail fixe. Cette clause ne doit pas être confondue avec la clause de mission qui prévoit l’obligation
pour le salarié d’aller effectuer des missions pour l’exécution de sa prestation de travail.

Cette clause doit être rédigée de manière et précise, elle peut avoir été envisagée dès l’embauche du
salarié, et dans cette hypothèse elle sera alors inscrite dans le contrat de travail lui-même.
Cependant, il peut arriver que l’évolution de l’activité de l’entreprise ou des fonctions du salarié
justifie qu’une certaine mobilité soit désormais prévue : l’employeur et le salarié peuvent alors
convenir d’organiser cette nouvelle mobilité.

Il arrive parfois que la convention collective de branche prévoit expressément à la charge des salariés
où une catégorie de salariés, une obligation de mobilité. Quid de l’opposabilité au salarié de cette
clause de mobilité conventionnelle : la jurisprudence est venue apporter des précisions. En effet, la
CC° rappelle que la convention collective est opposable au salarié et dès lors, même en l’absence de
stipulation dans le contrat de travail, la clause de mobilité prévue par la convention collective est
susceptible de s’appliquer au salarié, sous réserve toutefois de satisfaire 3 conditions :
- La clause doit se suffire à elle-même : la mise en œuvre de la clause de mobilité prévue par la
convention collective ne doit pas être subordonnée à l’existence d’une clause relais stipulée
dans le contrat de travail ou un accord préalable du salarié ;
- La clause doit être suffisamment précise : elle doit prévoir la zone de mobilité géographique ;
- Le salarié doit avoir été informé de l’existence de la convention et mis en mesure d’en
prendre connaissance au moment de son embauche : la preuve de cette connaissance
incombe à l’employeur. Une convention collective qui entrerait en vigueur postérieurement
à l’embauche du salarié ne peut imposer au salarié une obligation de mobilité qui n’a pas été
initialement prévue par le contrat de travail. Exception à ce principe : accord performant
collectif.

Enfin, il peut arriver que le règlement intérieur de l’entreprise prévoie une clause de mobilité
géographique : elle sera inopposable au salarié parce que cette clause est étrangère au contenu du
règlement intérieur. La jurisprudence considère que quand bien même le salarié a signé le règlement
intérieur lors de son embauche n’a aucune incidence puisque la signature du salarié ne vaut pas
contractualisation de la clause de mobilité.

44
5/11/20

§1- Les conditions de validité

La jurisprudence pose le principe que la clause doit définir de façon précise sa zone géographique
d’application et ne doit pas conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la
portée. A défaut d’une telle précision, la clause est nulle et est inopposable au salarié parce qu’on se
trouve en présence d’une clause purement potestative dont l’étendu dépend de la volonté de
l’employeur.

 CC° 7 juin 2006 : salarié embauché en qualité d’attaché de direction et son contrat stipulait la
clause que « La nature commerciale de votre fonction implique la mobilité géographique de
votre poste dans la zone d’activité de l’entreprise et qu’il pourra être étendu ne cas
d’extension d’activité ». Cette clause a été jugée nulle et inopposable au salarié.
 CC° 13 mai 2015 : la clause stipulait que la mutation qui pourrait intervenir « dans tout
établissement de l’entreprise ou sur l’ensemble des régions où l’entreprise exerce ou exercera
son activité ». Là encore, il n’y a pas de zone précise délimitée donc la clause est nulle.

L’exigence de délimitation de la zone de mobilité n’implique pas néanmoins, une désignation


précise des lieux d’affectations.
 CC° 9 juillet 2014 : La cour admet que la mention du « territoire français » est parfaitement
valable quand bien même cette mention viserait non seulement, les établissements existant
au moment de la conclusion de la clause mais aussi ceux à venir.
 CC° : clause de mobilité est valable lorsqu’elle vise la France entière.

Dans ces espèces, le salarié est considéré comme en mesure d’apprécier la portée de son
engagement puisqu’en définitive, il accepte par avance sa mutation dans l’ensemble des
établissements situés sur le territoire français.

 La mention territoire français comprend-elle les DOMTOM ?

Dans l’arrêt de 2014, le salarié invoquait le fait que la mention territoire français n’était pas assez
précis. Les juges ont rappelé que la clause de mobilité doit être interprétée de manière stricte donc
ont considéré que le territoire français s’entend du territoire continental et de ses îles proches, donc
ne comprend pas les DOMTOM.

Quand il y a une clause de mobilité, la jurisprudence admet néanmoins qu’une mutation


occasionnelle au-delà de la zone de mobilité prévue par la clause peut être imposée au salarié sous-
réserve toutefois que cette affectation temporaire réponde aux trois conditions à savoir :
- Intérêt de l’entreprise
- Circonstance exceptionnelle
- Information préalable du salarié.

 La clause de mobilité suppose-t-elle une contrepartie pécuniaire ?

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Pour l’heure, la jurisprudence n’exige pas de contrepartie pécuniaire comme condition de validité,
contrairement à ce qui était posé par la CC° pour la clause de non-concurrence.

On peut néanmoins s’interroger sur la nécessité de solliciter l’article 1171 CC. Cet article répute non-
écrite, au sein d’un contrat d’adhésion, toute clause qui créé un déséquilibre significatif entre les
droits et les obligations des parties. Cela sous-réserve d’admettre que le contrat de travail puisse
être qualifié de contrat d’adhésion.
On peut considérer que la clause de mobilité non-assortie d’une contrepartie pécuniaire peut être
analysée comme créant un réel déséquilibre entre les parties. Dans cette hypothèse, le juge pourrait
sur ce fondement la déclarer inopposable.

En revanche, le salarié ne pourrait pas invoquer une atteinte à une liberté fondamentale parce que la
CC° a posé le principe qu’une mutation géographique ne porte pas atteinte au libre choix du
domicile : CC° 28 mars 2006.

Par ailleurs, la jurisprudence condamne les clauses de mobilité qui entrainent un changement
d’employeur, c’est ce que l’on appelle les clauses de mobilité intragroupe, c’est-à-dire une clause de
mobilité par laquelle le salarié s’est engagé par avance à accepter sa mutation dans une autre société
du groupe.
La CC° pose le principe de la nullité de ces clauses parce que le transfert du salarié dans cette
hypothèse va entrainer le transfert de son contrat de travail à un autre employeur. Or, le transfert
d’un contrat de travail suppose l’accord express du salarié sauf si on se trouve dans l’hypothèse
prévue par l’article L1224-1 CT, c’est-à-dire en présence d’un transfert d’entreprise. La Cour
considère que le salarié ne peut pas renoncer par avance à refuser le transfert de son contrat de
travail dans des hypothèses qui n’entrent pas dans le champ d’application de cet article.
 CC° 23 septembre 2009
 Confirmation CC° 16 février 2012
 Confirmation CC° 19 mai 2016.

§2-La mise en œuvre de la clause

Lorsque la clause répond aux conditions de validité (écrite, délimitation de sa zone d’application), sa
mise en œuvre par l’employeur ne constitue pas une modification du contrat de travail puisque le
salarié s’est engagé par avance à accepter la mutation dans cette zone géographique de mobilité, et
donc l’employeur qui opère une mutation par application de cette clause ne modifie pas le contrat.

Le refus du salarié constitue alors un manquement à son obligation contractuelle qui est
susceptible de caractériser une faute grave justifiant un licenciement immédiat et sans indemnité :
CC° Assemblée plénière 23 octobre 2015.
La chambre sociale adopte néanmoins une position plus nuancée et estime que le refus du salarié de
sa mutation décidée en application d’une clause de mobilité constitue un motif légitime de
licenciement mais ne caractérise pas nécessairement une faute grave rendant impossible la
poursuite des relations de travail (pendant le temps limité du préavis) et donc, il appartient à
l’employeur de démontrer l’existence d’une faute grave.

46
En revanche, il peut arriver que la clause de mobilité entraine dans sa mise en œuvre, la
modification d’un élément essentiel du contrat de travail. Dans cette hypothèse, le salarié peut
légitimement refuser la mutation en raison de l’effet produit par sa mutation sur un élément
essentiel de son contrat de travail : exemple, la mutation géographique qui implique le passage d’un
horaire de jour à un horaire de nuit.
 CC° 14 octobre 2008.

Par ailleurs, autre difficulté de la mise en œuvre de cette clause : la clause est assortie d’une clause
de résidence qui impose au salarié l’obligation de résider à proximité de ce nouveau lieu de travail.
Ici, la CC° y voit une restriction apportée à la liberté de choix du domicile. Elle rappelle sur le
fondement de l’article L1221-1 CT que cette atteinte à une liberté fondamentale doit être justifiée
par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
Pour que cette obligation de résidence soit légitime, il appartient à l’employeur de démontrer que
cette obligation de résidence est justifiée par les fonctions du salarié et par la nature de l’activité
d’entreprise, mais également qu’elle est indispensable à la protection des intérêts de l’entreprise.
A défaut, cette clause ne pourrait être imposée au salarié car considérée comme portant une atteinte
injustifiée et disproportionnée au libre choix du domicile.
 CC° 12 janvier 1999.

Ici encore, joue un principe général rappelé par l’article L1222-1 CT qui est l’exécution de bonne foi.
La jurisprudence n’avait pas attendu que le législateur vienne insérer dans le CT ce principe,
puisqu’elle avait toujours posé ce principe sur le fondement des règles du droit civil. Il en résulte que
la clause de mobilité ne peut pas être détournée de sa finalité. La jurisprudence pose à l’égard de
l’employeur, une présomption de bonne foi contractuelle, et il appartient donc au salarié de
rapporter la preuve du détournement par l’employeur de sa finalité.

Ceci étant, lorsqu’on dit que la clause de mobilité ne doit pas être détournée de sa finalité ne signifie
pas que l’employeur ne puisse pas utiliser cette clause à des fins disciplinaires. La CC° admet la
possibilité pour l’employeur d’utiliser la clause de mobilité à des fins disciplinaires, c’est-à-dire de
prononcer à titre de sanction disciplinaire une mutation qui s’inscrit dans la zone géographique
prévue par la clause de mobilité. La Cour considère que la mise en œuvre de la clause ne répond pas
à des conditions étrangères de l’entreprise.

Par ailleurs, la jurisprudence rappelle que la mise en œuvre ne doit pas se faire dans des conditions
caractérisant un abus. Ici, c’est principalement la question du délai de prévenance qui est mis en
exergue, c’est-à-dire que la jurisprudence considère que l’employeur doit respecter un délai
raisonnable de prévenance pour permettre au salarié de s’organiser pour rejoindre son nouveau lieu
de travail.
 CC° 4 mars 2020 : sauf à ce que la convention collective prévoit un délai précis, la notion de
délai raisonnable est laissée à l’appréciation des juges du fond.
 CC0 18 mai 1999

 Indépendamment de tout abus commis par l’employeur, le salarié peut-il légitimement


refuser de rejoindre sa nouvelle affectation en invoquant des répercussions qu’aurait cette
mutation sur sa vie personne et familiale ?

47
Avant 2008, la jurisprudence considérait que l’impact de la mutation sur la vie personnelle et
familiale du salarié permettait seulement d’atténuer la gravité du comportement du salarié ayant
refusé de rejoindre son nouveau lieu de travail. Autrement dit, la CC° estimait que les juges
pouvaient ne pas retenir l’existence d’une faute grave lorsqu’était relevé un impact important de
la mutation sur la vie familiale et personne du salarié. Néanmoins, le refus du salarié était de nature
à justifier le licenciement.

La chambre sociale a fait évoluer sa position. Depuis un arrêt du 14 octobre 2008, elle admet que le
salarié peut invoquer l’atteinte portée à son droit à une vie personnelle et familiale pour s’opposer à
la mise en œuvre elle-même, de la clause de mobilité. La Cour se place sur le fondement de l’article
L1121-1 CT. La CC° rappelle que lorsque le salarié invoque cette atteinte, le juge doit effectivement
vérifier si la mise en œuvre de la clause de mobilité est de nature à porter atteinte au droit du
salarié d’une vie personnelle et familiale. S’il y a atteinte, l’employeur doit alors démontrer que
cette atteinte est non seulement justifiée par la nature de la tâche à accomplir mais qu’elle est en
outre, proportionnée au but recherché. En pratique, l’employeur doit démontrer qu’il n’a pas
d’autres moyens pour répondre aux nécessités de l’entreprise que de muter ce salarié. A défaut, le
refus du salarié de rejoindre son nouveau lieu de travail sera considéré comme légitime et son
licenciement fondé sur ce refus serait jugé sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu’il n’y a pas de clause de mobilité, l’employeur ne peut pas imposer au salarié une mutation en
dehors du secteur habituel de l’entreprise. Cependant, on trouve une exception selon laquelle
l’entreprise a conclu un accord de performance collective (APC). Cet APC est prévu à l’article L2254-2
CT qui prévoit que, pour répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de
préserver ou de développer l’emploi, l’entreprise peut négocier et conclure un APC qui détermine
notamment les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Le texte précise que les stipulations de cet APC se substituent de plein droit aux clauses contraires
et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et
de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise. Ce texte déroge au principe selon
lequel, seules les dispositions plus favorables au salarié d’un accord collectif peuvent se substituer
aux clauses du contrat de travail. Autrement dit, un APC pourrait prévoir une zone de mobilité
géographique qui s’impose désormais au salarié voire même une zone de mobilité plus étendue
que celle prévue par la clause de mobilité : dans cette hypothèse, la mobilité géographique prévue
par l’APC vient se substituer à la zone géographique prévue par la clause contractuelle.

La loi prévoit toutefois que le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant
de l’application de l’accord. Dans ce cas, l’employeur dispose d’un délai de 2 mois pour engager une
procédure de licenciement. Le texte renvoi aux dispositions relatives à la procédure de licenciement
pour motif personnel. Le législateur dit qu’il faut appliquer la procédure de licenciement pour motif
personnel. Cependant, ce licenciement repose sur « un motif spécifique qui constitue une cause
réelle et sérieuse ». En définitive, on se trouve en présence d’un licenciement sui generis, donc d’un
licenciement par détermination de la loi. Le salarié ne peut pas contester la validité de son
licenciement.

48
SECTION 2 : La clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence est également un contrat spécial permettant à l’entreprise de protéger


ses intérêts et répond aux besoins liés à l’activité elle-même de l’entreprise. Autrement dit, cette
clause permet à l’entreprise de se protéger, prémunir contre une éventuelle concurrence de la part
de ses anciens salariés.

De l’existence du contrat de travail, découle une obligation qui est inhérente à la qualité de salarié
qui est une obligation de loyauté qui implique l’interdiction, pendant toute la durée des relations de
travail, de concurrencer l’employeur. Mais, lorsque les relations de travail prennent fin, cette
obligation de non-concurrence disparait, et le salarié va retrouver son entière liberté professionnelle
et, de ce fait, rien ne lui interdit d’aller se faire embaucher auprès d’une entreprise concurrente ou
même, de créer une entreprise concurrente à celle de son ancien employeur. La seule réserve est
que le salarié ne doit pas commettre des actes de concurrence déloyale.

De plus, il peut arriver qu’eu égard à la nature de l’entreprise que l’employeur estime nécessaire de
protéger l’entreprise contre une concurrence de ses anciens salariés après la rupture de leur contrat
de travail. Pour répondre à cette nécessité, l’employeur va proposer aux salariés de conclure une
convention particulière qui est une « clause de non-concurrence ». En vertu de cette clause, le salarié
va demeurer lié par une obligation de non-concurrence à l’égard de l’entreprise, après la rupture des
relations de travail. De ce fait, le salarié va s’interdire de s’embaucher auprès d’un concurrent ou de
créer une activité concurrente à celle de son ancien employeur.

Par ailleurs, cette clause non doit pas être confondue avec d’autres clauses particulières, pouvant
être voisines telles que :
- Clause d’exclusivité : c’est celle qui interdit au salarié d’exercer une autre activité
professionnelle en parallèle de son activité salariée ou qui en subordonne l’exercice à une
autorisation préalable de l’employeur. La CC° subordonne la validité de la clause d’exclusivité
à une condition identique à celle de la clause de non-concurrence, qui est la condition de
légitimité.
Ici, il y a deux éléments essentiels qui la différencie de la clause de non-concurrence :
 Elle vise toute autre activité professionnelle du salarié ;
 Elle joue pendant le déroulement des relations de travail.

La jurisprudence déclare illicite la clause d’exclusivité dans les contrats de travail à temps
partiel car elle aurait pour conséquence d’interdire au salarié d’exercer une activité à temps
plein : la Cour y voit une atteinte injustifiée à la liberté du travail.

- Clause de non-sollicitation : elle impose aux clients de l’entreprise de ne pas recourir aux
services d’anciens salariés de l’entreprise. La CC° a été amenée à rappeler que cette clause
de non-sollicitation ne constitue pas une clause de non-concurrence et qu’elle n’en n’est ni
une variante ni une précision : CC° 11 juillet 2006. En pratique, même si cette clause n’est
pas imposée aux salariés mais aux clients, cette clause peut avoir un effet indirect sur la
liberté professionnelle des anciens salariés puisque toute prospection de leur part sera

49
vouée à l’échec car les clients s’engagent à ne pas solliciter les anciens salariés de
l’entreprise.
Néanmoins, la chambre sociale a reconnu au salarié la possibilité d’obtenir le versement de
dommages et intérêts par son ancien employeur, s’il établit que cette clause lui a causé un
préjudice : CC° 2 mars 2011.
Attention, la clause de non-démarchage qui interdit au salarié après la rupture de son contrat
de travail, de démarcher les clients de son ancien employeur est une clause de non-
concurrence : CC° 26 novembre 2011.

- Clause de confidentialité ou de secret : elles interdisent au salarié de divulguer, non


seulement pendant la durée des relations de travail mais aussi après la rupture, à des tiers
des informations confidentielles dont il a connaissance à l’occasion de ses fonctions. Ces
clauses ne sont pas soumises au régime de la clause de non-concurrence et ne sont pas
subordonnées au versement d’une compensation pécuniaire.
Dans le même sens, la clause de propriété intellectuelle qui stipule que le salarié s’engage
pendant et après la rupture des relations de travail à ne déposer aucun brevet pour des
créations inventées pendant l’exécution de son contrat de travail ne s’analyse pas d’avantage
comme une clause de non-concurrence mais se borne à rappeler le régime légal qui
s’applique aux inventions de salariés : CC° 3 mai 2018.

12/11/20

§1 : les conditions de validité

La clause doit être constatée par écrit. La clause est inscrite dans le contrat de travail mais il peut
arriver qu’elle soit convenue au cours de l’exécution du contrat. La JP considère que c’est une
modification du contrat de travail qui doit être expressément accepté par le salarié.

La convention collective peut contenir cette clause :

- elle peut juste préciser les conditions de cette clause mais ne l’impose pas. Dans ce cas la il faut
une clause relais dans le contrat de travail soit un avenant.

- la convention collective impose cette clause pour une catégorie précise de salariés. C’est le cas
pour les ingénieurs. La JP rappelle que cette clause de non concurrence prévue de manière
impérative par la convention collective est de plein droit applicable au salarié mais en cas de
contestation sur son inopposabilité, il appartiendra à l’employeur de rapporter la preuve que le
salarié a été informé au moment de l’embauche de l’existence de la convention collective
applicable et qu’il a été mis en mesure d’en prendre connaissance au moment de l’embauche.

Lorsque la convention collective comporte des dispositions concernant la clause de non concurrence,
le contrat de travail ne peut y déroger que dans un sens plus favorable.
La JP considère que lorsque la convention collective prévoit une clause de non concurrence
impérative pour une catégorie de salarié, les salariés qui appartiennent à une autre catégorie ne

50
peuvent pas se voir opposer une clause de non concurrence qui serait stipulé dans leur contrat de
travail.
Lorsque la convention collective est muette les parties sont libres à condition que cette clause
réponde aux conditions de validités.

c’est la chambre sociale de la Cour de Cassation qui pose ces conditions. La JP énonce « qu’une
clause de non concurrence, n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts
légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, quelle tient compte des
spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié
une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ».
Ce principe a été posé par 3 arrêts en date du 10 juillet 2002 n°99-43334.

La première condition est la légitimité de cette clause, la CC dit que la clause doit être indispensable
à la protection des intérêts légitime de l’entreprise. Cette condition a été posée pour la première fois
dans un arrêt de 1992, arrêt du laveur de vitre, le juge doit opérer un contrôle sur le caractère
légitime et vérifier que cette clause est indispensable.
Le juge va contrôler cette légitimité en prenant en considération différents critères, il prend en
compte l’activité de l’entreprise ( si elle est en concurrence, la nature de l’emploi ) technique du
faisceau d’indices. Les juges vont considérer que la clause de non concurrence sera légitime s’il
apparait que le passage du salarié à la concurrence serait de nature à créer pour l’entreprise un
risque supérieur à celui découlant du jeu normal de la concurrence et donc entrainer un réel
préjudice pour l’entreprise.

La clause est légitime quand il apparait que le salarié a pu a l’occasion de ses fonctions soit acquérir
un savoir faire spécifique à l’entreprise soit détenir des informations stratégiques ou bien encore s’il
a été en contact direct avec la clientèle et que dans ce cas l’entreprise peut craindre que son départ
entraine un déplacement spontané de la clientèle.

La clause doit être limitée à la fois dans le temps et l’espace. L’étendue géographique varie
généralement en fonction de l’activité de l’entreprise et selon les fonctions du salarié. Il a été admis
qu’une clause de non concurrence puisse s’étendre à tout le territoire de l’UE ou celui de plusieurs
continent. En tout hypothèse le périmètre de l’interdiction doit être déterminé ou déterminable.
Ce principe signifie que le salarié doit être en mesure de connaitre l’étendue exacte de son
engagement. On se demande si cette clause est valable si elle vise les secteurs géographiques ou le
salarié a travaillé ? À partir du moment ou les secteurs sont déterminés, l'étendue géographique est
déterminable.
La CC considère qu’a partir du moment ou la zone de mobilité géographique est déterminée et bien
l’interdiction de périmètre de non concurrence est déterminable et donc la clause n’est pas
purement potestatif CC 26 septembre 2018 n°17-16.020.

La CC reconnait néanmoins au juge du fond le pouvoir de réduire l’étendue géographique de la


clause s’il estime celle-ci excessive ou bien de ramener cette étendue à celle prévue par la
convention collective. Sauf dans l’hypothèse ou le salarié demande la nullité de la clause.

51
Elle doit être limitée dans le temps, ca varie entre 6 mois et 4 ans . Ce sont les juges qui vont
apprécier le caractère raisonnable de ce délai. On constate en pratique que les limitations spatiales
et temporelles sont inversement proportionnelles. Plus l’étendue géographique est importante plus
la durée est courte.

La 3ème condition, la CC rappelle que la clause doit tenir compte des spécificités de l’emploi du
salarié. Ca signifie que la clause doit déterminer l’activité interdite. La CC rappelle que la clause de
non concurrence doit être interprétée de manière stricte et quelle ne peut être étendue au delà de
ses prévisions. En tout hypothèse la clause ne doit pas porter une atteinte excessive à la liberté du
travailleur, le juge doit vérifier que la clause n'aboutit pas en définitive à priver le salarié pendant
toute la durée de l’interdiction de la possibilité d’exercer la profession qui est la sienne et à cet
égard, les juges vont se livrer à une appréciation in concreto. Ils vont prendre en considération
différents critères notamment la qualification professionnelle du salarié, ses compétences, ses
diplômes, son âge mais également son expérience pro.

4ème condition, c’est une contrepartie financière que l’employeur doit verser au salarié. Cette
condition a été posée tardivement par les 3 arrêts du 10 juillet 2002. Ces 3 arrêts ont constitué un
revirement de JP car avant la CC ne posait pas cette exigence de contrepartie pécuniaire. Or par ces 3
arrêts, la CC va désormais poser cette nouvelle condition en précisant que cette contrepartie a pour
objet d’indemniser le salarié qui après la rupture du contrat de travail est tenu d’une obligation qui
limite ses possibilités d’exercer un autre emploi.
Ce revirement illustre les conséquences attachées au principe de la rétroactivité en droit social.
La CC dans un arrêt du 17 décembre 2004, la CC va rejeter l’argument de sécurité juridique et
justifie cette exigence par « l’impérieuse nécessité d’assurer la sauvegarde et l’effectivité de la
liberté fondamentale d’exercer une activité professionnelle »
Cette contrepartie est une condition de validité et la JP rappelle que son attribution ne saurait
dépendre du mode de rupture du contrat de travail ou du licenciement.
La contrepartie est fixée librement et est déterminée en fonction du salaire, la JP rappelle qu’une
contrepartie d’un montant dérisoire sera déclarée nulle.

Cette contrepartie est indépendante du préjudice réellement subit par le salarié et elle ne peut pas
varier. Elle doit être versée soit en totalité soit sous la forme d’une rémunération mensuelle qui sera
versé pendant la durée de l’interdiction.

Lorsqu’une des conditions n’est pas remplie, la clause risque la nullité, une nullité relative. En
conséquence la JP pose le principe que seul le salarié peut demander la nullité de la clause de non
concurrence. Mais en définitif le salarié dispose d’une option, il peut demander au juge de déclarer
la nullité mais il peut aussi demander au juge l’exécution forcée et le paiement prévu.

En cas de contentieux, de la clause de non concurrence relève de la compétence des juridictions


prud’homales.
Lorsque le caractère illicite résulte de l’absence de contrepartie pécuniaire, le juge des référés peut
être saisi afin de prononcer une mesure pour faire cesser ce trouble manifestement illicite. Il peut
prononcer l’inopposabilité de la clause. CC 25 mai 2005, permet au juge de suspendre l’application
de la clause avec un caractère manifestement illicite.

52
Si la nullité est prononcée par le juge en raison de l’absence de contrepartie et que le salarié a
néanmoins exécuté ou commencé d’exécuter, il peut alors prétendre à des dommages et intérêts en
réparation du préjudice subit mais en revanche, la CC rappelle de manière constante au juge du fond
qu’il n’a pas le pouvoir de fixer la contrepartie pécuniaire.
Antérieurement la JP avait posé le principe selon lequel que la simple mention dans le contrat de
travail d’une clause de non concurrence causait nécessairement un préjudice ouvrant à des
dommages et intérêts. Mais la JP a abandonné cette solution et elle pose depuis un arrêt du 25 mai
2016, le principe qu’il appartient au salarié de rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice subit
du fait de cette mention.

§2 : l’entrée en vigueur de la clause

La clause de non concurrence prend effet après la rupture des relations de travail. Quelque soit le
motif de la rupture elle jouera sauf si les parties ont expressément exclu son application dans
certaines hypothèses particulières.
Même si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, cette situation est sans incidence sur
l’application de la clause.
La clause prend effet au jour du départ effectif du salarié et il importe peu que le salarié ait été
dispensé par l’employeur d’exécuter le préavis. Dans cette hypothèse le salarié va cumuler
l’indemnité compensatrice et l’indemnité pécuniaire.
La CC estime, que puisque la clause ne prend effet qu’après la rupture du contrat de travail, il en
découle une corrélation nécéssaire entre la rupture des relations de travail et la contrepartie
pécuniaire. Elle estime donc que le paiement de cette contrepartie ne peut pas intervenir avant la
rupture des relations du contrat de travail.
En cas de paiement anticipé de cette contrepartie pécuniaire, la CC considère que le salarié pourra se
prévaloir de la nullité de la clause qui sera considérée comme dépourvue de contrepartie pécuniaire
CC 7 mars 2007.

La JP considère que cette contrepartie pécuniaire à la nature juridique d’un salaire parce qu’elle
constitue la contrepartie de l’exécution par l’ancien salarié de son obligation de non concurrence et
qu’elle est indépendante du préjudice réellement subit par le salarié.
La cour estime que même si le salarié a immédiatement retrouvé un emploi, la contrepartie doit lui
être versée dès lors que l’obligation de non concurrence est respectée.
Elle a également considéré que la contrepartie doit être versée dès lors qu’il respecte la clause de
non concurrence quand bien même le salarié a été déclaré inapte à tout emploi par le médecin du
travail.

En cas de non paiement, le salarié peut invoquer l’exception d’inexécution et donc va être libéré de
l’engagement. Ou il peut demander l’exécution forcée.

§3 : la faculté de renonciation

La JP reconnait sous certaines conditions, la possibilité à l’employeur de renoncer au bénéfice de la


clause. Mais comment reconnaitre que la clause est indispensable, puis y renoncer ?

53
On considère que l’employeur est seul juge. Mais depuis que la clause de non concurrence est
assortie d’une contrepartie pécuniaire et bien la JP considère qu’elle est conclue finalement non pas
dans le seul intérêt de l’employeur mais dans l’intérêt des des 2 parties. La CC subordonne la
renonciation unilatérale par l’employeur au bénéfice de la clause à la condition impérative que cette
faculté ait été expressément prévue par la clause. À défaut l’employeur ne pourra pas renoncer
unilatéralement, il devra obtenir l’accord expresse du salarié.
Si la convention collective comporte des stipulations relatives à la clause de non concurrence mais ne
prévoit pas la faculté de renonciation par l’employeur et bien l’employeur ne peut pas inscrire cette
faculté dans le contrat de travail.
Lorsque la faculté de renonciation est prévue, la clause doit en principe fixer le délai dans lequel doit
intervenir la renonciation et à défaut de délai précis, la renonciation doit intervenir au moment du
licenciement cad à l’expiration du préavis et en cas de rupture à l’initiative du salarié, dans un délai
raisonnable à compter de la date à laquelle l’employeur a été informé de cette démission.

La CC considère que l’employeur ne peut pas sauf stipulation contraire renoncer de manière
anticipée à la clause avant la rupture du contrat CC 11 mars 2015.
La renonciation ne doit pas être équivoque. La mention « libre de tout engagement » ne vaut pas
renonciation.

§4 : La violation de la clause

Le principe est que la violation par le salarié de la clause, même si elle n’a été que d’une courte
durée, entraine la perte de la contrepartie pécuniaire et peut reconduire à la condamnation en
paiement envers l’employeur à des dommages et intérêts.
La CC précise que pour apprécier s’il y a violation de la clause, il faut examiner les fonctions
effectivement exercer par le salarié, sans s’arrêter à leurs dénomination. Il appartient à l’employeur
de rapporter la preuve de la violation de la clause.

En cas de violation par le salarié. L’employeur peut saisir le juge des référés afin qu’il ordonne sous
astreinte au salarié de cesser l’activité illicite. Mais en revanche la CC précise que ni le juge des
référés ni le juge principale ne peuvent à la demande d’un tiers prononcer la résiliation judiciaire du
contrat de travail ou ordonner au nouvel employeur de procéder au licenciement du salarié CC 18
novembre 2009.

Le juge peut refuser de prononcer la nullité et retenir une violation caractérisé s’il relève que l’acte
de concurrence s’inscrit dans des limites ayant un caractère raisonnable, CC 17 mai 2000.

19/11/20
PARTIE 2. LES CLAUSES ET CONTRATS AU SERVICE DE L’EMPLOI

Suite

L’article L6111-1 CT pose le principe que « La formation professionnelle, tout au long de la vie,
constitue une obligation nationale. Elle doit permettre à chaque personne d’acquérir et d’actualiser

54
des connaissances et des compétences pour favoriser son évolution professionnelle et
progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle ».

Les salariés disposent donc d’un droit d’accès à des actions de formation professionnelle mais le droit
du travail met à la charge de l’employeur une obligation de formation. A cet égard, l’article L6321-1
CT dispose que « L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au
maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l’évolution des emplois, des
technologies et des organisations ».

A la lecture de ce texte, deux obligations pèsent sur l’employeur :

- Adaptation des salariés à leur poste : la JP considère que c’est une obligation
synallagmatique, c’est-à-dire que l’employeur doit assurer au salarié la formation nécessaire,
mais réciproquement le salarié est tenu de suivre la formation qui est nécessaire pour lui
permettre de s’adapter. En cas de refus du salarié, il serait considéré comme fautif
susceptible de justifier un licenciement : CC° 7 avril 2004. C’est une obligation de moyen car
il peut arriver que le salarié ne parvienne pas à s’adapter : le salarié peut être licencié sur le
fondement d’une insuffisance (motif légitime de licenciement n’ayant pas de caractère fautif)
ou inaptitude professionnelle.

- Obligation d’employabilité : la JP est venue préciser que l’employeur peut voir sa


responsabilité engagée par le salarié et donc être condamné à des dommages et intérêts en
cas de non-respect de cette obligation. la CC° précise que l’employeur ne pourra pas dégager
sa responsabilité en invoquant le fait que le salarié n’a jamais émis lui-même une demande
de formation. Dans le cadre de cette obligation, l’article L6321-7 précise que le refus du
salarié de participer à des actions de formation, de développement des compétences qui
seraient proposées par l’employeur, ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.
 CC° 18 juin 2014, confirmé par un arrêt du 15 juillet 2018 : salarié de faible qualification
employé pendant des années par un employeur, et avait été quantoné à des tâches très
matérielles. L’employeur a été condamné pour n’avoir jamais proposé à ses salariés des
actions de formation.

Par ailleurs, des politiques d’emploi conduisent à l’émergence de différents dispositifs et au gré de
ces changements, de nouveaux dispositifs apparaissent alors que d’autres étaient supprimés. Depuis
2018, les différents contrats aidés ont été transformés en un seul dispositif que l’on appelle le
« parcours emploi-compétence » qui, désormais s’inscrit dans le cadre d’un contrat de travail bien
particulier, qui est le contrat unique d’insertion.

TITRE 1. LES CLAUSES ET CONTRATS RELATIFS A LA FORMATION PROFESSIONNELLE

CHAPITRE 1 : LA CLAUSE DE DEDIT FORMATION

Les employeurs sont tenus d’une obligation légale leur imposant de participer au financement de la
formation professionnelle. A cet égard, les employeurs doivent verser une contribution à ce
financement qui est assise sur le revenu d’activité de l’entreprise, et le taux de participation varie

55
en fonction de l’effectif de l’entreprise. Au-delà de cette obligation légale, l’employeur peut décider
de prendre l’engagement particulier d’une formation spécifique envers un salarié, et qui va générer
des dépenses importantes ainsi que des frais élevés.

Dans certains secteurs professionnels, on constate que les emplois exigent une technicité élevée ou
des compétences spécialisées devant être actualisées en permanence. Dans ce cas, l’employeur va à
être amené à proposer aux salariés des formations particulières représentant un investissement
financier important pour l’entreprise : dans ce cas, il est fréquent que l’employeur décide alors de se
ménager « un retour sur investissement » en concluant avec le salarié, une convention que l’on
appelle « une clause de dédit formation ».

Cette clause de dédit formation peut être définie comme la convention par laquelle le salarié
s’engage à suivre une formation financée par l’employeur et en contrepartie de cette formation
reçue, à demeurer au service de l’entreprise pendant un temps déterminé. En cas de départ anticipé,
le salarié devra alors verser à l’employeur une somme (=dédit) qui est destinée à rembourser les frais
de formation engagés par entreprise.

Par cette clause, le salarié se trouve débiteur d’une obligation de fidélité à l’égard de l’entreprise.
cette clause est une pratique qui s’est développée dans certains secteurs professionnels, notamment
dans les transports et plus particulièrement dans le transport aérien, mais également dans le secteur
médical…

Aucun encadrement légal n’est prévu pour ces clauses, et la jurisprudence en reconnait la licéité,
mais la validité de ces clauses est subordonnée à plusieurs conditions.

SECTION 1 : Les conditions de validité

La clause de dédit formation apporte une restriction au droit du salarié de mettre fin aux relations de
travail, et constitue de ce fait une entrave à la liberté du travail. Conformément au principe général
posé à l’article L1121-1 CT, cette atteinte doit être :
- Justifiée : il doit s’agir d’une formation qualifiante, c’est-à-dire qui va déboucher sur
l’acquisition d’une qualification professionnelle et une qualification devant être pertinente
au regard des intérêts de l’entreprise.
- Proportionnée : la JP pose différentes conditions au regard du montant du dédit : de forme
et de fond.

§1. Les exigences de forme

1ère exigence : un écrit, et la plupart du temps la clause de dédit est inscrite dans le contrat de travail
et est prévue au moment de l’embauche du salarié. Mais, il arrive aussi que cette action de formation
soit décidée en cours de l’exécution du contrat, et dans ce cas, les parties vont conclure une
convention distincte. En toute hypothèse, la jurisprudence pose une exigence qui est celle de la
conclusion de la clause avant le commencement de la formation, à défaut la clause de dédit
formation sera inopposable au salarié et l’employeur ne pourra pas réclamer le versement du dédit
en cas de départ anticipé.

56
2ème exigence : la convention doit préciser la date, la nature, la durée et le coût réel de la formation
pour l’entreprise. De plus, elle doit indiquer la durée de période de fidélité ainsi que les modalités du
paiement de la somme mise à la charge du salarié en cas de départ prématuré. Là encore, à défaut
de mentionner ces précisions, la clause est nulle : CC° 16 mai 2007 ; CC° 9 février 2010.

La jurisprudence prohibe ce que l’on appelle les « clauses cadres », c’est-à-dire les clauses qui ont un
caractère général et potestatif et qui vont se contenter de mentionner que le salarié est tenu de
suivre les formations décidées par l’employeur et de demeurer en contrepartie, au service de
l’entreprise pendant une durée variable dépendant du coût de la formation ou à défaut, de
rembourser à l’employeur les frais de formation engagés.

De la même manière, même si la convention collective applicable à l’entreprise peut prévoir une
clause de dédit formation à l’égard d’une certaine catégorie de travailleur, il faudra que le salarié et
l’employeur signent une convention particulière prévoyant la mise en œuvre de cette clause.

3ème exigence : la clause doit viser une formation précise et indiquer les modalités d’exécution. De
plus, elle doit préciser le montant des frais de formation engagé car en cas de contestation, cela
permet au juge de vérifier le caractère proportionné du dédit mis à la charge du salarié en cas de
départ anticipé. Il faut que ce soit un montant exact, et à défaut la jurisprudence sanctionne
également par la nullité de la clause.
 CC° 16 mai 2017 : relatif à une clause de dédit formation conclue avec un pilote d’avion, et
la clause se bornait à mentionner qu’en cas de départ anticipé, le salarié s’engageait à
rembourser prorata temporis, les frais de stage dont il avait bénéficié. La cour a jugé que
cette clause était imprécise et donc pas valable, et inopposable au salarié.

§2. Les conditions de fond

C’est un arrêt du 17 juillet 1991 relatif à la société Fidal, que la chambre sociale a posé le principe
que « Les clauses de dédit formation sont licites dans la mesure où elles constituent la contrepartie
d’un engagement pris par l’employeur d’assurer une formation entrainant des frais réels au-delà des
dépenses imposées par la loi ou la convention collective et où elles n’ont pas pour effet de priver le
salarié de la faculté de démissionner ».

La jurisprudence est ensuite venue préciser que le montant de l’indemnité de dédit doit être
proportionné aux frais de formation engagés.

Il en résulte donc 3 conditions de validités rappelées notamment par un arrêt du 5 juin 2002 :

- Les frais de formation réellement engagés par l’employeur doivent être supérieur aux frais
de formation normale :

Le juge vérifiera que le coût de la formation dépasse ce cout normal de formation, et doit vérifier que
ce coût est réellement supérieur. Autrement dit, le juge va vérifier les dépenses engagées par
l’employeur. A cet égard, les droits d’inscription à la formation, les frais qui vont être occasionnés
vont entrer dans le coût de la formation.

57
 L’employeur peut-il intégrer la rémunération qu’il verse au salarié pendant le temps de la
formation ?

L’arrêt du 7 juin 2011 porte un premier élément de réponse : dans cette affaire, un salarié avait
demandé à son employeur de lui financer une formation particulière lui permettant de développer
ses compétences. L’employeur avait fait droit à la demande du salarié et lui avait financé cette
formation. Le salarié avait ensuite saisi les juridictions prud’homales pour demander le paiement de
sa rémunération pendant l’exécution de la formation. La Cour considère que dans la mesure où la
formation avait été réalisée non pas à la demande de l’employeur mais à celle du salarié, le temps
passé à cette formation ne pouvait pas s’analyser comme du temps de travail effectif et donc,
n’ouvrait pas droit au salarié à rémunération pendant sa réalisation. A contrario, si l’employeur
avait maintenu le salaire de l’intéressé pendant le temps de la formation, il aurait pu intégrer la
rémunération.

CC° 23 octobre 2013 : La Cour a retenu la nullité de la clause de dédit formation qui prévoyait en cas
de départ anticipé des salariés, une indemnité de dédit qui comprenait le remboursement des
salaires versés pendant la période de formation. La Cour retient la nullité de clause en soulevant
d’office un moyen tiré de la règle posée à l’article L6321-2 CT qui précise que « Toute action de
formation suivie par un salarié pour assurer son adaptation au poste de travail constitue un temps de
travail effectif et donne lieu, pendant sa réalisation, au maintien par l’entreprise de la
rémunération ».

Cet arrêt pose une solution qui n’est pas en contradiction avec celle de 2011 puisqu’on voit deux
situations distinctes : 1er arrêt, formation était demandée par le salarié lui-même et on considère
qu’il est légitime que l’employeur ne soit pas tenu d’assurer la rémunération et le maintien du salarié
mais en revanche, dans le 2ème arrêt, la formation était proposée à la demande de l’employeur donc
la durée passée par les salariés doit s’analyser comme étant un temps de travail effectif.

La loi du 5 septembre 2018 est venue élargir le domaine d’application des paiements des salaires
puisque désormais, l’article L6326-1 CT pose le principe que « Toute action de formation est
considérée comme constituant un temps de travail effectif et doit donner lieu, pendant sa réalisation,
au maintien par l’entreprise de la rémunération ». Donc, que l’on se situe dans le cadre d’une
formation liée à l’adaptation du salarié à son poste de travail, le texte pose le principe du maintien
par l’entreprise de la rémunération. Toutefois, l’article L1326-1 CT prévoit néanmoins que des
actions de formations peuvent se dérouler en dehors du temps de travail mais dans la limite d’un
volume horaire annuel.

Dans la mesure où la jurisprudence pose l’exigence d’une obligation d’employabilité, est-il légitime
de donner la possibilité aux entreprises de mettre en place une telle clause ?

Certains avancent l’idée que la licéité de la clause devrait porter non pas seulement sur le montant,
mais également sur le montant de la formation. Néanmoins, la jurisprudence ne va pas jusque-là et
considère que la clause de dédit formation est valable quel que soit l’objet de la formation, mais ce
qui va être pris en considération est le coût réel de cette formation. Dans la mesure où la formation

58
répond à l’obligation d’employabilité ou adaptation, l’employeur ne peut pas intégrer dans le
montant du cout réel, le montant des salaires versés : CC° 5 octobre 2016.

- Le montant de l’indemnité de dédit doit être proportionné au coût de la formation :


l’indemnité ne peut pas être d’un montant supérieur aux frais de formation réellement
engagés. Le dédit n’a pas la nature d’une clause pénale sanctionnant le manquement du
salarié à son obligation, et est destiné à rembourser à l’employeur les frais de formation
engagés. La CC° en déduit que ce dédit doit avoir un caractère dégressif, c’est-à-dire que le
montant que devra verser le salarié doit diminuer corrélativement avec la durée de la
période de fidélité qui a déjà été exécutée. De plus, la cour rappelle que dans la mesure où
ce dédit n’a pas la nature d’une clause pénale, le juge n’a pas le pouvoir de réviser le
montant du dédit et s’il estime que le dédit a un caractère disproportionné, il doit prononcer
la nullité de la clause.

- La clause ne doit pas priver le salarié de la faculté de démissionner : ici, est visé la période de
fidélité. Cette période est en principe fixée librement par les parties sauf dans l’hypothèse
où la convention collective prévoirait expressément cette durée. En toute hypothèse, cette
durée ne doit pas avoir un caractère excessif, et le juge va apprécier le caractère raisonnable,
proportionné de cette période de fidélité au regard de la durée de la formation assurée au
salarié et au regard du coût de la formation. En pratique, les clauses varient entre 6 mois et 3
ans. Le juge va s’attacher à regarder les conditions dans lesquelles le salarié devra payer le
dédit en cas de départ anticipé, et notamment la possibilité d’un paiement échelonné.
 Cour EDH 4 juin 2015 : la Cour a reconnu la conformité de principe de la clause de dédit
formation à la CEDH. En l’espèce, elle juge que la clause de dédit portait atteinte à l’article
4 §2 de la Convention qui condamne le travail forcé car elle a relevé que la clause
prévoyait le paiement immédiat de la totalité de la somme en cas de départ anticipé du
salarié, et en l’occurrence le montant du dédit était fixé à 100.000€. La Cour condamne
cette clause car elle considérait que la clause ne prévoyait pas la possibilité pour le salarié
d’échelonner le paiement du dédit, et que de ce fait, il y avait une atteinte
disproportionnée à la liberté du travail.

SECTION 2 : Les effets de la clause

La clause de dédit formation emporte une obligation de formation et un engagement de fidélité.

§1. L’obligation de formation

L’employeur s’engage à faire bénéficier le salarié de la formation prévue en la finançant et en


laissant au salarié le temps nécessaire pour suivre la formation. La jurisprudence reconnait
toutefois à l’employeur d’interrompre la formation du salarié en cas de force majeure ou de faute
grave du salarié.

Pendant la durée de la formation, même si le salarié n’est pas présent dans l’entreprise, il reste tenu
de son obligation de loyauté à l’égard de l’employeur : en cas de manquement commis par le salarié,
l’employeur peut interrompre la formation, et éventuellement procéder au licenciement immédiat.
En revanche, en dehors de ces hypothèses l’interruption de la formation à l’initiative de l’employeur

59
est susceptible de donner lieu au versement au salarié de dommages et intérêts en réparation du
préjudice subi. Réciproquement, le salarié est tenu de suivre la formation qui a été convenue, et dans
l’hypothèse où il cesse la formation, il commet un manquement à ses obligations susceptible de
justifier la rupture du contrat de travail.

§2. L’engagement de fidélité

La clause de dédit formation prévoit une période de fidélité et pendant cette période le salarié
s’engage, après la formation, à demeurer au service de l’entreprise. L’employeur est seul créancier
de cette obligation, et peut donc à tout moment y renoncer et libérer le salarié de son engagement,
c’est-à-dire qu’il peut licencier le salarié, et ce dernier ne peut pas invoquer cette période de fidélité
pour s’imposer contre le licenciement.

En cas de démission, le salarié devra en principe verser à l’employeur le dédit prévu. Il faut ici
distinguer entre initiative de la rupture et imputabilité. La jurisprudence estime que la clause de
dédit formation ne peut produire effet lorsque la rupture du contrat de travail, à l’initiative du
salarié, est imputable à un comportement fautif de l’employeur.

La question se pose de savoir : si on distingue initiative de la rupture et imputabilité, le salarié doit-


il être tenu au paiement du dédit lorsque la rupture du contrat de travail s’est faite à l’initiative de
l’employeur mais en raison d’un comportement gravement fautif du salarié empêchant la
poursuite des relations de travail ?

 Dans un arrêt du 10 mai 2012, la Cour a considéré que le salarié licencié pour faute lourde
ne pouvait être tenu de verser le dédit dès lors que la clause de dédit formation stipulait
au contrat « N’était pas applicable en cas de rupture à l’initiative de l’employeur ». L’arrêt
est rendu au visa de l’ancien article 1134 du CC qui posait le principe de la force obligatoire
du contrat.

CHAPITRE 2. LES CONTRATS DE FORMATION EN ALTERNANCE

60
Ces contrats s’inscrivent dans le cadre de la formation professionnelle puisqu’ils ont pour objet
l’acquisition de compétence professionnelle aux moyens d’une formation qualifiante. Mais ici, la
formation va être réalisée en alternance, c’est-à-dire qu’elle compote à la fois des enseignements
théoriques et l’exécution d’une prestation de travail rémunérée et qui est en lien direct avec la
formation théorique dispensée. A l’issue de cette formation, le salarié est titulaire d’une qualification
certifiée.

SECTION 1 : Le contrat d’apprentissage

Ce contrat est issu de l’ancien régime où l’apprentissage était développé au sein des corporations.
Aujourd’hui, on constate que le contrat d’apprentissage peut être conclu dans tous les secteurs
professionnels y compris dans le secteur tertiaire.

Pour lutter contre le chômage des jeunes, les pouvoirs publics ont souhaité développer et
encourager le recours à l’apprentissage. La loi du 5 septembre 2018 a opéré une réforme importante
destinée à favoriser la conclusion de ces contrats en facilitant les modes de conclusion mais aussi les
conditions de la rupture.

L’article L6221-1 CT défini le contrat d’apprentissage comme un contrat de travail de type particulier
conclu entre un apprenti ou son représentant légal et un employeur.

Par ce contrat, l’employeur s’engage à verser un salaire à l’apprenti et à lui assurer une formation
professionnelle qui est dispensée pour partie en entreprise, et pour partie en contre de formation
théorique. En contrepartie, l’apprenti s’engage à travailler pour l’employeur pendant la durée du
contrat et à suivre en parallèle la formation théorique.

§1. La formation du contrat

L’article L6222-1 CT énonce que le contrat d’apprentissage peut être conclu avec un jeune âgé d’au
moins 16 ans révolu ou d’au moins 15 ans s’il justifie avoir accompli la scolarité du premier cycle de
l’enseignement secondaire. Une limite d’âge est fixée à 29 ans, mais plusieurs dérogations sont
prévues puisque l’on peut aller au-delà pour les handicapés, les sportifs de haut niveau.

Ce contrat doit être écrit et doit comporter des clauses et mentions obligatoires. En toute hypothèse,
il doit être signé avant le commencement d’exécution du travail par l’apprenti et en principe au plus
tard, dans les 3 mois qui suivent le début de sa formation théorique. La jurisprudence sanctionne
l’absence d’écrit par la nullité du contrat, et non pas la requalification en CDI.

Le contrat d’apprentissage peut être conclu pour une durée limitée mais aussi pour une durée
indéterminée :
- S’il est à durée limitée : il va être conclu pour une durée correspondant à celle du cycle de
formation qui prépare à la qualification qui est l’objet du contrat. La loi prévoit qu’il peut être
prolongé d’1 an au plus, en cas d’échec à l’obtention du titre du diplôme.
- S’il est à durée indéterminée : ce CDI va débuter par une période d’apprentissage ayant une
durée égale à celle du cycle de formation. Cette période obéira aux mêmes règles que le

61
contrat d’apprentissage à durée limitée. Cependant, lorsque nous sommes dans un CDI, une
fois la période d’apprentissage écoulée et le diplôme obtenu, son contrat se poursuit dans
les conditions du droit commun.

Pour faciliter le recrutement d’apprenti et inciter les employeurs à embaucher les jeunes, le
législateur a allégé les conditions encadrant la conclusion du contrat :
- Suppression d’une formalité, jugée essentielle par la jurisprudence, qui est celle de
l’enregistrement. Désormais, le contrat doit faire l’objet d’un simple dépôt.
- Mentions devant figurer dans le contrat : il doit désormais mentionner le montant du
salaire, le nom et la date de naissance du maître d’apprentissage (chef d’entreprise soit un
salarié, mais la loi précise qu’il doit être volontaire, majeur et offrir toute garantie de
moralité). Enfin, il doit comporter une attestation de l’employeur concernant les
compétences professionnelles du maitre d’apprentissage.

§2. L’exécution du contrat

Ce contrat comporte en alternance une formation pratique et une formation théorique. A cet égard,
il emporte des obligations à la charge de l’employeur mais aussi à la charge de l’apprenti :

- Employeur : l’article L6223-3 CT dispose que « L’employeur assure dans l’entreprise la


formation pratique de l’apprenti et lui confie des tâches ou des postes permettant d’exécuter
des opérations ou travaux conformes à une profession annuelle qui est définie par accord
entre le centre de formation et les représentants des entreprises qui inscrivent des apprentis
dans ce centre ».

Il est interdit de faire exécuter à un apprenti des travaux dangereux pour sa santé et sa
sécurité, et le travail de nuit et le dimanche sont interdits pour les apprentis mineurs. Si
l’employeur fait exécuter à l’apprenti des travaux qui dépassent son niveau de compétence
ou qui sont étrangers à la formation, engage sa responsabilité à l’égard de l’apprenti mais
encoure en outre, des sanctions pénales.

Par un arrêt du 12 février 2013, la CC° a jugé que le contrat d’apprentissage doit être
requalifié en CDI lorsque l’employeur n’a pas satisfait à son obligation de formation, et que le
contrat a été détourné de son objet. Ici, la Cour applique la distinction entre requalification-
sanction et requalification-interprétation reposant sur le principe selon lequel, il appartient
au juge de restituer au contrat sa véritable nature. Dans ce cas, on se situe dans le cadre
d’une requalification-interprétation car les juges ont constaté que l’apprenti exécutait son
travail dans les mêmes conditions que le salarié ordinaire, qu’il était affecté aux mêmes
travaux et qu’il n’avait bénéficié d’aucune formation. De ce fait, le contrat s’analysait en un
CDI de droit commun et non pas en contrat d’apprentissage.

- Apprenti : il a l’obligation d’exécuter le travail au sein de l’entreprise et de suivre en parallèle


la formation théorique prévue. Le temps de travail effectif de l’apprenti s’entend non
seulement du temps travaillé dans l’entreprise, mais aussi le temps consacré à la formation
théorique. De plus, il est tenu se présenter aux épreuves du diplôme ou du titre prévu par le

62
contrat. A cet égard, la loi prévoit que l’apprenti a droit pour la préparation des épreuves, à
un congé minimum de 5 jours ouvrables avec maintien du salaire, et un congé devant être
accordé dans le mois précédant les épreuves.

L’exécution d’un tel contrat est susceptible de faire l’objet d’un contrôle de la part de
l’administration du travail. S’il apparait que l’employeur ou le maitre d’apprentissage ne respecte pas
leurs obligations, l’autorité administrative va alors adresser à l’employeur une mise en demeure de
régulariser la situation et de prendre les mesures nécessaires. A l’issue du délai laissé à l’employeur,
si aucune mesure n’a été adoptée, le Préfet peut alors prendre une décision d’opposition à
l’engagement d’apprenti et décider que le contrat d’apprentissage ne peut être mené à son terme.
Dans ce cas, le contrat d’apprentissage est automatiquement rompu mais l’employeur est alors tenu
de verser au salarié les salaires qu’il aurait perçu si le contrat était allé jusqu’au terme prévu.

La loi Avenir du 5 septembre 2018 est venue préciser que dans une telle hypothèse, le centre de
formation doit prendre les mesures nécessaires pour permettre à l’apprenti de poursuivre sa
formation théorique pendant 6 mois et qu’il doit également contribuer à lui trouver un nouvel
employeur pour achever sa formation.

A côté de cette procédure, une procédure d’urgence est prévue en cas de constatation d’un risque
sérieux d’atteinte à la santé ou à l’intégrité physique ou morale de l’apprenti. Dans cette hypothèse,
le directeur régional ordonne la suspension du contrat d’apprentissage mais avec maintien du salaire.
Si dans un délai de 15 jours, les mesures nécessaires pour faire cesser le risque n’ont pas été
adoptées, le Direct va alors refuser la reprise du travail et le contrat sera automatiquement rompu
avec l’obligation pour l’employeur de verser les salaires auxquels aurait pu prétendre l’apprenti
jusqu’au terme du contrat.

§3. La rupture du contrat

Cette rupture était très encadrée par la loi et là encore, le législateur, toujours avec cette volonté de
favoriser la conclusion de ces contrats, est venu assouplir les conditions de cette rupture. Les
nouvelles dispositions mises en place ne sont applicables qu’aux contrats d’apprentissages qui ont
été conclus après le 1er janvier 2019. Cela veut dire qu’aujourd’hui, coexistent deux régimes
juridiques distincts.

L’article L6222-18 §1 CT prévoit que le contrat d’apprentissage peut être rompu par l’une ou l’autre
des parties pendant les 45 premiers jours consécutifs ou non de formation pratique effectués dans
l’entreprise par l’apprenti. Durant cette période de 45 jours, la rupture est libre donc aucun
formalisme imposé. Cette rupture ouvre droit à aucune indemnité pour l’apprenti sauf stipulation
conventionnelle contraire, mais la rupture doit être signalée au centre de formation.

La jurisprudence vient préciser que la rupture à l’initiative de l’employeur doit être portée par écrit à
la connaissance de l’apprenti, et à défaut elle considère que la rupture est abusive et que le salarié
peut prétendre au versement d’une indemnité couvrant les salaires qu’il aurait perçu si le contrat
serait allé à son terme.

63
S’il est établi que la rupture repose sur un motif discriminatoire, le juge pourra prononcer la nullité
de cette rupture mais dans cette hypothèse, le salarié ne peut pas demander sa réintégration mais
pourra percevoir l’indemnité minimum de 6mois de salaire.

Une fois cette période expirée, le contrat d’apprentissage ne peut être rompu que dans les
conditions et pour les raisons prévues par la loi : il y a deux régimes distincts qui coexistent et qui
s’appliquent selon la date de conclusion du contrat :

26/11/20

- Régime pour les contrats conclus avant le 1 er janvier 2019 : la rupture ne peut intervenir que
soit par accord écrit, signé par les deux parties soit par décision du CPH.
 La rupture amiable du contrat d’apprentissage obéit aux règles du droit commun,
c’est-à-dire qu’elle n’est pas soumise à la procédure d’homologation prévue en
matière de rupture conventionnelle du CDI. Mais, elle doit être constatée par un
accord écrit et signé, à défaut elle sera inopposable. De plus, elle suppose une
volonté libre et éclairée des deux parties : en cas de contestation, c’est le juge qui
appréciera l’existence éventuelle d’un vice de consentement.
 La résiliation judiciaire : elle peut intervenir dans différentes hypothèses : faute
grave, manquement répété d’une partie à ces obligations ou inaptitude de l’apprenti
à exerce le métier auquel il se prépare :
-Faute grave : faute rendant impossible la poursuite des relations de travail. En cas
de faute grave commis par l’apprenti, l’employeur peut procéder à une mise à pied
conservatoire, qui n’est pas une sanction, permettant d’éloigner l’apprenti de
l’entreprise le temps d’obtenir une décision de justice. Si le juge retient la faute
grave, la mise à pied est légitime. En cas de refus de résiliation judiciaire, l’employeur
sera condamné à verser à l’apprenti le montant des salaires de la période
conservatoire.
L’apprenti peut aussi demander une résiliation judiciaire de son contrat en invoquant
la faute grave de son employeur : situation de harcèlement sexuel, moral par
exemple ou encore l’hypothèse où l’employeur ne remplit pas son obligation de
formation. En revanche, l’apprenti ne peut pas démissionner et ne peut pas prendre
acte de la rupture du contrat.

-Manquement répété d’une partie à ses obligations : le texte pose l’exigence d’une
répétition, c’est ce qui caractérise ce cas particulier. Par exemple, l’apprenti peut
arriver en retard malgré les rappels systématiques de l’employeur.

-Inaptitude de l’apprenti à exercer le métier auquel il se prépare : à l’évidence, s’il


s’agit d’une inaptitude physique constatée par le médecin du travail, la résiliation
judiciaire est légitime. L’apprenti est là pour apprendre, donc on ne peut pas lui
reprocher d’être incapable pour l’heure ou d’exécuter les tâches qui lui sont
confiées. Mais, l’apprentissage suppose une progression dans l’acquisition des
compétences et la formation, et la chambre sociale a admis dans un arrêt du 5 mai
1999 que l’échec à l’examen de 1 ère année avec interdiction de redoubler

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caractérisait une inaptitude à exercer le métier préparé et justifiait la résiliation
judiciaire du contrat.

L’article L6222-19 CT donne la possibilité à l’apprenti de mettre un terme au contrat


d’apprentissage de manière anticipée en cas d’obtention du diplôme ou du titre.
L’apprenti doit informer l’employeur par écrit au moins 1 mois avant le terme du
contrat de son intention de rompre le contrat en cas d’obtention du diplôme. La
rupture d’un tel contrat ne peut prendre effet avant le lendemain de la publication
des résultats.

- Régime pour les contrats conclus après le 1 er janvier 2019 : désormais, le recours au juge
pour prononcer la rupture est écartée. Le juge n’interviendra qu’a posteriori en cas de
contentieux. La loi Avenir maintien le délai de 45 jours pendant lequel les parties peuvent
librement mettre fin au contrat. Passé ce délai, les parties peuvent, comme par le passé,
mettre fin au contrat d’un commun accord. A défaut d’accord, la loi Avenir prévoit désormais
4 causes de rupture à l’initiative de l’employeur ainsi qu’une procédure particulière en cas de
rupture à l’initiative de l’apprenti :
-Article L6222-18 CT : force majeure. Elle se caractérise par un sinistre, à savoir un incendie,
une catastrophe naturelle mais la jurisprudence adopte une interprétation très restrictive car
elle ne l’admet que si l’évènement irrésistible, imprévisible a entrainé la destruction des
locaux de l’entreprise et une cessation durable de l’activité. Par exemple, l’épidémie de
Covid n’est pas une situation de force majeure.

-Faute grave de l’apprenti ;

-L’inaptitude de l’apprenti : le texte précise cette fois « constatée par le médecin du travail
dans les conditions prévues par la loi ». Le texte vient opportunément préciser qu’en cas
d’inaptitude physique, l’employeur n’est pas tenu d’une obligation de reclassement. De plus,
l’employeur n’est pas non plus tenu par la règle qui veut qu’il doit procéder au licenciement
du salarié déclaré inapte et dont le reclassement ne peut être effectué dans le délai d’1
mois qui suit la vie d’inaptitude. Cette règle est écartée pour l’apprenti. En cas de carence de
la part de l’employeur, l’apprenti pourrait saisir le médiateur en vue d’une rupture
unilatérale.

-Décès de l’employeur, maître d’apprentissage dans le cadre d’une entreprise


unipersonnelle : la jurisprudence considère de manière constante que le décès de
l’employeur ne constitue pas un cas de force majeure. La CC° estime que dans cette
hypothèse, les contrats de travail sont transférés aux ayants droits de l’employeur
conformément au principe posé à l’article L1224-1 CT. Cette jurisprudence aboutissait à une
impasse en présence d’entreprise unipersonnelle où l’employeur est le maître
d’apprentissage : dans cette hypothèse, les ayants droits se trouvaient dans une situation
inexplicable puisque le décès de l’employeur n’était pas considéré comme un cas de force
majeure, et étaient donc tenus de reprendre les contrats de travail, mais s’ils ne souhaitaient
pas poursuivre l’activité, en cas de rupture du contrat d’apprentissage, ils devaient alors

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payer une indemnité couvrant la totalité des salaires qui étaient dus jusqu’au terme du
contrat : CC° 14 novembre 2018.
Désormais, la loi Avenir règle cette difficulté puisqu’elle prévoit expressément que dans
l’hypothèse d’une entreprise unipersonnelle, le décès est une cause légitime de rupture du
contrat.

Bien qu’il s’agisse d’un contrat à durée limitée, la loi prévoit que la rupture anticipée d’un tel
contrat prend la forme d’un licenciement prononcé selon les modalités du licenciement pour
motif personnel ou selon les modalités du licenciement pour motif disciplinaire (L6222-18
a3).

En dehors de ces 4 hypothèses, la rupture anticipée à l’initiative de l’employeur n’est pas


autorisée. L’employeur ne pourrait pas mettre un terme de manière anticipée au contrat
d’apprentissage en invoquant un motif économique. La seule hypothèse envisagée par les
textes est celle d’une liquidation judiciaire sans maintien de l’activité ou lorsqu’il y a eu un
plan de cession qui a été agrée par le tribunal de commerce.

Sous le régime antérieur, la jurisprudence posait le principe que la rupture unilatérale du contrat
d’apprentissage était sans effet et ouvrait droit au paiement des salaires de l’apprenti jusqu’au terme
prévu du contrat. Elle considérait également que l’apprenti pouvait en outre, prétendre à des
dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi.

Que se passera-t-il en cas de rupture de l’employeur pour un motif autre que ceux visés par la loi ?
Le texte précise que la rupture doit prendre la forme d’un licenciement. Dans ce cas, application du
barème Macron en matière de licenciement. En cas de rupture en dehors des motifs prévus par la loi,
la sanction sera l’indemnisation du salarié.

La loi Avenir a également introduit un nouveau cas de rupture à l’initiative de l’employeur, qui vient
résoudre une difficulté majeure que les employeurs ont pu éprouver : cette nouvelle cause de
rupture est prévue à l’article L6222-18-1 CT, c’est l’hypothèse où le centre de formation prononce
l’exclusion définitive de l’apprenti. Dans cette hypothèse, l’employeur peut mettre fin au contrat
d’apprentissage. Mais, le texte adopte une rédaction assez curieuse car il précise que « l’employeur
peut engager une procédure de licenciement. Cette exclusion constitue la cause réelle et sérieuse du
licenciement qui est prononcée dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail
relatives au licenciement pour motif personnel ». Cette solution vient régler la question de l’incidence
de l’exclusion de l’apprenti du CFA puisque la jurisprudence refuse de manière constante d’assimiler
cette situation à un cas de force majeure.

Cet article précise toutefois que si l’employeur souhaite néanmoins conserver l’apprenti, la poursuite
du contrat est subordonnée à l’inscription de l’apprenti dans un nouveau CFA dans un délai de 2
mois à compter du prononcé de l’exclusion. A défaut de cette inscription, la poursuite des relations
de travail devra donner lieu soit à la conclusion d’un CDI soit lorsque le contrat d’apprentissage a été
conclu sous la forme d’un CDI avec période d’apprentissage, il faudra un avenant qui mettra fin à
cette période d’apprentissage.

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S’agissant de l’apprenti, la loi autorise la rupture anticipée à l’initiative de ce dernier en plus de
l’hypothèse de l’obtention du diplôme. Cette rupture anticipée suppose non seulement le respect
d’un préavis, mais surtout elle est subordonnée à l’avis favorable d’un médiateur qui doit tenter
préalablement de concilier les parties et à défaut, les amener à une rupture amiable. Ici, la loi
n’enferme pas cette rupture dans des cas expressément visés. En réalité, ce caractère justifié de la
rupture anticipée relève de l’appréciation du médiateur. Le texte précise que l’apprenti doit
informer l’employeur dans un délai minimum de 5 jours calendaires, à compter de la saisine du
médiateur, de son intention de rompre le contrat d’apprentissage.

Quelle est la sanction de la rupture unilatérale du contrat par l’apprenti sans respect de cette
procédure ? Sous l’empire des textes anciens, la jurisprudence posait le principe que l’apprenti ne
pouvait pas démissionner et qu’il appartenait à l’employeur, en cas d’absence injustifiée ou de
départ anticipé, de demander au juge de prononcer la résiliation judiciaire du contrat pour faute
grave : CC° 23 septembre 2008.

En cas de rupture anticipée du contrat d’apprentissage, la loi impose désormais au CFA de prendre
les mesures nécessaires pour permettre à l’apprenti de poursuivre sa formation théorique pendant 6
mois et de contribuer à lui trouver un nouvel employeur. Lorsque le contrat d’apprentissage s’est
déroulé normalement et qu’il arrive à son terme, la poursuite des relations de travail peut se faire
soit dans le cadre d’un CDI soit d’un CDD, mais en toute hypothèse, le contrat ne peut pas stipuler
une période d’essai. Si on est dans l’hypothèse d’un CDI avec période d’apprentissage, à l’arrivée du
terme, les relations se poursuivent dans le cadre de ce CDI.

La loi prévoit toutefois à l’issue du contrat, la faculté pour les parties de conclure un nouveau contrat
d’apprentissage en vue de la préparation d’un diplôme ou d’un titre visant à l’obtention d’une
qualification différente. Ici, il n’y a aucun délai de carence imposé par les textes.

SECTION 2 : Le contrat de professionnalisation

Ce contrat est le deuxième type de dispositif d’alternance prévu par la loi et est règlementé aux
articles L6325-1 et suivants CT.

La loi Avenir a rapproché les régimes juridiques du contrat d’apprentissage et du contrat de


professionnalisation mais n’est pas allée jusqu’à opérer une fusion de ces deux dispositifs
d’alternance.

Le contrat de professionnalisation a pour objet de permettre l’acquisition d’une qualification


professionnelle et de favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle. Ce dispositif s’adresse
principalement aux demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés mais peut également être conclu avec
des jeunes travailleurs.

La formation est organisée selon des modalités similaires à celles du contrat d’apprentissage à savoir
une alternance entre des périodes d’enseignements généraux, professionnels et technologiques et
des périodes d’acquisition d’un savoir-faire par l’exercice d’une activité professionnelle
correspondant à la qualification visée.

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§1- Champ d’application et objet

Côté employeur, ce contrat peut être conclu par tous les employeurs assujettis au financement de la
formation professionnelle continue sans condition d’effectif. Sont donc exclus l’Etat, les collectivités
locales et les établissements publics administratifs. Comme en matière d’apprentissage, la loi pose
un principe de gratuité, c’est-à-dire que les organismes de formation ne peuvent pas conditionner
l’inscription du salarié au versement par l’employeur d’une contribution de quelle que nature que ce
soit.

Côté bénéficiaire, ce contrat peut être conclu par :


- Des jeunes âgés de 16 à 25 ans afin de compléter leur formation initiale.
- Des demandeurs d’emplois âgés de 26 ans et plus ;
- Certaines catégories particulières : personnes en situation de précarité, les adultes
handicapés et les personnes qui ont préalablement bénéficié d’un contrat aidé.

Ce contrat a un champ d’application plus large que le contrat d’apprentissage parce qu’il peut être
conclu en vue de l’acquisition soit, d’une qualification professionnelle enregistrée au RNCP
(Répertoire national des certifications professionnelles), soit en vue de l’acquisition d’une
qualification reconnue dans les classifications d’une convention collective nationale de branche ou
ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle de branche ou interbranche.

Ce contrat permet de répondre aux besoins de main d’œuvre spécifique des entreprises appartenant
à des secteurs professionnels qui ont leur propre qualification ou certification.

Par le biais de ce contrat, l’employeur s’engage à assurer au salarié la formation pratique lui
permettant d’acquérir la qualification visée, et à lui fournir un emploi en relation avec cet objectif. De
plus, l’employeur doit désigner un tuteur chargé de l’accompagnement du salarié et en contrepartie
de la formation, ce dernier s’engage aussi à travailler pour le compte de l’employeur donc à exécuter
les tâches confiées et à suivre la formation prévue.

§2-La formation du contrat

Sa formation obéit à un formalisme impératif : il doit être rédigé par écrit, signé par les deux parties.
Comme pour le contrat d’apprentissage, ce contrat peut être à durée déterminée ou indéterminée (il
va débuter par une période d’action de professionnalisation).

Lorsqu’il est conclu à durée déterminée, la loi précise qu’il est conclu en application de l’article
L1242-3 CT.

La durée du contrat varie en fonction du niveau de formation et des exigences inhérentes à la


qualification professionnelle visée, mais la loi prévoit une durée minimum de 6 mois. En principe, la
durée maximum est fixée à 12 mois mais peut être portée jusqu’à 36 mois dans certaines
hypothèses et notamment pour les personnes qui sont sorties du système éducatif sans aucune
qualification.

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Lorsqu’il est à durée déterminée, il peut être renouvelé une fois si le bénéficiaire a obtenu la
qualification visée et prépare une qualification supérieure ou complémentaire. De plus, il peut être
renouvelé si la qualification n’a pas été obtenue soit en raison de l’échec à l’examen, soit en raison
de la maternité, d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, mais encore en raison
d’une défaillance de l’organisme de formation.

Ce contrat ouvre droit à l’employeur à une aide financière de l’Etat, et les dépenses de formation
sont prises en charge par l’organisme qui collecte les fonds de la formation professionnelle
continue. A ce titre, l’employeur doit adresser à cet organisme (OPCA= organisme paritaire collecteur
agrée), au plus tard dans les 5 jours qui suivent le début d’exécution du contrat, le contrat de
professionnalisation signé avec le salarié, ainsi qu’un document annexé au contrat et qui vient
préciser les objectifs, le programme, les modalités d’organisation, d’évaluation et de sanction de la
formation : article D6325-1 CT.
L’organisme dispose d’un délai de 20 jours pour prendre sa décision, à défaut de réponse la prise en
charge est réputée acquise de manière tacite. Mais, l’organisme peut refuser la prise en charge s’il
constate que le contrat comporte des stipulations contraires aux dispositions légales ou
conventionnelles. En cas de refus de prise en charge, le contrat conclu ne peut pas recevoir la
qualification de contrat de professionnalisation, et l’administration précise que les relations de travail
se poursuivent dans le cadre du droit commun.

La CC° a été amenée à se prononcer à propos des anciens de contrats de qualification et avait jugé
qu’à défaut d’enregistrement par l’administration du travail, ce contrat ne pouvait pas produire effet
mais conservait néanmoins sa nature de CDI et la Cour avait rappelé qu’à partir du moment où on est
dans l’hypothèse d’un CDD, seul le salarié peut demander la requalification de son contrat en CDI.
Elle en déduit donc que puisqu’on est en présence d’un CDD, le salarié avait la possibilité de
demander la requalification-sanction : CC° 9 avril 1996.

§3. L’exécution du contrat

Durant le contrat, le bénéficiaire est un salarié de l’entreprise et à ce titre, il doit bénéficier des
dispositions légales et conventionnelles applicables aux autres salariés de l’entreprise dès lors que
ces dispositions ne sont pas incompatibles avec l’objet du contrat.

Le temps consacré aux enseignements théoriques est comptabilisé dans la durée du travail. Les
salariés âgés de 26 ans et plus doivent percevoir une rémunération qui ne peut être inférieure au
SMIC, et pour les autres, ils perçoivent un salaire à un pourcentage du SMIC et qui varie en fonction
de l’âge du salarié.

Pendant l’exécution du contrat, l’employeur doit assurer au salarié une réelle formation pratique et
les travaux confiés par l’employeur doivent être en relation avec la qualification professionnelle
visée.

En ce qui concerne la rupture du contrat, puisqu’il s’agit d’un CDD, dans cette hypothèse il peut être
rompu avant l’échéance du terme que pour les causes prévues par les textes relatifs au CDD, c’est-à-
dire accord des parties, faute grave, inaptitude du salarié ou force majeure. A cet égard, la loi Avenir

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n’a pas prévu de rajouter en matière de contrat de professionnalisation, l’hypothèse de l’exclusion
définitive du salarié prononcée par le centre de formation. La CC° considère que l’exclusion définitive
du salarié ne caractérise pas un cas de force majeure.
 CC° 31 octobre 2012 : la Cour applique cette règle aboutissant à une impasse pour
l’employeur. En l’espèce, un contrat a été conclu et la salariée avait fait l’objet d’une
exclusion définitive mais l’employeur invoquait la force majeure car le centre de formation
était le seul à dispenser cette formation spécifique. La Cour considère que l’exclusion
définitive ne caractérisait pas un cas de force majeure.

CHAPITRE 3. LE CONTRAT UNIQUE D’INSERTION (CUI)

Jusqu’au 1er janvier 2018, il existait différents contrats aidés destinés à l’insertion de différentes
catégories de travailleurs mais ces contrats ont été jugés trop coûteux et peu efficaces et ont donc
été supprimés. Donc, depuis cette date, on a substitué à ces différents contrats un dispositif que l’on
appelle « le parcours emploi-compétence » (PEC) reposant sur un tryptique : emploi, formation et
accompagnement.

Ce PEC est destiné aux personnes les plus éloignées du marché du travail et a pour objectif l’insertion
durable dans l’emploi des personnes visées. Il s’inscrit désormais dans un seul contrat de travail
particulier : contrat unique d’insertion (CUI).
Ce CUI se subdivise en deux catégories :
- Dans le secteur non-marchand : il prend la dénomination d’un contrat d’accompagnement
dans l’emploi. On le vise sous l’acronyme CAE.
- Dans le secteur marchant : il prend la dénomination d’un contrat initiative emploi. Ce CIE a
pratiquement disparu et aujourd’hui, le recours à ce contrat n’est autorisé que dans les TOM
ou par le Conseil départemental à condition que son coût soit nul pour l’Etat.

Les CUI sont règlementés aux articles L5134-19-1 et suivants CT.

SECTION 1 : Champ d’application

Le CUI, qu’il s’agisse d’un CAE ou CIE, est destiné aux personnes sans emploi rencontrant des
difficultés sociales et professionnelles particulières d’accès à l’emploi.

Le CAE doit porter sur des emplois visant à satisfaire des besoins collectifs non-satisfaits, et il ne peut
pas être utilisé pour pourvoir des emplois dans les services de l’Etat. La conclusion du contrat ouvre
droit à une aide financière destinée à compenser les actions de formation et d’accompagnement.
Cette aide doit être demandée à avant la signature du contrat (condition de validité), et à défaut le
contrat sera requalifié.

SECTION 2 : Régime juridique

Là encore, quel que soit le type de contrat, ce CUI peut être conclu pour une :

- Durée déterminée : conclu dans le cadre de l’article 1242-3 CT. Il a une durée minimum de 6
mois et maximum d’en principe 24 mois, mais peut être portée jusqu’à 5 ans pour certaines

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catégories particulières, notamment les salariés âgés de 50 ans et plus, et les travailleurs
handicapés.
Bien qu’il s’agisse d’un CDD, la CC° admet que ces contrats peuvent être conclus pour
pourvoir durablement un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Mais,
cette dérogation à la règle générale posée par l’article L1242-1, se justifie selon la CC° par
l’objectif de ces contrats qui est d’assurer, de favoriser l’insertion durable dans l’emploi.
 CC° 10 juillet 2002 : Cour condamne un CUI conclu pour assurer un emploi de secrétaire au
sein d’une Préfecture. Pour contourner la loi, la secrétaire avait été recrutée par une
association et avait été mise à disposition de la préfecture.

- Indéterminée.

Doit être rédigé par écrit, doit comporter différentes modalités.

Pendant l’exécution du contrat, le salarié doit bénéficier d’actions de formation. Lorsque le contrat
conclu sous la forme de CDD arrive à son terme, le salarié ne peut pas prévoir un délai de précarité
mais il ne peut être rompu que selon les règles prévues en matière de CDD.

Les litiges relatifs à ces contrats relèvent de la compétence des CPH en vertu de l’article L5134-24
CT : Ces contrats sont des contrats de droit privé.

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