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UNIVERSITE DE NGAOUINDERE

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES


DEPARTEMENT DE DROIT PRIVE

DROIT DU TRAVAIL
CYCLE DE LICENCE :

LICENCE 3 Droit Privé

Enseignement dispensé par Mme le Professeur Victorine KUITCHE


Maître de Conférences-HDR

Bibliographie sélective
1- DOCKES (E), Droit du travail, coll. Hypercours, Dalloz, Paris, 2019,
2- DOUBLIES (R.), Manuel du Droit du travail du Cameroun, LGDJ, Paris, 1973.
3- PELISSIER (J), SUPPIOT (A) et JEAMMAUD (A), Droit du travail, Dalloz, Paris,
2006.
4- POUGOUE (P-G), Droit du travail et de la prévoyance sociale au Cameroun, Tome
1, Presses Universitaires du Cameroun, Yaoundé, 1988.
5- TEYSSIE (B), Droit du travail, Tome 1 et Tome 2, Litec, Paris, 2005.
6- TCHOKOMAKOUA (V) et KENFACK (P-E), Droit du travail camerounais,
Presses Universitaires d’Afrique, Yaoundé, 2000.
7- PELISSIER (J), LYON-CAEN (A), JEAMMAUD (A) et DOCKES (E), Les grands
arrêts du droit du travail, Dalloz, paris, 2018.
8- Code du Travail Camerounais Annoté, Presses Universitaires d’Afrique, Yaoundé,
1997,
9- Projet d’Acte uniforme OHADA, portant code du travail.

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INTRODUCTION
Le travail occupe dans notre société une place importante ; il faut cependant convenir avec M.
DESPAX, dans son « Que Sais-Je », que « L’histoire du travail humain ne se confond pas
avec l’histoire du droit du travail ». Car il faut attendre l’époque moderne pour voir se
développer une véritable législation sociale.
En effet, jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, le travail humain a été essentiellement régi sur la
base de rapports individuels de « maître à esclave ». A cette époque, il est impossible de
mettre en évidence une législation globale prenant en compte les droits des personnes placées
sous la subordination d’autres personnes, même si l’analyse de l’évolution historique du droit
du travail au Cameroun laisse entrevoir un cheminement progressif vers la codification et la
création d’une législation sociale.
Nous allons, dans cette introduction, retracer les notions et les finalités du droit du travail
d’une part, et ses sources d’autre part.

§1- Notions et finalités du droit du travail


1) Notions premières
D’un point de vue formel, le Droit du travail est défini comme de l’ensemble des normes
juridiques qui régissent les relations entre un employeur et un ou plusieurs salariés. Le Droit
du travail encadre notamment la formation, l’exécution et la rupture du contrat de travail. Il
garantit également le respect des libertés syndicales, le droit des grèves et des normes de
sécurité du travail, et la protection des travailleurs vulnérables.
Le Droit du travail suppose l’existence de deux partenaires sociaux que sont le travailleur et
l’employeur.
Au sens de l’article 1er al 2 du code du travail, est considéré comme « travailleur » quels que
soient son sexe, sa nationalité, toute personne qui s’est engagée à mettre son activité
professionnelle moyennant rémunération, sous la direction et l’autorité d’une personne
physique ou morale, publique ou privée, considérée comme « employeur ».
Dans cette définition il faut d’ores et déjà noter que le droit du travail…

1° - suppose un travail effectué par l'une de ces personnes (le travailleur) au profit de l'autre
(l'employeur), la prestation de travail doit être personnelle.
2° - suppose une rémunération versée en contrepartie de ce travail, le contrat de travail est un
contrat à titre onéreux.
3° - suppose, encore, que ce travail s'effectue dans le cadre d'une relation d'autorité :
l'employeur a le droit de donner des ordres et des directives au salarié, de contrôler le travail
de celui-ci et de sanctionner les manquements.

« L’employeur » quant à lui est toute personne qui crée une activité professionnelle et qui
recrute des personnes pour l’exécuter moyennant paiement d’un salaire. L’employeur n’est
pas nécessairement (comme nous le verrons un plus loin), le chef d’entreprise. C’est en
somme celui qui donne les directives et les ordres.

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Le droit du travail ne régit qu'une partie de ce que le langage courant appelle « travail ». À
plusieurs reprises, le Code du travail définit son champ d'application en ayant recours aux
termes d'« employeur » ou/et de « travailleur » qui désignent chacune des deux parties au
contrat de travail.

Les situations ne découlant pas d'un tel contrat, ne sont pas soumises au droit du travail.
Ainsi, deux catégories de travailleurs ne sont pas soumises au droit du travail ; il s’agit des :

- Travailleurs indépendants, (c’est-à-dire ceux qui exercent des activités pour leur
propre compte : commerçants, artisans, agriculteur cultivant leur propre terre, avocats,
etc.)
- agents publics.

 En l'absence de lien de subordination juridique entre le bénéficiaire de son travail et le


travailleur, ce dernier est indépendant. Son activité n'est pas régie par les règles du
droit du travail. La distinction n'est quelquefois pas facile à faire ; pour tenter de
faciliter la qualification du contrat : il a fallu instituer une présomption de non-salariat
pour les travailleurs qui ont manifesté leur volonté d'être reconnus comme
indépendant en accomplissant quelques formalités administratives.

La présomption instituée n'est qu'une présomption simple qu'il est possible de combattre en
administrant la preuve de l'existence d'un « lien de subordination juridique permanente ».

 Le droit du travail ne s'applique pas aux rapports de travail nés dans le cadre des
services publics administratifs. C'est une très vieille tradition. Pour ce qui concerne,
plus particulièrement, les services publics administratifs, les conditions de travail ne se
négocient pas de gré à gré, parce que c'est l'intérêt général qui est en jeu. C’est ce qui
explique que les conditions de travail des fonctionnaires découlent non pas d’un
contrat, mais d’un statut.

Il ressort en effet de l’art. 1er al. 3, du code du travail, que certaines catégories de travailleurs
sont exclus du champ d’application du code du travail ; il s’agit des personnes régies par :

- Le statut général de la fonction publique,


- Le statut de la magistrature,
- Le statut général des militaires,
- Le statut spécial de la sûreté nationale,
- Le statut spécial de l’administration pénitentiaire,
- Les dispositions particulières applicables aux axillaires d’administration.

Néanmoins, tous les agents des services publics ne sont pas fonctionnaires :
il arrive que les services publics à caractère administratif aient recours au contrat pour
satisfaire leurs besoins de main-d’œuvre.
Ces situations qui devraient rester exceptionnelles se développent néanmoins. Longtemps, une
distinction subtile était opérée parmi ces agents contractuels : ceux qui avaient pour mission
d'assurer le fonctionnement du service public administratif étaient considérés comme des
contractuels de droit public, leur contrat n'était pas soumis au droit du travail et les litiges en
découlant relevaient donc des juridictions administratives ; en revanche, ceux dont la tâche ne

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participait pas directement au service public administratif étaient titulaires d'un contrat de
travail de droit privé.

2) Finalités du Droit du Travail

Le droit du travail est souvent présenté comme un droit de justice sociale, destiné à protéger
les salariés contre les abus des employeurs.
La protection de la partie faible au contrat de travail (le salarié) est évidemment un des axes
majeurs de la législation sociale. Ce qui est compréhensible ; mais il n’en reste pas moins
qu’il serait excessif de faire d’elle la fonction essentielle du droit du travail. L’intérêt de
l’entreprise doit également être pris en compte.
Les finalités du droit du travail sont donc de deux ordres :
- La finalité socio-politique
- Et la finalité économique.

a) La finalité socio-politique
Le droit du travail vise à protéger le salarié, considéré comme la partie vulnérable. Pour y
parvenir, certaines mesures sont prévues notamment :
- La stabilité de l’emploi à travers l’obligation pour le nouvel employeur de maintenir le
contrat de travail en cas de changement juridique à la tête de l’entreprise ;
- L’institution des délégués du personnel qui servent de courroie de transmission entre
les salariés et l’employeur ;
- Le respect de la procédure en cas de rupture du contrat de travail (préavis, motivation,
notification, autorisation préalable de l’inspecteur du travail pour le licenciement des
délégués du personnel etc.)
- Le versement régulier des salaires des employés et des autres gratifications,
indemnités et primes etc. ;
- La protection des droits collectifs du travailleur à travers la liberté syndicale, le droit
de grève etc. ;
L’enjeu politique du droit du travail se ramène au souci de stabilité du régime politique ; en
effet la politique se sert du social pour assurer sa stabilité.

b) La finalité économique
Cet enjeu est né de l’observation des réalités économiques. Les difficultés économiques et
financières ont révélé la nécessité de protéger les entreprises elles-mêmes. En effet, à force de
protéger le salarié, le droit du travail a fini par sacrifier l’économie nationale. Alors
désormais, le salarié n’est protégé que s’il y va de la survie et de l’intérêt de l’entreprise. Le
droit du travail est désormais un « compromis » entre les différents intérêts antagonistes :
intérêts de l’employé d’un côté et ceux de l’employeur de l’autre.

§2- Les sources du droit du travail

Le droit du travail se caractérise par la grande diversité de ses sources. Si certaines sont dites
classiques, d’autres sont spécifiques à la matière. La diversité des sources nationales se
double d’une influence des sources internationales.
1) Les sources internationales
Elles proviennent pour l’essentiel de l’organisation internationale du travail. (OIT)

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L’OIT élabore des conventions internationales adoptées à la majorité des deux tiers et
affectés ensuite à la ratification des Etats membres. Ces conventions acquièrent du fait de
leurs ratifications, force obligatoire et ont dans la hiérarchie des normes juridiques, une
prééminence sur les lois internes.
On peut parler ici d’un véritable droit international du travail ; certaines conventions ayant été
ratifiées par plus de 100 pays. Parmi les plus significatives, on peut citer la convention :

 N° 29 sur le travail forcé,


 N° 87 sur la liberté syndicale et sa protection,
 N° 100 sur l’égalité de la rémunération,
 N° 138 sur l’âge minimum de travail,
 N° 159 sur les handicapés,
 Plus récemment, l’OIT a adopté le 17 juin 1999 une convention « contre le travail des
enfants ».

L’OIT utilise aussi de simples recommandations pour des textes ne recueillant pas un
consensus suffisant.
Le poids de l’OIT doit être relativisé du fait de l’absence de contrôle juridique de l’application
des normes. On considère généralement que le pouvoir de l’OIT reste essentiellement moral.

2) Les sources nationales


On retrouve ici la diversité déjà évoquée des sources du droit du travail. Les sources étatiques
se voient compléter par des solutions professionnelles.

a) Les sources étatiques

 La constitution
Ce texte fondamental édicte à travers son préambule, un certain nombre de principes
fondamentaux relatif au droit du travail. Le préambule de la constitution énonce en effet que :
«Tout homme a le droit et le devoir de travailler » ; faisant ainsi du droit au travail, un droit
fondamental de l’homme.

 La loi
La loi demeure une source essentielle du droit du travail camerounais. Le code du travail
témoigne de cette importance.
La première codification du droit du travail camerounais a eu lieu le 12 juin 1967 et remanié
par une loi du 25 novembre 1974. Une seconde opération de recodification a été réalisée par
la loi n° 92/007 du 14/08/1992.

En savoir plus : Les évolutions législatives


En droit camerounais, quatre lois portant code du travail se sont succédées dans le temps :
- la loi portant code du travail d’outre mer promulguée par décret du 15 décembre 1952,
- la loi n° 67/LF/6 du 12 juin 1967 portant code du travail,
- la loi n° 74 du 27 novembre 1967 portant code du travail,
- la loi n° 92/007 du 14 août 1992 portant code du travail.
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 Les règlements

L’importance du dispositif social réglementaire est considérable dans sa réalité. Ainsi le


Premier ministre ou le ministre du Travail disposent d’un important pouvoir réglementaire
leur permettant d’intervenir dans de nombreux domaines sociaux.

 La jurisprudence
Elle joue un rôle fondamental en droit du travail, notamment en ce qui concerne la précision
de certains concepts propres à la matière.

b) Les sources professionnelles

Il s’agit d’une spécificité de la matière ; les partenaires sociaux sont amenés à participer à la
mise en place des normes.

De fait, la loi prévoit la possibilité de négocier collectivement des conditions de travail et


d'emploi et elle fixe le régime juridique des conventions et accords collectifs de travail.

 La convention collective

La convention collective de travail est un accord écrit, conclu entre un employeur ou un


groupement d'employeurs, et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives de
salariés en vue de fixer en commun, les conditions d'emploi et de travail ainsi que les
garanties sociales. La convention collective fixe un certain régime de travail à un ensemble de
salariés. Elle est comme son nom l’indique, un acte collectif tant par sa mise en place que
dans la manifestation de ses effets.

Le caractère collectif de ces conventions introduit une certaine uniformisation dans les
relations de travail. Les conventions collectives permettent une adaptation plus grande de la
règle de droit à la diversité des situations. La convention collective est un texte qui aborde
toutes les questions relatives à la relation de travail.

Par exemple, Il n'est pas forcément opportun de soumettre les salariés de l'industrie
exactement au même régime que les salariés du secteur du commerce et des services. Par la
négociation collective de branches, les professions créent ainsi leurs propres lois.

 Les accords collectifs

Les accords collectifs permettent également d'adapter, dans certaines limites, le droit étatique
et même le droit issu des conventions de branche à la réalité particulière de chaque entreprise.
Un accord collectif n'aborde qu'une ou plusieurs questions relatives à la relation de travail.

 Le contrat individuel de travail

Ce contrat demeure une source non négligeable du droit du travail dans la mesure où il
organise les rapports entre un employeur et un salarié.

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L’objet du contrat de travail est de fixer un régime applicable aux relations des parties, tout en
créant entre elles un rapport juridique plaçant le salarié sous la subordination de l’employeur.
L’individualisme est consacré par le contrat de travail

Si dans un premier temps cette source contractuelle a pu sembler relativement simple à


appréhender, la multiplication des catégories de contrats ces dernières années, en a accru
largement la difficulté.

 Le règlement intérieur

Le règlement intérieur est un document écrit, interne à l’entreprise, ayant le caractère d’acte
unilatéral de l’employeur avec force obligatoire. Le règlement s’impose à tous les salariés de
l’entreprise sans qu’il soit nécessaire de recevoir un consentement individuel.

 Les coutumes et les usages professionnels

Les coutumes et les usages professionnels conservent en droit du travail une importance non
négligeable. Un usage existe à partir du moment où il rassemble les caractères de généralité,
de constance et de fixité. Depuis quelques années, les usages professionnels sont peu à peu
remplacés par des usages d’entreprise. Ces usages n’apparaissent pas dans le contrat de
travail, mais ils naissent du fait d’une pratique générale, constante et fixe, suivie dans une
entreprise déterminée. Mais ce type d’usage est plus fragile que les usages applicables à
l’ensemble des salariés d’une même profession.

Notons que les conventions collectives consacrent très souvent, l’usage qui consiste à
accorder au salarié la possibilité de s’absenter au cours du préavis pour rechercher un emploi.

Jurisprudence
La cour de cassation française indique que lorsqu’un treizième mois relève d’un usage et non
d’un contrat de travail, sa dénonciation ne constitue pas une modification substantielle du
contrat de travail. Cf : Ch soc., 3 déc. 1996, CFDTc/ sté SAMETO-TECHNIFIL.

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Comme les engagements unilatéraux de l'employeur, les usages constituent une source
d'obligations, mais à la différence de celles-ci, il n'y a pas de décision formelle de
l'employeur : on constate une pratique continue qui a fait naître dans l'esprit des salariés
l'attente de son renouvellement. Ces normes n'ont qu'une force inférieure à celle d'une
convention collective et n'ont qu'un caractère supplétif à la convention. La jurisprudence en
conclut que l'usage ou l'accord atypique peut être abrogé par une convention collective.

Le Droit du travail développe deux types de relations : les relations individuelles d’une part
(Première Partie), et les relations collectives d’autre part (Deuxième Partie).

POUR ALLER PLUS LOIN

L’EVOLUTION HISTORIQUE DU DROIT DU TRAVAIL AU CAMEROUN


- POUGOUE (P-G), « L’avènement du salariat au Cameroun », Le droit du travail
et la prévoyance sociale au Cameroun,Tome 1, Presses Universitaires du
Cameroun, pp 9-33. (Annexe 1)
- TCHOKOMAKOUA venant et KENFACK pierre Etienne, « Evolution du droit du
travail au Cameroun », Droit du travail camerounais, Presses Universitaires
d’Afrique, 2000, p.8. (Annexe 2.
- BORENFREUND (G.) et SOURIAC (M.-A.), « Les rapports de la loi et de la
convention collective : une mise en perspective », Dr. soc.2003, p. 72.
- MAZEAUD (A.), « Les sources du droit du travail à l’épreuve du dialogue social »,
in Mélanges Philippe JESTAZ, Dalloz 2006, p. 355.

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PREMIERE PARTIE :

LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL

Les relations individuelles de travail s’établissent avec le recrutement des travailleurs dans
l’entreprise. Il faut relever que le recrutement est le domaine le moins encadré de la carrière
du salarié. On cherche à préserver la liberté de choix de l’employeur. Celui-ci est libre de
recruter ses collaborateurs même si cette liberté peut se révéler parfois fortement
discriminatoire.

Au-delà de percevoir la réalité psychologique d’une personne, l’employeur s’efforce de cerner


le profil d’un candidat.

L’employeur peut demander à un candidat des informations, à condition que celles-ci


présentent un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé. De fait, le salarié n’est pas tenu
de communiquer des renseignements sans lien avec un poste à pourvoir.

En revanche, de fausses informations données par un candidat sur sa formation et ses


diplômes sont constitutives d’un dol entraînant la nullité du contrat de travail (pour vice de
consentement) dès lors qu’elles ont déterminés le recrutement (Cf. Cass soc 17 octobre 1995,
RJS 1995).
Il faut noter ici que le contrat de travail est considéré comme n’ayant jamais existé ; c’est ce
qui justifie que les règles de droit du travail soient écartées, notamment celles relatives à la
rupture du contrat de travail. (Exemple : le salarié a menti sur ses capacités, (dol du salarié
lors de la formation du contrat).
Si le recrutement est juridiquement encadré dans certains pays développés comme la France,
tel n’est pas encore le cas au Cameroun.

Le recrutement se concrétise par la conclusion d’un contrat de travail. (Chap 1). La relation
de travail se poursuit avec l’exécution du contrat de travail (Chap 2), cependant elle peut être
entachée d’incidents sociaux, sources des différends individuels de travail (Chap 3).

CHAPITRE 1 : LA CONCLUSION DU CONTRAT DE TRAVAIL

Le Code du travail en son art. 23 al 1, nous fournit cette définition du contrat de travail :
« Le contrat de travail est une convention par laquelle un travailleur, s'engage à mettre son
activité professionnelle sous l'autorité et la direction d’un employeur en contrepartie d’une
rémunération ». La conclusion du contrat de travail définitif peut être précédée par des étapes
préalables ; de plus, la validité d’un contrat de travail exige le respect de certaines conditions ;
et enfin les éléments nécessaires à la qualification de tout contrat de travail, et permettant de
le distinguer des contrats voisins doivent être précisés.

Section 1. Les étapes préalables à la conclusion du contrat de travail


Trois étapes peuvent précéder la conclusion du contrat de travail définitif : la période d’essai,
la période de formation et la période d’apprentissage.

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§1. La période d’engagement à l’essai
L'essai est destiné à juger des "qualités essentielles de la personne" et de son aptitude à un
poste particulier. En clair, aux termes de l’art 28 du code de travail, la période d’essai pour
but, de permettre aux parties d’examiner, si la relation de travail est en mesure de se
prolonger. Elle permet à l’employeur d’apprécier l’aptitude et les capacités du salarié, et au
salarié d’apprécier les conditions de travail et la nature des relations dans l’entreprise. L’essai
est facultatif

Il s'agit de la période qui précède l'embauche définitive du salarié et pendant laquelle le


contrat de travail peut être rompu par l'une des deux parties, sans préavis ni formalité, sans
motif et sans indemnité. Chaque partie peut rompre unilatéralement le contrat de manière
discrétionnaire. La rupture est alors immédiate et sans indemnité.

A. La durée de la période d’essai


La durée de l’essai est limitée. Le contrat d’engagement à l’essai est essentiellement
provisoire. L’arrêté n° 017/MTPS/SG/CJ du 26 mai 1993 introduit une limite codifié de
l’essai et fixe sa durée maximale, conformément à la catégorie professionnelle du travailleur
au moment de son recrutement, et selon le tableau suivant :

Catégories Durée

I et II 15 jours

III et IV, employés de maison toutes 01 mois


catégories

V et VI 02 mois

VII à IX 03 mois

X à XII 04 mois

La période d’essai ne peut être renouvelée qu’une seule fois. Il ne peut porter que sur une
période maximale de 6 mois, sauf en ce qui concerne les cadres pour lesquels cette période
peut être prolongée jusqu’à 8 mois (art 28 al 2 CT).

B. Le régime juridique de l’engagement à l’essai

La période d'essai ne se présume pas. Pour être valable, l’art 28 al 2 impose que son existence
et sa durée soient mentionnées dans un document. Le contrat d’engagement à l’essai est un
véritable contrat autonome, mais il peut aussi être inclus dans le contrat définitif. Le contrat
d’engagement à l’essai doit donc être stipulé par écrit. Il doit comporter l’indication de la
catégorie et de l’échelon attribué au travailleur. Le renouvellement doit aussi être signifié par
écrit.

En l’absence d’un écrit, le recrutement est considéré comme définitif et il faudra conclure à
l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminé. La période d'essai s'inscrit dans un
contexte d'ordre public la jurisprudence va intervenir pour sanctionner les abus.
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L’essai a un caractère précaire ; la rupture de la période d'essai peut intervenir à tout moment,
du fait de l'employeur ou du salarié, sans formalité et sans préavis. C’est en quelque sorte une
mise à l’écart temporaire des règles relatives à la rupture du contrat de travail.

Si l'employeur n'est pas tenu d'alléguer les raisons qui le conduisent à mettre fin à la période
d'essai, la rupture peut être considérée comme fautive lorsque les motifs de la rupture sont
sans relation avec le but de l'essai ou que l'employeur a agi avec malveillance ou légèreté
blâmable. Il faut que le salarié puisse établir ce détournement de l'essai. Si cette preuve peut
être apportée, l’employeur sera condamné à des dommages et intérêts.

Mais lorsque la cour considère que la période d'essai est excessive, le contrat sera considéré
comme définitif et la rupture par l'employeur sera le plus souvent qualifiée de licenciement
abusif.
La poursuite de la relation de travail après l’expiration de la période d’essai vaut engagement
définitif prenant effet à compter du début de l’essai. La jurisprudence applique
rigoureusement cette disposition légale.

Jurisprudence
Cf. Aff. NDO BILO’O Daniel C/ SGBC, CS arrêt n° 138/S du 12 juin 1996. Dans cette
affaire, la SGBC avait conclu avec NDO BILO’O un contrat d’engagement à l’essai qui
venait à expiration le 31 mars 1981. Les relations contractuelles continueront entre les
parties jusqu’au 29 juin de la même année, date à laquelle l’employeur à penser à remercier
son partenaire pour essai non concluant. Le juge de la cour Suprême a décidé qu’il ne
s’agissait plus d’un contrat à l’essai, mais d’un contrat de travail définitif à durée
indéterminé, qui ne saurait être rompu sans respect de certaines formalités.

Lorsqu’il y a confusion entre le contrat d’engagement à l’essai et le contrat de travail définitif,


la confusion s’analyse en faveur du contrat à durée indéterminé.
De même, en cas de confirmation avant l’expiration de la période d’essai, l’employeur n’a
plus le droit de se séparer de son employé pour essai non concluant.
Le travailleur mis à l’essai fournit une prestation comme tous les autres travailleurs ; il a droit
à un salaire, à une catégorie professionnelle, à l’ancienneté, dès lors qu’il est définitivement
recruté. L’art. 3 al. C de l’arrêté n° 93 /17/MTPS du 26 mai 1993 précise que la durée de
l’essai renouvellement compris, entre en compte pour la détermination des droits et avantages
attachés à l’ancienneté de l’employé.

§2. La période de formation


L’embauche définitive du salarié peut également être précédée d’une période de formation.
Sans le réglementer, le code de travail fait allusion au contrat de formation à l’article 28 al 3
du code du travail. Le contrat de formation a pour but d’associer à des enseignements
généraux, professionnels ou technologiques, une expérience professionnelle en vue de
favoriser l’insertion professionnelle de leur bénéficiaire. Cette formation est dispensée par des
organismes publics ou privés de formation ou par l’entreprise, si cette dernière dispose de son
propre service de formation. Ce type de contrat est usité dans certaines grandes entreprises
telles que : la BEAC, la Camrail, Les Brasseries du Cameroun et même dab les métiers
d’auxiliaires de justice (Avocat, huissier, notaire etc), où il prend le nom de stage.
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L’acquisition d’un savoir-faire suppose l’exercice en entreprise d’une ou plusieurs activités
professionnelles en relation avec les qualifications recherchées.
Le formateur n’est pas obligé de recruter la personne formée au terme de la formation. En
effet, le bénéficiaire peut n’avoir pas pu obtenir la qualification envisagée, pour cause d’échec
aux épreuves d’évaluation de la formation suivie.

§3. La période d’apprentissage


La période d’apprentissage a pour objet de donner à des jeunes ayant satisfait à l’obligation
scolaire, une formation en vue de l’obtention d’une qualification professionnelle sanctionné
par un certificat de fin d’apprentissage. Il est définit à l’article 45 du CT comme le contrat
« par lequel un chef d’établissement industriel, commercial ou agricole ou un artisan s’oblige
à donner ou à faire donner une formation professionnelle méthodique et complète à une
personne et par lequel celle-ci s’oblige, en retour, à se conformer aux instructions qu’elle
recevra et à exécuter les ouvrages qui lui seront confiés en vue de son apprentissage ».

A. Conditions de validité du contrat d’apprentissage


Le contrat d’apprentissage doit être constaté par écrit à peine de nullité. Art. 46 du CT. Un
contrat d’apprentissage (verbal est donc frappé de nullité) nul va être requalifié en contrat de
travail à durée indéterminée. Le travailleur devant percevoir le salaire prévu à cet effet. Le
contrat d’apprentissage ne peut excéder une durée de 4 ans, renouvellement compris.
Le contrat d’apprentissage ne peut être conclu que si l’apprenti a au moins 14 ans. Le maître
quant à lui doit avoir 21 ans révolus.
(Ni le code du travail, ni le décret n° 69/DF/ 287 du 30 juillet 1969 ne font obligation à
l’apprenti de payer l’apprentissage au maître. La pratique contraire est illégale bien que
tolérée dans notre société.)
Certaines conventions collectives imposent au maître de verser une certaine rémunération à
l’apprenti pour assurer sa subsistance. Le maître est tenu de donner une formation méthodique
et complète à l’apprenti. Il doit assurer la formation pratique du jeune en lui confiant des
travaux conformes à sa progression.

B. Rupture du contrat d’apprentissage


L’apprentissage peut prendre fin à l’arrivée du terme, par l’accord commun des parties, il peut
aussi prendre fin prématurément par le décès du maître ou de l’apprenti, par la condamnation
du maître à une peine criminelle ou délictuelle supérieure à trois mois, (constituant un
obstacle à la possibilité de recevoir des apprentis).
L’apprentissage prend fin normalement par la délivrance d’un certificat d’apprentissage, ou
par la délivrance d’une attestation.

Section 2. Les conditions de formation et les différentes formes de contrat de travail

La décision d’embaucher prise, reste pour l’employeur à décider du type de contrat à proposer
à l’employé. Mais avant d’étudier les différentes formes de contrat de travail, ses conditions
de formation doivent préalablement être précisées.

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§1. Les conditions de formation du contrat de travail
Le respect de deux types de conditions est nécessaire à la validité du contrat de travail : les
conditions de fond et les conditions de forme.

A. Les conditions de forme


Le contrat de travail peut être constaté dans les formes qu’il convient aux parties contractantes
d’adopter. Il ressort de l’art. 23 al. 2 du CT que « les contrats de travail sont passés
librement ». Le contrat de travail est caractérisé par le principe du consensualisme ; les parties
au contrat sont en effet libres de donner à leur convention la forme qui leur convient. Ainsi, en
principe, le code du travail n’impose pas expressément la rédaction d’un écrit lors de la
conclusion d’un contrat de travail. L’échange des consentements entre les parties suffit.
Toutefois ce principe comporte quelques exceptions :
- L’art. 27 du CT impose l’obligation d’obtenir le visa du ministre du travail en cas de
recrutement d’un travailleur de nationalité étrangère ;
- Le contrat de travail d’une durée déterminée supérieure à 3 mois, ou nécessitant
l’installation du salarié hors du lieu de sa résidence habituelle, doit être stipulé par
écrit ;
- Des emplois de manœuvres, d’ouvriers, d’employés ou d’agents de maîtrise ne
peuvent être confiés à un étranger que sur présentation d’une attestation délivrée par
les services de la main d’œuvre, et certifiant le manque de travailleurs camerounais
dans la spécialité concernée. (Art. 2 al du décret n° 93/571 du 15 juillet 1993 fixant les
conditions d’emploi des travailleurs de nationalité étrangère pour certaines professions
ou certains niveaux de qualification).

B. Les conditions de fond


Le terme de la procédure de recrutement est la conclusion du contrat de travail par l’échange
des consentements. Le contrat de travail n’est conclu qu’à partir du moment où il y a eu
rencontre entre la volonté de l’employeur et celle de candidat à l’emploi. Le contrat n’est
valablement conclu que si le consentement des parties n’a pas été vicié par l’erreur, le dol ou
la violence. Dans certains cas d’abus, la jurisprudence peut considérer qu’il a violence
morale, cause de nullité, quand les circonstances et la nécessité d’assurer sa subsistance font
accepter des conditions draconiennes au travailleur.
(On note ici que, bien que l’employeur n’ait exercé aucune violence physique ou morale sur le
travailleur, l’état de nécessité dans lequel il se trouve l’amène à accepter n’importe quelle
condition de travail. On comprend dès lors que le consentement n’ait pas été donné librement,
ce qui pourrait justifier l’annulation du contrat de travail pour violence, vice de consentement)
Par application du droit commun, le contrat ne peut être valablement conclu que s’il a un objet
et une cause licites. Les parties au contrat jouissent d’une très grande liberté pour déterminer
la prestation de travail. Il y a peu d’activités qui soient rebelles au contrat de travail. L’objet
du contrat doit préserver la pudeur. Certains travaux sont cependant illicites et ne peuvent pas
faire l’objet d’un contrat de travail : une femme ne peut pas s’engager valablement auprès
d’un proxénète à se prostituer moyennant rémunération.

13
Un individu ne peut pas s’engager valablement à transporter de la drogue ou des objets de
contrebande.
D’autres travaux sans être illicites, sont interdits à certaines personnes en raison de leurs
caractères particuliers ; ainsi les travaux pénibles et dangereux ne peuvent pas être mis à la
charge des femmes ou des enfants, d’autres réclament de l’exécutant une compétence établie
et ne peuvent être accomplis que par des personnes justifiant d’un titre déterminé.
Quant à la capacité, un enfant peut bien conclure un contrat de travail dès l’âge de 14ans son
consentement doit être appuyé par celui de ses parents.

§2. Les différentes formes de contrats de travail


Le code du travail de 1992 a adjoint aux types traditionnels de contrat de travail (contrat de
travail à durée déterminée et contrat de travail à durée indéterminée), de nouveaux types de
contrat de travail
Il faut donc distinguer les formes classiques de contrat de travail d’une part, des nouvelles
formes d’autre part.

A. Les formes classiques de contrat de travail


Il s’agit du contrat de travail à durée déterminée et du contrat de travail à durée indéterminée.

1) Le contrat de travail à durée déterminée


Le contrat à durée déterminée est le prototype de contrats précaires par son terme. En
revanche avant la survenance du terme, ce contrat est extrêmement solide et assure mieux la
sécurité de l’emploi, surtout comparativement au contrat à durée indéterminée. Le code du
travail de 1992 distingue 2 catégories de CDD :
- Le contrat à durée déterminé par nature et
- Le contrat à durée déterminée par assimilation

a) Le contrat de travail à durée déterminée par nature

C’est le contrat dont le terme est fixé à l’avance par la volonté des deux parties. (Exemple :
contrat conclu pour 8 mois). C’est un contrat de date à date. L’arrivée du terme librement
choisi par les deux parties au moment de la conclusion du contrat, met automatiquement fin à
ce dernier sans préavis, ni indemnité (Art. 25 du CT).
La date de l’échéance doit être clairement connue au moment de la conclusion du contrat.
Le contrat à durée déterminé ne peut être conclu pour une durée supérieure à deux ans et ne
peut être renouvelé qu’une seule fois. Ce qui porte à 4 ans la durée maximale de travail à
durée déterminée, avec la même entreprise, lorsque le travailleur est de nationalité
camerounaise. Au terme de ce renouvellement, si les relations de travail se poursuivent, le
contrat à durée déterminée se transforme en contrat à durée indéterminée.
En limitant la possibilité de renouvellement, le législateur empêche toute tentative d’utiliser
les services d’un travailleur temporaire à un poste susceptible d’accueillir des salariés
permanents.

14
b) Le contrat de travail à durée déterminée par assimilation
Le code du travail de 1992 assimile au contrat de travail à durée déterminé :
- Le contrat dont le terme est subordonné à la survenance d’un évènement futur et
certain dont la réalisation ne dépend pas exclusivement de la volonté des deux parties,
mais qui est indiqué avec précision. (Exemple contrat conclu avec une berceuse qui
prendra fin lorsque l’enfant gardé aura atteint l’âge requis pour être inscrit à la
maternelle) Ici le terme est fixé mais inconnu à l’avance. L’essentiel est que sa durée
n’excède pas deux ans.
- Le contrat conclu pour la réalisation d’un ouvrage déterminé. (comme par exemple
pour un chantier. Ce contrat permet aux entreprises qui démarrent un chantier de
recruter du personnel dont elles vont se séparer sans difficulté à la fin du chantier). Ici
l’essentiel est qu’un terme existe, c’est-à-dire un évènement futur, certain qui ne
dépend pas exclusivement de la volonté des parties. La durée de l’ouvrage peut même
excéder 2 ans. C’est l’objet et non plus la durée du contrat qui est pris en compte ici.
Le contrat à durée déterminée par assimilation ne se renouvelle pas.
(Le CDD prend normalement fin à l’arrivée du terme convenu. Le travailleur ne peut
alors prétendre à aucune indemnité puisqu’il ne s’agit pas d’un licenciement. En
dehors de la faute lourde de la force majeure ou de l’accord des parties, ce contrat ne
peut être rompu avant terme. Il garanti alors une plus grande sécurité de l’emploi).

2) Le contrat de travail à durée indéterminée


En principe le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de
travail. C’est le contrat de droit commun encouragé par le législateur et la jurisprudence, tant
il est vrai qu’il assure mieux la stabilité de l’emploi.
L’art. 25 al. 1 (b) du code du travail, le défini comme « un contrat dont le terme n’est pas fixé
à l’avance et qui peut cesser à tout moment par la volonté de l’une ou de l’autre partie, sous
réserve du respect du préavis». Lorsque ce contrat cesse sous l’initiative de l’employeur, on
parle de licenciement et lorsqu’il cesse sous l’initiative de l’employé, on parle de démission.
(Lorsqu’il cesse sous la pression de l’employeur, on parle de licenciement déguisé).

B. Les nouvelles formes de contrat de travail


Ces contrats sont de trois ordres :
- Le contrat temporaire,
- Le contrat occasionnel,
- Le contrat saisonnier.

1- Le contrat de travail temporaire

Selon l’art. 25 al. 4 (a) du CT, il a pour objet soit le remplacement d’un travailleur absent ou
dont le contrat est suspendu, soit l’achèvement d’un ouvrage dans un délai déterminé
nécessitant l’emploi d’une main d’œuvre supplémentaire. Un contrat de travail temporaire ne
peut durer plus de trois mois (art. 2 du décret n° 93/577/PM du 15 juillet 1993. Il ne peut être
renouvelé qu’une seule fois ; c’est dire qu’en cas de continuité du travail, au-delà delà période
maximale, (3 mois ou 6 mois), le contrat se transforme en contrat à durée indéterminée.
15
Le recrutement pour un emploi temporaire peut se faire soit directement (employeur –
salarié), soit indirectement (entreprise utilisatrice du salarié - entreprise du travail temporaire.
Lorsque les parties optent pour la forme indirecte, on parle de mise à disposition du
travailleur. Le travailleur temporaire n’est pas l’employé de l’entreprise utilisatrice ;
cependant il est tenu dans cette entreprise au respect de certaines obligations conformément
au décret n° 93/577 précité.
La sécurité de ce travailleur ainsi que son salaire incombe à l’employeur de l’entreprise
temporaire. En cas d’insolvabilité de ce dernier, le travailleur exercera son droit de recours
contre l’entreprise utilisatrice. Un tel recours ne trouve pas son fondement dans la législation
du travail. Il faut faire recours ici à la responsabilité et à l’enrichissement sans cause, entre
l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire ; il doit exister un contrat écrit de
mise à disposition.

2- Le contrat de travail occasionnel

Il a pour objet de résorber l’accroissement conjoncturel et imprévu des activités de


l’entreprise. Ce contrat est destiné à l’exécution des travaux urgents, à la prévention des
accidents imminents, à l’organisation des mesures de sauvetages, à la réparation de matériels
d’installation ou de bâtiments de l’entreprise présentant un danger pour les travailleurs.
Parce qu’il s’agit d’une activité occasionnelle, le recours à un travailleur ne doit donc pas être
destiné à pourvoir à un emploi permanent. En faisant recours au travailleur occasionnel, il faut
qu’il n’y ait pas dans l’entreprise suffisamment de travailleur pour faire le même travail. Le
contrat occasionnel ne peut durer plus de 15 jours renouvelable une seule fois. Au-delà de 30
jours, ce contrat se transforme en contrat à durée indéterminée qui doit être nécessairement
écrit et son objet doit être déterminé avec précision.

3- Le contrat de travail saisonnier

C’est celui qui est lié à la nature cyclique ou climatique des activités de l’entreprise. Le travail
saisonnier porte sur des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à
peu près fixes, en fonction des rythmes des saisons. Il ne peut durer plus de 6 mois par année.
Il peut être renouvelé chaque année avec le même employeur suivant les besoins des
cocontractants.
En cas de continuité des relations au-delà de 6 mois, ce contrat se transforme en contrat de
travail à durée indéterminée.

Section 3. Les éléments caractéristiques du contrat de travail

Le contrat de travail se caractérise par la réunion de trois éléments permettant de le


distinguer quelle que soit la qualification que les parties ont retenue dans leur convention. Il
s’agit de :
- une prestation de travail,
- une rémunération
- et un lien de subordination juridique

16
§1. Une prestation de travail

Sans prestation de travail, il n'y a pas de contrat de travail. Elle doit avoir un caractère
personnel : le contrat de travail est conclu intuitu personae et le salarié n'est pas en droit de se
substituer un tiers dans l'exercice de son travail.
Peu importe la nature de ce travail : il peut être physique, intellectuel, artistique, etc.[ Il n'est
pas obligatoire qu'il soit pénible ou désagréable ; (on peut très bien prendre plaisir à effectuer
sa prestation de travail)]. Il y a travail dès lors qu'on est obligé (au sens juridique du terme) de
faire quelque chose pour autrui. Le travailleur ne promet pas un résultat ; il met sa force ou sa
capacité de travail, ses aptitudes, à la disposition de son cocontractant, et l’exécution de la
prestation supposant une certaine durée, le contrat de travail présente nécessairement un
caractère successif.
Pour qu'il y ait contrat de travail, il faut qu'il y ait une prestation de travail au service
d'autrui.
Lorsque l'on travaille pour soi (travail ménager, éducation des enfants, bricolage), on
n'effectue pas une prestation de travail au sens du droit du travail.
Par ailleurs, la prestation de travail doit constituer l'un des principaux objets du contrat et ne
pas apparaître pas comme secondaire ou accessoire.

Il est quelque fois affirmé que la prestation de travail doit, pour pouvoir constituer le critère
d'un contrat de travail, être exercée à titre professionnel, c'est-à-dire de façon habituelle et
dans le but de se procurer un revenu pour subvenir à ses besoins et, éventuellement, à ceux de
sa famille.

§2. Une rémunération

Encore appelé « salaire ». Il constitue la contrepartie de la prestation de travail. Sans cette


contrepartie, il n'y a pas de contrat de travail et, par conséquent, le droit du travail ne
s'applique pas. Le contrat de travail est donc un contrat à titre onéreux.

L'absence de rémunération permet d'écarter l'entraide amicale ou familiale du champ du


droit du travail. De même, le bénévolat est méconnu par le code du travail. Même si dans le
cadre du volontariat on perçoit des indemnités, ceux-ci ne transforment pas le volontariat en
contrat de travail.

Peu importe la forme que prend cette rémunération : comme la quantité du travail
fourni se mesure souvent en temps, la rémunération au temps est souvent utilisée. Toutefois,
rien n'interdit une autre forme de rémunération (à la tâche, à la commission, au résultat ou
rendement) ; tout ou partie de cette rémunération peut être versée en argent ou en nature
(attribution gratuite d'un logement ou d'avantages divers, etc.). Dès lors que les deux autres
critères du contrat de travail sont établis, la constatation d'une rémunération, quels que soient
son montant et sa nature, emporte l'existence d'un contrat de travail.
Le contrat de travail est un contrat synallagmatique, c’est-à-dire qu’il crée des droits et
des obligations réciproques. On applique ici le principe de l’exception d’inexécution (c’est le
refus d’exécuter son obligation opposé, comme moyen de défense au fond, par l’une des
parties d’un contrat synallagmatique à son cocontractant aussi longtemps que celui-ci n’offre
pas d’exécuter la sienne) ; si le travail n’est pas exécuté, le salaire n’est pas versé. L’employé
peut refuser d’exécuter ses prestations s’il réclame les arriérés de salaire.
17
§3. Un lien de subordination

(…..)

CHAPITRE 2 : L’EXECUTION DE LA RELATION DE TRAVAIL


Le contrat de travail met en relation un employeur et un employé. L’exécution de la relation
de travail impose à chacun des deux partenaires d’assurer ses obligations.
Le mot employeur désigne tantôt le chef d’entreprise, tantôt un organe directeur. L’employeur
peut être soit une personne physique, soit une personne morale, le plus souvent une société
commerciale.
Le chef d’entreprise quant à lui est une personne physique exerçant au sein de l’entreprise les
prérogatives patronales. Peuvent être considérées comme des chefs d’entreprise, les PCA, les
DG.
Parfois l’employeur se confond avec le chef d’entreprise ; c’est le cas dans les entreprises
individuelles où le chef d’entreprise est en même temps propriétaire de l’entreprise.
L’employeur est celui qui possède les moyens de production et est investi des prérogatives et
des responsabilités patronales
L’employeur a de larges pouvoirs qui constituent ses droits, mais il assume aussi des
obligations.

Section 1 : Les pouvoirs de l’employeur


On distingue classiquement le pouvoir de gestion ou de direction, le pouvoir règlementaire et
le pouvoir disciplinaire.

§1 : Le pouvoir de gestion ou de direction


Le pouvoir de l’employeur est d’abord un fait qui est issu de sa domination économique ;
c’est aussi un droit qui lui est accordé ; un droit de commander et de donner des ordres.
Il embauche, repartit les tâches, détermine le rythme de production, l’utilisation du matériel
de travail, les horaires de travail, l’avancement des travailleurs. Ce pouvoir juridique du chef
d’entreprise est le pendant de la subordination juridique du salarié.
Guidé par le soucie de la bonne marche de son entreprise, l’employeur prend toutes les
mesures nécessaires à l’organisation et à la réorganisation des services (fusions des services,
scission, fermeture des services improductifs, etc.) Il est maître de la gestion de son affaire, et
la Cour de cassation française a décidé que le chef d’entreprise est le seul juge de
l’organisation et de la bonne marche de l’entreprise ;
18
Jurisprudence
Cf. Aff. BRINON 31 MARS 1956. Dans cette affaire, le chef d’entreprise avait fermé
l’entreprise suite à sa mauvaise gestion. Les employés ont engagé contre lui une action en
dommage-intérêts au motif qu’ils avaient perdu leur emploi par sa faute. La Cour de
cassation a décidé que l’employeur qui porte la responsabilité de l’entreprise est le seul juge
des circonstances qui le détermine à cesser son exploitation, et qu’aucune disposition légale
ne lui fait obligation de maintenir l’entreprise dans le seul but de garantir au personnel la
stabilité de son emploi.
Le juge camerounais a repris cette jurisprudence qui consacre le pouvoir discrétionnaire et
absolu du chef d’entreprise ; donc autant il peut prendre la décision de créer son entreprise,
autant il peut la fermer. Ceci a faire dire par certains auteurs que le chef d’entreprise était un
monarque de droit divin.
Même si le pouvoir de l’employeur a reçu l’appui de la force du droit, il est également
encadré et limité par le droit. Aujourd’hui, cette jurisprudence qui date de 1956, est quelque
peu délaissée. On estime que les travailleurs devraient être protégés contre l’arbitraire de
l’employeur. C’est pourquoi les tribunaux sanctionnent le détournement du pouvoir par le
chef d’entreprise. L’article 42 du Code du travail oblige le nouvel employeur en cas de
changement juridique à la tête d’une entreprise, de conserver le personnel trouvé en place. Il
ne peut s’en débarrasser que pour des besoins de restructuration ou de changement d’activité.

§2 : Le pouvoir réglementaire du chef d’entreprise


Dès lors que le pouvoir de direction de l’employeur s’exprime par voie de disposition
générale et permanente, celui-ci devient créateur de véritables règles de droit. (Art. 34 du
C.T.). Il s’exprime alors au sein des règlements intérieurs dont la nature et le contenu doivent
respecter un certain formalisme.

A – La nature du règlement intérieur


Le règlement intérieur est la charte de l’entreprise. Il est un acte unilatéral de l’employeur (art.
29 al. C.T.). La réglementation du travail fait obligation au chef d’entreprise d’établir un
règlement intérieur dès que le nombre de salariés atteint onze.
Son élaboration doit être précédée d’une consultation des délégués du personnel qui donnent
leur avis, (la non consultation des délégués du personnel constitue un délit d’entrave à
l’exercice des fonctions de délégués du personnel et engage la responsabilité pénale du chef
d’entreprise) son adoption est soumise à l’appréciation et au visa de l’inspecteur de travail du
ressort de l’entreprise (Art. 34 al.3 C.T.).
L’inspecteur de travail possède un pouvoir de contrôle en la matière, et doit pouvoir ordonner
à l’employeur la suppression, l’ajout, ou la modification de toute clause qui lui semble
contrevenir soit aux lois et conventions collectives, soit aux droits et libertés des personnes.
Ce contrôle n’est enfermé dans aucun délai.
Le règlement intérieur fait l’objet d’une publicité obligatoire ; il doit être affiché en bonne
place dans les locaux de l’entreprise et dans les lieux où se fait l’embauche. Il doit être affiché
au greffe du tribunal de première instance du ressort de l’entreprise. Ce n’est qu’une fois ces
différentes formalités accomplies que le règlement intérieur est opposable aux salariés. Il est
aussi immédiatement obligatoire pour l’employeur. Il constitue la loi des parties, et il
s’impose au juge.
19
B – le contenu du règlement intérieur
Son contenu est strictement délimité. On y trouve :
- Des mesures d’hygiènes et de sécurité.
L'employeur doit élaborer des consignes de sécurité que les salariés sont tenus de respecter en
fonction de leur emploi.

L'employeur peut, en outre, préciser dans le règlement, l'obligation pour les salariés de se
présenter aux visites médicales et examens complémentaires prévus par la réglementation en
vigueur.
Il peut limiter les libertés des salariés si cela est justifié par la nature de leur tâche et si cela
reste proportionné au but recherché.

Exemple : Port d'un uniforme pour améliorer l'image de l'entreprise face à la clientèle.

- Les règles relatives à la discipline

Le règlement ne peut comporter que les mesures nécessaires permettant d'assurer le


fonctionnement de l'entreprise et la coexistence des salariés sur le lieu de travail.
Sur le plan de la forme de ce règlement, l'employeur doit faire apparaître une obligation et une
interdiction de faire dont le non-respect expose à des sanctions. Les salariés sont ainsi très
clairement informés du sens et des orientations des règles qui leurs sont imposées. Les
sanctions sont définies et classées par ordre d’importance : avertissement, blâme, etc.

§ 3 : le pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise

C’est le droit de punir le salarié qui désobéit aux ordres. Il est l’expression ultime du pouvoir
de direction. Comme tel, il est sans doute le mode d’exercice du pouvoir qui a la plus vite
concentré sur lui la méfiance ; puisqu’il autorise l’employeur, contre tous les principes
habituels, à être juge et partie et à se faire justice lui-même. L’employeur peut infliger des
sanctions morales constituées de l’avertissement, du blâme avec ou sans inscription au dossier
et la réprimande. Il peut infliger des sanctions pécuniaires, mais sa manifestation la plus
inacceptable est l’amende qui permet à l’employeur de reprendre d’une main ce qu’il avait
accordé de l’autre. Il peut infliger des sanctions professionnelles ; les plus importantes sont :
le retard dans l’avancement, la mutation, la rétrogradation et le licenciement.
Le pouvoir disciplinaire de l’employeur est strictement encadré. Le droit disciplinaire
s’applique dès qu’une mesure de l’employeur est qualifiée de sanction disciplinaire. La
sanction doit être fondée sur une faute. Certaines sanctions sont prohibées.

A : La notion de sanction disciplinaire


La subordination qui est consentie par le contrat de travail est une subordination
professionnelle limitée. En dehors de son temps de travail, en principe, l’employeur n’a plus
sur le salarié de pouvoirs disciplinaires. La faute commise par le salarié en dehors de sa vie
professionnelle, c’est-à-dire en dehors de son contrat de travail, peut être grave et pénalement
répréhensible, mais elle ne peut fonder une sanction disciplinaire de l’employeur.
20
Le pouvoir disciplinaire de celui-ci ne s’étend pas au-delà de la sphère contractuelle. Seule
une désobéissance du salarié à ce pouvoir, peut justifier une sanction. Cela ne signifie pas que
toute désobéissance du salarié soit nécessairement fautive. La grève par exemple, est une
désobéissance non seulement licite, mais protégée.
La faute disciplinaire, celle qui peut fonder une sanction du même nom, est donc une violation
d’un commandement issu du pouvoir de direction. Celui-ci étant issu du contrat de travail, on
peut dire que la faute disciplinaire est une violation du contrat de travail par le salarié : une
faute contractuelle (c’est-à-dire une faute en rapport avec l’exécution du contrat de travail).
La jurisprudence exige pour justifier une sanction disciplinaire, une faute qui soit une
violation des obligations qui lient le salarié « à l’égard de son employeur ».
Si une faute extraprofessionnelle constitue un trouble caractérisé dans l’entreprise, elle ne
peut justifier qu’un licenciement pour motif personnel non disciplinaire avec application de la
procédure de droit commun du licenciement. Elle ne saurait fonder une sanction disciplinaire,
en l’absence de « manquement aux obligations résultant de son contrat ».
Toutefois, certaines difficultés demeurent :
La première tient à l’existence des faits tirés de la vie personnelle, mais qui révèlent de
véritables dangers pour l’entreprise. Pour prendre un exemple caricatural, le salarié d’une
crèche qui aurait commis des coups et blessures sur enfant mineur, même en dehors des temps
et lieu de travail, doit pouvoir être licencié. On ne garde pas, dans une crèche, un salarié dont
le tempérament violent sur enfants a été démontré. Il en va de la sécurité des enfants de la
crèche. Ce salarié doit même pouvoir être licencié immédiatement, sans attendre la durée du
préavis.
Une deuxième difficulté tient à l’existence de certaines obligations professionnelles en dehors
des lieux et temps de travail. Si ces obligations apparaissent valides, (notamment au regard du
droit à la vie privée), leur violation peut logiquement être considérée comme une faute
professionnelle.

B. les sanctions prohibées


Même en présence d’une faute disciplinaire, toute sanction n’est pas valide. Certaines
sanctions même fondées par des fautes sont prohibées ; il en va ainsi de certaines sanctions
pécuniaires, des sanctions disproportionnées et des cumuls de sanctions.

1. Les sanctions pécuniaires


L’employeur ne peut infliger les amendes (art. 31 du CT). Il s’agit d’une mesure visant toute
forme de retenu sur salaire à l’encontre du travailleur qui a normalement fourni sa prestation
de travail.

Jurisprudence

Cf. arrêt n° 80/s du 12 juin 2002, Aff. Palais des congrès contre Ebolo Eloundou Jean Paul.
Ici, l’employeur a retenu une fraction du salaire de son employé pour faute commise dans
l’exécution de son contrat de travail. Le juge saisi précise qu’en dehors des hypothèses
expressément prévus par la loi, l’employeur n’a pas le droit de retenir le salaire.

21
Cette disposition exclue la réduction du salaire en cas difficulté économique, d’exécution
défectueuse ou d’inexécution volontaire du contrat de travail ; elle exclue aussi les réductions
et les suppressions de primes en cas d’accident de travail d’un chauffeur par exemple. Cette
disposition exclue enfin le cas de retenu sur salaire dans le cadre des cotisations syndicales
dues à la CNPS (art. 29 CT). La seule sanction disciplinaire qui entraîne la privation du
salaire est la mise à pieds disciplinaire (art. 30 al ; 2 CT) et sa validité est liée aux conditions
suivantes :
- Etre d’une durée maximale de 8 jours ouvrables,
- Etre notifié au travailleur par écrit avec indication des motifs,
- Etre communiqué au travailleur dans les 48 heures qui suivent, à l’inspecteur du
travail du ressort de l’entreprise.

2- les sanctions disproportionnées


Suivant la tendance jurisprudentielle, on observe une volonté du juge de procéder à un
contrôle de proportionnalité entre la sanction et la faute commise.
Jurisprudence
Cf. C.S, arrêt n° 85/S du 14 mars 1987 ; Aff. Brasseries du Cameroun c/ MESSE NDZESSA
Gaspard. Dans cette affaire, le travailleur avait subtilisé 2 bouteilles de bière et les avait bu sur le lieu
du travail, pendant les heures de travail avec son visiteur. L’employeur qualifia ce comportement de
faute lourde et le licencia. Mais les juges du fond soutenus par la Cour Suprême décidèrent que ledit
licenciement était abusif.
Autrement dit, une telle faute devrait entraîner une sanction moins grave que le licenciement ;
sans doute en raison de la modicité du préjudicie subi par l’employeur : que représente en
effet deux bouteilles de bière pour les brasseries du Cameroun?
En savoir plus :
Art. 16 du Règlement intérieur de la S.A. des Brasseries du Cameroun.
(Al. 3) : « le congédiement sera immédiatement prononcé en cas de faute lourde : ivresse pendant le
travail, voie de fait, vol caractérisé, désobéissance, demande de dash etc… le congédiement pour vol
important sera toujours prononcé sans indemnité ».
3- le cumul des sanctions
Dans la mise en œuvre de son pouvoir disciplinaire, l’employeur doit éviter le cumul des
sanctions. Une même faute ne peut être sanctionnée deux fois. Cette solution est inspirée de
l’adage du droit pénal « non bis in indem ». Il en résulte notamment que des fautes qui ont
déjà fait l’objet d’un avertissement, ne peuvent plus justifier une autre sanction à eux seuls.
Ces fautes déjà sanctionnées peuvent en revanche être invoquées pour aggraver l’évaluation
faite de fautes nouvelles. Précédées par des fautes antérieures, les fautes nouvelles
apparaissent comme des sortes de récidives. Elles peuvent dès lors être considérées comme
plus graves et sanctionnées avec plus de sévérité.

Section 2 : Les obligations des parties au contrat de travail


Elles sont de deux ordres : les obligations de l’employeur et les obligations de l’employé.

§ 1 : Les obligations de l’employeur


Elles sont nombreuses et variées : fournir le travail convenu, observer les mesures d’hygiène
et de sécurité, respecter les horaires de travail, rémunérer le travail effectué, faire

22
immatriculer tous ses salariés auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance sociale. Seules les
trois dernières obligations feront l’objet de notre attention.

A. Le respect du temps de travail

La durée du travail constitue une des composantes essentielles du contrat de travail ; il ne


peut être modifié sans l’accord du salarié, en raison de son impact sur la santé de celui-ci.
Selon l’article 80 du CT, la durée de travail ne peut excéder 40 heures par semaine dans les
entreprises non agricoles, et 2400 heures par an dans la limite maximale de 48 heurs par
semaine, dans les établissements agricoles.
L’employeur est tenu de respecter le temps de travail effectif, c’est-à-dire la durée légale de
travail subordonné, ou mieux, le temps d’exécution des ordres. La durée légale de travail est
le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses
directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations. La durée quotidienne de travail ne
doit donc pas être confondue avec l'amplitude de la journée de travail. Ainsi lorsque le salarié
est présent dans l’entreprise et que le défaut de travail est imputable à l’employeur, les heures
creuses doivent être considérées comme temps de travail effectif.

En revanche, le décret n° 95/677 du 18 décembre 1995, organise dans certains cas


exceptionnels, la possibilité pour l'employeur de «récupérer» des heures perdues considérées
comme «déplacées» sans qu'elles soient considérées comme des heures supplémentaires.
Il faut pour cela : que les heures perdues proviennent d'une interruption collective du travail,
que l'interruption ait entraîné une diminution du temps du travail au-dessous de la durée légale
hebdomadaire.
Le décret sus-cité énumère les cas permettant une récupération de ces heures dites perdues.
Elles peuvent être dues : à une cause accidentelle, à des intempéries ou à un cas de force
majeure, à un inventaire, au chômage d'un jour ou deux du à un « pont » entre deux périodes
de congés.

L’article 2 al.1 du décret n° 95/677 du 18 décembre 1995, détermine les circonstances et les
limites dans lesquelles des dérogations à la durée légale du travail sont autorisées (Art. 80 al.
4 CT).
En dehors des dérogations prévues par le décret sus-cité, Il est possible de déroger à la
durée légale du travail par le recours à des heures dites supplémentaires. Juridiquement
encadrées, ces heures supplémentaires doivent donner lieu à une majoration de salaire.

On définit comme heure supplémentaire, « toute heure de travail effectuée au-delà de la


durée légale hebdomadaire de 40 ou 48 heures (ou de la durée considérée comme
équivalente), à l’exclusion des heures dites de récupération.
Les conditions requises pour qu’il y ait heure supplémentaire, sont les suivantes :
- Il faut que le travail supplémentaire soit rendu nécessaire pour faire
face à un surcroît d'activité exceptionnel au regard du fonctionnement normal de l'entreprise,
- qu’il y ait impossibilité de recruter une main-d’œuvre
supplémentaire en raison de la qualification, de la nature du travail, et ou des postes de travail,
- que l’employeur désireux de faire exécuter les heures
supplémentaires en adresse une demande à l’inspecteur du travail du ressort, sauf urgence ou
force majeure, survenue pendant les jours non ouvrables.
Les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale de travail hebdomadaires
donnent lieu aux majorations suivantes:
23
 pour les 8 premières heures : 20 % du salaire horaire,
 pour les 8 heures suivantes : 30 % du salaire horaire,
 pour la troisième tranche, jusqu’à 20 heures par semaine : 40 % du salaire horaire,
 pour les heures accomplies le dimanche : 40 % du salaire horaire,
 pour les heures supplémentaires de nuit et des jours non ouvrables, sont majorés de 50
% du salaire horaire.
L'employeur est libre de demander au salarié d'effectuer ( ...ou pas) des heures
supplémentaires. Le salarié ne peut en exiger.
Ainsi un salarié qui cesse son travail pour protester contre une réduction d'heures
supplémentaires sera responsable de la rupture (Cass. Soc. du 23.06.1960, Bull. Civ. IV, p.
536) du contrat. Cette réduction ne doit pas cependant apparaître comme discriminatoire
(Cass. Soc. du 02.03.1972, Bull. Civ. V, p. 166).

Remarque : Notons cependant qu'un salarié est fondé à refuser d'effectuer des heures
supplémentaires si l'employeur refuse de les lui payer (Cass. soc. du 10.06.2003, Sté
Williamson transports / Guillou, RJS 10 / 03, n° 1174).

L’employeur doit accorder au salarié un repos hebdomadaire ; il est en principe, dominical. Il


est accordé le dimanche. Il est interdit d'occuper plus de 6 jours le même salarié ; et le repos
hebdomadaire qui lui est accordé ne doit pas être inférieur à 24 heures. Les autres temps de
repos sont constitués par le repos pour allaitement dont bénéficié la salariée après un
accouchement, les congés payés, les jours fériés chômés, et les jours fériés pendant les fêtes
religieuses.

B. La rémunération du salarié

Le salaire représente la rémunération de l’activité du travailleur, il est acquis dès que le


contrat de travail est exécuté. Le salaire constitue donc une obligation essentielle de
l’employeur
Plusieurs éléments doivent ici être pris en compte. Ils portent sur : les éléments de la
rémunération, le paiement du salaire et sa protection

1. Les éléments de salaire

Il est possible d'appréhender le salaire sur la base de 3 points de vue différents :


• 1. On peut ainsi se situer dans la perspective juridique, le salaire apparaissant comme la
contrepartie de la prestation de travail accomplie par le salarié dans le cadre d'un contrat
synallagmatique : le contrat de travail.
• 2. On peut aussi se placer dans une logique sociale, le salaire présentant alors un caractère
alimentaire dans la mesure où il permet au salarié d'assurer sa subsistance.
• 3. Enfin dans une optique professionnelle le salaire n'apparaît pas uniquement comme
correspondant au prix du travail mais il correspond à l'ensemble de la rémunération attachée à
un emploi au sein de l'entreprise.

Le salaire comporte deux éléments : le salaire de base et les accessoires de salaire.

24
a. Le salaire de base
Il apparaît comme la rémunération principale du travail que l'employeur doit verser au salarié
en contre partie de la prestation fournie. Elle est fixée, lors de l'embauche, au moins dans sa
nature et dans son mode de calcul. Lorsque le salaire est librement fixé entre les parties,
celui-ci ne peut en aucun cas être inférieur au SMIG (salaire minimum interprofessionnelle
garanti). Le respect du S.M.I.G. reste obligatoire. Le rôle de l’Etat se réduit à la fixation du
minimum, c’est-à-dire du SMIG qui est actuellement de 28 216 FCFA.

 le calcul du salaire de base


Le salaire de base est calculé soit au temps, soit au rendement, soit par commission.
- Le salaire au temps est calculé sur la base légale de la durée effective du travail. Avec
ce mode de rémunération, le salaire est payé en fonction du temps (heure, jour,
semaine, mois) pendant lequel le travailleur se tient à la disposition de l’employeur. Le
salaire apparaît véritablement ici comme la contrepartie d’un travail et de la
disponibilité juridique et psychologique du salarié.
- Le salaire au rendement est le mode de rémunération établi en fonction du rendement
constaté d’un travailleur. (Article 63 CT). Dans un tel système, le salarié perçoit un
salaire donné pour une production déterminée. Le salaire au rendement se conçoit en
général selon deux formules : le salaire aux pièces et le salaire à la tâche,
- Le salaire par commission est constitué d’après l’article 65 du code du travail, des
primes et prestations diverses ou des indemnités représentatives de ces prestations.

b. les accessoires du salaire


On distingue les accessoires ou avantages en nature et les accessoires en espèces.

 Les avantages ou accessoires en nature


On définit un avantage en nature comme «l'octroi ou la mise à disposition de biens ou de
services non indispensables à l'exercice de la fonction du salarié bénéficiaire et dont ce
dernier a le libre usage
Il peut s'agir d'un logement, de nourriture, éclairage, habillement, voiture.

Ces avantages en nature font partie intégrante du salaire (Cass. Soc. du 18.01.1979, Bull. Cas.
V n° 53) et participent donc de sa nature juridique lorsqu'ils sont prévus par le contrat de
travail, la convention collective ou les usages.
 Les accessoires en espèces

Il s’agit de la :
- prime de rendement,
- prime d’assiduité,
- prime d’ancienneté,
- prime de technicité,
- prime de risque ( à l’exclusion des gardiens de nuit et de jour),
- gratification.
Les gratifications ne sont pas imposées par le Code du Travail mais elles sont largement
pratiquées par les entreprises.
Elles apparaissent comme le versement de sommes d'argent destinées à récompenser le travail
accompli ou à marquer des événements intervenus dans la vie familiale des salariés.
25
Remarque :
Notons qu'il est possible de subordonner l'octroi d'une gratification au respect de certaines
conditions comme les résultats financiers de l'entreprise, l'assiduité du salarié.

2. Le paiement du salaire

Distinguons les modalités de paiement de l’action en paiement.

a. Les modalités de paiement des salaires


Le salaire est payé en monnaie ayant cours légal au Cameroun. Toute stipulation de paiement
en monnaie étrangère est nulle et de nul effet. Le salaire doit être payé à intervalles de temps
régulier ne pouvant excéder un mois. Le paiement mensuel doit être effectué au plus tard 8
jours après la fin du mois qui donne droit au salaire. En cas de résiliation ou de rupture du
contrat de travail, les salaires et les indemnités doivent être payés dès la cessation de service,
sauf en cas de litige où l’employeur peut obtenir par ordonnance du président du tribunal
compétent l’immobilisation provisoire de tout ou de la fraction saisissable du salaire.
Le paiement du salaire peut se faire en tout lieu, sauf dans un débit de boisson ou dans un
magasin de vente, à moins que le travailleur concerné y soit employé. Le paiement du salaire
doit être constaté par un bulletin de paie émargé par les parties, et conservé comme pièce
comptable. Le bulletin de paie peut aussi servir de preuve de l’existence d’un contrat de
travail entre les parties.

L’employeur doit prélever des salaires, les retenues obligatoires au profit de l’Etat, il doit
aussi prélever toutes les sommes dues par le travailleur, soit au titre d’une décision de justice,
(pension alimentaire, règlement de dette), soit par convention (cotisation syndicale, cotisation
due à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale.

b. L’action en paiement du salaire

Cette action peut porter sur le salaire de base, les accessoires de salaire, la délivrance d’un
bulletin de paie, les indemnités de rupture du contrat de travail.
L’action en paiement du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour de la rupture du contrat
de travail.
Une fois ce délai expiré, une telle action n’est recevable que si la prescription a été
interrompue par toute réclamation du travailleur adressée par lettre recommandée avec
accusée de réception, par une demande adressée à l’inspecteur du travail du ressort de
l’entreprise, ou par une reconnaissance de dette.

3. La protection du salaire
Eu égard à son importance, le salaire mérite d’être protégé, contre l’employeur, les créanciers
et le salarié lui-même.

a. Protection du salaire contre l’employeur


Les modalités de constatation des salaires, les limites apportées aux retenues sur salaire et
l’inopposabilité de la mention « reçu pour solde de tout compte » sont destinés à protéger le
salarié contre les manœuvres de l’employeur. Les modalités de constatations sont : le bulletin
de paie et le registre de paiement.

26
L’employeur est tenu de délivrer les bulletins de paie, sauf en cas d’activité payée à l’heure.
Ce bulletin obéit à un certain formalisme : classification professionnelle, emploi retenu,
périodicité, montant de la rémunération nette, date du paiement.
L’acceptation par le travailleur d’un bulletin de paie sans réserve ni protestation ne saurait
signifier renonciation de la part du salarié au paiement de tout pu partie de son salaire.

En dehors des prélèvements, remboursement et des prestations prévues par l’article 66 du


code du travail, il ne peut être fait de retenue sur salaire que dans les cas suivants :
- saisie-arrêt,
- application des dispositions de l’article 21 du code du travail
- cession volontaire souscrite par le cédant et communiqué pour vérification à
l’inspecteur du travail du ressort quand il s’agit du remboursement des avances
consenties par l’employeur à l’emplyé (Art. 75 al. 5 du CT).
Selon l’article 69 al. 3 du CT, la mention « reçu pour solde de tout compte » n’est pas
opposable au travailleur. Il en est de même de toute autre mention équivalente. En effet, tout
engagement souscrit par l’employé au moment de son départ de l’entreprise ne vaut pas
renonciation aux droits qu’il détient de sont contrat.

b. la protection du salaire contre les créanciers du travailleur

Le salaire est partiellement saisissable et cessible au profit d'un créancier.


Cependant, compte tenu du caractère alimentaire du salaire, le décret n° 94/197/Pm du 9 mai
1997 fixant la quotité cessible et saisissable du salaire impose un certain nombre d’obligations
à la fois au liquidateur de l’entreprise et à l’employeur. Les retenues sur salaire sont fixées de
manières suivante :
- 1/10è de la fraction de salaire inférieure ou égale à 18 750 F,
- 1/5è de la fraction strictement supérieur à 18 750 F et inférieurs ou égalde à 37 500 F,
- ¼ de la fraction de salaire strictement supérieure à 37 500 F et inférieure ou égale à
75 000F,
- 1/3 de la fraction strictement supérieure à 75 000 f et inférieure ou égale à 112 500 f,
- ½ de la fraction strictement supérieure à 112 500F et inférieurs ou égale à 142 500F,
- la totalité de la fraction supérieure à 142 500 F. Les retenues sont mensuelles.

§2. Les obligations de l’employé


Elles se déclinent en obligations matérielles et en obligations morales.

§1. Les obligations morales de l’employé


Le travailleur doit exécuter le travail convenu. Eu égard au caractère intuitu personae du
contrat du travail il a l’obligation de l’exécuter personnellement ; il ne peut se substituer une
autre personne qu’avec l’accord de l’employeur. Il est tenu d’exécuter correctement le travail
avec toute la conscience et la diligence d’un bon père de famille. il doit s’intégrer dans
l’entreprise et se soucier de son bon fonctionnement. C’est ce qui explique que sa
responsabilité soit rarement engagée pour risque dans l’exécution du travail. Et en cas de
faute, sa responsabilité doit être appréciée in concreto.
La responsabilité de l’employé peut être retenue pour délit pénal, notamment pour vol au
détriment de l’entreprise.

27
Il revient à l’employeur d’établir la culpabilité de son employé.

§2. Les obligations morales


Elles sont variées :

A. le devoir d’obéissance
C’est la conséquence logique du lien de subordination. Tout acte d’insubordination, tout
comportement insolent, (injures, mépris, médisance, calomnie…) peut justifier la rupture du
lien contractuel.
Le salarié est tenu de respecter le règlement intérieur de l’entreprise. Aussi le refus de porter
un dispositif de sécurité peut constituer une faute lourde pouvant justifier le licenciement.

B. Le devoir d’intégrité
Il est encore appelé devoir de probité. Le salarié doit être incorruptible. Il doit être un citoyen
modèle, déterminé à sauvegarder l’honneur et les intérêts de l’entreprise qui l’emploie. Tout
employé rémunéré sous quelque forme que ce soit, qui agrée des commerces sans
l’autorisation de son patron, reçoit de dons pour faire ou s’abstenir de faire un acte de son
service, tombe sous le coup de la loi pénale qui punit à l’article 312 le délit de corruption.
La violation du devoir d’intégrité constitue sur le plan contractuel une faute lourde, légitimant
le licenciement, ou une faute grave justifiant la rupture anticipée d’un contrat à durée
déterminée.

C. Le devoir de conserver le secret de l’entreprise


L’employé est astreint à une obligation de réserve. Il doit conserver jalousement les secrets de
l’entreprise. Il ne doit en aucun cas en faire profiter personne. Celui qui révèle sans
autorisation de celui à qui il appartient, un fait confidentiel (ou même un procédé industriel,
commerciaux) connu ou a lui confié en raison de sa profession ou de sa fonction, tombe sous
le coup de la loi pénale qui punit à l’article 310, la violation du secret professionnel.
L’obligation de garder le secret professionnel constitue un moyen efficace de protection des
droits de l’employeur.

D. Le devoir de non-concurrence
Le travailleur peut être amené, sous la base de son contrat de travail, à ne pas exercer même
après les heures normales de travail, une activité susceptible de concurrencer celle de son
employeur. Ce devoir peut survivre au contrat. En effet d’après l’article 31 al. 2 du CT, le
salarié ne pourra pas en cas de rupture du contrat de travail, exercer pour son compte ou celui
d’autrui, une activité de nature à concurrencer celle de son ex-employeur, et cela dans deux
conditions :
- si la rupture est survenue de son fait (démission) alors que l’employeur avait assumé
les frais de son déplacement du lieu de sa résidence au lieu du travail.
- Si la rupture du contrat est consécutive à une faute lourde de l’employé. l’article 31 al.
3 du CT ajoute que cette interdiction ne peut s’étendre que sur un rayon de 50 km
autour de du lieu de travail et pendant un délai d’un an.

28
CHAPITRE 3 : LES EVENEMENTS PERTUBANT L’EXECUTION DU CONTRAT
DE TRAVAIL

La maladie, la maternité, la vente de l’entreprise, sont des événements qui perturbent la bonne
exécution de la relation de travail. Loin d’être rompu, le contrat de travail résiste grâce à deux
mécanismes : la suspension du contrat de travail et le transfert des contrats de travail en cas de
changement d’employeur.
Cependant le contrat de travail n’a pas vocation à l’éternité. La rupture du contrat de travail
peut intervenir dans les circonstances les plus diverses, entraînant démission, départ à la
retraite ou licenciement.

Section 1. Le transfert des contrats de travail en cas de changement d’employeur

La question de départ est simple. Une entreprise change de mains. Les salariés avaient
contracté avec l’ancien propriétaire. Ils n’ont rien conclu avec le nouveau propriétaire. Les
salariés se retrouvent ainsi liés à une personne qui n’a plus de travail à fournir. L’acquéreur,
lui a besoin de travail, mais n’a aucun salarié. L’intérêt des salariés est généralement de
conserver leur emploi et donc de continuer leur travail avec l’acquéreur de l’entreprise. Les
salariés suivent le sort de l’entreprise ; ils sont en quelque sorte transférés avec l’entreprise.
De manière plus précise, l’article 42 al. 1 du Code du Travail dit qu’en cas de transfert
d’entreprise, les contrats individuels de travail sont maintenus entre le nouvel employeur et le
personnel de l’entreprise.
Ainsi, lorsqu’il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur,
notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les
contrats de travail en cours au jour de la modification, subsistent entre le nouvel employeur et
le personnel de l'entreprise. Le contrat de travail apparaissant formé avec l'entreprise plus
qu'avec l'employeur.

§ 1. Les salariés concernés

Certaines conditions sont obligatoires pour permettre l'application de l'article 42 al 1 du CT.


Il faut en effet, que le salarié soit titulaire d'un contrat de travail.
Il peut s'agir d'un contrat à durée indéterminée, d'un contrat à durée déterminé, d'un contrat à
l'essai etc.
Le contrat de travail doit, en outre, être en cours d'exécution à la date de la modification.
Cela implique que la simple suspension du contrat ou un détachement dans une autre
entreprise permettent l'application de la règle.
A l'inverse, les contrats rompus avant le transfert d'entreprise ne sont pas maintenus avec le
nouvel exploitant. Ce dernier ne saurait être tenu des obligations qui en résultent.
Il convient cependant d'ajouter un certain nombre de précisions :
• Le nouvel employeur doit respecter la priorité de réembauchage prévue dans le cas d'un
licenciement économique.
• Le nouvel employeur est en droit d'invoquer la clause de non concurrence liant l'ancien
salarié à l'employeur initial.
• Si le transfert intervient alors que le salarié se trouve en situation de préavis de rupture, ce
dernier a droit au reliquat de son délai-congé.

29
§ 2. Les conditions d'application

L'idée majeure ici est celle de «la continuité de l'entreprise».


Il est donc nécessaire que soit poursuivie :
• une activité de même nature
• avec persistance des mêmes possibilités d'emplois.

On peut donc en déduire que l'article 42 al.1 du C T ne s'appliquera pas en cas de cessation
pure et simple d'activité sans reprise par un autre employeur. A l'inverse, l'interruption
temporaire de l'activité ne fait pas obstacle au maintien des contrats de travail dès lors que
c'est la même entreprise qui se remet à fonctionner.
Remarque : On notera ici que la jurisprudence admet «une activité analogue» et non
nécessairement identique.

§3. Les effets de l’article 42 al. du code du travail

On peut distinguer ici deux effets principaux de l'application de l'article 42 al 1 du CT : le


maintien du contrat de travail et la répartition des obligations entre l'ancien et le nouvel
employeur.

1) Le maintien du contrat de travail

En cas de modification de la situation juridique de l'employeur, tous les contrats de travail en


cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Tout changement juridique à la tête d’une entreprise devrait conduire au maintien des contrats
entre le personnel et le nouvel employeur.
En outre, ils doivent se poursuivre «dans les mêmes conditions» juridiques et ce n'est que dans
certaines conditions exceptionnelles que l'ancien employeur ou son successeur pourront
résilier les contrats de travail.

Certaines règles complémentaires participent à ce dispositif :


• Les contrats de travail se poursuivent de plein droit sans formalisme particulier.
• La poursuite du contrat s'impose, non seulement à l'employeur, mais aussi au salarié
• Les clauses de non-concurrence signées par l'ancien employeur ne sont pas opposables à son
successeur.
Le refus du salarié de poursuivre la relation de travail s'analysera comme une démission sauf
lorsqu'il y a modification substantielle du contrat de travail. Le contrat va continuer à
s'exécuter dans les mêmes conditions. Cela va porter sur sa qualification, sa rémunération, ses
primes. Le salarié conserve l'intégralité de son ancienneté professionnelle dont le point de
départ reste directement lié à la date de son recrutement par le 1er employeur.

2) Les obligations des deux employeurs successifs

L'employeur est tenu, vis-à-vis des salariés dont le contrat subsiste, des obligations qui
incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification.
Il en résulte que l'ancien employeur est tenu de rembourser les sommes acquittées à sa place
par le nouvel employeur sauf s'il en a été tenu compte dans la convention intervenue entre
eux.
30
L'application de cet article emporte un certain nombre de conséquences :

• le nouvel employeur doit assumer la charge des salaires et dettes nés à la date du transfert
mais qui demeurent impayées,
• le salarié conserve le droit de se retourner contre son ancien employeur pour exercer une
action en paiement,
• les dettes nées après le transfert sont à la charge d'un nouvel employeur y compris si elles
correspondent pour tout ou partie à un travail réalisé sous l'ancienne direction.

Les contrats ne peuvent prendre fin que si les travailleurs sollicitent eux-mêmes leur départ,
ou si le changement d’employeur est suivi du changement d’activité.

Cette règle consensuelle dans son principe est l’une des exceptions à l’effet relatif des
contrats. Une telle disposition vise à faire échec à l’art. 1165 du C.civ qui dispose en
substance « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes. Elles ne nuisent
guère aux tiers, et ne leur profitent que dans les cas prévus à l’Art 1121 du C.civ. »

§4. La modification du contrat générant des changements de conditions de travail

Les principes civilistes relatifs à la liberté contractuelle font du contrat la loi des parties. De
fait, l’employeur comme le salarié sont tenus de respecter la loi des parties. Ils peuvent
convenir sous certaines conditions de la faire évoluer ; mais une telle modification ne peut
être imposée à l’une ou à l’autre des parties si elle porte sur des éléments essentiels ou
substantiels. La modification unilatérale ne devrait porter que sur des clauses accessoires.

Les clauses substantielles du contrat de travail ne peuvent être modifiées que sur l’accord des
deux parties. On considère comme substantielles car portant sur la nature même du contrat de
travail, les modifications suivantes :
- Le mode de rémunération,
- Le lieu d’exécution du travail,
- La durée du travail,
- La qualification du salarié.
Lorsque l’une des parties prend l’initiative de modification une clause substantielle du contrat,
la rupture qui peut s’en suivre lui est imputable. Mais lorsque la modification porte sur une
clause non substantielle, le refus de l’autre partenaire est en principe fautif, surtout lorsque la
modification porte sur les intérêts fondamentaux de l’entreprise. Un employeur qui réduit de
manière unilatérale le salaire, qu’il paie déjà de manière irrégulière ou qui affecte son
employé sans solliciter son avis, porte atteint aux clauses substantielles du contrat, et le
travailleur contraint à la démission, est en fait victime de licenciement déguisé.

Section 2 : la suspension du contrat de travail.

Certains événements peuvent venir bloquer, de manière temporaire l’exécution des principales
obligations du contrat de travail. Afin d’assurer une certaine pérennité à la relation de travail,
le contrat n’en est pas pour autant résilié : les obligations sont considérées momentanément
mises en sommeil. On parle alors de « suspension du contrat de travail ».

31
§. 1 : Les causes de suspension du contrat de travail

On peut distinguer deux types de causes. En effet, d’après l’article 32 du code du travail, il
existe des causes fondamentales et des causes secondaires. Intéressons-nous exclusivement
aux causes fondamentales.
Parmi les causes fondamentales, on peut citer :
- La maladie non professionnelle du travailleur,
- le congé de maternité,
- Le chômage technique,
- Le congé payé,

A. La maladie non professionnelle

Du fait de la détérioration de son état de santé, un salarié peut être physiquement incapable de
réaliser le travail pour lequel il a été embauché, de manière temporaire ou définitive. Atteint
dans son corps, il risque alors de perdre en outre son salaire. En réaction, un certain nombre
de règles protectrices ont été mises en place.
La maladie non professionnelle suspend le contrat pendant 6 mois. Ce délai est prorogé
jusqu’au remplacement effectif du travailleur. La maladie du salarié doit être constatée par un
certificat médical délivré par un médecin agrée par l’employeur ou relevant d’un
établissement hospitalier reconnu par l’Etat. Ce certificat doit être présenté pendant la période
de maladie et non après la guérison.
A défaut d’un certificat médical, le travailleur peut être considéré comme absent, et
sanctionné immédiatement par un licenciement.
En cas de maladie professionnelle du salarié, la durée maximale est supérieure à 3 ans.
La notification doit se faire par écrit à l’employeur. Cependant, la jurisprudence décide que
cette notification peut se faire par tous moyens, notamment par information directe de
l’employeur par les membres de la famille du malade. (Art. 32 al. c du CT).

B. Le congé de maternité

D’après l’art 32 al. du CT, le contrat de travail de la femme salariée est suspendu pendant la
période de maternité. Ce congé dure 14 semaines : 4 semaines avant la date de
l’accouchement et 10 semaines après l’accouchement (art 84 du CT). Ce délai peut être
prorogé de 6 semaines en cas de la maladie dûment constatée, et résultant soit de la grossesse,
soit des couches. Pendant la durée de la maternité, l’employeur ne peut rompre le contrat de la
femme bénéficiaire pour cause de grossesse. La femme dans cet état peut rompre son contrat
sans préavis. Si l’accouchement a lieu avant la date présumée, la période de repos est
prolongée jusqu’à l’accomplissement des 14 semaines.

C. Le chômage technique

La mise à pied économique ou chômage technique est la situation dans laquelle se trouve un
salarié lorsque l’employeur ne remplit plus son obligation de fournir un travail, lorsqu’il
réduit unilatéralement et provisoirement le temps de travail de ses salariés. Le contrat de
travail est alors suspendu et les salaires réduits.
Le chômage technique suspend le contrat de travail pendant une durée maximale de 6 mois
(Art. 32 al. k CT). C’est une interruption collective, totale ou partielle des activités du
personnel de l’entreprise ou d’un établissement résultant soit des causes accidentelles ou de
32
force majeure, (sinistre ou intempéries de caractères exceptionnel) soit d’une conjoncture
économique défavorable.

D. Le congé payé

Le travailleur a droit à un congé payé après un an de service effectif. D’après l’article 89 du


C.T., il acquiert le droit aux congés payé à la charge de son employeur, en raison d’un jour et
demi (1jr ½) ouvrables par mois de service. L’art 92 al 1 du CT précise que ce droit est acquis
après d’une durée effective de travail égale à un an de service effectif dans l’entreprise.

La durée du congé est augmentée en faveur des mères salariées, de 2 jours ouvrables par
enfant âgés de 6 ans et plus, à la date du départ en congé, inscrits à la l’état civil et vivant au
foyer. Cette durée est augmentée d’un jour seulement si le congé principal n’excède pas 6
jours (art 90 al 2 CT).
Pour les jeunes travailleurs de 18 ans, la base du calcul est de 2 jours et demi (art 90 al 1 CT).

§2 : Les effets de la suspension du contrat de travail.

Lorsque le contrat de travail est suspendu, il importe de déterminer la cause de cette


suspension. a chaque cause de suspension du contrat de travail correspond un régime
juridique spécifique.
La suspension du contrat de travail produit deux types d’effet : les effets communs et les
effets propres à chaque type de suspension.

A. Effets communs à toute forme de suspension.

La suspension du contrat ne suspend pas le lien de subordination. Elle constate toute


simplement l’arrêt des activités ; et par ce qu’il n’y a plus activité, il n’y a plus en principe
salaire.

B. Effets propres à chaque suspension

 Maladie non-professionnelle :
Pendant les 6 premiers moins de la maladie, l’employé bénéficie de la totalité du salaire.
 Congé de maternité :
La femme salariée dans cet état a droit à tous les avantages. Elle a droit à la charge de la
CNPS, à une indemnité journalière égale au montant du salaire effectivement perçu au
moment de la suspension de son contrat.
 Chômage technique :
Pendant la période de suspension du contrat, le chômeur a droit à une indemnité de chômage
technique égale à un pourcentage du salaire mensuel fixé comme suit :
 1er mois : 50%
 2e mois : 40%
 3e mois : 35%
 4e mois : 30%
 5e mois : 25%
 6e mois : 20%
Cf. arrêté N°001/4/MTPS du 14 février 1995 fixant les taux d’indemnisation pendant la
période de suspension au chômage technique.
33
Le salaire à prendre en compte est le salaire de base majoré de la prime d’ancienneté perçue
au moment de l’arrêt du travail.
 Le congé payé
D’après l’art. 4 du décret N° 75/28 du 10 février 1975, l’allocation de congé payé est égale à
une fraction de la rémunération totale perçue par le travailleur au cours de la période de
référence. Cette fraction est égale à 1/16e de la rémunération totale.

C. Le concours de causes de suspension

La détermination juridique de la cause de la suspension peut être problématique, lorsque


plusieurs causes de suspension sont présentes simultanément. On peut se demander par
exemple, si le contrat d’un salarié malade pendant ses congés payés est juridiquement
suspendu pour maladie ou pour congés payés. Cette difficulté est désignée sous l’expression
de « concours de causes de suspension ». La Cour de cassation a, longtemps adopté la
solution de principe suivante : la cause de suspension survenue en premier l’emporte sur la
cause qui n’est apparue qu’ultérieurement. Ainsi, un salarié tombé malade au cours de ses
congés payés devait être considéré comme en congé.

A l’inverse, si la maladie avait commencé avant la date prévue pour le départ en congé du
salarié, le salarié restait juridiquement considéré comme malade. Le temps de la maladie ne
s’imputait pas sur le temps des congés et à la date initialement prévue pour son retour, il
bénéficiait d’un reliquat de congés payés.
La cour de cassation a progressivement abandonné le critère chronologique qui a laissé la
place à un autre mode de résolution des conflits, qui compare les causes de suspension et leur
régime, et détermine en fonction de la nature de ces causes laquelle l’emporte,
indépendamment de leurs dates de survenance.

Section 3 : la rupture de la relation de travail

La rupture du contrat de travail peut recouvrer de nombreuses qualifications qui vont de la


démission, à la rupture d’un commun accord en passant par la mise à la retraite ou le
licenciement. Le décès du salarié constitue également une cause de rupture de la relation de
travail, eu égard au caractère intuitu personae de ce contrat. Les droit du de cujus sont
transférés à ses ayant-droits.
Les développements qui vont suivre porteront essentiellement sur la démission et le
licenciement.

§ 1: la démission

Lorsque le salarié prend l’initiative de rompre la relation de travail, on parle de démission.


Elle exige certaines conditions et produit certains effets.

A. Les conditions de la démission

La démission ne se présume pas ; elle doit résulter d’une manifestation sérieuse et non
équivoque de la volonté du salarié. Le travailleur qui envisage de démissionner doit modifier
par écrit son projet à l’employeur. Mais la jurisprudence considère qu’une démission verbale
est tout à fait valable juridiquement, Cependant pour éviter toute contestation ultérieure sur la
34
réalité et les modalités de la démission, celle-ci doit être signifiée par écrit dans l’intérêt de
l’employeur et du salarié.
Le travailleur démissionnaire doit respecter le délai de préavis ; pendant cette période de
préavis, le travailleur bénéficie comme dans le cadre du licenciement d’un jour de liberté par
semaine, afin de rechercher un autre emploi. Si le préavis n’est pas respecté, le travailleur
peut être condamné à payer à l’employeur une indemnité compensatrice de préavis. Cette
indemnité correspond aux salaires et avantages dont aurait bénéficié le travailleur pendant la
période de préavis (art 35 et 36 du CT)

Cependant, les parties peuvent s’entendre pour ne plus respecter le préavis. Dans cette
hypothèse, l’initiateur de la rupture paie immédiatement l’indemnité correspondante.
La preuve de la démission doit être rapportée par l’employeur. Et à cet égard, la jurisprudence
se montre particulièrement exigeante notamment sur le point de savoir s’il ya eu
effectivement démission. En effet, elle décide que si par des agissements consistant
notamment au refus de payer à l’employé ses droits, si celui-ci démissionne, il n’y a pas
juridiquement parlant démission, mais licenciement déguisé.

B. Les effets de la démission

Le travailleur démissionnaire n’a droit à aucune indemnité. Il n’a pas droit à la priorité de
réembauchage. Il a droit à un certificat de travail (art 44 CT). Il est protégé par
l’inopposabilité de la mention « reçu pour solde de tout compte ».
- Il est tenu de respecter le secret professionnel,
- Il doit respecter le secret de non-concurrence, si cela a été expressément prévu dans le
contrat.
Il y aura démission abusive si le salarié a commis une faute dans l’exercice de son droit :
malveillance, brutalité, concurrence déloyale, détournement de clientèle etc. Le salarié
démissionnaire peut être condamné à verser des dommages-intérêts à son employeur. Il faut
que le salarié ait agi avec une intention de nuire ou une légèreté blâmable.

§ 2 : Le licenciement

Il trouve son fondement dans l’art 34 al 2 du CT, et constitue le plus important du contentieux
du droit du travail. Tout en posant le principe d’un droit de résiliation unilatéral du contrat de
travail appartenant à l’employeur, la loi exige que la rupture à l’initiative du chef d’entreprise
soit fondée sur un motif valable. Il doit être légitime pour ne pas aboutir à la condamnation de
l’employeur à l’observation de certains droits.

A. Les hypothèses de licenciement

Le licenciement doit être légitime c'est-à-dire que le motif du licenciement doit être légitime.
Au cas contraire, on aboutit à un licenciement abusif. Si l’employeur n’a seulement pas
respecté la procédure de licenciement, on parlera tantôt du licenciement irrégulier, tantôt du
licenciement nul.

1. Le licenciement légitime

Il est fondé sur un motif valable : il peut venir soit du travailleur lui-même, soit de
l’entreprise. On dira qu’il y a licenciement légitime notamment en cas de :
35
- Faute lourde ou d’insuffisance professionnelle du travailleur ;
- Motif économique ou de difficulté économique.
La faute lourde est une faute extrêmement grave qui d’après les usages, rend intolérable le
maintien du lien contractuel.

L’appréciation de la faute lourde relève du pouvoir des juges du fond. Cette appréciation se
fait sous le contrôle de la cour suprême.

La faute lourde n’est pas synonyme de faute grave. En effet, on peut retenir que la faute
grave bien que légitimant le licenciement permet aux travailleurs de bénéficier du préavis, de
l’indemnité du préavis et de l’indemnité du licenciement (lorsque la condition d’ancienneté
est remplie) ; alors que la faute lourde est privative non seulement du préavis et de
l’indemnité du préavis mais aussi de l’indemnité de licenciement.

La jurisprudence retient aussi l’insuffisance professionnelle comme un motif de licenciement ;


mais à condition que la preuve de l’incompétence soit apportée au moment du licenciement et
dans la lettre du licenciement.

Le travailleur peut aussi être licencié pour perte de confiance. Cela arrive très souvent à la
suite d’une infraction commise par l’employé au détriment de son patron. Il n’est pas
nécessaire que le procès pénal aboutisse à une condamnation. L’essentiel pour l’employeur
c’est de démontrer que l’implication (démontrée ou non) de son partenaire dans un fait
indécent et illicite, est de nature à remettre en cause la confiance qu’il avait placé en lui.
De manière générale, il revient au juge d’apprécier le motif de licenciement, car il n’existe pas
une liste exhaustive des motifs du licenciement. Le juge dans cette mission doit être guidé par
l’intérêt de l’entreprise.
Il ya donc motif légitime de licenciement chaque fois que le comportement du travailleur ne
profite pas aux intérêts de l’entreprise ou que les conditions économiques (situation de la
trésorerie, absence de débouchés, crise économique …) justifient une restructuration ou une
réorganisation de l’entreprise, réorganisation qui passerait notamment par un licenciement
pour motif économique.

2. Le licenciement irrégulier

Il s’agit d’une innovation de l’art 39 de CT de 1992, bien que l’interprétation de cet article
fasse encore l’objet de querelles doctrinales.
Il y a licenciement irrégulier chaque fois que la rupture du lien contractuel intervient au
mépris de la procédure (la lettre du licenciement, la motivation, la notification et le préavis).

3. le licenciement nul

A côté des hypothèses des Art 4 et 130 du CT, il existe d’autres hypothèses pour lesquelles le
législateur interdit le licenciement tout en refusant d’en tirer les conséquences.
C’est notamment le cas du licenciement d’une femme en état de grossesse, d’un gréviste (en
cas de grève légitime) : Art 157 du CT. Dans ces deux hypothèses, le licenciement est interdit.
Mais le législateur ne prévoit pas la sanction que mérite l’employeur pour n’avoir pas
respecté la loi.

36
Si le droit à une famille est un droit fondamental de l’homme, le licenciement d’une femme
pour raison de grossesse devrait être qualifiée de nul et de nul effet, et par conséquent
entraîner la réintégration de la victime.
Si la grève est un droit fondamental du travailleur, licencier un gréviste (en cas de grève
légitime) constitue de manière très subtile de reprendre d’une main ce que l’on aura donné de
l’autre.

Est expressément nul et de nul effet, tout licenciement qui se justifie par les opinions
politique, syndicale ou religieuse du salarié ; Art 4 du CT. Mais seulement, dans cette
hypothèse, le législateur ne parle pas de réintégration pure et simple.

C’est le lieu de noter que le non respect de la procédure du licenciement d’un délégué du
personnel, n’aboutit pas à un licenciement irrégulier ou abusif, mais à un licenciement nul.
Rappelons enfin que le non respect de la procédure de l’Art 40 du CT (convocation du
délégué du personnel, information de l’inspection du travail du ressort, recherche des
alternatives au licenciement pour motif économique) peut être qualifié soit de licenciement
irrégulier, soit de licenciement abusif ; le licenciement irrégulier étant originellement une
modalité du licenciement abusif.

C’est à l’Art. 130 du CT que le législateur parle de réintégration : la réintégration d’un


délégué du personnel, titulaire ou suppléant, licencié sans autorisation préalable de
l’inspecteur du travail du ressort.
En effet, par souci de protéger le délégué du personnel en situation plus statutaire que
contractuelle, le législateur prescrit à tout employeur de solliciter et d’obtenir l’autorisation de
l’inspecteur du travail du ressort avant de procéder au licenciement. Il peut à la limite, lorsque
le délégué du personnel a commis une faute grave, suspendre son contrat en attendant
l’autorisation de l’inspecteur du travail. Cette suspension est appelée mise à pied
conservatoire.
Si l’employeur licencie le délégué du personnel avant de solliciter l’autorisation de
l’inspecteur du travail, ledit licenciement est nul et de nul effet. S’il licencie en dépit du refus
de l’inspecteur du travail, son acte est nul et de nul effet.

4. le licenciement abusif

Ce licenciement n’a pas de définition, il admet seulement des hypothèses.

a. Licenciement au mépris des formalités de l’Art 34 du CT

Le préavis est d’ordre public qu’il s’agisse du licenciement ou de la démission il se donne par
écrit. C’est un délai préfix c’est-à-dire qui ne peut être suspendue ou interrompue. C’est dire
qu’une maladie pendant la période du préavis ne suspend pas son cours. Le délai ne doit pas
être donné pendant une période de congé déjà notifiée.
Le motif doit être donné dans la lettre du licenciement et au moment du licenciement. C’est
dire que la révision du motif devant le juge a un effet rétroactif sur le licenciement qui est
désormais abusif.

b. Le licenciement objectivement abusif

37
C’est le licenciement sans motif réel et sérieux. Cela arrive lorsque l’employeur a exercé son
droit sans une cause revêtant, une certaine gravité qui rendrait insupportable le maintien du
lien contractuel. La jurisprudence parle de légèreté blâmable, d’attitude fantaisiste ou
d’invention.
c. Le licenciement déguisé :

Il y a licenciement déguisé soit lorsque l’employeur profite de l’élasticité du temps pour faire
disparaître le lien contractuel, soit lorsqu’il fait pression sur le travailleur pour le voir
démissionner.

d. Licenciement pour un motif illégal

C’est le cas de licenciement pour opinion syndicale, religieuse ou politique. Ici, on tient
compte de l’Art 39 du CT, mais seulement, il y a une nette contradiction entre l’art 9 al 1er et
l’art. 4 al 4.
En effet, d’après ce dernier article, est nul et de nul effet tout acte contraire au présent
article. Or, ledit article porte sur la liberté syndicale et notamment l’interdiction de licencier
pour motif syndical. Et l’article 39 al 1 CT dispose in fine : « sont notamment considérés
comme effectués abusivement, les licenciements motivés par les opinions du travailleur, son
appartenance ou sa non appartenance à un syndicat ».

5. Le licenciement pour motif économique

Le licenciement pour motif économique est un sujet socialement, politiquement, et


juridiquement très disputé. Un licenciement économique peut concerner, en une seule fois,
des centaines de personnes. Il précipite dans le chômage des salariés auxquels rien n’est
reproché, ni faute, ni insuffisance professionnelle. Il est l’objet d’une règlementation spéciale.
Ce licenciement s’opère chaque fois qu’il se justifie par des raisons conjoncturelles ou
structurelles. En effet les difficultés financières, techniques ou économiques de l’entreprise
peuvent justifier un licenciement. Ce licenciement est abusif dès lorsqu’il ne respecte pas la
procédure prescrite par l’Art 40 du CT ; prescription qui vise à protéger les salariés contre les
manœuvres frauduleuses de l’employeur. En effet, l’employeur qui envisage de licencier pour
motif économique doit convoquer le délégué du personnel, informer l’inspecteur du travail du
ressort et tous ensembles ils recherchent les alternatives à ce licenciement.
Le non respect de cette procédure aboutit à un licenciement abusif :

La jurisprudence retient comme motif conjoncturel :


- L’insuffisance des crédits
- La crise des trésoreries
- L’étroitesse des marchés

Le motif structurel est lié à l’organisation ou à la réorganisation de l’entreprise.


Le licenciement pour motif économique obéit à quatre étapes (cf Arrêté N° 16/MTPS/SG/CJ
du 26 mai 1993) :
- La convocation du délégué du personnel et l’information de l’inspecteur du travail du
ressort : dans les entreprises où il n’y a pas de délégué du personnel, l’Art 3 de l’arrêté
sus-cité permet à l’employeur d’informer l’inspecteur du travail qui doit à son tour
choisir le délégué du personnel ad hoc ;

38
- La recherche des mesures alternatives au licenciement pour motif économique : ces
alternatives sont notamment : réduction des horaires de travail, le travail par roulement
(par équipes) ; le travail à temps partiel ; le chômage technique le réaménagement des
primes des indemnités ; la réduction des salaires. En dépit de ces mesures alternatives,
le licenciement peut s’avérer toujours nécessaire. Le licenciement s’impose aussi soit
parce qu’à l’issue d’un mois de négociation, les parties n’arrivent pas à s’entendre,
soit parce que les employés s’opposent aux résolutions.

- L’établissement de la liste des travailleurs à licencier. C’est le travail de l’employeur.


Cette liste obéit à trois critères : l’aptitude professionnelle, l’ancienneté et les charges
familiales. La liste ainsi dressée est remise au délégué du personnel et à l’inspecteur
du travail pour visa.

- L’arbitrage du ministre chargé du travail. D’après l’Art 40, la communication de


l’employeur et la réponse du délégué du personnel sont transmises sans délai au
ministre chargé du travail.

B. les droits du travailleur licencié

- Le certificat du travail. D’après l’Art 44 al du CT, à expiration du contrat de travail


quel que soit le motif de sa résiliation, l’employeur doit délivrer au travailleur au
moment du départ un certificat de travail indiquant exclusivement la date de son
entrée, celle de sa sortie, la nature et les dates des emplois successivement occupés.
En dehors de ces exigences, le certificat de travail ne répond pas à un formalisme précis.

- L’indemnité de licenciement. Elle est nécessaire dans toutes les hypothèses de


licenciement, sauf l’hypothèse de licenciement pour faute lourde. En effet, pour avoir
droit à cette indemnité et conformément à l’Art 37 CT et l’arrêté du 26 mai 1993,
l’employé doit avoir une ancienneté d’au moins 2 ans dans l’entreprise, et ne doit pas
avoir commis de faute lourde.
L’indemnité de licenciement est égale à un pourcentage mensuel du salaire moyen des 12
derniers mois précédant le licenciement pour chaque année de présence dans l’entreprise.
Les taux sont les suivants :
 De 1-5 ans d’ancienneté 20%
 De 6 – 10 ans : 25%
 11 – 15 ans : 30%
 16 – 20 ans : 35 %
 A partir de 21 ans 40 %

- L’indemnité de préavis
Il se calcule en multipliant le salaire mensuel moyen du travailleur par le nombre de jour ou
de mois de préavis.
Le délai de préavis se calcule sur la base de l’ancienneté et de la catégorie professionnelle,
conformément au tableau ci-après.
Le délai de préavis constitue le minimum. Les parties peuvent donc prévoir un délai plus long.

39
LES DIFFERENTS DELAIS DE PREAVIS

Catégorie Ancienneté
Moins d’un an Entre 1 et 5 ans plus de 5 ans
I à VI 01 mois 02 mois 02 mois
VII à IX 01 mois 02 mois 03 mois
X à XII 01 mois 03 mois 04 mois

- L’indemnité de congés payés


Ce droit est égal à 1 jour et demi ouvrable par mois de service effectif dans
l’entreprise. Il s’obtient en multipliant le salaire journalier du travailleur par le nombre
de jours de congés dus.
- Les dommages et intérêts
On distingue deux types de D.I. : les D.I. pour licenciement abusif et les D.I pour
licenciement irrégulier.
a) Les D.I. pour licenciement abusif
Leur montant est cantonné entre un plancher et un plafond. Le plancher correspond au
montant minimum. Il est égal à 3 mois de salaires lorsque l’ancienneté du travailleur est
inférieure ou égal à 3 ans. Le plafond correspond au montant maximum des DI ; il ne
s’impose pas au juge. Il est l’équivalent d’un mois de salaire par année d’ancienneté. Il
s’applique à un travailleur ayant passé plus de trois ans dans l’entreprise.
b) Les D.I pour licenciement irrégulier
Son montant est au maximum l’équivalent d’un mois de salaire. (art. 39 du CT).

CHAPITRE 4 : LA RESOLUTION DES CONFLITS INDIVIDUELS


DANS L’ENTREPRISE
Les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail peuvent être
collectifs ou individuels. Sont individuels les différends qui surviennent à l’occasion du
contrat de travail entre les employeurs et les travailleurs.
Doivent aussi être qualifiés de différends individuels les conflits qui surviennent à l’occasion
d’un contrat de travail entre un employeur et un ou plusieurs travailleurs pris
individuellement. Les différends individuels supposent une revendication ou une réclamation
individuelle ayant pour objet les intérêts privés d’une ou plusieurs personnes. La résolution
d’un conflit collectif passe par une procédure rigoureuse précédée de l’identification des
hypothèses.

SECTION 1 : LA TYPOLOGIE DES DIFFERENDS INDIVIDUELS

Il peut s’agir des différends opposant employeur et salariés d’une part, ou des différents
opposant deux employeurs, d’autre part.

40
§ 1 : Les différends individuels entre employeurs et salariés.

Les différends individuels peuvent porter sur la contestation du salaire et accessoires du


salaire ; sur la demande en réparation d’un préjudice subit par l’employeur à la suite d’une
faute lourde du travailleur.
Les conflits individuels peuvent aussi porter sur la demande en expulsion d’un travailleur logé
au frais de l’employeur ou sur la restitution d’un salaire individuel. Ils peuvent aussi porter
sur la contestation d’un lien de contrat de travail entre les membres d’une même famille :
§2. Les différends individuels entre employeurs

L’hypothèse la plus courante porte sur l’action en concurrence déloyale. L’autre hypothèse
est relative à un débauchage déloyal. Mais la spécificité du droit du travail est ici très peu
prononcée pour les deux employeurs qui généralement sont des commerçants.

SECTION 2. LA PROCEDURE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS


INDIVIDUELS DE TRAVAIL.

La procédure se déroule en deux étapes : la procédure amiable et la procédure judiciaire.

§1. La procédure amiable.

Il ressort de l’article 139 du code du travail que « Tout travailleur ou tout employeur doit
demander à l’inspecteur du travail de régler le différend à l’amiable ». La tentative de
conciliation devant l’inspecteur compétent est une formalité obligatoire dont le défaut de
constatation dans la requête adressée au juge et dans le jugement qu’il prend, annule la
procédure.

Le déclenchement de la procédure doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagné d’un


exemplaire du procès verbal de conciliation partielle ou de non conciliation. Lorsque
l’inspecteur du travail n’a pas pu réconcilier les parties, celles-ci ont le droit de saisir le juge
compétent d’une requête à déposer au greffe du tribunal compétent.
La tentative de conciliation a lieu en audience non publique sur convocation de l’inspecteur
du travail. Si le demandeur ne se présente pas, après deux convocations d’audiences, l’affaire
est classée. Lorsque l’inspecteur du travail dresse le procès verbal, il le signe avec les parties.
Ce procès verbal devient applicable dès qu’il a été vérifié par le personnel du tribunal
compétent et revêtu de la formule exécutoire.
Si les deux parties comparaissent, il peut y avoir accord total ou partiel. En cas de conciliation
partielle, le procès verbal mentionne les points sur lesquels un accord est intervenu et ceux sur
lesquels le désaccord reste et persiste. L’échec total ou partiel de la tentative de conciliation,
déclenche la deuxième phase de la procédure.

§2. La procédure judiciaire

La procédure judiciaire suppose le respect des règles de compétence et des conditions


d’introduction et de déroulement de l’instance.

41
A. La juridiction compétente

Le tribunal territorialement compétent est celui du lieu de travail. Toutefois les parties
peuvent porter le litige devant le tribunal du lieu de résidence du défendeur et cela sous deux
conditions :
- que la partie qui se plaint ne réside plus au lieu où est exécuté son contrat.
- que les parties en conflits se trouvent au Cameroun (article 132 du CT).
Pour la compétence matérielle, on se réfère aux articles 15 al. 1(b) et 18 al.1 (b) de la
loi n°2006/015 du 29 Décembre 2006 portant organisation judiciaire.
D’après l’article 15 al. 1 (b), le TPI est compétent lorsque le montant de la demande
est inférieur ou égale à 10 000 000 FCFA.
D’après l’article 18 al. 1 (b), le TGI est compétent lorsque le montant de la demande
est supérieur à 10 000 000 FCFA.

B- Les conditions d’introduction et de déroulement de l’instance.

1- La composition du tribunal
En matière sociale, le tribunal se compose d’un magistrat, d’un greffier, d’un assesseur
employeur et d’un assesseur employé. Le mandat des assesseurs est de deux ans
renouvelables. Ils sont nommés par arrêté du ministre en charge du travail sur la base d’une
liste comportant au moins trois noms de chaque poste à pouvoir. Les fonctions d’assesseurs
sont gratuites ; toutefois, les frais de déplacement et de séjour et le montant des salaires et
indemnités perdues du fait de leur participation aux fonctions des tribunaux leur sont
remboursés (article 137 du CT).
Le président peut être contraint de statuer seul lorsque les assesseurs convoqués à deux
reprises ne se présentent pas. Dans ce cas, cette carence doit être expressément mentionnée
dans le jugement sous peine de nullité (article 133 du CT).

2- L’introduction d’instance
L’action est introduite par une déclaration orale ou écrite par la partie la plus diligente. La
procédure est gratuite. Le président a deux jours, Dimanche et les jours ferries non compris
pour étudier la demande après réception.

3- La convocation des parties


Le président doit convoquer les parties à comparaître dans un délai de huit jours, plus
éventuellement le délai de distance. La citation est faite à personne ou à domicile. Elle peut
être valablement faite par lettre recommandée avec accusée de réception.

4- L’assistance et la représentation des parties


Les parties ont le droit de se faire assister ou représenter soit conformément au droit commun,
soit par un employeur ou employé appartenant à la même branche d’activité ou encore par un
représentant des organisations syndicales auxquelles elles sont affiliées.
Les employeurs doivent être en outre représentés par un directeur, un employé de l’entreprise
ou toute autre personne munie d’une procuration (article 3 de la loi n°87/018 du 15 Juillet
1987 portant organisation de la profession d’avocat).

5- Les décisions éventuelles


Le juge prononcera un jugement par défaut si le défendeur ne comparaît pas et ne se fait pas
représenter. S’il a présenté ses moyens sous forme de mémoire, le juge rendra une décision
42
réputée contradictoire. Le défendeur défaillant à un délai de dix jours après notification, délai
de route non compris, pour faire opposition.
Si l’une des parties ne comparaît pas, le jugement rendu est exécutoire. Nonobstant tout
défaut, à moins qu’il n y ait eu appel.
L’appel doit intervenir dans un délai de quinze jours après le prononcé du jugement ; s’il est
contradictoire, ou dès sa signification s’il est par défaut ou réputé contradictoire. L’appel doit
être jugé dans les deux mois de la déclaration d’appel. la cour doit obligatoirement statuer sur
le caractère de l’appel.
Un appel abusif ou dilatoire peut entraîner la condamnation de l’appelant à une amende
(article 154 CT).
La tierce opposition est possible en droit du travail. La requête civile doit se faire dans un
délai de deux mois pour les mineurs, le délai cours à partir de la majorité, précédée de la
signification à personne (article 226 et 227 du CPC).
Le pouvoir d’appréciation doit se faire dans un délai de 30 jours à compter du lendemain du
jour de la signification (à personne ou à domicile), de l’arrêt de la Cour d’appel.

DEUXIEME PARTIE : LES RAPPORTS COLLECTIFS DE TRAVAIL


Sont collectifs les rapports noués entre un ou plusieurs employeurs ou groupements
d’employeurs et un groupement, organisé ou non, de salariés.
Les rapports collectifs de travail renvoient, à la représentation collective assurée par les
syndicats, les délégués du personnel les conflits collectifs de travail, les moyens d’expression
des partenaires sociaux au sein de l’entreprise.
Nous examinerons tour à tour le droit syndical dans l’entreprise, du délégué du personnel et
des conflits collectifs de travail.

CHAPITRE 1. LE DROIT SYNDICAL DANS L’ENTREPRISE


Les syndicats sont apparus au Cameroun au lendemain de la conférence de Brazzaville. La
liberté syndicale est consacrée par le préambule de la constitution et prévue par le code du
travail (art 3 à 22), et par le décret no 93 574/PM du 15 juillet 1993.

SECTION 1. LE PRINCIPE DE LA LIBERTE SYNDICALE

Un syndicat peut être défini comme une association qui a pour objet l’étude, la défense, le
développement et la protection des intérêts économiques, individuels, sociaux et agricoles de
ses membres.
Un syndicat professionnel regroupe les membres d’une branche d’activité ou des branches
d’activités connexes ou similaires. La liberté syndicale se conçoit via la liberté de création,
d’organisation, d’adhésion.

43
§1. La liberté de création et d’organisation

La loi reconnait aux employeurs et employés, sans restriction d’aucune sorte et sans
autorisation préalable, le droit de créer des syndicats professionnels (art 3.CT). Cette liberté
de création est assurée par des facilités d’enregistrement.
En effet, l’art 11 du CT prévoit une procédure d’enregistrement assez brève : le dossier de
création est déposé auprès de l’autorité compétente : greffier des syndicats, fonctionnaire
auprès du ministère de travail, et nommé par décret du président de la république. Ce
fonctionnaire à un délai d’un mois pour réagir. Lorsqu’il s’engage à enregistrer le syndicat, il
doit délivrer un récépissé d’enregistrement. Et s’il garde le silence au-delà d’un mois, son
silence vaut enregistrement.
En cas de litige, l’affaire est portée devant le juge administratif dans les 30 jours qui suivent la
notification de la décision de refus d’enregistrement ou d’annulation d’un enregistrement.
C’est le propre de la liberté syndicale. Mais ce propre admet des atténuations par le contrôle
que l’Etat peut faire au niveau du but poursuivi.
- Par l’obtention d’un certificat d’enregistrement, preuve de l’existence légale du
mouvement. Il faut préciser ici que l’art 11 du CT omet d’ajouter qu’en cas de silence du
greffier des syndicats au-delà du temps qui lui est imparti, les donneurs n’ont pas besoin de
récépissé d’enregistrement pour commencer leurs activités.

- Par la nécessité de regrouper 10 signatures au moins pour un syndicat de travailleurs et


5 signatures au moins pour un syndicat d’employeurs :
- Par la condition de jouissance des droits civiques et de non condamnation importante
d’échéant ce prévue à l’Art 30 Al 1, 2, 3, du code pénal.
- Par la nécessité pour les étrangers d’avoir désiré pendant au moins 5 ans sur le
territoire camerounais.
A côté de la liberté de création, il y a la liberté d’organisation. En effet, d’après l’Art 2
du décret suscité, les partenaires sociaux peuvent s’organiser :
- En un syndicat regroupant les travailleurs appartenant à une même branche d’activité
ou des activités connexes ;
- En unions syndicales regroupant des syndicats de profession ou d’activités différentes.
- En fédérations syndicales regroupant les syndicats de base de la même profession ou
de la même branche d’activité.
- En confédération syndicale regroupant les fédérations syndicales constituées à
l’échelle nationale et des unions des syndicats.
De manière globale et par propre, l’Etat n’exerce aucun contrôle ni sur un
financement, ni sur leurs structures, ni sur le choix des dirigeants, ni sur l’adhésion ou non à
un syndicat (Art 5 Al 1 CT).

§2. La liberté d’adhésion et de choix syndicale

Chaque travailleur ou employeur peut s’affilier à tout syndicat de son choix. La protection de
la liberté syndicale contre l’employeur à deux aspects :
- L’interdiction faite à l’employeur de prendre des décisions inspirées par le fait que le
travailleur fait partie ou non de tel ou tel syndicat.
- L’interdiction d’employer un quelconque moyen d’intimidation afin de dissuader une
affiliation ou une activité syndicale.
La protection de la liberté syndicale est assurée par les syndicats eux-mêmes. En effet, les
syndicats peuvent figurer sur la liste des obstacles à la liberté syndicale.
44
- Il faut donc protéger la liberté syndicale, la liberté de se syndiquer, la liberté de se
retirer d’un syndicat pour un autre. Ainsi, la pratique qui consiste pour un syndicat à
subordonner l’usage de sa marque par un employeur à l’obligation pour celui-ci de ne
prendre ou de ne conserver que les adhérents à son syndicat sont sanctionnés par la loi.
Par conséquent, l’employeur ne saurait tenir compte de l’appartenance ou de l’activité
syndicale lors de l’embauchage ou de la rupture du caractère (art 5 et 168 CT)
- Tout membre d’un syndicat peut démissionner à tout moment, nonobstant toute
disposition contraire prévue par les parties.

SECTION 2. L’ACTIVITE SYNDICALE

Les moyens d’action d’un syndicat donnent lieu à une variété de formes d’activité.

§1. Les moyens d’action syndicale

Un syndicat peut ester en justice pour la défense des intérêts des membres (syndiques) ou de
la profession ; posséder sans limitation des biens meubles et immeubles.
- Créer des œuvres sociales ;
- Contracter librement ;
- Informer librement les membres de leurs activités.
Un syndicat professionnel est une personne morale de droit privé. Il peut donc être civilement
responsable.

§2. Les formes d’activité syndicale

Distinguons les actions extra judiciaires des actions judiciaires.


Comme activités extra judiciaire, un syndicat professionnel joue un rôle consultatif important.
Il dispose d’un droit de contestation.
D’abord les activités de gestion. Un syndicat peut créer ou subventionner des œuvres sociales,
des sociétés coopératives.
Comme activité consultative, les syndicats professionnel sont des partenaires à part entière,
mais, entièrement à part. En effet, ils sont habilités à participer aux négociations concernant
les droits d’expressions des salariés dans l’entreprise. Ils participent à l’élaboration des
conventions collectives nationales. Ils sont représentés dans les conventions collectives.
Comme activité de contestation, les syndicats professionnels présentent les revendications de
leurs membres. Ils organisent des activités revendicatrices. Ils recherchent la grève.
Dans le cabre de leurs activités judiciaires, les syndicats mènent des actions individuelles et
collectives. En effet, un syndicat peut assister l’un de ces membres en instance, ou exercer lui-
même l’action individuelle de ses membres. Cela arrive lorsqu’il faut faire reconnaitre les
droits qu’un membre détient d’une loi, d’un accord collectif ou d’une action.
Les syndicats professionnels peuvent exercer devant toutes les juridictions tous les droits
réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à
l’intérêt collectif de la profession qu’il représente.

CHAPITRE 2. LES DELEGUES DU PERSONNEL


Dans une entreprise de très petite taille, un dialogue s’établit de manière naturelle entre
l’employeur et l’ensemble des salariés. Au fur et à mesure que les effectifs s’accroissent, il
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devient plus difficile, voire impossible. Des relais sont nécessaires. Donner aux salariés des
représentants qui s’expriment en leur nom, seront leurs porte – parole, est utile. Les salariés
camerounais sont représentés par les délégués du personnel.
Un délégué du personnel est un salarié élu par un collègue électoral des travailleurs de la
même entreprise pour faire observer pendant un temps déterminé les conditions de travail et
de transmettre à l’employeur au nom de tous, les réclamations du personnel. Il bénéficie d’une
situation statutaire, situation qui se vérifie aussi bien au niveau des élections, des missions que
de la protection contre le licenciement.
SECTION 1. ELECTIONS ET MISSIONS DU DELEGUE DU PERSONNEL

Examinons tour à tour les conditions d’élection et les missions des délégués du
personnel.
§1. Les élections

Certaines conditions sont exigées tant pour être électeur que pour être éligible au poste
de délégué du personnel.

A. Les conditions requises pour être électeur


- Etre travailleur dans l’entreprise ;
- N’être pas chef d’entreprise ou employeur ;
- Avoir au moins 18 ans ;
- Avoir travaillé au moins 6 mois dans l’entreprise

B. Conditions pour être éligible


- Etre travailleur de l’entre prise ;
- Avoir au moins 20 ans révolus ;
- Pouvoir s’exprimer en français ou en anglais ;
- Avoir travaillé dans l’entreprise pendant 12 mois au moins ;
- Ne pas être chef d’entreprise ou employeur ;
- Ne pas être conjoint ascendant ou allié direct du chef d’entreprise. (art
123 CT)

C. Durée du mandat et modalités d’élection


Durée du mandat : 2 ans renouvelables. Mais il peut être révoqué par le collège qui l’à élu. Il
est élu au scrutin secret. Les modalités de l’élection et le nombre de délégués à élire sont fixés
par un arrêté ministériel.

D. Contestation des élections


La contestation relative à l’électorat, à l’éligibilité, ainsi qu’à la régularité des opérations
électorales relève de la compétence du TPI qui statue d’urgence (art 126 al 1 CT). La
contestation doit être introduite dans les 3 jours qui suivent la publication de la liste électorale
si elle prote sur l’électorat ou sur l’éligibilité. Elle doit se faire dans les 15 jours qui suivent la
proclamation des résultats si elle porte sur la régularité des opérations électorales.

§2. Les missions du délégué du personnel

Le délégué du personnel est un mandataire : le mandataire des travailleurs auprès de


l’employeur parce que dans les grandes entreprises, il est difficile pour ces centaines
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d’employés d’avoir des contestations directs et régulières avec le patron. Ce délégué à une
double mission de collaboration : la mission de réclamation et de collaboration.

A. La mission de réclamation
D’après l’art 188 CT, les délégués du personnel ont pour mission notamment de présenter à
l’employeur les revendications individuelles et collectives qui n’auraient pas été directement
satisfaites, et concernant la direction du travail, la protection du travailleur, la classification
professionnelle, l’hygiène et la sécurité au lieu de travail.
Dans le cadre de cette mission, le chef d’entreprise est tenu d’accorder au délégué du
personnel le temps nécessaire à l’accomplissement de sa mission : 15 heurs maximum par
mois, sauf convention contraire. Il doit en même temps prévoir un local pouvant servir de lieu
de réunion.

B. La mission de collaboration
En vue d’assurer la bonne marche de l’entreprise, les délégués du personnel :
- Sont tenus de proposer toutes mesures d’hygiènes et de sécurité donc utiles à
l’entreprise ;
- Doivent donner leurs avis sur le règlement intérieur avant sa mise en application ;
- Participent à la recherche des mesures alternatives au licenciement pour motif
économique.
- Donnent leurs avis et suggestions sur la liste des travailleurs à licencier pour motif
économique.
Malheureusement, à la place de la collaboration on assiste à un affrontement, un bras de fer
entre l’employeur et les délégués du personnel. D’où la nécessité d’accorder à ce dernier une
protection particulaire afin de les mettre a l’abri des licenciements fantaisistes.

SECTION 2 : LA PROTECTION DU DELEGUE DU PERSONNEL CONTRE LE


LICENCIEMENT

Toute personne qui porte atteinte à l’exercice de fonction du délégué du personnel commet le
délit d’entrave à la mission du délégué du personnel, et est puni d’une amende de 20.000 à
1.500.000 (art 166 CT)
En cas de licenciement pour motif économique, un délégué du personnel ne peut être licencié
que si son emploi est supprimé et après autorisation de l’inspecteur du travail du ressort.

§1 : le licenciement d’un délégué sans autorisation préalable de l’inspecteur du travail :


un licenciement nul et de nul effet

Cette protection profite tant au délégué titulaire qu’au délégué suppléant. La demande de
licenciement doit être préalable au licenciement lui-même. L’inspecteur du travail du ressort
doit procéder si cela est nécessaire à une enquête contradictoire ou non sur le terrain. Il doit
motiver sa décision. Mais quelle est la nature juridique de sa décision ? Est-ce un acte
administratif ?
L’inspecteur du travail dispose d’un mois et exceptionnellement de deux mois pour donner ou
non son accord. Lors qu’il refuse le licenciement sollicité, le contrat reprend son cours
normal s’il avait été suspendu (mise à pied conservatoire suite à une faute lourde), et le salaire
dont aurait profité le délégué du personnel pendant la suspension de son contrat lui est payée.
Lorsque l’inspecteur de travail donne son accord, le licenciement prend effet à partir du jour
de la suspension du contrat. Si le licenciement est nul, les relations de travail sont supposées
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n’avoir jamais été interrompues. Juridiquement, les liens contractuels sont maintenus. D’où la
nécessité de réintégrer le délégué du personnel.

§2 : La réintégration du délégué du personnel


Le contrat n’a jamais été rompu, il court dès que le juge constate sa continuité. Et c’est
justement parce qu’il n’a jamais été rompu que lé législateur de 1992 en l’art 130 du CT
refuse de parler de réintégration. La réintégration d’un délégué du personnel est partie d’une
mauvaise interprétation de l’art 1142 CC. D’après l’esprit de cet article, l’obligation de faire
ne se réduit en D.I. qu’en cas d’impossibilité matériel de faire. Le juge doit donc exiger de
l’employeur la réintégration du délégué frauduleusement licencié. L’employeur peut même
être passé sous astreinte, sauf s’il démontre qu’il est dans l’impossibilité mat »riel de
réintégrer le salarié. Dans ce cas, il lui paye son salaire pendant le reste de son mandat.
Le délégué du personnel doit être réintégrer à son poste ou à un poste équivalent :

CHAPITRE 3. LES CONFLITS COLLECTIFS DE TRAVAIL


Il s’agit des rapports de force qui peuvent s’établir entre employeur et salariés sur des intérêts
collectifs. Ils constituent un échec des rapports de droit, mais ont souvent permis les avancées
du droit du travail.

SECTION 1. LES FORMES DE MANIFESTATIONS

A l’exercice du droit de grève par les salariés, l’employeur peut être tenté de répondre par une
mesure de lock-out c’est-à-dire la fermeture de l’entreprise.

§1. La grève

C’est le refus collectif ou concret de tout ou partie du personnel de respecter les règles
normales du travail en vue d’amener l’employeur à satisfaire leurs revendications ou
réclamations. Le débat contemporain sur l’exercice du droit de grève porte aujourd’hui
largement sur les libertés respectives des grévistes et sur celles des usagers considérés comme
pris en otages de débats qui les dépassent.

Section 1. Les conditions juridiques d’exercice du droit de grève

Il convient d’analyser les textes applicables avant de s’appesantir sur la notion même de
licéité du droit de grève.
§1. Les textes applicables
Plusieurs textes consacrent et réglementent le droit de grève notamment :
- La constitution
L'exercice du droit de grève est reconnu par la Constitution. Le droit de grève " s'exerce dans
le cadre des lois qui le réglementent "
- Le code du travail
Les articles 157 al.3 ,4 et 5 du Code du travail réglementent l'exercice du droit de grève dans
le secteur privé en posant les principes suivants :
• la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié
• tout licenciement prononcé en raison de l'exercice du droit de grève est nul de plein droit.
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• aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de l'exercice normal du droit de
grève.

- Le rôle de la jurisprudence
En l'absence de textes légaux réglementant l'exercice du droit de grève dans le secteur privé,
ce sont les tribunaux qui ont été amenés à déterminer les conditions d'exercice du droit de
grève.

§2. La licéité de la grève

Définissons d’abord le vocable grève avant d’examiner ses conditions d’exercice et les
sanctions aux quelles s’exposent les salariés en cas de grève illicite.

A. La définition de la grève

La grève est la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications
professionnelles déjà déterminées et connues de l'employeur.

B. Les conditions d'exercice du droit de grève

La cessation du travail doit être totale. Le fait de ralentir la cadence de production ou de


provoquer un ralentissement de l'activité ne peut être considéré comme l'exercice normal du
droit de grève et peut être sanctionné.
La grève suppose une cessation collective et concertée du travail. La cessation du travail par
un salarié isolé dans son entreprise ne peut être qualifiée de grève, mais consiste en un
abandon de poste ou un acte d'indiscipline passible de sanctions disciplinaires.
Une grève ne peut valablement être déclenchée que pour obtenir la satisfaction de
revendications d'ordre professionnel. Ces revendications professionnelles peuvent concerner
les conditions de travail, la protection de l'emploi, la stratégie de l'entreprise, la défense des
droits collectifs, la rémunération...

Les revendications d'ordre politique ne peuvent légitimer une grève dans la mesure où elle ne
repose pas sur des revendications professionnelles.

C. Les sanctions

Les salariés participant à un mouvement illicite peuvent faire l'objet de sanctions


disciplinaires selon le droit commun sans qu'il soit nécessaire que les intéressés aient commis
une faute lourde.
Les salariés participant à un mouvement illicite s'exposent d'autant plus au pouvoir
disciplinaire de l'employeur que la participation à ce mouvement constitue, la plupart du
temps, une insubordination, et donc une faute justifiant une sanction disciplinaire.
La durée de l'arrêt de travail est sans incidence sur la licéité de la grève. Dès lors qu'il y a arrêt
complet du travail, la grève est licite. Il importe peu que les arrêts de travail aient été de
courte ou de longue durée.

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Section 2. Les conditions de fonctionnement de l’entreprise pendant la grève

Même pendant la grève, les deux parties au contre de travail que sont l’employeur et le
salarié, disposent de certains droits et et sont astreints à certaines obligations.

§1. Les droits et obligations des salariés

Les salariés dans l’exercice de leur droit de grève doivent éviter certains comportements
abusifs pouvant conduire à rendre le mouvement de grève illicite.

A. Les limites à l’exercice du droit de faire grève

Les grèves courtes et répétées sont licites dès lors qu'elles ne procèdent pas d'une volonté de
désorganiser l'entreprise. Certains arrêts de travail de courte durée n'ayant pour conséquence
que de désorganiser la production sont licites.
Ainsi a été considéré comme licite la répétition d'arrêts de travail de 2 fois 5 minute par heure.

Le droit de la grève ne comporte pas celui de disposer arbitrairement des locaux de


l'entreprise. L'occupation des locaux constitue un trouble manifestement illicite, notamment
lorsqu'elle entrave la liberté du travail.

Toutefois, lorsque l'occupation des locaux de l'entreprise est partielle ou momentanée et


qu'elle n'entraîne pas une désorganisation de l'entreprise, elle ne constitue pas un acte abusif.
Tel est le cas d'une occupation purement symbolique et n'ayant pas entravé la liberté du
travail (Cass. soc., 26 févr. 1992, n° 90-40.760, Bull. civ. V, n° 124).

Le piquet de grève est un regroupement de grévistes devant l'entrée de l'entreprise en vue


d'inciter les non-grévistes à cesser le travail ou de gêner le fonctionnement de l'entreprise.
Le piquet de grève est licite lorsqu'il n'entraîne pas la désorganisation de l'entreprise et
n'entrave pas la liberté du travail.

Le comportement abusif des grévistes pendant une grève n'a pas pour effet de rendre le
mouvement de grève illicite. Mais le salarié qui a participé à un abus dans l'exercice du droit
de grève peut faire l'objet de sanction et faire l'objet d'un licenciement pour faute lourde. La
faute lourde est alors caractérisée par l'intention de nuire du salarié vis-à-vis de l'employeur
ou de l'entreprise. Elle suppose la participation personnelle du salarié aux faits qui lui sont
reprochés.

B. Les droits des salariés

• La grève n'a pas pour effet de rompre le contrat de travail, mais simplement de le suspendre.
Le salarié continue de faire partie de l'entreprise.
• Les accidents survenus au cours de la suspension de contrat de travail due à une grève n'ont
pas un caractère professionnel, le salarié gréviste ne se trouvant pas sous l'autorité de
l'employeur.
• Le contrat de travail étant suspendu pendant la grève, les grévistes ne peuvent, sauf
exception, prétendre au paiement de leur salaire pour les périodes de grève. L'employeur peut

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donc légitimement procéder à des retenues sur salaire correspondant aux périodes non
travaillées.
• Les amendes et autres sanctions pécuniaires sont interdites. Aussi, la retenue sur le salaire en
raison de la participation à une grève ne doit pas avoir le caractère d'une sanction mais doit
être proportionnelle à la cessation du travail, quelles que soient les conséquences de l'arrêt de
travail sur la production.

§2. Les droits et obligations de l'employeur

Il est reconnu à l’employeur le droit de prendre certaines mesures temporaires, il a aussi des
obligations à assumer vis-à-vis des salariés non grévistes.

A. La situation des salariés

Il n'est pas interdit à l'employeur, en cas de grève, d'organiser l'entreprise pour assurer la
continuité de l'activité : modification des fonctions de salariés non-grévistes, sous réserve de
leur accord, participation de bénévoles.
Les non-grévistes ont droit au paiement de leur salaire même s'ils n'ont pas été en mesure
d'exécuter leur prestation de travail dès lors qu'ils se sont tenus à la disposition de
l'employeur.
L'employeur est ainsi tenu de verser leur salaire à des salariés non-grévistes qui n'ont pu
accéder à leur poste de travail en raison de la présence de manifestants bloquant l'accès de
l'établissement ou en raison de la présence de piquets de grève, par exemple.

B. Le cas particulier du lock-out

Le lock-out est une mesure temporaire de fermeture de l'entreprise, d'un établissement ou d'un
service décidée par l'employeur en raison d'une grève ou d'une menace de grève.
Le lock-out, qui ne fait l'objet d'aucune prévision légale, est illicite. Il en est plus
particulièrement ainsi lorsque la fermeture de l'entreprise est utilisée comme un moyen de
rétorsion à l'égard des grévistes et de pression sur les non-grévistes ainsi privés de leur
rémunération. La fermeture peut cependant être licite lorsque l'employeur se trouve dans une
situation contraignante rendant impossible la poursuite de l'activité.
La fermeture de l'entreprise est justifiée lorsque la grève de tout ou partie des salariés crée une
" situation contraignante " rendant impossible la poursuite de l'activité. Elle n'est légitime que
si l'employeur établit qu'il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour fournir du travail aux
non-grévistes.
Exemple : Par exemple, l'existence d'une situation contraignante est établie et permet la
fermeture de l'entreprise lorsque des piquets de grève interdisent tout accès des lieux de
travail aux non-grévistes et que, malgré une ordonnance d'expulsion sollicitée par
l'employeur.

Section 4. Le cas particulier de la grève dans le secteur public

Les dispositions qui gouvernent la grève dans le secteur privé ne sont pas toujours reçues dans
le secteur public en raison, notamment, des exigences liées à la nécessaire continuité du
service public.

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§1. Les règles générales

Les restrictions à l'exercice du droit de grève dans le secteur public se manifestent par :
• l'obligation de respecter un préavis ;
• l'interdiction des grèves tournantes ;
• l'existence d'un service minimum dans certains secteurs ;
• des modalités particulières de retenues sur salaire.

L'usage du droit de grève dans le secteur public doit être précédé d'un préavis. La cessation
du travail sans respect du préavis constitue une faute lourde pour les salariés qui ont appelé à
la grève et le syndicat qui appelle à la cessation du travail sans respecter le préavis peut se
voir condamner au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par
l'entreprise du fait de l'absence de préavis.
Le préavis doit émaner de l'organisation syndicale ou d'une des organisations syndicales
représentatives sur le plan national, dans la catégorie professionnelle ou dans l'entreprise,
l'organisme ou le service intéressé. Le préavis doit parvenir 7 jours francs avant le
déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de
l'entreprise ou de l'organisme intéressé. Le préavis doit préciser les motifs du recours à la
grève. Il fixe le lieu, la date et l'heure de la grève envisagée, ainsi que sa durée, limitée ou
non.

§2. Les restrictions spécifiques


Un service minimum est légalement institué par exemple dans l'audiovisuel.
Dans les autres secteurs publics, il appartient au Gouvernement, responsable du bon
fonctionnement des services publics, de fixer la nature et l'étendue des limitations qui doivent
être apportées au droit de grève dans les services publics en vue d'éviter un usage abusif ou
contraire aux nécessités de l'ordre public. Des circulaires ministérielles peuvent fixer les
modalités du service minimum.

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