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UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS ANNEE UNIVERSITAIRE : 2022 – 2023

UFR DE SCIENCES JURIDIQUE ET POLITIQUE MASTER I DROIT PUBLIC


SECTION COLLECTIVITES LOCALES COURS : Dr. P.F. KANTE
T.D. : MM. A. K. A. KOINI & M. TALL

TRAVAUX DIRIGES

DROIT PUBLIC ECONOMIQUE


SEMESTRE I

FICHE N°5 : L’ENCADREMENT JURIDIQUE DE L’ACTION PUBLIQUE


ECONOMIQUE :
Sous thème 2 : LA LIBERTE DU COMMERCE ET DE L’INDUSTRIE

I/ NOTE INTRODUCTIVE :

Le principe de liberté du commerce et de l’industrie est un principe qui prête à discussions et


à contestations. Selon qu’on opte pour un système libéral ou pour un système socialiste, la
place, la signification et l’existence même du principe seront bien différentes. La majorité des
auteurs estime généralement que la liberté du commerce et de l’industrie est aujourd’hui un
principe dont la force juridique se décline de manière irréversible. Le principe connait des
restrictions d’ordre administratif, économique et personnel.
L’objet de cette séance est de permettre l’appréhension des contours de la liberté du
commerce et de l’industrie dans un commentaire de décision.
II/BIBLIOGRAPHIE :
1- F. COLIN, Droit public économique, 2e éd, Paris, Gualino, 2008
2-Pierre DELVOLVE, « libertés économiques », RFDA 2017, p.33
3-F. INGELAERE, Droit public économique, Paris, ellipses, 2007.
4- A. DELION, Le droit des entreprises et participations publiques, Paris, LGDJ, 2003.
5-G. HUBRECHT, Droit public économique, DALLOZ, 1997.
6- D. LINOTTE, D. PIETTE, R. ROMI, Droit public économique, LexisNexis, 9èm éd., 202
7- G. FARJAT, Droit économique, PUF. Thémis, 1982
8- G. VLACHOS, Droit public économique français et communautaire, Paris, ARMAND
COLIN, 1996.

À LIRE AU G.A.J.A. :
CE, 30 mai 1930, chambre syndicale du Commerce en détail de Nevers.
CE, 29 janvier 1932, Société des autobus antibois
CE, 22 juin 1951, Daudignac
III/DOCUMENTS REMIS :

Document n° 1 : Extrait de D. LINOTTE et alii, Droit public économique, LexisNexis, 9e


éd., 2022, p.98-99
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Le contenu de la liberté du commerce et de l’industrie est ambigu et polysémique, qui n’est
pas sans alimenter des controverses. La liberté du commerce et de l’industrie vise d’abord la
liberté d'entreprendre, la liberté de création d’une activité économique et donc l’accès à
l’exercice des professions. C’est, d’une certaine façon, ce que vise le droit de l’Union
européenne sous la dénomination de liberté d’établissement. Ensuite, une fois que l’entreprise
créée ou la profession embrassée, la liberté du commerce et de l’industrie sous-entend
également le libre exercice de l’activité en cause. Elle se manifeste essentiellement à travers
la liberté contractuelle qui permet à l’agent économique de produire, d’acheter, de vendre, de
fixer un prix, des quantités en fonction de sa seule volonté, pourvu qu’elle s’accorde avec une
autre.
Ces deux premiers aspects de la liberté du commerce et de l’industrie, liberté d’établissement
er liberté contractuelle, font évidemment, comme toutes les libertés, l’objet de restrictions par
la réglementation et les mesures individuelles que sont appelées à édicter les collectivités
publiques.
Mais la liberté du commerce et de l’industrie est également comprise, et c’est un autre aspect,
comme réservant au secteur privé, par priorité, l’exercice des activités industrielles et
commerciales, le secteur public en étant normalement exclu et n’intervenant qu’à titre résiduel
et subsidiaire. L’atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie se manifeste alors sous la
forme de la concurrence que les interventions directes, industrielles et commerciales,
publiques font aux activités privées.

Document 2 : Rémi Grand, « Occupation du domaine public et liberté du commerce et


de l'industrie », CE 23 mai 2012, Dalloz 04 juin 2012
Treize ans après l'arrêt Société EDA (CE, sect., 26 mars 1999), qui affirmait que le
gestionnaire du domaine public devait veiller au respect du droit de la concurrence, le Conseil
d'État confronte la gestion du domaine public au respect de la liberté du commerce et de
l'industrie.
En effet, la haute juridiction considère « que l'autorité chargée de la gestion du domaine
public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y
exercer une activité économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec
l'affectation et la conservation de ce domaine ; que la décision de délivrer ou non une telle
autorisation, que l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-
même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique,
d'une part, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de
distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées
par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi et, d'autre part, qu'elles ne puissent
prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public ; que
la personne publique ne peut toutefois délivrer légalement une telle autorisation lorsque sa
décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant
automatiquement l'occupant en situation d'abuser d'une position dominante, contrairement aux
dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce ».
Était en l'espèce contestée l'autorisation d'occupation de son domaine public délivrée par la
RATP à la société Bolloré pour y installer des présentoirs à journaux gratuits. Saisis par une
société concurrente, les juges du fond avaient estimé que ladite autorisation était illégale car
portant atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie. Or, le Conseil d'État considère « que
pour retenir une telle atteinte, les premiers juges s'étaient fondés, non sur une intervention de
la personne publique sur le marché de la distribution de journaux gratuits, mais sur les effets
qui en résulteraient dans les relations entre les entreprises de presse, lesquels ne pouvaient
relever que d'une éventuelle situation d'abus de position dominante ou de manquements à
d'autres règles de concurrence »
Document 3 : Cour suprême, 04 juin 2020, Alioune Badara Mboup et autres c/ Etat du
Sénégal
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Considérant que par acte n°494 du 9 avril 2020, le Ministre du Commerce a délivré
l’autorisation d’ouverture d’un magasin de commerce de grande distribution à la Société
Sénégal Auchan Store ;
Que les requérants qui se disent commerçants, habitant la ville de Tivaouane, exerçant leurs
activités sur le site du marché d’une distance de moins de 1000m à vol d’oiseau, ont introduit
un référé liberté ;
Qu'ils estiment que l’arrêté attaqué porte manifestement une atteinte grave à l’arrêté du 25
janvier 2019 fixant les conditions, les modalités de délivrance et de retrait de l’autorisation
préalable d’ouverture des commerces de grande distribution ;
Qu'ils font valoir d’une part, la violation du décret fixant l’organisation de la grande
distribution en ce que la distance entre le magasin Auchan et le marché traditionnel est de
684,08m, et d’autre part, des articles 8 du décret n°2018- 1888 du 03 octobre 2018 et 9 de
l’arrêté du 25 janvier 2019 du Ministre du Commerce ;
Qu’ils soutiennent que la décision attaquée a violé la liberté fondamentale d’entreprendre des
commerçants du marché traditionnel de Tivaouane, la liberté du commerce et de l’industrie et
le libre jeu de la concurrence ;
Qu’ils font valoir, enfin, une urgence caractérisée en ce sens qu’Auchan a déjà ouvert ses
portes et qu’une concurrence déloyale porte une atteinte manifestement grave aux libertés
fondamentales ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner la question de la recevabilité ;
Considérant qu’aux termes de l’article 85 « Saisi d’une demande justifiée par l’urgence, le
juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté
fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé
chargé de la gestion d’un service public aurait porté dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une
atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de
quarante-huit heures » ;
Qu’il résulte de ce texte quatre conditions : une urgence, un acte ou comportement émanant
d’une personne morale de droit public ou organisme privé chargé de la gestion d’un service
public, un acte portant atteinte à une liberté fondamentale et une atteinte grave et
manifestement illégale ;
Considérant qu’il y a urgence lorsque la décision administrative contestée préjudicie de
manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public à la situation du requérant ou
aux intérêts qu’il défend ;
Considérant qu’en l’espèce, le requérant ne caractérise pas l’urgence alors surtout que la
décision attaquée a été déjà exécutée ;
Que l’autorisation d’ouverture de commerce est une décision individuelle émanant du
Ministre du commerce à la suite d’une demande de l’intéressé ;
Que le requérant n’indique pas en quoi cette autorisation serait manifestement illégale et
porterait atteinte à la liberté de commerce et d’industrie et celle d’entreprendre ainsi que le
libre jeu de la concurrence pour des commerçants établis au marché central qui exercent leurs
activités librement dans le cadre des lois et règlements ;
Qu’il s’ensuit que la requête qui ne remplit pas les conditions du texte susvisé doit être rejetée
;
Par ces motifs
Rejette la requête d’Alioune Badara Mboup es nom et es qualité.
EXERCICE : Commentez la décision CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 2018,
Commune de Drancy c/ M. Magloire.
Sur le fond :
Considérant que les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la
réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de
prérogatives de puissance publique ; qu'en outre, si elles entendent, indépendamment de ces
missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que
dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence ;
qu'à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite
de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter
notamment de la carence de l'initiative privée ; qu'une fois admise dans son principe, une telle
intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation
particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres
opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur
celui-ci ;
Considérant que, par une délibération n°13 en date du 13 avril 2015, le conseil municipal de
Drancy a approuvé le principe d'un contrat d'alarme à titre onéreux visant à assurer une
mission de télésurveillance à domicile par la police municipale de Drancy ; que ce service de
télésurveillance relié à la police municipale, a pour objet de proposer, en complément des
missions de la police municipale, un contrat d'abonnement aux habitants de la commune sur
redevance de 29 euros par mois afin de relier leur habitation à la police municipale par le
moyen d'un dispositif d'alarme intérieur que ces habitants auront installé à leurs frais ; que ce
service de télésurveillance, qui se rattache ainsi directement au fonctionnement de la police
municipale et constitue une activité annexe à ce service public, à laquelle les administrés ont
la faculté de recourir, intervient cependant dans le domaine de la sécurité des biens meubles et
des immeubles dont la surveillance peut être confiée à des opérateurs privés ; que si la
commune soutient, en se bornant à se référer à la mise en place de services similaires dans
d'autres communes, que ce contrat présenterait, dans le cadre de ses actions en matière de
prévention de la délinquance, un intérêt public particulier par rapport aux missions similaires
développées par le secteur privé, notamment en contribuant à l'équilibre financier de l'activité
de police municipale, elle ne l'établit pas ; qu'enfin la seule circonstance qu'en cas d'intrusion,
l'alerte automatique déclenchera, le cas échéant, le déplacement d'une patrouille sur place, ne
suffit pas à justifier de l'intérêt public s'attachant à cette intervention sur le marché des
opérateurs privés de télésurveillance ; que par suite, alors qu'il n'est pas constaté de carence de
l'initiative privée dans ce domaine, la délibération attaquée, qui porte atteinte au principe de la
liberté du commerce et de l'industrie est illégale et doit être annulée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Drancy n'est pas fondée à
soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a
annulé la délibération n°13 adoptée par le conseil municipal de Drancy le
13 avril 2015
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans
toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie
perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non
compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la
partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations,
dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C... qui
n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de
Drancy au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y
a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Drancy une
somme de 2 000 euros à verser à M. C...au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Drancy est rejetée

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