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COURS DE DROIT DE LA CONCURRENCE

Docteur ASSOKO HERACLES MAYE

Introduction générale

La réglementation de la concurrence dans le monde moderne, c'est -à - dire l'encadrement


juridique du comportement des acteurs du marché au sens économique du terme, est apparue
aux Etats-Unis dans les années 1930, précisément en 1933, après la grande crise financière de
1929.
En effet, cette crise qui était d’origine financière s’était muée en crise industrielle, puis
économique et a gagné le monde entier. Il fallait donc imaginer des institutions susceptibles
d'encadrer les marchés (Cohen, 2000). Dans cette optique, le Président Franklin D. Roosevelt a
mis en place un ensemble d’organismes pour veiller au bon fonctionnement des marchés, c’est-
à-dire l'introduction des règles de libre concurrence, afin d’éviter les abus de position dominante
et autres comportements anticoncurrentiels (New Deal).
Théoriquement, les systèmes juridiques des pays membres de l’Organisation Mondiale du
Commerce (OMC créée à Marrakech en 1994) dominés par le principe de la liberté du
commerce et de l’industrie pourraient se passer d’une réglementation de la concurrence. 1
Selon le professeur Yves GUYON : « les commerçants médiocres devraient être éliminés par
le libre jeu des règles du marché, puisque les clients ne traitent qu'avec celui qui vend le moins
cher et qui offre les produits de meilleure qualité».
Mais une telle vision des choses demeure utopique. Car la concurrence pure et parfaite sur un
marché n’existe qu’en théorie.
L’intérêt des économistes pour la concurrence (pure et parfaite) tient en ce que l’équilibre
économique qui se réalise sur un ensemble de marchés fonctionnant de manière concurrentielle
est optimal au sens de Pareto.
Le concept de la libre concurrence repose, en règle générale, sur le principe de liberté laissée à
chacun des opérateurs économiques, de produire, de vendre ce qu’il veut, aux conditions qu’il
choisit, aux clients.

1 Yves GUYON, Droit des Affaires, Tome 1, Droit commercial général et Sociétés, 8ème édition, 1 Economica,
1994.

1
Un marché où le jeu de la concurrence est libre est un marché où les entreprises, indépendantes
les unes des autres, exerçant la même activité, rivalisent d’ardeur pour attirer les
consommateurs ou clients. Autrement dit, c’est un marché où chaque entreprise est soumise à
la pression concurrentielle des autres.
Ainsi, pour que la libre concurrence s’exerce pleinement, il faut nécessairement que le marché
soit transparent, c’est-à-dire que l’entrée sur le marché soit non-discriminatoire et que la qualité
des biens ou services offerts soit connue et normalisée et les prix fixés librement par le jeu de
l’offre et de la demande.
La libre concurrence est bénéfique au consommateur, qui a ainsi accès à des biens et services
innovants et diversifiés, de bonne qualité et à des prix abordables. La libre concurrence est aussi
bénéfique au concurrent qui accroît ainsi sa notoriété et son chiffre d’affaires, enfin la libre
concurrence est bénéfique pour l’État qui voit croître la perception des impôts et un bien être
général pour la population.
Cependant, dans la pratique, cette réalité de la libre concurrence n'existe pas ou existe
difficilement. La concurrence portant sur la qualité s’exerce difficilement du fait du manque de
transparence sur la composition des produits et sur la qualité des services offerts (le scandale
de la viande de cheval et du lait frelaté en Chine). La concurrence sur le prix pourrait s’opérer
plus aisément mais les mécanismes de fixation des tarifs des biens et services sont souvent
opaques et méconnus du consommateur ou du client.
D’autre part, l’expérience a montré qu’une concurrence absolument libre, sans encadrement,
peut engendrer des désordres et finit par générer une situation de monopole du fait de
l’élimination des concurrents moins compétents.
De ce fait, la libre concurrence nécessite une attention particulière des pouvoirs publics,
notamment des autorités administratives et judiciaires, qui ont édicté des règles ou les font
appliquer pour empêcher l’existence sur le marché de pratiques anticoncurrentielles ou, le cas
échéant, les sanctionnent sévèrement, afin d’éviter la prise en otage du marché par un petit
nombre de commerçants ou d'agents économiques au détriment de la collectivité.
L’ensemble des règles juridiques encadrant la libre concurrence constitue le droit de la
concurrence.
Le domaine du droit de la concurrence est assez vaste, puisqu’il couvre aussi bien les activités
industrielles et commerciales (les activités de production et de distribution de biens et services),
les activités de nature civile, telles que les activités des professions libérales et des associations
à but non lucratif, que les activités des entités publiques ou parapubliques, dès que ces activités
ont des implications économiques.
2
Le droit de la concurrence interdit et sanctionne les pratiques anticoncurrentielles, c’est-à-dire
des pratiques qui ont pour objet ou pour effet de porter atteinte à la libre concurrence, soit par
la désorganisation du marché, soit par la restriction du jeu de la concurrence, soit encore par le
traitement inéquitable ou discriminatoire réservé à une entreprise ou un groupe d’entreprises.
Le droit de la distribution, qui est défini comme l'ensemble des règles qui encadrent la fourniture
de biens ou la prestation de services par des intermédiaires), rencontre le droit de la concurrence
à travers l'encadrement des pratiques et des conventions de distribution de biens ou de fourniture
de services, en vue de les équilibrer et d'empêcher que ces rapports contractuels ne nuisent à la
libre concurrence sur les marchés des biens et services concernés.
Mais le droit de la distribution à une existence autonome. Les règles qui le constituent sont
issues du droit commercial général (statut du commerçant) et du droit des obligations et des
contrats spéciaux. Le droit de la production, de la concurrence, de la distribution et de la
consommation forment la matière du Droit économique.
La Côte d’Ivoire a choisi, très tôt, pour principe de base de ses activités économiques, le
principe du libéralisme économique. Aussi, les dispositions législatives et réglementaires
élaborées à chaque étape de l’évolution du cadre juridique du commerce réaffirment-t-elles
cette option libérale.
Le cadre juridique et institutionnel de la réglementation des pratiques anticoncurrentielles en
Côte d’Ivoire est un cadre dualiste.
Ainsi, au cadre juridique et institutionnel national des pratiques anticoncurrentielles se
superpose un cadre communautaire de la concurrence.
Quant au droit de la distribution, il est basé essentiel sur des règles nationales du droit
commercial et du droit civil, mais fait appel dans certains cas au droit international privé,
notamment en cas de litige entre les parties au contrat établies dans des espaces juridiques
différents.
Il convient donc de présenter, d’une part le cadre juridique et institutionnel de la concurrence
et, d’autre part, examiner la confrontation du droit de la distribution avec le droit de la
concurrence.

3
Première partie : Le cadre juridique et institutionnel de la concurrence en Côte d'Ivoire

Le cadre juridique et institutionnel de la concurrence en Côte d’Ivoire, tel qu’il existe


aujourd’hui, a été mis en place au fil du temps par le biais d’une législation progressive.
A ce cadre juridique et institutionnel national s'ajoute un cadre juridique communautaire de la
concurrence, c'est-à-dire le cadre juridique applicable dans les espaces de l'UEMOA et de la
CEDEAO.

Titre 1: le cadre juridique et institutionnel national de la concurrence

L’une des premières lois prises en Côte d'Ivoire après l’indépendance pour encadrer la
concurrence au niveau national fut la loi spéciale N°60 273 du 02 septembre 1960 portant
réglementation des prix en Côte d’Ivoire, qui disposait en son article 1er que l’importation et
l’exportation de tout produit et marchandise, de toutes origines et de toutes provenances sont
réglementées par décret.
Par la suite, de nombreuses autres lois ont été prises, dont la loi n°63-301 du 26 juin 1963
relative à la répression des fraudes dans la vente de marchandises et des falsifications des
denrées alimentaires et produits agricoles.
Le 24 juin 1963 fut adoptée la loi N°63-292 du 24 juin 1963 relative à l’établissement des
mesures de contingentement nécessaires à la protection des industries nationales, qui dispose
en son article 1er que: «le gouvernement peut, par décret, prohiber ou contingenter
l’importation de marchandises susceptibles de porter atteinte ou préjudice à l’industrie nationale
ou peut prendre tout autre mesure de nature à assurer la protection des industries. » Ainsi, le
marché de l'importation et de l'exportation de biens n'était pas libre aux lendemains des
indépendances. Nonobstant, l’adoption de ces dispositions législatives, aucun texte
réglementaire n’a été pris en application de celles-ci pendant la période considérée pour définir
les formalités administratives à l’Import/Export.
Durant la période de 1975 à 1984, la Côte d’Ivoire a connu un essor économique remarquable
grâce à (i) la diversification de sa production agricole orientée vers la grande exportation, (ii)
la diversification des débouchés de ces produits manufacturés par la signature de plusieurs
accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux et (iii) à sa participation active au processus
d’intégration régionale (Création de la CEDEAO).
Cette croissance économique, alors qualifiée de miracle ivoirien, a rendu nécessaire
l’élaboration d’une réglementation du commerce extérieur conforme aux nouvelles orientations
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économiques et aux engagements internationaux. Ainsi ont été pris en application des lois
N°60-273 du 02 septembre 1960 et N°63-292 du 24 juin 1963 sus mentionnées les décrets
suivants:
▪ décret N°75-422 du 12 juin 1975 soumettant les biens importés en Côte d’Ivoire à
l’inspection qualitative, quantitative et à la comparaison de prix.
▪ décret N°76-281 du 20 avril 1976 déterminant les conditions d’entrée en Côte d’Ivoire
des marchandises étrangères de toute origine et de toute provenance ainsi que les
conditions d’exportation et de réexportation des marchandises à l’extérieur.
A l’analyse, le décret N°75-422 du 12 juin 1975 visait à assurer une concurrence équitable entre
opérateurs économiques en luttant contre la sous-facturation et la surfacturation tout en
garantissant la qualité des produits importés.
Quant au décret N°76-281 du 20 avril 1976, non seulement, il a établi le principe de la liberté
à l’importation et à l’exportation, mais aussi il a défini les régimes juridiques dérogatoires à ce
principe notamment (i) les restrictions quantitatives à l’import-export (régime de la licence
d’importation et la licence exportation) et (ii) les prohibitions.
C'est en 1978 qu'une loi spécifique a été adoptée et promulguée pour réglementer la
concurrence. Il s’agissait de la loi n° 78-633 du 28 juillet 1978 relative à la concurrence, aux
prix, à la poursuite et à la répression des infractions à la législation économique.
Le décret n° 79-588 du 11 juillet 1979 portant réglementation de la concurrence et des prix a
été pris en application de la loi de 1978. Ce décret a été, par la suite, modifié par le décret
n° 88 – 54 du 20 janvier 1988.
Bien qu’ayant eu le mérite d’avoir permis à la Côte d’Ivoire de jeter les bases de son industrie,
cette réglementation a créé des situations de monopole au profit de l’Etat dans certains secteurs
économiques.
La période de 1984 à 1991 a introduit des changements majeurs dans la politique économique
de la Côte-d’Ivoire sous l’action des institutions de Bretton Woods.
Ainsi, afin de corriger les distorsions créées par le processus d’industrialisation par
l’application d’une réglementation trop protectionniste, le gouvernement, en 1984, sur
recommandation des institutions de Bretton Woods, a décidé de démanteler les barrières non
tarifaires à l’entrée de certains produits manufacturés. Cette libéralisation amorcée, réalisée
dans le cadre des Programmes d’Ajustement Structurel, a été accompagnée de l’institution de
surtaxe tarifaire à l’importation des produits concernés conformément aux dispositions de (i) la
loi N°84-1235 du 08 novembre 1984 portant création d’un régime de surtaxe tarifaire

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d’importation, (ii) le décret N°84-1236 du 08 novembre 1984 portant création de surtaxe
tarifaire de certains produits manufacturés.
Les taux de surtaxe et de surcharge étaient appliqués de manière dégressive sur une période de
5 ans, afin de permettre aux industries protégées de s’accoutumer à la concurrence
internationale. Mais cette politique commerciale n’a pas donné les résultats escomptés.
La période de 1991 à 2011 a été marquée par une politique économique libérale de la Côte
d’Ivoire.
Ainsi, après la vague de privatisation des entreprises publiques, à partir des années 1990, la
Côte d’Ivoire a adopté, à la fin de l’année 1991, la loi n°91-999 du 27 décembre 1991 relative
à la concurrence, qui est restée en vigueur pendant plus de 20 ans. Cette loi a consacré la
libéralisation de l’économie nationale et l’ouverture de tous les secteurs de l’économie aux
acteurs privés, donc à la concurrence. La loi de 1991 a créé pour la première fois la Commission
de la concurrence qui était chargée de réguler la concurrence dans tous les secteurs d’activités.
Plusieurs décrets ont été pris par la suite pour l’application de la loi de 1991 qui sont aujourd'hui
caduques pour la grande majorité. Il s’agit :- du décret n° 92-50 du 29 janvier 1992 portant
réglementation de la Concurrence et des prix ; - du décret n°92-52 du 29 janvier 1992 portant
organisation et fonctionnement de la Commission de la Concurrence, modifié et complété par
le décret 94-193 du 30 mars 1994 et remplacé par le décret n°96-288 du 03 avril 1996 portant
organisation et fonctionnement de la Commission de la Concurrence ; - du décret n° 95-29 du
20 janvier 1995 portant interdiction des entraves à la concurrence ; - du décret n°2004-650 du
16 décembre 2004 modifiant le décret n°96-288 du 03 avril 1996 portant organisation et
fonctionnement de la Commission de la Concurrence.
La loi n°97-10 du 06 janvier 1997 portant modification de la loi n° 91– 999 du 27 décembre
1991 relative à la concurrence est intervenue pour modifier les articles 6 et 14 de ladite loi.
La loi de 1991 a été abrogée et remplacée par l'ordonnance N°2013-662 du 20 septembre 2013
relative à la concurrence ratifiée par la loi N°2013-877 du 23 décembre 2013.
L’ordonnance N°2013-662 du 20 septembre 2013 a été modifiée par l’ordonnance N°2019-389
du 08 mai 2019 ratifiée par la loi N°2019-991 du 27 novembre 2019.
Les mesures contenues dans cette ordonnance étaient pour une période de 6 mois.
L’état entendait protéger par ces nouvelles mesures le consommateur ivoirien notamment
contre les augmentations abusives des prix des denrées de grande consommation pour diverses
raisons. « L’Etat de Côte d’Ivoire peut prendre des initiatives lorsqu’il y a des constats de
spéculations sous toutes ses formes. Après avis de la commission de la concurrence il peut
prendre des décisions de plafonnement, d’homologation des prix pour mieux protéger le
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pouvoir d’achat des consommateurs et également pour permettre que la concurrence soit saine
entre les opérateurs économiques».
Elle offrait la possibilité aux opérateurs du secteur privé de prendre des initiatives « en liaison
avec l’Etat » pour plafonner les prix des produits de grande consommation « après avis de la
commission de la concurrence et pour une durée limitée ».
Le nouveau dispositif légal a par ailleurs reformuler la dénomination de la commission de la
concurrence et de la lutte contre la vie chère qui devient désormais commission de la
concurrence, ce « pour éviter la confusion avec le conseil national de lutte contre la vie chère
et se conformer au dispositif communautaire ».
La Commission de la Concurrence devient donc le nouveau gendarme du marché avec ses
pouvoirs de Régulation en matière de concurrence.
Aujourd'hui, c'est l'ordonnance relative à la concurrence et ses décrets d’application qui
constituent le cadre juridique et institutionnel de la concurrence au niveau national.
Parallèlement à l'ordonnance relative à la concurrence qui encadre les pratiques
anticoncurrentielles, il existe également des dispositions législatives du droit commun en
matière civile, commerciale et pénale, notamment les articles 1382 et 1383 du Code civil, ainsi
que les articles 343 et suivants du Code pénal, qui sanctionnent la concurrence déloyale par la
mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle des auteurs fautifs et de leur responsabilité
pénale.
De même, certaines dispositions de l’Acte uniforme de l’OHADA relatif au droit des sociétés
et au GIE sont applicables, notamment, à la concentration des entreprises par fusion acquisition
ou fusion absorption, ainsi à la création d'un GIE.
Ainsi, avant de présenter la réglementation des pratiques anticoncurrentielles proprement dites,
il convient d’examiner l’encadrement de la concurrence déloyale.

Chapitre 1 : L'encadrement juridique de la concurrence déloyale

La loi française des 2 et 17 mars 1791, appelée loi révolutionnaire, a posé le principe de la
liberté du commerce et de l'industrie en ces termes:" à compter du 1er avril prochain, il sera
libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle
trouvera bon (...)".
On en déduira naturellement que le droit de créer sa propre entreprise a nécessairement pour
corollaire celui de conquérir une clientèle, fut-elle celle des autres concurrents.

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La concurrence qui est l'état dans lequel se trouve des agents économiques exerçant sur un
même marché, est une vertu économique qui a une double dimension: offensive, lorsqu'il s'agit
d'acquérir une clientèle, notamment en conquérant aussi celle des autres concurrents, et
défensive, lorsqu'il s'agit de conserver sa propre clientèle contre les actions des concurrents.
Ces deux dimensions de la concurrence étant opposées, elles entraînent nécessairement une
rivalité entre concurrents. La libre concurrence étant la règle dans le libéralisme économique,
les agents économiques sont donc autorisés à attirer et à retenir la clientèle par tous procédés
loyaux.
Comme l'a écrit M. Yves Chaput (Droit de la concurrence, édition, Que sais-je?, PUF 1991), "
la rivalité n'exclut pas toute loyauté, même dans les affaires".
Le concurrent se doit donc d'être honnête dans la captation de la clientèle. Il en résulte que les
procédés déloyaux sont interdits et sanctionnés, en matière de concurrence. C’est le concept de
la concurrence déloyale qui fait l'objet d'un encadrement juridique au plan national et
international pour sa sanction.
En droit français, la sanction de la concurrence déloyale ne fait pas l'objet de textes spécifiques
mais résulte d'une longue construction jurisprudentielle sur le fondement des articles 1382 et
1383 du Code civil. (Devenus l’article 1240 du code civil) En Côte d'Ivoire, le droit de la
concurrence déloyale a connu une évolution.
Auparavant basé sur la jurisprudence française, la concurrence déloyale a fait l'objet d'un
encadrement par des textes juridiques nationaux et communautaires, il s’agit de l’Accord de
Bangui du 02 mars 1977, instituant une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle,
adopté à Bangui le 24 février 1999 et ratifié par la Côte d’Ivoire par l'ordonnance n°2000-388
du 24 mai 2000, qui a consacré l’annexe VIII à la protection contre la concurrence déloyale.
Mais cet Accord a été récemment révisé à Bamako le 15 décembre 2015.
Selon l’article premier de l’annexe VIII de l’Accord de Bangui révisé : «constitue un acte de
concurrence déloyale, tout acte ou pratique qui, dans l’exercice d’activités industrielles ou
commerciales, est contraire aux usages honnêtes ».
Se fondant sur ces dispositions supranationales, l'ordonnance n°2013-662 du 20 septembre
2013 relative à la concurrence prévoit des dispositions spécifiques encadrant la concurrence
déloyale dans tous les secteurs d'activités. Ainsi, selon l'article 23 de ladite ordonnance,
▪ ": La Commission de la Concurrence et de la lutte contre la vie chère, remplacée depuis
novembre 2019 par la commission de la concurrence est compétente pour connaître des
pratiques de concurrence déloyale. Constitue une pratique de concurrence déloyale, tout

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acte de concurrence contraire aux usages honnêtes en matière industrielle, commerciale,
artisanale ou agricole ; notamment :
▪ tous faits quelconques ayant pour objet ou pour effet de désorganiser tout ou partie
substantielle d’un marché ou de nature à créer une confusion ou une tromperie par
n’importe quel moyen, tels que l’imitation de signes distinctifs, noms, appellations,
dénominations, enseignes, emblèmes, marques, dessins ou modèles industriels de
produit, service ou d’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent ;
▪ les allégations fausses dans l’exercice du commerce de nature à discréditer
l’établissement, les produits, les services ou l’activité industrielle ou commerciale d’un
concurrent.
▪ La Commission de la Concurrence, saisie des pratiques de concurrence déloyale peut,
avant tout examen au fond, enjoindre la cessation de cette pratique ou prendre toute
autre mesure conservatoire.
▪ Les pratiques de concurrence déloyale sont passibles d’une amende de cinq millions à
cinq cent millions de francs CFA sans préjudice de toute autre action devant les
juridictions de droit commun".
Ainsi, la concurrence déloyale consiste en l’utilisation d’un procédé irrégulier 2 (malhonnête)
dans l’exercice de la libre concurrence. Les buts poursuivis par les agents économiques
pratiquant la concurrence déloyale sont de plusieurs ordres. Il peut s’agir :
▪ de créer une confusion dans l’esprit du public avec les produits ou
services d’une entreprise concurrente dans le but de s'approprier la
clientèle ;
▪ de porter atteinte à l’image ou à la réputation d’une entreprise
concurrente pour détourner la clientèle ;
▪ de tromper ou d’induire le public en erreur relativement aux produits ou
services d’une entreprise concurrente ;
▪ de dénigrer ou discréditer l’entreprise concurrente ou ses produits ou
services ;
▪ de divulguer, d’acquérir ou d’utiliser des informations confidentielles
appartenant à une entreprise concurrente;
▪ de désorganiser l’entreprise concurrente ou le marché.

2 Yves GUYON, Op cit. p. 869


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Il existe également d’autres pratiques assimilées à la concurrence déloyale mais dont l’objectif
n’est pas de détourner la clientèle de l’entreprise cible ni de porter atteinte à sa réputation ni à
son organisation. Il s’agit de pratiques destinées à profiter indûment de la notoriété d’une autre
entreprise ou d’obtenir d’elle des avantages indus ou de lui imposer des conditions
discriminatoires (cas des contrats de distribution).
Lorsque ces pratiques sont caractérisées, les entreprises victimes peuvent faire sanctionner leurs
auteurs par la mise en œuvre de leur responsabilité civile délictuelle devant les tribunaux
compétents.
La concurrence déloyale fait également l'objet de sanctions pénales sur le fondement des articles
343 et suivants du Code pénal. Enfin, L'article 23 de l'ordonnance de 2013 dispose que: "Les
pratiques de concurrence déloyale sont passibles de sanctions administratives et font l’objet
d’une amende de cinq millions à cinq cent millions de francs CFA sans préjudice de toute autre
action devant les juridictions de droit commun.
Il convient donc d’examiner, d’une part, les pratiques de concurrence déloyale proprement dites
et, d’autre part, les pratiques assimilées à la concurrence déloyale.

Section 1 : Les pratiques de concurrence déloyale proprement dites

Ce qui caractérise ces pratiques de concurrence déloyale, c’est leur objectif qui est le
détournement de clientèle par l’utilisation de manœuvres déloyales de la part d’un concurrent.
Cela suppose que les entreprises concernées sont concurrentes, c’est-à-dire qu’elles se situent
dans la même branche d’activités ou au moins dans le même secteur d’activités.
L’annexe VIII de l’Accord de Bangui révisé identifie plusieurs pratiques de concurrence
déloyale. Il s’agit de :
▪ la confusion avec l’entreprise concurrente ou avec ses activités ;
▪ l’atteinte à l’image ou à la réputation du concurrent ;
▪ la tromperie à l’égard du public ;
▪ le dénigrement de l’entreprise concurrente ou de ses activités ;
▪ la divulgation ou l’utilisation d’information confidentielle du concurrent ;
▪ la désorganisation de l’entreprise concurrente ou du marché.
L'ordonnance du 20 septembre 2013 identifie aussi certains actes comme actes de
concurrence déloyale. Il s’agit de :
▪ La désorganisation de tout ou partie substantielle d’un marché;

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▪ La confusion dans l'esprit du public ou la tromperie du public par n’importe quel
moyen, tels que l’imitation de signes distinctifs, noms, appellations, dénominations,
enseignes, emblèmes, marques, dessins ou modèles industriels, de produit, service
ou d’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent;
▪ Les allégations mensongères de nature à discréditer l'entreprise, ses produits ou
services.
Toutes ces pratiques de concurrence déloyale sont regroupées en trois grandes catégories
par la jurisprudence et par la doctrine. Ce sont :

▪ le dénigrement ;
▪ la confusion ;
▪ et la désorganisation.
Lorsque ces comportements déloyaux sont caractérisés par les tribunaux, ils peuvent faire
l’objet de sanction civile sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle ou contractuelle.
En effet, selon l’article premier de l’annexe VIII de l’Accord de Bangui révisé : « Toute
personne physique ou morale lésée ou susceptible d’être lésée par un acte de concurrence
déloyale dispose de recours légaux devant un tribunal d’un Etat membre et peut obtenir des
injonctions, des dommages-intérêts et toute autre réparation prévue par le droit civil ».
La concurrence déloyale donne donc lieu à l’application de sanctions civiles.
Trois conditions sont donc nécessaires en application des articles 1382 et 1383 du Code civil :
une faute, un préjudice et un lien de causalité.
Ainsi, le juge compétent saisi en référé peut faire injonction au concurrent déloyal de cesser
toute pratique de concurrence déloyale, sous astreinte comminatoire ou ordonner toute mesure
appropriée. Saisi au fond le tribunal compétent peut prononcer une condamnation en paiement
de dommages-intérêts pour le préjudice causé et ordonner éventuellement la publication de la
condamnation intervenue par voie de presse, aux frais de l’auteur de la concurrence déloyale 3.
Se fondant sur cette définition supranationale, l'ordonnance n°2013-662 du 20 septembre 2013
relative à la concurrence prévoit des dispositions qui sanctionnent la concurrence déloyale.
Ainsi, selon cette ordonnance, ": La Commission de la Concurrence est compétente pour
connaître des pratiques de concurrence déloyale. Les pratiques de concurrence déloyale sont
passibles d’une amende de cinq millions à cinq cent millions de francs CFA sans préjudice de
toute autre action devant les juridictions de droit commun.

3 Brigitte HESS-FALLON et Anne-Marie SIMON, Droit des Affaires, 15ème édition, Sirey 2003, p. 61
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Paragraphe 1 : Le dénigrement

Le dénigrement est le fait d’imputer de fausses allégations à un concurrent dans le but de le


discréditer ou de discréditer ses produits ou services. Il consiste donc à jeter le discrédit sur
l’entreprise concurrente ou sur ses produits et services dans l’intention de lui nuire.
Le dénigrement peut résulter de la mauvaise publicité ou promotion malveillante de l’entreprise
concurrente, notamment sur ses procédés de fabrication, ou des produits ou services de cette
entreprise (qualité, quantité, caractéristique, prix, conditions).
Le dénigrement porte atteinte à l’image ou à la réputation de l’entreprise concurrente et a pour
résultat le détournement de la clientèle en semant la confusion dans l'esprit des clients.
La preuve de la réalité des faits justifiant la mauvaise critique ne suffit pas à décharger l’auteur
du dénigrement de sa responsabilité.
Les juges tiennent compte de l’intention malveillante de l’auteur du dénigrement.
Cependant, le dénigrement doit être distingué de la publicité comparative. En effet, pendant
longtemps, la publicité par comparaison des prix ou des produits et services a été considérée
comme un acte de concurrence déloyale assimilable au dénigrement ou comme une utilisation
illicite de la marque du concurrent.
En France, le cadre juridique de la publicité a été modifié à plusieurs reprises, depuis 1992, en
vue d’autoriser la publicité comparative. Celle-ci doit porter sur des éléments objectifs à l’égard
de la clientèle et être loyale à l’égard du concurrent.
La publicité comparative basée sur le prix des produits ou services doit concerner des produits
ou services identiques, vendus dans les mêmes conditions. Lorsqu’elle porte sur la qualité des
produits et services, elle doit se limiter aux caractéristiques essentielles, significatives,
pertinentes et vérifiables immédiatement.
En Côte d’Ivoire, la publicité comparative est maintenant autorisée par la loi n°2017-868 du
27 décembre 2017 portant régime juridique de la Communication audiovisuelle. La publicité
comparative doit réunir les conditions suivantes : porter sur des biens ou services répondant aux
mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
▪ comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes,
vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix;
▪ éviter de tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque de fabrique, de
commerce ou de service, à un nom commercial, à d’autres signes distinctifs d’un

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concurrent ou à l’appellation d’origine ainsi qu’à l’indication géographique protégée
d’un produit concurrent ;
▪ s’abstenir de toute forme de présentation pouvant entraîner le discrédit ou le
dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens,
services, activité ou situation d’un concurrent ;
▪ éviter la confusion entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms
commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et de ceux
d’un concurrent ;
▪ faire abstraction de toute forme de présentation des biens ou des services comme
une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service bénéficiant d’une
marque ou d’un nom commercial protégé."
L’interdiction du dénigrement ne supprime pas la critique objective.
Ainsi, une entreprise peut se défendre clés attaques d’un concurrent, notamment par la diffusion
à la clientèle de mises en garde, rédigées dans des termes acceptables, en vue de les éclairer sur
la réalité de la situation et éviter ainsi les confusions.

Paragraphe 2 : La confusion

La confusion consiste à vouloir profiter de la notoriété d’un concurrent en faisant croire à la


clientèle qu’il s’agit de la même entreprise. Ainsi, les clients pensent avoir à faire à la même
entreprise lorsqu’ils achètent des produits ou services de l'entreprise déloyale. Cette confusion
chez la clientèle est provoquée et instrumentalisée par le concurrent déloyal pour capter un
maximum de client au détriment du concurrent.
La confusion peut porter sur la présentation des produits ou services (imitation servile ou
similitude), sur une marque, un nom commercial, le logo de l’entreprise ou slogan, les bâtiments
de l’entreprise en utilisant les mêmes couleurs. Même si le concurrent utilise son propre nom
patronymique comme nom commercial, il commet un acte de concurrence déloyale s’il ne prend
aucune mesure particulière propre à éviter la confusion avec le nom commercial d’une
entreprise jouissant d’une antériorité.
La confusion peut, enfin, être le fait d’un ancien employé qui ayant ouvert sa propre entreprise
faire croire à la clientèle qu’il est toujours au service de son ancien employeur.
Lorsque la confusion naît de l’utilisation indue d’un signe distinctif (marque, nom commercial,
enseigne, indication géographique, etc.)Ou d’une œuvre de l’esprit, la victime peut également
engager une action en contrefaçon fondée sur l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle.
13
Le code pénal puni les fraudes en matière commercial ainsi que la concurrence déloyale.
Ainsi, l'Article 343 du code pénal dispose que: " Sont punis d'une amende de 100.000 à
1.000.000 de francs et d'un emprisonnement de trois mois à trois ans ou de l'une de ces deux
peines seulement :
1) Ceux qui contrefont une marque de fabrique, de service ou de commerce ou ceux qui
frauduleusement apposent une telle marque appartenant à autrui ;
2) Ceux qui font usage d'une marque sans autorisation de l'intéressé même avec l'adjonction de
mots tels que " formule façon, système imitation, genre ". Toutefois, l'usage d'une marque faite
par les fabricants d'accessoires pour indiquer la destination du produit n'est pas punissable;
3) Ceux qui détiennent sans motif légitime des produits qu'ils savaient revêtus d'une marque
contrefaite ou frauduleusement apposée ou ceux qui sciemment vendent, mettent en vente,
fournissent ou offrent de fournir des produits ou des services sous une telle marque. L'Article
344 du code pénal punit d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de 100.000
à 1.000.000 de francs ou de l'une de ces deux peines seulement celui qui détourne la clientèle
d'autrui en matière civile, commerciale ou industrielle :
1) En usant de titres, signes distinctifs, marques ou dénominations professionnelles inexactes
ou fallacieuses pour faire croire à des qualités ou capacités particulières ;
2) En recourant à des mesures propres à faire naître une confusion avec les marchandises,
procédés ou produits, activités ou affaires d'autrui ;
3) En dénigrant les marchandises, les procédés, les activités ou les affaires d'autrui ou en
donnant sur les siens des indications inexactes ou fallacieuses afin d'en tirer avantage au
détriment de ses concurrents.
Selon l’article 345 du Code pénal, le maximum de la peine est porté au double si le
détournement de la clientèle est réalisé en offrant des avantages à des salariés ou mandataires
dans le but de surprendre ou divulguer un secret de fabrication, d’organisation ou d’exploitation
ou en cas d’utilisation ou d’exploitation dudit secret.

Paragraphe 3 : La Désorganisation

La désorganisation consiste en des actes ou pratiques ayant pour objet ou pour effet de porter
atteinte à l’organisation interne d’une entreprise ou au fonctionnement du marché. La
14
désorganisation est donc un dommage causé à son concurrent consistant en une atteinte certaine
et significative subie par celui-ci, de nature à faire obstacle à son fonctionnement. Elle peut
prendre diverses formes. Elle peut se réaliser par :
▪ la suppression de la publicité ;
▪ le détournement de commandes ;
▪ la pratique de prix anormalement bas ;
▪ la désorganisation du réseau de vente ;
▪ le débauchage de personnel ;
▪ l’incitation du personnel à la grève ;
▪ le non-respect de la réglementation relative à l’exercice de l’activité concernée.
Constitue également un acte de concurrence déloyale, l’acquisition, la divulgation ou
l’utilisation par le concurrent d’une information confidentielle sans le consentement de la
personne légalement habilitée à disposer de cette information.
Ainsi, l’espionnage industriel ou commercial, l’abus de confiance et l’incitation à commettre
de tels actes par le concurrent contribuent à désorganiser l’entreprise ou le marché sur lequel
elle intervient.
Est considéré comme un acte de concurrence déloyale, tout acte ou pratique qui, dans l’exercice
d’activités industrielles ou commerciales, constitue ou entraîne l’exploitation déloyale dans le
commerce de données confidentielles résultant d’essais ou d’autres données confidentielles,
dont l’établissement nécessite un effort considérable et qui ont été communiquées à une autorité
compétente aux fins de l’obtention de l’autorisation de commercialisation des produits ou la
fourniture de services.
La désorganisation est sanctionnée pénalement sur le fondement des articles 344 et 345 du code
pénal.
L'Article 345 du code pénal porte le maximum de la peine au double si le détournement de
clientèle est réalisé́ :
1)En accordant ou offrant à des employés, mandataires ou auxiliaires d'autrui des avantages qui
ne devaient pas leur revenir, afin de les amener à surprendre ou révéler un secret de fabrication,
d'organisation ou d'exploitation ;
2) En divulguant ou en exploitant de tels secrets appris ou surpris dans les conditions visées au
paragraphe précédent.

Section 2 : Les pratiques assimilées à la concurrence déloyale

15
Les pratiques assimilées à la concurrence déloyale se distinguent de celles issues de la
concurrence déloyale en ce sens qu’à la différence des premières, elles n’ont pour objet ni pour
effet de détourner la clientèle de l’entreprise cible.
En effet, ces pratiques sont destinées, soit à profiter de la notoriété d’une autre entreprise
(Parasitisme), soit entraîner une désorganisation générale du marché.
Dans le premier cas de figure, les entreprises concernées ne sont pas directement concurrentes,
en ce sens qu’elles n’évoluent pas nécessairement dans la même branche d’activité ou dans le
même secteur.
Dans le second cas, l’effet produit par les pratiques anticoncurrentielles peut concerner tout le
marché sur lequel évoluent les entreprises concernées ou une partie de ce marché. Dans les deux
cas, le jeu de la libre concurrence est faussé du fait des troubles économiques occasionnés par
ces actes anticoncurrentiels.

Paragraphe 1 : Le parasitisme

Il existe des situations dans lesquelles, une entreprise cherche à s’approprier de façon illégitime
la renommée ou la réputation d’une autre qui n’est pas son concurrent parce qu’elle exerce son
activité dans un secteur différent.
Ainsi, l’entreprise parasite, sans détourner la clientèle de l’entreprise hôte, veut profiter de sa
notoriété, de ses investissements et de son capital de crédibilité en utilisant, par exemple le
même nom commercial ou la même marque pour des produits différents, dès lors que les deux
entreprises ne s’adressent pas, a priori, à la même clientèle.
Selon la jurisprudence française, le parasitisme économique est "l’ensemble des comportements
par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre, afin de tirer profit, sans
rien débourser, de ses efforts et de son savoir-faire».
Le parasite moissonne donc là où il n’a pas semé.
Les agissements parasitaires n’ont pas, dans un premier temps, fait l’objet de sanction de la part
de la jurisprudence française car les juges avaient conclu qu’il n’y avait pas de concurrence
déloyale pour défaut de risque de confusion.
Mais, le parasitisme peut heurter les règles du droit de la propriété intellectuelle, notamment
lorsqu’il y a détournement d’une marque ou d’un nom commercial protégé, et peut être
sanctionné par une action en contrefaçon ou pour imitation frauduleuse de marque ou de nom
commercial.

16
Cependant, tel n’est pas toujours le cas, car en droit de la propriété intellectuelle, deux
personnes peuvent enregistrer et utiliser la même marque mais pour des produits différents
n’appartenant pas à la même classe de protection: c’est le principe de spécificité de la marque.
Le véritable parasitisme qui se confond à la concurrence déloyale apparaît lorsque le parasite
cherche à détourner à son profit la clientèle d’une autre entreprise en provoquant une confusion
entre les deux entreprises. Ainsi, la clientèle de l’entreprise victime pense que le parasite
constitue une nouvelle branche de l’activité de cette entreprise.
La jurisprudence française condamne le parasitisme par application des articles 1382 et suivant
du Code civil lorsque les agissements parasitaires provoquent un risque de confusion ou de
dénigrement et entraînent par voie de conséquence un affaiblissement du caractère distinctif de
la marque ou de son pouvoir attractif.
A titre d’exemple de condamnation, nous pouvons citer :
- l’utilisation du slogan d’une entreprise non concurrente (Cass.com 30 janvier 1996) ;
- l’appropriation indue de plans de construction (Versailles, 5 décembre 1996) ;
- la diffusion d’une émission de télévision similaire sur une chaîne concurrente (Versailles 11
mars 1993) ;
- la reprise d’une idée publicitaire par un annonceur (Paris, 30 avril 1997).
Le parasitisme est donc la rançon de la notoriété des entreprises qui jouissent d’une grande
renommée.
Paragraphe 2 : La désorganisation générale du marché

Une telle désorganisation est incontestablement illicite lorsqu’elle résulte d’agissement


prohibés ou produit des effets anticoncurrentiels. C’est le cas des offres promotionnelles
agressives et des commerçants clandestins.
A/ Les offres promotionnelles agressives
L’utilisation dans le commerce de procédés qui sont contraires aux usages du commerce mais
non nécessairement prohibés par les lois et les règlements peuvent produire des effets
anticoncurrentiels et contribuer à la désorganisation générale du marché.
C’est le cas de la gratuité dans la promotion commerciale.
A priori, la gratuité est incompatible avec le commerce qui est une activité spéculative qui
conduit nécessairement à la recherche de profit.
Cependant, l’on rencontre de plus en plus des offres de gratuité dans le commerce qui constitue
un moyen efficace d’attirer et retenir la clientèle.

17
La gratuité totale, telle la remise de cadeaux à la clientèle ou la distribution de journaux ou
périodiques gratuits, d’échantillons est licite. Sauf abus, la gratuité n’est pas un procédé déloyal.
Mais, elle peut le devenir lorsque l’offre de gratuité a pour but d’occasionner des pertes chez
les concurrents en fournissant gratuitement les produits à la clientèle.
C’est également, le cas du prix d’appel qui est un procédé consistant à attirer la clientèle dans
un point de vente par l’annonce de réductions importantes pratiquées sur des produits de marque
dont il n’est pas le producteur.
Le prix d’appel devient contestable si les quantités de produits de marque offertes sont
tellement faibles que le client est inévitablement conduit à acheter un autre produit de
substitution de moindre qualité sur lequel le commerçant réalise une plus grande marge
bénéficiaire.
Le prix d’appel est de nature à provoquer la désorganisation général du marché en ce sens qu’il
présente un double inconvénient : le client est trompé et peut se détourner du produit qui à servir
à l’appeler et le producteur dont les produits font l’objet du prix d’appel est confronté à un
risque de mévente et est victime d’une sorte de dénigrement car la clientèle qui a l’habitude
d’acheter cher ne comprend pas cette braderie et s’orientera vers d’autres produits de luxe.
La preuve de la pratique de prix d’appel est difficile à rapporter, car elle suppose une
comparaison entre la faiblesse des stocks disponibles et l’importance de la publicité. Cependant,
l’entreprise victime peut faire ordonner en référé, c’est-à-dire selon une procédure d’urgence,
l’arrêt de la campagne publicitaire. Il peut, par la suite, saisir la juridiction compétente, selon
une procédure de droit commun fondée sur la concurrence déloyale, pour demander des
dommages-intérêts, sans préjudice de sanctions pénales pour publicité mensongère.
B/ La para-commercialité
La para-commercialité est la pratique de personne qui échappent aux contraintes pesant sur les
commerçants, soit parce qu’elles n’accomplissent qu’occasionnellement des actes de
commerce, soit parce qu’elles ont la qualité de personne morale de droit public ou d’association
de droit privé.
Ces personnes peuvent, de ce fait bénéficier d’avantages (exonérations fiscales, subventions,
aides financières, etc.) qui sont de nature à créer un déséquilibre concurrentiel et à fausser ainsi
le jeu de la libre concurrence.
En principe, la para-commercialité n’est pas iconsidérée comme un cas de concurrence déloyale
dans les mesures où les personnes concernées se bornent à profiter des facilités découlant de
leur statut juridique dans le respect de la loi.

18
Mais, lorsqu’elles outrepassent les prérogatives de leur statut et contreviennent aux règles du
commerce, elles peuvent engager leur responsabilité pour concurrence déloyale et être
condamnées au paiement de dommages-intérêts.
C’est le cas des associations lorsqu’elles réalisent des bénéfices grâce à des activités lucratives
et ne les réemploient pas pour la réalisation de leur objet mais les utilisent pour rémunérer leurs
membres.

Conclusion partielle

La concurrence déloyale est née d’une création jurisprudentielle et apparaît ainsi comme un
domaine particulier de la réglementation des pratiques anticoncurrentielles.
Mais, aujourd’hui, elle fait l’objet d’encadrement par des textes juridiques, notamment
l’Annexe VIII de l’Accord de Bangui révisé et l'ordonnance du 20 septembre 2013 relative à la
concurrence et les articles 344 et 345 du code pénal.
Mais en dehors du cas particulier de la concurrence déloyale, les textes juridiques abondent
pour interdire de façon plus précise, certaines formes de concurrence qui semblent plus
dangereuses pour le bon équilibre du marché.

Chapitre 2 : Les pratiques anticoncurrentielles proprement dites

Les véritables pratiques anticoncurrentielles qui ont donné lieu à la prise de textes législatifs et
réglementaires sont regroupées en deux grandes catégories. Il s’agit, d’une part, des pratiques
restrictives de la concurrence et, d’autre part, des ententes anticoncurrentielles et des abus de
positions dominantes.
A cette dernière catégorie s’ajoute les concentrations économiques qui portent sur les
regroupements d’entreprises par fusion ou autres formes de rapprochements.
L’ensemble des textes juridiques pris en la matière a contribué a instauré un cadre juridique et
institutionnel des pratiques anticoncurrentielles.
Le cadre juridique des pratiques anticoncurrentielles est constitué, aujourd'hui essentiellement,
par l'ordonnance n°2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la concurrence qui a été ratifiée
par la loi n°2013-877 du 23 décembre 2013.
À cette ordonnance s'ajoute le décret n°2013-167 du 06 mars 2013 portant organisation des
ventes en soldes et autres formes de ventes équivalentes (risque de désuétude).

19
Auparavant, le cadre juridique des pratiques anticoncurrentielles était régi par la loi n° 91-999
du 27 décembre 1991 relative à la concurrence, la loi n° 97-10 du 06 janvier 1997 portant
modification de la loi n° 91–999 du 27 décembre 1991 relative à la concurrence et les décrets
d'application, aujourd'hui, abrogée ainsi que les décrets pris en application de ces textes ( décret
n° 92-50 du 29 janvier 1992 portant réglementation de la Concurrence et des Prix ;
- du décret n° 95-29 du 20 janvier 1995 portant interdiction des entraves à la concurrence
- du décret n° 2004-650 du 16 décembre 2004, modifiant le décret n° 96-288 du 03 avril 1996
portant organisation et fonctionnement de la commission de la concurrence).
Ces textes juridiques définissent et sanctionnent pénalement les pratiques restrictives de la
concurrence, les ententes anticoncurrentielles, les abus de positions dominantes et encadrent les
concentrations économiques d’entreprises. À ces textes généraux, s'ajoutent d'autres textes
spécifiques tels l'ordonnance n°2012-293 du 21mars 2012 relative aux Télécommunications et
aux TIC et le code de l’électricité.

Section 1 : Les pratiques restrictives de la concurrence

Cette première catégorie concerne les pratiques qui restreignent la concurrence, c’est-à-dire les
comportements des agents économiques qui nuisent gravement à la libre concurrence en
empêchant le bon fonctionnement du marché par le jeu de l’offre et la demande.
Ces pratiques concernent les conditions de vente des biens ou de fourniture de services.
Leur caractère nuisible au bon fonctionnement du commerce justifie leur interdiction légale et
la sanction pénale des auteurs de ces pratiques anticoncurrentielles.
Ainsi, l'ordonnance du 20 septembre 2013 relative à la concurrence distingue, d'une part, les
pratiques restrictives de concurrence constitutives de fautes pénales, et, d'autre part, les
pratiques restrictives de concurrence constitutives de fautes civiles.

Paragraphe 1 : les pratiques restrictives de concurrence constitutives de fautes pénales

Elles sont les plus nombreuses. Il s’agit :


▪ de la vente à perte ;
20
▪ de l’imposition de prix ;
▪ les ventes avec primes ;
▪ le refus de vente ;
▪ les ventes subordonnées ;
▪ la vente à la boule de neige;
▪ les pratiques de non-respect de la réglementation du commerce extérieur;
▪ la para commercialité.
A : La vente à perte
La vente à perte est définie à l'article 1 de l'ordonnance relative à la concurrence comme étant
la revente d’un produit, en l’état, à un prix inférieur au prix d’achat effectif ou la vente d’un
produit, après transformation, à un prix inférieur au coût de revient.
L'article 15 de ladite ordonnance interdit la vente à perte qui est sanctionné par l'article 18 d’une
amende de cent mille à cinquante millions de francs CFA sans préjudice des sanctions
particulières prévues par le code des douanes.
Dans la vente à perte, le prix d’achat effectif est présumé être le prix porté sur la facture. Il est
déterminé comme suit :
− Majoration faite des impositions et taxes afférentes audit achat ;
− Déduction faite des rabais et remises de toute nature consentis par le fournisseur au montant
de la facturation.
L’interdiction de la vente à perte ne s’applique pas aux opérations qui ne sont pas faites dans
l’intention de limiter la concurrence, il s’agit notamment :
▪ de la vente à perte des produits périssables, menacés d’altération rapide ;
▪ de la vente à perte des produits dont le commerce présente un caractère saisonnier
marqué lorsque la vente a lieu soit pendant la période terminale de la saison, soit entre
deux saisons de vente ;
▪ de la vente à perte de produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de
l’évolution de la mode ou de l’apparition de perfectionnements techniques ;
▪ de la vente à perte de produits dont le réapprovisionnement s’est effectué en baisse ; le
prix effectif d’achat est alors remplacé par le prix résultant, soit de la nouvelle facture
d’achat, soit de la valeur de réapprovisionnement;
▪ de la vente à perte volontaire ou forcée à la suite de cessation ou changement d’activité
;
▪ de la vente à perte, résultant de ventes soldes, liquidations ainsi que des autres formes
de ventes équivalentes.
21
B : L’imposition de prix
Est considérée comme imposition de prix, le fait pour toute personne d’imposer, directement
ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix
d’une prestation de service ou à une marge commerciale.
L’imposition de prix est interdite par l’article 16 de l'ordonnance relative à la concurrence.
L'article 18 de ladite ordonnance sanctionne cette infraction d’une amende de cent mille à
cinquante millions de francs CFA sans préjudice des sanctions particulières prévues par le code
des douanes.
L’interdiction de conférer, de maintenir ou d’imposer un caractère minimal au prix ou à la
marge commerciale, est générale et concerne toute personne physique ou morale.
La fixation de prix minima intervient lorsque la personne considérée ou le groupement
d’entreprises qu’elle dirige ou représente détermine le prix de vente d’un produit ou d’une
prestation de service ou la marge commerciale applicable à la vente d’un produit ou d’une
catégorie de produits :
▪ soit au moyen de tarifs ou barèmes, de catalogues, d’étiquettes ou mentions apposées
sur les produits ou d’indications portées sur les factures ;
▪ soit au moyen de prix conseillés, lorsqu’ils ont pour effet de tourner par un biais,
l’interdiction de prix minima imposés quels que soient les qualificatifs utilisés pour les
désigner ;
▪ soit en vertu d’ententes.
C : Les ventes avec primes
La vente avec prime est interdite par l’article 16 de l'ordonnance relative à la concurrence. Elle
est sanctionnée par l'article 18 d’une amende de cent mille à cinquante millions de francs CFA
sans préjudice des sanctions particulières prévues par le code des douanes.
Selon l'article 16 de l'ordonnance relative à la concurrence, constitue une vente avec prime,
toute vente de produits ou de biens ou toute prestation de services, faites aux consommateurs
et donnant droit, à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime consistant en produits,
biens ou services, sauf s’ils sont identiques à ceux qui font l’objet de la vente ou de la prestation.
Cette interdiction ne s’applique pas aux menus objets ou services de faible valeur ni aux
échantillons.
Constituent également des ventes avec primes et donc interdits, tous les systèmes de ventes ou
offres de ventes ou de prestations de services avec distribution de coupons, timbres, bon, tickets,
vignettes ou autres titres, quelle qu’en soit la dénomination ou la terminologie, donnant droit
immédiatement ou à terme à une ou plusieurs primes.
22
Sont également interdits les systèmes de ventes ou offres de ventes ou prestations de service
avec primes en nature si celles-ci ne sont pas identiques au produit principal.
L’offre de produit, bien ou services assortie de la promesse d’une prime au cocontractant
éventuel est répréhensible même si aucun contrat n’est conclu par la suite.
Les primes offertes entre professionnels sont illicites lorsqu’elles sont jointes de manière
indissociable au produit principal et vendues au stade ultime de la distribution aux
consommateurs.

Ne sont pas considérés comme des primes :


- le conditionnement habituel qui est indispensable à l’utilisation du produit, du bien ou du
service faisant l’objet de la vente ;
- les prestations de service après-vente et les facilités de stationnement offertes par les
commerçants à leurs clients ;
- la distribution à titre gratuit d’échantillon, de menus objets ou services de faible valeur
intrinsèque, qu’ils soient ou non spécialement conçus pour la publicité.
Les échantillons doivent porter la mention « échantillon gratuit ne peut être vendu».
Sont également autorisés les escomptes ou remises en espèces qui peuvent être accordés, soit
au moment de la vente, soit selon un système cumulatif.
Les primes offertes entre professionnels, pour être licites, doivent apparaître sur la facture émise
par le fournisseur et figurer dans les conditions de vente communicables à tout revendeur.
D : Le refus de vente
L'article 16 de l'ordonnance relative à la concurrence interdit de refuser à un acheteur la vente
d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime. Est considérée comme refus de
vente, le fait de refuser, sauf motif légitime, la vente d’un bien, d’un produit ou la prestation
d’un service.
Le refus de vente est constitutif d’un délit pénal.
Le refus de vente est constitué lorsqu’est réalisée au moins l’une des conditions suivantes:
▪ le refus de satisfaire à la demande d’un acheteur dans les conditions conformes aux
règles et usages commerciaux ;
▪ le produit demandé n’est pas interdit par la loi ou par un règlement ;
▪ celui qui oppose le refus avait la disponibilité nécessaire pour satisfaire à la demande ;
▪ celui qui oppose le refus ne peut pas invoquer valablement la mauvaise foi du
demandeur, le caractère anormal de la demande ou l’existence d’une clause
d’exclusivité dans le contrat de concession.
23
Le refus pour être répréhensible doit être opposé par un producteur, commerçant, industriel,
artisan ou par quiconque professionnellement en situation de vendre le produit ou de fournir la
prestation de service.
L’existence des disponibilités nécessaires à la satisfaction de la demande implique pour l’auteur
du refus qu’il :
▪ Détienne effectivement les produits demandés ;
▪ Soit en mesure de fabriquer ou de se procurer les produits demandés ;
▪ Ait les moyens de fournir la prestation de service requise :
▪ Ne soit pas obligé de se priver de son stock de sécurité ou de surseoir à l’exécution de
ses engagements antérieurs de livraison résultant de commandes fermes, irrévocables et
précises.
Il est interdit au vendeur d’opérer un choix arbitraire entre ses clients. Il doit enregistrer les
commandes dans l’ordre où elles se présentent sans avoir le droit de faire une distinction
quelconque entre elles.
Est de mauvaise foi :
▪ Le demandeur qui se propose d’utiliser le produit acheté pour nuire au fabricant ou au
vendeur.
▪ Le commerçant qui, à titre systématique, se livre à la pratique de la vente à perte d’un
produit déterminé ;
▪ Le demandeur qui ne présente pas de garanties satisfaisantes et dont l’insolvabilité a été
entièrement constatée par le fournisseur.
Pour justifier le refus de vente, le contrat de concession exclusive doit réunir cumulativement
les conditions suivantes :
1er : Le concédant doit s’engager à ne pas vendre à un concurrent actuel ou éventuel du
concessionnaire et à ne pas créer d’autres concessions dans la zone qu’il lui a attribuée ;
2ème : Le concessionnaire doit s’engager à ne pas commercialiser de produits concurrents à
ceux pour lesquels la concession lui a été accordée.
Aucune clause du contrat de concession exclusive ne peut avoir pour effet, même indirecte, de
limiter la liberté du concessionnaire de fixer lui-même comme il l’entend, le prix de vente du
produit.
La preuve de l’existence du contrat de concession exclusive résulte, de façon très générale, de
la production d’un acte écrit, et incombe à celui qui l’invoque.

E : Les ventes subordonnées


24
L'article 16 de l'ordonnance relative à la concurrence interdit de subordonner la vente d’un
produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un
autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à
l’achat d’un produit.
Selon l'article 1 de l'ordonnance relative à la concurrence" les ventes subordonnées consistent
à subordonner, sauf motif légitime, la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à
l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ou à subordonner la prestation d’un
service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit.
Ainsi, est considéré comme vente subordonnée ou vente jumelée ou liée et interdit, le fait de
lier la vente d’un produit ou d’une prestation de service :
▪ Soit en cas de vente par lot, à l’impossibilité pour l’acheteur d’acquérir chacun des
articles composant le lot ;
▪ Soit enfin à l’obligation faite au client d’acheter une quantité minimale de produit, bien
ou services qui ne correspond pas à ses besoins.
Le non-respect de cette interdiction est sanctionné pénalement par l'article 18 de l'ordonnance
d’une amende de cent mille à cinquante millions de francs CFA sans préjudice des sanctions
particulières prévues par le code des douanes.
F: La vente à la boule de neige
Est considérée comme vente à la boule de neige, le procédé de vente consistant en particulier à
offrir des produits au public en lui faisant espérer l’obtention de ces produits à titre gracieux ou
contre remise d’une somme inférieure à leur valeur et en subordonnant les ventes au placement
de bons ou tickets auprès des tiers ou à la collecte d’adhésion ou souscription.
Les ventes par le procédé dit « de la boule de neige » sont interdites par l'article 16 de
l'ordonnance relative à la concurrence et sanctionnées pénalement par l'article 18 de ladite
ordonnance.
Le procédé dit de la boule de neige n’est pas sanctionné s’il est utilisé à d’autres fins que la
vente de produits ou biens et notamment pour proposer des prestations de service.

G: Les pratiques de non-respect de la réglementation du commerce extérieur


Sont considérées comme pratique de non-respect de la réglementation du commerce extérieur
et interdites par l'article 17 de l'ordonnance relative à la concurrence:
▪ l’importation, l’exportation ou la réexportation sans titre ou sans déclaration en douane
des biens et produits soumis à ces régimes ;

25
▪ l’importation, l’exportation ou la réexportation de marchandises en violation de la
réglementation sur le contrôle des marchandises avant expédition ;
▪ la détention en vue de la vente ou la distribution à titre gratuit desdits biens, produits et
marchandises ;
▪ toute falsification pratiquée sur les documents d’importation, d’exportation ou de
réexportation;
▪ toute forme de cession de titre d’importation, d’exportation ou de réexportation.
H: Les ventes sauvages ou para-commercialisme
Est considéré comme vente sauvage ou para-commercialisme et interdit, le fait pour toute
personne d’offrir à la vente des biens, produits et services en occupant sans autorisation, le
Domaine public de l’Etat, des Collectivités territoriales, des Etablissements publics ou le fait
de se livrer à des activités commerciales en cherchant à éluder les obligations qui incombent
aux commerçants.
Les biens ou produits concernés font nécessairement l’objet de saisie. Les conditions et les
modalités de ces saisies sont définies par décret pris en Conseil des Ministres.
Le non-respect de cette interdiction est puni d’un emprisonnement de deux à six mois et d’une
d’amende de cent mille à dix millions de francs ou de l’une de ces deux peines seulement. En
cas de récidive, l’amende est portée au double.
Paragraphe 2: les pratiques restrictives de concurrence constitutives de fautes civiles
Engage la responsabilité civile de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé, le fait, pour
tout producteur, commerçant, industriel ou artisan :
▪ de pratiquer, à l’égard d’un partenaire économique, ou d’obtenir de lui des prix, délais
de paiement, conditions de vente ou modalités de vente et d’achat discriminatoires ou
non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un
désavantage dans la concurrence ;
▪ de refuser de satisfaire aux demandes d’achat de biens, de produits ou aux demandes de
prestations de service, lorsque ces demandes ne présentent aucun caractère anormal et
qu’elles sont faites de bonne foi ;
▪ de subordonner la vente d’un produit ou la prestation d’un service soit à l’achat
concomitant d’autres biens ou produits, soit à l’achat d’une quantité imposée, soit à la
prestation d’un autre service.
Le principe de la liberté du commerce permet aux commerçants de ne pas traiter tous leurs
clients de manière égale, et notamment de réserver à certains d’entre eux un traitement de
faveur.
26
Ainsi, seules les discriminations qui portent atteinte à la concurrence sont interdites, c’est-à-
dire l’imposition de conditions moins favorables à des commerçants en pratiquant des prix trop
bas ou trop élevés.
Constitue une pratique discriminatoire, le fait de consentir des prix, délais de paiement ou toutes
conditions de vente ou de prestations de services différents qui ne seraient pas justifié par une
contrepartie réelle à des partenaires commerciaux se trouvant dans une situation économique
identique.
Les pratiques discriminatoires ne sont répréhensibles que dans la mesure où elles interviennent
dans les relations entre partenaires économiques, notamment producteurs, les industriels, les
artisans et les commerçants. Les conditions ou modalités de vente discriminatoires s’apprécient
au regard de la pratique habituelle du vendeur ou du prestataire de service.
L’infraction est réputée constituée même si l’acte est occasionnel ou le contrat déjà conclu.
Les pratiques discriminatoires sont sanctionnées afin de garantir la transparence du marché et
l’établissement d’une concurrence libre et loyale.
Cependant, il arrive très souvent que l’existence de pratiques discriminatoires soit le résultat
d’une entente illicite entre des entreprises du même groupe ou indépendantes.
Ces pratiques discriminatoires basculent dans ce cas dans un autre régime juridique, celui des
ententes anticoncurrentielles et des abus de positions dominantes.

Section 2 : les ententes anticoncurrentielles et les abus de position dominante

Il existe des pratiques anticoncurrentielles plus subtiles qui peuvent apparaître sans
conséquence à première vue mais dont les effets sont désastreux pour le bon fonctionnement
du marché.
Dans ce cas de figure les comportements en cause sont pénalement réprimés et font également
l’objet de sanctions pécuniaires de leurs auteurs.
Ces pratiques anticoncurrentielles sont en principe au nombre de deux :
Les ententes illicites et les abus de position dominante. Mais la doctrine y ajoute une troisième
pratique qui concerne les concentrations économiques qui peuvent avoir pour effet de limiter la
libre concurrence en créant des monopoles de fait ; des duopoles ou des oligopoles.
27
Paragraphe 1 : l'interdiction des ententes anticoncurrentielles

L'ordonnance relative à la concurrence interdit en son article 11 les ententes


anticoncurrentielles.
Constituent des ententes anticoncurrentielles, tous accords entre entreprises, les décisions
d’association d’entreprises et les pratiques concertées entre entreprises ayant pour objet ou pour
effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et notamment ceux qui consistent en:
▪ des accords limitant l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par
d’autres entreprises ;
▪ des accords visant à fixer directement ou indirectement le prix, à contrôler le
prix de vente, et de manière générale, à faire obstacle à la fixation des prix par
le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
en particulier des accords entre entreprises à différents niveaux de production ou
de distribution visant à la fixation du prix de revente;
▪ des répartitions des marchés ou des sources d’approvisionnement, en particulier
des accords entre entreprises de production ou de distribution portant sur une
protection territoriale absolue;
▪ des limitations ou des contrôles de la production, des débouchés, du
développement technique ou des investissements ;
▪ des discriminations entre partenaires commerciaux au moyen de conditions
inégales pour des prestations équivalentes ;
▪ des subordinations de la conclusion des contrats à l’acceptation, par les
partenaires, de prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les
usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.
Ainsi, les ententes anticoncurrentielles peuvent avoir pour effet d’entraver ou de supprimer le
libre jeu de la concurrence, notamment lorsque les membres de l'entente conviennent de se
partager le marché ou de vendre aux mêmes prix.
L’entente illicite oblige donc les partenaires à adopter un certain comportement, soit à faire,
soit à ne pas faire quelque chose. La lutte contre les ententes anticoncurrentielles est très
complexe dans la mesure où elle suppose une distinction entre les bonnes et les mauvaises
ententes.
En effet, certaines ententes peuvent produire des effets bénéfiques pour les consommateurs,
par exemple le choix concerté d’une norme technique efficace.
28
Mais l’entente devient illicite lorsque le bilan économique montre qu’elle empêche, fausse ou
restreint la libre concurrence.
A : Les mauvaises ententes
La notion de mauvaise entente s’apprécie sur le plan économique. Sur le plan juridique, il n’est
fait aucune distinction au niveau de la forme de l’entente. Ainsi, il peut s’agit d’une simple
action menée de concert, de la conclusion d’une convention ou de la prise de participation au
capital d’un partenaire.
L’entente peut être apparente ou occulte.
En France, l’Autorité de la concurrence qui a remplacé depuis le 13 janvier 2009 le Conseil de
la concurrence suite à la promulgation de la loi du 4 août 2008 sur la modernisation de
l'économie, a parfois estimé qu’un GIE constituait une entente prohibée. Par conséquent, la
licité des structures juridiques sous le couvert desquelles se pratiquent les ententes n’offre
aucune protection ni immunité.
Pour que l’entente soit constituée, il faut que les participants à l’entente exerce chacun une
activité économique, peu important qu’il s’agisse de personnes morales de droit privé ou de
droit public, de personnes physiques ou d’associations professionnelles, et que l’entente
influence significativement le marché.
Ainsi, l’entente qui est prohibé est celle qui est contraire à l’intérêt général.
Est nul de plein droit tout engagement constituant une entente anticoncurrentielle car contraire
à l'ordre public économique.
Selon l'article 14 de l'ordonnance relative à la concurrence, les ententes anticoncurrentielles
sont réprimées, conformément aux dispositions de la législation communautaire de l’UEMOA.
D'après la CJUE, lorsqu'une entente a pour effet d'amener les concurrents à augmenter leur prix,
les membres peuvent devoir répondre du préjudice causé ! Le droit en vigueur au sein de l'Union
Européenne interdit de longue date toute entente anticoncurrentielle.
Les Juges de la CJUE viennent de préciser (arrêt du 5 juin 2014, affaire C-557/12) que
lorsqu'une entente a pour effet d'amener les concurrents à augmenter leurs prix, les membres de
l'entente peuvent alors devoir répondre du préjudice causé.
En 2007, la Commission européenne a infligé une amende d'un total de 992 millions d'euros
aux groupes Kone, Otis, Schindler et ThyssenKrupp en raison de leur participation à des
ententes concernant l'installation et l'entretien d'ascenseurs et d'escaliers roulants en Belgique,
en Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas.
Du fait de ces ententes, une autre société a connu un préjudice, alors qu'aucun lien contractuel
n'existait préalablement entre cette dernière et les membres de l'entente. Saisie d'un renvoi
29
préjudiciel, la Cour de justice de l'Union Européenne a donc précisé : que l'effet utile de
l'interdiction des ententes anticoncurrentielles serait remis en cause si les justiciables ne
pouvaient pas demander la réparation du dommage causé par une violation des règles de la
concurrence ; que même si la détermination du prix d'offre est considérée comme une décision
purement autonome adoptée au niveau de chaque entreprise non membre, une telle décision
peut avoir été prise par référence à un prix du marché faussé par l'entente.
De ce fait, dès lors qu'il est établi que l'entente est, selon les circonstances de l'espèce,
susceptible d'avoir pour conséquence l'augmentation des prix appliqués par les concurrents non
membres de l'entente, les victimes de cette hausse de prix doivent pouvoir réclamer aux
membres de l'entente la réparation du dommage subi.
Toutefois, l’entente anticoncurrentielle peut être sanctionnée au plan pénal par une peine
d’emprisonnement de deux mois à 2 ans et d’une amende de 500.000 francs à 25.000.000 de
francs CFA ; conformément à l’article 314 du Code pénal qui punit ainsi ceux qui, exerçant ou
tentant d'exercer, soit individuellement, soit par réunion ou coalition une action sur le marché
dans le but de se procurer un gain qui ne serait pas le résultat du jeu naturel de l'offre et de la
demande, ont directement ou par personne interposée, opéré ou tenté d'opérer la hausse ou la
baisse artificielle du prix des denrées ou marchandises ou des effets publics ou privés.
L'interdiction de séjour peut, en outre, être prononcée.
Cependant, certaines ententes peuvent avoir des effets bénéfiques pour le marché ou conforme
à l’intérêt du consommateur (l’existence d’un label de qualité).
B : Les bonnes ententes
Les ententes licites résultent généralement de l’application d’un texte législatif ou d'un
règlement d’application d’une loi. Ainsi, sans toutefois l’imposer, l’entente est la conséquence
inéluctable de l’application d’un texte législatif ou règlementaire.
Ainsi, l'article 13 de l'ordonnance relative à la concurrence exclut de l'interdiction des ententes
anticoncurrentielles : "Tout accord ou catégorie d’accords, toute décision ou catégorie de
décisions d’associations d’entreprises, et toute pratique concertée ou catégorie de pratiques
concertées, qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à
promouvoir le progrès technique ou économique tout en réservant aux utilisateurs une partie
équitable du profit qui en résulte à condition de ne pas :
− imposé aux entreprises intéressées des restrictions non indispensables pour atteindre ces
objectifs ;
− donné à des entreprises la possibilité d’éliminer la concurrence, en leur octroyant une partie
substantielle des produits en cause."
30
En pratique, les ententes qui réalisent un progrès économique pouvant profité à l’ensemble de
la collectivité sont difficiles à caractériser et supposent une étude de marché approfondie.
La réalisation de profit important par les participants à l’entente ne semble pas suffisante à
caractériser le progrès économique. La frontière qui sépare les bonnes ententes des mauvaises
n’est pas toujours étanche car une entente fortement structurée peut déboucher sur une position
dominante dont l’abus fait l’objet de sanction.

Paragraphe 2 : Les abus de positions dominantes

La lutte contre les monopoles a naturellement conduit le législateur à instaurer un contrôle de


l’acquisition des situations monopolistiques et à réprimer les abus de positions dominantes.
Ainsi, il s’agit de réprimer l’acquisition et le renforcement d’une position dominante, quelle
que soit la nature juridique du procédé utilisé.
La notion de position dominante n’est pas définie par le législateur.
Du côté de l’entreprise dominante, elle se caractérise par le fait de pouvoir s’abstraire des
contraintes du marché et d’obliger les concurrents moins puissants à s’aligner sur sa position.
C’est la domination du marché qui est l’élément prépondérant.
Envisagée du côté du partenaire, la position dominante suppose une absence de substituabilité
du produit, c’est-à-dire la nécessité, pour des motifs de droit ou de fait, de s’adresser à une seule
entreprise qui ne subit pas de concurrence sur ce produit et impose ses conditions.
Une position dominante peut être détenue soit par une entreprise seule, soit par un groupe
d’entreprises (position dominante collective).
L'abus de position dominante est interdit par l'article 12 de l'ordonnance relative à la
concurrence, qui dispose que :
« Constitue un abus de position dominante, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter
de façon abusive, une position dominante sur le marché ou dans une partie significative de
celui-ci.
Sont frappées de la même interdiction, les pratiques assimilables à l’exploitation abusive d’une
position dominante, mises en œuvre par une ou plusieurs entreprises.
Sont assimilables à un abus de position dominante, les opérations de concentration qui créent
ou renforcent une position dominante, détenue par une ou plusieurs entreprises, ayant comme
conséquence d’entraver de manière significative une concurrence effective sur le marché.

31
En pratique, les entreprises concernées doivent exercer une puissance significative sur le
marché pertinent des biens et services en détenant ensemble ou isolement au moins une part
importante (25 % des parts) de marché du secteur concerné.
Selon l'article 14 de l'ordonnance relative à la concurrence, l'abus de position dominante est
réprimé, conformément aux dispositions de la législation communautaire de l’UEMOA.
Toutefois, l’abus de position dominante peut être sanctionné au plan pénal par une peine
d’emprisonnement de deux mois à 2 ans et d’une amende de 500.000 francs à 25.000.000 de
francs CFA ; conformément à l’article 314 du Code pénal qui punit ainsi ceux qui, exerçant ou
tentant d'exercer, soit individuellement, soit par réunion ou coalition une action sur le marché
dans le but de se procurer un gain qui ne serait pas le résultat du jeu naturel de l'offre et de la
demande, ont directement ou par personne interposée, opéré ou tenté d'opérer la hausse ou la
baisse artificielle du prix des denrées ou marchandises ou des effets publics ou privés.
L'interdiction de séjour peut, en outre, être prononcée.
L’exploitation abusive d’un état de dépendance économique est assimilée à l’abus de position
dominante et sanctionnée.
Constitue un état de dépendance économique la situation dans laquelle une entreprise est
obligée de poursuivre des relations commerciales avec une autre, alors qu’il lui est impossible
de s’approvisionner en produits substituables, dans des conditions équivalente. (Paris 5 juillet
1991).
Il convient de tenir compte de la notoriété du fournisseur et de l’importance de la part du
fournisseur dans la constitution du chiffre d’affaires de la victime.
Cette situation de dépendance économique se manifeste lors de l’exécution du contrat par
l’imposition de clause lésionnaire ou lors de la rupture abusive des contrats.
Toutefois, la position dominante n’est pas en elle-même illicite. Seul est condamnable l’abus
qui en est fait. Ainsi certaines positions dominantes sont justifiées lorsqu’elles résultent de
l’application d’un texte législatif ou règlementaire ou lorsqu’elles contribuent au progrès
économique.
C’est souvent le cas des concentrations économiques qui font l’objet d’un contrôle renforcé.

Paragraphe 3 : Les concentrations économiques

La concentration résulte de tout acte quelle qu’en soit la forme, qui emporte transfert de
propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d’une entreprise ou
qui a pour objet, ou pour effet de permettre à une entreprise ou à un groupe d’entreprises
32
d’exercer directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence
déterminante.
Constitue une concentration au sens de l'ordonnance relative à la concurrence :
▪ la fusion entre deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes ;
▪ l’opération par laquelle une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d’une
entreprise au moins, ou une ou plusieurs entreprises, acquièrent directement ou
indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments
d’actifs, contrats ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou
plusieurs autres entreprises ;
▪ la création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les
fonctions d’une entité économique autonome.
Dans le secteur des télécommunications, l'ordonnance n°2012-293 du 21 mars 2012 relative
aux Télécommunications et aux TIC dispose en son article 180 que:
"Les opérateurs et fournisseurs de services ne doivent pas signer des contrats, conclure des
accords ou entreprendre des actions concertées avec d’autres entités dans l’intention d’ignorer,
limiter ou modifier la concurrence sur le marché.
L’abus de position dominante est prohibé.
Tout changement dans la structure du marché résultant de fusions, d’acquisition de parts ou
toutes opérations ayant pour effet de limiter la concurrence sur le marché des
Télécommunications/TIC est prohibé.
Tout arrangement qui résulte d’une pratique anticoncurrentielle est nul et de nul effet."

CHAPITRE 3 : Le cadre institutionnel des pratiques anticoncurrentielles

Le cadre institutionnel national de la concurrence comprend deux institutions principales.


Il s’agit de la Commission de la Concurrence et du Ministre en charge du Commerce, auprès
desquels gravitent diverses autres entités indirectement concernées par l’encadrement des
pratiques anticoncurrentielles.
Ces dernières étant constituées pour la plupart d’autorités de régulation sectorielle.

Section 1 : la commission de la concurrence

33
La loi n°91-999 du 27 décembre 1991 relative à la concurrence avait institué en son article 6
une Commission de la concurrence chargée de réguler la concurrence dans tous les secteurs
d’activités.
Malheureusement celle-ci a connu de graves dysfonctionnements depuis 2005 du fait de
l'arrivée à terme des mandats de ses membres et a donc dû cesser toutes ses activités à partir
de 2007.
En outre, cette Commission a vu l’essentiel de ses compétences en matière de régulation de la
concurrence transférées à la Commission de l’UEMOA depuis 2003.
Le dysfonctionnement est dû au non renouvellement des mandats des commissaires arrivés à
échéance en 2005. Administrativement, la Commission de la concurrence existe toujours. Son
Secrétaire général gère les affaires administratives courantes mais la Commission ne siège pas.
L’article 90 du Traité de l’UEMOA de 1994 a conféré une compétence exclusive à la
Commission de l’UEMOA pour appliquer les règles de concurrence prescrites par les articles
88 et 89 dudit traité, sous le contrôle de la Cour de Justice de l’UEMOA.
Cette Cour de justice a, dans son avis n°003/2000 du 27 juin 2000, confirmé la compétence
exclusive de cette Commission en invitant, toutefois, à l'établissement de rapports de
coopération entre ladite Commission et les structures nationales de concurrence dont les
activités risquent d'interférer avec celles de la Commission.
Ainsi, la Directive N° 02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relative à la coopération entre la
commission et les structures nationales de concurrence des États membres pour l'application
des articles 88, 89 et 90 du traité de L'UEMOA a été adoptée par le Conseil des Ministres de
l’UEMOA à l’effet de régler cette question.
Tenant compte de ce dysfonctionnement, le gouvernement a adopté l'ordonnance relative à la
concurrence en 2013, qui a abrogé la loi de 1991 et qui contient des dispositions adaptées au
cadre communautaire de la concurrence.
Ainsi, cette ordonnance prévoit la création d’une Commission de la Concurrence et de la lutte
contre la vie chère sous la forme d’une autorité administrative indépendante.
Cette Commission de la Concurrence et de la Lutte Contre la Vie Chère qui était chargée d’une
mission générale de surveillance du marché, afin d’y déceler les dysfonctionnements liés aux
pratiques anticoncurrentielles, telles que prévues par le droit Communautaire de la Concurrence
a été remplacée par une nouvelle commission de la concurrence tout court.
Sa mission première est de garantir le jeu de la libre concurrence et assainir le marché par une
action de correction des dysfonctionnements observés.

34
À cet effet, elle dispose d'un pouvoir de sanction et de coercition dans les cas prévus par la loi,
notamment un pouvoir d'injonction et de sanction pécuniaire.
La Commission de la Concurrence exerce ses attributions conformément, aux procédures et à
la coopération entre la commission de l’UEMOA et les structures nationales de concurrence
des Etats membres, prescrites par la loi communautaire.
La Commission de la Concurrence pourra se saisir d’office ou être saisie par :
• la Commission de l’UEMOA ;
• le Ministre chargé du Commerce ;
• les entreprises ou groupement d’entreprises formellement constitués ;
• les collectivités territoriales, les organisations professionnelles et syndicales, les organisations
de consommateurs agréés, les chambres consulaires pour ce qui concerne les intérêts dont ils
ont la charge.
La Commission de la Concurrence est obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout
projet de texte législatif ou réglementaire instituant des mesures de nature à limiter la
concurrence.
La Commission de la Concurrence publie un rapport annuel sur l’état de la Concurrence dans
l’économie ivoirienne dans lequel elle analyse les améliorations qui pourraient être apportées
au cadre législatif et réglementaire en vigueur en matière de concurrence.
La composition, l’organisation et le fonctionnement de la Commission de la Concurrence sont
déterminés par décret pris en Conseil des Ministres.
Par décret N° 2017-410 du 21 juin 2017, le gouvernement à créer un Conseil National de Lutte
contre la vie chère. Cette structure est notamment chargée d'assurer une veille permanente sur
les prix des produits de grande consommation.

Section 2 : Le Ministre du Commerce

Le Ministre chargé du Commerce représentait le Gouvernement auprès de la Commission de la


concurrence et était doté, par la loi de 1991 relative à la concurrence, du pouvoir de sanctionner
les pratiques anticoncurrentielles.
Ainsi, il pouvait, après avis de la Commission de la concurrence, infliger par décision motivée,
une sanction pécuniaire immédiate à toute entreprise ou à toute personne physique ou morale
coupable de pratiques anticoncurrentielles.

35
Mais, avec la réforme introduite par l'ordonnance du 20 septembre 2013 relative à la
concurrence, le Ministre chargé du Commerce n'a plus de pouvoir de sanction. Selon l'article
35 de l'ordonnance relative à la concurrence :
L’action publique concernant les infractions prévues par l'ordonnance est exercée: − soit par le
Ministère Public ;
− soit par le Ministre chargé du Commerce.
Le Ministre chargé du Commerce peut décerner des mesures de contrainte pour le recouvrement
du produit des condamnations en matière de concurrence, et autres sommes dues en cas
d’inexécution des engagements contenus dans les actes de transaction ou d’une manière
générale, dans tous les cas où il est en mesure d’établir qu’une somme quelconque est due à son
Administration.
La contrainte comporte obligatoirement copie du titre qui établit la créance. Depuis 2002, il
existe au sein de l’UEMOA, un organe habilité à prendre des décisions en matière de pratiques
anticoncurrentielles : la Commission de l’UEMOA qui peut être directement saisie de toute
plainte en la matière.
Les organes institutionnels ainsi présentés interviennent dans l’encadrement des pratiques
anticoncurrentielles avec plus ou moins de réels pouvoirs d’action.
L’observation du cadre institutionnel révèle l’existence d’autres organismes publics dont les
activités ou les actions participent également à l’encadrement de la concurrence sur les marchés
concernés.
Section 3 : Les entités chargées de la régulation sectorielle de la concurrence

Il existe dans de nombreux secteurs d’activités des institutions ou organismes en charge de la


régulation qui ont des compétences en matière de concurrence.
C’est le cas des marchés publics qui, sont régis par les dispositions du nouveau Code des
Marchés Publics de 2019,remplacant les dispositions du décret n°2009-259 du 06 août 2009
portant Code des marchés publics, tel que modifié respectivement par les décrets n°2014-306
du 27 mai 2014 et ses textes d’application, notamment de l’arrêté n°
112/MPMBPE/DGBF/DMP du 08 mars 2016 portant procédures concurrentielles simplifiées
et par le Décret n° 2015-525 du 15 juillet 2015.
Le nouveau code des marchés publics crée en son article 15 une Autorité Nationale de
Régulation des Marchés Publics. Cette autorité est chargée :

36
▪ d’assurer l’application et le respect des principes généraux régissant les marchés
publics;
▪ de faire former les acteurs dans les domaines des marchés publics ;
▪ de surveiller et veiller à la bonne marche du système d’information des marchés publics;
▪ de conduire des audits sur les marchés publics.
Les missions et les attributions ainsi que la composition, l’organisation et les modalités
de fonctionnement de l’autorité nationale de régulation des marchés publics sont fixées par
décret.
Cette autorité est rattachée à la Présidence de la République.
Si à première vue, l’Autorité des marchés publics n’exerce pas directement de compétence en
matière de concurrence, elle veille par son action, lors de la passation des marchés publics, à la
transparence des procédures et au traitement équitable et non discriminatoire des entreprises
soumissionnaires.
Ainsi, son action vise à instaurer et à maintenir la libre concurrence entre les entreprises
exerçant leurs activités sur un même marché.
Elle a le pouvoir d'annuler les marchés passés irrégulièrement.
Ses décisions sont exécutoires par provision mais susceptibles de recours devant le Conseil
d’Etat.
Le code des marchés publics résulte de la transposition des nouvelles directives de l’UEMOA
relatives aux marchés publics, à savoir :
• la Directive n° 04-2005-CM/UEMOA du 9 décembre 2005 portant procédures de passation,
d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public dans
l’Union économique et monétaire ouest africaine ; et,
• la Directive n° 05-2005 CM/UEMOA du 9 décembre 2005 portant contrôle et régulation des
marchés publics et des délégations de service public dans l’Union économique et monétaire
ouest africaine. (...)
Les marchés publics et les conventions de délégation de service public, quel qu’en soit le
montant, sont soumis aux principes suivants :
Principe du libre accès à la commande publique
La liberté d’accès consiste à permettre à toute personne remplissant les conditions requises de
se porter candidate à un marché public ou à une convention de délégation de service public.
Les autorités contractantes ne peuvent donc écarter des candidats en se fondant sur des
conditions autres que celles que le Code leur permet d’imposer en matière de capacité, de
garantie professionnelle ou financière.
37
Le principe de liberté d’accès interdit d’exclure les candidats qui remplissent toutes les
conditions requises par les Données Particulières de l’Appel d’Offres (DPAO). Il interdit aux
acheteurs publics de subordonner l’accès des candidats à des conditions qui seraient de nature
à créer une discrimination injustifiée (par exemple une demande de fourniture de pièces que
toutes les entreprises ne sont pas légalement tenues de posséder et qui ne sont pas indispensables
pour apprécier leurs garanties et aptitudes).
- Principe de l’égalité de traitement des candidats
Le principe de l’égalité de traitement signifie que tous les candidats, doivent être traités de la
même manière dès lors qu’ils sont dans la même situation. Il implique de fixer au préalable les
règles de jeu claires pour garantir la transparence et la libre concurrence. À cet égard, les acteurs
publics sont appelés à mettre tous les candidats dans une situation d’égalité au regard de
l’information sur les conditions de participation à un appel d’offres.
Le principe de l’égalité de traitement des candidats est un principe complémentaire du principe
de non - discrimination.

- Principe de la transparence des procédures


L’obligation de transparence qui incombe aux autorités contractantes consiste à garantir, en
faveur de tout candidat ou soumissionnaire, un degré de publicité adéquat permettant d’ouvrir
le marché à la concurrence.
Le principe de transparence impose également une impartialité des procédures d’attribution du
marché, notamment celles qui concernent l’ouverture publique des offres, l’affichage des
résultats, la consultation des rapports d’analyse.
- Principe de l’interdiction de la discrimination fondée sur la nationalité
Ce principe signifie que l’autorité contractante ou l’acheteur public ne peut évincer un candidat
ou un soumissionnaire en se fondant sur sa nationalité. Il faut tout de même relever que ce
principe connaît une exception avec la règle de la préférence communautaire appliquée lors des
évaluations des offres et de l’attribution des marchés. Cette préférence est accordée aux
entreprises communautaires c’est-à dire à celles qui exercent leurs activités sur l’espace de
l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).
- Principe de la libre concurrence
Il vise à prohiber les pratiques anticoncurrentielles dans le système des marchés publics et
concerne par conséquent tous les acteurs du système. Il invite de manière générale les acteurs à
respecter le jeu des règles de la concurrence et tout particulièrement l’acheteur public à
s’abstenir de favoriser certains candidats par rapport à d’autres.

38
- Principe de l’économie et de l’efficacité de la dépense publique
C’est un principe qui signifie que les autorités contractantes doivent privilégier dans leurs
dépenses publiques les offres économiquement les plus avantageuses en terme de rapport
qualité-prix. Elles doivent donc avoir le souci constant de faire évoluer leur pratique d’achat
vers une meilleure efficacité de la commande publique et une meilleure utilisation des deniers
publics.
La définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en
concurrence participent de ce principe. En conséquence, même si le Code ne soumet pas
certains contrats à des procédures formalisées tel qu’il l’a prescrit, ce principe invite l’acheteur
public à s’entourer de plusieurs avis qui lui permettent de s’assurer d’une bonne gestion des
deniers publics.

- Principe de l’équilibre économique et financier


Ce principe signifie que la passation et l’exécution des marchés publics ne doivent pas avoir
pour conséquence de porter atteinte à l’équilibre économique et financier de l’autorité
contractante.

-Principe de la séparation et de l’indépendance des fonctions de contrôle et de régulation


Le principe de la séparation et de l’indépendance des fonctions de contrôle et de régulation
s’exprime à travers la distinction des organes qui assument ces fonctions, d’une part, et la
distinction des procédures et des mécanismes propres à chaque fonction, d’autre part.
Ainsi, à titre principal, les fonctions de contrôle sont assurées par la structure administrative
chargée des marchés publics (Direction des Marchés Publics) tandis que celles de la régulation
sont exercées par l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (ANRMP) et la
Commission Administrative de Conciliation (CAC).

TITRE II : LE CADRE COMMUNAUTAIRE DE LA CONCURRENCE

Le cadre juridique et institutionnel communautaire de la concurrence est très vaste et


hétéroclite. Il comprend l’action de toutes les organisations régionales et sous régionales ainsi
que les textes juridiques adoptés dans le cadre desdites organisations.
Ainsi, le droit communautaire de la concurrence comprend le droit de la concurrence de l’Union
Economique et Monétaire ouest africaine (UEMOA), de la Communauté Economique des Etats

39
de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires (OHADA).
Le droit communautaire de la concurrence s’inspire dans une certaine mesure des textes
internationaux provenant de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et des règles et
lois-type de la Commission des Nations Unies pour le Commerce et le Développement
(CNUCED).
Cependant, l’existence de plusieurs droits de la concurrence dans l’espace communautaire
soulève des questions relativement à la compatibilité et au rapport hiérarchique entre ces divers
droits transnationaux.
Néanmoins, au regard du droit national, le droit communautaire bénéficie de l’exclusivité et de
la primauté d’application.
Ainsi, l'article 90 du Traité de l’UEMOA a conféré une compétence exclusive à l’UEMOA et
à sa Commission pour légiférer et appliquer les règles de concurrence prescrites par les articles
88 et 89, et prendre les sanctions qui s’imposent sous le contrôle de la Cour de Justice de
l’UEMOA. De même, dans l’espace de la CEDEAO, la Commission de la CEDEAO est
compétente pour conclure au nom des Etats membres tous autres accords internationaux en
matière de concurrence.
Et lorsqu’avant l’entrée en vigueur de l’acte additionnel de la CEDEAO a/sa. 1/06/08 du 19
décembre 2008 portant adoption des règles communautaires de la concurrence et de leurs
modalités d’application au sein de la CEDEAO, des états membres ont conclu des accords ou
ont adopté des législations nationales sur la concurrence qui sont incompatibles avec ledit Acte
additionnel, ils prennent toutes les mesures nécessaires pour éliminer les incompatibilités
constatées dans les meilleurs délais.
Il est créé une structure communautaire dénommée Autorité Régionale de la Concurrence de la
CEDEAO chargée de la mise en œuvre des règles de concurrence édictées par l’Acte
additionnel.
S’agissant de l’OHADA, elle a pour objectif global de favoriser ; au plan économique, le
développement et l’intégration régionale ainsi que la sécurité juridique et judiciaire dans les
affaires au niveau de ses 17 Etats membres que sont les huit (08) Etats de l’espace UEMOA et
six (6) États de la CEMAC plus les Comores, la Guinée et la République Démocratique du
Congo.
Concrètement, l’OHADA met en place une série d’actes uniformes dans divers domaines dont
notamment ceux relatifs au droit commercial général, au droit des sociétés commerciales et du
GIE.
40
L’OHADA envisage aussi d’autres harmonisations juridiques, en particulier dans les domaines
du droit des obligations et du droit de la concurrence.
Ainsi, comme cela transparait, il existe un droit communautaire matériel et institutionnel de la
concurrence qu’il convient d’examiner dans le moindre aspect en tenant compte de la spécificité
de chacune des organisations concernées.

Chapitre 1 : le droit de la concurrence dans l’espace UEMOA

L’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) a été créée le 10 janvier 1994 (soit
à la veille de la dévaluation du franc CFA intervenue le 11 janvier 1994) par le traité de Dakar
signé par les Chefs d’Etat et de Gouvernement des sept pays francophones de l’Afrique de
l’Ouest ayant en partage l’usage du franc CFA, monnaie commune hérité de la colonisation
française.
Il s’agit par ordre alphabétique du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Mali, du
Niger, du Sénégal et du Togo.
Le traité de Dakar est entré en vigueur le 1er août 1994, après le dépôt des instruments de sa
ratification par les Etats membres auprès du Gouvernement du Sénégal.
Les Sept pays fondateurs de l’UEMOA ont été, par la suite, rejoints par un pays lusophone : la
Guinée Bissau le 2 mai 1997 et est devenu le huitième Etat membre de l’UEMOA.
L’article 6 du traité prévoit que les actes juridiques arrêtés par les organes de l’Union sont
appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure
ou postérieure.
Il ressort de cette disposition deux principes fondamentaux institués par le traité : - le principe
de l’applicabilité immédiate et directe du droit communautaire dès sa publication par l’Union.
Même si les Etats membres ne l’ont pas encore transposé dans l’ordre interne, les particuliers
peuvent s’en prévaloir devant le juge national et communautaire.
- Le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit national des Etats membres.
Ainsi, en cas de contrariété entre une norme communautaire et une norme nationale antérieure
ou postérieure, c’est la norme communautaire qui prime.
Ces deux principes font de l’UEMOA une organisation supranationale à qui les Etats membres
ont abandonné une partie de leur souveraineté en matière de politique économique et
commerciale.

41
L’UEMOA n’est donc pas une simple organisation de coopération sous régionale mais une
véritable institution ayant un pouvoir de législation et de sanction dans le cadre de la réalisation
et de la surveillance du marché commun.
Afin d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés, notamment créer entre les Etats membres un
marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux
et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariées,
l’UEMOA s’est dotée d’un droit de la concurrence qui a établi un cadre juridique et
institutionnel de la concurrence dans l’espace UEMOA.
Les objectifs de ce droit de la concurrence de l’UEMOA sont de :
- Protéger le consommateur, - Lutter contre l’inflation ; - Promouvoir la compétitivité
internationale des entreprises régionales ; - Jouer sur la structure du marché et diffuser le
pouvoir économique.

Section 1 : le cadre juridique de la concurrence dans l’espace UEMOA.

La législation communautaire sur la concurrence trouve sa source dans le Traité de Dakar


instituant l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), signé le 10 janvier
1994 et entré en vigueur le 1er août 1994, mais comprend également des normes dérivées
composées de règlements et des directives pris postérieurement par les organes compétents de
l’UEMOA.
Le traité du 10 janvier 1994 a été modifié le 29 janvier 2003 mais le traité révisé n'est pas encore
entré en vigueur car seuls quatre États membres l'ont ratifié: le Burkina Faso, le Mali, le Sénégal
et le Togo.
Cette révision du traité n'a pas concernée les règles de concurrence qui demeure donc applicable
en vertu du traité du 10 janvier 1994.
En effet, le Traité de l’UEMOA indique en son article 76, alinéa c que, pour la mise en place
du marché commun, l’Union œuvre pour l’institution de règles communes de concurrence
applicables aux entreprises publiques et privées ainsi qu’aux aides publiques.
A ces dispositions s’ajoutent celles des articles 88 à 90 du traité portant sur les règles de
concurrence.
Ainsi, l’article 88 dispose que : « Un (1) an après l'entrée en vigueur du présent Traité, sont
interdits de plein droit :
a) les accords, associations et pratiques concertées entre entreprises, ayant pour objet ou pour
effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de l'Union ;
42
b) toutes pratiques d'une ou de plusieurs entreprises, assimilables à un abus de position
dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci ;
c) les aides publiques susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises
ou certaines productions.
L’article 89 prévoit que le Conseil des ministres de l'UEMOA, statuant à la majorité des deux
tiers (2/3) de ses membres et sur proposition de la Commission, arrête dès l'entrée en vigueur
du présent Traité par voie de règlements, les dispositions utiles pour faciliter l'application des
interdictions énoncées à l'article 88.
Le conseil des ministres de l'UEMOA fixe, selon cette procédure, les règles à suivre par la
Commission dans l'exercice du mandat que lui confère l'article 90 ainsi que les amendes et
astreintes destinées à sanctionner les violations des interdictions énoncées dans l'article 88.
Il peut également édicter des règles précisant les interdictions énoncées dans l'article 88 ou
prévoyant des exceptions limitées à ces règles, afin de tenir compte de situations spécifiques.
L’article 90 charge la Commission, sous le contrôle de la Cour de Justice, de l'application des
règles de concurrence prescrites par les articles 88 et 89. Dans le cadre de cette mission, elle
dispose du pouvoir de prendre des décisions.
Outre, les articles 88, 89 et 90 du Traité de l’UEMOA, le droit communautaire de la concurrence
comprend également trois règlements et deux directives.
Il s’agit :
- Du Règlement n°02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux pratiques
anticoncurrentielles à l’intérieur de l’UEMOA.
- Du Règlement n°03/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux procédures applicables
aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’UEMOA;
- Du Règlement n°04/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux aides d’Etat à l’intérieur
de l’UEMOA ;
- De la Directive N° 01/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002, relative à la transparence des
relations financières d'une part entre les Etats membres et les entreprises publiques, et d'autre
part entre les Etats Membres et les organisations internationales ou étrangères ;
- Directive N° 02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relative à la coopération entre la
commission et les structures nationales de concurrence des États membres pour l'application
des articles 88, 89 et 90 du traité de L'UEMOA.
Les trois règlements adoptés le même jour sont entrés en vigueur le premier janvier 2003. Quant
aux deux directives, elles sont entrées en vigueur un peu plus tôt, c’est-à-dire le 1er juillet 2002

43
mais un délai de six mois a été laissé aux Etats membres pour conformer leur législation interne
à ces deux directives.
La Côte d’Ivoire qui était en crise n’a pas transposé ces directives.
Toutefois, à la faveur de la fin de la crise, la Côte d'Ivoire a adopté l'ordonnance du 20 septembre
2013 relative à la concurrence, qui transpose le Droit communautaire dans sa législation.
Le Droit communautaire de la concurrence de l'UEMOA est un droit centralisateur.
Il a vocation à s'appliquer à toutes les pratiques anticoncurrentielles qui ont pour objet ou pour
effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans l'espace communautaire.
Le traité de Dakar consacrerait ainsi, selon l'avis n°3/2000 de la Cour de Justice, rendu le 27
juin 2000, " un nivellement par le haut du marché de l'Union où les différents marchés nationaux
sont confondus dans un marché unique qui ignore toute stratification des marchés nationaux et
communautaires". En d'autres termes, il s'est opéré un processus de phagocytose du Droit
national de la Concurrence par le Droit communautaire qui exerce la plénitude de sa primauté
par pure substitution.
Il est certain qu'une telle conception du Droit communautaire de la concurrence peut comporter
des avantages appréciables. Elle est de nature à simplifier les rapports qui pourraient naître entre
les autorités communautaires chargées de la mise œuvre du Droit de la concurrence et les
autorités nationales des États membres dans l'éventualité d'une application du Droit de la
concurrence sur le territoire de l'Etat.
Ainsi, le cadre juridique de la concurrence dans l’espace UEMOA porte essentiellement sur
l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles, d’une part, et des aides publiques, d'autres part,
susceptibles de fausser la libre concurrence en créant des distorsions de concurrence sur le
marché de l’Union ou sur une partie substantielle de celui-ci.

Paragraphe 1 : Les pratiques anticoncurrentielles interdites dans l’espace UEMOA

En application des dispositions de l’article 88 du Traité de l’UEMOA, le règlement relatif aux


pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de l’UEMOA défini dans le détail les pratiques
anticoncurrentielles interdites.
Ainsi, constituent des pratiques anticoncurrentielles interdites dans l’espace UEMOA, les
ententes anticoncurrentielles et les abus de position dominante.
Ces pratiques sont interdites, sans qu’aucune décision préalable ne soit nécessaire, lorsqu’elles
ont été mises en œuvre au moins un an après l’entrée en vigueur du Traité de l’UEMOA. Les
accords ou décisions interdits en vertu du règlement sont déclarés nuls de plein droit.
44
A : Les ententes anticoncurrentielles
Selon l’article 3 du règlement relatif aux pratiques anticoncurrentielles : « Sont incompatibles
avec le Marché Commun et interdits, tous accords entre entreprises, décisions d’associations
d’entreprises et pratiques concertées entre entreprises, ayant pour objet ou pour effet de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’Union, et notamment ceux
qui consistent en :
a. des accords limitant l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres
entreprises ;
b. des accords visant à fixer directement ou indirectement le prix, à contrôler le prix de vente,
et de manière générale, à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en
favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; en particulier des accords entre
entreprises à différents niveaux de production ou de distribution visant à la fixation du prix de
revente ;
c. des répartitions des marchés ou des sources d’approvisionnement, en particulier des accords
entre entreprises de production ou de distribution portant sur une protection territoriale absolue
;
d. des limitations ou des contrôles de la production, des débouchés, du développement
technique ou des investissements ;
e. des discriminations entre partenaires commerciaux au moyen de conditions inégales pour des
prestations équivalentes ;
f. des subordinations de la conclusion des contrats à l’acceptation, par les partenaires, de
prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de
lien avec l’objet de ces contrats.
Ainsi, les ententes prohibées peuvent prendre la forme d’accord, de décisions d’association
d’entreprises ou de pratiques concertées. La notion d’entreprise a été définie à l’annexe du
règlement n°2 relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de l’UEMOA comme étant
: « une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels, immatériels, exerçant une
activité économique à titre onéreux, de manière durable, indépendamment de son statut
juridique, public ou privé et de son mode de financement et jouissant d’une autonomie de
décision ».
Sont ainsi concernées les personnes physiques et les personnes morales de droit public ou de
droit privé exerçant une activité économique à titre professionnel. Les ententes au sein des
groupes de sociétés (relation entre sociétés mères et filiales) ne devraient pas être prises en
compte pour la prohibition des ententes dans la mesure où un groupe de société peut être
45
considéré comme une entité économique à part entière. Les décisions d’associations
d’entreprises s’entendent des décisions ou actions concertées des membres d’une association
d’entreprises ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de restreindre la concurrence au
détriment des autres entreprises non membres.
La forme de l’association est indifférente pour la qualification de l’entente.
A l’inverse de ces ententes prohibées, d’autres ententes peuvent être autorisées ou exemptées
par les textes de l’UEMOA qui prévoient des exceptions au principe de l’interdiction des
ententes.
Ainsi, l’article 89 du traité de l’UEMOA prévoit en son paragraphe 3 que le Conseil des
ministres peut prévoit des exceptions limitées au principe d’interdiction des ententes afin de
tenir compte de situations spécifiques. Dans cet esprit, il apparaît que la Commission de
l’UEMOA peut autoriser de façon individuelle ou par catégorie les ententes qui contribuent à
l’amélioration de la production ou de la distribution des produits ou favorisent le progrès
technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui
en résulte et qui n’imposent pas aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas
indispensables pour atteindre ces objectifs et ne leur donnent pas la possibilité d’éliminer la
concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.
B : L’abus de position dominante
L’article 88 b du Traité de l’UEMOA interdit de façon générale « toutes pratiques d'une ou de
plusieurs entreprises, assimilables à un abus de position dominante sur le marché commun ou
dans une partie significative de celui-ci ». Mais c’est l’article 4 du règlement n°2 relatif aux
pratiques anticoncurrentielles qui édicte de façon claire l’interdiction des abus de position
dominante.
Ainsi, est déclaré incompatible avec le Marché Commun et interdit, le fait pour une ou plusieurs
entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le Marché Commun ou
dans une partie significative de celui-ci.
Sont frappées de la même interdiction, les pratiques assimilables à l’exploitation abusive d’une
position dominante, mises en œuvre par une ou plusieurs entreprises.
Constituent une pratique assimilable à un abus de position dominante les opérations de
concentration qui créent ou renforcent une position dominante, détenue par une ou plusieurs
entreprises, ayant comme conséquence d’entraver de manière significative une concurrence
effective à l’intérieur du Marché Commun. Les pratiques abusives peuvent notamment
consister à :

46
• a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions
de transactions non équitables ;
• b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des
consommateurs ;
• c) appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations
équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ;
• d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations
supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec
l’objet de ces contrats.
Constituent une concentration au sens de l’article 4.1 alinéa 2 du Règlement :
• a) la fusion entre deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes ; • b) l’opération
par laquelle une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins, ou
une ou plusieurs entreprises, acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par prise de
participations au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle
de l’ensemble ou de parties d’une ou de plusieurs autres entreprises ;
• c) la création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les
fonctions d’une entité économique autonome.
Le critère le plus déterminant pour caractériser l’existence d’une position dominante est la part
de marché qu’occupe une entreprise ou un groupe d’entreprises en cause.
En dehors de la part de marché, le critère de la dépendance peut également caractériser la
position dominante. Les concurrents se trouvent dans une position de dépendance à l’égard d’un
même fournisseur de telle sorte qu’il n’y a plus de libre jeu de la concurrence à leur égard.
Selon l’article 4 du règlement n°02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux pratiques
anticoncurrentielles sont interdites « les pratiques assimilables à l’exploitation abusive d’une
position dominante, mises en œuvre par une ou plusieurs entreprises. Constituent une pratique
assimilable à un abus de position dominante les opérations de concentration qui créent ou
renforcent une position dominante détenue par une ou plusieurs entreprises, ayant comme
conséquence d’entraver de manière significative une concurrence effective à l’intérieur du
Marché commun ».

Paragraphe 2 : Les aides publiques

Par application des dispositions de l’article 88(c) du Traité de l’UEMOA, sont incompatibles
avec le Marché Commun et interdites, les aides accordées par les Etats ou au moyen de
47
ressources d’État sous quelque forme que ce soit, lorsqu’elles faussent ou sont susceptibles de
fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
La notion d’aide publique doit être entendue de façon large, aussi bien en ce qui concerne la
forme de l’aide que la personne publique qui fournit l’aide.
Constitue ainsi une aide publique toute mesure qui entraîne un coût direct ou indirect pour l’Etat
membre ou pour la personne morale de droit public qui l’octroi ou qui entraîne une diminution
de ses recettes et qui accorde un avantage économique à certaines entreprises.
La Commission veille à l’application des dispositions sur les aides d’Etat et adresse aux Etats
membres, au Conseil des Ministres de l’UEMOA, ainsi qu’aux autres institutions de l’Union,
des avis et recommandations relatifs à tous projets de législation nationale ou communautaire
susceptibles d’affecter la concurrence à l’intérieur de l’Union, en proposant les modifications
opportunes. Si l’Etat membre concerné ne se conforme pas à une décision, la Commission peut
saisir la Cour de Justice de l’UEMOA, conformément aux articles 5 et 6 du Protocole
Additionnel N° 1 du Traité.
Cependant, il existe six (6) catégories d’aides publiques qui ne sont pas considérées comme
incompatibles avec le marché commun. Il s’agit :
▪ des aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à
condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine
des produits ;
▪ des aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités
naturelles ou par d’autres évènements extraordinaires ;
▪ des aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important
d’intérêt communautaire ou à remédier à une perturbation grave de
l’économie d’un Etat membre ;
▪ des aides à des activités de recherche menées par des entreprises ou par
des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche ayant
passé des contrats avec des entreprises, si l’aide couvre au maximum 75
% des coûts de la recherche industrielle ou 50% des coûts de l’activité
de développement pré concurrentielle;
▪ des aides visant à promouvoir l’adaptation d’installation existantes à de
nouvelles prescriptions environnementales imposées par la législation et
ou la réglementation qui se traduit pour les entreprises par des contraintes
plus importantes et une charge financière plus lourde, à condition que

48
cette aide soit une mesure ponctuelle, non récurrente, et soit limitée à
20% du coût de l’adaptation ;
▪ et enfin des aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du
patrimoine, quand elles ne restreignent pas la concurrence dans une
partie significative du marché commun.
Ces aides déclarées compatibles avec le marché commun sont dispensés de la procédure
d’examen préalable à conditions d’être notifié à la commission de l’UEMOA avant leur mise
en œuvre.
Deux catégories d’aides sont interdites de plein droit par le règlement n°04 relatif aux aides
d’Etat, il s’agit :
▪ des aides publiques subordonnées, en droit ou en fait, soit exclusivement,
soit parmi d’autres conditions, aux résultats à l’exportation vers les
autres Etats membres ;
▪ des aides subordonnées, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres
conditions, à l’utilisation de produits nationaux de préférence à des
produits importés des autres Etats membres.
Hormis les aides publiques, d’autres pratiques anticoncurrentielles sont imputables aux Etats et
interdites. Ces pratiques interdites concernent :
▪ les mesures (législatives ou réglementaires) favorisant le comportement
anticoncurrentiel des entreprises publiques et les entreprises auxquelles
les personnes publiques accordent leur concours, et les mesures
favorisant le comportement anticoncurrentiel des entreprises privées.
Dans le premier cas de figure on peut citer les décisions accordant un monopole à des
entreprises publiques ou des licences exclusives d’importations ou d’exploitation.
Dans le second cas, on peut citer les mesures d’homologation de prix ou de fixation de prix
pour des entreprises du secteur privé.
Toutefois, les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou
présentant le caractère d’un monopole fiscal peuvent bénéficier de dérogation à cette
interdiction.

Section 2 : Le cadre institutionnel de la concurrence dans l’espace de l’UEMOA

En matière de concurrence trois institutions de l'UEMOA interviennent de façon directe dans


l'encadrement des pratiques anticoncurrentielles.
49
Il s'agit du Conseil des ministres, de la Commission et de la Cour de justice.
Ces institutions peuvent être classées en deux catégories: les institutions de direction et une
institution de contrôle.

Paragraphe 1: Les institutions de direction de l'UEMOA en matière de concurrence

Les institutions de direction de l'UEMOA interviennent en matière de concurrence, soit pour


édicter les règles de concurrence compatible avec les dispositions du traité de l'UEMOA, soit
pour veiller à leur respect par les États, les entreprises privées et publiques ou par les personnes
physiques.
Il s’agit du Conseil des ministres et de la Commission de l’UEMOA.

A: Le Conseil des Ministres


Le Conseil des Ministres est un organe de décision de l'UEMOA prévu aux articles 20 à 25 du
Traité de l'Union. Le Conseil est composé par les Ministres des États membres; c'est-à-dire
deux ministres par Etat, dont le Ministre chargé des Finances. Le Conseil des Ministres est,
entre autres, chargé de la mise en œuvre des orientations générales définies par la conférence
des chefs d'Etats et de Gouvernement. Conformément à l'article 89 du traité, le Conseil des
Ministres de l'UEMOA, arrête par voie de règlement les dispositions utiles pour faciliter
l'application des interdictions énoncées à l'article 88 du Traité. C'est ainsi que le Conseil des
ministres a adopté trois règlements en application des dispositions du Traité.
Il s'agit : - du Règlement n°02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux pratiques
anticoncurrentielles à l’intérieur de l’UEMOA. - du Règlement n°03/2002/CM/UEMOA du 23
mai 2002 relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à
l’intérieur de l’UEMOA ; - du Règlement n°04/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relatif aux
aides d’Etat à l’intérieur de l’UEMOA ; Selon l'article 43 du traité de l'UEMOA, les règlements
ont une portée générale.
Ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tout Etat
membre.
Le Conseil des Ministres de l'UEMOA est également compétent pour édicter des directives,
prendre des décisions, faire des recommandations et émettre des avis. Les directives lient tout
État membre quant aux résultats à atteindre.

50
Les décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires qu'elles
désignent. Elles sont dûment motivées. Les recommandations et avis n'ont pas de force
exécutoire. Les décisions sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet à compter de leur
date de notification.
Les décisions du Conseil des Ministres, à l'instar des décisions de la Commission de l'UEMOA
peuvent comporter, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire qui
peut faire l'objet d'une exécution forcée conformément aux règles de procédure civile en vigueur
dans l'Etat membre du destinataire.
C'est ainsi que le Conseil des Ministres de l'UEMOA a édicté la directive n°02/2002/CM/
UEMOA du 23 mai 2002 par laquelle il a défini les domaines d'intervention de la Commission
de l'UEMOA et ceux des structures nationales de la concurrence.

B: La Commission de l'UEMOA

Elle est prévue par les articles 26 à 34 du Traité de l'UEMOA qui régissent sa composition, ses
attributions et son fonctionnement.
La Commission de l'UEMOA exerce, en vue du bon fonctionnement et de l'intérêt général de
l'Union, les pouvoirs d'exécution propres ou par délégation expresse du Conseil des Ministres,
conformément aux dispositions du Traité.
La Commission est composée de membres appelés Commissaires, ressortissants des États
membres de l'Union. Les Commissaires sont désignés par la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement (organe suprême de l'Union) sur la base des critères de Compétences et
d'intégrité morale. La Commission est un organe indépendant qui ne sollicite ni n'accepte
d'instructions de la part d'aucun Gouvernement ni d'aucun organisme.
Les États membres sont tenus, sur le fondement de l'article 28 du Traité, de respecter son
indépendance. En matière de concurrence et conformément à l'article 90 du Traité: " La
Commission est chargée, sous le Contrôle de la Cour de Justice, de l'application des règles de
concurrence prescrites par les articles 88 et 89. Dans le cadre de cette mission, elle dispose du
pouvoir de prendre des décisions." Dans l'exercice de ses prérogatives, la Commission doit
recueillir toutes informations utiles auprès des Gouvernements, des autorités des États membres
et des entreprises.

51
En matière de concurrence, elle peut s'autosaisir ou agir à la suite de plaintes formelle,
anonymes, de renseignements reçus, soit d'un État membre, soit de consommateur, ou résultant
d'enquête économique. La compétence de la Commission s'étend à toute pratique
anticoncurrentielle localisée dans l'espace communautaire constitué par le territoire des États
membres et cette compétence est exclusive.
La localisation déduite de l'article 88 du Traité permet donc de situer la compétence de la
Commission et les effets des pratiques anticoncurrentielles sur le territoire communautaire.
Ainsi, la Commission dans le cadre de ses attributions doit assurer le plein effet des normes
communautaires, en agissant d'office ou sur demande d'une partie intéressée, contre toutes les
pratiques de nature à fausser l'homogénéité du marché commun de l'UEMOA et à créer des
distorsions de la concurrence.
En cas de plainte d'une partie intéressée, la Commission procède à des investigations et à des
vérification auprès des entreprises concernées et des autorités publiques en cause pour savoir si
les pratiques portées à sa connaissance peuvent affecter les transactions intracommunautaires
ou fausser les règles communes de concurrence applicables aux entreprises.
Elle peut également saisir la Cour de justice, en cas de manquement des États Membres aux
obligations qui leur incombent en vertu du Droit communautaire.
La Cour de justice a, dans son avis N°003/2000 du 27 juin 2000, confirmé la compétence
exclusive de la Commission de l'UEMOA en matière de contrôle et de sanction des pratiques
anticoncurrentielles en invitant toutefois à l'établissement de rapports de coopération entre
ladite Commission et les structures nationales de concurrence dont les activités risquent
d'interférer avec celles de la Commission. D’où la nécessité de redéfinir leurs rôles au regard
des règles communautaires de concurrence.
Ainsi, la Directive N° 02/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002 relative à la coopération entre la
commission et les structures nationales de concurrence des États membres pour l'application
des articles 88, 89 et 90 du traité de L'UEMOA a été adoptée par le Conseil des Ministres de
l’UEMOA a l’effet de régler la question. Cette directive prévoit en son article 3 les modalités
de coopération entre les structures nationales et la Commission en matière de concurrence.
Ainsi, les structures nationales de concurrence assurent une mission générale d'enquête, sur
initiative nationale ou sur mandat exprès de la Commission, conformément aux pouvoirs et aux
procédures d'investigation prévus par le Droit communautaire et les droits nationaux. À ce titre,
les structures nationales de concurrence mènent une activité permanente de surveillance du
marché, afin de déceler les dysfonctionnements liés aux pratiques anticoncurrentielles. Lorsque

52
l'enquête est à l'initiative des structures nationales de concurrence, celles-ci en informe sans
délai la Commission de l'UEMOA.
Toutefois, selon l'article 5 de la directive précitée, la Commission de l'UEMOA à compétence
exclusive pour connaître des pratiques ci-après:
- les aides d'Etat;
- Les pratiques anticoncurrentielles imputables aux États membres;
- Les pratiques anticoncurrentielles susceptibles d'avoir un effet sur les échanges entre États
membres.
La Commission de l'UEMOA a également compétence exclusive pour d'une part, procéder à
l'instruction des dossiers d'enquête et d'autre part, prendre les décisions ou les mesures prévues
par la législation communautaire en matière de concurrence.
Sont habilités à saisir la Commission de l'UEMOA d'une demande de constations des
infractions au droit communautaire de la concurrence: -les États membres; -toutes personnes
physiques ou morales.
Si la Commission de l'UEMOA constate, sur demande ou d'office, une infraction aux
dispositions de l'article 88 du Traité, elle peut contraindre les entreprises et associations
d'entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée. Lorsqu'elle a connaissance d'une
opération de concentration constituant une pratique assimilable à un abus de position
dominante, la Commission de l'UEMOA peut enjoindre aux entreprises concernées, soit de ne
pas donner suite au projet de concentration ou de rétablir la situation de droit antérieure, soit de
modifier ou de compléter l'opération ou prendre toute mesure propre à assurer ou à rétablir une
concurrence suffisante.
Enfin, la Commission de l'UEMOA peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et
associations d'entreprises des amendes de 500.000 f CFA à 100.000.000 f CFA ou porter à 10%
du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent l'amende pour chaque
entreprise ayant participé à l'infraction ou encore à 10% des actifs de ces entreprises, lorsque,
de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions
communautaire de la concurrence.
Ces amendes n'ont pas un caractère pénal mais constituent des sanctions administratives
pécuniaires. Les sanctions prononcées par la Commission de l'UEMOA sont sans préjudice des
recours devant les juridictions nationales relatifs à la réparation des dommages subis.
Toutes les décisions prises par la Commission de l'UEMOA en matière de concurrence sont
susceptibles de recours et soumises au contrôle de la Cour de Justice de l'UEMOA.

53
Paragraphe 2: l'institution de contrôle de l'UEMOA en matière de concurrence:
La Cour de justice de l’UEMOA

La Cour de Justice de l'UEMOA a été créée par l'article 38 du Traité comme organe de contrôle
juridictionnel. Elle est composée de magistrats, à raison d'un par État membre, nommés pour
un mandat de six ans renouvelable. Elle a pour attribution de veiller à l'interprétation uniforme
du Droit communautaire et à son application.
La Cour de Justice connaît, sur recours de la Commission ou de tout État membre, des
manquements des États membres aux obligations qui leur incombent en vertu du Traité de
l'Union. La Cour de Justice apprécie la légalité des règlements, directives et décisions. Le
recours en appréciation de légalité est ouvert aux organes de l'Union et à toute personne
physique ou morale contre tout acte d'un organe de l'Union lui faisant grief.
Le statut, la composition, les compétences ainsi que les règles de procédure et de
fonctionnement de la Cour de Justice sont énoncées dans le protocole additionnel N°1 qui fait
partie intégrante du Traité.
La Cour de Justice statue à titre préjudiciel sur l'interprétation du Traité de l'Union, sur la
légalité et l'interprétation des actes pris par les organes de l'Union, sur la légalité et
l'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du Conseil, quand une juridiction
nationale ou une autorité à fonction juridictionnelle est appelée à en connaître à l'occasion d'un
litige.
Les juridictions nationales statuant en dernière ressort sont tenues de saisir la cour de justice.
Les interprétations formulées par la Cour de Justice dans le cadre de la procédure de recours
préjudiciel s'imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles dans l'ensemble
des États membres. Les recours formés devant la Cour de Justice n'ont pas d'effet suspensif.
Toutefois, la Cour de Justice peut ordonner le sursis à exécution des actes contestés devant elle.
Dans les affaires dont elle est saisie, la Cours de Justice peut prescrire les mesures
conservatoires nécessaires. Les arrêts de la Cour de Justice ont force exécutoire et sont publiés
au Bulletin Officiel de l'Union.
Les statuts de la Cour de Justice sont établis par l'acte additionnel n°10/96 du 10 mai 1996
portant statuts de la Cour de Justice de l'UEMOA adopté par la Conférence des Chefs d'Etat et
de Gouvernement de l'Union.
La Cour de justice peut émettre des avis et faire des recommandations sur tout projet de textes
soumis par la Commission de l'UEMOA.

54
CHAPITRE 2 : le droit de la concurrence dans l’espace de la CEDEAO

Afin d’atteindre les objectifs fixés par le traité créant la Communauté Economique des Etats de
l’Afrique de l’Ouest signé à Lagos en République Fédérale du Nigéria, le 28 mai 1975, et
remplacé par le traité révisé du 24 juillet 1993 signé à Abuja ainsi que le protocole additionnel
A/SP. 1/06/06 portant amendement du traité révisé de la CEDEAO signé le 11 juin 2006 à
Abuja et qui a abrogé et remplacé les articles 8, 9, 10, 12, 17, 18, 19, 22, 79, 83 du traité révisé
et amendé l’article 13 dudit traité révisé, notamment, de créer entre les Etats membres un
marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux
et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariées, la
CEDEAO s’est dotée d’un droit de la concurrence qui a établi un cadre juridique et
institutionnel de la concurrence dans ledit espace.
Ainsi, l’acte additionnel a/sa.1/06/08 portant adoption des règles communautaires de la
concurrence et de leurs modalités d’application au sein de la CEDEAO a été adopté le 19
décembre 2008 à Abuja sur le fondement de l’article 3 du Traité révisé de la CEDEAO qui
prescrit l’harmonisation et la coordination des politiques nationales en matière de commerce
comme moyen de maintien et de renforcement de la stabilité économique dans la sous-région.
La promulgation des règles communautaires de la concurrence est compatible avec les objectifs
de développement économique des Etats Membres de la CEDEAO et aux meilleures pratiques
internationales. Pour l’application convenable et optimale des règles communautaires ainsi
édictées, il est mis en place une structure régionale, dotée de prérogatives appropriées, ainsi que
de procédures adéquates pour garantir son efficacité.
Cette structure dénommée Autorité régionale de la concurrence a été créée par l’Acte
Additionnel a/sa.2/06/08 du 19 décembre 2008 portant création, attributions et fonctionnement
de l’Autorité régionale de la concurrence de la CEDEAO.

Section 1 : Le cadre juridique de la concurrence de la CEDEAO

Selon l’Acte additionnel a/sa.1/06/08 portant adoption des règles communautaires de la


concurrence et de leurs modalités d’application au sein de la CEDEAO, les effets sur la
concurrence dans un marché considéré sont déterminés en tenant compte de tous les facteurs
affectant la concurrence sur ledit marché, notamment la concurrence (réelle ou potentielle) des
produits fournis ou susceptibles d'être fournis par toute personne ne résidant pas ou n'exerçant
pas d'activité commerciale au sein du Marché Commun de la CEDEAO.
55
L’adoption des Règles communautaires de la concurrence de la CEDEAO et leurs modalités
d’application visent à : (a) Promouvoir, préserver et stimuler la concurrence, et renforcer
l'efficacité économique en matière de production, échanges et commerce au niveau régional;
(b) Interdire les pratiques commerciales anticoncurrentielles qui entravent, restreignent ou
faussent le jeu de la concurrence au niveau régional; (c) Assurer le bien-être des consommateurs
et la défense de leurs intérêts ; (d) Accroître les opportunités des entreprises des Etats membres
de participer aux marchés mondiaux.
L'Acte additionnel a/sa.1/06/08 du 19 décembre 2008 portant adoption des règles
communautaires de la concurrence et de leurs modalités d’application au sein de la CEDEAO
interdit les ententes anticoncurrentielles, les abus de position dominante et pratiques assimilées
ainsi que les aides publiques.

Paragraphe 1: Les ententes anticoncurrentielles

Selon l’article 4 de l’acte additionnel a/sa.1/06/08 portant adoption des règles communautaires
de la concurrence et de leurs modalités d’application au sein de la CEDEAO, les règles
communautaires s’appliquent aux accords et pratiques concertées, aux fusions et aux
distorsions imputables aux Etats membres et qui sont susceptibles d’affecter les échanges
commerciaux au sein de la CEDEAO.
Ainsi, les règles de la concurrence de la CEDEAO s'appliquent, notamment aux agissements
qui affectent directement le commerce régional et les flux d’investissement et/ou les
comportements qui ne peuvent être éliminés que dans le cadre d’une coopération régionale.
Constitue une “ pratique concertée, ” toute pratique supposant des contacts directs ou indirects
entre concurrents ne constituant pas une entente officielle; Les pratiques concertées sont des “
pratiques anticoncurrentielles”, c'est-à-dire toute pratique par une personne physique ou
morale ayant pour objet ou pour effet de fausser ou de restreindre la concurrence au détriment
du marché communautaire.
Cependant, certains accords ou activités peuvent faire l’objet d’exemption.
Il s'agit des accords et activités ci-après : (a) Les questions relatives au travail, notamment les
activités des employés visant à protéger légitimement leurs intérêts ; (b) Les accords de
négociations collectives conclus entre les employeurs et les employés aux fins de fixer les
termes et modalités de service; (c) Les accords ou pratiques commerciales agréés par une
structure régionale de la Concurrence de la CEDEAO ou l'exercice de ces pratiques
commerciales est autorisé, en application du présent Acte additionnel; (d) Les activités faisant
56
l'objet d'une exception expresse, en vertu de tout traité, instrument ou convention y relatif ou
en découlant, pour autant que lesdites activités ne soient pas incompatibles avec les objectifs
du présent Acte additionnel; (e) Les activités d'associations professionnelles visant à développer
ou à renforcer les normes professionnelles de compétences légitimement nécessaires à la
protection du public; (f) Toute autre activité qui, après consultation de la structure régionale de
la concurrence, est agréée par le Conseil des Ministres.
Les Règles communautaires de la concurrence s'appliquent également aux entreprises
publiques. Le développement du commerce ne doit être affecté dans une mesure qui aille à
l’encontre des intérêts de la Communauté de la CEDEAO.
Selon l’article 5 dudit actes additionnel, sont incompatibles avec la construction du Marché
Commun de la CEDEAO: tous les accords entre entreprises, décisions par associations
d'entreprises et pratiques concertées susceptibles de nuire au commerce entre Etats membres de
la CEDEAO et ayant pour objet ou pourrait avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de
fausser le jeu de la concurrence au sein du Marché Commun et notamment les accords qui
consistent à: (a) fixer directement ou indirectement le prix d'achat ou de vente, les conditions
de vente ou toutes autres conditions de transaction; (b) limiter ou contrôler la production, les
débouchés, le développement technologique ou les investissements; (c) se répartir les marchés,
les clients ou les sources d’approvisionnements ; (d) appliquer à l’égard des partenaires
commerciaux des conditions inégales pour des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce
fait, un désavantage dans la concurrence ; ou (e) subordonner la conclusion de contrats à
l’acceptation par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon
les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.
Les accords ou décisions interdits en vertu de l'article 5, sont déclarés nuls de plein droit et sans
effet juridique dans aucun Etat Membre de l'espace CEDEAO.

Paragraphe 2: Les abus de position dominante


Selon l'Acte additionnel a/sa.1/06/08 portant adoption des règles communautaires de la
concurrence et de leurs modalités d’application au sein de la CEDEAO une ou plusieurs
entreprises ont une position dominante sur un marché considéré, dès lors que, à titre individuel
ou collectif, elle(s) détient ou détiennent une partie substantielle dudit marché de nature à
pouvoir contrôler les prix ou d'en exclure la concurrence. (2) Tout abus, ou acquisition et abus
de position dominante commis par une ou plusieurs entreprises au sein du Marché Commun de
la CEDEAO ou dans une partie substantielle de ce dernier, est prohibé car incompatible avec

57
le Marché commun dans la mesure où il peut affecter les échanges commerciaux entre les Etats
Membres.
Les pratiques abusives consistent notamment à : (a) limiter l'accès à un marché considéré ou
restreindre indûment le jeu de la concurrence; (b) imposer de façon directe ou indirecte des prix
d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables ; (c) limiter la
production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs ;
(d) appliquer à l’égard des partenaires commerciaux des conditions inégales pour des
prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait, un désavantage dans la concurrence ; (e)
subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation par les partenaires, de prestations
supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec
l’objet de ces contrats.
Selon l'article 7 de l’Acte additionnel a/sa.1/06/08 portant adoption des règles communautaires
de la concurrence et de leurs modalités d’application au sein de la CEDEAO, les fusions,
rachats, coentreprises ou autres formes de prise de contrôle, y compris les directions imbriquées,
de caractère horizontal, vertical ou hétérogène entre entreprises ou parmi elles, sont également
interdites lorsque la part de marché qui en résultera au sein du Marché Commun de la CEDEAO
ou dans une partie substantielle de celui-ci pour tout produit, service, filière commerciale ou
activité touchant au commerce, risque de créer une position de force ayant pour conséquence
une réduction effective de la concurrence .
Les fusions interdites en vertu de l'article 7 sont déclarées nulles de plein droit et sans effet
juridique dans tout Etat membre de l'espace CEDEAO.
Toutefois, les fusions, acquisitions ou concentrations d'entreprises interdites en vertu de l'article
7 peuvent être autorisées ou exemptées si la transaction en cause est dans l'intérêt public.
Les demandes d'autorisation ou d'exemption sont adressées, à cet effet, à l'autorité régionale de
la concurrence.

Paragraphe 3: les Aides publiques

L'Acte additionnel a/sa.1/06/08 portant adoption des règles communautaires de la concurrence


et de leurs modalités d’application au sein de la CEDEAO déclare les aides publiques
incompatibles avec le Marché commun dans la mesure où elles nuisent au commerce entre les
Etats Membres.
On entend par aides publiques: les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources
d'État, sous quelque forme que ce soit. Les aides publiques ne sont interdites que si elles
58
faussent ou sont susceptibles de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou
certaines productions.
Ainsi, sont considérées comme compatibles avec le Marché commun: (a) les aides à caractère
social octroyées aux particuliers consommateurs, à condition qu’elles soient accordées sans
discrimination liée à l’origine du produit ; et (b) les aides destinées à remédier aux dommages
causés par des calamités naturelles ou par d’autres évènements extraordinaires. (3) Peuvent
également être considérées comme compatibles avec le marché commun de la CEDEAO: (a)
les aides destinées à promouvoir le développement socioéconomique des régions de la
Communauté où les niveaux de vie sont exceptionnellement bas, où dans lesquels sévit une
grave situation de sous-emploi; (b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet
important d’intérêt communautaire ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un
Etat membre; (c) les aides visant à promouvoir le développement de certaines activités ou
filières économiques, si cette aide ne porte pas préjudice aux conditions de transaction dans une
mesure qui aille à l'encontre de l’intérêt commun ; (d) les aides destinées à promouvoir la culture
et la conservation du patrimoine, quand elles ne restreignent pas les conditions de transaction
et la concurrence au sein de la Communauté dans une mesure qui aille à l'encontre de l'intérêt
commun; et (e) toute autre catégorie d'aide publique établie par un Acte additionnel de la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement sur recommandation du Conseil des Ministres
et après avis de la structure régionale de la concurrence.
Dans le cas d’entreprises publiques ou d’entreprises auxquelles les Etats membres accordent
des droits spéciaux ou exclusifs, les Etats membres ne doivent ni prendre, ni maintenir en
vigueur aucune mesure qui s’avère contraire aux règles contenues dans l'Acte additionnel
a/sa.1/06/08 portant adoption des règles communautaires de la concurrence et de leurs
modalités d’application au sein de la CEDEAO.
Les entreprises chargées de la prestation de services d’intérêt économique général ou ayant un
caractère de monopole en matière de génération de revenus, sont soumises aux règles édictées
par l'Acte additionnel dans la mesure où lesdites règles ne font pas obstacle, de jure ou de fait,
à l’exécution des tâches qui leur sont assignées. Ce faisant, toute personne ou tout Etat Membre,
qui a subi des pertes en raison d'une pratique anticoncurrentielle prohibée, peut, à sa demande,
se voir octroyer une indemnisation.
Les conditions d’octroi de l’indemnisation aux victimes des pratiques anticoncurrentielles sont
définies par Règlement. L'Autorité régionale de la concurrence créée à l’Article 13 de l'a Acte
additionnel l’acte a/ sa.1/06/08 portant adoption des règles communautaires de la concurrence

59
et de leurs modalités d’application au sein de la CEDEAO peut accorder des autorisations et
des exemptions pour certaines pratiques ou activités interdites.
Section 2 : le cadre institutionnel de la concurrence de la CEDEAO
La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO a créé par Acte
Additionnel A/SA.2/06/08 une structure régionale dénommée Autorité de la Concurrence de la
CEDEAO qui est chargée de la mise en œuvre des Règles communautaires de la concurrence
de la CEDEAO.
L’Autorité est dirigée par un Directeur Exécutif, assisté de deux (2) Adjoints et du personnel
nécessaire à son bon fonctionnement.
Le Directeur Exécutif et les Directeurs Exécutifs Adjoints sont des fonctionnaires statutaires.
Ils sont nommés par le Conseil des Ministres sur proposition du Comité Ministériel chargé de
la sélection et de l’évaluation des performances de fonctionnaires statutaires, après évaluation
de trois candidats ressortissants des Etats auxquels les postes ont été attribués.
Le Directeur Exécutif ainsi que les Directeurs Exécutifs Adjoints sont nommés pour un mandat
de quatre (4) ans non renouvelable. Par dérogation prévue par l'article 2 de l'Acte additionnel
A/SA.2/06/08, pour leurs premiers mandats, le Directeur Exécutif et les Directeurs Exécutifs
Adjoints sont recrutés sur une base contractuelle pour une période transitoire qui ne saurait
excéder huit (8) ans et sont directement rattachés au Président de la Commission. L'Autorité,
ainsi créée, à des attributions claires et dispose de prérogatives renforcées qui lui permettent de
mener à bien ses missions en toute transparence et responsabilité.

Paragraphe 1: les attributions de l’autorité de la concurrence

Conformément aux dispositions de l’article 1er de l'Acte additionnel A/SA.2/06/08, l’Autorité


de la concurrence de la CEDEAO est chargée de :
(a) Suivre les activités commerciales au sein du marché commun, dans le but de détecter les
pratiques susceptibles de fausser le bon fonctionnement du marché ou de nuire aux intérêts
économiques des consommateurs ;
(b) Effectuer de sa propre initiative ou sur saisine des personnes privées, des personnes
publiques, des Etats membres ou de la Cour de Justice de la Communauté, des enquêtes et
investigations en rapport avec la conduite des activités commerciales dans le marché commun,
dans le but de déterminer si une entreprise se livre à des agissements commerciaux qui violent
les dispositions de l’Acte additionnel portant adoption des Règles communautaires de la
concurrence ;
60
(c) Prévenir et éliminer les accords anticoncurrentiels et les comportements assimilables à un
abus de position dominante ;
(d) Proposer à l’adoption du Conseil des Ministres par l’intermédiaire de la Commission de la
CEDEAO, la fixation et la révision périodique des barèmes sur les amendes et un éventail des
niveaux d’indemnisation à appliquer dans le cadre du présent Acte additionnel ;
(e) Emettre, à la demande des Etats membres et des institutions de la Communauté, des avis
consultatifs sur l’application des Règles communautaires de la concurrence ;
(f) Coopérer avec les Autorités de la concurrence au plan national et régional, afin de prendre
les mesures nécessaires pour faire respecter les obligations découlant de l’Acte additionnel
portant adoption des Règles communautaires de la concurrence ;
(g) Coopérer avec toute association, organisation intergouvernementale, ou groupe d’individus,
et les assister, en vue de l’élaboration et de la promotion de l’application de normes de conduite,
dans l’optique d’assurer le respect des dispositions de l’Acte additionnel portant adoption des
Règles communautaires de la concurrence ;
(h) Informer les personnes exerçant une activité commerciale ainsi que les consommateurs, de
leurs droits et obligations découlant de l’Acte additionnel portant adoption des règles
communautaires de la concurrence ;
(i) Réaliser des études et publier des rapports et des informations sur les questions relatives aux
intérêts des consommateurs dans le cadre de l’application de l’Acte additionnel portant adoption
des règles communautaires de la concurrence ;
(j) Elaborer et transmettre au Président de la Commission de la CEDEAO, un rapport
intérimaire et un rapport annuel sur les activités de l’Autorité pour nourrir les rapports
d’activités de la Communauté ;
(k) Contribuer à la formation du personnel des autorités nationales de la concurrence et leur
apporter des appuis notamment dans les domaines de la gestion des enquêtes, de la mise en
place d’une base de données d’informations liées à la concurrence, du plaidoyer sur la
concurrence et de la question des consommateurs.
Pour l'exécution de ses attributions, l'Autorité de la concurrence est amenée à collaborer avec:
- la Commission de la CEDEAO; - la Cour de justice de la Communauté, et à coopérer avec les
Autorités de la concurrence au plan national et régional, les associations ou groupements
professionnels ou groupes d'individus.

Paragraphe 2 : prérogatives de l’autorité de la concurrence

61
Nonobstant les compétences de la Cour de Justice de la Communauté, l’Autorité de la
concurrence, pour l'accomplissement de ses missions telles que prévues par l'Acte additionnel
A/SA.2/06/08, est habilitée à faire des injonctions pour:
1-ordonner la résiliation d’un accord ; 2-interdire la conclusion ou l’exécution d’un accord ;
3-interdire l’imposition de conditions extérieures à toute transaction ayant pour effet de réduire
la concurrence ;4- interdire la discrimination ou les préférences en matière de prix et autres
aspects y relatifs, et 5- exiger la diffusion transparente de l’information commerciale (prix,
barèmes, conditions générales de vente, composition des produits, dates de péremption). Sous
réserve du respect des dispositions de l'Acte additionnel A/SA.2/06/08, l'Autorité de la
concurrence entreprend toutes les actions nécessaires pour s’acquitter de façon effective de ses
missions.
Ainsi, pour l’examen de toute demande d’autorisation, de fusion, d’acquisition ou de
concentration d’entreprises telle que prévue à l’article 7 paragraphe 3 de l’Acte additionnel
portant adoption des Règles communautaires de la concurrence, l’Autorité s’appesantira
notamment sur les données ci-après : (i) la position sur le marché des entreprises concernées
ainsi que leur puissance économique et financière ; (ii) la structure de l’ensemble des marchés
concernés ; (iii) la concurrence réelle ou potentielle d’entreprises situées à l’intérieur ou à
l’extérieur du marché commun de la CEDEAO ; (iv) les effets de la transaction sur les
fournisseurs et les acheteurs ; (v) les obstacles juridiques ou autres barrières à l’entrée ainsi que
les tendances de l’offre et de la demande pour les biens et services considérés ; et (vi) tout
potentiel de progrès technique et économique créé par la transaction proposée qui est dans
l’intérêt du consommateur et ne constitue pas une entrave à la concurrence.
Pour l’octroi à toute personne physique et à tout Etat membre de l’autorisation prévue à l’article
12 de l’Acte additionnel portant adoption des règles communautaires de la concurrence,
relativement à la conclusion ou à l’exécution d’un accord visant à se livrer à une pratique
commerciale susceptible de violer des interdictions, l'Autorité de la concurrence tient compte
des facteurs ci-après : (i) la vulnérabilité des secteurs concernés ; (ii) l’impact que cet accord
ou cette pratique a sur la capacité des petites et moyennes entreprises à pouvoir faire
concurrence de façon effective ; (iii) la promotion du développement socioéconomique au sein
de la Communauté ; et (iv) toute autre considération pertinente.
L’Autorité peut retirer ou modifier une autorisation si elle constate que : (i) les conditions
d’octroi ont changé ; (ii) les renseignements fournis à l’appui de la demande d’autorisation
étaient faux ou trompeurs ; ou (iii) il y a eu violation des conditions et obligations auxquelles
était soumis l’octroi de l’autorisation. L'Autorité adresse une notification écrite à l’intéressé en
62
exposant les motifs de sa décision de retrait ou d'annulation d'une autorisation et en l’informant
de son droit à demander à être entendu par elle sur la question dans un délai qui est précisé dans
ladite notification.
L’Autorité tient sous le format qu’elle détermine, un registre des autorisations octroyées. Ce
registre est disponible pour consultation par le public. L’Autorité de la concurrence se procure
toutes les informations qu’elle estime nécessaires pour mener à bien ses enquêtes et recherches,
et le cas échéant, examine et fait vérifier les documents qui lui sont soumis.
À cet effet, l'Autorité est compétente pour : (i) Convoquer et interroger des témoins ; (ii)
Demander communication de tout document aux fins d’examens ; (iii) Exiger que tout
document qui lui est soumis soit appuyé par une déclaration sur l’honneur ; (iv) Exiger la
fourniture de renseignements ou informations dont elle a besoin dans un délai qu’elle précise
par écrit ; et (v) Ajourner toute enquête ou investigation s’il y a lieu. Dans ce cadre, l'Autorité
peut entendre oralement ou par écrit, toute personne qui s’estime affectée par une investigation
ou enquête menée par l’Autorité.
Elle peut exiger qu’une entreprise ou toute autre personne qu’elle juge appropriée, fournisse
des informations relatives à des produits manufacturés, produits ou fournis par cette dernière,
si l’Autorité le juge nécessaire, afin de déterminer si les agissements de l’entreprise en rapport
avec ces produits constituent une pratique anticoncurrentielle.
Toutes les entreprises ou personnes convoquées par l’Autorité ou invitées à présenter des
preuves ou à produire des pièces devant l’Autorité, sont tenues d’obtempérer aux injonctions
de l’Autorité.
Les réunions de l’Autorité sont publiques. Cependant, lorsque les circonstances le justifient,
elles peuvent se tenir à huis clos. Commet une infraction passible d’une amende prononcée par
l'Autorité, toute personne qui : (a) sans motif valable, fait défaut ou refuse de : (i) Comparaître
devant l’Autorité après qu’une notification de sa convocation lui ait été régulièrement faite ;
(ii) Produire un document qui lui a été réclamé. (b) détruit tout document susceptible d’être
requis dans le cadre d’une enquête qui a débuté en application de l’Acte Additionnel, dans
l’intention d’induire l’Autorité en erreur ou d’éluder ou empêcher ladite enquête ; (c) en qualité
de témoin, quitte une réunion de l’Autorité à laquelle elle a été invitée sans avoir été autorisée
à le faire ; (d) de façon intentionnelle : (i) commet un outrage envers un membre de l’Autorité
ou un membre de son Bureau ; ou (ii) fait obstruction aux travaux de l’Autorité ou les
interrompt. Aux fins de rassembler les preuves de l’implication d’une personne physique ou
morale dans un comportement anticoncurrentiel ou susceptible de l’être, l’Autorité peut en cas
de besoin, solliciter des Institutions nationales compétentes, qu’elles : (i) effectuent,
63
conformément aux procédures légales toute perquisition utile ; (ii) inspectent et importent
temporairement, conformément aux procédures légales en matière de saisie et aux fins d’en
faire des copies, tous documents ou extraits de documents en quelques mains qu’ils se trouvent.
L'Autorité de la concurrence a un pouvoir de sanctions des pratiques anticoncurrentielles.
Ainsi, lorsque, à l’issue de ses investigations, l’Autorité estime qu’il existe des indices qui
constituent une violation des dispositions de l’Acte additionnel portant adoption des règles
communautaires de la concurrence, qui est passible d’une amende, elle prononce les sanctions
appropriées à l’endroit du/des contrevenants. Les décisions de l’Autorité de la concurrence sont
susceptibles de recours devant la Cour de justice de la Communauté.
Outre son pouvoir de sanction des pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité peut également
accorder les indemnisations aux victimes desdites pratiques. Le recours contre les décisions de
l'Autorité suspend l’exécution de la décision entreprise. La Cour de Justice de la Communauté
statue en appel et en dernier ressort sur les recours ainsi formés.
Les Décisions de l’Autorité et de la Cour de Justice de la Communauté qui comportent des
obligations pécuniaires à la charge des personnes physiques ou morales, constituent un titre
exécutoire. L’exécution forcée, qui est soumise par le Greffier en chef du tribunal de l’Etat
membre concerné, est régie par les règles de procédure civile en vigueur dans ledit Etat membre.
La formule exécutoire est apposée, sans autre contrôle que celui de la vérification par l’Autorité
de l’authenticité du titre, par l’autorité nationale que le Gouvernement de chacun des Etats
membres désigne à cet effet.
Les Etats membres désignent l’autorité nationale compétente pour recevoir ou exécuter les
décisions de l’Autorité et celles de la Cour de Justice de la Communauté et notifient à ces
dernières, leur désignation. L’exécution forcée des décisions de l'Autorité ne peut être
suspendue que par une décision de la Cour de Justice de la Communauté.
Les activités de l’Autorité de la concurrence sont financées par des dotations budgétaires
allouées conformément aux dispositions du Traité et par toute autre ressource que le Conseil
des Ministres détermine.
Toutes les questions relatives à l’organisation et aux règles de fonctionnement de l’Autorité de
la concurrence, non réglées par l'Acte additionnel A/SA.2/06/08, sont traitées dans le règlement
intérieur de l’Autorité approuvé par le Conseil des Ministres.

Deuxième partie: droit de la distribution

64
Face à la nécessité de diffuser au mieux ses produits et/ ou services auprès de la clientèle visée,
l’entreprise doit faire un choix entre distribuer ou utiliser (ou s’attacher à combiner
judicieusement) les multiples canaux et formules de distribution qui sont à sa disposition.
Ainsi, : -elle peut avoir recours à des revendeurs totalement indépendants, qu’elle livrera en
répondant à leurs commandes; il en est ainsi, par exemple, du canal de la grande distribution,
après que le fournisseur ait été référencé auprès de la centrale d’achat ; -elle peut aussi décider
de distribuer ses produits par le biais de points de vente dont elle est propriétaire (des
succursales), système qui permettra à l’entreprise de contrôler parfaitement les conditions de
distributions de ses produits : il s’agit là, à proprement parler, d’une distribution intégrée ; -elle
peut enfin avoir recours à des commerçants juridiquement indépendants, organisés en réseau,
qui accepteront contractuellement un certain nombre de contraintes liées aux conditions de
distributions des produits et / ou des services concernés. Ce dernier mode de distribution s’est
imposé comme une alternative prospère, en ce sens qu’il permet à un fournisseur de ne pas
investir directement dans un ensemble de points de vente tout en lui permettant de contrôler de
près sa politique marketing, et plus précisément les conditions dans lesquelles sont distribués
ses produits et/ ou services.
Les formules contractuelles utilisées pour atteindre cet objectif sont connues de la pratique (et
des juristes) : il s’agit essentiellement des contrats de détaillant agréé (également qualifiés de
contrats de distribution sélective), des contrats de distribution exclusive et des contrats de
franchise.
Ils ont pour trait commun de permettre la mise en place d’un réseau de distribution cohérent. «
La distribution est la fonction qui met les biens et les services à la disposition de l’utilisateur,
dans les conditions de lieu, de temps …etc., qui conviennent à celui –ci » (Dayan A., Manuel
de la distribution – Fonction, structures, évolution, PUF Gestion 1992, p19). L’étude de la
distribution intégrée (telle que décrite ci-dessus), et plus particulièrement des réseaux de
distribution sélective ,exclusive et de franchise, se justifie dans la présente partie par le fait que
ces réseaux sont de nature à heurter plus ou moins violemment- le droit de la concurrence.
Etant par essence fondés sur une sélection des revendeurs, ces réseaux laissent de côté de
nombreux distributeurs potentiels.
Cette situation ne paraît pas, de prime abord, conforme aux règles de fonctionnement d’un
marché libre et concurrentiel.
Ces réseaux posent des problèmes au regard du droit de la concurrence, et leur configuration
juridique ne peut se comprendre qu’au travers d’un raisonnement de droit de la concurrence.

65
Chapitre 1: La physionomie des réseaux de distribution intégrée
L'étude de la physionomie des réseaux de distribution se fera sur une approche descriptive
desdits réseaux. Elle permettra ainsi de cerner l'essence même de ces réseaux, c'est-à-dire de
mettre en évidence leurs éléments caractéristiques.

Section 1: approche descriptive des réseaux de distribution

Afin de mettre en évidence les différences et les points communs qu’ils présentent, les trois
types de réseaux évoqués ci-dessus (distribution sélective, distribution exclusive et franchise)
seront étudiés successivement dans leurs mécanismes juridiques et contractuels fondamentaux
; des précisions seront également apportées quant aux informations précontractuelles qui
doivent être fournies par les gestionnaires de certains réseaux aux distributeurs souhaitant en
êtres membres.

Paragraphe 1 : Caractéristiques essentielles des réseaux de distribution sélective


Définition de la distribution sélective

Une précision terminologique s’impose d’emblée : la pratique utilise indistinctement, pour


désigner le même type d’organisation juridique, les termes de « contrat de détaillant (ou de
distributeur) agréé » et de « contrat de distribution sélective ».
Ce vocabulaire renvoie à une réalité : la sélection du distributeur constitue le fondement même
de ce mode de commercialisation (agrément et sélection sont du même registre sémantique).
De nombreuses définitions de la distribution sélective ont été avancées ; on retiendra la plus
récente, fournie par le droit communautaire : « un système de distribution sélective est un
système de distribution dans lequel le fournisseur s’engage à vendre les biens ou les services
contractuels…uniquement à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères définis, et dans
lequel ces distributeurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des distributeurs
non agréés ».
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La distribution sélective se rencontre essentiellement dans le domaine du luxe et des produits
de marque (parfumerie, horlogerie chaussures, vêtements, etc.), les fournisseurs poursuivent
l’objectif de perpétuer autour de leurs produits un environnement, un univers, à la hauteur de
leur réputation. Ce mode de distribution se caractérise donc par un agrément fondé sur des «
critères définis » : cette sélection des distributeurs est d’abord –et avant tout-de nature
qualitative ; elle peut être éventuellement doublée d’une sélection quantitative (limitation du
nombre des revendeurs agréés).
Dans les deux cas (distribution sélective purement qualitative et distribution sélective
quantitative), les parties contractuelles ne s’engagent à aucune exclusivité, de quelque nature
que ce soit : le distributeur agréé est nécessairement autorisé à vendre des produits concurrents
de ceux du fournisseur.
Distributeur sélective purement qualitative
En ayant recours à des critères de sélection de nature qualitative, le producteur à la tête d’un
réseau de distribution sélective a pour objectif principal de défendre la qualité de ses produits,
d’en préserver l’image de marque et d’en améliorer les conditions de commercialisation.
Dans cet esprit, les critères de sélection de nature qualitative présidant à l’admission dans le
réseau seront conditionnés par la nature des produits distribués (produits de luxe, par exemple)
et porteront essentiellement sur les points suivants : -l’environnement et la localisation du point
de vente ; -le standing et l’agencement intérieur du magasin ; -la capacité à proposer un large
assortiment des produits du vivier du fournisseur ; -la qualification professionnelle des
vendeurs…
Ainsi, par exemple, en matière de distribution sélective en parfumerie, le producteur va exiger
de ses distributeurs que l’environnement, le standing et l’enseigne du magasin correspondent
au prestige et à l’image de marque des produits.
En outre, il leur sera demandé de disposer d’un service de conseil à la clientèle suffisant eu
égard à la surface du local de vente et à la gamme des produits présentés à la vente.
Dans cette approche purement qualitative, tous les distributeurs qui répondent aux critères de
sélection doivent pouvoir être agréés par le fournisseur.
Distribution sélective et limitation quantitative du nombre des revendeurs.
Dans l’optique du producteur, la sélection qualitative peut s’avérer insuffisante.
En effet, le fournisseur peut éprouver le besoin de limiter le nombre des points de vente agréés
afin, par exemple, de mieux faire correspondre l’offre à la demande et de contrôler plus
efficacement ses distributeurs.

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En pratique, trois instruments majeurs de sélection quantitative peuvent être relevés : -la mise
en place d’une liste d’attente (par exemple, à l’échelle départementale), l’inscription sur cette
liste se faisant par ordre chronologique à compter de la demande d’ouverture de compte par le
candidat -distributeur, après vérification des critères de sélection purement qualitatifs ; -
l’exigence de stocks minimum, comportant nécessairement un nombre de référence
effectivement disponible dans chaque gamme de produits ; -l’exigence d’un minimum d’achats
ou de ventes (chiffre d’affaires minimum) sur les produits fournis par le producteur .S’ajoutant
aux critères de sélection de nature qualitative, ces critères quantitatifs entraîneront
nécessairement- et mécaniquement-une limitation directe ou indirecte du nombre des
revendeurs pouvant être agréés.

Paragraphe 2 : Caractéristiques essentielles des réseaux de distribution exclusive

Définition(s) de la distribution exclusive – Présentation du contrat de concession exclusive.


Comme dans le domaine de la distribution sélective, la constitution d’un réseau de distribution
exclusive se traduit par la conclusion d’un ensemble de contrats de même nature, conçus de
manière uniforme, et qui unissent un fournisseur unique à une pluralité de distributeurs
indépendants.
Ces contrats permettent au fournisseur d’organiser et d’adapter la distribution de ses produits
en fonction de la spécificité de ceux-ci.
La définition de la distribution exclusive est malaisée, car ce terme recouvre des réalités
multiples .A la lumière des textes européens, et bien que les termes qui y sont employés
diffèrent sensiblement de ceux qui sont utilisés en pratique, on peut distinguer les formes
suivantes :les clauses ou contrats d’approvisionnement exclusif ,les clauses ou contrats de
fourniture exclusive ,les contrats combinant clauses d’approvisionnement exclusif et fourniture
exclusive ( on parle alors de concession exclusive).
La clause d’approvisionnement exclusif impose au distributeur d’acheter et de revendre
uniquement des produits de la marque d’un seul fournisseur.
Autrement dit, le distributeur s’interdit d’acheter – et par conséquent de revendre – des produits
qui sont en concurrence avec ceux de ce fournisseur. On assimile à l’approvisionnement
exclusif l’obligation faite à un distributeur d’acquérir plus 80% des produits qu’il vend auprès
d’un seul et même fournisseur. L’exclusivité d’approvisionnement conduit donc
nécessairement au monomarquisme : une seule marque est représentée sur le point de vente (on

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parle de quasi-monomarquisme lorsque la présence de marques concurrentes est marginale :
moins de 20% des achats du distributeur).
La clause de fourniture exclusive accorde au distributeur le monopole de la revente des produits
objets du contrat sur un territoire qui lui est concédé .C’est cette référence à une zone de
chalande confiée à la responsabilité du distributeur qui permet aussi de parler d’exclusivité
territoriale ; exclusivité de fourniture et exclusivité territoriale se confondent en ce sens que le
fournisseur garantit à son distributeur qu’il sera le seul à pouvoir revendre les produits de sa
marque sur le territoire qui lui est accordé :le distributeur exclusif est ainsi protégé de toute
concurrence directe. Plus marginalement, le fournisseur peut concéder à un distributeur une
exclusivité de clientèle, en lui garantissant qu’il sera le seul à pouvoir viser une catégorie
déterminée de clients.
Enfin, le contrat de concession commerciale se caractérise par une double relation d’exclusivité
établie entre le fournisseur (concédant) et ses distributeurs (concessionnaires) :d’une part, une
exclusivité territoriale est garantie par le concédant au concessionnaire ;d’autre part ,une
exclusivité d’approvisionnement est garantie par le concessionnaire au concédant .On parle
alors d’exclusivité réciproque ,et plus généralement de concession exclusive .On soulignera que
l’exclusivité territoriale est de l’essence même du contrat de concession ; « elle en est le critère
qualifiant » :sans territoire pas de concession.
En revanche, l’exclusivité d’approvisionnement n’est pas un critère essentiel du contrat de
concession :il peut donc y avoir concession commerciale sans engagement d’achat exclusif pris
par le distributeur (on parle alors d’exclusivité simple ,ou de concession multimarque).
Mais si cette clause est presque systématiquement couplée à l’exclusivité de fourniture, c’est
qu’elle apparaît comme en étant la contrepartie normale : le concessionnaire s’engage à ne
s’approvisionner qu’auprès du concédant en produits de sa marque.
A cette double relation d’exclusivité sur laquelle il repose essentiellement, le contrat de
concession peut ajouter toute une série d’obligation complémentaire :-pour le concessionnaire
(distributeur) : respect des normes de commercialisation établies par le concédant, objectifs de
vente et/ ou taux de pénétration du marché à atteindre, stock minimum à détenir, obligation de
participer à la promotion des produits de la marque sur le territoire concédé, etc. ; -pour le
concédant (fournisseur ) :mise à disposition de sa marque et/ou de son enseigne, promotion
nationale et protection de la marque, fourniture d’assistance technique ,commerciale et
financière au concessionnaire ,etc.
Distribution exclusive et sélection quantitative de revendeurs

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Le système de la distribution exclusive conduit nécessairement à une limitation du nombre des
revendeurs faisant partie du réseau. Cette sélection quantitative est à mettre en relation avec la
nature des produits commercialisés.
La nécessité de mettre en place un système de commercialisation efficace et adapté au produit
prend en effet une importance toute particulière lorsque la vente doit s’accompagner de
prestations concomitantes (conseils) et surtout postérieurs (installation, entretien, service après-
vente) : on admettra par exemple qu’un engin agricole peut difficilement se vendre dans les
mêmes conditions qu’une savonnette…Le fabricant de ce type de produit va donc rechercher à
en concéder la distribution à un nombre limité de revendeurs qui accepteront de concentrer leurs
efforts sur la vente (et l’après-vente) des produits en question, en respectant la politique
commerciale définie par le fournisseur.
Les différentes formules de distribution exclusive-et spécialement la concession –se rencontrent
ainsi principalement dans la distribution de biens d’équipement durables et/ ou nécessitant un
entretien régulier ainsi que des prestations après-vente :c’est le cas par exemple de la vente des
véhicules automobiles, des véhicules industriels, des machines agricoles, des matériels
d’outillage et /ou de haute technicité, etc.
La concession se rencontre également pour les produits dont la distribution nécessite des
investissements d’une certaine importance, ce qui rend nécessaire la sélection quantitative des
revendeurs : distribution de bières et limonades, distribution de produits pétroliers, mais encore
la distribution automobile.
Ces investissements ne peuvent être supportés par le seul fournisseur (ce qui est le cas lorsqu’il
ouvre une succursale de distribution » : le recours à un revendeur indépendant prêt à se
spécialiser dans la distribution des produits en question présente alors un intérêt économique
évident pour le fournisseur ,qui conserve ainsi la maîtrise des conditions de commercialisation
de ses produits sans en supporter les risques liés.
L’attribution d’une zone d’exclusivité à chacun de ses distributeurs permet en outre au
fournisseur de couvrir de façon rationnelle un très large espace géographique où se côtoient
souvent différentes formes juridiques de distribution.
En effet, un réseau de distribution peut être mixte, c’est-à-dire qu’il sera composé de
distributeurs commerçants indépendants mais aussi de succursales, points de vente et d’après-
vente appartenant en propre au fournisseur.

Paragraphe 3 : Caractéristiques essentielles des réseaux de franchise


A Définition de la franchise
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La franchise est un mode d’organisation économique complexe et multiforme .Il en existe en
effet aussi bien dans le domaine des services que dans les secteurs industriels ou de la
distribution.
Les activités pour lesquelles le système de la franchise est utilisé sont multiples : restauration,
hôtellerie, distribution alimentaire, décoration et équipement de la maison, immobilier, mode
et prêt-à-porter, dépôt-vente, réparation automobile, conseil, formation(…) C’est
essentiellement la franchise de distribution de biens et de services qui nous intéressera ici. Il est
important de signaler que le franchisé comme le distributeur membre d’un réseau de distribution
sélective ou exclusive, est un commerçant indépendant, même s’il est a priori difficile de
l’identifier en tant que tel ,tant l’intégration du commerçant franchisé au système mis en place
par le franchiseur est extrêmement poussée.
Du point de vue juridique, on peut définir la franchise comme un accord par lequel une
entreprise, le franchiseur, accorde à titre à une autre, le franchisé, le droit d’exploiter un savoir-
faire dans le but de commercialiser sous une enseigne commune des types de produits et/ou de
services déterminés.
Le droit communautaire européen définit le contrat de franchise par les éléments qu’il comporte
nécessairement : - la communication par le franchiseur au franchisé d’un savoir-faire(ou plus
généralement d’une méthode commerciale) ; -la fourniture continue par le franchiseur au
franchisé d’une assistance commerciale ou technique faisant partie intégrante de la méthode
commerciale franchisée ; -le droit pour le franchisé d’utiliser les signes distinctifs du
franchiseur : nom commercial , marque et/ou enseigne (droits de propriété intellectuelle). Nous
présentons ces éléments essentiels au contrat de franchise avant d’évoquer ceux qui ont un
caractère plus accessoire.
B. Communication au franchisé d’un savoir-faire et de méthodes commerciales
La transmission d’un savoir-faire au franchisé est reconnue comme étant l’élément central du
contrat de franchise.
Le savoir-faire, appliqué au contrat de franchise, « se caractérise par un ensemble de
connaissances, de méthodes, de technique, de pratiques, de recettes originales et spécifiques
mises au point par un franchiseur et communiqués à son (ses) franchisé(s) ».
Le savoir-faire doit satisfaire à certaines conditions : il doit résulter de l’expérience du
franchiseur et doit donc avoir été testé par lui (ce qui fait qu’un réseau de franchise contient
nécessairement des succursales, structures appartenant au franchiseur , dans lesquelles, il aura
pu tester et développer son savoir-faire et ses méthodes) par la suite , ce savoir-faire doit être
constamment mis au point et contrôlé ; il doit être secret, original et spécifique (ne pas être
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banal ou facilement accessible) ; il doit être transmissible (aisément communicable et
assimilable par tout franchisé).
Un contrat de franchise est nul lorsque la transmission d’un savoir-faire n’a pas été démontrée.
Mais un savoir-faire ne peut être correctement appliqué par un franchisé que si ce dernier est
formé à cette fin.

C. Assistance commerciale ou technique et formation du franchisé


L’assistance fournie par le franchiseur au franchisé se matérialise à différentes étapes.
En amont, le franchiseur assure une assistance avant même que le franchisé n’ait commencé à
exercer son activité. Cette assistance peut se traduire par une aide dans l’installation et
l’aménagement du point de vente, ainsi que dans la préparation du dossier financier.
Elle est complétée par une assistance postérieure à l’ouverture, qui pourra être de nature
administrative, comptable, financière, commerciale, marketing, juridique…elle portera aussi
sur les évolutions du concept faisant l’objet de la franchise.
La nécessaire formation (initiale et continue) du franchisé par le franchiseur est ainsi inhérente
au transfert d’un savoir-faire.
La question de l’assistance due par le franchiseur a été une source d’un certain nombre de
conflits portés devant les juges, les franchisés y étant particulièrement sensibles, surtout si l’on
considère les coûts d’entrée dans le réseau de franchise qu’ils supportent (droits d’entrée et de
redevances périodiques rémunérant cette assistance).Certains franchisés ont assigné leur
franchiseur pour inexécution des obligations d’assistance et ont pu obtenir réparation du
préjudice subi du fait de ce défaut.
Concession au franchisé de la jouissance d’éléments de ralliement de la clientèle
Le transfert d’un savoir –faire au franchisé resterait sans effet si ce dernier ne disposait d’aucun
moyen pour faire connaître à la clientèle son appartenance au réseau de franchise ,et par
conséquent sa capacité à mettre en œuvre le savoir –faire du franchiseur .Il est donc essentiel
que le franchisé ait le droit d’utiliser les signes de ralliement de la clientèle au réseau de
franchise ,que sont la marque, l’enseigne et/ ou le nom commercial.
La Cour de cassation française a pu préciser que l’usage de l’enseigne constituait un élément
essentiel du contrat de franchisage. Il convient également de ne pas minimiser l’importance des
efforts qui doivent être réalisés par le franchiseur pour faire connaître son réseau. La Cour de
cassation a ainsi considéré qu’en matière de produits de luxe ,la notoriété d’une marque devrait
compenser l’importance des investissements mis à la charge du franchisé .Dès lors que cette

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marque n’a pas encore acquis une certaine notoriété le franchiseur doit faire un important effort
de publicité.
Cependant, l’existence d’une franchise ne sous-entend pas nécessairement que le franchisé soit
le seul dans une zone géographique donnée à pouvoir utiliser les signes de ralliement précités,
ni qu’il s’interdise d’utiliser d’autres sources d’approvisionnement que celles du réseau.
Exclusivité territoriale et d'approvisionnement
L’exclusivité territoriale n’est pas un élément obligatoire du contrat de franchise.
Néanmoins, lorsqu’elle est stipulée dans le contrat au profit du franchisé, elle oblige
évidemment le franchiseur à s’y conformer.
L’exclusivité territoriale a pour effet de protéger le franchisé de toute concurrence provenant
d’un autre franchisé et du franchiseur lui-même sur la zone de chalandise qui lui est concédée.
De la même manière le contrat de franchise peut exister en l’absence d’une clause d’exclusivité
d’approvisionnement au profit du franchiseur, même si celle –ci se rencontre fréquemment
(différence entre franchise dite fermée et franchise dite ouverte).
Il est clair en effet que l’exclusivité d’approvisionnement présente un intérêt pour le franchiseur
qui désire atteindre un objectif d’homogénéité du réseau :la plupart des contrats de franchise
prévoient ainsi l’obligation pour le franchisé de s’approvisionner en tout ou partie auprès du
franchiseur ou des fournisseurs qu’il a agréés .
Une jurisprudence française spécifique à la franchise précise cependant que la clause
d’approvisionnement exclusif doit pouvoir être justifiée par la nécessité de préserver l’identité
et la réputation du réseau.

Paragraphe 4 : Informations précontractuelles devant être transmises par le fournisseur


préalablement à l’entrée dans certains types de réseaux de distribution

Apports de la loi Doubin à une meilleure information du candidat distributeur L’article L.330-
3 du code de commerce dispose que « Toute personne qui met à la disposition d’une autre
personne un nom commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d’elle un engagement
d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue préalablement à
la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties de fournir à l’autre
partie un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s’engager en
connaissance de cause ».

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Cette disposition trouve essentiellement à s’appliquer en matière de contrat de franchise, à
condition que celui-ci contienne une clause d’exclusivité d’approvisionnement, ce qui n’est pas
toujours le cas.
Elle oblige le franchiseur à communiquer au candidat franchisé, vingt jours au moins avant la
signature du contrat de franchise un dossier contenant un certain nombre d’informations : elles
portent notamment sur l’entreprise du franchiseur, le réseau de franchise (historique, concept,
membres…), l’état de la concurrence et du marché les perspectives de développement…
Le défaut d’information préalable peut entraîner la nullité du contrat s’il a eu pour effet de vicier
le consentement du candidat franchisé.
L’étude prévisionnelle réalisée par le franchiseur doit être sérieuse : la légèreté de ce dernier
peut en effet aboutir à sa condamnation à réparer le préjudice subi par le franchisé qui s’est
engagé sur des bases irréalistes.

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