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Master 1 Droit Economique et des Affaires

Dissertation. L’objet du droit de la concurrence.

Le droit de la concurrence est défini comme l’ensemble des dispositions


législatives et réglementaires visant à garantir le respect du principe de la liberté
du commerce et de l’industrie. La liberté de la concurrence, principal aspect du
droit de la concurrence, a en effet pour prolongement la liberté d’accès au
marché, ce qui implique que le commerce se fasse librement. De ce faite,
l’organisation de la concurrence se justifie du fait qu’aucun état naturel et
spontané de la concurrence n’existe. En effet, le principe de la liberté de
concurrence est vécu par les Etats et par les entreprises comme une contrainte :
c’est un impératif auquel ils doivent se soumettre, et auquel ils ne peuvent pas
se soumettre. De ce fait, la législation sur la concurrence est nécessaire pour
garantir cette liberté, et notamment combattre les nombreuses atteintes à la
concurrence qui peuvent entraver le principe de libre concurrence. En d’autres
termes, il apparait donc que le rôle du droit de la concurrence est d’obliger les
entreprises à se faire concurrence ou à la subir.
La concurrence devant être régulée afin qu’elle soit respectée par les
Etats ou les entreprises, aucune différence n’étant faite entre le marché public et
le marché privé, il a été nécessaire de mettre en place le mécanisme du droit de
la concurrence. Dés lors, il convient de se demander quel est réellement l’objet
de ce droit de la concurrence. Il apparait selon différents textes que les objectifs
du droit de la concurrence sont autant de combattre les pratiques
anticoncurrentielles ou restrictives de concurrence que le développement d’une
concurrence libre et non faussée. L’objet du droit de la concurrence peut
également être défini comme servant à protéger la concurrence à l’intérieur
d’un marché comme un moyen d’améliorer le bien-être du consommateur.
Toutefois, il convient de se demander quel est, en terme de protection le
véritable objet du droit de la concurrence. La protection de l’équilibre du
marché suffit-elle à définir l’objet du droit de la concurrence ou celui-ci se
définit-il par la protection des différents opérateurs économiques du marché ?
En d’autres termes, l’une de ces deux protections, équilibre de marché ou
opérateurs économiques, suffit-elle à cerner ce qu’est l’objet du droit de la
concurrence, ou les deux aspects sont-ils nécessaire ?
Il convient ici d’aborder successivement les deux types de protections
évoqués dans cette introduction, à savoir la protection des opérateurs
économiques les plus faibles (II) et la protection de l’équilibre du marché (I) afin
de pouvoir envisager une réponse à cette problématique.

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I. Le maintien du libre jeu de la concurrence : la protection de
l’équilibre du marché.

La protection du marché passe inévitablement par la protection de la


libre concurrence sur ce même marché. La concurrence étant assimilée à une
contrainte par les entreprises et les Etats, il est nécessaire aux pouvoirs publics
d’intervenir afin d’éviter les dérives, et pour cela, ils font à la fois en sorte de
maintenir l’égalité dans la concurrence (A), tout en interdisant les pratiques
anticoncurrentielles (B).

A. Le maintien de l’égalité dans la concurrence.

Afin de protéger l’équilibre du marché, l’Autorité de la concurrence se


doit à la fois d’exercer un certain contrôle sur les aides d’Etats ainsi que sur les
opérations de concentrations.
Concernant tout d’abord l’encadrement des aides d’Etat, il convient de
préciser que ce sont les articles 87 et 88 du traité qui en disposent. L’article 87
contient des règles de fond qui déterminent l’incompatibilité ou la compatibilité
des aides avec le marché communautaire. Ici, le principe est que le droit
communautaire prévoit l’incompatibilité des aides qui portent atteinte à la
concurrence. Toutefois, il convient de préciser que dans certains cas
exceptionnels, ce même droit communautaire déclare certaines aides
compatibles de plein droit avec le marché commun ; cette compatibilité étant
fondée sur un bilan économique positif pour l’aide en question. L’article 88 du
traité lui, organise le contrôle communautaire des aides. Ainsi, la Communauté a
mis en place un système de contrôles des aides nationales, et cela afin de
maintenir un certain équilibre de la concurrence entre les Etats membres. Mais
le contrôle des aides d’Etats n’est pas le seul moyen de maintenir cette égalité.
Le contrôle des concentrations, ensuite, contribue également au maintien
d’une certaine égalité de la concurrence. Ici, l’idée générale dont procèdent les
règles relatives au contrôle des concentrations est qu’un marché sur lequel une
ou plusieurs entreprises ont acquis une trop grande puissance économique est
un marché où ne joue pas une concurrence suffisante. Toutefois, si l’acquisition
d’une telle puissance est le résultat de la croissance interne de l’entreprise en
cause, tout mécanisme juridique tendant à réduire cette puissance serait le
contraire même du principe de libre concurrence, et dans ce cas, le
rétablissement d’une concurrence suffisante ne peut venir que des efforts
fournis par les concurrents du marché. En revanche, si la croissance externe qui
est le résultat d’une concentration entre entreprises, est artificielle et qu’elle a
pour effet de limiter la concurrence ou de la rendre inégale, un contrôle des
opérations de concentration se justifie en vue de maintenir l’égalité de la
concurrence sur le marché en question.

Ainsi, afin de maintenir une certaine égalité de la concurrence sur le


marché donné, l’Autorité de la concurrence a pour mission d’exercer un contrôle
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sur les aides que les Etats peuvent fournir à leurs opérateurs économiques. Elle
se doit également de contrôler les opérations de concentrations afin d’éviter
qu’un opérateur économique n’acquiert une trop grande puissance sur le
marché et ne mette en péril l’égalité de la concurrence. Pour protéger le
marché, l’Autorité de la concurrence va également interdire toutes les pratiques
anticoncurrentielles.

B. La protection de la concurrence par l’interdiction des pratiques


anticoncurrentielles.

Le rôle de l’Autorité de la concurrence ici est d’imposer aux opérateurs


économiques des comportements qui sont l’essence même de l’économie de
marché. En d’autres termes, elle se doit de sanctionner les pratiques
anticoncurrentielles mises en place par les opérateurs afin de se soustraire aux
principes même de la concurrence. En effet, il convient de rappeler que la
concurrence est vécue par les entreprises comme une contrainte, et que de ce
fait, le respect des règles de concurrence doit être assuré par l’autorité
compétente en la matière. Pour cela, l’Autorité de la concurrence va prohiber
deux grandes catégories de pratiques anticoncurrentielles, à savoir les ententes
et les abus de domination.
Que ce soit en droit interne, par le Code de commerce, ou en droit
communautaire, par le Traité CE, les ententes sont prohibées. Il est utile de
préciser que sous ce terme sont visés tous les accords ainsi que toutes les
concertations ou coalitions entre entreprises qui peuvent avoir ou ont pour effet
ou pour objet de restreindre la concurrence sur un marché pertinent. L’entente
étant la forme la plus ancienne de pratique anticoncurrentielle, elle est à
l’origine du droit antitrust aux Etats-Unis. Ici, l’interdiction des ententes a pour
objectif premier d’assurer l’indépendance du comportement des entreprises qui
sont en compétition sur un même marché ou sur des marchés complémentaires.
Ici, aucune distinction n’est faite entre le droit interne et le droit
communautaire. En effet, que ce soit dans le Code de commerce ou dans le
Traité CE, les dispositions relatives aux ententes portent sur les trois mêmes
sortes de règles. En effet, elles prohibent dans un premier temps les ententes
anticoncurrentielles comme en disposent les articles L. 420-1 du Code de
commerce et 81, paragraphe 1 du traité. Dans un second temps, ces dispositions
édictent la nullité de plein droit des accords ou conventions qui se rapportent à
une entente, comme en disposent les articles L. 420-3 du Code de commerce et
81, paragraphe 2, du traité. Enfin, elles prévoient la possibilité de justification
des ententes, mais cela sera ici abordé ultérieurement.
Autre pratique prohibée dans le cadre de l’interdiction de pratiques
anticoncurrentielles, les abus de domination. Ici aussi, cette pratique est à la fois
prohibée par le Code de commerce, autrement dit le droit interne, et le Traité
CE, soit le droit communautaire, et cela respectivement par l’article L. 420-2 du
Code de commerce et l’article 82 du traité. Dans ces deux textes, cette pratique
suppose qu’une ou plusieurs entreprises occupent une position dominante soit
sur le marché commun soit sur le marché intérieur français. La pratique suppose
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également que la ou les entreprises en cause aient exploité abusivement cette
position dominante. Il convient quand même de préciser que la position
dominante en elle-même n’est pas illicite. Il n’est en effet pas illicite de l’occuper.
Ce qui est en revanche illicite ce sont les comportements caractérisant son
exploitation abusive ; comportements qui tombent donc sous le coup de la
prohibition.

Ainsi, en maintenant l’égalité de la concurrence et en interdisant les


pratiques anticoncurrentielles, à savoir les ententes et les abus de domination,
les pouvoirs publics contribuent à la protection de l’équilibre du marché. Cela
dit, il convient de préciser que l’objet même du droit de la concurrence n’est pas
seulement la protection du marché, mais qu’il s’agit également de protéger les
éléments les plus faibles de ce même marché.

II. Le maintien du libre jeu de la concurrence : la protection des


opérateurs économiques les plus faibles du marché.

Les acteurs les plus faibles du marché ont par définition besoin d’une plus
grande protection que ceux qui ont un pouvoir économique leur permettant
d’agir seul. C’est ainsi que les consommateurs (B), autant que les plus petits
concurrents du marché (B).

A. La protection des concurrents les plus faibles par la prohibition des


abus de position de force.

En cas d’abus de position de force, les concurrents laissés pour compte


doivent être protégés par l’autorité compétente. En effet, quand deux ou
plusieurs entreprises s’entendent relativement à leur comportement sur le
marché en question, leurs pouvoirs économiques sur ce marché s’additionnent
et cela au préjudice des concurrents ou des partenaires de chacune de ces
entreprises. Comme il l’a été dit précédemment, la position de force en elle-
même n’est pas illicite. Ce qui l’est, en revanche, c’est l’abus de cette position de
force. Ici, c’est l’arrêt Hoffmann-La Roche, du 13 février 1979, qui donne une
définition générale de l’exploitation abusive d’une position dominante. Aux
termes de cet arrêt, « la notion d’exploitation abusive vise les comportements
d’une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la
structure d’un marché où le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont
pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui
gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des
prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence
existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence ».
Ici donc, il apparait qu’une entreprise en position dominante peut à la
fois maintenir et développer sa position sur le marché, mais elle ne peut le faire
qu’en essayant d’être meilleure que ses concurrents, en proposant par exemple
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à sa clientèle un meilleur rapport qualité-prix. C’est donc par le processus d’une
concurrence loyale que passe la protection des concurrents les plus faibles du
marché.

Ainsi, le droit de la concurrence vise à protéger les concurrents du


marché pertinent, et cela en interdisant les abus de position dominante. Un
autre opérateur économique, faible par définition, a nécessairement besoin
d’être protéger par le droit de la concurrence : le consommateur.

B. La protection du consommateur par les exceptions faites aux principes


du droit de la concurrence.

Les règles du droit de la concurrence doivent rechercher le bien-être du


consommateur. Il convient de préciser que le consommateur, pour le droit de la
concurrence, c’est le consommateur final, autrement dit, celui qui est au bout
de la chaine économique et qui est au fond lui aussi un opérateur économique.
Le consommateur est donc par définition un opérateur économique faible. C’est
pourquoi les règles de la concurrence se doivent de le protéger. Il apparait en
effet que le droit de la concurrence est lié au droit de la consommation car, en
cherchant à garantir la concurrence sur le marché, il a pour objectif de
permettre d’octroyer des bénéfices aux consommateurs. En effet, en interdisant
les ententes, ainsi que les abus de position dominante, le droit de la
concurrence veille à ce que les consommateurs ne se voient pas imposer des
prix plus élevés que ce qu’ils seraient sur un marché où la libre concurrence
règne.
Toutefois, il ne faut pas oublier que dans certaines situations, les pouvoirs
publics en charge des règles de la concurrence vont eux-mêmes limiter voire
interdire la concurrence et cela en autorisant certaines entités à échapper à
l’application du droit de la concurrence, comme c’est par exemple le cas pour
des entités dont le but est exclusivement social ou comme c’est également le cas
pour une entité ayant des prérogatives de puissance publique. Les pouvoirs
publics en charge du droit de la concurrence, en d’autres termes, l’Autorité de la
concurrence, peuvent également limiter ou interdire la concurrence en
concédant provisoirement certains monopoles afin d’encourager la recherche,
comme c’est notamment le cas dans le domaine de la propriété intellectuelle
des brevets.

Ainsi, l’objet du droit de la concurrence est à la fois de protéger le


consommateur, dernier opérateur économique de la chaine de valeur, et à la fois
le concurrent le plus faible du marché. Cependant, la protection des opérateurs
les plus faibles du marché n’est pas le seul objet du droit de la concurrence. En
effet, il a également pour but de protéger le marché lui-même, et cela en
protégeant à la fois l’équilibre de la concurrence, et en interdisant les pratiques
anticoncurrentielles.
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