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Cours de droit de la concurrence et de distribution

Chargé du cours : Pr. Dieunedort Nzouabeth


Un cours saisi par : Ahmed MOUHSEINE SALIM
Introduction
Le droit de la concurrence intéresse ceux qui ont une activité économique car la
concurrence est une donnée économique, une liberté, qui permet à des opérateurs
économiques de s’affronter dans la conquête d’une clientèle sur un marché. La concurrence
nait donc avec une clientèle à créer ou à conserver. Ainsi, le droit de la concurrence peut être
définit comme l’ensemble des règles juridiques gouvernant les rivalités entre agents
économiques dans la recherche et la conservation d’une clientèle. Ce droit apparait
comme un choix d’intérêts généraux ou catégoriels à protéger, variable en fonction des
circonstances et des politiques. Il régule le marché en définissant les règles de base qui
prescrivent, interdisent ou encadrent les comportements qui sont de nature à fausser le
fonctionnement efficient du marché et qui peuvent porter atteinte au bien être des
consommateurs. A ce titre, le droit de la concurrence est très lié à la notion de marché. Le
concept de marché suppose l’existence d’un espace économique où les différents acteurs
économiques exercent leur liberté de commerce et de l’industrie en offrant des produits et
services au consommateur dans le cadre d’une compétition ouverte.
L’existence d’un marché ouvert et concurrentiel est très lié à la philosophie libérale car
dans une économie dirigée le marché et la concurrence sont très limités. L’économie
mondiale s’est progressivement libéralisée et la mondialisation a réduit les barrières et
accentué les échanges. Dans ce contexte, le libéralisme économique, la création des marchés
et la protection du principe de la libre concurrence occupe une place importante dans les
politiques économiques des Etats.
Le droit de la concurrence correspond à une nouvelle discipline du droit qui fait la
jonction entre le droit pénal, le droit public, le droit des contrats, le droit de la procédure etc.
L’essentiel tient cependant à quelques règles concentrées dans la prohibition de ce que l’on
appelle les pratiques anticoncurrentielles, c’est-à-dire les ententes et les abus de domination
(le droit anti trust en droit anglo-saxon). L’Etat, les consommateurs, les salariés, les
entreprises, les syndicats, les associations, les agriculteurs, les professionnels libéraux etc bref
aucun opérateur économique ne peut se considérer comme hors du champ d’application du
droit de la concurrence. Le droit de la concurrence s’adresse cependant en premier aux
opérateurs, aux décideurs, aux entreprises en vue de réguler leurs comportements sur les
marchés ou de fédérer des règles qui pourraient relever d’autres branches du droit mais qui
sanctionnent certains comportements comme ceux observés en matière de concurrence
déloyale.
Du point de vue juridique donc, le droit de la concurrence est formé de règles, de
techniques, de raisonnements pas différents de ceux utilisés par d’autres branches du droit
mais qui sont parfois déroutants du fait du vocabulaire utilisé. Ainsi, les règles de la
concurrence font l’objet d’une interprétation téléologique c’est-à-dire en fonction du but
poursuivi. Dans la pratique, les autorités de concurrence les utilisent au cas par cas (la
casuistique). Le caractère téléologique de ces règles n’occulte pas leur efficacité. En effet, ces
règles permettent de dissuader certaines entreprises du marché. Elles sont également
opposables aux entreprises d’Etats et aux acheteurs publics. Mais si le marché neutralise
l’Etat en leur avalant de façon dérisoire au statut économique de l’entreprise c’est tout tant lui
reconnaissant certaines spécificités. De fait, le droit de la concurrence ne s’applique pas à
toutes les décisions que prennent les autorités publiques dans l’exercice des prérogatives de
puissance publique.
Traditionnellement, la concurrence est définit comme une confrontation entre
entreprises dont chacune cherche à augmenter sa part de marché, le plus souvent au détriment
des autres. D’après les théories économiques, la libre concurrence stimule les entreprises et
favorise la croissance économique. Elle est ainsi perçue comme un mode de fonctionnement
des marchés. Cette conception économique est basée sur le modèle de concurrence pure et
parfaite qui suppose que chaque opérateur exerce son activité indépendamment du
comportement de ses concurrents sur le marché. Elle traduit également une absence de
situation monopolistique, un libre accès au marché et une transparence de l’information. Cette
théorie de concurrence pure et parfaite n’a qu’une vertu pédagogique. Dans la pratique elle est
irréaliste parce qu’elle ne tient pas compte de certains facteurs économiques. Ce manque de
réalisme ne permet pas de prendre le modèle de concurrence pure et parfaite comme référence
pour l’application des règles de concurrence ce qui justifie le développement des théories
dites de la concurrence imparfaite qui sont axées sur le concept de concurrence praticable et
de concurrence efficace.
La notion de concurrence praticable vise à réceptionner et à adapter le modèle de
concurrence pure et parfaite aux réalités du marché. Selon Clark, on peut conclure à
l’existence d’une concurrence sur le marché même si une certaine imperfection existe au
regard des conditions du modèle de concurrence pure et parfaite. Relativement à la théorie de
concurrence efficace, développée toujours par Clark, elle s’identifie à la concurrence
praticable. Foncièrement, le droit de la concurrence est fondé sur la liberté de commerce et de
l’industrie et les règles de libre circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et
des services.
Les actes contraires à la concurrence sont de deux ordres. Le premier correspond aux
diverses pratiques anticoncurrentielles qui couvrent les ententes, abus de position dominante
et abus de dépendance économique. Le second concerne les actes de concurrence déloyale
notamment la confusion, le parasitisme, le dénigrement et la désorganisation.
Le droit de la concurrence est au cœur du droit économique aussi appelé droit du
marché. Il fait partie des droits de régulation dans la mesure où l’équilibre concurrentiel
nécessite l’intervention des autorités spécialisées ayant pour mission de discipliner le jeu de la
rivalité économique. Le droit de la concurrence poursuit des objectifs multiples et complexes,
il vise surtout la concurrence. Concrètement la protection de la concurrence se traduit par la
surveillance du marché et la garantie de l’application des principes de libre concurrence entre
acteurs économiques. Par ailleurs, le droit de la concurrence tient à protéger les concurrents. Il
proscrit les agissements déloyaux des opérateurs économiques de mauvaise foi. Au Sénégal,
la loi 94-63 du 22 août 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique institue
la commission nationale de la concurrence chargée d’arbitrer le libre jeu de la concurrence.
Cette loi a été modifiée par la loi 2021-25 du 12 avril 2021 sur le prix et la protection de
consommateur mais le cadre juridique et institutionnel de la concurrence est devenu
communautaire car l’UEMOA constitue le marché commun.
En outre, le droit de la concurrence vise à protéger les consommateurs. Le droit de la
concurrence proscrit la publicité trompeuse et limitation ou la copie servie des produits qui
sont des inflations tendant à tromper le consommateur. Pour atteindre ces objectifs, les
autorités de concurrence usent souvent de deux méthodes : la méthode du bilan concurrentiel
et celle du bilan économique. La méthode du bilan concurrentiel consiste à peser les effets
positifs et les effets négatifs d’un comportement sur le marché en vue de conclure à sa nature
pro ou anticoncurrentielle. La méthode du bilan économique prend en considération des
données extra économiques pour analyser le comportement des opérateurs économiques sur le
marché. Ainsi, la protection de l’environnement, la cohésion sociale, la protection de l’emploi
et l’innovation technique peuvent être prises en compte dans l’analyse d’une entente ou d’une
concentration en vue d’établir sa nature pro ou anticoncurrentielle. Cette méthode s’inscrit
dans une logique de concurrence moyenne c’est-à-dire d’une concurrence régulée afin
d’atteindre certains objectifs précis.
En tant qu’instrument stratégique de l’économie, le droit de la concurrence embrasse
tous les marchés mêmes publics qui occupent une place prépondérante dans l’économie des
Etats. Le marché tire sa source du mot latin mercatus qui signifie variablement « salaire » ou
toute chose qui mérite un prix et se rapporte ainsi à une marchandise mais cette définition a
connu beaucoup de transformations. L’assertion marché sert désormais à désigner la vente et
l’achat de ces marchandises. On y voit aussi le lieu où se réalisent les opérations de vente ou
d’achat de ces marchandises. Dans ce cas particuliers on parlera de marché géographique. A
la lecture de l’article 88 du traité institutif de l’UEMOA, on réalise que les Etats signataires
ont fait l’option d’ouvrir le marché commun à une concurrence effective.
Par ailleurs, les instances communautaires ont édicté d’autres normes relatives à la
concurrence afin d’expliciter et renforcer ces dispositions générales du traité. Il s’agit d’une
part des directives relatives à la transparence des relations financières et à la coopération entre
structures de concurrence et d’autre part des règlements relatifs aux aides d’Etats et aux
pratiques anticoncurrentielles. En outre, le principe d’une répartition des compétences entre
l’Union et les Etats membres de l’UEMOA en matière d’encadrement normatif de la
concurrence a été consacré par la Cour de justice de l’UEMOA.

Thème 1 : La liberté de la concurrence

Le droit de la concurrence intéresse ceux qui ont une activité économique. La


concurrence nait donc avec la clientèle à créer ou à conserver. La concurrence apparait
comme le moyen d’atteindre les objectifs économiques et sociaux du marché commun. A cet
effet, la loi 94-63 du 22 août 1994 sur le prix, la concurrence et le contentieux économique
institue au Sénégal la commission nationale de la concurrence chargée d’arbitrer le libre jeu
de la concurrence. Cette disposition réaffirme le principe de la liberté de la concurrence (I)
dont la portée est à relativiser (II).
I/ Le principe de la liberté de la concurrence
La concurrence est libre au Sénégal et au sein de l’UEMOA. Il s’agit d’un principe à
valeur constitutionnelle qui énonce d’autres libertés.
A/ L’énoncé du principe : la liberté d’établissement et la liberté d’exercice
Le domaine du principe ne se limite pas seulement au commerce mais il concerne que
les travailleurs indépendants, les artisans, les professions libérales. Il rejoint le principe de la
liberté de travail pour les salariés. En fait, le principe de la liberté du commerce et de
l’industrie et celui de la liberté de travail constituent des principes généraux de notre droit. Ils
impliquent la liberté de choisir une activité professionnelle. Cependant, au moins pour
l’exercice des activités industrielles et commerciales, cette liberté de choix ne serait pas réelle
si elle ne s’accompagnait de celle de déterminer aussi les modes d’exercice de cette activité.
Chacun peut en principe choisir l’activité professionnelle qu’il entend exercer. Cette liberté
d’exercice que consacre la constitution laisse sous-entendre la liberté de la concurrence.
B/ La constitutionnalisation implicite de la liberté de la concurrence
En 1890, John SHERMAN, sénateur américain, auteur du texte fondateur du droit de
la concurrence présentait son projet comme : « Une déclaration de droits et une charte de la
liberté ». Près d’un siècle plus tard, la Cour suprême des Etats-Unis le décrira comme : « la
magnacarta de la libre entreprise, (29 mars 1972) ». Ce langage emprunté en droit
constitutionnel a de quoi surprendre s’agissant à première vue d’un droit économique et non
d’un droit protecteur des libertés individuelles en témoigne l’absence de constitutionnalisation
explicite d’un principe relatif à la concurrence dans la plupart des Etats dotés d’un droit de la
concurrence. En effet, c’est de façon indirecte que l’article 8 de la constitution du Sénégal
affirme le principe de la liberté de concurrence. L’encrage de la concurrence dans une norme
suprême pouvant être perçue par l’opinion comme une consécration constitutionnelle d’une
politique économique ultralibérale. C’est peut-être pour cette raison que le constituant
sénégalais n’a pas voulu consacrer explicitement ce principe. Il s’y ajoute que les notions de
droit de la concurrence et de libre concurrence loin de constituer un concept uniforme
recouvrent deux versants normatifs de l’économie du marché.
La libre concurrence renvoie aux règles qui garantissent le libre exercice des activités
économiques et qui visent principalement à protéger les concurrents contre les interventions
de l’Etat. Le droit de la concurrence quant à lui vise à garantir que la liberté qui découle de
ses premières règles est préservée de ses propres excès. Selon le postulat que la concurrence
est livrée à elle-même porte en elle-même sa propre destruction. A y regarder de plus près, ce
droit de la concurrence est tout autant protecteur des libertés que le droit de la libre
concurrence. En effet, dans une économie libre, une entreprise peut acquérir un monopole et
grâce à cette position de force à la fois exploiter ses clients et éliminer ses concurrents
potentiels. Faute d’y parvenir, une entreprise peut aussi s’allier à ses concurrents pour
constituer un cartel dont tous les membres agiront de la même façon ce qui revient à créer un
monopole à plusieurs. Dans ces deux cas il y a bien création de règles privées qui portent
atteintes aux droits des tiers. Le droit de la concurrence contient deux normes visant à
empêcher ces dérives. L’une interdit d’abuser d’une position dominante et l’autre de
s’entendre entre entreprises pour porter atteinte à la concurrence.
La nature constitutionnelle du principe de la libre concurrence est clairement affirmée
dans le traité de l’UEMOA en ses articles 88 et suivants. En effet, le traité procède à une
constitutionnalisation complète du droit communautaire de la concurrence. Formellement,
l’interdiction des ententes et des abus de position dominante est inscrite dans la norme
suprême de l’ordre juridique de l’Union. D’un point de vue matériel, le traité de l’UEMOA
contient des règles de compétence pour l’édiction et l’application du droit communautaire du
droit de la concurrence. Ainsi, l’Union dispose d’une compétence exclusive dans
l’établissement des règles de concurrence et également prévue la compétence de la
commission de l’UEMOA et des Etats membres pour la mise en œuvre de ces règles. Par
ailleurs, si les règles matérielles de concurrence contenues dans le traité ne peuvent être
considérées comme des droits fondamentaux au sens strict, on peut cependant considérer que
les dispositions qui interdisent les ententes et les abus de position dominante confèrent des
droits aux particuliers que les Etats membres ont l’obligation de sauvegarder.
II/ La portée limitée du principe de la libre concurrence
On ne peut laisser faire et laisser aller car la vie en société exige un minimum de
contrainte ce qui fait que la concurrence est règlementée malgré le libéralisme économique. Il
existe en effet deux sortes de limites : l’une légale et l’autre conventionnelle.
A/ Les limites légales
Elles sont relatives à l’intérêt général et à l’intérêt des particuliers. Ces limites sont
apportées soit à la liberté d’établissement soit à la liberté d’exercice. Pour ce qui est de la
liberté d’établissement, il faut remplir certaines conditions de capacité, de nationalité ou de
moralité. Pour ce qui est des limites apportées à la liberté d’exercice, il y a la police des
activités économiques et cette police est confiée soit aux professionnels eux-mêmes dans les
ordres professionnels soit aux autorités administratives par le biais de la police du lieu
d’exercice. Il y a aussi la répartition des périmètres des pharmacies ainsi que la police des
objets lorsqu’il s’agit des choses hors du commerce. L’intérêt des particuliers peut justifier la
limitation de la liberté de la concurrence. Cela se traduit par la reconnaissance à certaines
personnes des monopoles de droit parce qu’elles ont pu innover soit dans le domaine
technique et industriel soit dans le domaine des arts et lettres ce qui explique le
développement des législations sur les brevets, les dessins et modèles, les marques qui sont
protégés par l’action en contrefaçon. A côté de ces limites légales, existent des limites
conventionnelles.
B/ Les limites conventionnelles
Il s’agit de l’engagement de non-concurrence car la liberté de commerce et de
l’industrie s’imposent également à la volonté individuelle en ce sens qu’aucune personne ne
saurait renoncer à toute activité professionnelle. L’engagement de non-concurrence est définit
comme l’obligation contractuelle de ne pas exercer une activité professionnelle déterminée.
Cet engagement heurte le principe de la liberté de commerce et de l’industrie et pourtant
certains contrats donnent ipso facto naissance à une obligation de non-concurrence. On parle
alors d’obligation contractuelle d’origine légale. On retrouve cette obligation implicite incluse
dans tous les contrats transférant la propriété ou la jouissance d’un fonds de commerce. C’est
le cas également de l’engagement implicite de l’associé de ne pas exercer une activité
concurrente de celle de la société pendant sa participation à la société. La clause de non-
concurrence est l’une des stipulations expresses d’un contrat par lequel l’une des parties au
contrat s’interdit d’exercer une activité professionnelle déterminée. C’est le cas en droit du
travail.
Thème 2 : La concurrence déloyale
Le droit de la concurrence déloyale est une branche des règles les relations d’affaires.
Au Sénégal, c’est l’article 23 alinéa premier de la loi 94-63 que l’on retrouve le fondement
légal de l’interdiction de la concurrence déloyale. Ce texte dispose : « Il est fait obligation à
tout opérateur économique de respecter les règles du libre jeu de la concurrence afin que
celle-ci soit saine et loyale ». Résultant d’un exercice fautif de la concurrence, l’action en
concurrence déloyale a toujours été attachée à la théorie générale de la responsabilité civile
qui nécessite la réunion d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de cause à effet entre la faute
et le préjudice. Toute personne peut dans un système d’économie de marché proposer des
biens et des services comme beau lui semble. Par conséquent, le détournement de la clientèle
d’autrui est valable et répond aux objectifs du principe de liberté de commerce et de
l’industrie. Personne ne dispose d’un droit privatif sur sa clientèle. En revanche cette liberté
trouve sa limite dans les droits d’autrui de sorte qu’un opérateur économique ne serait se
comporter déloyalement et de façon contraire aux usages de commerce et aux lois intéressant
l’activité commerciale. De même, la liberté de concurrence emporte la liberté des prix. La
fixation des prix est en principe liée et nul ne saurait se voir reprocher de vendre plus ou
moins chère que l’autre.
Il existe plusieurs fondements au droit de la concurrence déloyale. Ce droit répond à
une logique justiciariste dans un souci de moralisation des relations d’affaires. Il répond
également à une logique intsrumentaliste en ce sens que le mécanisme de la concurrence
déloyale aboutisse à la réservation de certaines informations comme certains signes
distinctifs. Enfin, une logique sanctionnatrice dans la mesure où les actions en concurrence
déloyale servent parfois à obtenir des dommages et intérêts ou la cessation d’un
comportement. De façon générale, l’action en concurrence déloyale est indépendante de la
situation de concurrence entre les parties. Autrement dit, l’existence d’une clientèle commune
aux parties à l’action en concurrence déloyale n’est pas une condition de recevabilité de
l’action. Il n’est pas utile non plus que les parties à l’action en concurrence déloyale aient
toutes deux la qualité de commerçant. Le droit de la déloyauté commerciale ne se confond pas
avec le droit de la propriété intellectuelle. En effet, l’action en contrefaçon et l’action en
concurrence déloyale sont deux actions distinctes dans la mesure où elles ont des objets
différents. En raison, du principe de généralité de la faute, le droit de la concurrence déloyale
est assujetti à une analyse au cas par cas. Ainsi, identifier l’acte de déloyauté pourra alors etre
traitée.
I/ L’identification de l’acte de déloyauté
On ne peut parler de concurrence déloyale s’il n’existe pas un fait ou acte fautif ayant
entraîné un préjudice.
A/ Une faute : un acte de déloyauté
Une faute dans le mécanisme de concurrence déloyale est un acte contraire aux lois et
règlements ou aux usages du commerce. Il convient alors à la victime de démontrer
l’existence de cette faute. La concurrence déloyale ne repose pas sur une présomption de
responsabilité peu importe donc l’existence ou non d’une intention fautive et peu importe
aussi la bonne ou mauvaise foi de l’auteur de l’acte fautif. Il existe plusieurs modèles de
déloyauté.
1/ Désorganisation de l’entreprise rivale
La désorganisation du marché est une notion fugace. Il peut s’agir de comportement
résultant assez banalement de prix très bas. Il peut aussi s’agir d’activités para commerciales.
Deux formes préférentielles de concurrence déloyale de désorganisation de l’entreprise
s’affirment : le débauchage du salarié d’un concurrent et la création d’une entreprise
concurrente par un ancien salarié auxquels s’ajoutent d’autres formes de désorganisation. Il
peut s’agir de toute une série de comportements déloyaux relatifs à des droits de propriété
incorporelle : le dépôt d’un brevet ou d’une marque ou d’un nom de domaine pour fausser un
marché, le détournement de fichiers, la suppression de fichiers, le détournement de
commandes, des pratiques de prix ou de marques d’appel qui consiste à vendre à bas prix des
produits de marque généralement connue ou attirante et en petit nombre afin d’attirer la
clientèle et de l’orienter vers d’autres produits similaires ou concurrents pas nécessairement
moins chère sur lesquels le vendeur réalise une marge plus importante. Le titulaire de la
marque se plaint alors fréquemment de la dévalorisation de sa marque.
2/ Le dénigrement
Il consiste en des comportements déloyaux par lesquels un opérateur lance des
informations erronées ou exagérées sur une entreprise, ses employés, ses produits ou services,
sa solvabilité, sa sécurité, ses actionnaires ou dirigeants. Le dénigrement fautif suppose la
réunion de plusieurs conditions :
- Une cible dénigrée : cela suppose que la personne ou l’entreprise dénigrée soit
aisément identifiable qu’elle soit distinctement désignée ou non ;
- Un auteur dénigrant ;
- Un dénigrement : il repose sur le caractère malveillant de l’information véhiculée.
On distingue naturellement le dénigrement de la critique dans la mesure où le droit
à la libre critique est une liberté fondamentale. Il reste que la critique elle-même
doit s’exercer sans abus : la critique s’exerce de façon modérée, objective, neutre
de sorte que le fait de s’écarter de ces standards constitue une faute ;
- La diffusion du message dénigrant : l’information doit être diffusée, portée à la
connaissance du public. La diffusion confidentielle d’une information dénigrante
n’est pas constitutive de déloyauté.

3/ La confusion
Un produit, un service est généralement associé à un service. Inversement, la règlementation
en matière de sécurité des produits impose aux entreprises d’individualiser leurs productions.
Le droit des marques, des signes distinctifs assure le lien juridique entre une entreprise et ses
produits via la publicité. Dans ces conditions il serait déloyal pour un opérateur d’user de
pratiques destinées à entraîner une confusion dans l’esprit des utilisateurs. La confusion se
distincte des techniques du droit de la propriété intellectuelle notamment de la contrefaçon. Il
n’est pas nécessaire pour engager une concurrence déloyale qu’il y ait copie des produits d’un
concurrent. Inversement, l’imitation n’est pas suffisante pour constituer une déloyauté par
confusion car comme la contrefaçon, la confusion s’apprécie par les ressemblances et non par
les différences. Il existe plusieurs formes de confusion. Il peut s’agir de toute sorte de
méthodes ou pratiques de nature à créer une confusion.
La confusion se réalise souvent par imitation de signes de ralliement de la clientèle. Il peut
s’agir d’une confusion portant sur les produits ou services à travers les étiquettes, les
emballages, la présentation générale de produit, la copie des tarifs d’un concurrent ou se
placer à un niveau de prix systématiquement inférieur.
4/ Le parasitisme
Aussi appelé parasitage ou parasitisme économique, il consiste à s’appuyer sur les efforts
d’autrui en se plaçant dans le sillage de celui-ci. Le parasite est un suiveur qui profite des
investissements publicitaires de recherche, financiers ou commerciaux du parasité. Ce
parasitisme est une déloyauté qui peut consister en des actes de concurrence parasitaire ou en
des agissements parasitaires. Le parasitisme est toujours une imitation, une copie, un emprunt
soit d’un produit, soit d’une ambiance ou d’un prix.
B/ le préjudice né de la faute
Les difficultés ou insuffisances dans la démonstration du préjudice et sinon de son existence
du moins de son montant ont fait l’objet de diverses remarques. Il s’agit d’abord de mesurer la
nature du préjudice. Est-ce un préjudice matériel et dans ce cas un dommage subi ou un
manque à gagner ? Est-ce une perte de clientèle ? Est-ce une perte de capacité
concurrentielle ? S’agit-il véritablement de réparer quelque chose aux fins d’obtenir une
indemnisation ou bien de parer à un dommage éventuel ? Les actions en concurrence déloyale
sont ainsi l’occasion de vérifier la notion de préjudice qui peut aussi être la dérive de la
clientèle ou la banalisation d’un signe.
L’acte de concurrence déloyale consiste au premier degré en l’emploi de moyens rattachant et
obtenant au second degré un véritable détournement d’investissements. Le parasité par
exemple perdant au profit du parasite certains retours d’investissements légitimement
attendus. Cependant, un tel préjudice patrimonial n’est pas aisé à identifier. Ce préjudice est
communément appelé dérive de clientèle.
Au dommage matériel il faut associer le dommage moral caractérisé par une certaine
banalisation de l’image sur un marché. Lorsqu’on observe les résultats d’une compétition
commerciale, il est difficile d’imputer ces résultats à une cause unique principalement
lorsqu’il s’agit de compétition destiné à impressionner le schisme de la clientèle. Souvent en
effet la causalité est présumée.
II/ Le traitement de l’acte de déloyauté
A/ L’action en concurrence déloyale
L’action en réparation débouche sur la location de dommages et intérêts à hauteur des
préjudices soufferts et démontrés. Lorsque le juge tient pour faute dommageable un
comportement continu qui ne s’est pas épuisé dans le passé et se perpétue jusqu’au jour de sa
décision, il impose une injonction en cessation immédiate assortie d’astreinte. Lorsque le
trouble est manifestement illicite, la procédure de référé peut être utilisée.
B/ Les sanctions de l’acte déloyal
Les dommages et intérêts et la cessation du comportement fautif avec possibilité d’injonction
de faire cesser ledit agissement, la publication de la décision de condamnation.

Thème 3 : Les pratiques restrictives de concurrence


Ces pratiques ont essentiellement pour objet d’assurer la protection de certains
opérateurs sur le marché au stade de la formation, de l’exécution ou de l’extinction des
contrats. La protection des opérateurs dans la phase d’extinction du contrat se fait par
l’engagement de non-concurrence. La clause de non-concurrence est la convention par
laquelle une personne s’oblige à ne pas exercer une activité qui puisse faire concurrence au
créancier. Les clauses de ce genre sont très fréquentes dans le contrat de travail, dans les
contrats de distribution, dans les relations médicales, les cessions ou locations de fonds de
commerce, les baux à usage professionnel. Il s’agit pour le créancier de non-concurrence de
préserver sa position concurrentielle, de conserver sa clientèle ou bien de permettre à un
cessionnaire d’entreprises de consolider son acquisition en évitant que le cédant ne récupère la
clientèle cédée. Si le principe de liberté contractuelle accueille en principe favorablement ces
clauses, elles peuvent cependant être suspectes dans la mesure où elles peuvent porter atteinte
à des droits fondamentaux comme la liberté du travail, la liberté d’entreprendre.
I/ Une interdiction protectrice des conditions de formation du contrat
Deux règles sont principalement évoquées. Celle relative au refus de contracter et celle
intéressant la transparence contractuelle et tarifaire.
A/ Le refus de contracter
On l’appelle aussi généralement le refus de vente mais on vise aussi le refus de
prestation de service. Si l’article 42 du COCC prévoit que les parties sont libres de contracter
ou de ne pas contracter et d’adopter toute clause et modalités, les lois de 1994 et de 2021
posent une dérogation à ce principe en sanctionnant le refus de vente. L’article 26 de loi 94-63
en son alinéa premier interdit à tout producteur commerçant, industriel isolé ou en groupe de
refuser de satisfaire aux demandes des acheteurs leurs produits ou aux demandes de prestation
de service lorsque celle-ci ne présente aucun caractère anormal, lorsqu’elle émane de
demandeurs présentant la garantie technique, commerciale ou de solvabilité nécessaire et que
la vente de produits n’est pas interdite pas les lois et règlements en vigueur. Dans le même
sens, l’article 68 de la loi 2021-25 interdit le refus de vente à un consommateur ou une
prestation de service lorsque cette demande ne présente aucun caractère anormal. A la lecture
de ces dispositions, nous pouvons déceler la catégorie de personnes concernées par
l’interdiction.
Interdit par principe, le refus de vente peut être justifié par le caractère anormal de la
demande, la mauvaise foi du demandeur ou encore par la réalisation des conditions de vente.
En effet, l’interdiction du refus de vente aussi appelé refus de contracter est soumise à des
conditions relatives, d’une part, au caractère de la demande, aux qualités de l’acquéreur ou du
bénéficiaire de la prestation et, d’autre part, à l’objet du contrat ou de l’obligation puisque la
demande ne doit pas être anormale. On dit qu’une demande est anormale lorsqu’elle est
contraire aux normes.
B/ La transparence contractuelle et tarifaire
Elle est constituée des règles relatives à la facturation (art. 12 à 14 loi 2021-25), à la
revente (art.70 loi 2021-25), aux conditions générales au délai de paiement et à la
discrimination (art.75 loi 2021-25). L’article 28 de la loi 94-63 tout comme l’article 75 de la
loi 2021-25 prohibant les discriminations permettent de poser le principe selon lequel les
différenciations contractuelles abusives sont poursuivies principalement dans les relations
entre fournisseurs et distributeurs si elles sont principalement constituées de discriminations
tarifaires, de l’octroi de réduction de prix, de rabais, ristourne, remise, escompte. Si la liberté
contractuelle implique pour toute entreprise le droit de négocier avec ses partenaires
économiques les conditions particulières et différentes de celles de ses concurrents, le risque
existe qu’elles exercent une pression pour obtenir des avantages qualifiés de discriminatoires.
La discrimination est une différence de traitement entre deux partenaires économiques. Il peut
s’agir de traiter différemment deux partenaires qui se présentent de façon identique. En effet,
ce qui est interdit ce n’est pas que le producteur commerçant ou industriel traite différemment
ses partenaires mais ce qui est contestable c’est opéré une discrimination entre partenaires
présentant les mêmes caractéristiques.
Les pratiques discriminatoires interdites sont celles qui ne sont pas justifiées par des
différences de prix de revient, de la fourniture ou du service. Autrement dit, la discrimination
peut porter sur n’importe quelle condition ou modalité de la rédaction contractuelle. A côté
des pratiques discriminatoires interdites, il y a celles qui sont justifiées parce qu’elles figurent
dans les conditions générales de vente. Par condition générale de vente il faut entendre les
délais d’exécution des commandes, les modalités de livraison et de transport, les conditions de
règlement. Quant à la remise, c’est une réduction sur le prix accordée à certains clients.
Dans le droit de la concurrence sénégalais, il est fait obligation aux opérateurs
économiques d’avoir une attitude loyale vis-à-vis des clients notamment par une
communication correcte des conditions de vente mais aussi et surtout une bonne information
sur les prix pratiqués (art. 32 loi 94-63). Cette obligation d’information tend à assurer l’égalité
entre les partenaires. Toutefois, en imposant la publicité des conditions générales de vente
tout tant conservant une place pour le secret des affaires. Les articles 34, 35, 40, 46, 47 et 48
de la loi 94-63 sanctionne pénalement les pratiques restrictives de concurrence. De même, des
sanctions civiles sont susceptibles d’être prononcées.
II/ Une interdiction protectrice des suites des opérations économiques
Durant l’exécution du contrat, on peut repérer diverses pratiques discriminatoires qui
ne sont pas seulement identifiées au moment de la négociation du contrat : la revente à perte
et les pratiques des prix imposés.

A/ La revente à perte
Le droit de la concurrence est constitué de l’ensemble des règles destinées à contrôler
la concurrence. L’idée est que la concurrence ne peut s’exercer sans règles de jeu, sans
normes de comportement dans le cadre d’une économie de marché. En effet, dans une
économie libre, une entreprise peut acquérir un monopole grâce à cette position de force à la
fois exploité ses clients et éliminé ses concurrents potentiels. C’est pour cette raison que l’on
interdit la pratique de la revente à perte. Constitue une revente à perte le fait de revendre en
l’état un bien à un prix inférieur à son prix d’achat effectif. Tout repose donc sur une série de
comparaisons, celle du prix de revente et du prix d’achat effectif qui est désormais le prix
porté sur la facture.
La revente à perte présente divers inconvénients. Tout d’abord, elle trouble les
relations commerciales car conduit un distributeur à pratiquer un prix non conforme aux
usages de commerce ou se doter d’une image qui n’est pas toujours méritée d’enseigne à
marge réduite. Ensuite, elle désorganise le réseau de distribution du fournisseur. Enfin, la
revente à perte peut conduire à banaliser une marque notoire.
La revente à perte n’est pas envisageable dans le cadre de produits périssables ou de
vente volontaire ou forcée motivée par la cessation ou le changement d’une activité
commerciale etc.
B/ Les prix imposés
La liberté de concurrence signifie que toute personne est libre d’exercer une activité
économique sous réserve de respecter les exigences du statut de commerçant ou plus
généralement les lois de police économiques. Dans cette logique, l’article 4 de la loi de 2021-
25 édicte le principe de la libre détermination des prix. Mais quelques fois l’Etat peut
intervenir pour fixer de façon discrétionnaire (prix de référence) ou homologuer les prix.
C’est dans ce sens que l’article 42 de la loi 94-63 dispose que lorsque les circonstances
l’exigent ou des raisons économiques et sociales, certains biens produits ou services peuvent
faire l’objet de fixation de prix par voie législative ou règlementaire. En effet, même si le
principe est la libre détermination des prix, cette liberté est encadrée. Il en est ainsi des
mesures temporaires contre les hausses excessives motivées par une situation de calamité ou
de crise, par des circonstances exceptionnelles ou par une situation du marché manifestement
anormale dans un secteur déterminé.
Ainsi, en droit positif, les prix minimum imposés sont interdits (art. 74 loi 2021-25).
Le prix imposé est une garantie d’une qualité minimale de service et peut contribuer à
l’amélioration du réseau.
Thème 4 : Les ententes anticoncurrentielles
Les règles assurant la protection du marché sont constituées des règles les plus
importantes, celles interdisant les ententes, les abus de domination, les concentrations. Le
traité de l’UEMOA se limite pour l’essentiel à indiquer en son article 88 alinéa A que les
accords, associations et les pratiques concertées entre entreprises sont interdits de plein droit
lorsque ceux-ci ont pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la
concurrence à l’intérieur de l’Union. Il revient au conseil des ministres d’arrêter les sanctions
et les exceptions applicables à cette interdiction. L’objectif est donc de poser le principe
d’interdiction des ententes puisque l’entente est définit comme un concours de volontés entre
entreprises autonomes ayant pour but, pour objet ou pour effet de fausser ou d’entraver le jeu
de la concurrence. S’il existe des ententes interdites, d’autres ententes peuvent être autorisées
ou exemptées conformément à l’article 89 paragraphe 3 du traité de l’UEMOA. Mais c’est
surtout le règlement no02/2002/CM/UEMOA qui précise le contenu de ces dispositions.
L’article 3 dudit règlement dispose que sont incompatibles avec le marché commun et
interdits tous accords entre entreprises, décisions d’associations d’entreprises et pratiques
concertées entre entreprises ayant pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la
concurrence à l’intérieur de l’Union et notamment ceux qui consistent en des accords limitant
l’accès au marché ou libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises.
L’exemption est une procédure par laquelle la commission reconnaît explicitement que
l’accord considéré comme restrictif peut néanmoins être autorisé compte tenu du contexte et
du caractère nécessaire de l’accord malgré les restrictions qu’il entraîne.
I/ L’interdiction de principe des ententes concurrentielles
A/ Les éléments constitutifs de l’entente
Ceux-ci sont déterminés par l’article 3 du règlement no02/2002 ou par l’article 88
paragraphe A du traité et impose la démonstration d’une action concertée par une pluralité de
parties c’est-à-dire d’entités économiques agissant de manière indépendante.
1/ Les parties à l’entente
L’interdiction des ententes s’adresse principalement aux acteurs du marché : les
entreprises. Dans le cadre de l’UEMOA, le législateur donne une définition légale de la notion
d’entreprise au sens du droit de la concurrence. Il définit l’entreprise comme une organisation
unitaire d’éléments personnels matériels et immatériels exerçant une activité économique à
titre onéreux de manière durable indépendamment de son statut juridique public ou privé, de
son mode de financement et jouissant d’une autonomie de décision et le législateur de
poursuivre en disant que « les entreprises peuvent être des personnes physiques, des sociétés
civiles ou commerciales ou encore des entités juridiques ne revêtant pas la forme d’une
société. Un certain nombre d’éléments transparaissent de cette définition de la notion
d’entreprise :
- Le législateur a adopté une approche fonctionnelle de la notion qui permet de
prendre en compte toute forme d’organisations juridiques qui exercent une activité
économique indépendamment de son statut juridique ;
- Le statut juridique public ou privé n’est pas un élément pertinent dans la définition
de la notion d’entreprise. En effet, une entreprise publique qui exerce des activités
commerciales voit ses actions appréhendées par le droit de la concurrence ;
- Il est important de faire la distinction entre les activités commerciales et les
activités non commerciales exercées par une entité publique et qui ne sont pas
soumises au droit de la concurrence ;
- L’autonomie de décision est également un critère important dans l’appréciation de
la notion d’entreprise au sens du droit de la concurrence. L’entreprise, au sens du
droit de la concurrence, doit jouir d’une autonomie de décision dans ses activités
commerciales.
L’interdiction des ententes vaut également lorsqu’elles sont réalisées par l’intermédiaire direct
ou indirect d’une société du groupe implantée hors du territoire. La filiale d’un groupe
étranger est donc traitée comme si elle était indépendante de sa société mère étrangère. En
tant que groupes, la prohibition des ententes anticoncurrentielles revêtent une difficulté
particulière s’agissant de la détermination des parties à travers ce que l’on appelle les ententes
de groupe c’est-à-dire au sein d’un groupe de sociétés. De façon générale le droit de la
concurrence exclut les ententes réalisées entre les parties sans indépendance. L’article 3 est
muet sur la qualité des auteurs d’une entente de sorte que rien ne s’opposerait à condamner
une entité dénuée de personnalité morale (par exemple un comptoir, un établissement). Dans
le cadre des accords de représentation leur représentant n’agit pas de façon indépendante, il
agit en son nom mais pour le compte d’autrui ou au nom et pour le compte d’autrui. L’article
88 du traité exclut de telles entités.
2/ L’identification des ententes
L’accord anticoncurrentiel est la forme la plus explicite d’une entente. Il résulte d’un
concours de volonté entre concurrents avec comme intention de porter atteinte à la
concurrence. Il peut s’agir des accords verbaux ou tacites sous forme de gentlemens
aggrements. Donc peu importe en droit de la concurrence la forme de l’accord. Le
comportement en question doit être réel en ce sens que l’accord doit refléter l’adhésion de
l’action concertée.
Il peut s’agir d’une décision d’associations d’entreprises c’est-à-dire des délibérations
d’associations professionnelles ayant pour but ou pour effet d’affecter le libre jeu de la
concurrence. La notion de décision d’associations d’entreprise est interprétée de manière
large. Il peut s’agir des circulaires, des recommandations, d’échanges d’informations.
Il peut également s’agir des pratiques concertées. La difficulté ici repose essentiellement sur
la preuve d’une entente en cas de parallélisme de comportement. Par exemple, les entreprises
A, B et C sont les trois principales cimenteries au Sénégal et détiennent ensemble 90% des
parts de marché du marché du ciment au Sénégal. A, B et C augmentent leurs prix à la tonne
de 10% en l’espace de quelques jours d’intervalle alors que le prix du ciment dans les
marchés mondiaux et dans la sous-région n’a augmenté que de 5%. Est-ce que l’augmentation
du prix à la tonne de 10% peut être qualifiée de pratique concertée ou s’agit-il d’une
augmentation résultant d’un comportement parallèle du fait du caractère oligopolistique du
marché ?
B/ Les différentes formes d’ententes
Certaines ententes peuvent être expresses ou structurées, d’autres sont tacites ou non
structurées.
1/ Les types structurés d’ententes
La plupart des ententes reposent en effet sur un contrat ou sur des structures
sociétaires. On fait une distinction en droit de la concurrence entre les restrictions verticales et
les restrictions horizontales peu importe cependant la nature du support de l’entente.
On appelle restriction horizontale de concurrence les restrictions qui se situent à des
niveaux économiques identiques : entente entre producteurs, entre distributeurs ce sont les
formes originels des ententes, des coalisions, des cartels. Aux termes du règlement UEMOA,
il s’agit des accords conclus à un même niveau de production ou de distribution. Les accords
horizontaux incluent notamment les accords portant sur les échanges d’information, la
répartition des marchés, l’exploitation en commun d’une activité et toute autre forme
d’entente entre opérateurs du même niveau de production ou de distribution.
On appelle restriction verticale de concurrence, les restrictions qui intéressent au
contraire des niveaux économiques différents : un producteur et un grossiste, un producteur et
un distributeur. Ce sont des formes nouvellement envisagées par le droit de la concurrence. Il
s’agit des accords conclus entre deux ou plusieurs entreprises dont chacune opère aux fins de
l’accord à un niveau différent de la chaine de production ou de distribution et qui concerne les
conditions dans lesquelles les parties à l’accord peuvent acquérir, vendre ou revendre certains
biens ou services. Les accords horizontaux sont considérés comme plus restrictifs de
concurrence que les accords verticaux. Le législateur UEMOA en tire des conséquences lors
de l’octroi des exemptions. La nature du support contractuel de l’entente est indifférente. Il
peut s’agir d’un contrat considéré comme constituant une entente ou d’une clause d’un
contrat, comme une clause d’une convention collective. Il peut s’agir aussi d’une structure
existante comme une organisation professionnelle, une association, une coopérative, un GIE.
Il peut également s’agir d’une structure nouvelle créée pour l’occasion.
2/ Les types non structurés d’ententes
Toutes les ententes ne sont pas juridiquement structurées. Nombreuses sont celles qui
s’analysent en des simples pratiques concertées. Ces comportements procèdent d’un
alignement réciproque des opérateurs en cause sur un marché à une ligne d’actions uniformes
et convenues même tacitement. L’interdiction vise à appréhender des formes d’accords
beaucoup plus subtiles, moins formelles et moins intenses.
3/ La sanction des ententes prohibées
La nullité sanctionne les pratiques anticoncurrentielles. Il s’agit d’une nullité de plein
droit. La pratique anticoncurrentielle porte en elle-même les germes de sa propre sanction
qu’est la nullité. En effet, une pratique anticoncurrentielle est juridiquement inexistante. Bien
qu’étant de plein droit, la nullité d’une pratique anticoncurrentielle ne produit d’effets que
lorsqu’elle est constatée par les autorités de concurrence. A cet effet, l’article 2
no02/2002/CM/UEMOA dispose : « par application des dispositions de l’article 88 du traité de
l’UEMOA, constituent des pratiques anticoncurrentielles les ententes, les abus de position
dominante, les aides d’Etats ». Ces pratiques sont interdites sans qu’une décision préalable ne
soit nécessaire lorsqu’elles ont été mises en œuvre au moins un an après l’entrée en vigueur
du traité. La nullité neutralise les effets juridiques de l’entente ou de l’abus de position
dominante tant entre les participants à la pratique qu’à l’égard des tiers.
II/ L’admission exceptionnelle de certaines ententes
Sous certaines conditions, le législateur UEMOA reconnaît ou encourage certaines
ententes du fait de l’effet positif qu’elles peuvent avoir sur le marché. Les exceptions aux
ententes sont prévues par l’article 89 du traité et par le règlement no02/2002/CM/UEMOA. La
réserve d’autorisation qui permet de valider certaines ententes du fait de leurs effets positifs
sur le marché est courante en droit de la concurrence.
A/ Les exemptions
1/ Les conditions positives des exemptions
Pour être admissibles, les ententes susceptibles d’être exemptées doivent contribuer à
l’amélioration de la production, de la distribution ou contribuer au progrès technique ou
économique tout tant réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte.
Deux éléments ressortent de cette exigence. Il faut d’une part que l’accord en question
engendre une certaine efficience économique en termes d’améliorations de la production ou
de la distribution. Le progrès technique en termes d’innovation et de création en produits et
services nouveaux au bénéfice des consommateurs. D’autre part, pour être admissible, il faut
que l’accord en question bénéficie au consommateur final.
2/ Les conditions négatives des exemptions
Les restrictions de concurrence motivées par des objectifs économiques ne doivent pas
aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour les atteindre. C’est pourquoi que le
législateur précise qu’elles ne doivent pas imposer aux entreprises intéressées des restrictions
qui ne sont pas indispensables pour atteindre ses objectifs et ne doivent pas conduire à
l’élimination de la concurrence dans une part substantielle du marché en cause. L’octroi d’une
exemption requiert le respect d’une procédure. D’abord, il faut préciser si l’accord en question
de par son objet ou ses effets est susceptible de fausser le libre jeu de concurrence dans
l’Union. L’exemption est octroyée sur requête des entreprises concertées par la commission
de l’UEMOA qui a une compétence exclusive en la matière. L’entreprise qui estime qu’elle
peut bénéficier d’une exemption doit notifier l’accord à la commission qui doit apprécier si
les conditions de l’exemption sont remplies.
B/ Les exceptions
1/ Les accords de coopération technique
Sont exclus du champ d’application de l’article 88 du traité divers accords qui auraient
pu constituer des ententes horizontales dès lors qu’elles ont pour objet une coopération
technique commerciale ou administrative mais la question recoupe celle des accords de
transfert de technologies, des accords de recherche et de développement en commun.
2/ La règle de raison
Il s’agit de considérer que certaines ententes, pourtant restrictives de concurrence,
échappent au contrôle par l’application des règles de raison. Il s’agit de mettre en balance les
effets restrictifs et les effets bénéfiques de l’accord pour la concurrence sans recourir aux
critères de l’établissement d’un bilan économique. Ainsi, ne seront condamnées que les
ententes déraisonnables.
Thème 5 : Les abus de domination
La libre concurrence est un outil indispensable et même incontournable pour le
fonctionnement des économies surtout dans le système de libéralisme. Pourtant, il y a des
pratiques qui tendent à fausser le jeu de la concurrence, en l’occurrence les abus de
domination. Les articles 88, 89 et 90 du traité envisagent deux pratiques : d’une part, les abus
de position dominante et les abus de dépendance économique, d’autre part.
Les abus de position dominante sont initiés individuellement par une entreprise qui
bénéficie d’un pouvoir de marché. On les appelle également les pratiques unilatérales.
L’entreprise qui a un pouvoir de marché peut en abuser en initiant des pratiques de nature à
fausser la concurrence dans le marché. Cependant, le simple fait d’avoir un pouvoir de
marché, d’être dominant dans un marché donné n’est pas répréhensible. Le droit de la
concurrence ne condamne que l’abus d’une situation de position dominante. L’entreprise qui
détient une position dominante sur le marché n’est pas en infraction. C’est son exploitation
abusive qui est sanctionnée. Ainsi, est incompatible avec le marché commun et interdit le fait
pour une entreprise ou groupes d’entreprises d’exploiter de façon abusive une position
dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci.
I/ une manifestation plurielle des abus de domination
Pour qu’il y ait abus de domination pouvant porter atteinte à la liberté de concurrence
il faut la réunion d’un certain nombre d’éléments : l’existence d’une situation de domination
et l’exploitation abusive de cette situation. Ces abus se manifestent différemment selon qu’on
l’envisage par rapport au marché ou par rapport au distributeur.
A/ L’existence d’une position sur le marché
La position dominante est le fait de détenir une position sur un marché tel que celui
qu’il occupe peut se permettre de ne pas se soucier des contraintes du marché et peut, tout au
contraire, obliger ses concurrents à s’aligner sur lui. La position dominante est une situation
de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle
au maintien d’une concurrence effective sur le marché. C’est donc un pouvoir d’action, un
pouvoir de marché par une influence sur ses concurrents et en même temps une force d’inertie
car l’entreprise en position dominante échappe à l’influence de ses concurrents. Plus une
entreprise est en position dominante et plus elle peut obtenir un comportement indépendant,
augmenter ses prix sans craindre la baisse de ses parts du marché par exemple.
1/ La caractéristique de la position dominante
3 éléments doivent être rassemblés : un constat qu’une entreprise ou groupe
d’entreprises ait sur un marché pertinent une situation de domination. Il doit donc s’agir d’une
entreprise personne privée ou publique ou d’un groupe d’entreprises non liées entre elles : on
parle alors de position dominante collective. La position dominante peut être constituée sans
qu’une entente en soit l’origine : on parle alors de marché oligopolistique. L’oligopole étant
définit comme la présence d’un petit nombre d’offreurs sur un marché. La notion d’un marché
désigne en premier le lieu le marché d’un Etat, d’un Etat membre. Elle désigne surtout et de
façon particulière le marché en cause ou une situation donnée. Il s’agit donc de l’endroit où la
demande et l’offre se rencontrent dans une situation concurrentielle donnée ce marché doit
être pertinent c’est-à-dire le bon marché celui sur lequel se rencontrent effectivement l’offre et
la demande. Le marché pertinent permettant d’analyser la position économique d’une
entreprise et celui sur lequel on constate qu’il n’existe pas de produits ou de services
substituables à ceux de l’entreprise dont la position économique est soupçonnée.
Le marché pertinent est déterminé en considérant le marché de produits et le marché
géographique. La substituabilité ou l’interchangeabilité des produits et services en cause est
très importante dans la détermination du marché du produit en cause. Un certain nombre de
facteurs sont pris en compte ou déterminés si deux produits ou services appartiennent au
même marché : le degré de similitude physique entre les produits et les services en question,
les écarts de prix entre deux produits, le coup occasionné entre le passage d’un produit à un
autre s’il s’agit de deux produits potentiellement concurrents. Si par exemple, suite à une
augmentation du prix du café, les consommateurs se tournent vers le thé, on peut considérer
que le café et le thé sont substituables ou interchangeables pour le consommateur et de ce fait
appartiennent au même marché. Si par exemple, suite à l’augmentation du prix d’un produit
dans la région de Dakar, les consommateurs s’approvisionnent à Thiès, on peut considérer que
Dakar et Thiès constitue un même marché géographique. Si les consommateurs ne
s’approvisionnent pas à Kaolack du fait des coûts additionnels de transport, on considère que
pour se produit Dakar et Kaolack ne constituent pas un même marché géographique.
La domination du marché doit alors être démontrée. Il s’agit d’une appréciation
difficile puisqu’elle s’apprécie en pouvoir de marché.
2/ L’abus d’une position dominante
Le législateur UEMOA définit la notion de position dominante comme la situation où
une entreprise a la capacité sur le marché en cause de se soustraire à la concurrence effective,
de s’affranchir des contraintes du marché en y jouant un rôle directeur. Ce n’est pas la
position dominante qui est sanctionnée mais l’abus que peut commettre celui qui dispose
d’une telle position.
L’abus de position dominante est un comportement anticoncurrentiel unilatéral qui
affecte soit les acteurs du marché soit les consommateurs. Si l’abus affecte la compétitivité
des concurrents, on parle de pratiques d’exclusion. Si le comportement affecte les
consommateurs, on parle de pratiques d’exploitation. Le refus de vente et la pratique des prix
prédateurs peuvent être considérés comme des pratiques d’exclusion. Il existe au moins deux
situations d’abus : l’abus de résultat ou de comportement et l’abus de structure.
L’abus de résultat ou de comportement est l’hypothèse dans laquelle une entreprise a
obtenu un résultat qu’elle n’aurait pas obtenu sans sa position dominante ou sans le
comportement abusif.
L’identification d’un abus de position dominante automatique sans abus prend la
forme d’un abus de structure.
B/ l’existence d’une situation d’impossibilité
Dans le souci d’assurer une certaine protection de certains opérateurs professionnels à
savoir : des commerçants spécialisés qui ne peuvent exercer leurs activités sans vendre des
produits de marque ou des producteurs qui réalisent auprès d’une centrale d’achat une part
importante dans leurs chiffres d’affaires. On interdit l’abus de dépendance économique aussi
appelé exploitation abusive d’une situation de dépendance économique. L’article 27 de la loi
94-63 pose les critères de l’abus de dépendance économique.
Il s’agit en toute hypothèse de comportements établis dans le cadre de relations
existantes et non de relations éventuelles ou futures. L’état de dépendance économique
constitue un abus contre l’entreprise qui ne dispose pas de solutions équivalentes.
II/ une sanction commune aux abus : la nullité
La nullité sanctionne les pratiques anticoncurrentielles. Il s’agit d’une nullité de plein
droit qui neutralise les effets juridiques de l’abus de position dominante qui ne lient pas les
parties à l’accord et ne sont pas non plus opposables à des tiers. La nullité s’applique aux
seuls éléments de l’entente frappée par l’interdiction ou à l’entente dans son ensemble si ses
éléments ne sont pas séparables de l’accord lui-même. La nullité est rétroactive et a pour
objectif de corriger le dysfonctionnement créé dans le marché de par la pratique
anticoncurrentielle. La nature de plein droit de la nullité permet de prendre en compte dans la
détermination des sanctions pécuniaires notamment les effets de la pratique
anticoncurrentielle sur le marché depuis sa conclusion.

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