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C’est avant tout une notion économique, elle n’a pas de sens juridique propre. En économie sa signification est
assez incertaine car elle varie en fonction des évolutions de la pensée économique. De manière schématique
on peut retenir 4 grands courants économiques qui ont théorisés la notion de concurrence et qui sont
pertinents en droit de la concurrence.
Développement sous l’impulsion d’Adam Smith « la richesse des nations ». Ici la concurrence est synonyme de
rivalité, de confrontation, qui intervient entre des individus, des entités ayan un même but mais des intérêts
contraires.
La concurrence dans cette perspective c’est une lute ou chacun tente de pousser son avantage pour prendre le
dessus sur l’autre dans son propre intérêt. Quatre présupposées :
- Rareté des ressources : Le caractère limité des ressources impose des choix sur ce qu’il faut produire
mais également sur la manière de produire et la quantité à produire. Allocation des ressources. La
concurrence a un rôle à jouer uniquement lorsqu’il y a un problème d’allocation des ressources.
- La liberté : Pour les rivaux de déterminer leurs actes. Toute idée de planification doit être écartée.
- L’utilité sociale de la rivalité : La confrontation entre chaque intervenant a des effets bénéfiques pour
la communauté dans son ensemble. Ces effets bénéfiques se manifestent par la coordination des
projets des opérateurs des intervenants par le jeu de l’offre et de la demande, par l’intervention d’une
main invisible qui fait cette coordination. Mais également par l’allocation optimale des ressources,
c’est-à-dire l’allocation sans gaspillage des ressources et l’annulation des super-produits.
Dans la pensée classique la concurrence est vue comme un processus dynamique qui permet de trouver un
équilibre dans les rapports économiques. Ce processus permet l’abaissement des prix jusqu’au coût marginal
de production (coût de la dernière unité produite). Ce coût marginal de production est sensé atteindre le prix
juste / prix concurrentiel.
Autre avantage, la stimulation de l’innovation et accroissement de la qualité de la production. Intérêt, éviter les
pénuries ou les surproductions par un ajustement dynamique perpétuel de l’offre et de la demande.
Tout ces avantages profitent normalement au consommateur dont le bien être serait le but ultime du
processus concurrentiel. Bien être au sens économique, cela signifie qu’il bénéficie d’un surplus qui se traduit
par un écart entre ce qu’il paie et ce qu’il est prêt a payer. Le surplus peut être la différence de prix ou plus
rarement l’augmentation de la qualité.
- Homogénéité des biens : Pour chaque marché les biens offerts sont identiques aux yeux des
acheteurs. Du coup les acheteurs n’ont aucune raison de préférer telle unité de bien par rapport à tel
autre. Cela suppose l’absence de publicité, l’absence de marques d’identifications.
- La libre entrée : A tout moment n’importe quel opérateur est libre de participer à l’activité du marché.
Levée des quotas, des barrières juridiques a long terme. Suppose également qu’il n’y ait pas
d’intrusion de l’Etat dans les marchés.
- La transparence : L’information de tous est complète immédiate et gratuite, sans aucun coût. Tout le
monde connait les quantités offertes aux différents prix en instantané. Il n’y a pas ce qu’on appelle de
cout de transaction (si on les réduits aux coûts d’information).
- La mobilité : Les facteurs de production : travail, capital… Peuvent se déplacer librement et sans délai
entre les entreprises ou entre les marchés.
Avec ces conditions, on décrit un marché que l’on appelle la concurrence pure et parfaite. Celle-ci est un
marché, ce n’est plus un processus. Entendue ainsi, la concurrence est une condition nécessaire d’une
économie équilibrée. Elle implique d’ailleurs la mise en place d’une règlementation juridique interdisant les
comportements et les opérations d’entreprise qui remettraient en cause les cinq conditions.
Ce modèle de concurrence est néanmoins totalement abstrait, et il ne correspond à aucune réalité de marché.
Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de marché qui répondra aux cinq conditions précitées, et pourtant il y a
des marchés qui fonctionnent suivant le jeu de la concurrence, et qui proposent les avantages de la
concurrence.
Paradoxalement, ce modèle supprime toute notion de lutte entre les opérateurs. La liberté de choisir une
stratégie pour se confronter aux autres est extérieure à ce modèle. Les opérateurs n’ont qu’une seule liberté :
produire et acheter ou ne pas le faire.
A partir du moment où on produit et on achète, tout est imposé par les conditions de la concurrence pure et
parfaite. Il y a négation de toute rivalité et de toute liberté commerciale sur le marché : les entreprises sont
passives sur ce marché.
Ce modèle a été largement critiqué dès le début du 20 ème siècle par une partie des économistes américains
(Clark, Davenport), qui ont commencé à défendre des modèles de concurrence, dite « imparfaite ». C’est
notamment l’école dite de Harvard, qui va être dominante pendant la première partie du 20 ème siècle (années
1950, et 1960), toujours importante aujourd’hui, mais un peu démodée actuellement.
Cette école de Harvard a mis en avant la notion de concurrence praticable, concurrence suffisante. D’après
cette école, aussi appelée école structuraliste, il y a une concurrence suffisante sur un marché lorsque les
opérateurs n’ont pas la capacité d’imposer un prix excessif au détriment des consommateurs. Cette capacité
d’imposer un prix excessif, c’est ce que l’on appelle le pouvoir de marché. Ce pouvoir de marché dépend de la
structure du marché et des comportements d’entreprise. C’est le modèle SCP (Structure – Comportement –
Performances).
La structure du marché, on vise sa plus ou moins grande concentration (le nombre d’acteurs par exemple),
la différenciation plus ou moins grande des produits, l’existence de barrières à l’entrée du marché…La structure
du marché détermine les comportements des opérateurs.
Le comportement des opérateurs, on renvoie à leur politique de prix et à leur stratégie de recherche et de
développement. Leur comportement influence leur performance.
La performance, c’est la profitabilité et le pouvoir de marché des opérateurs.
Pour chaque marché (lessive, voitures…), il faut trouver la structure qui permettra de sauvegarder la dose de
concurrence suffisante pour obtenir les bienfaits de la concurrence.
Ils ont eux aussi chercher les conditions de cette dose de concurrence suffisante, et ne sont pas du tout
d’accord entre eux. Il faut cependant, au moins trois conditions :
- Un nombre suffisant d’opérateurs sur le marché en cause.
Qu’entend-t-on par « suffisant » ? Cela sous-entend l’absence de monopole
- Une élasticité au niveau de la demande.
C'est-à-dire la liberté pour les clients de choisir leur fournisseur.
- Une élasticité au niveau de l’offre.
C'est-à-dire la possibilité que de nouveaux offreurs interviennent rapidement et à faible coût sur le marché.
Pour cette école, la concurrence praticable n’est qu’un moyen du bien-être économique. C’est un moyen non
exclusif. D’autres moyens, plus politiques ou sociaux (maintien de l’emploi) peuvent être mis en place.
Deuxième précision, cette école a été critiquée dans les années 1970 de manière assez virulente par l’Ecole de
Chicago, développée sous l’impulsion de Richard Posner. L’école de Harvard est toujours d’actualité pour
comprendre le droit de la concurrence de l’Union Européenne.
Cette école considère que ce n’est pas la structure du marché qui conditionne les comportements des
opérateurs, et leurs performances. Pour eux, les comportements, l’efficacité productive des entreprises, les
comportements d’entreprises entraînent leurs performances et aboutissent à une structure de marché.
Le comportement entraîne des performances, qui entraînent des structures.
Le pouvoir de marché n’est pas lié à la concentration du marché mais aux comportements adoptés par les
opérateurs. Une entreprise a un pouvoir de marché, car elle a été performante en choisissant les bons
comportements, elle a adopté des comportements efficaces pour séduire les consommateurs, au détriment
des rivaux.
La concentration qui résulte de ces comportements efficaces, c’est avant tout le signe de la bonne performance
de l’entreprise, obtenue en raison de bons comportements commerciaux.
Le consommateur a bénéficié de ces bons comportements commerciaux.
Cela veut juste dire, que pour l’école de Chicago, le monopole n’est pas un mal en soi : si une entreprise est en
monopole, c’est l’issue logique de la rivalité des opérateurs. C’est la récompense de la meilleure entreprise.
Le monopole ne doit constituer qu’une étape du processus de concurrence, et donc doit pouvoir être remis en
cause. Dans ce cas là, il n’y a pas de risques pour le bien être du consommateur et pour l’efficacité économique.
Ce n’est pas la structure du marché qui compte mais tout simplement le potentiel bouleversement du marché.
C’est la théorie des marchés constatables.
Sur un marché contestable, l’opérateur en monopole n’a pas de pouvoir de marché (capacité d’augmenter ses
prix de manière excessive), dangereux en l’existence d’une concurrence potentielle (c’est la possibilité pour des
opérateurs d’entrer sur des marchés pour venir contester le monopole).
Pourquoi faut-il une entrée libre ? Pour que des entreprises puissent venir contester le monopole. La sortie
libre est nécessaire pour que les entreprises puissent être assurées, en cas d’échec, en se disant qu’elles
pourront repartir du marché à moindre coût.
L’entreprise en monopole n’augmentera pas ses prix de manière abusive, pour éviter que d’autres entreprises
viennent la défier.
Conclusion
La notion de concurrence fait l’objet de définitions économiques nombreuses, qui sont régulièrement
renouvelées par les économistes.
Définition de la concurrence
C’est un mode d’organisation des marchés selon lequel chaque opérateur détermine seul et librement son
action afin de défendre ses intérêts commerciaux face aux intérêts commerciaux contraires des autres
opérateurs, entraînant de ce fait un abaissement des prix et un développement de la qualité et de l’innovation
dont bénéficient au moins indirectement les consommateurs.
Pourquoi la réglementer ?
L’opinion majoritaire, notamment en Europe, est que la concurrence doit faire l’objet d’un encadrement
juridique. Ce, tout simplement pour protéger la concurrence, et garantir durablement les avantages qui y sont
attachés.
D’un point de vue théorique, sur un marché où règne la concurrence, il existe une tendance croissante à la
diminution des entreprises, à la concentration du marché. Le fondement même du processus de la
concurrence, c’est la sélection des entreprises pour écarter du marché celles qui sont le moins efficaces, au
profit de celles qui répondent le mieux aux besoins des consommateurs.
Cette sélection va provoquer un accroissement du pouvoir économique d’un nombre de plus en plus réduit
d’entreprises. Petit à petit, la concurrence aboutit à l’instauration d’un monopole, c'est-à-dire à la disparition
de tous sauf du gagnant. Ce constat est résumé de manière un peu caricaturale par ces termes « la concurrence
tue la concurrence ».
C’est la position des structuralistes, ainsi que du courant ordo-libéral (courant Allemand, école de Fribourg,
école équivalente à celle de Chicago). Ceux-ci prônent l’interventionnisme de l’Etat pour réguler la concurrence
afin de maintenir un nombre suffisant d’opérateurs, une élasticité de la demande et une élasticité de l’offre.
L’école d’Harvard a fortement inspiré et inspire toujours à travers l’ordolibéralisme le droit de l’Union
Européenne. D’ailleurs, la Cour de Justice des Communautés Européennes dans un arrêt Métro du 25 Octobre
1977, a affirmé que l’objectif principal de la réglementation européenne était le maintien d’une concurrence
praticable.
La Cour de Justice des Communautés Européennes a réitéré son attachement à cette école dans l’arrêt
Glaxosmithkline (laboratoire pharmaceutique anglais) du 6 Octobre 2009.
Cette citation fait clairement apparaître une référence à la structure du marché, comme objectif des règles de
concurrence énoncées dans le traité.
[Cette phrase est relativement claire, parce qu’il y a à la fois une référence aux intérêts des concurrents, des
consommateurs, à la structure du marché, et à la concurrence en tant que telle. Ce n’est pas sur que ces
intérêts soient différents ou antinomiques de la protection de la structure du marché].
Cette position favorable à une réglementation de la concurrence est combattue par certains auteurs, proches
de l’école de Chicago, tels que Rothbart ou encore Armentano qui contestent l’utilité d’un droit venant limiter
la liberté des entreprises pour protéger la concurrence.
Leur position se fonde sur l’idée que la concurrence est un mouvement dynamique avec une dimension
temporelle. Qu’est ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu’en supposant qu’une entreprise a acquis un
monopole sur un marché de produits donnés, l’apparition de ce monopole n’est qu’une étape temporaire du
jeu de la concurrence. Ce monopole signifie uniquement qu’un opérateur s’est imposé parce qu’il était meilleur
que ses adversaires qui se sont retirés du marché.
Pour ces auteurs, l’esprit de concurrence lié à l’agressivité naturelle des opérateurs n’a pas disparu pour
autant. On verra donc inéluctablement par la suite de nouveaux opérateurs apparaître pour venir contester ce
monopole et lancer notamment des produits plus innovants. C’est une question de temps.
Cette thèse s’appuie sur la doctrine de Schumpeter (cycles d’innovation), développée dans les années 1940-
1950, qui voyait dans l’innovation technologique un ressort essentiel de la concurrence garantissant sur le long
terme sa pérennité. Ceci sans intervention étatique.
Dans cette configuration, le droit de la concurrence est inutile pour protéger la concurrence. La concurrence est
vue dans ce cadre, comme un phénomène permanent de rivalité cyclique détruisant les structures vieillies en
créant des éléments structurels neufs.
Dans ce cadre, la règlementation de la concurrence doit être extrêmement limitée, car elle ralentit au mieux le
renouvellement des structures économiques vieillies et au pire elle empêche ce renouvellement en maintenant
superficiellement des éléments vieillis inefficaces.
On appelle également cette doctrine le « laissez-faire, laissez-aller ».
Toute la difficulté est alors de déterminer quelles règles permettront d’arbitrer correctement entre les
objectifs, qui sont souvent contradictoires de la protection de la concurrence et de la protection de l’équilibre
économique et social de l’autre côté ?
En France, outre le principe de la liberté du commerce et de l’industrie (Décret d’Allard 1791), préalable à la
libre concurrence, la première règle relative aux principes de la concurrence est l’article 419 du Code Pénal de
1810 qui condamne le délit d’accaparement.
L’objectif était d’éviter la spéculation sur des denrées alimentaires, et ce texte punissait les réunions des
détenteurs de denrées ou de marchandises pour faire monter les cours au dessus des prix qu’auraient
déterminé la concurrence naturelle et libre du concurrence.
Ce texte a fait l’objet d’une interprétation extensive, et on va étendre la sanction des entendes de prix à tout ce
qui est l’objet des spéculations du commerce (Crim – 8 Décembre 1836).
Néanmoins, ce texte reste peu appliqué et les poursuites pénales sont très peu fréquentes même lorsqu’il a été
modifié en 1926 pour assouplir les conditions d’application.
En comparaison, les Etats-Unis vont adopter en 1890 le Sherman Act qui condamnait les comportements
d’ententes restrictifs de concurrence et les comportements de monopolisation du marché (abus de position
dominant).
A posteriori, ce texte a une légitimité théorique dans la théorie néoclassique, mais en réalité il a été dicté par
des préoccupations politiques de l’époque : les Etats-Unis étaient confrontés au développement de firmes
géantes en matière de pétrole et de sidérurgie. Les pratiques commerciales de John Rockefeller avaient attiré
l’attention des autorités américaines.
Un discours s’est développé, fondé sur la défense des intérêts des consommateurs mais aussi des petits
producteurs agricoles et manufacturiers face au grand capital. Le Sherman Act sera ensuite utilisé par les
pouvoirs publics pour démanteler la Standard Oil en Compagnie.
En 1914, le Clayton Act va être adopté quant à la pratique de la discrimination sur les prix, les ventes liées, mais
aussi sur les fusions. Les Etats-Unis se sont dotés très tôt d’un arsenal législatif complet (ententes illicites, abus
de domination…), mais ce développement est entièrement lié à la révolution industrielle précoce des Etats-
Unis.
En France, après 1918, on assiste à un tout autre phénomène, qu’est celui de cartellisation de l’économie :
chaque secteur industriel tente de limiter la concurrence au moyen d’ententes plus ou moins élaborées.
Dans les années 1930, le cartel qui fixe les prix et les quantités est présenté comme l’unique solution à la crise
économique. A ce titre, il n’est pas du tout remis en cause par les pouvoirs publics.
Pendant la WW2, le droit de la concurrence est écarté. Le Code des Prix de 1941 permet à l’administration de
fixer par arrêté les prix de tous les produits et services. En revanche, la fin de la guerre ne voit aucun retour du
principe de concurrence. Il n’a qu’un rôle très résiduel dans la construction économique de l’après guerre.
L’époque est marquée par une vague de nationalisation. L’administration contrôle notamment le système
bancaire, le système de prêt…
Une période de renouveau du droit de la concurrence intervient dans les années 1950, tout d’abord au niveau
européen (Traité de Rome 1957), et la mise en place d’un régime assurant une concurrence, avec la sanction
des ententes restrictives de concurrence et des abus de position dominantes (Articles 101 et 102 du Traité de
Fonctionnement de l'Union Européenne)
Le contrôle des concentrations n’arrive qu’en 1989.
En France, sont mis en place les décrets de 1953 et de 1958, et il prévoit deux volets distincts qui se retrouvent
encore dans le Code de Commerce actuel :
- Premier volet concernait les relations collectives de concurrence, prévoyant l’interdiction des ententes
et le texte édicté la possibilité pour le Ministre de l’Economie de décider après un avis consultatif de la
La différence entre les 2 volets c’est que le deuxième vient sanctionner des pratiques dangereuses en elles-
mêmes, alors que le premier sanctionne un comportement dangereux.
Pour ce premier, il faut qualifier une pratique restrictive de la concurrence.
Sur le plan procédural, le ministre va pouvoir prononcer lui-même des sanctions pécuniaires.
La grande réforme du droit de la concurrence, elle intervient en 1986, avec l’adoption d’une ordonnance du 1er
Décembre 1986 qui abroge les réformes de 1946 sur le prix, avec l’affirmation de la liberté des prix.
Depuis, la concurrence est devenu le mécanisme central de régulation des prix en France. C’est la première fois
en 600 ans.
Cette ordonnance sera intégrée par l’ordonnance du 18 Septembre 2000 dans le nouveau Code de Commerce
au livre IV. Il y a plusieurs modifications opérées notamment par la loi NRE du 15 Mai 2001, mais aussi la loi du
2 Août 2005 en faveur des PME, néanmoins l’architecture générale des textes n’est pas modifiée.
Une vraie modification, c’est la loi LME du 4 Août 2008 avec l’ordonnance de 2008, et la loi du 12 Mai 2009, les
décrets de février et mars 2009 ont apportés d’importants changements dans la procédure.
Notamment, le Conseil de la Concurrence est remplacé par l’Autorité de la Concurrence (ADLC).
L’ADLC devient compétente pour contrôler à la fois les PAC et les concentrations.
Union Européenne
Depuis le traité de Rome de 1957, le droit de la concurrence est une branche majeure du droit matériel de
l’Union Européenne. L’objectif est de réguler le fonctionnement du marché intérieur. Il permet de définir sur ce
marché intérieur, un ordre public de direction économique fondé sur le principe du libre jeu de l’offre et de la
demande.
L’ordre public de direction vise les règles au moyen desquelles l’Etat (autorité supranationale) entend canaliser
l’activité contractuelle dans le sens le plus conforme à l’utilité sociale. On distingue l’ordre public de direction
avec l’ordre public de protection qui a pour objectif de rétablir entre le faible et le fort un équilibre que ne
réalise pas le contrat.
En second lieu, les droits de l’Union Européenne et français ne font pas de la concurrence une fin en soi. Cela
n’est pas une condition nécessaire de l’économie européenne, c’est plutôt un moyen, présumé comme étant le
meilleur toutefois (pour parvenir à un bien être global).
Cela signifie que les interdictions prévues des atteintes à la concurrence ne sont pas absolues : toute restriction
à la concurrence n’est pas nécessairement contraire au droit de la concurrence et interdite. Des restrictions à la
concurrence peuvent être autorisées.
On imagine que des atteintes concurrentielles sont susceptibles d’offrir des avantages pour le progrès
économique et social.
C’est pour cela qu’elles échappent à une sanction.
Cette idée apparaît tout particulièrement avec le régime des exemptions des ententes restrictives de
concurrences prévues à l’article 120 paragraphe 3 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne, ou
encore le régime des autorisations des aides d’Etat visé à l’article 107 alinéas 2 et 3 du Traité de
Fonctionnement de l'Union Européenne.
Droit français : article L. 420-4 du Code de commerce qui prévoit des exemptions possibles pour les ententes et
les abus de position dominante.
En troisième lieu, le rôle prépondérant dans la mise en œuvre des règles de concurrence appartient à une
autorité spécialisée : la Commission (direction générale) et l’ADLC en France.
Ces autorités ne sont pas des juges et cela n’est pas non plus le pouvoir exécutif.
Il existe donc un régulateur spécifique. Ces autorités ont reçues des pouvoirs spécifiques d’enquête,
d’évaluation des comportements et de sanctions.
Ces pouvoirs sont mis en œuvre dans le cadre de procédures particulières (procédures de concurrence). Vraies
procédures avec des garanties,….
Mais, les juridictions nationales sont susceptibles de mettre en œuvre le droit de la concurrence aussi bien
français que de l’UE à la condition que le droit de l’UE s’applique.
Mais, elles le font dans le cadre des actions dont elles ont à connaître.
Le juge civil : peut être dans le cadre d’une action en responsabilité fondée sur la violation d’une règle de
concurrence. Entreprise a imposé un prix prédateur (très bas).
Mais, elles n’ont qu’un rôle secondaire dans la mise en œuvre des règles de concurrence.
Elles n’ont aucun rôle dans la détermination de la politique de concurrence.
Les autorités de concurrence nationales peuvent appliquer le droit national comme le droit de l’UE s’il est
applicable. En fonction du principe de subsidiarité la Commission intervient ou non.
Si elle n’intervient pas, alors on peut appliquer les règles de l’UE.
En quatrième lieu, pour organiser la concurrence sur les marchés, le droit de l’Union Européenne prévoit deux
types de normes.
Les règles destinées à contrôler les opérations relatives à la structure des entreprises.
On vise ici un règlement, adopté en 1989, puis réformé en 2004 : c’est le règlement 139/2004, du 20 Janvier
2004 relatif au contrôle d’opérations de concentrations. Ce règlement met en place les règles de fond et la
procédure. Ce règlement organise un contrôle a priori, avant la réalisation des opérations de concentration.
L’objectif est d’établir si l’opération envisagée comporte un risque d’entraves significatives à la concurrence sur
un marché.
Si ce risque est constaté, l’opération est interdite avant d’être réalisée ou autorisée avec des aménagements
pour éviter la réalisation du risque d’entrave.
Ces deux contrôles constituent l’ensemble des règles qui ont pour objet d’empêcher les entreprises de fausser
le jeu de la concurrence.
- Le deuxième type de norme qui ont pour objet d’empêcher les Etats-membres de fausser le jeu de la
concurrence. Cela vise principalement deux sortes de règles :
Les règles relatives au contrôle des aides fournies par un Etat-membre à des entreprises,
éventuellement publiques.
Cela est visé aux articles 107 à 109 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne . Ces dispositions du
traité interdisent les aides d’Etat sauf exceptions prévues expressément dans le traité.
Ce contrôle mélange contrôle a priori, chaque Etat-membre octroyant une nouvelle aide est censé la notifier
d’abord à la Commission, et contrôle a posteriori, des aides anciennes octroyées ou des aides qui n’ont jamais
été déclarées et qui sont découvertes par la Commission.
Il y a un contrôle de l’activité législative lorsqu’ils octroient des droits exclusifs ou spéciaux à des entreprises
privées ou publiques. Ce type de règle est contenu à l’article 106 §1, §2 et §3 du Traité de Fonctionnement de
l'Union Européenne.
Cet article prévoit au §1 une interdiction ou plutôt l’obligation pour les Etats-membres e ne pas porter atteinte
à l’effet utile des dispositions concernant le droit de la concurrence lorsqu’ils octroient des droits exclusifs ou
spéciaux.
Le paragraphe 2 prévoit une exception qui permet de ne pas appliquer les dispositions du droit de la
concurrence aux entreprises chargées d’un service d’intérêt économique général (SIEG). C’est sur cette
disposition que bon nombre de lois donnant par exemple un monopole à la Poste ont pu été préservé.
Lorsque l’Etat impose ou favorise un comportement d’entreprise contraire aux articles 101 et 102 du Traité de
Fonctionnement de l'Union Européenne, cela a été mis en place par la jurisprudence communautaire avec
l’arrêt C.I.F. – 9 Septembre 2003 qui permet de retenir la non-validité de la norme nationale sur le fondement
de l’application cumulée des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne (qui
visent le comportement des entreprises) avec l’article 4§3 du TUE qui désormais vise le principe de coopération
L’Italie a été sanctionnée une fois en manquement pour avoir mis en place une loi organisant une entente
entre les entreprises.
FRANCE
Il y aussi le droit français de la concurrence, qui est incorpore depuis l’ordonnance de 2000, incorporé au Livre
IV du Code de Commerce intitulé « De la liberté des prix et de la concurrence ». Ce Code de Commerce prévoit
deux types de normes :
- Celles qui organisent un contrôle a posteriori des comportements d’entreprises.
Ces normes sont classiquement constituées des règles relatives aux PAC, article L. 420-1 du Code de Commerce
interdisant les ententes restrictives de concurrence et l’article L. 420-2 alinéa 1 du Code de Commerce qui
prévoit l’interdiction des abus de position dominante.
En revanche, le droit français a deux dispositions spécifiques qui sont classées dans les PAC mais qui n’existent
qu’en France :
L’article L. 420-2 alinéa 2 du Code de Commerce qui prévoit la sanction de l’interdiction des abus de
dépendance économique.
C’est une infraction se distinguant de l’abus de position dominante et de l’entente. Ce comportement vise le
comportement abusif d’une entreprise comme par exemple une rupture de contrat, l’imposition d’un délai de
paiement excessif à l’égard d’une autre dont l’activité dépend de la première (Client captif).
Le comportement abusif de l’entreprise doit être susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la
concurrence sur le marché (deux conditions : influence et dépendance sur le marché).
Cette infraction a été introduite en 1986, surtout pour lutter contre les pratiques des centrales d’achat à
l’égard des petits fournisseurs dépendants. Les conditions d’application très limitatives de ce texte expliquent
sa faible application, et il n’a donc presqu’aucun impact en réalité. L’infraction n’est quasiment jamais mise en
œuvre.
L’article L. 420-5 du Code de Commerce qui concerne les prix abusivement bas, c'est-à-dire les prix
prédateurs.
Cette disposition vise à interdire les prix extrêmement bas pour le consommateur final, qui ont pour objet ou
pour effet d’éliminer d’un marché ou d’empêcher d’accéder à un marché une entreprise ou l’un de ses
produits.
C’est un texte de circonstance qui a été adopté pour contrer les excès de la grande distribution à l’encontre du
commerce traditionnel.
Concernant les aides d’Etat, il n’y a pas de texte spécifique. Il y a en droit administratif, les règles du droit
européen transposées. Les aides d’Etat se vérifient au regard du droit de l’Union Européenne lorsque l’aide est
importante sinon cela concerne le Code des Collectivités Territoriales pour les aides locales.
On l’appelle également « marché en cause », marché de référence et dans les mauvais manuels « marché
relevant ».
Les marchés sont différents, ainsi que leurs structures, et le fonctionnement concurrentiel sur les différents
marchés va également être différent. C’est pour cette raison qu’il faut identifier le marché à contrôler pour
ensuite envisager d’apprécier la validité d’un comportement ou d’une concentration. Le marché pertinent,
c’est tout simplement le marché pertinent pour le contrôle à effectuer, en sachant que le contrôle à effectuer
s’effectue au regard de règles de concurrence particulières.
Pour les concentrations, on ne détermine pas de la même manière le marché pertinent que pour une entente.
Le contrôle est à priori pour une concentration, on va s’intéresser au marché qui va exister, c’est une démarche
prospective.
On va déterminer le marché pertinent de manière beaucoup plus précise.
Pour les ententes et abus de position dominante, comme c’est un contrôle a posteriori, il est plus facile
d’appréhender ce qu’a été le marché.
La notion de marché est une notion économique, et cette notion économique désigne la confrontation entre
l’offre et la demande, entraînant par la négociation la détermination d’un prix dans le but de procéder à des
échanges. Un économiste allemand Stakelberg (1905-1946) a proposé une classification des marchés à partir
du nombre des offreurs et du nombre des demandeurs.
La définition prétorienne est empruntée à l’analyse économique, et concerne la notion de marché pertinent,
qui est la seule utile en droit de la concurrence. Dès son rapport de 1987, le Conseil de la Concurrence (devenu
ADLC) définit le marché pertinent comme « le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un
produit ou un service spécifique ».
Le Conseil rajoute notamment dans son rapport de 2001, qu’ « en théorie, sur un marché, les unités offertes
sont parfaitement substituables pour les consommateurs qui peuvent ainsi arbitrer entre les offreurs ».
D’après cette définition, c’est la confrontation de l’offre et de la demande qui caractérise le marché. Cette
confrontation intervient toujours pour un service ou un produit spécifique, c’est l’aspect matériel du marché.
Cette confrontation intervient dans une zone, un espace géographique particulier, c’est l’aspect géographique
du marché.
La Commission a une approche identique, que l’on retrouve dans sa communication du 9 Décembre 1997 sur la
définition du marché en cause aux fins du droit de la concurrence. Pour la Commission, le marché pertinent est
constitué par la combinaison de ce qu’elle appelle le marché de produits ou de services en cause et du marché
géographique en cause.
C’est une combinaison des deux qui fait le marché pertinent.
Cette position de la Commission et de l’ADLC est confirmée ou réaffirmée par la jurisprudence de la Cour de
Justice des Communautés Européennes, notamment dans un arrêt Motoé du 1er Juillet 2008 « le marché du
produit ou du service en cause englobe les produits ou les services substituables ou suffisamment
interchangeables avec celui-ci [produit en cause], en fonction non seulement de leurs caractéristiques
objectives, en vertu desquelles ils sont parfaitement aptes à satisfaire les besoins constants des
consommateurs mais également en fonction des conditions de concurrence, ainsi que de la structure de la
demande et de l’offre sur le marché en cause ».
La formulation est un peu différente. Il y a plus de critères de délimitation du marché, que dans la
communication de la Commission de 1997.
Dans ce même arrêt, la Cour souligne également la définition du marché géographique, c’est « le territoire sur
lequel tous les opérateurs économiques se trouvent dans des conditions de concurrence similaires en ce qui
concerne précisément les produits ou les services concernés ».
Un arrêt du Tribunal Amman Söhne du 28 Avril 2010 vise expressément la communication de 1997 de la
Commission, et reprend mot pour mot les définitions qui sont élaborées par la Commission dans cette
communication.
En conclusion, il convient de considérer que la notion de marché pertinent au sens du droit de la concurrence
désigne le périmètre géographique dans lequel l’offre et la demande de produits considérés comme
interchangeables entre eux par le consommateur sont susceptibles de se confronter dans des conditions de
concurrence homogène.
Reprenons la position de la Cour de Justice des Communautés Européennes présentée dès l’arrêt United
Brands du 14 Février 1978 où le tribunal affirme expressément dans l’arrêt Verre Plat du 10 Mars 1992 que « la
définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à tout jugement porté sur un
comportement prétendument concurrentiel ».
L’un des indices du pouvoir de marché (indice le plus important), c’est la part de marché exprimée en
pourcentage.
Pour exprimer une part de marché, il faut savoir de quel marché on parle.
La notion du marché pertinent est importante pour déterminer l’applicabilité du droit des PAC de l’Union
Européenne.
Les articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne sont applicables uniquement si le
comportement suspecté de l’entreprise est susceptible d’affecter sensiblement le commerce entre les Etats-
membres.
C’est le critère principal de l’applicabilité du droit des PAC de l’Union Européenne.
Cela se retrouve dans les lignes directives de la Commission du 27 Avril 2004, relatives à la notion d’affectation
du commerce entre Etats-membres. Or l’affectation sensible est principalement appréciée lorsqu’on est en face
d’ententes et au regard de la part de marché des entreprises contrôlées, ce qui nécessite la détermination au
préalable du marché.
Surtout, la délimitation du marché pertinent est nécessaire pour la mise en œuvre du droit de l’Union
Européenne, mais aussi du droit français des PAC.
Pour les ententes entre entreprises, les articles 101 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne et L.
420-1 du Code de Commerce interdisent les ententes qui ont notamment pour effet de fausser le jeu de la
concurrence. Cependant, l’effet doit être sensible sur la concurrence.
Pour apprécier le caractère sensible de l’effet sur la concurrence, les autorités de concurrence (Commission et
ADLC) calculent les parts de marché des auteurs de l’entente. Il y a des seuils que l’on retrouve dans la
communication du 22 Décembre 2001, relative aux accords d’importance mineure, copiés dans l’article L. 464-
6-1 du Code de Commerce.
Ces seuils de sensibilité, en cas d’entente ayant un effet restrictif, sont exprimés en part de marché (10% pour
les ententes horizontales, 15% pour les ententes verticales).
La qualification d’un effet restrictif d’une entente nécessite la détermination préalable du marché, puisque
seuls les effets sensibles sont sanctionnés.
Les règlements d’exemption qui ont été mis en place prévoient que l’exemption est accordée dès qu’un seuil
exprimé en part de marché n’est pas franchi par les auteurs de l’entente. Pour l’application des règlements
d’exemption, on a besoin de déterminer le marché pertinent.
Exemple :
Lorsqu’on a un accord de distribution entre un fournisseur et un distributeur : accord-cadre prévoyant qu’entre
Lacoste et le revendeur Le Bon Marché, Lacoste s’engage à fournir pour l’ensemble de sa gamme de l’année le
revendeur Le Bon Marché, qui lui s’engage à payer dans tels délais…
Le règlement d’exemption du 20 Avril 2010 prévoit qu’il y a exemption lorsque la part du fournisseur et celle du
distributeur ne dépasse pas 30% du marché concerné. Le bénéfice de l’exemption catégorielle repose sur le
calcul des parts de marché, sauf circonstances particulières.
Pour les abus de position dominantes interdits à l’article 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union
Européenne et à l’article L. 420-2 du Code de Commerce, la délimitation du marché pertinent permet de
La réponse implique de délimiter le marché sur lequel on veut constater une domination. L’un des indices
essentiels est là aussi la part de marché.
La détermination du marché pertinent est également nécessaire pour la fixation des sanctions pécuniaires en
matière de PAC, lorsqu’il y a une infraction, l’ADLC prononce une sanction pécuniaire. L’article 23 du règlement
I 2003 et l’article L. 464-2 du Code de Commerce : le montant de l’amende est lié à la gravité de l’infraction.
Gravité qui dépend pour partie du pouvoir de marché des entreprises, de leur puissance économique, évalués
notamment à travers leurs parts de marché.
(Lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes du 1 er Septembre 2006).
Pour les concentrations, la détermination du marché est également indispensable, ce pour déterminer si
l’opération prévue est susceptible d’entraver de manière significative la concurrence. La part de marché est un
outil essentiel pour évaluer l’entrave. Ceci a deux titres :
- L’absence de difficultés est retenue sauf si circonstances exceptionnelles lorsque les parts de marché
de la structure issue d’une concentration sont inférieures à 25% dans le cas d’une concentration
horizontale (entreprises actives sur le même marché), et à 30% dans le cas d’une concentration
verticale (entreprises actives sur différents marchés, avec une relation fournisseur-client) ou
conglomérale (entreprises actives sur différents marchés). Il n’y aura pas d’entrave significative à la
concurrence.
- Les parts de marché permettent de calculer le degré de concentration globale du marché, lié à la
présence de grosses entreprises.
Indice de Herfindahl Hirschmann (IHH), indice de la concentration du marché. Plus l’indice est
important, plus la concentration est importante, et plus le risque d’entrave significative à la
concurrence est important.
Cet indice est égal à la somme des carrés des parts de marché.
Lorsqu’on a un monopole, on a 100², ce qui fait 10 000. C’est la plus grosse concentration de marché.
Quant il est inférieur à certains seuils, on peut présumer l’absence de problèmes de concurrence sauf
circonstances exceptionnelles. Ce sont dans les lignes directrices de la Commission sur les
concentrations horizontales de Février 2004, sur les concentrations non-horizontales d’Octobre 2008,
et de l’ADLC du 16 Décembre 2009. Les lignes directrices constituent le soft law.
Le marché pertinent est un préalable pour l’application du droit de la concurrence. Il constitue le cadre à
l’intérieur duquel on peut déterminer les pressions concurrentielles qui s’exercent sur les entreprises
contrôlées, ce qui nous donnera le pouvoir de marché, clé de l’analyse.
L’intensité du pouvoir de marché dépend de l’étendue du marché pertinent, c'est-à-dire du nombre de
concurrents actuels ou potentiels capables de peser sur les choix de l’entreprise contrôlée. L’intensité est
d’autant plus grande si le marché est réduit.
Le chiffre d’affaires n’est pas toujours disponible, on regarde donc quant au volume de ventes de l’entreprise
du marché pertinent.
Globalement, la méthode se présente de la manière suivante : l’objectif principal est d’identifier les sources
d’approvisionnement alternatives auxquelles les clients des entreprises contrôlées peuvent recourir.
Evidemment, l’existence de ces sources dépend d’une part des produits ou des services en cause (aspect
matériel) et d’autre part, de l’accessibilité géographique de ces produits ou services (aspect géographique).
Pour déterminer les sources d’approvisionnement disponibles, le critère utilisé est celui de la substituabilité,
qu’on appelle aussi l’interchangeabilité.
Afin de délimiter un marché, on recherche quels produits et quelles zones géographiques sont pour la clientèle,
substituables de telle sorte que la clientèle les voit comme identiques. On parle alors de substituabilité au
niveau de la demande. C’est la première contrainte concurrentielle.
Cette hypothèse est ensuite vérifiée, et affinée en fonction des nécessités liées à l’application de la règle de
droit (a-t-on besoin d’un marché pertinent très précis ?), et des arguments des entreprises contrôlées.
Les sources d’information nécessaires au travail de délimitation du marché pertinent sons multiples, et
diversement fiables : on trouve les rapports annuels des entreprises contrôlées, des prises de contacts des
autorités avec les principaux fournisseurs et clients des entreprises contrôlées, avec les associations
professionnelles, avec les entreprises elles-mêmes (vérifications sur place, demandes…) sous formes de
questionnaires ou de vérifications plus ou moins coercitives sont les principaux moyens de réunir les
informations.
Ces informations peuvent être complétées par des études statistiques sur le comportement de la demande :
des études sur l’évolution historique des prix et de la demande, des sondages, des recours à des experts
psychologiques…
On recherche les produits qui sont capables de satisfaire un même besoin d’une même catégorie de
demandeurs.
Tous les produits qui répondent à la même demande sont considérés comme faisant parti d’un seul et même
marché. Cependant, aucun produit n’est entièrement substituable à un autre. On recherche avant tout un
degré de substituabilité suffisant. Arrêt Motoé du 1er Juillet 2008 + Com – 6 Décembre 2005 – Roquefort.
Pour déterminer ce degré suffisant de substituabilité, on s’appuie sur un faisceau d’indices « qualitatif » qui
permet d’établir si différents produits sont perçus comme interchangeables : les caractéristiques du produit,
Pour délimiter l’aspect matériel du marché, il y a quand même une part de subjectivité qui intervient dans la
mesure où la substituabilité suffisante dépend de la perception que les consommateurs ont des produits ou
services. Or, cette perception est très influencée par les stratégies de différenciation des offreurs, celles-ci
reposent notamment sur la publicité, le phénomène de marque, le circuit de distribution employé… tout ce qui
permet de rendre unique un produit aux yeux des consommateurs.
Dans une décision Adidas du Conseil de la Concurrence n°97 D 72 du 21 Octobre 1997 , dans cette décision, le
Conseil de la Concurrence a isolé dans le marché des chaussures de sport, celui de la chaussure de football. Le
Conseil a relevé l’existence de contrats de parrainage passés avec les clubs de football professionnels pour ce
type de chaussure. Ces contrats de parrainage permettaient de bénéficier de l’image et de la notoriété des dits
clubs professionnels. L’existence de ces contrats, exclusivement pour la chaussure de football, est un élément
pertinent pour considérer que c’est un marché à part.
Des indices quantitatifs, c'est-à-dire fondés sur l’analyse statistique des évolutions de la demande, en fonction
des écarts de prix, sont utilisés pour essayer d’apprécier le comportement des utilisateurs (consommateurs). Le
comportement subjectif de chacun est difficile à apprécier, mais on peut faire des études quant au
comportement d’une masse, et tenter d’appréhender cette part de subjectivité à travers le comportement de
la masse.
On a mis en place plusieurs critères pour essayer d’appréhender cette évolution de la demande :
- Le test du choc
On recherche un évènement passé qui permet de regarder l’impact d’une augmentation de prix violente, et
non anticipée par la demande. Cela permet de savoir si on a une clientèle captive ou non (si la clientèle est
captive, il y a de fortes chances pour que le marché soit indépendant).
- L’élasticité du prix par rapport à la demande d’un produit
On regarde statistiquement quel a été l’impact de l’augmentation du prix du produit A sur la demande du
produit A. Cela permet de savoir s’il y a une clientèle captive, sans être obligé de trouver un évènement
imprévu qui a produit une augmentation spectaculaire.
- L’élasticité croisée du prix du produit A par rapport à la demande du produit B
On regarde l’impact de l’augmentation du prix du produit A sur la demande du produit B.
Le Coca-Cola augmente de 15%, le Pepsi va-t-il récupérer une part de la clientèle à la suite de cette
augmentation ?
Ces outils statistiques sont aujourd’hui déterminants pour conclure définitivement à la substituabilité des
produits. C’est un rappel de la Cour de Cassation, dans un arrêt Com – 26 Juin 2007 – Goldirings.
La Cour de Cassation sanctionne la Cour d’Appel de Paris, car celle-ci avait décidé qu’il existait un marché de la
chaîne en or de qualité, de fabrication française. Ce marché se distinguait du marché de la chaîne en or,
importée de moins bonne qualité (quantité d’or inférieure).
La Cour de Cassation condamne la position de la Cour d’Appel, car celle-ci a pris position sans avoir recherché si
la demande des détaillants, pour les chaînes françaises, était indépendante du prix des chaînes importées. La
Cet arrêt souligne l’importance du recours aux outils statistiques pour pouvoir conclure définitivement sur la
détermination du marché. La Cour de Cassation veille à ce que les juges apprécient et délimitent le marché en
s’appuyant sur ses outils. C’est un standard de preuve.,
- Le critère du monopoleur hypothétique, test SSNIP (Small but Significant and Non transitory Increase
in Price)
Visé par la Communication de 1997, aux points 17 et 18, et il constitue l’outil le plus performant pour
déterminer si oui ou non deux produits sont sur le même marché. Il consiste à déterminer si une augmentation
faible mais significative, chiffrée entre 5 à 10%, et non-transitoire (c'est-à-dire augmentation durable) des prix
d’un produit A qui n’est proposée que par un seul offreur, serait profitable pour celui-ci compte tenu de la
réaction de ses clients et du rapport d’une part de leur demande sur un produit B.
Si une part de la clientèle se reporte sur le produit B, de telle sorte que la hausse de prix n’est pas profitable
pour le fabricant de A, les produits A et B sont considérés comme suffisamment substituables et donc sur le
même marché.
L’examen va être poursuivi avec les autres produits pressentis comme substituables jusqu’à ce que
l’augmentation des produits sur le marché en délimitation, devienne profitable.
Lorsque l’on fait son analyse du monopoleur hypothétique, on va fictivement augmenter le prix déjà excessif de
cette entreprise en position dominante. On va faire basculer le prix excessif au dessus du seuil à partir duquel
des nouveaux produits deviennent substituables. On va fictivement trouver des produits substituables aux
produits de l’entreprise dominante. En trouvant fictivement des produits substituables aux produits de
l’entreprise dominante, on va élargir le marché, et de ce fait, on va constater que notre entreprise qui devait
être en position dominante ne l’est pas.
Enfin, pour le test du monopoleur hypothétique, il faut une masse considérable d’informations : il faut tous les
prix de tous les produits sur plusieurs années, ainsi que des informations sur la demande de ces produits, pour
faire des projections valables. De manière rétrospective, on peut trouver ces informations.
Si on se projette, cela est bien plus difficile.
La substituabilité au niveau de la demande a normalement été entièrement appréhendée si on a fait tous ces
tests, et on sait s’il y a des sources d’approvisionnement alternatives ou non. Cette analyse de la substituabilité
de la demande permet de conclure définitivement sur l’étendue du marché de produits.
Il reste néanmoins une inconnue, qui peut avoir son importance en fonction du marché de produits : certains
offreurs sont-ils susceptibles de venir concurrencer dans un avenir proche l’offreur des produits en cause. C’est
une question relative à la substituabilité du côté de l’offre.
La substituabilité du côté de l’offre, c’est la possibilité pour d’autres producteurs de réorienter leur production
à très court terme sans coût ni risque supplémentaire.
La Commission offre une illustration très précise de cette notion dans la Communication de 1997 sur le marché
pertinent, elle prend l’exemple du secteur du papier. Toute une gamme de papier (standard jusqu’au papier de
qualité supérieure utilisé) existe, et du point de vue de la demande, on n’utilise pas indifféremment ces qualités
de papier.
Les papeteries peuvent fabriquer différentes qualités de papier, et la production peut être adaptée à court
terme et moyennant de très faibles coûts d’adaptation pour fabriquer une qualité ou une autre. Cela veut dire
que des entreprises de papier peuvent se faire concurrence pour les commandes de diverses qualités de
papier, notamment si les commandes sont passées suffisamment à l’avance.
Dans ces circonstances, la Commission considère qu’elle ne définira pas un marché distinct pour chaque qualité
de papier et pour chacun de ses usages. Pour la Commission, les diverses qualités sont regroupées dans un
même marché. Leurs ventes sont cumulées pour apprécier l’importance de ce marché parce qu’il y a une forte
substituabilité au niveau de l’offre. Cela permet de rélargir le marché.
Elle permet de délimiter l’espace sur lequel l’utilisateur peut arbitrer entre différentes sources
d’approvisionnement matériel. L’objectif est d’identifier la zone géographique, à l’intérieur de laquelle les
conditions de concurrence auxquelles sont confrontés les opérateurs pour les produits en cause, sont
suffisamment homogènes (Arret Motoé de la CJCE du 1er Juillet 2008).
L’homogénéité des conditions de concurrence repose principalement sur le critère de l’accessibilité au produit
pour l’utilisateur. Cette accessibilité dépend de plusieurs facteurs :
Dans la décision Accord du 4 Juin 2004 - CJCE, la Commission a considéré que sur le marché d’exploitation des
casinos, les marchés étaient de dimension locale, et qu’ils se définissaient sur la base d’une zone d’une heure
de transport en voiture. Il faut rapporter ces distances à la qualité du réseau routier, au profil du terrain, à
l’attractivité des points de vente.
La prise en compte de critère peut aussi amener à distinguer les marchés en fonction des catégories de
consommateurs. La demande des entreprises peut s’adresser à une zone géographique plus large qu’à la
demande des particuliers. Dans une décision Protravel du Ministre du 29 Mars 2005 (concentrations), le
Ministre a considéré que dans le secteur des voyages d’affaires, on pouvait considérer que pour les PME/PMI,
le marché géographique est national, alors que pour les entreprises multinationales, il fallait s’intéresser à une
dimension plus large car les multinationales cherchent à avoir un fournisseur unique pour l’ensemble de leur
groupe (one stop shopping).
La nature du produit joue un rôle pour déterminer si le transport constitue ou non un enjeu de délimitation.
Dans une décision du Conseil de la Concurrence du 5 Juin 2001 - Granula (concentration)¸ c’est le revêtement
pour les routes. Cela ne peut pas être transporté sur une longue distance, à moins de les humidifier tout le long
du parcours (ce qui est très cher). Il en va de même pour le béton à l’emploi.
Il y a eu des fragmentations géographiques au sein de l’Europe pour un produit, comme avec l’arrêt United
Brands du 14 Février 1978 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, et le marché de la banane est
différent en raison des politiques commerciales nationales adoptées par les Etats-membres en matière
d’importation. Les bananes d’United Brands n’étaient pas en France, en Grande-Bretagne et en Italie, pour des
raisons diverses, à égalité avec les autres bananes vendues qui bénéficiaient d’un régime préférentiel.
Dans l’arrêt British Sugar du 18 Juillet 1988 – Cour de Justice des Communautés Européennes, le marché du
sucre est essentiellement national en raison de la PAC qui attribue un quota de sucre à chaque Etat-membre.
Les normes limitent souvent l’étendue géographique, ainsi la décision du Conseil de la Concurrence du 6 Juin
200 – Fichet, où le Conseil note que l’absence de standardisation européenne dans le secteur de la serrurerie
caractérisait des marchés encore nationaux.
De plus les autorités sont limitées par les preuves dont elles disposent, elles s’appuient donc sur des éléments
de fait qu’elles ont pu obtenir, relatifs aux évolutions de prix et de quantité, aux opinions des utilisateurs, aux
études de marché, et bien évidemment aux évolutions jurisprudentielles antérieures.
Le marché pertinent est celui défini comme tel, avec les moyens et informations disponibles. SI ces moyens et
informations ne sont pas convaincants, il appartient aux entreprises contrôlées de les contester pour forcer
l’autorité de contrôle à approfondir son analyse.
- La démarche poursuivie par les autorités de concurrence est directement liée à l’utilité de délimiter un
marché, pour le cas concret qui la préoccupe
Le concept de chaîne de substitution permet d’élaborer un marché plus large, mais il faut vérifier par des
éléments de fait (en général, influence des prix aux limites extrêmes des chaînes de substitution).
Ce sont des comportements d’opérateurs faisant obstacle au libre fonctionnement de la concurrence sur un
marché. Deux types de comportements contraires à la concurrence sont traditionnellement identifiés :
- Les ententes restrictives de concurrence
- Les abus de positions dominantes
Le droit de l’Union Européenne et le droit français de la concurrence ont organisé un contrôle de ces deux
comportements qui repose en premier lieu sur l’interdiction des ententes restrictives de concurrence, et des
abus de positions dominantes (Interdiction dictée aux articles 101 du Traité de Fonctionnement de l'Union
Européenne et L. 420-1 du Code de Commerce pour les ententes, et aux articles 102 du Traité de
Fonctionnement de l'Union Européenne et L. 420-2 du Code de Commerce pour les abus de positions
dominantes).
L’organisation de ce contrôle repose aussi sur l’intervention et la surveillance d’une autorité spécialisée : soit la
Commission, soit l’autorité de la Concurrence. Surveillances selon des procédures propres à la seule mise en
œuvre du droit des PAC (Pratiques anticoncurrentielles). Cette procédure est visée pour l’essentiel dans le
règlement I 2003 du 16 Décembre 2002 et les articles L. 450-1 et suivants du Code de Commerce.
C’est la question de l’applicabilité (aptitude d’une règle de droit à saisir une situation) du droit des pratiques
anticoncurrentielles est double. Dans un premier temps, il faut déterminer la matière susceptible d’être saisie
par le droit des pratiques anticoncurrentielles (le champ d’application matériel), puis déterminer l’étendue
géographique potentiellement appréhendée par le droit des pratiques anticoncurrentielles (le champ
d’application territorial).
Le droit des pratiques anticoncurrentielles a pour objet l’ensemble des activités économiques sans exception.
Le caractère agricole, sportif, libéral, artisanal, culturel… d’une activité n’est pas l’essentiel, comme n’est pas
non plus pertinent la nature juridique de la personne qui exerce cette activité.
L’élément fondamental est que la nature économique de l’activité concernée par le contrôle soit constatée.
Cependant, bien que centrale, la notion d’activité économique ne définit pas à elle-seule l’entièreté du
domaine d’application matériel du droit des pratiques anticoncurrentielles. L’intervention étatique est
également incluse dans ce domaine d’application tant en droit de l’Union Européenne qu’en droit français.
Dans les faits, il y avait un litige entre une société de conseil en recrutement et une entreprise qui avait recruté
en Allemagne. Le problème était lié aux honoraires réclamés par la société de conseil à l’entreprise recrutée. La
société en recrutement a présenté un candidat pour la fonction de directeur, et l’entreprise n’avait pas voulu
l’embaucher, et avait ensuite refusé de payer les honoraires liés à la présentation dudit candidat.
La société de conseil a assigné la société pour obtenir les honoraires prévus contractuellement.
Devant les juridictions allemandes, la société de conseil n’obtient pas gain de cause, parce que son activité de
placement, c'est-à-dire activité qui consiste à trouver des emplois pour les cadres, était contraire au droit
allemand qui donnait un droit exclusif de placement à un organisme public (équivalent du Pôle emploi).
Une question préjudicielle a été posée à la Cour de Justice des Communautés Européennes pour déterminer si
le droit de l’Union Européenne de la concurrence permettrait éventuellement de condamner le monopole du
placement des cadres donné à l’organisme public.
L’organisme public bénéficiant du monopole est une entreprise, comme le prévoient les articles 101 et 102 du
Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne. La Cour répond en disant que c’est une entreprise, si
l’organisme public constitue une entité exerçant une activité économique indépendamment de son statut
juridique et de son mode de financement (La réponse fut positive).
Depuis cet arrêt, l’entreprise est avant tout le support d’une activité économique. La définition n’est pas
organique ou formelle. Sont donc indifférents le statut juridique (en droit national, que la personne soit privée
ou publique) et le mode de financement.
Ainsi, un avocat profession libérale peut être une entreprise, s’il exerce une activité économique (c’est le cas).
Les associations sans but lucratif peuvent également être des entreprises. Cela n’a donc rien à voir avec la
notion de droit français d’entreprise. Enfin, cela peut être une seule personne juridique, comme un
groupement de personnes juridique.
D’autre part, le mode de financement est indifférent : donations, ressources propres, subventions…
En droit français, la situation se présente de manière différente mais aboutit au même résultat.
Le champ d’application de la concurrence est défini par l’article L. 410-1 du Code de Commerce et ne fait pas
référence à la notion d’entreprise. Cet article dispose que « les règles définies au présent livre s’appliquent à
toutes les activités de production, de distribution, et de service, y compris celles qui sont le fait de personnes
publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public ».
Une entité publique, agissant le cadre d’une délégation de service public, peut voir son activité encadrée par le
droit de la concurrence.
Les deux notions (française et communautaire) sont semblables, cela ressort très nettement d’un arrêt Com –
Comité Intersyndical du livre parisien – 15 Janvier 2002, où un éditeur parisien avait rompu son contrat avec
une société d’imprimerie dite « de presse » réservée normalement aux quotidiens. L’éditeur quotidien avait
confié l’impression de deux quotidiens à une imprimerie dite « de labeur » réservée à tous les autres journaux.
Le Comité va faire pression sur l’éditeur, va détruire les journaux imprimés, occuper les locaux de l’imprimerie
de labeur qui avait osé imprimer deux quotidiens, et neutraliser les rotatives. Des poursuites ont été
introduites devant le Conseil de la Concurrence sur le fondement d’ententes entre les syndicats composant le
comité.
Les syndicats sont condamnés par le Conseil de la Concurrence, émois dans la presse et parmi les professeurs
de droit social. La Cour d’Appel est saisie et réforme cette décision.
Cependant, elle va mal motiver sa décision, si bien que tout le monde est encore persuadé que le droit social/le
droit de grève s’effacent derrière le droit de la concurrence.
Le Conseil d'Etat adopte une position semblable, c'est-à-dire qu’il applique le droit de la concurrence en se
référant également à la notion d’activité économique. Dans un arrêt Société Enf en Confiance – 28 Mai 2010
proposant aux Conseils Généraux la mise en place de site afin de donner aux familles de la région des
informations concernant les assistantes maternelles disponibles, contre rémunération.
Le Conseil d'Etat précise que la CNAF, qui s’est vue attribuer la mission de mettre en place un site Internet
d’information aux familles national, n’est pas chargée d’exercer une activité économique emportant
intervention sur un marché. Le droit de la concurrence ne lui est donc pas applicable.
L’applicabilité du droit de la concurrence repose sur la notion d’entreprise, qui elle-même est définie par la
notion d’activité économique.
Cette notion a été indirectement définie par un arrêt du 16 Juin 1987 Commission c/Italie, quant à
l’interprétation d’une directive sur la transparence des relations financières entre Etat et entreprises publiques.
La Cour, dans le cadre de cette interprétation, a distingué l’activité de l’Etat comme puissance publique, et
l’activité économique de l’Etat à caractère industriel et commercial qui consiste à offrir des biens ou des
services sur le marché.
Cette décision sera clairement réaffirmée dans l’arrêt Pavlov du 12 Septembre 2000, où la Cour de Justice des
Communautés Européennes dispose que « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir
des biens ou des services sur un marché donné ».
D’après la définition donnée, l’activité d’achat n’est pas en soi une activité économique (l’arrêt Fenin – 4 Mars
2003 et 11 Juillet 2006), il s’agit d’une activité neutre. Le caractère économique ou non dépend de la nature de
l’activité pour laquelle il y a eu achat.
Par exemple, s’il y a eu rachat pour revente, l’activité d’achat a la nature de l’activité de revente.
C’est la destination des biens achetés qui donne par ricochet un caractère économique à l’activité d’achat.
Le consommateur particulier n’est donc pas une entreprise, il n’a pas d’activité économique. En revanche, le
grossiste qui achète pour revendre, a une activité économique.
Dans l’arrêt Fenin, la difficulté concernait des hôpitaux espagnols, et plus précisément un organisme de gestion
du système de santé, qui achetait du matériel pour l’ensemble des hôpitaux. Cet organisme payait le matériel
sanitaire après un délai moyen de 300 jours. L’association professionnelle des vendeurs a porté plainte devant
la Commission pour dénoncer cette situation sur le fondement notamment de l’article 102 du Traité de
Fonctionnement de l'Union Européenne.
La qualification de l’activité soulève une difficulté lorsque l’entité concernée par le contrôle est un organisme
public.
A ce moment là, deux indices sont utilisés pour déterminer la nature économique de l’entité publique en
cause :
- L’activité de l’organisme public est susceptible d’être exercé par des organismes privés.
Arrêt Höffner, l’activité de placement pourrait-elle être exercée par des entreprises privées ? En l’occurrence,
cela pourrait être le cas, cela a été le cas, et c’est le cas dans d’autres pays.
En droit français, il faut savoir que la position n’est sans doute pas identique sur cet indice.
Dans l’affaire Société Enf en Confiance – 28 Mai 2010, le Conseil d'Etat, mais également par une décision de
l’ADLC et par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris 27 Janvier 2011 n’ont pas retenu le caractère économique de
la CNAF lorsqu’elle mettait en place un site national d’information quant aux structures d’accueil.
Pourtant celui qui s’est plaint de ce monopole, de l’exclusivité donnée à la CNFA, c’est une société de droit
privé qui avait pour activité la mise en place de tels sites dans le cadre de marchés publics régionaux.
(Cet indice n’est donc pas retenu en droit français).
- L’activité en cause est en concurrence avec des activités exercées par des personnes privées
Arrêt FFSA du 16 Novembre 1995 qui concernait la contestation par une fédération d’assurances de la légalité
d’un décret qui donnait à une caisse nationale d’assurances la gestion exclusive d’un régime complémentaire
facultatif d’assurance-retraite. La FFSA avait non seulement une gestion exclusive, mais en plus les cotisations
facultatives étaient fiscalement déductibles.
Le régime en cause était-il en concurrence avec les compagnies d’assurance, et le système d’assurance vie ? Ce
sont des activités qui fonctionnent selon un principe de capitalisation. Si la réponse était oui, cela voulait dire
que la FFSA avait une activité économique. En l’espèce, il y avait clairement une concurrence.
Ce second indice permet aussi la qualification d’activité exercée sans but lucratif en activité économique.
Il faut absolument retenir que lorsqu’une entité offre des biens ou des services sans but lucratif, cela ne fait pas
du tout obstacle à ce que l’entité soit considérée comme une entreprise.
La condition, c’est que l’offre de l’entité sans but lucratif se trouve en concurrence avec l’offre d’entités qui ont
un but lucratif. C’est l’affaire de la fondation bancaire du 10 Janvier 2006 – Cour de Justice des Communautés
Européennes.
La qualification d’activité économique ne repose pas sur le caractère lucratif ou non d’une activité.
La difficulté est la suivante : on a des organismes qui gèrent des régimes de sécurité sociale. Ces organismes
exercent-ils une activité exclusivement sociale ? Le problème est accru avec la diversité des régimes sociaux
existants en Europe.
N’est pas qualifié d’activité économique, le régime qui met en œuvre un principe de solidarité, et qui demeure
sous le contrôle de l’Etat. Pour constater qu’un régime de sécurité sociale met en œuvre le principe de
solidarité, on utilise la méthode du faisceau d’indices. La Cour de Justice des Communautés Européennes
retient comme indices de solidarités notamment :
- Le caractère obligatoire de la filiation (tout un secteur est contraint de s’affilier).
- L’indépendance du montant des cotisations par rapport aux risques assurés. La plupart du temps, c’est
une cotisation calculée sur un principe de répartition (les plus riches payent plus indépendamment du
risque assuré).
- L’indépendance de la valeur des prestations fournies par rapport au montant de la cotisation de
l’assuré.
- Le plafonnement des cotisations payées par l’assuré.
- L’existence d’une cotisation minimale uniforme.
- L’existence d’un mécanisme d’exemption et de suspension des cotisations en cas de maladie ou de
difficultés économiques.
- L’existence de mécanismes de compensation entre caisses professionnelles différentes.
Il n’est pas nécessaire que tous ces indices se retrouvent, mais il en faut plusieurs.
Enfin, pour constater que le régime est exclusivement social, il faut que cela demeure sous le contrôle de l’Etat.
Cela veut dire que l’organisme en cause ne doit pas être entièrement libre dans sa gestion, et tout
particulièrement dans la fixation du montant des cotisations, et dans la détermination des prestations à offrir.
On considérera qu’il y a un contrôle lorsque par exemple, le montant des cotisations est défini par la loi.
Néanmoins, une marge de manœuvre peut être conférée à l’organisme sur les montants, mais cette marge de
manœuvre doit être prévue et encadrée par la loi (arrêt Kattner).
L’exercice de prérogatives de puissances publiques ne peut pas être qualifié d’exercice économique. Un tel
exercice se rattache aux activités régaliennes de l’Etat.
Dans un arrêt Eurocontrol de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 19 Janvier 1994 , où un
organisme international était chargé par les Etats d’assurer la sécurité de l’espace aérien. En plus, Eurocontrol
percevait les redevances payées par les compagnies aériennes pour l’utilisation de cet espace.
Un certain nombre de compagnies vont refuser de payer la redevance, et la contestation de la compagnie
aérienne va être fondée sur l’application des articles 101 et 106 du Traité de Fonctionnement de l'Union
Européenne.
La Cour va être saisie d’une question préjudicielle pour savoir si ces articles étaient susceptibles d’être appliqué
(monopole) ? La Cour va considérer que la perception des redevances n’était pas détachable des activités de
police aérienne d’Eurocontrol. Eurocontrol doit être regardé comme une autorité publique agissant dans
l’exercice de la puissance publique et la collecte de la redevance entre dans le cadre de la mission
d’Eurocontrol qui est le maintien et l’amélioration de la sécurité de la navigation aérienne.
La Cour termine en expliquant que ces activités se rattachent typiquement à l’exercice de prérogatives de
puissances publiques.
Dans cet arrêt Eurocontrol, une autorité internationale mise en place par des Etats pour el contrôle de l’espace
aérien ; cette police de l’air se rattache à l’exercice de prérogatives de puissance publique, et que l’activité
annexe de perception de redevance n’est pas détachable de cette activité principale.
Il n’y a donc aucune activité économique en place.
Comme dans Eurocontrol, certaines compagnies de chargement de pétrole vont contester cette
redevance, d’autant plus que l’activité en question était confiée à une entité privée. En revanche, les
tarifs étaient approuvés par un organisme d’Etat.
Cette contestation était fondée sur les articles 102 et 106 du Traité de Fonctionnement de l'Union
Européenne. Etait-on face à une activité économique ? La Cour va considérer que l’activité de
surveillance antipollution se rattachait à l’exercice de prérogatives de puissance publique, parce qu’on
était dans le cadre de la protection de l’environnement. La perception annexe d’une redevance n’était
pas détachable. Il n’y avait donc pas d’activité économique.
L’environnement entre dans les pouvoirs régaliens de l’Etat dans cet arrêt.
Dans cet arrêt, la Cour considère que la protection de l’environnement est l’une des missions
premières, essentielles de l’Etat. En 1997, c’est plutôt une nouveauté.
A contrario, dans un arrêt du 19 Février 2002 – Wouters, la Cour indique que la fonction de
règlementation de l’exercice de la profession d’avocat (avocat qui est aussi un auxiliaire de justice, et
en tant que tel, il participe à une des missions premières de l’Etat) n’implique pas l’exercice de
prérogatives de puissances publiques. L’ordre professionnel des avocats n’a pas une activité qui se
rattache à l’exercice d’une prérogative de puissance publique.
- En vertu de la théorie des activités détachables qui ressemblent à la notion d’actes détachables, il faut
vérifier en présence d’une activité impliquant l’exercice d’une prérogative de puissances publiques, si
l’entité en cause n’exerce pas une activité économique dissociable.
L’idée est que lorsqu’on a identifié une activité de puissance publique, est-ce que le litige n’est pas
rattaché à une activité dite sociale à une activité elle économique ? Cette notion d’activité détachable
a été reconnue tardivement dans un arrêt ADP du 24 Octobre 2002.
Dans cet arrêt, la Cour a dissocié les activités de police d’ADP et l’activité de gestion et d’exploitation
des infrastructures rémunérées par des redevances commerciales. Pour la Cour, les deux pouvaient
être dissociées dans la mesure où l’activité de gestion et d’exploitation des infrastructures
aéroportuaires pouvait exister sans être rattachée à une activité de police. On aurait pu mettre en
place deux structures différentes.
ADP est une seule entité à deux activités, mais on peut néanmoins détacher les deux activités, et l’une
d’elles est qualifiée d’activité économique et se verra analysée au regard du droit de la concurrence.
Dans un arrêt Motoé – 1er Juillet 2008, on était face à une entité l’ELPA qui représentait la fédération
internationale de motocyclisme en Grèce, et l’ELPA avait deux activités : l’une qui consistait à donner
un avis conforme pour autoriser des courses de moto (circuit bien tracé, sécurité assurée…), et l’autre
qui consistait à organiser et exploiter commercialement des compétitions de motos. Il y avait donc
deux activités distinctes.
L’affaire Selex – 12 Décembre 2006 (Tribunal), et Cour de Justice des Communautés Européennes 26
Mars 2009 illustre la difficulté de dissocier deux activités. C’est une société qui intervient dans les
systèmes de gestion de trafic aérien. Elle conteste l’activité et le monopole donné à Eurocontrol.
La Commission rejette cette plainte, et Selex fait un recours en annulation contre la décision de rejet
de sa plainte. Une des difficultés pour le tribunal est de savoir si le droit de la concurrence est
applicable.
La raison invoquée par le tribunal est que cette mission d’assistance est optionnelle. La Cour va être
saisie d’un pourvoi et va revenir sur l’analyse du tribunal. Comme le tribunal, elle confirme le principe
de dissociation possible des activités, et elle rappelle qu’il faut analyser chaque activité au regard de la
mission d’intérêt général de l’entité. En l’occurrence, la Cour va considérer que l’assistance aux
administrations, l’offre de conseil n’était pas dissociable de la mission d’Eurocontrol qui était la gestion
de l’espace aérien et le développement de la sécurité aérienne.
On a donc deux analyses du tribunal et de la Cour différentes. Cette notion est donc assez difficile à
manier sauf dans les cas les plus évidents comme dans l’arrêt Motoé.
Il faut qu’on soit fasse à une activité économique, mais celle-ci doit être autonome.
Pour appliquer le droit des pratiques anticoncurrentielles, l’entité ayant une activité économique doit exercer
cette activité en toute liberté, elle doit avoir la maîtrise de sa stratégie commerciale. Cette exigence
d’autonomie ressort clairement de l’arrêt Bécu du 16 Septembre 1999.
L’exigence d’autonomie est plutôt analysée par la Cour de Justice des Communautés Européennes et est un
peu moins importante en droit français. Cette exigence d’autonomie est indispensable pour considérer qu’il y a
une entreprise, notion importante en droit communautaire.
Cette notion existe quand même en droit français.
En l’espèce, il y avait des poursuites pénales contre une agence d’intérim et une entreprise ayant employé des
dockers. Ces ouvriers fournis par l’agence d’intérim n’étaient pas agréés par la loi belge pour effectuer le travail
en cause qui était exclusivement réservé à des dockers agréés.
L’agence d’intérim va contester la loi belge donnant un monopole à certains dockers sur le fondement des
articles 101, 102 et 106 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne. La Cour de Justice des
Communautés Européennes va être saisie d’une question préjudicielle d’interprétation : les dockers agréés et
qui ont un monopole peuvent-ils se voir appliquer le droit des pratiques anticoncurrentielles ?
En l’occurrence, la Cour répond non. Ils sont bien une activité économique (chargement et déchargement de
marchandises), mais ils ont une activité économique qu’ils n’exercent pas de manière autonome.
Ces salariés échappent à l’application du droit des pratiques anticoncurrentielles.
Cela signifie donc qu’on ne peut les qualifier d’entreprise.
L’exigence d’autonomie est très présente pour imputer la responsabilité des infractions mais on part du
principe que le droit est déjà applicable. Cette exigence d’autonomie dans l’activité économique est un élément
pertinent dans deux situations particulières :
- Lorsque l’activité est exercée par un ou des filiales.
- Lorsque l’activité est exercée par un ou des agents commerciaux.
Ils auront des activités économiques, mais les exercent-ils de manière autonome ? Si oui, il y aura possibilité
d’appliquer le droit de la concurrence.
Lorsqu’on dit filiale, cela signifie que la société-mère dirige nécessairement la filiale. Cela n’est pas nécessaire
en droit de la concurrence.
Dans quelles conditions peut-on retenir l’autonomie d’une filiale ? C’est la même approche en droit français
qu’en droit communautaire, il faut déterminer si la société-mère exercer ou non une influence déterminante
sur la filiale. Il existe deux critères déterminés par l’arrêt du 25 Octobre 1996 – Viho :
o L’existence d’un lien de groupe entre sociétés-mères et filiales.
On vise un lien capitalistique. La société-mère détient-elle une part importante du capital ? Il faut également
regarder quant à l’exercice par la société-mère du pouvoir de direction qu’elle détient sur la filiale ?
On peut se référer à l’arrêt Repsol du 20 Janvier 2011 de la Cour de Justice des Communautés Européennes et
également à la décision de l’Autorité de la Concurrence du 26 Janvier 2011 dans le secteur de la restauration
des monuments historiques.
La présomption s’applique également à l’égard des sociétés grands-mères (Société qui détient une filiale à
100%, elle-même qui détient une filiale à 100%). Le lien capitalistique peut être indirect, et la présomption joue
quand même, c’est notamment ce que prévoit la Cour dans l’arrêt Repsol.
Pour renverser la présomption, il appartient à la société-mère de rapporter tout élément relatif à l’organisation
de la société, aux statuts juridiques et au fonctionnement économique de la société filiale qui démontreraient
l’absence d’unité économique entre sociétés-mères et sociétés filiales.
Tout lien organisationnel permettant de dire que sociétés-mères ou sociétés filiales ne sont pas une seule et
même unité économique peut renverser la présomption.
En revanche, il y a un certain nombre d’arguments qui ne sont pas reçus comme le fait que la société-mère ait
donné l’ordre à sa filiale de cesser l’infraction. Le fait que la société mère n’ait pas participé à l’infraction n’a
pas d’influence non plus, il en va de même si la société-mère n’a pas incité expressément la filiale.
La présomption est assez difficilement réversible.
Lorsqu’il n’y a pas 100% du capital, le jeu de la présomption n’a pas lieu d’être, et à ce moment là, il faudra
évaluer l’autonomie en fonction des liens économiques (types de contrats entre les entités), des liens
organisationnels (la société-mère nomme les dirigeants), les liens juridiques…
S’il y a une pleine autonomie dans ces choix, il y a a priori bien deux entités séparées.
Dans une décision du 12 Octobre 1999 – Pratiques relevées sur des marchés d’étude pour la voie de
contournement ouest de l’agglomération de Toulouse, le Conseil de la Concurrence a précisé que le fait, pour
une entité économique, d’avoir un directeur ayant une délégation de pouvoir pour signer des contrats, gérant
le personnel, le matériel et le bureau d’études, représentant la société auprès des tiers, signant des offres ou
passant des commandes… Un tel directeur avec une telle délégation de pouvoir ne suffit pas à qualifier l’entité
d’entreprise au sens activité économique autonome. Ce qui compte, c’est l’économie de stratégie.
- Lorsque l’activité est exercée par un ou des agents commerciaux.
Un agent commercial qui n’a pas d’autonomie dans l’exercice de son activité économique ne peut pas voir son
comportement appréhendé indépendamment de celui de son commettant.
Cette absence d’autonomie signifie que le contrat d’agence qui lie l’agent commercial et le commettant n’est
pas appréhendé par le droit des ententes Communication du 19 Mai 2010 – Lignes directives sur les restrictions
verticales.
L’agent est-il un opérateur économique indépendant (de son commettant) ? La réponse réside dans le contrat
conclu avec le commettant, et plus particulièrement dans les clauses relatives à la prise en charge des risques
financiers et commerciaux. Si l’agent ne supporte pas de risques financiers ou commerciaux (ou une partie très
infime), l’agent n’est pas indépendant du commettant, c’est un vrai contrat d’agence non-soumis au droit des
ententes Cour de Justice des Communautés Européennes 11 Septembre 2008 – CEPSA + Conseil de la
Concurrence – 28 Juin 2006 – Secteur de la Publicité Cinématographique.
Il faut après analyser le risque financier ou commercial éventuellement supporté par l’agent. C’est une analyse
au cas par cas, en fonction des contrats en cause. Les lignes directives de la Commission de Mai 2010 donnent
des exemples dans lesquels l’agent ne supporte pas les risques, et n’a donc pas d’activité économique
autonome :
o Il ne contribue pas aux coûts liés à la fourniture ou à l’achat des biens contractuels, y compris
les coûts de transports.
o Il n’est pas tenu directement ou indirectement d’investir dans des actions de promotion
comme des actions publicitaires.
o Il ne tient pas à ses propres frais de stocks des biens contractuels, et peut retourner au
commettant sans frais les invendus.
o Il n’exploite pas à ses frais de service d’après-vente ou de service de réparation, de garantie.
Si ces services sont mis en place, il est remboursé intégralement par le commettant, signe
qu’il ne supporte pas les risques.
Lorsqu’on trouve quatre ou cinq clauses de ce type, on considère qu’il ne prend aucun risque, et n’a donc pas
d’indépendance.
Commettant, cela peut être une industrie pétrolière, et les commettants sont les entreprises chargeant
l’industrie pétrolière de vendre les produits fabriqués.
L’intervention étatique entre dans le cadre de ce champ d’application. Le droit des pratiques
anticoncurrentielles peut appréhender les interventions des pouvoirs publics, et le terme « intervention » est
neutre (on ne présume pas de la forme), qui viennent influencer la libre-concurrence entre des entités ayant
des activités économiques autonomes sur un marché.
Le droit de l’Union Européenne, comme le droit français appréhende ce type d’intervention, mais ce n’est
néanmoins pas le même type d’encadrement.
En droit de l’Union Européenne, le contrôle de l’intervention étatique sur les comportements de l’entreprise
est possible au regard de deux fondements :
- L’article 106 §1 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne
Ce texte impose aux autorités étatiques de ne pas utiliser leurs pouvoirs de puissance publique pour mettre
d’une part les entreprises publiques, et d’autre part, les entreprises privées auxquelles elles accordent des
droits spéciaux ou exclusifs en mesure d’enfreindre les règles du traité, notamment en matière de concurrence.
Entreprises publiques, on laisse tomber SPIC/SPA, ce sont des entités ayant une activité économique
appartenant à l’Etat au sens du droit de l’Union Européenne.
Aucune mesure étatique, quelle que soit sa forme c'est-à-dire législations, règlements, conventions, décisions
individuelles, pratiques administratives, ne doit créer une situation susceptible d’entraîner un comportement
anticoncurrentiel d’une entreprise publique ou titulaire de droits exclusifs ou spéciaux.
La Cour souligne, dans l’arrêt Motoé, que l’ELPA en tant qu’entité organisant et commercialisant des
compétitions de moto, est une entreprise et qu’en tant qu’entité donnant un point de vue conforme, est investi
de droits spéciaux par la Grèce.
Il y a violation des articles 102 et 106§1 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne dès lors qu’une
mesure imputable à un Etat-membre et notamment celle par laquelle celui-ci confère des droits spéciaux ou
exclusifs au sens de cette dernière disposition (c'est-à-dire 106§1), crée un risque d’abus de position
dominante, car un système de concurrence non-faussé n’est pas garanti si l’égalité des chances entre les
opérateurs n’est pas assurée. Il n’y a pas égalité des chances entre les opérateurs à cause du droit spécial
donné à l’ELPA, qui choisit ses concurrents. De plus, ce droit spécial n’est ni limité ni encadré.
Les Etats-membres gardent la possibilité d’intervenir pour favoriser en leur donnant des droits exclusifs ou des
droits spéciaux pour favoriser des entreprises chargées d’un service d’intérêt économique général (S.I.E.G).
Sur le fondement de l’article 106§2 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne, l’attribution de droits
exclusifs ou spéciaux à une entreprise chargée d’un S.I.E.G, qui ressemble beaucoup à la notion de service
public en droit français, par un Etat-membre échappe à toute sanction si des restrictions de concurrence ou
même son exclusion sont nécessaires pour assurer l’accomplissement de la mission d’intérêt économique
général attribuée à l’entreprise.
Cela organise donc une forme d’exemption permettant de ne pas sanctionner l’intervention des Etats,
lorsqu’elle a pour objectif de favoriser une entreprise chargée d’un SEIG. Lorsqu’il s’agit de donner des faveurs
indispensables à l’accomplissement de ce SIEG.
L’article 106§2 a permis aux Etats-membres d’organiser le fonctionnement d’activités économiques sous la
forme d’un service public, et ce dans des conditions économiquement acceptables. Cela a été le cas pour la
distribution du courrier par exemple dans un arrêt Corbeau du 13 Mai 1993 de la Cour de Justice des
Communautés Européennes, pour la distribution de l’électricité dans un arrêt du 27 Avril 1994 de la Cour de
Justice des Communautés Européennes, pour le transport d’urgence des malades dans un arrêt Gluckner de la
Cour de Justice des Communautés Européennes.
Cette notion de service public n’est pas remise en cause par le droit de la concurrence. Celui-ci intègre tout ce
qui concerne les activités économiques, et lorsque celle-ci est essentielle pour le fonctionnement d’une société,
et qu’elle est réalisée sous la forme d’un service au public (tarif précis, obligations de service public), c’est
l’article 106§2 qui va permettre de justifier l’octroi de faveurs.
En aucun cas, il y a antinomie entre service public et concurrence.
- Fondement combinant l’obligation de coopération loyale des Etats-membres dont l’objet est
principalement de contraindre les Etats-membres à ne pas adopter des législations nationales qui
supprimeraient l’effet utile des dispositions du traité – Article 4§3 TUE.
C’est une combinaison de cette obligation de coopération loyale et des articles 101 et 102 du Traité de
Fonctionnement de l'Union Européenne. L’une des premières jurisprudences sur cette combinaison, c’est la
jurisprudence Inno/ATAB du 16 Novembre 1977 de la Cour de Justice des Communautés Européennes.
Cette jurisprudence pose le principe selon lequel les articles devenus 101 et 102 lus en combinaison avec
l’article 4§3 obligent les Etats-membres à ne pas prendre ou maintenir des mesures législatives ou
règlementaires susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises.
La Cour de Justice conclut en général à une violation du droit des pratiques anticoncurrentielles combinée à
une violation au devoir de coopération loyale dans deux situations :
o Lorsqu’un Etat encoure, incite la formation d’une pratique anticoncurrentielle ou en accroît
les effets en les rendant obligatoires pour tous par exemple.
L’arrêt Cif du 9 Septembre 2003 de la Cour de Justice des Communautés Européennes sur la
mise en place par l’Etat Italien d’un consortium d’entreprises italiennes de fabrication
Lorsqu’une mesure étatique est jugée contraire au droit des pratiques anticoncurrentielles, elle doit être
inappliquée par les autorités et juridictions de la concurrence nationales, selon l’arrêt Cif précité. En outre,
l’Etat qui a adopté la mesure est susceptible de faire l’objet d’un recours en manquement, introduit par la
Commission, qui peut éventuellement aboutir à une sanction pécuniaire et/ou à une astreinte.
Dans un arrêt Commission c/Italie du 18 Juin 1998, avec la condamnation en manquement de l’Etat italien,
pour l’adoption d’une loi imposant au Conseil National des Expéditeurs en Douane de décider d’un tarif
obligatoire pour tous les expéditeurs en douane. Le Conseil National constitue une association d’entreprises, au
sens de l’article 101 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne.
L’expéditeur en douane offre des services qui constituent à effectuer des formalités douanières pour
l’importation ou l’exportation de marchandises.
Lorsque l’entité qui a un comportement économique, se voit imposer son comportement par mesure
nationale, alors son comportement échappe au droit des pratiques anticoncurrentielles. Pourquoi ? Cette
entité n’est pas responsable de son comportement, elle n’a pas d’autonomie dans la réalisation du
comportement. Elle a pour obligation d’appliquer le droit national.
Si ce droit national n’est pas conforme au droit de la concurrence de l’Union Européenne, ce n’est pas de « sa
faute », et on ne peut donc lui reprocher un comportement anticoncurrentiel. On pourra juste constater la
non-validité de la loi.
o Lorsque les entreprises sont en présence d’une loi qui exclut partiellement la concurrence.
Les entreprises par exemple, une loi qui incite ou facilite des comportements
anticoncurrentiels, et la loi exclut en partie le jeu de la concurrence à travers ces incitations,
mais les entreprises gardent leur autonomie, leur liberté de choix, et elles peuvent choisir
d’adopter un comportement concurrentiel ou anticoncurrentiel. Du coup, en raison de cette
marge de manœuvre laissée aux entreprises, leur comportement reste dans le champ
d’application du droit des pratiques anticoncurrentielles.
En droit français, l’intervention de la puissance publique peut être appréhendée sur le fondement des articles L.
420-1 et L. 420-2 du Code de Commerce. Ce point est acquis depuis l’arrêt Million et Marais du Conseil d'Etat
du 3 Novembre 1997.
Depuis cet arrêt, le droit des pratiques anticoncurrentielles fait partie de ce qu’on appelle le bloc de légalité, à
partir duquel on peut contrôler la légalité des actes administratifs.
Par conséquent, le Conseil d'Etat a instauré un contrôle de la légalité des actes administratifs sur le fondement
de dispositions du Code de Commerce, en l’occurrence les articles L. 420-1 et L. 420-2, dès que ces actes ont un
effet potentiel sur une activité économique.
Dans un avis du 22 Novembre 2000, le Conseil d'Etat confirme l’intégration du droit de la concurrence dans le
bloc de légalité, et ce qui est intéressant, c’est que le Conseil d'Etat saisi par le Tribunal de Pau, dans le cadre
d’un recours en annulation contre deux arrêtés municipaux. Ces arrêtés municipaux avaient été pris sur le
fondement des pouvoirs de police du maire en matière de règlementation de la publicité.
Leur validité est-elle susceptible d’être contestée sur le fondement du droit de la concurrence ? Le Conseil
d'Etat a posé le principe suivant « dès lors que l’exercice de pouvoir de police administrative est susceptible
d’affecter des activités de production, de distribution ou de service, la circonstance que les mesures de police
ont pour objectif la protection de l’ordre public ou dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que
l’administration a pour mission de protéger ou de garantir n’exonère pas l’autorité investie de ses pouvoirs de
police, de l’obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l’industrie, et les règles
de concurrence ».
Depuis Million et Marais, et l’avis L&P Publicité SARL, le droit de la concurrence, le droit des pratiques
anticoncurrentielles notamment est pleinement intégré dans l’activité de l’administration, et encadre l’activité
des autorités administratives françaises.
Qui contrôle ? En droit français, le contrôle des mesures administratives sur le fondement du droit de la
concurrence, est susceptible d’intervenir devant deux autorités : le juge administratif qui est l’autorité naturelle
de contrôle des actes administratifs, et l’Autorité de la Concurrence, autorité naturelle de protection de la
libre-concurrence.
La compétence du juge est exclusive de la compétence de l’Autorité de la Concurrence.
Depuis l’arrêt du Tribunal des Conflits du 18 Octobre 1999 – Aéroports de Paris, la compétence de l’ADLC pour
sanctionner les pratiques anticoncurrentielles d’une personne publique, est reconnue à une double condition :
Les pratiques interviennent dans le cadre d’une activité économique exercée par la personne
publique.
Les pratiques ne concernent pas des décisions ou des actes portant sur l’organisation du service
public, ou mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique.
Dans le cas contraire, seul le juge administratif est susceptible d’effectuer un contrôle sur le fondement des
articles L. 4120-1 et L. 420-2 du Code de Commerce.
Dans le cadre de pratiques mises en œuvre dans le transport médical d’urgence, dans une décision de
l’Autorité de la Concurrence du 25 Novembre 2009, décision d’incompétence de l’ADLC. L’Autorité de la
Concurrence, saisie d’une plainte, et cette plainte contestait les modalités par lesquelles un centre hospitalier,
établissement public administratif, a confié une mission de service public de transport médical d’urgence au
service départemental d’incendies et de secours, qui est également un établissement public administratif.
L’ADLC écarte sa compétence, en soulignant que « les actes par lesquels une personne publique confie à une
personne publique ou une personne privée dotée de prérogatives de puissances publiques une mission de
service public relève de l’organisation du service public ».
Le droit de la concurrence de l’Union Européenne définit son propre champ d’application géographique, les
articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne visent les comportements qui
restreignent la concurrence « à l’intérieur du marché commun » pour l’article 101 et « sur le marché commun
ou une partie substantielle de celui-ci » pour l’article 102.
Dans l’arrêt Béguelin du 25 Novembre 1971, la Cour de Justice a interprété ses termes comme faisant
dépendre l’application du droit des pratiques anticoncurrentielles d’un effet des pratiques dans le territoire de
l’Union Européenne.
En revanche, le fait que les entreprises ne soient pas situées sur le territoire de l’Union Européenne, mais dans
un Etat-tiers ne fait pas obstacle à l’application du droit des pratiques anticoncurrentielles. Sur le fondement de
cette jurisprudence, il apparaît que l’applicabilité des articles 101 et 102 repose sur le critère de l’effet
territorial, qu’on appelle aussi « théorie de l’effet interne », ou principe de « territorialité objective ».
En vertu du principe de territorialité objective, tous les comportements contraires à la concurrence qui peuvent
être rattachés au territoire de l’Union Européenne en raison de leur effet sont susceptibles de se voir appliqués
les articles 101 et 102 et ceci même si l’entreprise auteur du comportement n’a pas la nationalité d’un Etat-
membre ou n’est pas située dans l’Union Européenne.
La difficulté, c’est que le principe de territorialité objective est controversé pour deux raisons au moins :
o Il permet à un Etat d’étendre l’influence de son droit au-delà de ses frontières territoriales.
Ce principe de territorialité objective manifeste une sorte d’impérialisme juridique peu
respectueux de la souveraineté des autres Etats (inventé par les Américains).
Au 19ème siècle, le seul Etat civilisé disposant d’un droit antitrust était les Etats-Unis. A partir
des années 1950, l’Union Européenne se dote d’un droit anticoncurrentiel. Deux grands
droits se confrontent.
o Ce principe tout à fait compréhensible n’a été retenu que dans un seul arrêt de droit
international public, arrêt du 7 Septembre 1927 de la Cour Permanente de Justice
Internationale France c/Italie – Arrêt du Lotus.
Ces deux raisons ont eu pour conséquence que la Cour de Justice des Communautés Européennes, même si
elle a affirmé la théorie de l’effet, va éviter de l’appliquer pendant un certain temps, et va retenir d’autres
moyens pour retenir l’applicabilité du droit de l’Union Européenne.
L’arrêt Pâte de Bois du 27 Septembre 1988 où il n’y avait aucune filiale implantée. On ne pouvait pas utiliser le
subterfuge de l’unité économique entre filiale et société-mère. La Cour a donc découpé l’infraction (entente sur
les prix constituée par une pratique concertée sur les prix) en deux éléments infractionnels : la formation de
l’entente (qui se déroule aux Etats-Unis), et la mise en œuvre de l’entente (passation de contrats mettant en
œuvre les prix décidés avec des clients européens) qui elle se déroule en Europe.
Une partie des fais générateurs peuvent être rattachés au territoire de l’Union Européenne sans faire référence
aux effets qui interviennent après la mise en œuvre de la concertation. En fait, ils utilisent la spécificité de
l’infraction en cause (pratique concertée), en disant que cette pratique comporte deux éléments infractionnels
qui constituent un ensemble de faits générateurs.
C’est une concertation qui entraîne des pratiques. La concertation a certes eu lieu aux Etats-Unis, mais la
pratique se fait en Europe. La mise en œuvre est donc localisée sur le territoire de l’Union Européenne, et c’est
donc le principe de territorialité subjective que la Cour applique, alors que toute l’argumentation des
entreprises voulant contester l’applicabilité du droit de l’Union Européenne, était fondée sur l’application de la
territorialité objective, contraire au DIP.
La Cour, pour éviter toute discussion, a dit qu’elle n’appliquait ici que le principe de territorialité subjective.
C’est le seul arrêt avant dire droit, c'est-à-dire un arrêt qui a été prononcé sur la seule applicabilité du droit de
l’Union Européenne. La Cour a ensuite jugé, 5 ans plus tard, si oui ou non il y avait infraction au regard du droit
de l’Union Européenne (En l’espèce, la réponse sera non).
Aujourd’hui, le juge de l’Union Européenne semble avoir définitivement adopté le principe de la territorialité
objective, cela est en tout cas soutenu par l’ensemble de la doctrine. Le seul arrêt qui fait une application
concrète de ce principe de territorialité objective, c’est l’arrêt Gencor du 25 Mars 1999 – TPICE en droit des
concentrations, concernant une concentration en Afrique du Sud. Celle-ci pouvait-elle se voir contrôlée sur le
fondement du droit de l’Union Européenne ? Evidemment, la concentration était-elle qu’elle dépassait un
certain nombre de seuils permettant l’application du règlement du droit de l’Union Européenne.
Une question néanmoins se posait auparavant : il fallait se demander s’il fallait faire référence à ses seuils ou
non ? Pouvait-on utiliser le texte de l’Union Européenne ? Y-a-t-il un rattachement de cette concentration au
droit de l’Union Européenne ? Oui, parce que d’après le tribunal, il était prévisible que la concentration
projetée produise un effet immédiat, substantiel, et prévisible dans la Communauté.
C’est une reconnaissance de la théorie de l’effet, mais celui-ci doit immédiat, qu’il ait une certaine intensité, et
dans le cadre des concentrations, que l’effet soit prévisible.
Depuis cet arrêt, la doctrine considère que la théorie de l’effet permet l’application extraterritoriale du droit de
l’Union Européenne à partir du moment où on constate un effet immédiat, substantiel et prévisible.
Le principe de territorialité objective ne résout pas tous les problèmes parce que c’est peut être une
réponse à l’applicabilité du droit de l’Union Européenne à des entités extérieures à l’Union
Européenne, mais lorsqu’on fait une application concrète du droit de l’Union Européenne, ce n’est
plus un problème de compétence normative, mais de compétence d’exécution (imperium).
La compétence d’exécution vise le pouvoir de prendre des mesures contraignantes. Or, on peut justifier la
compétence normative sur le principe de territorialité objective, en revanche, au regard du droit international
public, la compétence d’exécution repose sur un principe de territorialité absolue, suivant lequel une autorité
Cela signifie que les mesures de contrainte nécessaire pour appliquer les articles 101 et 102 du Traité de
Fonctionnement de l'Union Européenne peuvent uniquement intervenir sur le territoire de l’Union
Européenne. L’Union Européenne n’a aucun pouvoir de coercition à l’égard des entreprises établies à
l’étranger.
C’est donc bien beau de considérer qu’on a la possibilité d’appliquer son droit en dehors de ses frontières, mais
en terme d’efficacité, on limite l’impact de son droit car de toutes façons, on ne peut pas contraindre des
entités établies à l’extérieur de mes frontières.
- La sanction
On peut prendre n’importe quelle sanction, dire qu’il a une infraction, prononcer une amende, ordonner la
cessation du comportement… Mais, si les entreprises établies en dehors du territoire de l’Union Européenne ne
s’exécutent pas spontanément, on n’a aucune mesure de contrainte à notre disposition.
On ne peut pas effectuer un recouvrement forcé par saisie sur comptes.
Cela limite donc l’efficacité juridique de la décision, il n’y a pas de voies d’exécution possibles.
En plus du principe territorialité absolue en ce qui concerne la compétence d’exécution, dans le cadre de
l’application dite extraterritoriale, le droit international public semble imposer un principe de modération, aussi
appelé principe de courtoisie qui s’applique aux autorités nationales.
L’idée est que l’entité revendiquant une compétence et une application extraterritoriale de ses règles, doit
renoncer à poursuivre si elle risque de remettre en cause des intérêts fondamentaux de l’Etat étranger.
Même si la théorie de l’effet permettrait d’appliquer le droit de l’Union Européenne, dans l’hypothèse où cette
application est susceptible de remettre en cause des intérêts fondamentaux, normalement, l’autorité de
concurrence doit renoncer à cette application extraterritoriale.
L’application de ce principe est assez difficile. Son intérêt est qu’il souligne la limite apportée à la théorie de
l’effet, et qu’il diminue considérablement l’impact de l’adoption de cette théorie de l’effet.
En fait, en raison du développement de l’économie internationale, des marchés qui ne sont plus des marchés
localisés sur un territoire mais plutôt sur une région ou des marchés mondiaux, on s’est rendus compte qu’il y
avait une difficulté liée au caractère extraterritorial… Les réponses trouvées pour lutter contre des pratiques de
dimension internationale, sont les mécanismes de coopération internationale.
Il y a donc un début de droit international de coopération dans l’application de règles nationales/régionales de
la concurrence.
Des accords ont été adoptés. On trouve notamment un accord entre les Etats-Unis et l’Union Européenne de
1991, appliqué en 1995, et complété en 1998. Cet accord met en place un principe de courtoisie active : c’est la
possibilité pour une autorité de demander à une autre autorité d’agir.
On trouve également des mécanismes de coopération avec le Canada, le Japon (10 Juillet 2003), et la Corée du
Nord. Ce sont des traités bilatéraux avec un contenu important.
Les autorités françaises appliquent aussi le principe de territorialité objective depuis une décision du Conseil de
la Concurrence du 15 Décembre 1992 – CMS Dental.
Il s’agissait d’une plainte dénonçant une entente verticale entre une société allemande et une société
française. Le fait que la société allemande ait son siège à l’étranger ne faisait pas obstacle à ce que le Conseil
connaisse des effets sur le territoire français.
Les rédacteurs de la loi NRE ont ajouté à l’article L. 420-1-1 du Code de Commerce, que cet article s’appliquait
lorsque le comportement en cause est le fait d’une société du groupe implanté hors de France. On a inclus une
référence à la théorie de l’effet dans le Code de Commerce.
Il y a deux difficultés à cette précision : d’abord, la formulation n’est pas très claire (Société ? Groupe ?
Implanté hors de France ?). Aucun des mots employés juridiquement n’est clair.
De plus, il n’y a rien dans l’article L. 420-2 relatif aux abus de position dominante. Que faut-il en conclure ? La
théorie de l’effet s’applique-t-elle ou pas ? D’une manière générale, la réponse est oui évidemment, mais en
fait, l’ajout dans la loi NRE au seul article, doit être vu comme une maladresse du législateur.
Il n’existe pas en droit de la concurrence un principe non bis in indem, ce principe pourrait permettre à une
société, à une entreprise condamnée par un Etat-tiers (Les Etats-Unis) de ne pas être condamnée à nouveau
sur le fondement du droit de l’Union Européenne pour le même comportement.
L’inexistence du jeu de ce principe est clairement affirmée par la Cour de Justice des Communautés
Européennes notamment dans un arrêt Carbone du 10 Mai 2007.
En droit pénal, ce principe non bis in indem fait obstacle à de nouvelles poursuites, mais il faut qu’il y ait une
identité de fait, une identité d’auteur et une identité des intérêts juridiques protégés. En droit de la
concurrence, la Cour ne reconnaît pas ce principe car elle considère que le droit de l’Union Européenne et le
droit de l’Etat-tiers, quel qu’il soit, ne protègent pas les mêmes intérêts. En plus, l’identité de fait n’existe pas
car la sanction prononcée par l’Etat-tiers est prononcée en fonction de l’atteinte au marché de cet Etat-tiers,
mais en fonction de l’atteinte au marché intérieur.
Ce deuxième aspect est spécifique au droit de l’Union Européenne. Sur le territoire de l’Union Européenne, qui
est le champ d’application naturel du droit de l’Union Européenne, les droits nationaux sont aussi susceptibles
de s’appliquer pour chaque territoire national. Deux types de règles se superposent.
Dans quelles circonstances le droit de l’Union Européenne s’applique plutôt qu’un droit national d’un Etat-
membre ? Quel est le domaine d’application des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union
Européenne par rapport au domaine des règles de droit interne ?
La réponse est liée au critère du droit de l’Union Européenne de l’affectation du commerce entre Etats-
membres, et est donnée par ces deux articles du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne qui
interdisent les pratiques anticoncurrentielles susceptibles d’affecter le commerce entre Etats-membres.
Depuis deux arrêts anciens l’arrêt LTM (Société Technique Minière) du 30 Juin 1966 et l’arrêt Consten et
Grunding du 13 Juillet 1966, l’affectation du commerce entre Etats-membres est affirmé comme critère de
répartition des compétences normatives de l’Union Européenne et nationale.
Cela détermine le champ d’application du droit de l’Union Européenne par rapport au droit interne.
Il faut comprendre que sont susceptibles d’être contrôlés sur le fondement des articles 101 et 102 du Traité de
Fonctionnement de l'Union Européenne uniquement les comportements qui affectent le commerce entre
Etats-membres. C’est un critère d’applicabilité essentiel.
Cas pratique : La première question même si elle n’est pas posée, c’est se demander si le droit français ou si
c’est le droit de l’Union Européenne qui pourrait être applicable. Il faut se poser la question de l’affectation ou
non du commerce entre Etats-membres. S’il y a affectation, le droit de l’Union Européenne est applicable.
La jurisprudence communautaire, qui est en partie reprise par une Communication du 27 Avril 2004 de la
Commission « Communication sur la notion d’affectation du commerce entre Etats-membres » donne une
signification extrêmement large de la notion d’affectation du commerce entre Etats-membres.
Dans son arrêt Club Lombard – 24 Septembre 2009, qui concerne des concertations sur les prix et les
commissions bancaires des banques autrichiennes en Autriche.
La Cour rappelle que « pour être susceptible d’affecter le commerce entre Etats-membres, une décision, un
accord, ou une pratique doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, permettre
d’envisager avec un degré de probabilité suffisante qu’ils exercent une influence directe ou indirecte, actuelle
ou potentielle, sur les courants d’échanges entre Etats-membres et cela de manière à faire craindre qu’ils
puissent entraver la réalisation d’un marché unique entre Etats-membres. Il faut, en outre, que cette influence
ne soit pas insignifiante ».
Pourquoi cette influence semble-t-elle être préjudiciable ? Il y a affectation des échanges lorsque ceux-ci sont
influences de manière à faire craindre qu’ils puissent entraver.
« Craindre/Entrave », cela renvoie à l’idée d’une influence néfaste.
Dans la Communication de 2004, la Commission ne vise pas nécessairement une influence néfaste. Ce
qui compte pour elle, c’est une modification des courants d’échange. Elle utilise le sens neutre
d’affecter.
Un arrêt du TPICE dans l’affaire Club Lombard du 14 Décembre 2006 (La Cour n’a pas abordé le point),
le Tribunal nous dit qu’il importe peu à cet égard que l’influence d’une entente sur les échanges soit
défavorable, neutre ou favorable. C’est le détournement des courants commerciaux qui compte (par
rapport à l’orientation qu’ils auraient eu sans détournement).
Il faut retenir que c’est plutôt une interprétation négative retenue de la notion d’affectation par la Cour de
Justice des Communautés Européennes (Qui reste la juridiction supérieure).
Le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un Etat-membre ne suffit
pas pour exclure que le commerce entre Etats-membres puisse être affecté. C’est ce que la Cour rappelle dans
l’arrêt Club Lombard. Ce type d’entente vient consolider des cloisonnements nationaux, par nature.
Un comportement qui affecte un marché dit « subnational », c'est-à-dire qui n’affecte qu’une partie d’un Etat-
membre, qu’une région peut aussi correspondre à une affectation des échanges entre Etats-membres. C’est les
points 77 et suivants de la Communication de 2004.
C’est aussi prévu dans l’arrêt Gluckner où il est précisé que l’impossibilité pour une entreprise de s’établir dans
un marché régional, peut caractériser une affectation du commerce entre les Etats-membres, notamment
lorsqu’il s’agit d’une zone frontalière.
Dans un arrêt de la Cour de Cassation du 1 er Mars 2011, concernant des pratiques mises en œuvre par les
sociétés Schell, Esso, Total Outremer, Total Réunion, et Chevron. Le marché était le marché des carburéacteurs
pour les compagnies aériennes, mais ce pour les compagnies desservant l’aéroport Roland Garros de Saint-
Denis de la Réunion.
En raison de son éloignement et en raison du fait que l’on soit sur une île, cet aéroport a été reconnu comme
marché pertinent. La question était donc de savoir si le droit de l’Union Européenne s’appliquait. La Cour de
Cassation va souligner que l’activité transcommunautaire était au moins potentiellement affecté en raison de la
nature de la pratique, de la position des entreprises qui appartiennent à des multinationales qui ont des
centres d’intérêt importants en Europe, et en raison du fait qu’Air France (victime) attirait sur la destination des
citoyens de toute l’Union Européenne. Il y avait donc une affectation potentielle du commerce entre Etats-
membres.
Même lorsqu’on a des échanges avec les pays tiers, il peut y avoir affectation du commerce, notamment
lorsqu’on est en présence d’accords pour l’exportation, accords qui ont une influence néfaste sur la structure
de la concurrence en Europe, si en l’absence des accords, les producteurs auraient été contraints d’écouler leur
production sur le marché intérieur et donc d’avoir une concurrence plus active sur le marché intérieur.
Suiker Unie du 16 Décembre 1975 concernant une entente de quotas à l’exportation sur le sucre. Les
producteurs de sucre européens se répartissaient des quotas d’exportation.
Sans ces quotas, ils auraient sans doute été obligés d’écouler une partie de leur production en Europe.
La seconde présomption est positive, c'est-à-dire de sensibilité qui joue pour les ententes qui par
nature, sont susceptibles d’affecter les échanges, par exemple, parce qu’elles couvrent plusieurs Etats-
membres (transfrontières), ou parce qu’elles concernent les exportations ou les importations.
Ce type d’entente affectera, on le suppose de manière sensible les échanges entre Etats-membres à la
condition soit que le chiffre d’affaire réalisé par les entreprises excède 40 millions d’euros, soit que la
part des marchés est supérieure à 5%.
Ces seuils n’ont pas été confirmés dans la jurisprudence du Tribunal ou de la Cour de Justice des Communautés
Européennes. Ce qui est confirmé, c’est la nécessité de constater le caractère sensible.
La condition de sensibilité soulève des difficultés en cas de marché subnational, c'est-à-dire lorsqu’on est en
face d’un comportement qui concerne une partie d’un territoire national (Points 90 à 92 de la Communication).
En cas de marché subnational, il n’y a pas de présomption à faire jouer, et le meilleur indicatif, le meilleur
moyen de déterminer s’il y a affectation sensible, c’est de regarder la part du volume des ventes nationales que
représente les ventes affectées par le comportement en cause.
Ce critère est notamment rappelé par l’arrêt de la Cour de Cassation du 1er Mars 2011.
Il y a un exemple dans l’arrêt du 23 Septembre 2010 – Orange Caraïbes – Cour d’Appel de Paris où les juges
rappellent qu’il y a affectation du commerce entre Etats-membres si trois conditions sont réunies :
- L’existence d’un courant d’échange entre Etats-membres.
- L’existence d’une affectation potentielle de cet échange.
- L’existence d’une affectation sensible.
Voilà comment les juridictions nationales ont compris la condition imposée par les articles 101 et 102 du Traité
de Fonctionnement de l'Union Européenne d’affectation du commerce entre Etats-membres.
Sur ce dernier point, l’existence d’une affectation sensible, la Cour d’Appel de Paris va condamner la position
de l’ADLC du 9 Décembre 2009 qui avait retenu la sensibilité de l’affectation des échanges, en visant la nature
du comportement et l’importance de la position des entreprises.
La Cour d’Appel a condamné la position, en disant que la sensibilité devait être appréciée en l’espèce (marché
subnational), au regard du volume des ventes concerné par rapport au volume national. Cela n’avait pas été
vérifié.
La Cour dit donc qu’il n’y avait pas eu démonstration du caractère sensible de l’affectation. Elle constate qu’en
plus, le comportement abusif concernait un chiffre d’affaire d’Orange Caraïbes qui représentait 0,75% du
chiffre d’affaire du groupe France Télécom.
A supposer qu’il y ait affectation du commerce, on ne peut pas dire qu’il y a une sensibilité alors que l’abus
porte sur 0, 75% du chiffre d’affaire national du groupe.
L’affectation sensible sur les échanges entre Etats-membres, c’est le critère d’applicabilité du droit de l’Union
Européenne, mais une question reste : le droit de l’Union Européenne est-il applicable exclusivement ou au
contraire, les droits nationaux restent-ils applicables si leurs propres critères d’applicabilité sont satisfaits ?
S’il y a une application possible des droits nationaux, il y a un risque de conflit entre les positions prises sur le
fondement du droit de l’Union Européenne, et celles prises sur le fondement du droit national.
La Cour a résolu assez rapidement la difficulté dans un arrêt du 13 Février 1969 – Walt Wilhelm, où elle
reconnait la possibilité d’une application parallèle du droit de l’Union Européenne et du droit national. Elle y a
cependant posé deux limites :
- On peut cumuler les sanctions nationales et de l’Union Européenne mais en suivant une exigence
générale d’équité, ce qui signifie que la deuxième sanction devrait prendre en compte l’existence de la
première.
Remarque : Cette limite a été un peu oubliée. Lorsque l’Autorité de la Concurrence prononce une
amende, elle vise à la fois le droit français et le droit de l’Union Européenne s’il y affectation du
commerce entre Etats-membres, mais elle ne distingue pas la part attribuée à l’application du droit
français/droit européen, pour éventuellement pouvoir distinguer l’équité.
- En raison de la primauté du droit de l’Union Européenne, l’application du droit national ne peut pas
faire échec à l’application du droit de l’Union Européenne. Aucune décision de condamnation ou
décision de conformité adoptée au regard des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de
l'Union Européenne ne peut être contredite sur le fondement du droit national.
Il y a eu une reprise de ces principes à l’article 3 du règlement I 2003 du 16 Décembre 2002 (prévoyant la mise
en œuvre des règles de concurrence). L’article 3 §1 réaffirme le principe de l’application parallèle, ou
application cumulative. Ce qui signifie qu’une même situation peut être appréhendée à la fois sur le fondement
des articles 101 et 102 et des dispositions équivalentes en droit national.
En outre, ce texte indique que si les autorités de concurrence nationales, l’Autorité de la Concurrence en
France, ou les juridictions en France, Tribunal de Commerce en France notamment, sont saisies d’une situation
où il y a affectation du commerce entre Etats-membres, celles-ci ont l’obligation d’appliquer l’article 101 ou
102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne.
L’article 3§2 réaffirme le principe de primauté du droit de l’Union Européenne (de supériorité), et cet article
précise que l’application du droit national ne peut pas entraîner l’interdiction d’un comportement affectant des
échanges entre Etats-membres dans trois cas :
- Lorsque ces comportements ne sont pas restrictifs de concurrence au sens de l’article 101§1.
- Lorsque ces comportement sont exemptés de sanctions au sens de l’article 101§3.
- Lorsque ces comportements sont couverts par un règlement d’exemption.
Que se passe-t-il si c’est un problème relatif à l’article 102 (abus de position dominante) ?
C’est l’article 3§2 in fine qui n’empêche pas les Etats nationaux de prendre des lois plus strictes qui interdisent
ou sanctionnent un comportement unilatéral. Même si sur le fondement communautaire, il n’ya pas d’abus de
position dominante, on peut utiliser le droit national pour sanctionner ce comportement.
En France, cela vise les interdictions concernant l’abus de dépendance économique et les pratiques de prix
abusivement bas (Infractions spécifiques en France L. 420-2 alinéa 2 et L. 420-5 du Code de Commerce).
Concernant cet article 3, on peut retenir deux choses :
Premièrement, il écarte la thèse du guichet unique puisqu’il retient la thèse de l’application cumulative du droit
de l’Union Européenne et des droits nationaux. La thèse du guichet unique, c’est « soit l’un, soit l’autre » ce qui
est le cas en matière de contrôle des concentrations.
Cet article 3 propose une solution au conflit de lois entre droits internes et droit de l’Union Européenne.
En cas d’applicabilité des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne¸lorsqu’il y a
affectation du commerce entre Etats-membres, il peut y avoir existence d’une coopération entre autorités
nationales et autorités de l’Union Européenne.
Les articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne sont d’effet direct. Cela signifie
qu’ils sont donc invocables devant les autorités nationales par les particuliers. Leur effet direct est complet, ce
qui veut dire qu’on peut les invoquer dans le cadre d’un litige entre particuliers.
Il y a une obligation des autorités nationales d’appliquer ces articles en cas d’affectation du commerce entre les
Etats-membres.
Pour ces deux raisons, l’Union Européenne a du organiser l’articulation des compétences de la Commission
(autorité naturelle d’application de ces articles), avec celles des autorités nationales de concurrence (Autorité
de la Concurrence) et des juridictions nationales de concurrence (Tribunal de Commerce).
Après l’adoption du règlement I 2003, la Commission a organisé un réseau européen de concurrence, qu’on
appelle le « REC » (ECN en anglais European Competition Network). E réseau a été organisé par l’adoption
d’une Communication du 27 Avril 2004 relative à la coopération au sein du réseau des autorités de
concurrence.
Le fonctionnement du réseau repose sur une coopération verticale de la Commission et des autorités
nationales dans les deux sens, mais également sur une coopération horizontale entre les différentes autorités
de la concurrence nationales.
Sur le plan pratique, un réseau Intranet s’est construit entre les 27 Etats-membres, les autorités, et la
Commission, base de données communes. La coopération entre les autorités de concurrence gravite autour de
trois axes :
- La répartition des cas où le droit de l’Union Européenne est applicable.
La Communication prévoit deux conditions cumulatives pour déterminer quelle autorité est la mieux placée :
Condition de proximité en vertu de laquelle il faut un lien entre le comportement et le territoire de
l’autorité.
Condition d’efficacité qui vise à la fois l’efficacité dans la réunion des preuves, et l’efficacité de la
décision finale.
L’intervention parallèle de deux autorités concurrentes peut parfois être utile, sur le fondement des articles
101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne, ce lorsqu’on a un comportement qui a des
effets importants dans le territoire respectif des autorités de concurrence, et que l’intervention d’une seule
autorité serait éventuellement insuffisante pour faire cesser l’intégralité de l’infraction.
Exemple : Une entente entre deux entreprises sur un partage de marché qui restreint à un Etat-membre X
l’activité de l’entreprise établie dans cet Etat, et à l’Etat-membre Y de l’entreprise établie dans cet Etat.
Les autorités de X et de Y sont chacune bien placées pour traiter l’affaire, pour la partie qui concerne leur
territoire.
En revanche, si cela implique plus de trois Etat-membres, alors l’autorité qui apparaît la plus adéquate pour
effectuer le contrôle, c’est la Commission. CEAHR du 15 Décembre 2010 du TUE où le juge considère que le fait
qu’un comportement concerne au moins 5 Etats-membres est un indice sérieux de l’efficacité d’une action de
l’Union Européenne au lieu d’actions multiples au niveau national.
Comme les ANC, les juridictions nationales, lorsqu’elles sont saisies d’un dossier ont l’obligation d’appliquer les
articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne, dès qu’il y a affectation du commerce
En vertu du principe de l’autonomie procédurale, rappelé dans l’arrêt Courage du 20 Septembre 2001, et l’arrêt
Manfredi du 13 Juillet 2006, il appartient à l’ordre juridique de chaque Etat-membre de désigner les juridictions
compétentes, et de régler les modalités procédurales des recours, qui sont destinées à garantir l’application
des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne.
Il n’existe donc pas de juridictions uniquement concurrentielles, il n’existe pas de juge de la concurrence.
L’article 15 du règlement I 2003 (règlement de procédure de l’Union Européenne) et la communication du 27
Avril 2004, sur la coopération entre la Commission et les juridictions nationales organisent l’articulation des
compétences. Cette organisation se fait autour de deux axes :
- Premier axe, des mécanismes de coopération.
Ces mécanismes prennent deux formes :
o C’est une assistance de la Commission auprès des juridictions nationales. Assistance pour
appliquer le droit de l’Union Européenne.
Cette assistance se manifeste à travers la transmission par la Commission d’informations (sur
l’existence d’une procédure en cours devant la Commission, sur la date d’une prise de
décision…). Cette transmission d’informations est intégrée à la procédure française par
l’article R. 470-4 du Code de Commerce.
La présentation de droits implique que cela soit indispensable pour l’application cohérente
des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne. Cette condition
est interprétée largement selon l’arrêt XBV – 11 Juin 2009, où une société condamnée à une
amende pour entente a répercuté partiellement l’amende sur sa filiale hollandaise. Elle
obtient du juge hollandais la déductibilité fiscale partielle de l’amende. Ce qui supprime toute
efficacité de l’amende.
Le juge du recours décide de poser une question préjudicielle d’interprétation concernant
l’article 15§3 du règlement I 2003, et la condition du caractère indispensable pour
l’application cohérente des articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union
Européenne. La Cour de Justice des Communautés Européennes va considérer qu’il y a un lien
étroit entre l’interdiction des comportements et les sanctions qui accompagnent ces
interdictions. Sous-entendu, si on interdit sans sanctionner, l’interdiction n’a aucun effet
utile.
- Deuxième axe, c’est des mécanismes de prévention de conflits, que l’on retrouve principalement à
l’article 16 du règlement I 2003. Ces mécanismes sont prévus au paragraphe 1, et ils recouvrent deux
situations :
o Lorsqu’il y a eu adoption de la décision de la Commission avant le jugement . Le juge ne peut
pas prendre de décisions contraires à celle-ci (primauté du droit communautaire).
Si par hasard, il y a un recours en annulation introduit contre la décision de la Commission, le
juge national doit soit suspendre la procédure nationale pour attendre la décision du tribunal
concernant le recours en annulation. Si le tribunal annule, le juge national est libre de faire ce
qu’il veut ; si le tribunal écarte, le juge national ne peut prendre une décision contraire à celle
de la Commission.
Soit il pose une question préjudicielle de validité relative à la décision de la Commission, en
demandant si la décision de la Commission est valable. Cela permet d’accélérer le processus.
Arrêt Masterfood – 14 Décembre 2000.
o Lorsque la Commission n’a pas encore statué , le juge est relativement libre même si la
Commission a ouvert une procédure. L’ACN serait lui dessaisi.
En revanche, le juge ne peut pas prendre une décision qui ne serait pas compatible avec la
future décision de la Commission. C’est pourquoi il peut surseoir à statuer, et attendre la
décision de la Commission. Il peut également demander à la Commission où elle en est.
Si le juge n’a aucun doute sur la solution qui sera adoptée par la Commission, il peut rendre
sa décision.
Ce contrôle suppose une analyse mélangée de faits et de droits. C’est pourquoi le contrôle par la Commission a
été organisé suivant une procédure spécifique qu’on retrouve aujourd’hui dans le règlement I 2003 complété
par le règlement 773 – 2004.
Le Code de Commerce, au livre IV, partie législative et partie règlementaire, interdit également les ententes
restrictives de concurrence, et les abus de position dominante, ce dans des termes à peu près similaires. Le
Code de Commerce prévoit également une procédure spécifique devant l’Autorité de la Concurrence, assez
semblable à la procédure concurrence devant la Commission.
Il y a néanmoins une différence que nous avons déjà souligné, c’est que le Code de Commerce (le droit français)
interdit deux autres comportements anticoncurrentiels. On trouve deux pratiques anticoncurrentielles
supplémentaires en droit français : l’abus de dépendance économique à l’article L. 420-2 alinéa 2 du Code de
Commerce, et les prix abusivement bas à l’article L. 420-5 du Code de Commerce.
Ces pratiques n’existent pas en droit de la concurrence sauf lorsque des prix abusivement bas peuvent
éventuellement correspondre à un abus de position dominante.
Ces deux dispositions du Code de Commerce sont assez anecdotiques, car elles ont en pratique quasiment
aucune existence.
Sur le fondement de l’article 101 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne §1, et de l’article L. 420-
1 du Code de Commerce, les ententes qui portent atteinte à la concurrence sont illicites. Néanmoins, pour
échapper au principe d’interdiction, elles peuvent être justifiées par un progrès économique permettant de les
exempter.
D’après l’article 101§1, et L. 420-1 du Code de Commerce, le principe d’interdiction des ententes implique la
réunion de deux éléments infractionnels. Il faut être en présence d’une part d’une entente, c'est-à-dire d’une
volonté commune et d’autre part, d’une restriction de la concurrence sur le marché pertinent.
La volonté commune des entreprises, la caractéristique de l’entente est appréhendée par les textes
uniquement à travers les formes qu’elle est susceptible de prendre. L’article L. 420-1 du Code de Commerce
vise de manière obscure les ententes expresses, tacites, coalitions, actions concertées et conventions.
(La différence entre une entente expresse et tacite, d’accord, mais comment une coalition peut-elle être autre
chose qu’une entente expresse ou tacite ?).
L’article 101§1 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne est plus clair et retient trois formes :
- L’accord
- La décision d’association d’entreprise
- La pratique concertée
Ces différents termes renvoient, comme le rappelle la Cour de Justice des Communautés Européennes dans un
arrêt du 4 Juin 2009 – T-mobile, à « des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent
que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent ». Il y a donc un point commun
entre toutes ces ententes, c’est que toutes renvoient à une seule et même nature : la collusion.
En revanche, chacune exprime une intensité différente.
La volonté commune peut se manifester de différentes manières, qui caractérisent chacune une intensité plus
ou moins élevée dans la collusion, dans l’entente.
La jurisprudence fait apparaître, à l’avis de Monsieur Barthe, deux catégories de forme d’entente, en fonction
de leur intensité.
a) L’accord
La notion d’accord est extrêmement large, et est définie depuis un arrêt du 15 Juillet 1970 – Chemiefarma
« pour qu’il y ait accord au sens de l’article (devenu 101), il suffit que les entreprises en cause aient exprimées
leur volonté commune, de se comporter sur le marché d’une manière déterminée ».
L’un des derniers arrêts reprenant cette définition est l’arrêt du TPICE du 9 Juillet 2009 – Automobiles Peugeot
qui concernait un système de rémunération des concessionnaires automobiles hollandais de Peugeot, qui était
plus attractif s’ils vendaient en Hollande plutôt qu’à l’exportation.
L’accord tel que défini englobe la notion de contrat au sens du droit civil (français également), mais l’accord va
au-delà de cette du contrat.
Il existe un deuxième élément infractionnel. Il y a accord lorsque les parties s’entendent sur un plan commun
qui détermine leur ligne d’action ou de non-action sur le marché. En revanche, la forme de l’accord est
indifférente, tant qu’elle constitue une expression fidèle de la volonté des parties.
Du coup, un contrat non-valable au regard du droit national peut être suffisant selon l’arrêt Sandoz – 11 Janvier
1990. Des engagements simplement moraux, des promesses, ou des déclarations d’intention sont elles aussi
suffisantes. C’est notamment le cas des engagements d’honneur, les gentleman’s agreement comme on le voit
dans l’arrêt Treillis Soudés du 6 Avril 1995.
L’élément essentiel de l’accord n’est pas la signature d’un contrat, mais l’existence d’une volonté commune des
entreprises d’adopter une stratégie spécifique sur le marché.
Deux entités ont la volonté commune d’augmenter leur prix, et le manifestent l’une par rapport à l’autre,
arrivant à voir à travers des comportements, une clause, cette manifestation : on a un accord.
A partir du moment où on peut déterminer qu’il y a une volonté commune de ce comportement de manière
déterminée sur le marchée, on a une entente prenant la forme d’un accord.
Cette conception large de l’accord a un impact particulier à l’égard des mesures apparemment unilatérales
dans le cadre de relations commerciales verticales. Ce sont les relations existant entre un fournisseur et le
revendeur de ce fournisseur.
On parle donc d’actes juridiques, ou de pratiques adoptées par le fournisseur dans le cadre des relations
d’affaires qu’il a avec un ou des revendeurs. Concrètement, cela peut être l’envoi d’une circulaire sur les prix ou
sur les rabais, l’envoie d’une facture dans le cadre d’un contrat d’approvisionnement…
Ces mesures apparemment unilatérales sont des accords, à deux conditions que l’on retrouve notamment dans
l’arrêt Bayer du TPICE du 26 Octobre 2000 et Cour de Justice des Communautés Européennes – 6 Janvier 2004.
L’Autorité de la Concurrence pense la même chose, avec par exemple LVMH – 23 Janvier 2005 :
- Le document envoyé par le fournisseur permet d’identifier une offre de comportement sur le marché.
- Il est possible de prouver une acceptation express ou tacite de cette offre de comportement sur le
marché, par ceux qui l’ont reçue.
Dans un arrêt AEG Telefonkun du 25 Octobre 1983 où un fabricant refuse l’admission à son
réseau de distribution d’un distributeur. Le réseau a été construit sur des critères qualitatifs.
Il est dit qu’il y a entente du fait de ce refus.
La Cour va considérer que ce refus constitue effectivement un accord, entre le fournisseur/le
fabricant et les distributeurs déjà agréés. L’obtention de l’agrément par les distributeurs
agréés nécessitait de leur part une acceptation express ou tacite de la politique poursuivie
par le fabricant, notamment en matière de constitution du réseau, et des refus d’agrément
que cela impliquait.
o On peut prouver l’acceptation tacite au travers du comportement des entreprises à qui sont
adressés les documents. Cette seconde manière est utilisée lorsqu’il n’y a pas de contrat-
cadre passé, où lorsque le contrat-cadre ne permet pas d’établir une quelconque acceptation
de la mesure unilatérale en cause.
Par exemple, on a une stipulation qui interdit expressément les exportations. Cette
stipulation n’est pas dans un contrat antérieur, elle est au dos de la facture envoyée au client
du fabricant. A la suite de chaque commande, il y a les marchandises vendues ne doivent pas
être exportées. La Cour, dans l’arrêt Sandoz du 11 Juillet 1990, a considéré qu’il y avait un
accord qui avait pour objet la non-exportation des marchandises achetées, parce que les
clients ont tacitement accepté cette clause par leur comportement, qui était le
renouvellement des commandes, le paiement du prix demandé, l’absence de toute
protestation adressée aux fournisseurs.
Pour la Cour, ces trois éléments indiquent qu’ils ont accepté l’interdiction d’exporter les
marchandises achetées.
En revanche, le juge a bien souligné dans un arrêt Volkswagen, que le seul fait d’être intégré à un réseau de
distribution sélective ne permet pas de considérer que les membres du réseau ont implicitement et
nécessairement accepté tout agissement du fournisseur.
Quand on est membre d’un réseau, et que lorsqu’on reprend le contrat-cadre, rien n’indique que dans son
contenu la mesure unilatérale était prévue dans le contrat-cadre. Le seul fait d’être dans le réseau, ne signifie
pas d’avoir donné une acceptation pour l’ensemble des comportements du fournisseur.
Il faut trouver une acceptation. En l’espèce, il y avait une invitation non-contraignante à appliquer certains prix
sur des produits.
La position du droit français est identique avec la décision Akaï du 28 Juin 2002.
Dans l’affaire Bayer, le juge a rappelé que le seul fait qu’une mesure soit adoptée par un fabricant dans le cadre
de relations commerciales continues avec ses revendeurs/ses grossistes ne suffit pas à prouver un accord. Cela
signifie que ce n’est pas parce que le fournisseur adopte un comportement, on continue à avoir des relations
avec lui, cela ne veut pas dire qu’on a accepté son comportement.
En l’espèce, Bayer appliquait des quotas, et refusait de livrer au-delà d’une certaine quantité.
Ces grossistes lui demandaient certaines quantités, et il répondait systématiquement en dessous. Plus
précisément, il vendait à hauteur de la consommation nationale + 2/3% à chaque grossiste. Le grossiste, de fait,
pouvait répondre à la demande nationale, mais ne pouvait pas exporter. La stratégie de Bayer était d’interdire
à chacun de ses acheteurs les exportations.
La Commission va considérer qu’il y avait un accord portant sur les exportations, en disant que Bayer en avait
pris l’initiative, et que tous les grossistes qui avaient continué à acheter ont manifesté leur accord à cette
initiative.
La Cour de Justice des Communautés Européennes va répondre par la négative, le seul fait de continuer à
acheter est insuffisant. Les grossistes avaient besoin d’acheter à Bayer, et ils ont toujours manifesté leur
mécontentement de ne pouvoir acheter plus.
+ Conseil de la Concurrence – 05D72 – Pharmlab – Secteur du médicament, confirmé par la Cour d’Appel de
Paris le 23 Janvier 2007. Même analyse.
Il existe quand même une limite à cette définition extrêmement large ne droit de l’Union Européenne, avec la
jurisprudence Albany du 21 Septembre 1999, reprise dans l’arrêt Vanderwoude du 21 Septembre 2000, la
notion d’accord n’inclut pas les conventions collectives. Ce ne sont pas des accords au sens de l’article 101§1.
En amont du problème, la question qui se posait était celle de savoir si la création de ce fonds de pension par
les deux syndicats était une entente au sens de l’article 101§1 ? La Cour va répondre par la négative. Non pas
qu’il n’y ait pas une volonté commune de se déterminer d’une manière précise sur le marché, mais que tout
simplement, la nature de la convention, c'est-à-dire convention résultant de négociations collectives et son
objet, c'est-à-dire l’amélioration des conditions d’emploi et de travail, échappaient à la qualification d’entente.
Cette position n’est pas du tout critiquable quant aux résultats.
Mais la manière dont la Cour a raisonné de manière plus étrange, quand à la nature de l’activité des
protagonistes. Dans l’arrêt Albany, la convention collective échappe au domaine d’application de l’article 101,
car un syndicat d’ouvrier n’est pas une entreprise.
Pour comprendre cette notion, il faut d’abord déterminer ce qu’est une association d’entreprise.
L’expression « association d’entreprise », n’est pas définie par les textes. Au regard de la jurisprudence, cela
désigne des groupements variés de personnes physiques ou morales ayant une activité économique.
La forme du regroupement de l’association est assez indifférente, et peut être très diverse. Il peut s’agir
d’abord d’ordres professionnels (l’ordre des avocats Arrêt Wouters – 19 Février 2002, l’ordre des géomètres
experts Com – 9 Juin 2004 – Conseil supérieur de l’ordre des géomètres experts, de l’ordre des architectes
Conseil de la Concurrence – 23 Juin 2004…). N’importe quel ordre professionnel constitue un groupement
d’association, si les activités sont économiques.
Il peut s’agir d’associations professionnelles sans but lucratif, avec par exemple le conseil interprofessionnel de
l’optique – Autorité de la Concurrence – 7 Juin 2010, ou encore l’association des manufactures de tabac – 20
Octobre 1980 – Van Landewyck.
Il peut s’agir des fédérations sportives, comme la fédération internationale de football, dans l’arrêt Piau du
TPICE du 26 Janvier 2005, Cour de Justice des Communautés Européennes – 23 Février 2006, ou le comité
international olympique, dans l’arrêt Meca Medina du 18 Juillet 2006.
Il peut s’agir de fédérations professionnelles, comme la fédération nationale d’éleveurs et d’agriculteurs dans
l’arrêt du 18 Décembre 2008 – Coop. De France Bétail et Viande.
Enfin, il peut s’agir de GIE, comme dans la décision du Conseil de la Concurrence du 27 Juin 2001 – Secteur des
taxis à Saint Laurent du Var.
L’élément essentiel de toute association, c’est la présence d’un organe de coordination, qui va organiser
l’activité des membres de l’association. C’est un organe de représentation.
Le regroupement peut prendre n’importe quelle forme, mais il faut un organe de représentation, chargé de
coordonner l’activité des membres du regroupement, de l’association.
Une simple identité, similitude entre les activités de plusieurs entreprises, sans qu’il y ait la mise en place d’un
tel organe, ne permet pas de caractériser l’existence d’une association.
Le TPICE, dans un arrêt du 26 Octobre 2010 – Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens, a précisé que la
seule circonstance que des membres de l’association ne soient pas des entreprises ne suffit pas à écarter la
qualification d’association d’entreprise.
Dans cette espèce, certains pharmaciens étaient salariés dans des hôpitaux, n’étaient donc pas professions
libérales, sans autonomie, et n’étaient donc pas des entreprises.
Il faut donc d’abord identifier une association d’entreprise, une entité, un regroupement dont les membres
sont l’entreprise, et qui a un organe de coordination permanent.
Cela ne veut pas dire que l’association d’entreprise doit être permanente.
Une foire, comme la Foire de Paris, est un regroupement avec un organe de coordination mais ce de façon
temporaire. Tout le temps de l’existence de l’association, l’organe de coordination est permanent.
Il faut donc que lorsqu’on a un groupement, que ce groupement ait un organe de coordination le temps de
l’existence du groupement.
L’accord constitutif de l’association n’est pas remis en cause par le droit de la concurrence.
Il est indispensable que l’association prenne une décision pour que le droit de la concurrence ait le droit de
s’appliquer. Ce n’est pas la décision de s’associer qui caractérise l’entente, c’est une fois que l’on a son
association avec l’organe de coordination, les mesures adoptées par cet organe, qui sont susceptible de
constituer une entente.
Ce, tout simplement en raison de la délégation que l’organisme reçoit des entreprises-membres, et dont il
défend les intérêts communs. On considère que cet organisme va exprimer la volonté collective des
entreprises, leur volonté commune.
La décision d’une association d’entreprise est la manifestation de la volonté commune des membres de
l’association, et on retombe sur la notion d’entente, c'est-à-dire la volonté commune de plusieurs entreprises.
Par exemple, dans l’arrêt Wouters du 19 Février 2002, ce qui est critiqué, c’est un règlement pris par l’ordre
des avocats (hollandais), et qui interdit aux avocats de s’associer avec des experts-comptables.
La raison de l’interdiction étant la protection de la déontologie des avocats.
On a une association, et ce qui peut être saisi par la notion de décision d’association d’entreprise, ce sont les
textes qui sont pris par l’ordre des avocats pour notamment organiser la profession d’avocats.
Autre exemple, lorsqu’on a une fédération sportive, celle-ci va édicter un certain nombre de normes. Dans
l’arrêt Piau, cela concernait les agents des joueurs, et ces textes (actes unilatéraux contraignants) sont
supposés représenter la volonté commune des membres de la fédération nationale en cause.
Ces textes sont susceptibles d’être appréhendés en tant qu’entente.
Il faut donc qu’elle ait un caractère obligatoire. Ce caractère obligatoire peut être de droit, mais il peut aussi
être simplement de fait. Il faut que de fait l’acte en question s’impose aux membres du groupement.
Cela est analysé au regard du sentiment que les membres ont de devoir se conformer à la décision prise.
Ce sentiment de contrainte des membres est constaté à travers des indices comme le contenu de la décision,
l’objet statutaire de l’association, et enfin l’intérêt commun des membres à suivre la recommandation en
question (si le bâtonnier recommande d’augmenter de 15% leurs honoraires, l’intérêt commun de tous est
d’augmenter comme dit le bâtonnier. Il est probable qu’il y ait une entente sur les prix).
Enfin, lorsqu’on retient une infraction, ce sont les membres de l’association qui vont être tenus pour
responsable en premier, même si l’association ne pas juridiquement les engager. Il n’empêche que si une
décision d’association d’entreprise est constatée, et est contraire à la concurrence, l’infraction sera reprochée
aux membres de l’association 18 Décembre 2008 – Coop. de France bétails et viande. L’amende sera calculée
par rapport aux chiffres d’affaires des membres de l’association.
En plus, l’association peut avoir participé à l’infraction, l’avoir favorisée, renforcée et peut aussi être tenue pour
responsable, et être condamnée à titre personnel.
Dans cette catégorie, la volonté commune est beaucoup plus diffuse, et bien plus difficile à identifier.
L’intensité de la volonté commune est plus faible ou en tout cas plus difficile à appréhender. C’est le cas pour
les pratiques concertées et les ententes complexes.
La pratique concertée, appelée « action concertée » en droit français, est la forme d’entente qui est la plus
difficile à appréhender et à comprendre.
Depuis un arrêt ICI (Matières colorantes) du 14 Juillet 1972, la pratique concertée est définie de la manière
suivante : « il s’agit d’une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la
réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles au
risque de la concurrence ».
+ T-mobile – 4 Juin 2009, a propos d’une concertation entre cinq opérateurs hollandais de téléphonie sur la
réduction de la rémunération des revendeurs d’abonnement. Pour ce qui est des pratiques concertées, il faut
donc un échange d’informations entre entreprises (une concertation) qui entraîne un comportement sur le
marché (une pratique), sans que ce comportement ait fait l’objet d’un consentement.
ANIC – 8 Juillet 1999, à la différence de l’accord, la pratique concertée n’est pas une rencontre de volontés
concernant l’adoption d’un comportement précis sur le marché. Il ne s’agit pas de la mise en place d’une
stratégie commune. Il n’y a pas de projet d’action précis, il n’y a pas de plan dans la pratique concertée.
Il faut un échange d’informations qui entraîne un comportement, sans que ce comportement ait fait l’objet
d’un consentement.
Soit la concertation est secrète, soit parce qu’il n’ya a pas de comportement identifiable lié à la concertation,
on n’arrive pas à dire « il a adopté ce comportement après avoir fait tel échange… ». Si on ne prouve pas la
concertation, et un comportement, c’est à priori qu’il n’y a pas de pratique concertée.
La concertation concerne des prises de contact entre entreprises, formelles ou informelles, directes ou
indirectes. La plupart du temps, il s’agit de réunion. On peut avoir une concertation dans le cadre d’un ordre
professionnel, ou d’une assemblée générale d’une fédération professionnelle. L’ensemble des membres vont
partager des informations.
La réunion est éventuellement secrète où les entreprises vont échanger des informations, et après tout dépend
du type d’informations qu’elles échangent. Il peut s’agir d’échanges sur des comportements futurs,
commerciaux, liés à la production aux prix, sur des investissements, des chiffres d’affaires réalisés
antérieurement…
Le pire échange est sur un comportement futur de l’entreprise, comme une information commerciale sur ce
que va faire l’entreprise, est bien plus sensible que sur un échange d’informations sur ce que l’entreprise a fait
il y a deux ans.
La forme des échanges est totalement indifférente : réunions, dîners, clubs, cocktails, foires professionnelles,
salons professionnels, associations professionnelles, échanges écrits, mails, réseaux professionnels…
Il appartient ensuite aux entreprises de prouver que le parallélisme est le résultat de décisions
autonomes de chacune d’entre elles. En fait, le parallélisme de comportement renverse la charge de la
preuve. C’est à l’entreprise de prouver qu’il n’y a pas eu concertation. Cela modifie aussi l’objet de la
preuve : les entreprises doivent prouver qu’il y a une justification, une explication aux comportements
parallèles sur le marché.
Si, les entreprises ne parviennent pas à justifier le parallélisme, c’est parce que ce parallélisme
s’explique uniquement par l’existence d’une concertation.
Première précision¸ lorsqu’il y a un alignement des comportements sur le marché, les entreprises
peuvent donner une explication économique. Il peut y avoir un parallélisme ponctuel, mais c’est
rarement suffisant pour justifier le parallélisme.
Souvent, il y a une justification extérieure au marché, un évènement imprévu venu modifier le
fonctionnement du marché, comme l’augmentation considérable d’une matière première.
Deuxième précision, lorsque le parallélisme est régulier ou renouvelé, c’est plus compliqué.
L’explication économique est la nature oligopolistique du marché, c’est la théorie économique qui
nous explique qu’un alignement de comportements peut résulter de la nature du marché. La
jurisprudence a repris cet apport de la théorie économique Conseil de la Concurrence – Marché du
transport urbain – 2005.
Troisième précision, l’Autorité de la Concurrence a une position un peu différente, et elle l’exprime
dans un rapport de 2006 dans une étude thématique de la preuve des accords de volonté. L’autorité
française et le droit français sont assez peu clairs sur ce que sont un accord de volonté, un accord…
Dans cette étude, l’autorité française précise qu’elle préfère considérer le parallélisme de
comportement comme un indice parmi d’autres de l’entente, même s’il est inexpliqué.
Elle privilégie la méthode du faisceau d’indices « graves, précis et concordants » Crim – 27 Novembre
2001 – Caisse Nationale du Crédit Agricole.
Le standard de preuve est plus exigeant en droit français. S’il y a parallélisme de comportements, il
faudrait quand même trouver un ou deux documents pour dire qu’il y a concertation derrière tout çà.
La raison est que la Commission considère que l’article 6 de la CEDH ne lui est pas applicable, qui impose un
juge… si en première instance l’ensemble des garanties n’est pas respecté, si le recours le respecte, c’est bon,
sauf en matière pénal. Le Conseil de la concurrence considère que l’article 6 de la CEDH s’applique dès
l’intervention du conseil, du coup, ils sont plus exigeant à propos de la preuve, et de la manière de rassembler
ces preuves.
D’un point de vue pratique, l’Autorité de la Concurrence est une toute petite chose. N’importe quel avocat en
droit de la concurrence doit gagner l’ensemble de la masse salariale des gens travaillant pour l’Autorité de la
Concurrence.
Concernant la preuve de la pratique de la concertation, j’ai une concertation, et je connais qui y a participé, ce
qu’ils se sont dit, et à quelle époque cela a eu lieu. La concertation avait un objet anticoncurrentiel.
L’existence de la réunion, des réunions dont l’objet est anticoncurrentiel, laisse présumer que les entreprises
présentes n’ont pas pu agir autrement qu’en tenant compte des informations échangées.
L’échange d’informations entre concurrents a un objet concurrentiel lorsqu’il est susceptible
d’éliminer les incertitudes quant au comportement envisagé par les entreprises concernées (arrêt T-mobile).
La présomption est simple, il appartient donc à chaque entreprise qui a participé à la concertation de
prouver qu’elle n’a pas pris en compte les informations échangées. Concrètement, cela veut dire très peu de
choses. Elle peut expliquer qu’elle n’est plus active sur le marché depuis la concertation.
L’entreprise peut aussi expliquer qu’elle s’est distanciée publiquement du contenu des réunions Cour de Justice
des Communautés Européennes – 25 Janvier 2007 – Sumitomo Métal Industries : la distanciation publique doit
être claire. Un écrit envoyé aux concurrents par exemple.
La position des autorités françaises est un tout petit nuancée sur ce point. Par exemple, Pratiques dans
le secteur du négoce des produits sidérurgiques – 16 Décembre 2008, il y a deux situations à distinguer : la
concertation ayant un objet anticoncurrentiel se déroulant aux cours de réunions tenues dans le cadre
statutaire d’une organisation professionnelle, et la concertation aux cours de réunions informelles.
Dans le premier cas, si on a participé à une réunion, cela ne suffit pas pour prouver qu’on a participé à une
concertation, il faut un élément supplémentaire.
Dans le deuxième cas, une seule réunion suffit.
La rédaction du Code de Commerce n’est pas précise et compréhensible mais une question s’est posée sur le
fondement de l’article 101 paragraphe 1 TFUE : faut-il qualifier, sous une des 3 formes visées par cet article,
l’entente, pour la sanctionner ?
Dans cette situation, l’Autorité de la Concurrence ne va pas qualifier chaque comportement, chaque pratique
identifiée. Elle va appréhender l’ensemble de ces comportements sous la forme d’une seule entente qu’elle va
appeler « entente complexe » qu’on appelle aussi « entente complexe et continue ».
La notion d’infraction unique permet de rassembler un ensemble de comportements et pratiques
formellement différents lorsqu’ils se manifestent dans le temps de manière continue.
Il y a quand même une condition pour que l’on retienne une infraction unique. Il faut que tous ces
comportements, toutes ces pratiques concourent aux mêmes objets anticoncurrentiels, aient un même objectif
anticoncurrentiel, comme par exemple maintenir les prix à un certain seuil pour l’ensemble d’un territoire
national.
Pour maintenir ces prix, on va se réunir, créer un mécanisme d’échange d’informations, de contrôle, et en
fonction des spécificités des secteurs, on va organiser les marchés publics entre nous pour être certain qu’à
chaque fois, le prix auquel le marché sera réalisé, correspondra à un prix que l’on aura préalablement
déterminé (On fait des offres de couverture).
C’est ce type de situation qui peut être appréhendée par une entente complexe.
Il y a des ententes complexes dans quasiment tous les grands secteurs industriels, durant depuis 10/20/30 ans,
au niveau mondial, qui sont appréhendées par cette notion d’entente complexe à la condition qu’il y ait une
unité d’objectif. L’ensemble des comportements et des pratiques descellées sur une période concourent à un
seul et même objectif anticoncurrentiel.
« Les accords et/ou pratiques concertées », cela veut dire que plusieurs accords s’entremêlent, concourant au
même objectif, et qu’il y a entente complexe.
En revanche, si les entreprises ont adhéré à des objectifs différents suivant des méthodes différentes, on ne
retient pas une entente complexe, selon l’arrêt BASF du 12 Décembre 2007. On avait un cartel mondial, et un
cartel européen où la plupart des entreprises qui étaient dans le cartel mondial se retrouvaient.
La Commission avait donc dis qu’il y avait entente complexe, c'est-à-dire que le cartel mondial et le cartel
européen étaient liés.
Le Tribunal a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’établir une infraction unique face à ces deux cartels, car les
objectifs et méthodes employées par les deux cartels pour atteindre ces objectifs étaient beaucoup trop
différents pour caractériser une infraction unique.
En général, ce sont des ententes sectorielles.
Cette notion d’infraction unique, ou d’entente complexe a été également adoptée par le Conseil de la
Concurrence, notamment dans une décision du 16 Décembre 2008 – Négoce des produits sidérurgiques,
reprise par la Cour d’appel de Paris – 19 Janvier 2010.
En l’espèce, on était sur le marché français du négoce des produits sidérurgiques, et il y avait une multiplicité
d’échanges d’informations stratégiques entre les participants, au niveau local, régional et national.
S’ajoutaient des accords de prix, et des accords de répartition de marché. Cette entente s’est déroulée pendant
5 ans, entre plus de 50 entreprises en France. Elle incluait le syndicat professionnel, qui permettait d’organiser
un peu les choses, et prêtait assistance logistique.
Il y a eu une sanction du Conseil de la Concurrence exemplaire, largement diminuée par la Cour d’Appel de
Paris pour des raisons de sensibilité politique.
En revanche, le rôle mineur d’une entreprise sera pris en considération lors de l’appréciation de la gravité de
l’infraction et de la détermination de l’amende (Arrêt ANIC), c'est-à-dire que toutes les entreprises sont
responsables, mais on va essayer d’individualiser l’amende en fonction de la plus ou moins grande participation
des entreprises (Entreprises phrases, et suiveuses).
C’est également un moyen d’éviter les prescriptions.
Quand on a un comportement qui a commencé il y a 20 ans, puis d’autres comportements, si l’on considère
que l’entente complexe commence il y a 20 ans et continue toujours, la prescription n’a toujours pas
commencé.
Alors que si on découpe l’infraction en plusieurs comportements, certains comportements seront prescris.
Il s’agit donc de rassembler l’ensemble des pratiques mêmes anciennes et de considérer que tout ce qui a été
fait par le passé se rattache à ce qui se fait aujourd’hui, et reste donc sanctionnable.
L’infraction complexe n’est pas prévue dans le Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne, ni dans le
Code de Commerce. C’est une infraction pénale, qui n’est pas prévue dans les textes. On ne peut donc pas le
sanctionner. Pour l’instant, cet argument n’est pas retenu. Une des raisons est que le droit de la concurrence
n’est pas complètement du droit pénal, c’est un droit répressif, sui generis.
Une fois que l’on a notre premier élément infractionnel (qui peut poser des difficultés de preuve dans la
pratique), puis il faut savoir si ce contrat révèle une restriction de concurrence.
Depuis l’arrêt Société Technique Minière LTM/MBU du 30 Juin 1966, la restriction par objet ou par effets est
une alternative. C’est soit l’objet anticoncurrentiel, soit l’effet anticoncurrentiel. Cette alternative implique que
l’on apprécie d’abord le caractère anticoncurrentiel de l’objet de l’entente.
Si l’entente ne présente pas un objet anticoncurrentiel, il faut alors examiner l’effet de ce contrat. Par exemple,
si le contrat de franchise ne présente pas un objet concurrentiel (transmission d’un savoir-faire, d’un nom
commercial, de conseils…), en revanche, au regard du contexte juridique et économique du marché pertinent,
il a un effet anticoncurrentiel.
En revanche, si l’entente a un objet anticoncurrentiel, il est inutile de vérifier l’existence, la réalité des effets
anticoncurrentiels de l’entente.
Deux arrêts sont à retenir : l’arrêt T-mobile du 4 Juin 2009, et l’arrêt GlaxoSmithKlein du 6 Octobre 2009.
+ Décision du 16 Septembre 1997 du Conseil de la Concurrence – Vente de véhicules d’automobiles dans le
département de la Marne.
1. L’objet anticoncurrentiel
[Dans l’arrêt Pierre Fabre, une question préjudicielle est posée à la Cour de Justice des Communautés
Européennes qui consistait à savoir si une restriction flagrante était la même chose qu’une entente par objet
anticoncurrentiel. Les conclusions de l’avocat général du 3 Mars 2011 sont assez étranges sur ce point,
puisqu’elles tendraient à dire que l’objet anticoncurrentiel et la restriction caractérisée sont deux choses
différentes.
Il faudra s’intéresser à ce que dira la Cour de Justice des Communautés Européennes.]
99,9% de la doctrine tend à dire que l’objet anticoncurrentiel correspond à une restriction flagrante.
En réalité, pour savoir si on a un objet anticoncurrentiel, on va devoir s’intéresser au contenu de l’entente, et à
son but/son objectif. Evidemment, l’intention subjective des entreprises de restreindre ou non la concurrence
est un indicateur important. S’il apparaît clairement que la volonté des entreprises est d’écarter le jeu de la
concurrence, on a un objet anticoncurrentiel. Ce n’est qu’un indice.
A ce moment là, il faut regarder les modalités concrètes de mise en œuvre de l’entente, dans le contexte du
marché pertinent. Un accord qui n’est apparemment pas contre la concurrence, dans un contexte particulier,
peut se révéler être clairement pour écarter la concurrence.
On a néanmoins identifié un certain nombre de restrictions qui sont censées caractériser un objet
anticoncurrentiel. On peut les trouver visées à l’article L. 464-6-2 du Code de Commerce, ainsi que dans la
Communication de la Commission sur les accords d’importance mineure du 22 Décembre 2001, et dans les
règlements d’exemption par catégories de la Commission.
A travers ces documents, les restrictions sont classées en fonction du caractère horizontal ou vertical de
l’entente.
En présence d’une entente verticale, des restrictions sont dites flagrantes lorsqu’il y a :
- Une imposition de prix de revente fixe et de prix de revente minimaux,
- Une imposition de restriction assurant une protection territoriale absolue (Vente active nécessite un
démarchage). Le distributeur sera le seul à pouvoir vendre sur le territoire alloué. Vente active et
vente passive sont concernées par cette protection territoriale absolue.
Les juges de l’Union Européenne ont manifesté un regain d’intérêt pour cette notion (puisqu’alternative).
Lorsqu’on caractérise un objet anticoncurrentiel, il n’est pas nécessaire de vérifier un effet.
Il est plus facile de prouver l’objet anticoncurrentiel, l’effet nécessite des preuves et des recherches plus
approfondies.
Ce regain d ‘intérêt se manifeste dans différents arrêts notamment dans l’arrêt General Motors du 6 Avril 2002,
qui précise que les entraves aux exportations entre Etats-membres sont toujours des restrictions par objet.
Cet arrêt précise qu’il peut s’agir de restrictions directes comme par exemple une interdiction d’exporter.
On peut avoir des restrictions indirectes qui constituent toujours un objet anticoncurrentiel, cela va être par
exemple, une politique restrictive d’approvisionnement : je vous donne une quantité limitée de produits pour
éviter que vous les exportiez. Cela a été confirmé dans un arrêt Automobiles Peugeot du 9 Juillet 2009 à propos
d’un système de rémunération de concessionnaires plus attractif pour les ventes sur le marché national.
Dans l’arrêt Beaf du 20 Novembre 2008, il s’agissait d’une question préjudicielle relative à une entre entre les
principaux transformateurs de viandes bovines en Irlande. L’entente cherchait à organiser la réduction des
capacités de transformation du secteur par la diminution du nombre de transformateurs, donc de supprimer le
nombre des abattoirs.
Cette entente avait un objectif clair qui était de diminuer la super capacité des filières, l’idée étant de sortir le
secteur de la crise (trop d’abattoirs). La Cour a considéré qu’il y avait un objet anticoncurrentiel évident, car il y
avait une diminution des sources d’approvisionnement. La Cour précise qu’il existe un objet anticoncurrentiel
évident, même s’il n’a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d’autres
objectifs légitimes. C’est donc une vision extensive de l’objet anticoncurrentiel de l’entente.
La notion d’objet semble aujourd’hui, être étendue à des situations qui paraissent moins vilaines, comme une
entente de crise (sauver le secteur).
Dans l’arrêt T-mobile du 4 Juin 2009, on avait une réunion entre cinq opérateurs de téléphonie mobile. Au
cours de la seule réunion, on a eu un échange d’informations relatif à la réduction des rémunérations standards
des revendeurs d’abonnement, c'est-à-dire la date, l’ampleur et les modalités de la réduction.
Ce n’était pas un accord sur « On va réduire », c’était « Voilà ce que je vais faire ».
La Cour a retenu l’existence d’une restriction de concurrence par objet en raison du contenu des informations
échangées. Pourquoi ? D’après la Cour, pour qu’il y ait un objet anticoncurrentiel, il suffit que la pratique
concertée soit susceptible de produire des effets négatifs sur la concurrence en tenant compte du contexte
économique et juridique. Lorsque le contrat est potentiellement concurrentiel, pas la peine de vérifier qu’il
aura des effets.
Il suffit que la pratique soit susceptible de produire des effets sur le marché, en tenant compte du contexte
économique et juridique du marché pertinent. Or, la Cour précise que le droit de la concurrence repose sur la
conception que chaque opérateur doit déterminer de manière autonome sa stratégie commerciale.
A partir du moment où un échange d’informations supprime ou atténue le degré d’incertitude sur le
comportement à venir des concurrents, alors l’échange d’informations a un objet anticoncurrentiel.
En l’espèce, les informations échangées étaient confidentielles, indirectement liées au prix, pris en compte du
contexte, ces informations interviennent entre tous les opérateurs d’un marché monopolistique.
Dans cet arrêt, la Cour souligne quelque chose d’important : l’objet anticoncurrentiel n’est pas limité à la
fixation directe des prix à la consommation. Pour la Cour, l’article 101 du Traité de Fonctionnement de l'Union
Européenne ne protège pas exclusivement le bien-être des consommateurs.
L’article 101, toujours d’après la Cour, vise également la protection du structure du marché, et ce faisant de la
concurrence en tant que telle.
Il ne faut pas systématiser l’analyse, il faut prendre en compte le contexte juridique et économique du marché
pertinent. Cela est repris dans l’arrêt Glaxo Smith Klein de 2009.
2. L’effet anticoncurrentiel
La restriction peut aussi concerner la concurrence au niveau de l’offre, c’est le cas lorsqu’on a une entente
entre producteurs, mais également éventuellement au niveau de la demande, lorsqu’on a une entente entre
grossistes-acheteurs qui à long terme peut entraîner une dégradation du marché au niveau de l’offre, et une
suppression du niveau d’offreurs (Centrales d’achat).
Il faut donc également prendre en compte le rapport de force entre les clients, sauf pour ce qui concerne le
consommateur final, qui n’est pas une entreprise.
La restriction peut porter sur la concurrence interne, c'est-à-dire la concurrence entre les membres de
l’entente. Cela vise la plupart du temps les entreprises au même stade du processus économique. Un accord de
recherche et développement modifie la concurrence entre les parties à l’accord de R&D.
La concurrence, qui est entravée, concerne également ce que l’on appelle la concurrence externe, c'est-à-dire
la concurrence entre une entreprise auteur de l’entente, et une entreprise extérieure à cette entente. Cela
peut notamment viser les ententes verticales (producteur et distributeur). Cela est susceptible de modifier le
rapport de concurrence du producteur à l’égard des autres producteurs ou du distributeur à l’égard des autres
distributeurs. Les ententes verticales, la plupart du temps, soulèvent des difficultés pour ce qui concerne la
concurrence externe.
Lorsqu’on a un réseau de distribution, c’est à la fois la concurrence externe qui peut être mise à mal, mais
également la concurrence interne entre les distributeurs membres du réseau.
Exemple :
Contrat d’approvisionnement exclusif entre le distributeur et le producteur. Cela va altérer le rapport entre le
producteur 0 et le producteur 1. Si c’est un contrat d’approvisionnement exclusif sur 10 ans, P1 ne pourra pas
vendre au distributeur pendant cette durée.
Si trois distributeurs sont dans un réseau de distribution exclusif avec le producteur 0, et l’exclusion est
réciproque, c'est-à-dire que les trois distributeurs ont un territoire (ils seront les seuls à être fournis par P0). P1
ne peut donc pas fournir les trois distributeurs. La concurrence externe est donc modifiée, mais également
entre les trois distributeurs avec la concurrence interne.
Enfin, la restriction peut également porter sur la concurrence entre les marques, appelée « concurrence inter-
brands », entre des producteurs différents. Cela peut également être une restriction de concurrence à
l’intérieur de la marque, c’est une « concurrence intra-brands ».
- Toute atteinte à la concurrence n’est pas nécessairement une restriction au sens de l’article 101§1 du
Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne ou L. 420-1 du Code de Commerce
Il y a deux types d’atteinte qui ne sont pas des restrictions au sens de l’article 101§1 du TFUE :
o Les restrictions accessoires :
Une restriction est dite accessoire, lorsqu’elle est nécessaire et proportionnée à la réalisation d’une
convention, d’un contrat dont l’objet n’est pas contraire à la concurrence. La théorie des restrictions
accessoires permet aux autorités communautaires de ne pas interdire les clauses indispensables au
fonctionnement de contrat, considérés comme utiles à la vie économique, et sans objectif anticoncurrentiel.
Il y a bien une atteinte, mais elle est jugée accessoire.
Du coup, la restriction n’est pas une restriction qui entraîne l’interdiction, au sens de l’article 101§1, et
l’invalidité du contrat.
En revanche, les restrictions nécessaires au bon fonctionnement de l’accord peuvent soulever des difficultés.
C’est le cas par exemple, des obligations qui visent à protéger l’identité et la réputation de l’enseigne. L’un des
moyens de protection est de prévoir une clause qui impose aux franchisés pour vendre son entreprise d’obtenir
l’accord du franchiseur. A travers cette clause, il y a un effet restrictif de concurrence, ayant pour objet de
protéger le savoir-faire et éviter que le savoir-faire aille à la concurrence du franchiseur.
Cette clause est jugée nécessaire et proportionnée, il s’agit d’une restriction accessoire au contrat, ce selon
l’arrêt Pronuptia du 28 Janvier 1986.
La clause était tombée dans l’oubli, puis a été évoquée à nouveau par la communication de la Communication
sur l’application de l’article 101§3 du 27 Avril 2004. Il faut reconnaître que cette notion de restriction accessoire
n’est plus utilisée (à la connaissance de M. Barthe), sauf dans le droit des concentrations.
En matière de pratiques anticoncurrentielles, il n’y a plus d’analyse de la restriction accessoire.
La notion de restriction accessoire est née de la règle de raison américaine. Règle existant aux Etats-Unis car ils
n’ont pas de mécanisme d’exemption.
Simplement, les Américains se sont rendus compte qu’une interdiction systématique de toute restriction de
concurrence était excessive, et qu’il fallait interpréter raisonnablement la loi. Sont donc apparues parmi les
applications de la règle de raison, les restrictions accessoires, qui ont été importées en droit communautaire.
Ces règles ont été utilisées dans les années 1980, et depuis qu’il y a des règlements d’exemption généraux,
elles ont été écartées. En 2004, la Commission a précisé que cela existait toujours.
Cela n’a rien à voir avec le bilan des avantages et des inconvénients pour la concurrence d’une entente. Ce
bilan des avantages et des inconvénients pour la concurrence d’une entente n’est pas effectué au moment où
on essaye de qualifier l’existence d’une restriction. On le fait plus tard, lorsqu’on essaye de sauver une entente
considérée comme restrictive.
La confusion est née de l’application de la notion née aux Etats-Unis, qui n’ont pas deux temps dans le
raisonnement TPICE – M6 – 18 Septembre 2001, confirmé par TPICE – O2 – 2 Mai 2006.
L’arrêt Wouters est relatif à l’interdiction par l’ordre professionnel des avocats, du cumul des professions
d’avocat et d’expert-comptable. La Cour reconnaît que le droit de la concurrence est applicable, mais que cette
interdiction est indispensable pour respecter la déontologie de la profession d’avocat, et assurer la nécessaire
garantie d’intégrité et d’expérience aux consommateurs des services juridiques, ainsi que la bonne
administration de la justice.
L’interdiction parce que justifiée de manière proportionnée à la protection d’un intérêt général supérieur, ne
constitue pas une restriction au sens de l’article 101§1.
L’arrêt Méca Médina, il s’agissait d’une règlementation antidopage du CIO, et à la suite d’un épisode juridique
un peu confus, confusion entretenue par les avocats du sportif qui ont introduit une plainte devant la
Commission (réponse claire), et par l’erreur d’analyse du Tribunal qui a considéré que la règlementation anti
dopage du CIO avait un effet sur la concurrence, faisant des parallèles avec la libre-circulation des personnes et
les règles de concurrence.
La Cour a jugé, en disant, à supposer qu’on soit face à une décision d’association d’entreprise, c'est-à-dire que
la règlementation anti-dopage soit une décision d’une association d’entreprise appelée « CIO ». De toutes
façons, la règlementation en cause est nécessaire et proportionnée afin d’assurer l’organisation et le bon
déroulement de la compétition sportive à travers la lutte contre le dopage (Intérêt général).
Il n’y a que ces deux arrêts, arrêts particuliers qui peuvent ouvrir des voies par exemple, imaginez que la
protection de l’environnement devienne un intérêt général supérieur, et qu’il y ait une entente ayant pour
objectif un intérêt général environnemental. La Cour pourrait considérer que s’il y a une restriction de
concurrence liée à cette entente, proportionnée à la protection de l’environnement, qu’il n’y a pas d’atteinte à
la concurrence, et donc qu’il n’y a pas de concurrence.
Il y a un type d’atteinte qui ne constitue pas une restriction au sens de l’article 101§1 et L. 420-1 du
Code de Commerce.
Il s’agit des restrictions qui ne sont pas sensibles. Il faut une certaine intensité dans la restriction de
concurrence, pour considérer que celle-ci est interdite. C’est la théorie de l’effet sensible.
Cette théorie de l’effet sensible repose plutôt sur la défense d’un modèle de concurrence dite praticable,
Metro c/Sada du 25 Octobre 1971.
La communication de la Commission sur les accords d’importance mineurs du 22 Décembre 2001 et son idée
de l’effet sensible, est reprise par l’article L. 464-6-1 du Code de Commerce (seuil de sensibilité dans la
restriction).
Ces deux textes précisent le seuil de sensibilité en dessous duquel la restriction en cause n’est pas sensible.
L’intensité de la restriction est en fait liée au pouvoir de marché des entreprises, c'est-à-dire leur capacité
d’imposer des prix supérieurs au prix de concurrence, ou d’augmenter les prix de manière profitable.
Plus les entreprises-parties à l’entente, ont un pouvoir de marché important, plus l’entente aura une restriction
sensible s’il y a restriction.
Quels sont les seuils de sensibilité ?
Pour les ententes entre concurrents potentiels/existants (horizontales), on ne dépasse pas le seuil de sensibilité
lorsque la part de marché cumulée détenue par les parties à l’accord est en dessous de 10%.
Lorsque le seuil de sensibilité n’est pas dépassé, l’entente n’a pas d’effet restrictif au sens du traité ou du Code
de Commerce. La restriction n’est pas jugée suffisante.
o La notion de restriction sensible n’a normalement pas de sens pour les ententes ayant un
objet anticoncurrentiel. Ce qui veut dire que si on a deux concurrents qui font une entente de
prix, et qu’ils ne représentent pas 10% de part de marché, mais qu’en revanche, il y a une
affectation du commerce entre Etats-membres suffisamment sensible (5%/40millions), il y
aura affectation sensible du commerce, sans effets sensibles.
Cela est totalement indifférent, puisqu’une fois l’objet rempli, la sensibilité de l’effet n’a
aucun intérêt.
o La notion de restriction sensible n’a rien à voir avec l’affectation sensible du commerce entre
Etats-membres. Il faut que cette dernière soit présente pour qu’il y ait application du droit de
l’Union Européenne. L’affectation du commerce entre Etats-membres est une condition
d’applicabilité.
o On peut avoir une restriction apparemment non-sensible. Cette restriction apparemment-non
sensible pourra entraîner l’interdiction d’un accord vertical si cet accord a un effet de
verrouillage significatif qui vient se cumuler avec des accords déjà existants ayant le même
effet de verrouillage.
Cela s’appelle la théorie de l’effet cumulatif, inventée en droit de l’Union Européenne dans un
arrêt Delimitis du 28 Février 1991 (+Brasserie de 1967).
La théorie de l’effet cumulatif est l’expression concrète de l’idée selon laquelle il faut faire
une analyse en fonction du contexte économique et juridique du marché.
Un effet de verrouillage, ce sont des contractants captifs (pour 10, 20 ans avec une clause
d’approvisionnement exclusif). Si c’est sur un distributeur représentant 0.1% du marché, cela
n’a pas d’importance.
En revanche, si tous les distributeurs de tous les fournisseurs ont le même contrat, et qu’un
nouveau fournisseur veut entrer sur le marché, il n’a aucun distributeur à sa disposition.
Il y a un effet d’éviction minime par contrat, avec une accumulation de cet effet entraînant un
verrouillage du marché.
On peut trouver l’application de cette théorie dans l’arrêt CEPSA du 11 Septembre 2008 ou
Galaikos du 3 Septembre 2009, concernant des contrats d’approvisionnement exclusifs
(pétrole/huile de moteur).
En droit français, il n’y a pas de seuil prédéterminé, alors que les seuils donnés ci-haut sont
exprimés également dans la Communication de 2001.
Un Américain reçoit l’agrément pour louer cette machine, avec un contrat de location de 10
ans, renouvelable automatiquement sauf dénonciation pendant une période de 15 jours.
Pour la Cour d’Appel, même face à une restriction non-sensible, l’Autorité de la Concurrence
peut continuer à poursuivre, et retenir l’existence d’une infraction. Ce qui est plus particulier
encore, c’est que lorsqu’il y a affectation du commerce entre Etats-membres, et donc
application du droit de l’Union Européenne, si c’est la Commission qui juge, en dessous des
seuils de sensibilité, il n’y aura pas de restriction.
En revanche, si c’est l’Autorité de la Concurrence qui juge, elle a le pouvoir discrétionnaire de
ne pas poursuivre, mais peut quand même et considérer que c’est une restriction qui mérite
d’être poursuivie.
L’article L. 420—4 du Code de Commerce est différent, ainsi ne sont pas soumises aux principes d’interdictions,
des pratiques pourtant restrictives de concurrence, qui résultent de l’application d’un texte, dont les auteurs
peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique.
Il y a au moins deux différences de texte entre les droits français, et de l’Union Européenne :
- L’article L. 420-4 du Code de Commerce prévoit des possibilités d’exemption pour des pratiques visées
à l’article L. 420-2 du Code de Commerce, qui vise les abus de position dominante, et l’abus de
dépendance économique. Cette possibilité d’exemption n’existe pas en droit de l’Union Européenne.
Cette différence n’a pas d’impact pratique, et ce au moins pour deux raisons :
o L’exemption d’un abus de position dominante n’a jamais été accordée en droit français. La
plupart du temps, la qualification d’abus rend extrêmement difficile le recours à l’exemption.
o La Communication du 9 Février 2009 concernant l’application de l’article 102 aux pratiques
d’éviction abusive intègre au moment de la qualification de l’abus des considérations
similaires à celles visées par l’article L. 420-4 du Code de Commerce. Il y a dans le
raisonnement, au moment de la qualification de l’abus, une prise en compte de
Cela fait que la disposition est très rarement appliquée, on peut quand même trouver une décision du
16 Janvier 2003 du Conseil de la Concurrence – Pratiques mises en œuvre par le barreau des avocats
de Marseille. Il s’agissait du bâtonnier qui avait souscrit un contrat collectif d’assurances permettant
de garantir la responsabilité civile professionnelle des avocats. Or cette responsabilité est organisée
par des textes législatifs, et le bâtonnier imposait aux avocats d’adhérer à ce contrat.
Il n’y avait pas de mise en concurrence possible par les avocats eux-mêmes d’autres assureurs.
Cette entente entre le bâtonnier et l’assureur imposant l’adhésion, était-elle justifiée par l’ordre de la
loi ? La réponse fut oui.
En cas d’affectation du commerce entre Etats-membres, le droit de l’Union Européenne est applicable,
et la plupart du temps, on bascule sur l’article 106§1 du Traité de Fonctionnement de l'Union
Européenne ou éventuellement l’application cumulée du devoir de coopération loyale de l’Etat avec
les dispositions des articles 101 et 102. L’intervention étatique, s’il y a affectation du commerce, peut
être appréhendée et sanctionnée sur le fondement du droit de l’Union Européenne (Voir. Arrêt Cif de
2003).
L’une des manières d’échapper à cette sanction, c’est éventuellement si l’ordre de la loi intervient
pour un SIEG. Alors, l’article 106§2 prévoit une exemption possible.
En fait, les textes font apparaître deux mécanismes d’exemption dont l’un est fondé sur le progrès
économique, mécanisme individuel, également appelé « mécanisme d’exemption légale », il offre aux
entreprises qui ont constitué une entente la possibilité d’échapper à toute sanction si l’entente satisfait aux
exigences imposées par 101§3 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne ou L. 420-4 I 2 du Code de
Commerce.
Le second mécanisme est l’exemption collective, aussi appelé « exemption par catégories » permettant à
l’Autorité de la Concurrence ou à la Commission d’adopter une règlementation d’exemption pour une
catégorie d’accord, d’entente. Dans ce règlement, va être précisé les circonstances qui feront qu’une entente
ne sera pas sanctionnée, mais c’est une détermination préventive.
En pratique, la plupart du temps, lorsqu’on a un contrat et que l’on a une pratique d’une entreprise qui
demande si ce qu’elle fait est possible, on cherche toujours à déterminer si ce que l’on considère être une
entente restrictive de concurrence bénéficie de l’exemption collective.
Ensuite, on s’intéresse éventuellement à la possibilité d’une exemption individuelle.
Avant même de réfléchir sur le caractère restrictif de l’entente, quel est le type de l’entente ? Elle est verticale,
il y a un règlement d’exemption, est-ce qu’au pire le règlement sauverait l’entente. Dans ce cas là, on dira à
l’entreprise que le contrat ne pose pas de problème, car il est au mieux/au pire dans le cas de tel règlement
d’exemption.
Si l’accord ne posait pas de problème, on recevait une attestation négative ou bien, on avait une exemption
individuelle en cas de soucis de concurrence couvert par l’article 101§3, ou alors la Commission disait qu’il y
avait un problème de concurrence, non-exemptable.
Ce régime de notification obligatoire a été abandonné par le règlement I/2003, et la compétence exclusive de
la Commission a également été abandonnée.
On a un régime identique en droit français et en droit de l’Union Européenne. L’idée de l’exemption légale,
c’est qu’il appartient aux entreprises d’évaluer elles-mêmes les conditions d’exemption. Si elles estiment que la
pratique répond aux exigences d’exemption, elles n’ont rien à faire, elles font leur contrat comme elles veulent.
C’est aux entreprises qu’il appartient d’évaluer leurs ententes restrictives de concurrence sur le fondement
communautaire.
Le bénéfice de l’exemption individuelle peut être invoqué au cours d’un litige devant toutes les autorités.
Enfin, c’est aux entreprises d’apporter la preuve que les conditions d’exemption sont réunies. Cela est précisé à
l’article 2 du règlement I/2003, et en droit français, cela résulte très fortement de la jurisprudence e
notamment d’une décision du Conseil de la Concurrence du 29Ocrtobre 2008 – Pratiques mises en œuvre par
le groupe « La Provence ».
Si l’entreprise n’arrive pas à apporter la preuve, elle n’aura pas d’exemption.
L’ACN a quand même l’obligation d’examiner l’ensemble des éléments de faits réunis.
Il y a donc un renversement de la charge de la preuve.
Une petite spécificité en droit français l’article L. 420-4 II du Code de Commerce, qui prévoit la possibilité de
justifier par décret un accord. On est dans le cadre d’une exemption individuelle par décret. C’est une
innovation de 1996, permettant aux entreprises de s’adresser à l’administration pour obtenir à titre préventif
un acte règlementaire reconnaissant la réalisation des conditions d’exemption après un avis conforme de
l’Autorité de la Concurrence. Ce mécanisme a été très peu utilisé.
M. Barthe n’en connait qu’une application par un décret du 20 Novembre 2007 concernant les délais de
paiement dans la filière automobile.
En droit de l’Union Européenne, on n’a pas de mécanisme identique, mais quelque chose s’en approchant. On
trouve la lettre d’orientation, que l’on peut demander à la Commission pour qu’elle puisse apprécier
correctement la validité et l’éventuelle exemption d’un accord entre entreprises. Il faut que les entreprises
aient de réels doutes, liés à des difficultés nouvelles, ou des anciennes posant de réels problèmes.
Il faut une absence de jurisprudence précise sur le point.
Cela peut notamment être le cas pour ce qui concernait Internet. Pendant longtemps, l’utilisation d’Internet
posait problème, du fait de sa nouveauté. La réponse de la Commission n’a qu’une valeur indicative.
En fonction de la réponse, l’entreprise devra choisir de faire/de ne pas faire.
C’est un moyen d’avoir l’opinion de l’autorité européenne de manière préventive sur un accord.
Il y a quatre conditions de fond, qui sont cumulatives, selon l’arrêt ACNEF Exquifax du 23 Novembre 2006.
1. Conditions positives
L’appréciation des gains peut nécessiter une analyse prospective, c'est-à-dire qu’on vérifie s’il est
vraisemblable, et non de manière aléatoire que l’entente restrictive de concurrence apporte des avantages
objectifs en terme de coût, de qualité dans un futur proche. Ces avantages devront compenser les
inconvénients des ententes restrictives de concurrence.
C’est un bilan coûts/avantages qui est fait.
Ce bilan est un bilan économique au sens strict, c'est-à-dire appréciation des gains d’efficience, d’efficacité liés
à l’entente. De manière un peu plus concrète, le progrès économique résultant de l’entente peut correspondre
d’abord :
- A une amélioration de la production, cela se traduit principalement par la réduction des coûts de
production ou des frais généraux, par une augmentation des capacités de production, avec par
exemple un accord de R&D, par une augmentation de la productivité des investissements.
Toutes ces conséquences sont en général liées aux accords de coopération entre des producteurs. Cela peut
aussi avoir lieu dans les accords de R&D, les accords de spécialisation (Deux entreprises qui s’attribuent
réciproquement une partie du travail pour fabriquer un produit fini, et chacune s’engage à acheter chez l’autre
la partie du produit qu’elle ne fabrique plus, permettant de faire des économies d’échelle plus grandes).
Pour les contrats de type sélectif (le producteur choisit les membres de son réseau), tous ceux qui ne sont pas
membres du réseau ne peuvent avoir accès au produit que fabrique le fournisseur. Ce type de distribution
permet plusieurs améliorations : faciliter la diffusion d’un produit innovant, diminuer les coûts de distribution,
permettre un meilleur SAV.
Que ces gains d’efficient soient quantitatifs ou qualitatifs, les autorités de concurrence hésitent à intégrer des
objectifs plus généraux, qui ne se limiteraient pas à ces gains d’efficacité. On trouve néanmoins quelques
exemples qui montrent que le progrès économique n’est pas simplement un progrès en coût ou en qualité :
On trouve encore quelques décisions, moins anciennes, comme une décision de la Commission du 29 Avril
1994 – Baksteen, dans laquelle la Commission précise que l’entente permet de conduire des conditions de
restructuration dans des conditions acceptables, et facilite le reclassement du personnel.
La Communication du 27 Avril 2004 sur l’application de l’article 101§3 ne fait aucune référence aux
considérations sociales et notamment au maintien de l’emploi. Elle ne fait référence qu’aux gains d’efficience.
La porte est entrouverte, mais l’espace est assez réduit.
En droit français, la loi du 15 Mai 2001 prévoit que « contribue au progrès économique la création et le
maintien de l’emploi ». On ne trouve aucune application de cette phrase.
Il y a une décision en droit français du 3 Mai 1988 du Conseil de la Concurrence – Le marché du sel (Sel de
Guérande). Des difficultés économiques conjoncturelles peuvent donc justifier une entente, notamment
lorsqu’il s’agit de sauver des exploitations soumises à des variations de production imprévisibles.
En l’occurrence, l’entente restrictive était un regroupement des producteurs dans une coopérative, supprimant
la concurrence entre les producteurs.
En l’espèce, l’entente avait été justifiée.
En revanche, les autorités de concurrence refusent l’exemption lorsqu’on a un déclin continu, et que celui-ci
s’appuie sur des causes structurelles selon la décision du Conseil de la Concurrence 3 Mai 2000 – Secteur des
briques plâtrières.
Enfin, l’entente ne doit pas porter sur les prix, et l’entente ne doit pas organiser un partage géographique des
marchés. Ce qui compte, c’est les procédés utilisés pour gérer la crise.
Tous les procédés qui cherchent à maintenir artificiellement les parts de marché, le prix empêche l’exemption.
En revanche, lorsqu’à côté de l’entente, il y a une réorganisation structurelle comme la mise en place d’une
coopérative, l’exemption pourra être accordée à l’entente de crise (les autres conditions devront être
remplies). Il faut une ponctualité des évènements, et des procédés utilisés qui ne touchent pas au prix ou à la
répartition des marchés.
On trouve par exemple la décision du Conseil de la Concurrence – Marchés du sel – 3 Mai 1998, où l’on trouvait
des considérations environnementales justifiant l’exemption, accompagnant la crise.
On trouve également une décision Philippe Hossrann de la Commission du 21 Décembre 1994.
Lorsque l’on a des raisons économiques qui rendent atteignables le recyclage des déchets ou la réduction de la
pollution (on a diminué le coût de recyclage), c’est une analyse économique que l’on fait. Lorsque l’objectif
environnemental peut être atteint et coûter moins cher grâce à l’entente, alors l’exemption est possible.
Il y a bien une analyse de coût à travers le coût de la protection de l’environnement, mais jamais la protection
de l’environnement seule.
La position de la Commission ne faisant qu’une analyse coûts/avantages a adopté cette position en 2004,
récemment. Cela peut cependant tourner. Il peut y avoir une évolution sur la notion de progrès économique,
aujourd’hui analysée au sens strict.
L’analyse économique de l’école de Chicago a eu un réel impact sur la notion de progrès économique dans
l’exemption.
Il est probable, selon M. Barthe, c’est que l’arrêt Méca Médina (la lutte contre le dopage), et l’arrêt Wouters
(déontologie des avocats) incluant des considérations d’intérêt général, ne peuvent être inclues dans la notion
de progrès économique au sens de l’exemption.
La Cour, ayant bien compris que la Commission, faisait une application stricte de la notion de progrès
économique, s’est octroyée le droit d’intégrer des considérations extra-économiques au moment de la
qualification de la restriction de concurrence. C’est pour cela que dans Wouters, bien qu’il y ait une restriction
de concurrence ne pouvant être exemptée puisqu’il n’y avait pas de progrès économique, la Cour a dit qu’il n’y
avait pas restriction car proportionnée à l’intérêt général.
« Aux consommateurs »
L’utilisateur doit être compris comme le client des personnes qui ont fait l’entente, c'est-à-dire que c’est
intéressant qu’il y ait eu une réduction des coûts, mais cela ne profite qu’aux auteurs de l’entente. Il faut un
avantage économique profitant d’abord aux auteurs de l’entente, mais que cet avantage profite également aux
utilisateurs, c'est-à-dire aux clients ou aux consommateurs finaux.
Il faut donc pouvoir identifier un profit pour les consommateurs. On est dans un contrôle de pratiques qui ont
déjà eu lieu normalement. On doit pouvoir constater qu’il y a eu un progrès, et qu’une partie de l’avantage
économique, et on peut l’identifier, a été reporté sur le consommateur.
Si cela n’apparaît pas encore, c’est dans un futur très proche, et cela est très vraisemblable.
Lorsque l’on a une entente entre fournisseurs et qu’elle profite aux utilisateurs (les distributeurs/les grossistes),
mais cela ne change rien pour le consommateur. La branche la plus radicale de la doctrine considère qu’il n’y a
aucun avantage au profit du consommateur final, et qu’il ne peut donc y avoir aucune exemption.
Cela est lié à ce que l’on pense être de la finalité du droit de la concurrence.
M. Barthe pense que c’est une position trop radicale.
Cela exclut la réalisation de cette deuxième condition, pour certains.
2. Conditions négatives
a) Première condition : les restrictions de concurrence résultant de l’entente par objet ou par effet ne
doivent pas dépasser ce qui est indispensable pour satisfaire aux deux conditions positives
Il existe des restrictions de concurrence qui sont censées apporter un avantage économique partagé avec les
utilisateurs. Il ne faut pas que ces restrictions dépassent ce qui est indispensable pour l’avantage économique
partagé avec les utilisateurs.
Par exemple, dans l’arrêt Matra du 15 Juillet 1994 du TPICE, qui concernait un projet de monter une usine
commune entre Ford et Volkswagen devant fabriquer des véhicules monospace.
L’objectif pour les deux constructeurs était de mettre en place une usine qui permettait de créer une voiture
qui allait faire concurrence à la Renault Espace. Cela allait coûter beaucoup d’argent, il n’était pas sur qu’il y
avait un marché, et ils se lanceraient que s’ils pouvaient créer cette usine commune. Le tribunal a considéré
que cette entente allait permettre le projet de monospace, mais qu’en revanche, en l’absence d’usine
commune, ni l’un ni l’autre n’avait les moyens de se lancer seul dans ce projet.
La restriction de concurrence liée à cette mise en commun des investissements et des technologies était
nécessaire pour permettre le gain qui était la mise en place d’un nouveau produit innovant qui allait venir
concurrencer un produit seul sur le marché jusqu’alors.
Mais la première condition positive a un deuxième aspect :
- Ensuite, la restriction est nécessaire, mais elle doit être proportionnée aux bénéfices obtenus.
Qu’est ce que cela signifie ? Le gain d’efficacité économique identifié ne doit pas pouvoir être obtenu par un
autre type de restriction moins importante que la restriction mise en place.
On mettait en place une restriction caractérisée, on aurait pu faire un accord sans objet anticoncurrentiel mais
présentant certaines clauses avec un effet anticoncurrentiel, et on aurait eu le même gain, alors on va juger
l’accord disproportionnée.
L’entente ne doit pas comporter de restriction de concurrence superflue, exagérée pour atteindre le progrès
invoqué.
Bien évidemment, c’est une appréciation in concreto, dépendant du contexte économique et juridique du
marché.
b) Deuxième condition : l’entente ne doit pas fournir la possibilité aux entreprises d’éliminer la
concurrence pour une partie substantielle des produits
Une entente horizontale mettant en place un monopole ne pourra pas être exemptée, car il y a suppression de
toute concurrence.
La difficulté est de savoir ce que l’on entend par le fait que la concurrence subsiste.
Que veut dire « concurrence » ? Une dose suffisante de concurrence subsiste en présence de l’entente
restrictive, a priori, cela a longtemps été mis en œuvre par la jurisprudence.
Du coup, dès que les parties à l’entente ne détiennent pas une part de marché trop importante et sont
exposées à une concurrence effective, l’entente est exemptée. C’est la vision historique qui est encore à peu
près suivie, que certains défendent encore aujourd’hui.
La difficulté est que l’on peut comprendre le mot « concurrence » comme la concurrence potentielle. C’est la
potentialité de concurrence, ce qui veut dire que l’exemption serait possible tant qu’en dépit de l’entente, le
marché reste contestable.
Ces deux visions s’opposent. Pour l’instant, c’est encore la première qui est mise en avant.
Le respect des conditions de fond de l’exemption légale est difficile à démontrer pour les entreprises.
Principalement, parce qu’il repose sur une appréciation économique complexe d’éléments de fait et de droit,
en raison de la pénétration de l’analyse économique.
Pour cette raison, pour garantir une certaine sécurité juridique aux entreprises, les conditions de l’exemption
individuelle ont été explicitées et mises en œuvre à travers des exigences retenues pour des catégories
d’ententes. Si ces exigences sont satisfaites, il n’est pas nécessaire de vérifier que les quatre conditions de
l’exemption sont remplies.
Pour chaque catégorie d’accord, on a écrit dans des règlements d’exemption, les exigences qui devaient être
remplies par ce type d’accord pour considérer que l’exemption était accordée.
Il existe en droit français, avec l’article L. 420-4 II du Code de Commerce qui dispose que certaines catégories
d’accord peuvent être considérées comme satisfaisant à ces exigences par décret.
L’idée d’un décret d’exemption catégoriel est prévue, néanmoins elle a été peu utilisée en France, permettant
l’adoption de deux décrets d’exemption collectifs relatifs à l’agriculture, deux décrets du 7 Juin 1996, le premier
relatif aux accords entre producteurs bénéficiant de signes de qualité dans le domaine agricole, le second
concernant les producteurs agricoles et les entreprises pour des mesures d’adaptation à des situations de crise.
Il permet dans des conditions strictes de résorber une sous-capacité dans un secteur agricole.
La jurisprudence considère que les règlements d’exemption de l’Union Européenne sont des guides d’analyses
pour l’Autorité de la Concurrence, comme on peut le voir dans une décision du 19 Juillet 2001 – Société Casino
du Conseil de la Concurrence, qui nous dit que cette position compense l’absence de règlements de décret
d’exemption collectifs en France.
En droit de l’Union Européenne, le pouvoir d’exempter par catégorie est accordée au Conseil, selon l’article
103§2B, et le Conseil peut prendre un règlement-cadre qui est ensuite mis en œuvre par un règlement
d’application de la Commission. Sur le fondement de cette disposition, le Conseil a pris deux règlements-cadres
essentiels :
- Le règlement du 2 Mars 1965 , modifié par un règlement du 10 Juin 1999, puis par un règlement du 16
Décembre 2002, relatif à l’ensemble des accords verticaux pouvant intervenir entre des entreprises.
- Le règlement du 20 Décembre 1971 , modifié par un règlement I/2003 pour les accords de
spécialisation, de normalisation, et de recherche et de développement.
Ces deux règlements couvrent l’essentiel des règlements d’exemption.
Ils habilitent la Commission à adopter des règlements d’exemption par catégories précises.
Après avoir été habilitée, la Commission a adopté plusieurs règlements qui ont été renouvelés. Aujourd’hui, les
principaux règlements sont les suivants :
- Le règlement du 20 Avril 2010, entré en vigueur le 1 er Juin 2010, concernant l’application de l’article
101§3 aux ententes verticales en général. Cela concerne tous les secteurs sauf la distribution
automobile, qui a son propre règlement d’exemption adopté le 27 Mai 2010.
- Le règlement du 14 Décembre 2010, concernant l’application de l’article 101§3 aux accords de R&D,
concernant donc un certain type d’ententes horizontales.
- Le règlement du 14 Décembre 2010, concernant l’application de l’article 101§3 aux accords de
spécialisation, autre type d’ententes horizontales.
- Le règlement du 27 Avril 2004 , qui concerne l’application de l’article 101§3 aux accords de transferts
de technologie, c'est-à-dire un accord par lequel une entreprise titulaire d’un brevet ou d’un savoir-
faire (teneur de licence) autorise une entreprise (le licencié) à exploiter les brevets qu’elle concède ou
lui communique son savoir-faire pour la fabrication, l’utilisation et la mise dans le commerce du
produit sous licence.
Alors qu’on aurait pu penser que l’accord était concerné par l’exemption, voilà le type de clause que l’on peut
trouver dans l’accord qui exclut l’exemption car elle présente une restriction caractérisée.
Enfin, le règlement précise les restrictions qui n’excluent pas le bénéfice de l’exemption pour l’accord, mais qui
ne sont pas elles exemptées. On appelle cela les clauses grises.
Le règlement d’exemption par catégorie impose des exigences limitant la liberté contractuelle, offrant en
contrepartie une plus grande sécurité juridique aux entreprises respectant les exigences du règlement
d’exemption. Si une entreprise rédige un contrat appartenant à un contrat visé par un règlement d’exemption,
si le contrat est rédigé conformément au règlement d’exemption, alors elle bénéficiera de l’exemption.
Le règlement 330/2010 sur les ententes verticales remplace le règlement 2790/99. Ce dernier règlement est le
premier règlement d’exemption collective d’une nouvelle génération.
Dans ce règlement, on a l’évolution du droit de la concurrence sur ce point. On trouve en effet la diminution de
l’approche formaliste, et la mise en place d’une approche plus économique des problèmes de concurrence en
matière de distribution. Régulièrement, on considère que l’intégration de l’analyse économique a commencé
avec l’adoption du règlement 2790/99.
Le règlement met en place un seuil exprimé en part de marché, qui doit traduire le pouvoir de marché du
fournisseur et du distributeur. C’est en cela qu’il y a une approche économique.
Pourquoi 30% ? Parce que les économistes l’ont dit.
30% de part de marché du fournisseur, mais aussi du distributeur. Ce sont les deux cumulées, de parts de
marché sur le marché du produit fourni.
Néanmoins, même si on est en dessous des deux parts de marché, le jeu de l’exemption collective est exclu si
certaines clauses qu’on appelle clauses noires, sont présentes dans l’entente. On est ici dans l’approche
juridique : il y a un objet anticoncurrentiel, la clause a un objet anticoncurrentiel, et l’accord ne peut donc être
exempté.
L’article 4 vise des restrictions caractérisées, mais parmi celles-ci, il vise les exceptions :
- On a une exclusion de l’exemption des clauses qui imposent directement ou indirectement le prix de
vente de l’acheteur.
En revanche, l’article 4 a) n’exclut pas le bénéfice de l’exemption si le fournisseur impose un prix de vente
maximal, ou recommande un prix de vente, ce qu’il faut, c’est que la liberté de l’acheteur en cas de prix de
vente maximal ou recommandé soit maintenue, c'est-à-dire qu’il puisse ne pas appliquer le prix recommandé
ou vendre en dessous du prix maximal.
Lorsque la clause d’exclusivité territoriale est appliquée par la vente sur internet, la
Commission va expliquer qu’il y a au moins quatre restrictions de ventes passives
caractérisées (qui excluent le bénéfice de l’exemption) :
La deuxième clause : Celle qui oblige le distributeur à arrêter toute transaction avec
une carte de crédit, d’un client qui serait hors zone d’exclusivité.
Ce type de clause empêche les ventes passives et est donc une restriction
caractérisée.
La troisième clause : Celle qui limite la part des ventes effectuée sur internet.
o Deuxième type de restriction, n’étant pas des restrictions caractérisées : les restrictions des
ventes actives comme passives d’un grossiste aux derniers utilisateurs.
Cela signifie que l’interdiction qui est faite aux grossistes de vendre activement ou
passivement aux consommateurs n’exclue pas le bénéfice de l’exemption collective.
o Troisième exception relative aux restrictions territoriales n’étant pas des restrictions
caractérisées : les restrictions de ventes actives comme passives faite aux membres d’un
réseau de distribution sélective concernant des distributeurs non agréés.
Ces restrictions ne sont pas excluent du bénéfice de l’exemption collective.
C’est pour limiter les importations parallèles.
o Quatrième exception : restriction un peu particulière, les restrictions destinées à interdire aux
revendeurs du fournisseur de procurer des composantes à des clients qui incorporent ces
composantes à une production concurrente de celles du fournisseur.
En fait cela concerne plus ou moins les pièces détachées.
- L’article 4C, vise un troisième type de restriction caractérisé visant les exemptions collectives, même si
on est en dessous des 30%.
Ce sont les restrictions des ventes passives ou actives, des membres d’un système de distribution sélective qui
opèrent en tant que détaillants sur un marché.
La distribution sélective fait l’objet d’une définition à l’article 1 para 1 point E, un système de distribution
sélective d’après le règlement d’exemption, c’est un système de distribution dans lequel le fournisseur
s’engage à ne vendre les biens ou les services contractuels qu’à des distributeurs sélectionnés sur la base de
critères pré définis.
L’article 1 para 1 point E précise que dans ce système de distribution, les distributeurs agréés s’engagent à ne
pas vendre à des distributeurs non agréés.
L’article 4C qui présente une restriction caractérisée concerne les membres d’un système de distribution
sélective opérant en tant que détaillant sur le marché
- Quatrième type de restriction : les restrictions des ventes croisés entres distributeurs agréés.
On ne peut pas interdire aux distributeurs agréés de se revendre les produits du fournisseur, y compris entre
grossiste et détaillant, lorsqu’ils sont dans le même réseau de distribution.
Dès qu’un distributeur est en rupture de stock il est obligé de s’adresser au fournisseur. En revanche le
distributeur qui a pris trop de stocks il se débrouille avec. Le fournisseur peut toujours fournir ceux qui n’ont
pas assez de stock. Mais le fait de ne pas interdire les ventes croisés, cela signifie que si deux distributeurs ont
du stock et qu’un manque de marchandise, le fournisseur ne pourra pas vendre des marchandises
supplémentaire à celui qui n’en a pas ce sont les distributeurs qui en ont qui vont les revendre. Ce n’est donc
pas intéressant pour le fournisseur.
Attention pour l’écrit : Même si on est en dessous des seuils à partir du moment où on à une restriction visée
par l’article 4, l’entente en cause ne peut pas bénéficier de l’exemption collective.
Article 5 maintenant, c’est un autre mécanisme, il prévoit dans quelles conditions les obligations de non
concurrence ne sont pas exemptées même si on est en dessous du seuil de l’article 3 des seuils de 30%.
Cet article précise dans quelles conditions les obligations de non concurrence ne sont pas exemptées même si
on est en dessous des seuils, sans que cela remette en cause l’exemption de l’accord pour les autres clauses.
Ces clauses ne bénéficiant pas de l’exemption collective, et sont nulles (101 para 1 et 102).
L’article 1 para 1 D définit l’obligation de non concurrence. C’est deux choses possibles :
- Soit une obligation directe ou indirecte interdisant à l’acheteur de fabriquer, d’acheter, de vendre ou
de revendre des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou les services
contractuels, cela s’appel en droit français un clause de non concurrence.
- Soit une obligation directe ou indirecte, (directe elle est identifiée clairement comme clause de non
concurrence, indirectement la clause à les effets d’une clause de non concurrence) imposant à
l’acheteur l’obligation d’acquérir auprès du fournisseur plus de 80% de ses achats annuels en biens ou
en services contractuels. Cela c’est une clause d’approvisionnement exclusif ou quasi exclusif.
Elles rentrent dans ce qui s’appelle les clauses de non concurrence.
Et enfin derniers types de clauses : les obligations imposées aux membres d’un réseau de distribution sélective
de ne pas vendre les marques de fournisseurs concurrents déterminés. On ne peut pas mettre dans notre
contrat, l’obligation de boycotter pour notre distributeur une marque précise.
Un fournisseur ne peut pas imposer aux membres d’un réseau de distribution sélective de ne pas vendre les
marques de fournisseurs concurrents déterminés.
Lorsqu’un accord entre dans les prévisions d’un règlement d’exemption, cet accord est valable de plein droit et
peut produire tous ses effets. Il n’est pas interdit mais attention il ne bénéficie pas d’une exemption
incontestable. En effet la commission peut par décision spéciale retirer le bénéfice de l’exemption à tout accord
qui à des effets incompatibles avec l’article 101 para 3 même en répondant aux exigences d’un règlement
d’exemption collective.
Il faut comprendre que l’accord qui rentre dans un règlement d’exemption bénéfice d’une présomption
d’exemption qui peut être renversée. La sécurité juridique attachée au règlement d’exemption reste assez
relative. C’est très rare que la commission retire le bénéfice de l’exemption collective. Le règlement
d’exemption pose une présomption suivant laquelle l’entente remplie les exigences de 101 para 3.
La demande du retrait du bénéfice de l’exemption peut être présentée par un Etat membre ou par toute
personne morale ou physique démontrant un intérêt légitime.
La commission peut également décider d’office du retrait de l’exemption collective.
La décision de retrait n’a pas d’effets rétroactifs, pour la période passé on ne va pas considérer que l’entreprise
était en infraction mais si elle continue là elles seront en infraction et bien évidement la décision de la
commission est susceptible d’un recours devant le tribunal de l’UE.
Que se passe t-il si on n’est pas dans le cadre d’un règlement d’exemption ?
Il peut tout de même être exempté sur le fondement de 101 para 3.
Par ex : si le fournisseur à plus de 30 % de parts de marchés ou l’acheteur en tant qu’acheteur et bien l’accord
en cause ne bénéfice pas de l’exemption sur le fondement du règlement 330/2010.
Cela ne signifie pas que l’exemption de 101 para 3 ne joue pas, cela signifie uniquement que la présomption ne
joue pas. Il faudra vérifier les quatre conditions.
Précision si une clause noire, d’exclusion : le bénéfice de l’exemption collective de 101 para 3 n’est pas
théoriquement exclue. Est-elle nécessaire et proportionnée au bénéfice en question ?
La Commission explique que par exemple l’imposition d’un prix de revente minimum, restriction caractérisée,
cette imposition peut entrainer des gains d’efficience notamment lorsque le fabricant lance un nouveau
produit qui a nécessité un gros investissement.
C’est la deuxième infraction en droit de la concurrence, prévue à l’article 102 du Traité de Fonctionnement de
l'Union Européenne, qui prévoit « est incompatible avec le marché commun, et interdit dans la mesure où le
commerce entre Etats-membres est susceptible d’être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises
d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou sur une partie substantielle de
celui-ci ».
De la même manière, l’article L. 420-2 du Code de Commerce dispose « qu’est prohibé dans les conditions
prévues à l’article L. 420-1 (ententes illicites), l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe
d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieure ou une partie substantielle de celui-ci ».
Ce sont les mêmes pratiques visées à ces deux articles, et d’après ces deux dispositions, le principe
d’interdiction n’a pas pour objet la position dominante, mais l’abus de position dominante.
Il y a donc deux éléments infractionnels cumulatifs pour constater une infraction. Il faut d’une part une
domination, et d’autre part un comportement abusif.
La position dominante n’est pas définie par le Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne, ni par le Code
de Commerce, la notion a été en fait posée et établie par la jurisprudence et la pratique décisionnelle des
autorités de concurrence. En droit français, la domination d’un marché est constatée lorsque l’entreprise en
cause est en situation de s’abstraire de la concurrence des autres entreprises présentes sur le marché.
Cette idée de possibilité de s’abstraire de la concurrence des autres est notamment exprimée dans la décision
du 27 Septembre 2002 du Conseil de la Concurrence n°02D61 relative à la saisine de la SMA (société moderne
d’assainissement et de nettoyement).
Cette position correspond à la définition adoptée par la Cour de Justice des Communautés Européennes, qui
est invariable depuis l’arrêt United Brands du 14 Février 1978, aussi appelée l’affaire des bananes, ou l’affaire
Chiquita. Dans cet arrêt, la Cour de Justice des Communautés Européennes considère que la position
dominante est « une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir
de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la
possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses
clients, et finalement, des consommateurs ».
D’après ces deux définitions, le critère essentiel de la domination d’un marché, c’est l’indépendance vis-à-vis du
marché, qui correspond à la possibilité de déterminer une stratégie commerciale libérée de toute contrainte
Le pouvoir de marché permet d’imposer un prix supérieur au niveau du prix qui résulterait d’une concurrence
effective, et le pouvoir de marché permet de réaliser des bénéfices supérieurs aux bénéfices réalisés sur un
marché concurrentiel.
Les décisions du détenteur du pouvoir de marché sont insensibles aux actions et aux réactions des concurrents,
des clients, et finalement des consommateurs. En fait, la domination existe quand il y a un pouvoir de marché.
Le pouvoir de marché, c’est la capacité d’augmenter ses prix de manière rentable, ce qui veut dire qu’on ne se
préoccupe pas de la réaction des clients ou des concurrents.
On retrouve cela dans une Communication de la Commission du 9 Février 2009 sur les orientations sur les
priorités retenues par la Commission pour l’application de l’article 82/102 aux pratiques d’éviction abusive des
entreprises dominantes. C’est la seule Communication existante pour les abus de position dominante à part
celle du 27 Avril 2004 concernant l’affectation du commerce entre Etats-membres.
En retenant cette définition de la position dominante, celle-ci va faire l’objet d’une appréciation différente
lorsqu’elle est le fait d’une entreprise ou de plusieurs entreprises.
Que l’on cherche à détermine une position dominante d’une ou plusieurs entreprises, il est indispensable de
déterminer le/les marchés pertinents tout d’abord, de leur aspect matériel et de leur aspect géographique.
Plus le marché pertinent est défini strictement, plus il sera ensuite facile de retenir l’existence d’une
domination de ce marché.
A) La domination individuelle
D’après la jurisprudence, la position dominante est un état de fait qui dépend étroitement du contexte
juridique et économique du ou des marchés pertinents. La constatation de la position dominante résulte de
plusieurs facteurs. Pris isolément, ces facteurs ne seraient pas nécessairement déterminants pour conclure à la
position dominante. La plupart du temps, ces facteurs sont donc évalués ensemble.
Il y a d’abord le niveau des parts de marché de l’entreprise contrôlée. C’est le facteur premier.
Puis, il y a des facteurs complémentaires.
Traditionnellement, l’analyse du niveau des parts de marché de l’entreprise contrôlée constitue le critère
principal de la position dominance. Ce critère traduit une approche essentiellement statique de la
détermination de la domination d’un marché. Avec ce critère, on a une vision instantanée mais figée de la
position de l’entreprise dominante. On ne sait pas ce qui s’est passé avant ou après.
En revanche, le niveau de part de marché permet de quantifier l’importance de l’entreprise sur le marché. C’est
une approche certes essentiellement statique, mais également quantitative de la domination.
D’après les arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes Hoffman-Laroche du 13 Février 1979 ,
et AKZO du 3 Juillet 1991, une part de marché extrêmement importante, c'est-à-dire qui va au-delà de 50%
constitue une présomption, sauf circonstances exceptionnelles de l’existence d’une position dominante.
Au-delà de 50% de part de marché, une entreprise a une position dominante.
Les autorités françaises adoptent une position semblable sur ce point, comme on peut le voir avec la décision
TPS (Secteur des droits de diffusion dans l’audiovisuel) du 24 Novembre 1998.
Le seuil de part de marché est un indicateur fort, laisse présumer la position dominante, mais c’est une
présomption qui peut être renversée, et dénoncée par les entreprises.
Dans sa communication du 9 Février 2009 concernant aux abus dits « d’éviction » (écarter les autres
concurrents du marché), la Commission s’interroge sur la notion de position dominante de manière générale.
La Commission semble ne plus vouloir reconnaître une présomption de domination à travers les parts de
marché importante de l’entreprise contrôlée. Beaucoup d’économistes considèrent que le recours aux parts de
marché pour caractériser la position dominante n’a pas de sens.
La Communication indique que si l’expérience montre que la part de marché est élevée et détenue longtemps,
il est très probable que cet élément constituera un premier indice sérieux de l’existence d’une position
dominante. La Commission précise qu’« en règle générale, elle ne tirera pas de conclusion finale sur
l’opportunité d’intervenir dans une affaire sans examiner tous les facteurs qui peuvent suffire à brider le
comportement de l’entreprise ».
Pour la Commission, le niveau de parts de marché est un facteur parmi d’autres.
La position de cette Communication ne traduit pas la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés
Européennes, qui n’a jamais indiqué de seuil minimum à partir duquel la dominance est présumée exclue.
En plus, cette position d’une présomption de non-dominance n’illustre pas non plus la position de l’autorité
française, qui a pu retenir à certaines occasions l’existence d’une dominance pour des entreprises en-dessous
de 40%. Evidemment, le Conseil de la Concurrence a retenu l’existence d’une position dominante, alors qu’on
était en dessous de 40%, en complétant l’analyse au regard de critères complémentaires, notamment dans la
décision Royal Canin du 22 Juin 2005 + Cour d’Appel de Paris – 4 Avril 2006.
Il y a un facteur important qui est la part de marché de l’entreprise contrôlée, mais l’utilisation de cette part de
marché n’est pas tout à fait identique en fonction des autorités de contrôle. A priori, la Cour de Justice des
Communautés Européennes et l’Autorité de la Concurrence et la Commission ont une vision différente quant
au rôle de la part de marché, et au rôle des seuils.
Les autorités de contrôle s’appuient également sur le niveau des parts de marchés contrôlés par les
concurrents de l’entreprise contrôlée. En effet, les parts de marché permettent d’évaluer la pression
concurrentielle exercée sur l’entreprise contrôlée.
Elles donnent un indice de la qualité du leader-ship de l’entreprise contrôlée.
On s’intéresse au poids des concurrents sur le marché.
De la même manière, dans l’affaire Royal Canin, le Conseil de la Concurrence et la Cour d’Appel de Paris ont
relevé l’existence d’une position dominante, en soulignant que « le deuxième fabricant présent sur ce créneau
Ralston Purina, avec des parts de marché de respectivement 10, 12 et 14% pesait moins du tiers de Royal
Canin, et le troisième fabricant Mars avec 6, 7 et 8% moins du quart ».
Plus l’écart est important, plus le leader-ship aura la qualité d’une position dominante.
D’après ces décisions, la disproportion entre les parts de marché de l’entreprise en leader-ship et celles des
parts de marchés des entreprises concurrentes fournit un indice qualitatif qui permet deux choses :
- D’une part, de conclure à la position dominante d’une entreprise qui n’avait pas 50% de part de
marché.
- D’autre part, de renforcer la conclusion de l’existence d’une position dominante, conclusion effectuée
au regard du seul niveau des parts de marché de l’entreprise contrôlée.
Dans un arrêt Michelin du 9 Novembre 1983 de la Cour de Justice des Communautés Européennes , si
Michelin détenait entre 57 à 65% du marché des pneumatiques pour les périodes concernées, la CJCE
a retenu l’existence d’une position dominante surtout en soulignant que les parts de marché des cinq
principales marques concurrentes étaient beaucoup plus modestes parce qu’elles s’échelonnaient
entre 4 et 8% seulement.
Néanmoins, lorsque la seule analyse du niveau des parts de marché suffirait à conclure sur la position
dominante, les autorités de concurrence et les juges confortent toujours leur position par des indices
complémentaires.
Dans un arrêt du 23 Octobre 2003 – Van Den Bergh Fouds, le TPICE a aussi pris en compte la notoriété de la
marque et l’étendue de la gamme de produits en cause ou encore le Conseil de la Concurrence dans une
décision du 14 Février 2003 – Diffusion de la presse où il s’intéresse à l’innovation technique de l’entreprise,
son action commerciale et sa supériorité dans la gestion comme élément complémentaire.
Les facteurs complémentaires ont tous pour objectif d’apprécier la capacité réelle de l’entreprise en cause à
adopter un comportement indépendant de ses concurrents, et de ses clients.
La jurisprudence en retient de multiples et notamment l’avance technologique que l’entreprise possède par
rapport à ses clients. L’idée étant que si on est Apple et qu’on a une avance technologique avec l’Iphone 4, le
leader-ship ressemble à une position dominante sur ce marché, alors que si l’appareil est en retard sur des
entreprises ont moins de parts de marché, cela ressemble à une ancienne position dominante.
Cela donne une indication sur la valeur du leader-ship, notamment selon l’arrêt Hoffman Laroche du 13 Juillet
1979.
On prend également en compte l’existence d’un réseau commercial perfectionné, étendu et intégré
(distributeur et fournisseur).
Cela a été souligné dans l’affaire Royal Canin, ainsi que dans l’affaire United Brands.
On prend en compte la détention d’une marque renommée, selon l’arrêt Van Den Bergh Foods.
Autre facteur, la notoriété de l’entreprise, mis en avant dans l’affaire Royal Canin.
Autre facteur, la diversité de la gamme de produits proposés ce que l’on peut voir dans l’arrêt Van Den Bergh
Foods, mais également dans l’arrêt Michelin.
Septième facteur, la détention de droits exclusifs sur une technologie ou sur un produit, comme dans un arrêt
Com – Lili France – 15 Juin 1999.
Huitième facteur, l’existence de barrières à l’entrée, technologiques notamment selon TPICE – Hilti – 12
Décembre 1991 sur les machines à clous, financières selon United Brands.
Enfin, l’absence de tout pouvoir de négociation des clients, est-ce que les clients peuvent facilement ou non
sortir de leur contrat ou les négocier, notamment dans l’arrêt du TPICE du 7 Octobre 1999 – Irish Sugar.
Les facteurs complémentaires permettent une analyse dynamique de l’entreprise contrôlée, puisqu’ils
permettent d’intégrer les évolutions potentielles du marché contrôlé. Ces éléments garantissent une meilleure
appréciation du pouvoir de marché de l’entreprise contrôlée, en intégrant les possibles évolutions des rapports
entre concurrents, qui dépendent des possibilités d’expansion des concurrents actuels mais aussi des
possibilités d’entrée sur le marché de nouveaux concurrents.
Enfin, on intègre la possible contrainte concurrentielle imposée par les clients en raison de leur pouvoir
d’achat. Une clientèle captive, notamment composée de très nombreux éléments de taille réduite, ayant une
faible capacité de négociation, ne pouvant pas arbitrer parmi les offreurs, traduit l’absence d’une contrainte
concurrentielle exercée au niveau de la demande.
En revanche, si la clientèle n’est pas captive, même si on a 55% de parts de marché, mais par des gens qui
peuvent partir du jour au lendemain.
B) La domination collective
L’article 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne condamne « le fait pour une ou plusieurs
entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante ».
L’article L. 420-2 alinéa 1 du Code de Commerce vise « l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe
d’entreprises d’une position dominante ». IL ne faut pas comprendre groupe d’entreprises constituant une
unité économique, mais un ensemble d’entreprises autonomes.
Le TPICE a dit « on ne saurait exclure, par principe, que deux ou plusieurs entités économiques indépendantes,
soient sur un marché spécifique, unis par de tels liens économiques, que de ce fait, elles détiennent ensemble,
une position dominante par rapport aux autres opérateurs sur le même marché. Tel pourrait par exemple, être
le cas di deux ou plusieurs entreprises indépendantes disposaient en commun par voie d’accord ou de licence,
d’une avance technologique leur fournissant la possibilité de comportement indépendant dans une mesure
appréciable vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs client et finalement des consommateurs ».
La difficulté ne porte pas sur la notion de définition, la définition est la même, c’est celle d’ United Brands. Elle
repose sur la notion de pouvoir de marché.
La détermination de cette domination n’est pas non plus différente. Les critères sont les mêmes. Le recours à la
part de marché d’abord de(s) entreprises, mais parts de marchés cumulées, et ensuite éventuellement les parts
des marchés des concurrents, ainsi que des facteurs complémentaires.
La difficulté principale est de déterminer dans quelles circonstances il est possible de retenir le caractère
collectif de la domination. Quand est ce que l’on peut rechercher une domination collective ?
Il y a donc des facteurs de corrélation qui permettent de considérer que les entreprises ont la possibilité d’agir
sur une même ligne, et ceci indépendamment des autres concurrents, qui ne seraient pas en domination
collective avec eux.
- Des liens unissant réellement les entreprises dans cette action commune.
Ces liens (facteurs de corrélation) sont la difficulté essentielle.
Les liens peuvent être de nature assez différente :
o Tout d’abord, il peut y avoir des liens de nature contractuelle. Ces liens contractuels doivent
permettre aux entreprises d’adopter une même ligne d’action. C’est notamment le cas s’il y a
un accord de licence de technologie, selon TPICE – Verres Plats.
o Il peut également s’agir de liens structurels (C’est aussi une entente, on a la possibilité de
deux qualifications. Cela sert à la Commission pour avoir un outil supplémentaire d’analyse).
En particulier, lorsqu’ils résultent de l’existence de participations d’une société dans le capital
d’une autre société. C’est compliqué, car elles sont censées être indépendantes… Ce sont
plutôt des participations importantes (30%), qui ne donnent pas de pouvoir effectif sur la
direction de l’entreprise, mais qui en revanche impliquent un lien et une participation dans la
stratégie de l’entreprise que l’on détient.
o Il peut s’agir de liens financiers. Cela vise par exemple le financement par un fournisseur des
remises octroyées par son distributeur à ses clients. Cela peut permettre de caractériser des
facteurs de corrélation. C’est l’arrêt Irish Sugar.
Souvent, ce sont des actionnaires communs (ce qui rentre également dans les liens
structurels), selon Conseil de la Concurrence – Marchés des appareils de détection de métaux
du 25 Mars 1997.
Cela permet de caractériser un équilibre ogopolistique non-coopératif, et donc une position dominante
collective.
L’arrêt Air Tour du 6 Juin 2002 - TPICE avait repris ces critères, rendu en matière de concentration.
L’arrêt Piau du 26 Janvier 2005 reprend les critères de la position dominante collective.
Depuis, il n’y a pas eu à la connaissance de Monsieur Barthe d’autres affaires en abus de position dominante
collective qui viendrait donner des informations complémentaires.
(+ Décision du 20 Février 2006 – Pratiques relevées dans le secteur des travaux routiers).
Pourtant, dans l’arrêt Piau, le tribunal souligne également l’existence d’un lien structurel, en l’occurrence
l’appartenance à une même association. L’arrêt Piau met en avant l’analyse purement économique du marché
pour caractériser la position dominante collective.
Le tribunal ne s’en tient pas à une seule analyse du marché.
Il est difficile de savoir si le raisonnement strictement économique sur le marché suffit pour caractériser la
position dominante collective. L’arrêt Piau dit que c’est suffisant, mais ne le met pas en œuvre. Depuis, aucun
arrêt intéressant.
Lorsqu’on veut montrer un parallélisme de comportements, il est présupposé l’existence d’une concertation
sauf si les entreprises arrivent à justifier leur ligne d’action commune. Pour ce faire, lorsque l’inaction est
longue, les entreprises vont utiliser les critères cités pour expliquer que c’est le marché qui a mis en place cette
ligne d’action commune. Il y a donc position dominante collective.
De la pratique concertée que l’on ne peut plus prouver, on bascule à un abus de position dominante collective.
Dans l’arrêt Irish Sugar du 7 Octobre 1999, confirmé par la suite par la Cour de Justice des Communautés
Européennes le 10 Juillet 2001, le tribunal précise que « la jurisprudence ne comporte aucune indication dont il
serait permis de déduire que la notion de position dominante collective est inapplicable à deux ou à plusieurs
entreprises se trouvant dans une relation commerciale verticale. Comme le souligne la Commission, sauf à
accepter que l’application de l’article 86 connaisse une lacune, il ne saurait être admis que des entreprises se
trouvant dans une relation verticale sans toutefois être intégrée au point de constituer une seule et même
entreprise ne puisse exploiter de façon abusive une position dominante collective ».
§2 – La notion d’abus
L’article 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne vise l’imposition directe ou indirecte de prix
inéquitables, de conditions de transactions inéquitables. Ici, c’est la notion « d’équité » qui est mise en cause.
Concrètement, cela concerne les pratiques de prix excessifs, tant que quelqu’un accepte de payer un prix, est-il
excessif pour autant ?
On trouve également la limitation de la production, avec une politique de quotas ; la limitation des débouchés
ou du développement technique au préjudice des consommateurs. Cela peut concerner les refus injustifiés de
vente, les clauses d’exclusivité dans les contrats ou les rachats d’une technologie concurrente pour éviter
qu’elle ne soit développée.
On pense également à l’application à des partenaires commerciaux de conditions inégales pour des prestations
équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence. Il s’agit par exemple de pratiques
discriminatoires pouvant porter sur les prix. Cela peut être des rabais ou des ristournes discrétionnaires.
L’article L. 420-2 alinéa 1 du Code de Commerce reprend des exemples similaires, mais moins nombreux, et
vise :
- Le refus de vente.
- Les ventes liées.
- Les pratiques discriminatoires.
- Les ruptures de relations commerciales.
Cela est beaucoup plus court, et beaucoup moins de comportements sont concernés.
Ces deux listes ne sont pas limitatives, et donnent juste un aperçu de la variété des comportements
susceptibles d’être abusifs. La difficulté, c’est que ces listes ne permettent pas de saisir les contours précis de la
notion de comportement abusif. C’est ce que l’on va essayer de faire en essayant de définir un abus au regard
de la pratique décisionnelle des autorités de concurrences, et en classifiant ces comportements.
A) Définition de l’abus
1. Définition classique
La définition de l’abus soulève de nombreuses difficultés parce qu’elle dépend directement de la conception
que l’on a de la notion de concurrence, et du droit de la concurrence.
Si on considère que le droit de la concurrence a pour objectif de maintenir les structures de marché afin
d’obtenir les prix les plus bas, il y a abus dès qu’il y a un comportement portant atteinte aux structures, comme
le fait de refuser de vendre un produit à telle entreprise, la faisant ainsi sortir du marché. C’est l’école
d’Harvard.
L’abus correspond à un excès. Un comportement excessif est à priori un comportement déséquilibré, démesuré
qui dépasse la mesure. Le tout est d’avoir un étalon, une référence qui permet de dire si on est dans la mesure
ou si on a dépassé le comportement mesuré. Il faut s’intéresser à l’emplacement du curseur dans l’abus.
L’abus est l’un des points les plus controversés en droit de la concurrence. Il y a des choix politiques à faire.
Premier point, suivant la jurisprudence Hoffman Laroche, la Cour de Justice des Communautés Européennes a
défini l’abus de position dominante comme « une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise
en position dominante, qui sont de nature à influencer la structure d’un marché ou, à la suite précisément de la
présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli [Application de l’école
d’Harvard], et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui
gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs
économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de
cette concurrence ».
Cette définition est toujours LA définition de l’abus aujourd’hui. C’est toujours l’arrêt de référence en matière
d’abus. D’après cette définition, l’abus peut être caractérisé en dehors de toute faute volontaire, en dehors de
toute intention anticoncurrentielle de la part de l’entreprise en position dominante. C’est une notion objective.
Si on a la preuve de l’intention anticoncurrentielle ou de la faute volontaire, cela est plus facile de caractériser
l’abus. Cela ne fera que renforcer l’abus mais ce n’est pas une condition de la qualification de l’abus, selon un
arrêt CJCE Clearstream – 9 Septembre 2009.
C’est une position qui est reprise en France dans une décision du 3 Mai 2000 – Secteur des briques plâtrières
du Conseil de la Concurrence.
L’abus réside dans le fait que le comportement adopté sur le marché ne caractérise pas une concurrence dite
normale entre entreprises. Cette concurrence normale, dont il est question dans l’arrêt Hoffman Laroche,
renvoie à la notion de concurrence fondée sur les mérites, comme dans l’arrêt Akzo de la Cour de Justice des
Communautés Européennes et Cour d’appel de Paris – Expedia – 23 Janvier 2010.
Qu’est ce qu’une concurrence fondée sur les mérites ? Normalement, elle suppose une égalité des chances
entre les entreprises, et des performances découlant d’une confrontation loyale des entreprises. Dans le cadre
d’une concurrence par les mérites, un comportement sera abusif lorsqu’il correspond à une stratégie qui tend à
libérer l’entité des pressions concurrentielles restantes sur le marché.
Un comportement sera abusif lorsque l’entreprise chercher à se libérer des contraintes concurrentielles
restantes. On peut dire que l’entreprise ne joue pas le jeu de la concurrence à travers son comportement, et
cherche à s’affranchir de la concurrence pour obtenir des performances qu’elle ne mérite pas.
Dans ce cadre, l’abus est tout simplement un comportement qui a un objet ou un effet restrictif de
concurrence, concurrence étant entendue comme la concurrence normale, la concurrence par les mérites, la
confrontation. C’est ce que souligne le texte de l’article L. 420-2 du Code de Commerce, qui fait référence aux
conditions de l’article L. 420-1 du Code de Commerce, qui vise des comportements en précisant qu’il y a
exploitation abusive de la position dominante dans les mêmes conditions que celles visées à l’article L. 420-1 du
Code de Commerce sur les ententes.
L’abus est donc un comportement qui a un objet ou un effet restrictif de concurrence, concurrence entendue
comme confrontation normale des entreprises. C’est ce que rappelle le Conseil de la Concurrence – 7 Octobre
1997 – Saisine présentée par la Société Reebok à l’encontre d’Adidas et Ulsport.
Dans ce cadre, d’un comportement qui est mesuré par rapport à une concurrence normale et par rapport au
comportement adopté dans le cadre d’une concurrence normale, alors l’entité dominante aura une
responsabilité particulière, sous-entendu une responsabilité supplémentaire de ne pas porter atteinte à une
La concurrence sur le marché est déjà affaiblie par l’existence de la position dominante, et du coup le
détenteur de cette position dominante ne doit pas faire obstacle aux degrés de concurrence restants.
(On est en plein de la vision structuraliste de l’école d’Harvard).
L’entité dominante a un devoir de vigilance particulier. Elle doit se comporter de façon mesurée, en fonction du
degré de concurrence restant sur le marché, c'est-à-dire en fonction des concurrents existant encore. Elle ne
peut pas se comporter comme n’importe quelle autre entreprise. La raison en est son poids, son impact.
Si on a une entreprise qui fait 0,1% du pouvoir de marché, et qui décide d’adopter des prix prédateurs, c'est-à-
dire extrêmement bas. Effets du comportement de l’entreprise sont quasiment nuls. Elle va juste vendre un
peu plus. Si par hasard elle vend en dessous de ses couts de production, elle disparaîtra.
Quand une entreprise en position dominante, a 80% des parts de marché, décide de vendre à des prix
prédateurs, alors il est fort probable que les 20% de parts de marché restants risquent d’aller vers elle, sortent
du jeu des entreprises qui avaient 5% des parts de marché qui ne peuvent pas descendre leurs prix, et cela
empêche les nouveaux entrants d’arriver sur le marché.
Deuxième point, la conception de l’abus qui repose sur l’idée de concurrence par les mérites et une
responsabilité particulière ne signifie pas pour autant que tout comportement de l’entité en position
dominante est systématiquement abusif. Cet argument là est erroné, car la conception de l’abus présenté
n’empêche pas l’entreprise en position dominante d’adopter des défenses stratégiques.
Dès l’arrêt United Brands du 14 Février 1978 de la Cour de Justice des Communautés Européennes, la Cour a
souligné que « l’existence d’une position dominante ne saurait priver l’entreprise se trouvant dans une telle
position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, et qu’il faut lui
accorder, dans une mesure raisonnable, la faculté d’accomplir des actes qu’elle juge appropriés en vue de
protéger ces-dits intérêts ».
L’entité qui est en position dominante, n’est pas condamnée à l’inaction. Il faut réagir de manière raisonnable.
En droit de l’Union Européenne, cela signifie tout simplement qu’il faut adopter un comportement
objectivement nécessaire et proportionné, pour répondre à la difficulté particulière. C’est d’ailleurs la position
de la Cour de Cassation, Com – 14 Février 1995 – Labinal.
Par exemple, lorsqu’elle est confrontée à une stratégie commerciale agressive en matière de prix, l’entreprise
en position dominante a la possibilité de baisser ses prix également, mais elle doit le faire de manière
appropriée et équilibrée. Elle ne peut pas effectuer un alignement général de ses prix sur ceux de ses
concurrents. Elle peut uniquement effectuer un alignement sur les prix d’un concurrent qui seraient en mesure
d’approvisionner un de ses clients. C’est ce qu’on appelle un alignement défensif, selon la Cour de Justice des
Communautés Européennes – Akzo – 3 Juillet 1991.
Un alignement de prix ne peut pas être effectué à un niveau inférieur au coût de production du bien en cause.
On prend en compte en général la moyenne des coûts variables, c'est-à-dire les coûts qui varient en fonction
des quantités produites. Un coût fixe, ca va être la location d’un immeuble, Akzo.
Sinon, on considère que l’alignement se fait à perte pour l’entreprise, et ce n’est pas le problème de la vente à
perte, mais de la volonté de l’entreprise de préserver sa position dominante en cherchant à écarter un rival
plus performant. Seule une entreprise en position dominante peut supporter une période de perte si elle sait
que ca fera disparaître un concurrent, pour par la suite remonter ses prix. Ce comportement est un
comportement abusif, et ne constitue pas une réponse adéquate, pertinente, équilibrée à la difficulté
rencontrée par l’entreprise en position dominante.
Une entité en position dominante peut aussi invoquer des objectifs de qualité, de sécurité ou de santé pour
justifier un abus de position dominante comme un refus de vente, mais ce comportement doit toujours être
nécessaire et proportionné aux objectifs invoqués.
Dans l’arrêt United Brands, la Cour de Justice des Communautés Européennes va reconnaître que l’entreprise
pouvait chercher à protéger la qualité de son produit, mais qu’elle devait avoir un comportement
proportionné. L’interdiction faite aux mûrisseurs agréés de revendre ses bananes United Brands à l’état vert,
notamment à d’autres mûrisseurs agréés sera une interdiction justifiée par United Brands quant à la qualité,
mais elle dépasse largement cet objectif de qualité invoqué.
Dans l’affaire Ilti du 12 Décembre 1991 du TPICE, le tribunal constate que la société Ilti pratiquait des ventes
liées, elle vendait des machines à clou liés à la vente de chargeurs et de clous.
Elle imposait ses ventes liées à ses clients. Cela était justifié en invoquant des exigences de fiabilité et de
sécurité. Il existait d’autres fabricants de chargeurs et de clous, qui étaient adaptables aux machines Ilti.
Le tribunal va rejeter l’argument « dès lors qu’elle peut, dans l’hypothèse où la protection de ses droits l’exige,
elle peut mettre en œuvre les procédures prévues par les différentes législations nationales en matière de
responsabilité du fait des produits ou de publicités mensongères. Une entreprise en position dominante ne
peut tirer argument du caractère prétendument dangereux, et de la qualité prétendument inférieure des
produits de ses concurrents destinés à être utilisés à l’aide d’un appareil qu’elle fabrique et commercialise pour
justifier des pratiques abusives consistant à tenter d’éliminer ces produits du marché afin de protéger sa
position commerciale ». D’une manière générale, il n’appartient pas à une entreprise en position dominante de
prendre des mesures destinées à éliminer les produits qu’elle considère dangereux ou d’une qualité inférieure
à ses propres produits.
Cela est rappelé dans les lignes directrices de la Commission du 9 Février 2009 au point 29, à propos de la
notion de domination : « à plus forte raison, l’entreprise ne saurait être fondée à imposer sa propre justice. Par
exemple, elle ne peut pas adopter des mesures de représailles contre des pratiques commerciales qu’elle
estime déloyales ou illicites ».
Dans un arrêt DPB Industries du 9 Avril 1993 – TPICE, la justification invoquée doit être nécessaire et
proportionnée. Les justifications susceptibles d’être invoquées sont assez nombreuses.
Dans l’arrêt Duales System Deutschland du 24 Mai 2007, le tribunal vise comme justification le respect du droit
des marques et le bon fonctionnement du système de collecte et de recyclage des emballages.
Dans sa décision du 8 Novembre 2005 – Pratiques mises en œuvre par les congrégations cisterciennes, le
Conseil de la Concurrence va considérer que la limitation des capacités d’accueil d’un site protégé justifie le
monopole de la desserte des visiteurs détenus par les cisterciens, qui paraît être la seule solution si on veut
protéger et maintenir la protection de ce site.
Il n’y a pas en principe de comportement qui seraient en eux-mêmes interdits à une entreprise en position
dominante. Il n’y a pas de comportements abusifs par principe.
L’entreprise peut tout faire tant que cela reste objectivement nécessaire et proportionné.
Si le comportement restreint la concurrence tant qu’il est proportionnel à une nécessité objective, alors il sera
susceptible d’échapper à la qualification d’abus, et ceci dans l’acceptation classique de l’abus.
2. Le renouveau de la notion
Troisième point, quand à la conception de l’abus fondé sur la concurrence sur les mérites et le caractère
normal ou anormal du comportement a été très critiquée.
Une partie de la doctrine qui s’appuye sur une analyse plus économique de la restriction de concurrence
considère que les notions de « comportement normal », de « concurrence par les mérites » sont des notions
trop floues, pas assez juridiques, avec un manque de lisibilité et de transparence.
Pour cette doctrine, ces notions ont donné lieu à une jurisprudence dogmatique, qui a qualifié d’abusif
systématiquement des comportements sans s’attacher à leurs effets sur le bien être du consommateur.
Cette jurisprudence était dangereuse car elle pénalise les entreprises les plus performantes, mettant à leur
charge une responsabilité supplémentaire, leur retirant ainsi la possibilité de tirer profit du fait qu’elles sont les
meilleures. Cette doctrine condamne la méfiance envers les entreprises dominantes. La vision structuraliste de
l’abus est remise en cause.
L’interdiction des abus de position dominante n’est pas un moyen de protéger le processus concurrentiel en
maintenant une multiplicité de concurrents selon la doctrine.
Pour les tenants de l’analyse économique, l’objectif de l’interdiction des abus de position dominante et du droit
de la concurrence en général n’est pas la protection des concurrents, mais la protection du bien être du
consommateur. Il faut donc faire un nouvel étalonnage, et installer une nouvelle grille de concurrence.
Selon eux, un comportement n’est abusif que s’il entraîne un préjudice pour le consommateur.
La disparition d’un concurrent qui n’entraîne pas un préjudice pour le consommateur, ne serait en revanche
pas qualifiée d’abus. Toute disparition d’entreprise n’est pas nécessairement un préjudice pour le
consommateur.
Cette conception de l’abus repose sur la seule analyse des effets du comportement en cause, puisqu’aucun
comportement n’a un objet a priori contre le consommateur.
En revanche, certains comportements ont un objet particulier, et on regarde si oui ou non ils ont un effet sur le
bien être du consommateur. En outre, le constat d’un effet restrictif de concurrence sur la structure de
concurrence n’est pas suffisant pour retenir un abus, il faut prendre en compte d’éventuels gains d’efficacité
(prix, qualité, innovation…), qui résultent de ce comportement.
Ce n’est qu’à l’issue de ce bilan effets restrictifs/éventuels gains que l’on pourra qualifier si le bilan est négatif,
le comportement d’abusif. Le comportement abusif serait un comportement ayant un effet restrictif de
concurrence, insuffisamment justifié par la poursuite de gains d’efficience au profit du consommateur.
Cette nouvelle logique fait que dans certains cas, des comportements considérés comme abusifs ne le sont
plus. Une entreprise en position dominante adopte des prix très bas, au dessus du coût, plus bas que n’importe
quelle autre entreprise.
Soit on considère que comme personne ne peut s’aligner sur elle, elle propose des prix prédateurs, destinés à
évincer les autres concurrents, et a donc un comportement abusif.
Soit on considère au contraire, que cette entreprise, en proposant des prix si bas, tire profit de son savoir-faire,
de ses effets de gamme, de réseau, d’expérience, de ses économies d’échelle pour proposer le même produit
que n’importe qui d’autre mais à un prix plus faible… Les autres entreprises disparaissent, mais les
consommateurs en profitent car ils ont un prix très bas. Si rien ne permet de penser qu’une fois les autres
entreprises disparues, l’entreprise va réaugmenter ses prix, quel est le mal ? Les consommateurs bénéficient
des prix très bas.
A long terme, est-ce bien que le consommateur se prive des autres concurrents ? Ne prend-t-on pas une option
sur un préjudice à long terme contre le consommateur ?
British Airways, Microsoft et Michelin sont les arrêts qui ont lancé cette théorie.
Cette conception a plus ou moins été intégrée par la Commission, qui a revu sa position dans la Communication
du 9 Février 2009. Le fait de baisser les prix profite au consommateur, donc tout va bien. Cette Communication
est limitée à une catégorie d’abus que sont les abus d’éviction, mais néanmoins, la Commission pose des lignes
qui intègrent les apports de l’analyse économique, qui sont sans doute valables pour tous les abus.
Ce qui est intéressant, c’est que la Commission ne fait aucun choix définitif entre la protection du bien être du
consommateur, ou la protection du processus concurrentiel et donc des concurrents.
L’objectif de l’article 102 apparaît comme la combinaison des deux.
Si ce n’est pas le cas, les gains d’efficience ne peuvent pas être invoqués. Cette nouveauté de la démarche de la
Commission appelle trois remarques :
- Elle intègre dans le raisonnement sur la qualification de l’abus des considérations analogues à celles
visées par l’article 101§3 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne. Ainsi, d’après la
Commission, quand on a un comportement restrictif de concurrence dont résulte un progrès
économique au sens gain d’efficience, le comportement n’est pas abusif comme sous l’empire de
l’article 101§3, une entente est exemptée. C’est la même mécanique.
- Cette démarche rapproche le droit français et le droit de l’Union Européenne, puisque l’article L. 420-4
du Code de Commerce prévoit la possibilité d’exempter un abus de position dominante, s’il y a un
progrès économique entraîné par le comportement abusif.
Conclusion :
La jurisprudence n’a pas renoncé à se référer à la structure du marché, Cour de Justice des Communautés
Européennes – 14 Octobre 2010 – Deutsche Telecom, et la jurisprudence continue également de recourir si
utile, à la notion d’objet anticoncurrentiel pour qualifier l’abus, TPICE – 9 Septembre 2009 – Clearstream, et CA
de Paris – 9 Mars 2010 – SNCM.
B) Typologie de l’abus
1. Les abus d’exploitation
Blanc
2. Les abus de monopolisation
Blanc
Conclusion
Blanc
Deuxième remarque, sur le lien de causalité entre l’abus et le lien de position dominante, dans l’arrêt
Hoffmann Laroche, la Cour de Justice des Communautés Européennes a souligné qu’il n’était pas nécessaire
que l’abus de puissance économique soit le moyen de l’abus, mais en revanche en droit français, le Conseil de
la Concurrence souligne la nécessité d’un lien de causalité entre le pouvoir de domination de l’entreprise et
l’entrave apportée au libre-jeu du marché.
L’existence d’un lien entre la position dominante et le comportement prétendument abusif n’est peut être pas
la même chose que le lien de causalité. Peut-on être en position de dominance sur un marché et effectuer un
abus sur un autre marché ? Sur ce point, la Cour de Justice des Communautés Européennes considère
effectivement que l’abus peut être constitué sur un marché distinct du marché dominé dans deux situations :
- Lorsque l’on peut considérer qu’en fait que l’entreprise cherche à renforcer sa position dominante à
travers la pratique qu’elle met en œuvre sur un marché distinct selon l’arrêt Akzo du 3 Juillet 1999.
- Lorsque les marchés présentent des liens de connexité entre les marchés, si étroits qu’en réalité
l’entreprise est en position dominante sur l’ensemble des marchés selon l’affaire TetraPak du 14
Novembre 1996.
Dans l’arrêt Glaxo Smith Kleine, les juges reprennent ces jurisprudences, et constatent qu’en l’espèce, on n’est
dans aucune des deux situations. Du coup, la question qui se posait de savoir si les prix prédateurs exercés par
GlaxoSmithKleine (laboratoires pharmaceutiques) sur un marché où il n’est pas en position dominante ne
constituait pas un abus de position dominante pour la Cour de Cassation, aux sens des articles L. 420-2 alinéa 1
du Code de Commerce, et 102 du Traité de Fonctionnement de l'Union Européenne ?
La Cour de Cassation répond par la négative, car ces prix prédateurs ne renforcent pas sa position dominante,
et les deux marchés n’ont pas un lien de connexité suffisant.
Une partie de la doctrine considère que ce type de comportement d’une entreprise en position dominante,
consiste à envoyer un signal au marché.
Troisième remarque, il existe une difficulté particulière liée à l’application de l’article 106§1 du Traité de
Fonctionnement de l'Union Européenne et à l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs à certaines entreprises par
les pouvoirs publics.
Quand un Etat octroie un droit spécial ou exclusif, il est possible que l’entreprise qui en bénéficie soit mise
automatiquement en position d’abus. On parle d’abus automatique.
Le terme « automatique » est en fait inapproprié, on devrait parler de « présomption d’abus », c'est-à-dire que
potentiellement, l’entreprise est mise en situation d’abuser de sa position dominante.
Cette théorie existe en droit français, en tout cas depuis que les juridictions administratives appliquent le droit
de la concurrence, puisque la jurisprudence Millions et Marrais de 1997 est une affaire où le Conseil d'Etat
reconnaît par la suite l’existence d’un abus automatique.
Le contrôle de ces pratiques intervient devant plusieurs autorités : la Commission, une ACN, devant des juges
nationaux (civils, commerciaux, administratifs…), les arbitres, ou la Cour de Justice des Communautés
Européennes. Toutes ces juridictions ne prononcent pas le même type de sanction, et ne suivent pas la même
procédure de contrôle.
D’abord, les infractions sont susceptibles d’être constatées par les autorités de concurrence spécialisées
Devant la Commission, il y a une procédure qui est organisée principalement par le règlement I 2003
du 16 Décembre 2002 complété par le règlement 773 2004 du 7 Avril 2004.
Devant l’Autorité de la Concurrence, la procédure résulte des articles L. 450-1 à L. 470-8, et R. 450-1 à
R.470 -8 du Code de Commerce.
o L’enquête préalable
Elle peut intervenir après la plainte, mais certaines enquêtes arrivent avant la plainte. On va voir officieusement
l’Autorité de la Concurrence, on lui dit quelque chose d’intéressant, et celle-ci décide d’enquêter.
C’est une étape cruciale, parce qu’elle est entièrement organisée par les services de l’autorité de concurrence
concernés. On est dans le cadre d’une procédure inquisitoriale, et à partir de cette enquête on établit le
contexte factuel de l’affaire.
La Commission dispose du pouvoir de demander des renseignements. C’est le plus souvent envoyer un
questionnaire, que l’entreprise remplira, éventuellement sous astreinte (date limite, ou astreinte prononcée).
Cela peut se faire gentiment ou de manière plus agressive, c'est-à-dire que la Commission prend une décision
qui a un effet juridique, avec le risque d’une astreinte et d’une sanction pour ne pas avoir répondu.
La Commission a également le pouvoir d’effectuer des inspections, des saisies et mises sous scellées dans les
locaux des entreprises contrôlées. Eventuellement, également sous astreinte mais elle peut aussi effectuer les
inspections et saisies au domicile d’un dirigeant ou d’un employé.
Enfin, elle peut auditionner toute personne acceptant d’être interrogée.
L’exercice de ce pouvoir doit être conforme au principe de proportionnalité et de nécessité.
Enfin, les inspections et saisies qui sont contraignantes lorsqu’il y a un refus de collaboration ne peuvent être
respectées qu’en respectant les garanties procédurales prévues en France. Quand la Commission veut
contraindre l’entreprise à la laisser entrer dans ses locaux, on passe par les procédures nationales.
L’Autorité de la Concurrence dispose de pouvoirs à peu près comparables, et dès que les personnes ne
collaborent pas spontanément, les visites et saisies effectuées doivent être autorisées par le JLD, ce de façon
motivée. Cette ordonnance ne fait droit que si les éléments d’information fournis au juge permettent de
présumer l’infraction.
A l’issue de cette phase d’instruction préliminaire, l’autorité peut à partir d’un moment se considérer en
mesure de poursuivre l’affaire. Devant la Commission, il y a un principe d’opportunité des poursuites.
Si les autorités estiment qu’elles poursuivent l’affaire, elles rédigent et transmettent les griefs qu’elles
reprochent aux entreprises contrôlées.
Pendant toute la phase d’instruction préliminaire, les entreprises contrôlées n’ont pas pu défendre leurs points
de vue. A partir de cette communication des griefs, les entreprises poursuivies peuvent enfin présenter leurs
arguments et les opposer à la position défendue par les autorités de concurrence.
Dans cette phase de débat contradictoire, devant une situation d’urgence, l’autorité de concurrence peut être
amenée à faire des mesures conservatoires. Mais c’est très rare, il faut éviter que l’infraction, l’entrave détruise
définitivement le jeu de la concurrence sur un marché. Ce type de mesure se justifie uniquement en cas
d’atteinte grave ou immédiate à une entreprise ou à un secteur. L’idée est que pour les mesures d’urgence,
l’autorité de la concurrence prend une mesure pour éviter que sa décision finale soit inutile.
A l’issue du débat contradictoire, l’autorité de la concurrence va prendre une mesure définitive sur le fond pour
constater l’existence ou non d’une infraction.
Dans un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 3 Mai 2002 – Télé 2 Polsja , qui fait une
application littérale de l’article 5 du règlement I 2003, car elle considère qu’une autorité nationale ne peut pas
conclure définitivement sur l’absence d’infractions aux articles 101 et 102 du Traité de Fonctionnement de
l'Union Européenne. L’autorité nationale peut seulement dire qu’elle n’a pas lieu d’intervenir pour appliquer
ces articles.
Lorsque l’autorité spécialisé considère que l’infraction est constituée, d’abord elle constate l’infraction, et
enjoint aux entreprises de mettre fin aux pratiques. Cela peut impliquer la modification de clauses
contractuelles. L’Autorité de la Concurrence ou la Commission peut invoquer la réduction de la durée d’une
clause de non-concurrence.
Plus exceptionnellement, il y a une possibilité de prendre des mesures structurelles, c'est-à-dire des mesures
qui consistent à céder des actifs pour diminuer le pouvoir de marché d’une entreprise. Cela est beaucoup plus
rare.
Les autorités peuvent également imposer des sanctions pécuniaires. En théorie, cette sanction peut aller
jusqu’à 10% du CA mondial de l’entreprise. Cette sanction est proportionnée à la gravité de la pratique, aux
dommages portés à l’économie du secteur, à la situation de l’entreprise et à l’éventuelle récidive.
Le calcul est un enjeu majeur pour le droit des pratiques anticoncurrentielles.
Le droit de l’Union Européenne et le droit français prévoient des mécanismes de réduction des amendes, et
dans certains cas des mécanismes d’immunités. Il existe un mécanisme de clémence reposant sur l’incitation à
dévoiler aux autorités une infraction. Il existe également une procédure d’engagement.