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COURS DE PROCÉDURE PÉNALE

Introduction
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La commission d’une infraction pénale n’entraîne pas ipso facto la répression de son auteur.
En effet, entre la réalisation d’une infraction et sa punition effective par les juridictions, il y a
la procédure pénale qui constitue un véritable trait d’union dont la rupture peut engendrer des
conséquences extrêmement dommageables pour les parties concernées, en l’occurrence la
société, la victime et la personne mise en cause.

La procédure pénale constitue l’ensemble des règles de mise en œuvre du Droit Pénal, c’est à
dire de la constatation des infractions à leur instruction et leur jugement devant les juridictions
répressives.
Son importance ne peut être discutée dans la mesure où elle a pour objet de concilier d’une
part, les aspirations de l’Etat qui a intérêt à une répression efficace, et d’autre part celles de la
personne mise en cause qui peut être innocente.

C’est pourquoi l’on dit souvent que le caractère démocratique d’un système politique peut se
mesurer à la lumière de son Code de Procédure Pénale.

Historiquement, la procédure pénale a d’abord été inquisitoire.

La procédure inquisitoire est secrète et écrite. Les actes de justice font chacun l’objet de
procès verbal classé au dossier et il n’y est consacré aucun caractère contradictoire.

Dans la procédure inquisitoire, il y a une disproportionnalité délibérée entre les moyens dont
dispose l’autorité publique qui accuse et les moyens de défense de la personne mise en cause.

La procédure pénale a été ensuite accusatoire, c'est-à-dire contradictoire, publique et orale.


Les formalités écrites y sont réduites au minimum et la partie accusatrice n’a aucun privilège
par rapport à celle accusée.

Le juge est astreint dans la procédure accusatoire à ne tenir compte dans sa décision que des
éléments discutés à l’audience.

La procédure pénale a enfin été mixte. La procédure mixte n’est pas purement accusatoire et
pas non plus inquisitoire. Elle est publique et non secrète à l’égard de la personne mise en
cause et des témoins. Elle est orale et contradictoire mais le Ministère Public y exerce des
facultés plus importantes que la personne mise en cause en tant que partie non pas
prépondérante au procès, mais plutôt comme partie privilégiée.

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La procédure mixte est le schéma retenu au Sénégal par la Loi N° 65 – 61 du 21 juillet 1965
portant Code de Procédure Pénale.

L’intérêt de l’étude de la procédure pénale réside dans le fait que bien plus que le Droit Pénal
Général, il met en évidence à la fois l’étendue et les limites des pouvoirs exercés par les
autorités judiciaires de tous ordres (organes de poursuites, d’instruction et de jugement).

En outre, au-delà de la préparation à l’exercice futur de fonctions judiciaires pour ses


destinataires, l’étude de la procédure pénale permet d’analyser les mécanismes processuels
consacrés en droit positif pour la mise en œuvre effective de la répression de la délinquance.

A l’instar et dans la continuité du Cours de Droit Pénal Général, il s’agira particulièrement


dans le cadre de ce présent cours de partager la perception du praticien que nous sommes des
dispositions pertinentes de la législation en vigueur relatives au déroulement du procès pénal.
Mais force sera pour nous d’appréhender au préalable les résultantes de l’infraction en termes
d’action en justice pour une compréhension adéquate dudit processus de mise en œuvre de la
répression.

Pour cette raison, une première partie sera consacrée aux actions issues de l’infraction pénale
(Première Partie) et une seconde partie aux étapes de la procédure pénale (Deuxième partie).

Première Partie : Les actions issues de l’infraction pénale.


En sciences juridiques, l’action en justice se définit comme étant une faculté reconnue aux
sujets de droit de s’adresser à la justice pour obtenir le respect de leurs doits ou de leurs
intérêts légitimes.

En matière pénale, la commission d’une infraction engendre deux (02) réactions : celle de la
société dont l’équilibre a été brisé et qui cherchera la répression par l’exercice de l’action
publique (Chapitre 1) et celle de la victime à qui un dommage a été causé qui cherchera
réparation par l’exercice de l’action civile (Chapitre 2).

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Chapitre 1 : L’action publique.
C’est une action portée devant une juridiction répressive pour l’application des peines prévues
à l’auteur d’une infraction.

Cette définition résulte d’ailleurs du libellé de l’article 1 er du Code de Procédure Pénale qui
dispose : « L’action publique pour l’application des peines… ».

L’étude de l’action publique sera articulée autour des demandeurs (Section 1), du défendeur
(Section 2) et de son extinction (Section 3).

Section 1 : Les parties demanderesses à l’action publique.

Elles sont au nombre de trois (03) : il s’agit du Ministère Public (I), de la partie civile (II) et
de certaines administrations (III).

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I – Le Ministère Public.

Le Ministère Public constitue l’ensemble des magistrats de carrière chargés devant les
juridictions de requérir l’application de la loi et de veiller aux intérêts généraux de la société.

Nous analyserons d’abord les caractères du Ministère Public (A) et ensuite ses attributions
(B).

A – Les caractères du Ministère Public.

Les magistrats du Ministère du Public encore appelés magistrats du Parquet sont soumis aux
règles suivantes :

- La hiérarchie.

Cette hiérarchie résulte des dispositions des articles 25, 28 et 29 du Code de Procédure
Pénale.

En effet, l’article 25 alinéa 1er dispose : « Le Ministère Public est tenu de prendre des
réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont donnés conformément aux articles
28 et 29 ».

L’article 28 ajoute : « Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice peut dénoncer au


Procureur Général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre
d’engager ou de faire engager les poursuites, ou de saisir la juridiction compétente de telles
réquisitions écrites que le Ministre juge opportunes ».

L’article 29 dispose enfin : « Le Procureur Général a autorité sur tous les représentants du
Ministère Public de son ressort.

A l’égard de ces magistrats, il a les mêmes prérogatives que celles reconnues au Ministre de
la Justice à l’article précédent ».

Ainsi est conçue la hiérarchie du Parquet d’où il résulte que la règle de l’inamovibilité ne
concerne pas les magistrats de cette institution. Cette hiérarchie qui doit toujours se
manifester par écrit, ne comprend cependant pas de possibilité pour l’autorité supérieure de
donner des instructions allant dans le sens de ne pas exercer des poursuites.

L’article 25 in fine du Code de Procédure Pénale leur reconnait par ailleurs au Ministère
Public une indépendance certaine. En effet, en vertu de ce texte, « Il développe librement les

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observations orales qu’il croit convenables au bien de la justice ». C’est la consécration du
principe de la liberté de parole du Ministère Public.

- L’indivisibilité.

Cette règle signifie que si nombreux soient ils dans un Parquet, un acte posé par l’un d’entre
eux les engage tous.

Dans la pratique, si par exemple l’un d’entre eux au cours d’une audience est atteint d’un
malaise, il peut parfaitement se faire remplacer par un autre pour la suite, ce qui n’est pas le
cas des juges du siège.

- L’irrécusabilité.

Cette règle signifie que l’absence du Ministère Public à une audience pénale rend celle-ci
invalide.

De même, un juge peut être récusé s’il a une relation de parenté ou d’alliance avec une des
parties au procès ou encore s’il a été lui-même victime de l’infraction dont il est question de
juger, ce qui n’est pas le cas du magistrat du Parquet. Il est toutefois évident que compte tenu
de la mission sacerdotale, il n’est pas souhaitable pour des raisons d’éthique et de
transparence que le Ministère Public donne l’impression de se faire justice à lui-même.

- L’indépendance vis-à-vis du Tribunal.

Si partie au procès soit il, le Ministère Public est représenté des magistrats au même titre que
ceux du siège. A ce titre, il ne peut se faire adresser ni de blâme, encore moins d’injonction de
la part du Tribunal.

Dans la pratique, les relations entre magistrats du siège et ceux du Parquet sont empreintes de
courtoisie et de fraternité compte tenu des nécessités d’une bonne administration de la justice
et encore qu’ils sont soumis aux mêmes exigences statutaires.

- L’irresponsabilité.

En tant que partie privilégiée au procès, la responsabilité civile du Ministère Public ne peut
être engagée pour avoir initié des poursuites contre une personne qui a finalement bénéficié
de relaxe. Il n’en est en effet pas de même de la partie civile lorsqu’elle déclenche l’action
publique.

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B – Les attributions du Ministère Public.

Très souvent les services des Parquets sont des plus sollicités dans les juridictions et les
justiciables qui s’y présentent le font souvent pour trouver une solution qui dépasse leurs
pouvoirs. C’est pourquoi un Procureur de la République avait pour habitude de dire de
manière fort plaisante que : « Le Parquet est le mûr des lamentations ».

Les attributions du Ministère Public sont nombreuses et variées dans la mesure où en tant que
maître des poursuites et partie prenante dans le cadre du procès pénal, le Ministère Public joue
en amont comme en aval des infractions un rôle déterminant. Il initie en effet les poursuites en
matière pénale tout en étant garant de l’exécution des décisions de justice.

Nous retiendrons principalement trois (03) attributions qui ne peuvent être occultées. Il s’agit
de la direction de la police judiciaire (1), de l’appréciation de la légalité des poursuites (2) et
de l’appréciation de l’opportunité des poursuites (3).

1 – La direction de la police judiciaire.

Alors que la police administrative est une activité de prévention, de prescription tendant au
maintien de l’ordre public sous toutes ses diversités, la police judiciaire quant à elle est une
activité de constatation des infractions, de recherche d’indices ou de preuves, d’identification
et d’arrestation de leurs auteurs en vue de leur répression.

Aux termes de l’article 12 du Code de Procédure Pénale : « La police judiciaire est exercée
sous la direction du Procureur de la République par les officiers de police judiciaire, ainsi
que par les fonctionnaires et agents auxquels sont attribuées par la loi certaines fonctions de
police judiciaire ».

En tant que tel, le Procureur de la République coordonne l’activité des officiers de police
judiciaire de son ressort à qui il incombe une obligation de reddition de compte qu’il
conviendra d’aborder plus largement dans une autre partie de ce cours. Ses instructions, tant
qu’elles restent dans un cadre légal, sont exécutoires de plein droit par les officiers de police
judiciaire.

2 – L’appréciation de la légalité des poursuites.

En déclenchant l’action publique et quel que soit son mode d’action, le Ministère Public ne
peut pas le faire ex nihilo, il est astreint à l’obligation de le faire dans un cadre légal. Cela

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revient à dire qu’il s’agit là d’une résultante, voire d’une conséquence ou une application du
principe de la légalité des infractions et des peines.

Ainsi, toute personne qui n’aura pas agi en commettant un fait pénalement réprimé, ne peut
normalement pas faire l’objet de poursuites, sous réserve de l’appréciation quant à la légalité
que se fera le Ministère Public de ce fait.

3 – L’appréciation de l’opportunité des poursuites.

Un fait légalement réprimé, même s’il est établi dans tous ses éléments constitutifs, n’oblige
pas le Ministère Public à déclencher les poursuites.

En effet, aux termes de l’article 32 alinéa 1 er du Code de Procédure Pénale : «Le Procureur de
la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner ».

En vertu de ce texte, il lui est loisible de déclencher ou de ne pas déclencher l’action publique.

Lorsqu’il décide de déclencher l’action publique, il fera selon les modalités que l’on évoquera
dans la seconde partie de ce cours.

Lorsqu’il décide de ne pas déclencher l’action publique, on parle de classement sans suite
dont il est toutefois tenu de préciser le motif (absence d’infraction, prescription de l’action
publique, autorité de la chose jugée, auteur des faits non identifié, transaction, inopportunité
des poursuites etc.).

En cas de décision de classement sans suite, le Procureur de la République doit également en


donner avis au plaignant dans les huit (08) jours avec mention de la faculté qui est offerte à ce
dernier de déclencher lui-même l’action publique (cf. article 32 in fine du Code de Procédure
Pénale).

Enfin, le Procureur de la République peut, avant toute décision sur l’action publique et avec
l’accord des parties, soumettre l’affaire à la médiation pénale (article 32 alinéa 2 du Code de
Procédure Pénale). La médiation pénale est un mode alternatif de règlement des conflits qui
tend à trouver une solution à l’amiable en les parties. Le Procureur de la République peut lui-
même y procéder ou déléguer cette tâche à un médiateur tenu au secret et à la neutralité. En
cas d’accord entre les parties, un procès verbal de médiation pénale doit être dressé et son
exécution est du ressort exclusif du Procureur de la République.

II – La victime.

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En tant que personne qui a souffert d’un dommage du fait de l’infraction, son rôle dans le
procès pénal ne doit normalement se limiter qu’à la recherche d’une réparation. Mais très
certainement pour combattre, tantôt l’inertie, tantôt la volonté de ne pas poursuivre du
Ministère Public, la loi lui permet de déclencher l’action publique selon deux (02) modalités :
la plainte avec constitution de partie civile (A) et la citation directe à son initiative (B).

A – La plainte avec constitution de partie civile.

Aux termes de l’article 76 du Code de Procédure Pénale : « Toute personne qui se prétend
lésée par un crime ou un délit peut, en portant plainte devant le juge d’instruction, se
constituer partie civile, soit en comparaissant personnellement ou par ministère d’avocat,
soit par lettre ».

La plainte avec constitution de partie civile n’est donc recevable que devant le juge
d’instruction, que le Ministère Public ait eu à prendre ou non une décision de classement.
Précisons toutefois que lorsque le Parquet a été préalablement saisi et que ladite saisine n’est
pas arrivée à expiration, la partie civile ne pourra sous prétexte que la procédure tire en
longueur, saisir le juge d’instruction d’une plainte avec constitution de partie civile. C’est
l’application de la règle « non bis in idem » (Une personne ne peut être poursuivie deux fois
pour le même fait).

Suite à la réception d’une plainte avec constitution de partie civile, le juge d’instruction est
obligé en vertu de l’article 77 alinéa 1 er de communiquer la procédure au Procureur de la
République et ce n’est qu’après réquisitions introductives de ce dernier qu’il est
irrémédiablement saisi.

Toutefois, le Procureur de la République ne peut saisir le juge d’instruction de réquisitions


non informer que si pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne
peuvent légalement comporter des poursuites ou admettre une qualification pénale (article 77
in fine).

B – La citation directe à l’initiative de la partie civile.

La partie civile a également la possibilité de déclencher l’action publique en faisant


directement citer la ou les personnes qu’elle prétend avoir commis une infraction à son
préjudice (articles 1er alinéa 2 et 539).

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Il s’agit d’un procédé par lequel la victime de l’infraction saisit un huissier de justice qui pour
le compte de celle-ci, délivre une citation à comparaitre devant le tribunal correctionnel à
l’auteur présumé de l’infraction. Le Ministère Public qui n’a aucune main mise sur la citation
directe à l’initiative de la partie civile reçoit également une citation à comparaitre en raison du
caractère obligatoire de sa présence lors du jugement de toute affaire pénale. Les témoins sont
aussi cités par la partie civile.

Cependant, si la partie civile qui délivré une citation directe ne comparait pas, son action est
déclarée irrecevable sauf réquisitions spéciales du Ministère Public (article 412). De même, le
prévenu peut en pareil cas solliciter des dommages et intérêts pour abus de citation.

III – Certaines administrations.

L’action publique n’est pas uniquement l’apanage du Ministère Public et de la partie civile,
certaines administrations peuvent également la mettre en mouvement le prévoient les
dispositions de l’article 1er.

Il s’agit pour l’essentiel de l’administration des eaux, forêts et chasse pour les infractions
prévues par le code de la chasse et de la protection de la faune (article 18 dudit code), du
service national d’hygiène pour les infractions prévues par le code de l’hygiène publique, de
l’administration des douanes pour les infractions prévues par le code des douanes, de
l’administration fiscale pour les infractions prévues par le code général des impôts (articles
1022 et suivants) etc.

Ces administrations sans se substituer au Ministère Public, ont la faculté de déclencher


l’action publique à l’instar de la partie civile.

Section 2 : La partie défenderesse à l’action publique.

La défense à l’action publique est naturellement exercée par la personne à qui l’infraction
pénale est reprochée. Celle-ci, étant présumée innocente (I), est détentrice de droits qu’il faut
respecter (II).

I – La présomption d’innocence.

Il s’agit d’un des principes phares du procès pénal qui manifeste son caractère de plus en plus
accusatoire.

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La présomption d’innocence est un droit internationalement reconnu, en particulier la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en son article 9, la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme en ses articles 8, 9, 10 et 11 et la Charte Africaine des
Droits de l’Homme et des Peuples en son article 7.

Concrètement, la présomption d’innocence signifie que la personne à qui l’on reproche un fait
pénalement réprimé est supposée ne l’avoir pas commis jusqu’à ce sa culpabilité soit
légalement établie.

C’est tout le sens du jugement des affaires pénales qui n’ont pour objectif que la manifestation
de la vérité et c’est également ce qui justifie le principe de la liberté de preuve en matière
pénale et celui de l’intime conviction du juge. En effet, la preuve des infractions pénales peut
être rapportée par tout moyen et le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui
ont été apportées au cours des débats qu’il appréciera selon son intime conviction, c’est-à-dire
la religion et le sentiment qu’il s’est fait de leur véracité (article 414).

II – Le respect des droits de la défense.

Les droits de la défense sont également protégés par les conventions internationales tantôt
citées. La constitution de la République du Sénégal du 22 janvier 2001 dispose en son article
9 in fine : « La défense est un droit absolu dans tous les états et à tous les de grés de la
procédure ».

L’obligation du respect des droits de la défense est également un des principes sacro saints du
procès qui manifeste également son caractère un tant soit peu accusatoire et sa violation est
souvent constitutive de cause de nullité. Il en est ainsi de la violation du droit de se faire
consulter par un médecin et de se faire assister de son avocat en cas de prolongation de garde
à vue (article 55 ter), de la violation de l’obligation de notification à la personne poursuivie en
flagrant délit de son droit de constituer un avocat (article 63), de la violation de l’obligation de
commission d’office d’un avocat pour une personne qui n’en a pas et poursuivi pour
infraction qualifiée crime (article 101) etc.

Section 3 : L’extinction de l’action publique

Il s’agira d’étudier les causes d’extinction de l’action publique qui sont de deux (02) ordres. Il
y a d’une part les évènements naturels (I) et d’autre part, les manifestations de volonté (II).

I - Les événements naturels.

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Il y a essentiellement deux (02) types d’évènements qui peuvent éteindre l’action publique : il
s’agit du temps (A) et du décès du délinquant (B).

A – Le temps.

Voile d’oubli couvrant pudiquement les agissements devenus anciens de l’auteur de


l’infraction ou pardon de la société à l’égard de ce dernier, la prescription constitue la perte du
droit d’agir du fait de l’écoulement d’un certain temps.

La prescription éteint l’action publique aux termes de l’article 6 du Code de Procédure Pénale.

Le délai de prescription varie selon la gravité de l’infraction. Ainsi en matière de crime,


l’action publique se prescrit dans un délai de dix (10) ans (article 7), en matière de délit, elle
se prescrit dans un délai de trois (03) ans (article 8 alinéa 1) et en matière de contravention,
dans un délai d’un (01) an (article 9).

Toutefois, en matière de détournement de deniers publics qui est constitutif d’infraction


délictuelle, le délai de prescription est de sept (07) ans (article 8 alinéa 2). De même, en
matière d’infractions commises par tout moyen de diffusion publique comme par exemple la
diffamation et en matière d’infraction électorale, le délai de prescription est de six (06) mois
(articles 632 du CPP et L 85 du Code Electoral). Par contre, en matière d’infractions
militaires, l’article 114 du Code de Justice Militaire prévoit que la désertion et l’insoumission
en temps de guerre sont des infractions imprescriptibles.

Le délai de prescription commence à courir en principe le jour de la commission de


l’infraction (article 7). Mais si cette solution est simple pour les infractions instantanées telles
que le vol, il n’en est pas de même des infractions continues comme l’occupation illégale de
terrain. Dans ce dernier cas, la prescription ne commence à courir qu’à compter du jour où
l’infraction continue a cessé d’être commise.

La prescription peut être interrompue ou suspendue.

Lorsque la prescription est interrompue, le délai recommence à courir depuis son point de
départ. C’est le cas lorsque des actes de poursuite c’est-à-dire ceux accomplis dans le cadre
de la mise en mouvement ou de l’exercice de l’action publique (procès verbal de police ou de
gendarmerie, citation du prévenu, plainte avec constitution de partie civile, réquisitoire du
Procureur de la République) ou des actes d’instruction (tout acte pris par le juge d’instruction

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ou le tribunal correctionnel dans le cadre de la recherche de la vérité) sont réalisés (articles 7,
8 et 9).

Lorsque la prescription est suspendue, le délai est bloqué et dès la cessation de la cause de
suspension, le délai écoulé avant la survenance de cet évènement est comptabilisé. C’est le
cas lorsqu’il y a obstacle de fait (par exemple l’invasion du territoire national par des armées
ennemies qui empêchent le fonctionnement du service public de la justice) ou de droit (les
questions préjudicielles, les demandes de levée d’immunité etc.).

La prescription est une mesure d’ordre public qui peut être soulevée d’office. Elle a pour effet
de neutraliser définitivement les poursuites.

B – Le décès du délinquant.

Aux termes des dispositions de l’article 6 du Code de Procédure Pénale : « L’action publique
pour l’application de la peine s’éteint par la mort du prévenu… ».

Cette règle s’explique par le fait que la responsabilité pénale est individuelle. Elle ne s’hérite
pas.

Toutefois, la survenance de la mort n’empêche pas la victime d’ester devant le juge civil
contre les héritiers du défunt en vue d’obtenir réparation du dommage qui lui a été causé sur
le fondement de la responsabilité du fait d’autrui (article 121 du COCC).

II – Les manifestations de volonté.

La volonté du législateur (A) et celle des parties (B) peuvent éteindre l’action publique.

A – La volonté du législateur.

La volonté du législateur éteint l’action publique de deux (02) manières : il s’agit l’amnistie
(1) et de l’abrogation (2).

1 - L’amnistie.

L’amnistie est une faculté donnée au parlement d’enlever à des faits pénalement réprimés,
qu’ils soient ou non jugés, leur caractère répréhensible.

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Cela a été le cas au Sénégal de Loi Feu Isidore EZZAN (N°2005-01 du 07 janvier 2005). En
effet, l’article 1er de ladite loi dispose : « Sont amnistiées, de plein droit, toutes les infractions
criminelles ou correctionnelles commises, tant au Sénégal qu’à l’étranger, en relation avec
les élections générales ou locales ou ayant eu une motivation politique, situées entre le 1 er
janvier 1983 et le 31 décembre 2004, que leurs auteurs aient été ou non jugés ».

L’amnistie éteint l’action publique dans la mesure où elle anéantit les poursuites.

2 – L’abrogation.

La caducité de la loi, en faisant disparaitre l’élément légal, met fin aux poursuites initiées sous
l’empire de la loi incriminatrice périmée. Elle constitue un obstacle à toute nouvelle poursuite
en vertu notamment de la rétroactivité de la loi pénale plus douce. C’est le cas de la loi
uniforme N° 2008 – 48 du 03 septembre 2008 relative à la répression des infractions en
matière de chèque, d’instruments de paiement, d’autres instruments et procédés électroniques
de paiement.

L’abrogation de la loi pénale, à la différence de la prescription, laisse subsister l’action civile.

B – La volonté des parties.

La volonté des parties éteint l’action publique dans deux (02) cas : il s’agit de la transaction
(1) et du désistement (2).

1 – La transaction.

Aux termes des dispositions de l’article 6 du Code de Procédure Pénale, la transaction éteint
l’action publique.

La transaction est un compromis selon lequel, l’auteur d’une infraction accepte de se


soumettre au paiement d’une amende légalement fixée dans le but d’échapper à des poursuites
pénales.

Elle est souvent prévue en matière douanière, fiscale, forestière etc.

2 – Le désistement.

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Aux termes des dispositions de l’article 2 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale : « La
renonciation à l’action civile ne peut ni arrêter ni suspendre l’action publique… ».

La partie civile exerce en principe l’action civile. Elle peut déclencher l’action publique mais
n’en détient pas pour autant le monopole. C’est ce qui justifie que son désistement n’a en
principe pas d’incidence sur l’action publique sauf dans certains cas spécifiés par la loi où la
plainte est une condition d’exercice de l’action publique. Il en est ainsi de la diffamation
(article 619 du Code du Procédure Pénale), de l’abandon de famille (article 350 alinéa 3 du
Code Pénal), de l’adultère (article 329 alinéa 1er du Code Pénal).

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Chapitre 2 : L’action civile.
Si la responsabilité civile constitue l’obligation de réparer un préjudice résultant soit de
l’inexécution d’un contrat, soit de la violation de l’obligation générale de ne causer aucun
dommage à autrui par son fait personnel, ou du fait des choses dont a la garde, ou des faits des
personnes dont on répond, l’action civile est quant à elle la faculté offerte à la victime d’une
infraction pénale de demander réparation de ce fait.

Aux termes des dispositions de l’article 2 alinéa 1er du Code de Procédure Pénale : « L’action
civile en réparation du dommage causé par toute infraction appartient à tous ceux qui ont
personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ».

L’étude de l’action civile sera articulée autour de trois (03) axes à savoir ses conditions
d’exercice (section 1), ses modalités d’exercice (section 2) et son extinction (section 3).

Section 1 : Les conditions d’exercice de l’action civile.

Ces conditions sont de deux (02) ordres : il s’agit des conditions liées à l’origine de l’action
civile (I) et celles liées au titulaire de ladite action (II).

I – Les conditions liées à l’origine de l’action civile

Il s’agit soit d’un dommage (A), soit d’un fait dommageable (B).

A – Le dommage

Le dommage réparable en matière pénale s’entend du préjudice matériel (corporel ou à


incidence patrimoniale) ou moral causé à la victime du fait essentiel de l’infraction.

Les caractères du dommage sont définis par les dispositions des articles 2 et 3 du Code de
Procédure Pénale.

L’article 2 qui exige un lien direct entre le dommage et l’infraction privilégie une conception
assez étroite du dommage. Cette conception avait fait l’objet de vives critiques en particulier
de la part des plaideurs qui par exemple en matière d’accidents de la circulation étaient
obligés par la suite de saisir le juge civil pour la réparation de tout autre préjudice matériel
constaté ultérieurement à l’accident.

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L’article 3 alinéa 2 qui prévoit que l’action civile est recevable pour tous chefs de dommages
aussi bien matériels que corporels ou moraux qui découlent des faits objet de la poursuite
privilégie une conception plus large du dommage réparable. Ainsi, en vertu de ce texte, les
dommages de toute nature sont réparables devant les juridictions pénales.

Ces deux (02) conceptions du dommage, loin d’être antinomiques, sont plutôt
complémentaires.

B – Le fait dommageable

La réparation du préjudice en matière pénale a en principe pour source l’infraction, c’est-à-


dire une faute pénale.

Toutefois, il peut arriver qu’il y ait un fait dommageable qui n’est pas forcément constitutif
d’infraction. C’est le cas par exemple en matière d’abus de confiance lorsqu’il y a non respect
d’un engagement pris en dehors des contrats limitativement énumérés par l’article 383 du
Code Pénal. Le juge pénal pourra alors en application des dispositions de l’article 457 du
Code de Procédure Pénale, après avoir relaxé la personne poursuivie, accorder des dommages
et intérêts à la partie civile, mais encore faudrait que celle-ci en ait fait la demande et qu’il y
ait eu une faute civile caractérisée.

II – Les conditions liées au titulaire de l’action civile

Pour exercer l’action civile, son titulaire doit être capable d’agir (A) et avoir intérêt à agir (B).

A- La capacité à agir.

La capacité à agir suppose que le titulaire de l’action civile ait d’une part une capacité de
jouissance des droits conférés aux personnes physiques et morales, et d’autre part, une
capacité d’exercer ces droits, c’est-à-dire être majeur et saint d’esprit (articles 340 et suivants
du Code de la Famille). Dès lors, un mineur ou un majeur en tutelle ne peuvent en principe
pas exercer l’action civile et donc ne peuvent pas par conséquent se constituer partie civile si
ce n’est par le biais de leurs représentants légaux.

Toutefois, il n’en est pas de même des simples plaintes adressées au Procureur de la
République ou aux Officiers de Police Judiciaire qui lorsqu’elles sont faites par des personnes
juridiquement incapables, peuvent être considérées comme des dénonciations.

B – L’intérêt à agir.

17
Celui qui a intérêt à agir au sens de l’article 2 du Code de Procédure Pénale est cette personne
là qui a subi un préjudice actuel, personnel et direct causé par l’infraction, par une faute
quelconque de la personne déclarée coupable de l’infraction ou par une faute découlant des
faits objet de la prévention et imputable au prévenu ayant bénéficié d’une relaxe.

Si cette solution est simple pour les personnes physiques et pour les personnes morales
notamment, l’Etat, les collectivités locales, les sociétés commerciales, les syndicats, les
associations lorsqu’elles justifient d’un préjudice personnel et direct, il n’en est pas de même
lorsqu’il est question d’intérêt collectif ou encore « associationnel » pour reprendre
STEFANI, LEVASSEUR et BOULOC.

En effet, en l’état de la législation et de la jurisprudence sénégalaises, il n’est pas permis aux


associations de manière générale de se prévaloir d’un intérêt collectif pour se constituer partie
civile si elles ne justifient pas d’un intérêt personnel, actuel et direct.

Il s’agit d’ailleurs d’une des batailles farouches des associations de protection des droits de la
femme et de l’enfance qui pour l’heure, se contentent de dénoncer certains faits à l’autorité
judiciaire et d’assister les victimes.

Section 2 : Les modalités d’exercice de l’action civile.

Dans le cadre de l’exercice de l’action civile, la partie civile a le choix entre la voie pénale (I)
et la voie civile (II).

I – Le choix de la voie pénale.

Aux termes des dispositions de l’article 3 alinéa 1er du Code de Procédure Pénale : « L’action
civile peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction ».

Dès l’instant que l’action publique est recevable devant le juge répressif, l’action civile est
également et en principe portée devant le même juge. Cette règle est d’ailleurs confirmée par
l’alinéa 3 de l’article 3 du Code de Procédure Pénale : « La partie lésée peut poursuivre
devant la juridiction répressive, outre la réparation du dommage découlant du fait poursuivi,
celle de tous autres dommages résultant directement de la faute de l’auteur de l’infraction ».

II – Le choix de la voie civile.

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Aux termes des dispositions de l’article 4 du Code de Procédure Pénale : « L’action civile
peut être exercée séparément de l’action publique.

Toutefois, il est sursis au jugement de cette action exercée devant la juridiction civile, tant
qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique, lorsque celle-ci a été mise en
mouvement ».

C’est l’application du principe « le pénal tient le civil en état ».

L’article 5 ajoute : « La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente
ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n’en est autrement que lorsque celle-ci a
été saisie par le Ministère Public avant que le jugement sur le fond ait été rendu par la
juridiction civile ».

C’est la consécration de la règle « Electa una via ».

Section 3 : L’extinction de l’action civile.

L’action civile s’éteint soit par des causes qui lui sont propres (I), soit par la prescription (II).

I – Les causes d’extinction propres à l’action civile.

Contrairement à l’action publique, l’action civile peut s’éteindre par le désistement. Cela se
justifie par le fait que l’action civile consacre un droit, en particulier celui de demander
réparer et auquel son titulaire peut parfaitement renoncer.

L’action civile s’éteint également par la transaction qui est un mode négocié de
dédommagement. Dans ce précis, le bénéficiaire de la transaction serait mal fondé à se
constituer à nouveau partie civile.

Par contre lorsqu’intervient une amnistie ou une abrogation, la victime est admise à saisir le
juge civil à qui il incombera de qualifier le cas échéant une faute pour allouer éventuellement
des dommages intérêts.

II – La prescription de l’action civile.

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Aux termes des dispositions de l’article 10 du Code de Procédure Pénale : « L’action civile ne
peut être engagée après l’expiration du délai de prescription de l’action publique ».

Cette règle se comprend par le fait que l’action civile est une résultante de l’action publique et
de ce fait, toutes les règles relatives à l’interruption et à la suspension de la prescription de
l’action publique lui sont applicables.

Toutefois, lorsqu’il a été définitivement statué sur l’action publique, et si une condamnation
pénale a été prononcée, l’action civile se prescrit dans un délai de dix (10) ans (article 10
alinéa 2).

Deuxième Partie : Les étapes de la procédure pénale.


En tant que trait d’union entre l’infraction commise et sa répression effective par les
juridictions, la procédure pénale constitue un fil conducteur dont la rupture serait gravement
préjudiciable aux intérêts qui gravitent autour de l’infraction pénale.

C’est la raison pour laquelle entre autres objectifs pédagogiques, il nous a semblé être une
impérieuse nécessité que de consacrer la seconde partie de ce cours à une phase
sommairement descriptive des étapes du procès pénal.

Il s’agira par conséquent d’étudier dans un premier chapitre la constatation des infractions,
dans un second chapitre, l’exercice des poursuites et dans un dernier chapitre le jugement des
infractions.

20
Chapitre 1 : La constatation des infractions : les enquêtes.
L’enquête constitue un ensemble d’activités menées préalablement à la saisine des juridictions
par les officiers et agents de la police judiciaire en vue de constater les infractions à la loi
pénale, d’en rassembler les preuves et de rechercher les auteurs.

L’étude de la constatation des infractions à travers les enquêtes sera articulée autour des actes
d’investigation (Section 1) et de l’interpellation des auteurs d’infractions (Section 2).

Section 1 : Les actes d’investigation.

Ce sont les actes que sont amenés à prendre les officiers et agents de la police judiciaire dans
le cadre de la constatation des infractions et pour la manifestation de la vérité. Ils peuvent
varier selon la spécificité des affaires à traiter mais de façon générale, il s’agit d’une part des
interrogatoires et auditions (I) et d’autre part, des perquisitions et visites domiciliaires (II).

I – Les interrogatoires et auditions.

D’ordinaire, la personne interrogée est généralement celle mise en cause à qui l’on reproche
un fait et qui est appelée à s’en expliquer. Les auditions quant à elles concernent soit les
victimes d’infractions, soit les témoins.

21
En vertu des dispositions de l’article 54 du Code de Procédure Pénale, l’officier de police
judiciaire peut appeler et entendre toutes personnes susceptibles de fournir des
renseignements sur les faits. Ces personnes convoquées sont tenues de comparaître et de
déposer faute de quoi, avis en est donné au Procureur de la République qui peut les
contraindre à y satisfaire par la force publique.

Les déclarations reçues par les officiers de police judiciaire sont consignées dans des procès
verbaux établis à l’attention du Procureur de la République. Les personnes entendues peuvent
y faire des observations au moment d’y apposer leur signature. Si elles déclarent ne savoir
lire, lecture leur en est faite. Elles peuvent enfin refuser signer ces procès verbaux et dans ce
cas, mention est faite dudit refus. Il en est de même lorsqu’ils ne savent signer et lorsqu’ils
sont dans l’impossibilité de signer (article 54 in fine du Code de Procédure Pénale).

Les procès verbaux établis par les officiers de police judiciaire ne valent toutefois qu’à titre de
simple renseignement (article 417).

II – Les perquisitions et visites domiciliaires.

Pour les besoins de l’exercice de leur mission, les officiers de police judiciaire sont très
souvent amenés à effectuer des visites domiciliaires et perquisitions qui, aux termes de
l’article 51 du Code de Procédure Pénale, ne peuvent être commencées avant cinq (05) heures
et après vingt et une (21) heures sauf réclamation faite de l’intérieur de la maison ou
exceptions prévues par la loi. Ainsi par exemple en matière de stupéfiants, l’article 124 du
Code des Drogues autorise les officiers de police judiciaire à effectuer des perquisitions et
visites domiciliaires à toute heure de jour et de nuit.

Les perquisitions et visites domiciliaires doivent faire l’objet de procès verbaux distincts et la
personne chez qui elles doivent être effectuées doivent expressément y consentir (article 68 du
Code de Procédure Pénale). Tout objet ou document saisi avec l’accord du Procureur de la
République pour la manifestation de la vérité doit être inventorié et placé sous scellés dans le
strict respect du secret professionnel et des droits de la défense (article 48 du Code de
Procédure Pénale).

L’officier de police judiciaire peut enfin enjoindre ou défendre à toute personne de s’éloigner
du lieu de l’infraction jusqu’à la clôture de ses opérations (article 53 du Code de Procédure
Pénale).

22
Section 2 : L’interpellation des auteurs d’infractions : la garde à vue.

La garde à vue est une mesure par laquelle un officier de police judiciaire retient dans ses
locaux (la chambre de sûreté) pendant une durée légalement déterminée une personne qui,
pour les nécessités de l’enquête, doit rester à disposition.

Nous étudierons la prise de la mesure de garde à vue (I) et son contrôle (II).

I – La prise de la mesure de garde à vue.

La mesure de garde à vue est de la compétence exclusive des officiers de police judiciaire.
Ces derniers peuvent la prendre lorsqu’il a été procédé d’un crime ou d’un délit flagrant.
Selon les dispositions de l’article 45 du Code de Procédure Pénale : « Est qualifié crime ou
délit flagrant, le crime ou délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y
a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne
soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou
présente des traces ou indices laissant penser qu’il a participé au crime ou au délit.

Est assimilé au crime ou au délit flagrant tout crime ou tout délit qui même non commis dans
les circonstances prévues à l’alinéa précédent, a été commis dans une maison dont le chef
requiert le Procureur de la République ou un officier de police judiciaire pour le constater ».

Les officiers de police judiciaire peuvent également prendre une mesure de garde à vue si
pour les nécessités de l’enquête l’exigent.

Dans les deux (02) cas, ils doivent en informer le Procureur de la République et ne peuvent en
tout état de cause pas prendre la mesure pour un délai de plus de quarante (48) heures (articles
55 alinéa 1 et 69 alinéa 1). Le délai de garde à vue est doublé en ce qui concerne les crimes et
délits contre la sûreté de l’Etat et les crimes et délits en période d’état de siège et d’état
d’urgence (article 55 alinéa 8 du Code de Procédure Pénale).

Une fois le délai expiré, la personne ainsi arrêtée est conduite devant le Procureur de la
République en même temps que les procès verbaux. Mais si à l’expiration du délai de
quarante huit (48) heures l’enquête n’est pas terminée, la garde à vue peut être prolongée d’un
nouveau délai de quarante huit (48) heures par autorisation écrite du Parquet (article 69 alinéa
2 du Code de Procédure Pénale). Dans ce cas, la personne gardée à vue en reçoit notification
ainsi qu’un avis de se faire consulter par un médecin et de se faire assister par un avocat.
Mention desdites formalités est faite au procès verbal sous peine de nullité (article 55 in fine).

23
Lorsque la personne gardée à vue est mineure âgée de treize (13) à dix huit (18) ans, elle est
retenue dans un local spécial isolé de celui des majeurs (article 55 alinéa 4 du Code de
Procédure Pénale).

II – Le contrôle de la mesure de garde à vue.

Aux termes de l’article 55 alinéa 5 du Code de Procédure Pénale : « La mesure de garde à


vue s’applique sous le contrôle effectif du Procureur de la République, de son délégué ou le
cas échéant du Président du Tribunal Départemental investi des pouvoirs de Procureur de la
République ».

Cette règle trouve sa source non seulement, dans les dispositions de l’article 12 du Code de
Procédure Pénale qui font du Procureur de la République le directeur de la police judiciaire,
mais encore, dans le fait que toute personne interpellée par les officiers de police judiciaire lui
est présentée à l’issue de délai de garde à vue.

Dans les lieux de garde à vue, la tenue d’un registre y consacré, côté et paraphé par le
Procureur de la République est obligatoire (article 55 alinéa 6). Aussi doit il être présenté à
toute réquisition inopinée ou pas des magistrats chargés du contrôle de la garde à vue.

Chapitre 2 : L’exercice des poursuites.


Il s’agit d’une compétence exclusive du Ministère Public bien que par ailleurs la victime peut
déclencher l’action publique. L’exercice des poursuites se fait selon trois (03) modalités : la

24
procédure de flagrant délit (Section 1), l’information judiciaire (Section 2) et la citation
directe (Section 3).

Section 1 : La procédure de flagrant délit.

Elle concerne la plus grande partie du contentieux en matière correctionnelle des juridictions
parce qu’elle a l’avantage d’être assez rapide. La procédure de flagrant délit est de la
compétence exclusive du Procureur de La République qui y exerce des pouvoirs importants
(I) qui connaissent toutefois des limites (II).

I – L’étendue des pouvoirs du Procureur de la République.

Lorsqu’une personne à l’encontre de qui une mesure de garde à vue avait été prise est
présentée (déférée) au Procureur de la République en vertu des dispositions de l’article 55 du
Code de Procédure, celui ci peut décider de le poursuivre en utilisant la procédure de flagrant
délit. Cette procédure permet au Procureur de la République de saisir directement le Tribunal
Correctionnel en recueillant d’abord les déclarations de la personne devant lui, aussi bien sur
son identité, son passé pénal que sur les faits qui lui sont reprochés. Il lui est loisible en pareil
cas de décerner mandat de dépôt contre cette personne lorsque le fait est puni d’une peine
d’emprisonnement (article 63 alinéas 1 et 4 du Code de Procédure Pénale).

En pratique, le Procureur de la République établit un procès verbal d’interrogatoire de flagrant


délit qui mentionne les déclarations sus visées et constitue dans le même temps l’acte de
saisine du Tribunal Correctionnel.

La procédure de flagrant délit n’est applicable que pour les infractions qualifiées délits et peut
être utilisée même s’il n’a pas été procédé d’un délit flagrant au sens de l’article 45 du Code
de Procédure Pénale (article 63 alinéa 7).

La procédure de flagrant délit n’est enfin pas applicable en matière de délits de presse, de
délits politiques ainsi que dans les cas où une loi spéciale exclut son application.

II – Les limites aux Pouvoirs du Procureur de la République.

Aux termes des dispositions de l’article 63 alinéa 1 er du Code de Procédure Pénale : « Le


Procureur de la République ne peut interroger la personne conduite devant lui sur son
identité et sur les faits qui lui sont reprochés qu’en présence de son conseil choisi parmi les
avocats inscrits au tableau ou admis au stage

25
L’avocat choisi est avisé sans délai. Il peut communiquer librement avec son client ».

Il résulte de ce texte une obligation de respect des droits de la défense mise à la charge du
Procureur de la République et la première des formalités que ce dernier doit accomplir c’est
d’informer la personne mise en cause de son droit de choisir un avocat.

Toutefois, l’alinéa 3 de l’article 63 du Code de Procédure Pénale ajoute : « Si l’avocat ne peut


être contacté ou ne peut se déplacer dans les meilleurs délais, la formalité est considérée
comme accomplie. Mention en est faite au procès verbal à peine de nullité de la procédure ».

Le Procureur de la République n’est dès lors pas tenu d’attendre l’avocat pendant un délai
anormalement long. Celui-ci doit être en mesure de se présenter immédiatement.

Enfin, l’avocat assiste à l’interrogatoire et peut prendre la parole pour poser des questions
mais seulement après y avoir été autorisé par le Procureur de la République (article 63 alinéa
5 du Code de Procédure pénale).

Section 2 : L’information judiciaire.

L’information judiciaire encore appelée instruction est une phase de l’instance pénale
constitutive d’une sorte d’avant procès permettant d’établir l’existence d’une infraction et de
déterminer si les charges relevées à l’encontre des personnes poursuivies sont suffisantes ou
pas pour qu’elles en répondent devant une juridiction de jugement. L’instruction a dès lors un
but essentiel : la manifestation de la vérité dont est chargé un magistrat spécialement affecté à
cette tâche, en l’occurrence, le juge d’instruction qui doit instruire à charge et à décharge.
Toutefois, il est important de préciser que dans toutes les procédures d’instruction, le
Ministère Public garde ses prérogatives de maître des poursuites. En aucun cas, il ne se fait
substituer par le juge d’instruction qui, certes, n’est pas tenu par ses réquisitions, mais ne peut
pas pour autant prendre quelque décision que ce soit, sans au préalable recueillir l’avis du
Parquet.

En vertu des dispositions de l’article 70 du Code de Procédure Pénale, l’instruction est


obligatoire en matière criminelle, facultative en matière délictuelle sauf disposition contraire
de la loi et en matière contraventionnelle.

Il conviendra ici d’analyser d’abord la saisine du juge d’instruction (I), ensuite ses pouvoirs
(II), les limites à ses pouvoirs (III) et l’épuisement de sa saisine (IV).

26
I – La saisine du juge d’instruction.

Aux termes des dispositions de l’article 71 alinéa 1 er du Code de Procédure Pénale : « Le juge
d’instruction ne peut informer qu’en vertu d’un réquisitoire du Procureur de la République,
même s’il a été procédé d’un crime ou d’un délit flagrant ».

Il résulte de ce texte que le juge d’instruction ne peut pas s’auto saisir, il l’est obligatoirement
par un réquisitoire introductif du Procureur de la République même si par ailleurs, il n’est pas
lié par les réquisitions de ce dernier. Il peut en effet refuser d’informer, ou informer dans un
sens différent de celui requis par le Procureur de la République. Il lui suffira alors de prendre
une ordonnance contraire aux réquisitions de ce dernier qui en sera avisé afin d’ester ou pas
en appel (article 73 alinéa 3, 177 et 179 du Code de Procédure Pénale).

En plus du Procureur de la République, le juge d’instruction peut être saisi par une plainte
avec constitution de partie civile de toute personne qui se prétend victime d’une infraction
(article 76 du Code de Procédure Pénale). Dans ce cas, il est tenu de communiquer la
procédure au Procureur de la République à qui il appartiendra de prendre un réquisitoire
introductif ou de non informer (article 77 du Code de Procédure Pénale).

L’article 71 alinéa 4 dispose: « Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou
non dénommée. Le juge d’instruction a le pouvoir d’inculper toute personne ayant pris part
comme auteur ou complice aux faits qui lui sont déférés ».

C’est la conséquence du principe selon lequel le juge d’instruction est saisi in rem, c'est-à-dire
des faits et de tous les faits objet des poursuites ; libre à lui d’établir les personnes qui y ont
participé ou non.

Cependant, aux termes des dispositions de l’alinéa 5 de l’article 71 du Code de Procédure


Pénale : « Lorsque des faits, non visés au réquisitoire sont portés à la connaissance du juge
d’instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au Procureur de la République les
plaintes ou les procès verbaux qui les constatent ». Cela signifie par exemple que s’il appert
en cours d’instruction qu’un individu poursuivi pour vol aurait commis d’autres vols ou
quelque autre infraction non visé au réquisitoire, le juge d’instruction doit obligatoirement
communiquer la procédure au Procureur de la République pour obtenir une extension de sa
saisine.

II – Les pouvoirs du juge d’instruction.

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Dans une formule lacunaire et évasive, les dispositions de l’article 72 du Code de Procédure
en donnent une définition assez large : « Le juge d’instruction procède, conformément à la
loi, à tous les actes qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité.

Il est toujours assisté d’un greffier. En l’absence de greffier assermenté, il peut désigner un
greffier ad hoc qui prête serment devant lui. Mention de cette formalité doit être portée sur
chaque acte auquel celui-ci participe à peine de nullité de l’acte».

Toutefois, une lecture synthétique du Titre III du Code de Procédure Pénale intitulé De
l’Instruction, permet de les sérier en deux (02) catégories, malgré leur diversité. Il s’agit d’une
part, des pouvoirs d’investigation (A) et d’autre part, des pouvoirs coercitifs (B).

A – Les pouvoirs d’investigation.

Il s’agit des actes utiles à la manifestation de la vérité au sens de l’article 72 sus visé dont :

- Les transports, perquisitions, mesures conservatoires et saisies ;

Le juge d’instruction peut avec l’assistance de son greffier se transporter sur les lieux pour y
effectuer toutes constatations ou procéder à des perquisitions. Il en donne avis au Procureur de
la République qui a la faculté de l’accompagner (article 83 du Code de Procédure Pénale). Si
le transport doit avoir lieu dans un autre ressort de la Cour d’Appel, il doit y être autorisé par
le Président de la Chambre d’Accusation (article 84 du Code de Procédure Pénale).

Lorsque la perquisition doit avoir lieu au domicile de l’inculpé, le juge d’instruction doit
recueillir le consentement de ce dernier et se conformer aux heures légales pour ce faire
(articles 86, 87, 49, 50 et 51 du Code de Procédure Pénale).

Le juge d’instruction peut enfin soit d’office, soit sur demande de la partie civile ou du
Ministère public ordonner des mesures conservatoires, notamment des saisies sur les biens de
l’inculpé (articles 87 bis et suivants du Code de Procédure Pénale).

- Les auditions de témoins ;

Par huissier de justice, par agent de la force publique, par lettre recommandée ou par voie
administrative, le juge d’instruction peut faire citer toute personne dont la déposition lui parait
utile (article 91 du Code de Procédure Pénale).

28
Les témoins sont en principe entendus hors la présence de l’inculpé sauf si le juge
d’instruction estime devoir les confronter (article 92). Mais leur déposition est toujours faite
sous la foi du serment de dire la vérité rien que la vérité sauf à être entendus à titre de simple
renseignement (article 93). Il peut également être recouru à un interprète qui est aussi astreint
à prêter serment.

Enfin, le témoin régulièrement cité qui ne comparait pas peut soit être condamné par le juge
d’instruction après réquisition du Parquet à payer une amende qui n’excédera pas 18 000 F
CFA( article 97), soit se voir décerner un mandat d’amener (article 112).

- Les interrogatoires ;

Autant le Procureur de la République est astreint au respect strict des droits de la défense au
moment d’inculper (article 63), autant le juge d’instruction l’est également. En outre lorsqu’il
a été procédé d’un crime et que l’inculpé n’a pas d’avocat soit parce qu’elle n’en a pas les
moyens ou pour toute autre raison, le juge d’instruction est tenu de lui en commettre un
d’office (article 101 du Code de Procédure Pénale). A tous autres égards, l’interrogatoire de
première comparution effectuée par le juge d’instruction se déroule comme l’interrogatoire de
flagrant délit du Procureur de la République.

Le juge d’instruction procède également à ce qui est communément appelé l’interrogatoire au


fond qui ne consiste qu’à interroger l’inculpé assez amplement pour qu’il donne des
explications circonstanciées en avouant ou en contestant les faits qui lui sont reprochés. Il
peut en procédure d’urgence en raison d’un danger imminent ou de la disparition d’une
preuve importante interroger et confronter les parties dans le délai qui lui convient (articles
102 et suivants).

Le Procureur de la République peut assister à tous les interrogatoires du juge d’instruction.


Les avocats des parties quant à eux sont avisés par ce dernier de tout acte qu’il est amené à
prendre. Ils peuvent aussi assister leurs clients lors des interrogatoires (article 107).

- Les commissions rogatoires et délégations judiciaires (articles 142 et suivants);

La commission rogatoire est un acte par lequel un juge d’instruction confie à un autre juge
d‘instruction en raison, soit de son incompétence territoriale, soit des nécessités d’une bonne
administration de la justice des tâches qui lui étaient dévolues dans le cadre d’un dossier dont

29
il est saisi. La commission rogatoire peut être nationale ou internationale. Au Sénégal, les
commissions nationales ne posent pas beaucoup de problèmes compte tenu da la solidarité
dont font souvent montre les magistrats instructeurs dans les différents ressorts judiciaires. Par
contre pour ce qui est des commissions rogatoires internationales, non seulement elles
prennent du temps à être exécutées, mais encore lorsqu’il n’existe pas d’accord de
coopération judiciaire entre deux (02) Etats, l’on est quasi certain qu’elles ne seront jamais
exécutées.

La délégation judiciaire se différencie de la commission rogatoire du fait qu’elle n’a pas de


caractère international et qu’elle est adressée à un officier de police judiciaire et non à un
autre juge d’instruction. Le juge d’instruction ne peut adresser de délégation judiciaire que
dans les limites de sa compétence territoriale.

- Les expertises ;

L’expertise est un procédé de recours à un technicien consistant à demander à un spécialiste


dans les cas où le dossier pendant ne permet pas d’obtenir les renseignements utiles à
l’éclairage de la justice sur certains aspects sur lesquels l’avis de l’homme de l’art est
indispensable à la manifestation de la vérité.

L’expertise peut selon la nature de l’affaire être médicale, comptable, balistique, technique
etc. Mais en tout état de cause, le juge d’instruction doit s’il le croit convenable, choisir parmi
les personnes inscrites au Tableau de l’Ordre des Experts et Evaluateurs Agréés ou à défaut,
toute autre personne jugée compétente selon la spécialité particulière de la question (article
150).

B – Les pouvoirs coercitifs.

Il s’agit d’étudier essentiellement les mandats et leur exécution. Les mandats du juge
d’instruction sont au nombre de quatre (article 110) :

- Le mandat de comparution ;

Aux termes de l’article 111 du Code de Procédure Pénale : « Le mandat de comparution a


pour objet de mettre l’inculpé en demeure de se présenter devant le juge à la date et à l’heure
indiquées par ce mandat ».

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Même s’il est exécuté à la diligence du Procureur de la République et des agents de la force
publique, le mandat de comparution n’a pas pour autant un effet contraignant remarquable si
ce n’est qu’il constitue pour l’inculpé une mise en demeure de comparaitre, faute de quoi, il
s’expose à ce qu’il soit décerné contre lui un mandat plus grave.

- Le mandat d’amener ;

Aux termes de l’article 112 du Code de Procédure Pénale : « Le mandat d’amener est l’ordre
donné par le juge à la force publique de conduire immédiatement l’inculpé devant lui.

Le juge d’instruction peut également décerner mandat d’amener contre le témoin qui refuse
de comparaitre sur la citation à lui donnée conformément à l’article 97, et sans préjudice de
l’amende portée à cet article ».

A la différence du mandat de comparution qui ne fait l’objet que de notification par les agents
de la force publique, le mandat d’amener est exécuté de sorte que la personne qui en est fait
l’objet est conduite de gré ou de force devant le juge qui l’a décerné.

- Le mandat de dépôt ;

L’article 113 du Code de Procédure Pénale dispose : « Le mandat de dépôt est l’ordre donné
par le juge au directeur de l’établissement pénitentiaire de recevoir et de retenir l’inculpé ».

C’est le titre détention par excellence qui peut également être décerné par le Procureur de la
République seulement si le délit est puni de peine d’emprisonnement (article 63).

Destiné à être exécuté de façon immédiate par l’écrou dans une maison d’arrêt et de
correction, le mandat de dépôt doit être dûment motivé, indépendamment des faits objet des
poursuites. Ainsi, en matière correctionnelle, il est une règle générale que lorsque le
maximum de la peine prévue par la loi est inférieur ou égal à trois (03) ans, l’inculpé
régulièrement domicilié au Sénégal ne peut être détenu plus de cinq (05) jours après sa
première comparution devant le juge d’instruction (article 127 alinéa 1 er). L’inculpé
régulièrement domicilié dans le ressort du tribunal compétent ne peut faire l’objet de
détention dans les mêmes conditions relatives à la peine encourue (article 127 alinéa 2).

Autrement, s’il a été procédé d’un crime ou d’un délit plus sévèrement réprimé, le juge
d’instruction peut parfaitement décerner mandat de dépôt en cas de risques de trouble à
l’ordre public, d’insuffisances de garanties de représentation en justice de l’inculpé, de risques

31
de collision avec témoins, de nécessités de préservation des éléments de preuve et compte
tenu du passé pénal de l’inculpé.

La détention est obligatoire pour ce qui est des infractions prévues aux articles 56 à 100 du
Code Pénal. Il s’agit des crimes et délits contre la sûreté de l’Etat. Elle l’est également en cas
de détournement de deniers publics et le bénéfice de liberté provisoire ne pourra être accordé
qu’en cas de contestation sérieuse ou de remboursement des 2/3 du montant détourné (article
155 du Code Pénal).

En matière correctionnelle, le mandat de dépôt décerné par le juge d’instruction n’est valable
que pour une durée de six (06) mois (article 127 bis). Passé ce délai, l’inculpé est mis en
liberté d’office.

Le juge d’instruction peut par ailleurs décider de placer l’inculpé sous contrôle judiciaire. Le
contrôle judiciaire est mesure alternative à la détention tendant à obliger l’inculpé à se
présenter à intervalles réguliers soit devant le juge d’instruction, soit devant un officier de
police judiciaire. Le contrôle judiciaire peut être assorti d’une mesure de retrait de passeport
ou de refus d’en délivrer (article 127 ter).

- Le mandat d’arrêt ;

Aux termes de l’article 114 du Code de Procédure Pénale : « Le mandat d’arrêt est l’ordre
donné à la force publique de rechercher l’inculpé et de le conduire à la maison d’arrêt
indiquée sur le mandat, où il sera reçu et retenu ».

Le mandat d’arrêt est à la fois un acte permettant la recherche et l’interpellation de l’auteur


d’une infraction qui est en fuite et sa détention une fois le mandat exécuté.

Le mandat d’arrêt est exécuté à la diligence du Procureur de la République et des agents de la


force publique. Il peut également être décerné par la juridiction de jugement (article 452).

III – Les limites aux pouvoirs du juge d’instruction.

Les caractères secret et écrit de l’instruction (articles 72 et suivants) sont illustratifs de son
aspect quelque peu inquisitoire bien que par ailleurs, nous pouvons noter un aspect
accusatoire lié à la possibilité offerte à tout inculpé de se faire assister de son avocat.

Les pouvoirs accordés au juge d’instruction sont par ailleurs limités par l’intervention du
Ministère Public qui peut avoir lieu à toute époque de l’information. Ainsi, en vertu de

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l’article 73 du Code de Procédure Pénale, le Procureur de la République peut soit dans son
réquisitoire introductif, soit en cours d’information par réquisitoire supplétif, requérir du
magistrat instructeur tous actes qui lui paraissent utiles à la manifestation de la vérité. Mais si
le juge d’instruction n’est pas de cet avis, il rend une ordonnance de refus de plus ample
informer. Le Procureur de la République a toutefois un droit d’appel général sur toutes les
décisions du juge d’instruction (article 179).

L’information peut enfin être frappée de nullités. C’est le cas lorsqu’il y a violation des droits
de la défense prévue aux articles 101 et 105 (le fait de ne pas informer l’avocat de l’inculpé
ou de ne pas en commettre un d’office dans les affaires criminelles) (article 164). C’est
également le cas lorsqu’il y a violation des dispositions légales substantielles relatives à
l’instruction (article 166) telles que le défaut de communication d’une procédure au Ministère
public.

IV – L’épuisement de la saisine du juge d’instruction : le règlement définitif.

En vertu de l’article 169 du Code de Procédure Pénale, lorsque l’information lui apparait
terminée, le juge d’instruction communique le dossier aux conseils de l’inculpé et de la partie
civile pour que ceux-ci prennent connaissance de tous les actes de la procédure. Il
communique ensuite le dossier au Procureur de la République pour être par lui requis ce qu’il
appartiendra sur le règlement définitif.

Ainsi, il peut s’agir d’un non lieu en l’absence d’infraction, pour insuffisance de charges ou
non identification de l’auteur de l’information (article 171). Il peut s’agir d’un renvoi devant
le Tribunal de Simple Police en cas de contravention (article 174). Il peut aussi s’agir d’un
renvoi devant le Tribunal Correctionnel si l’infraction notée est un délit (article 173) ou d’une
mise en accusation et d’un renvoi devant la Cour d’Assises en cas de crime (article 175).

Dans tous les cas, le Procureur de la République adresse un réquisitoire définitif selon les
spécifications citées ci-dessus au juge d’instruction à qui il appartiendra de prendre une
ordonnance de clôture qui le dessaisit. Rappelons que le juge d’instruction n’est naturellement
pas tenu de suivre le Procureur de la République dans son réquisitoire et ce dernier pourra
toujours interjeter appel.

Section 3 : La citation directe.

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C’est une procédure dans laquelle le Procureur de la République ou la partie civile estiment
devoir faire comparaitre une personne directement devant le Tribunal Correctionnel ou de
Simple Police.

Nous étudierons successivement les formes de la citation (I) et ses délais (II).

I – Les formes de la citation.

Elle est faite par ministère d’huissier de justice (article 538) et énonce le fait poursuivi ainsi
que le texte de loi qui le réprime (article 539 alinéa 2). Elle énonce également le Tribunal
saisi, l’heure et la date de l’audience. Elle précise aussi la qualité de prévenu, de partie civile,
de témoin sous laquelle l’on est cité (article 539 alinéa 3).

La citation délivrée à un témoin doit mentionner que la non comparution, le refus de


comparaitre et le faux témoignage sont punis par la loi.

La personne qui reçoit copie de l’exploit doit signer l’original et si elle ne veut ou ne peut
signer, mention en est faite par l’huissier (article 539 alinéa 5).

II – Les délais de citation.

Selon l’article 540 du Code de Procédure Pénale, le délai entre le jour de la délivrance de la
citation et le jour de l’audience est fixé ainsi qu’il suit :

- Trois (03) jours pour la partie citée qui réside au siège du Tribunal ;
- Huit (08) jours si elle réside dans un ressort du Tribunal ;
- Quinze (15) jours si elle réside dans un ressort limitrophe ;
- Un (01) mois si elle réside dans un autre ressort du territoire de la République ;
- Deux (02) mois si elle réside en Europe, en Amérique à Madagascar et à la Réunion ;
- Quatre (04) mois dans tous les autres cas.

L’irrespect des délais de citation peut entraîner sa nullité si la personne citée ne comparait pas
(article 541 1er). Par contre si elle comparait, la citation n’est pas nulle mais la partie citée
dans un délai irrégulier a le droit de solliciter le renvoi à une date ultérieure (article 541-2).

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Chapitre 3 : Le jugement des infractions.
Il s’agira dans ce chapitre de décrire succinctement le déroulement du procès en tant que tel
compte tenu de la compétence des juridictions pénales en fonction de l’importance des
infractions : le Tribunal de Simple Police (Section 1), Le Tribunal Correctionnel (Section 2) et
la Cour d’Assises (Section 3).

Section 1 : Le Tribunal de Simple Police.

C’est la juridiction compétente pour le jugement des contraventions (article 509).

Nous étudierons d’abord la saisine (I) et ensuite la procédure devant le Tribunal de Simple
Police (II).

I – La saisine du Tribunal de Simple Police.

Le Tribunal de Simple Police est saisi soit par ordonnance de renvoi de la juridiction
d’instruction, soit par citation directe du Ministère Public ou de la partie civile de toute
contravention commise dans le ressort du Tribunal Départemental ou lorsque le contrevenant
y est domicilié (articles 509 et 519).

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II – La procédure devant le Tribunal de Simple Police.

Les contraventions peuvent donner lieu au paiement immédiat d’une amende forfaitaire
auprès de l’agent verbalisateur (article 517). Dans ce cas, nul besoin ne sera de saisir le
Tribunal de Simple Police.

En outre, avant l’instruction d’audience, le Président du Tribunal de Simple Police peut


informer le contrevenant de sa faculté de payer une amende de composition (article 512). En
cas d’acceptation de ce dernier, le montant de l’amende est fixé conformément au Décret N°
65-758 du 10 novembre 1965 et une fois payée dans les caisses du Trésor Public, l’action est
déclarée éteinte.

En cas de jugement, il est procédé à des débats sous la direction du Président, le Ministère
Public entendu. La constitution de partie de partie civile est en principe faite avant les
réquisitions du Parquet (article 524) mais la preuve des contraventions n’est rapportée que par
procès verbaux, rapports ou témoins (article 525).

Si à l’issue des débats et l’audition des parties, le Tribunal estime que le fait constitue une
contravention, il prononce la peine et statue sur les intérêts civils (article 528).

Si par contre il estime que le fait n’est pas constitutif d’infraction à la loi pénale, il prononce
la relaxe (article 529).

Si enfin, il estime que le fait constitue un délit ou un crime, il se déclare incompétent et


renvoie le Ministère Public à se pourvoir ainsi qu’il avisera (article 528).

Section 2 : Le Tribunal Correctionnel.

Il peut autant s’agir du Tribunal Régional que du Tribunal Départemental compte tenu de la
compétence rationae materiae en matière correctionnelle de cette dernière juridiction (Loi
N°84-20 du 02 février 1984).

Nous étudierons la saisine du Tribunal Correctionnel (I) et la procédure devant cette


juridiction (II).

I – La saisine du Tribunal Correctionnel.

Le Tribunal Correctionnel peut être saisi par le procès verbal d’interrogatoire de flagrant délit
du Procureur de la République (article 63 et suivants), par l’ordonnance de renvoi du juge

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d’instruction (article 169 et suivants) ou par la citation directe du Procureur de la République
ou de la partie civile (articles 508 et suivants).

Le Tribunal Correctionnel compétent est celui du lieu de l’infraction, de la résidence du


prévenu ou du lieu d’arrestation de ce dernier (article 370).

II – La procédure devant le Tribunal Correctionnel.

La personne traduite devant le Tribunal Correctionnel suivant la procédure de flagrant délit


doit être avertie par le Président qu’elle a le droit de solliciter un délai pour préparer sa
défense. Mention de cet avis doit être faite au jugement ainsi que de la réponse du prévenu
(article 384).

L’audience correctionnelle est publique mais si cette publicité parait dangereuse pour l’ordre
public et les bonnes mœurs, le Président du Tribunal peut, après avis du Ministère Public,
ordonner le huis clos (article 388).

Le Président a la police de l’audience et la direction des débats. Il peut pour ce faire prendre
toute mesure utile pour en garantir la sérénité et la dignité (article 389).

En cas de trouble d’audience, le Président peut prescrire toute mesure pour le faire cesser,
notamment ordonner l’expulsion, condamner l’auteur du trouble à une peine de deux (02)
mois à deux (02) ans et le placer sous mandat de dépôt après réquisitoire du Procureur de la
République (article 390). Cette règle ne préjudicie en rien les éventuelles poursuites pour
outrages ou violences à magistrat.

La preuve des infractions est libre et le juge apprécie selon son intime conviction. Toutefois, il
ne peut fonder sa décision que sur des preuves rapportées au cours des débats et discutées
devant lui (article 414).

La constitution de partie civile pour être recevable doit être faite avant les réquisitions du
Ministère Public (article 447). Le Ministère Public quant à lui prend au nom de la loi les
réquisitions qu’il croit convenables au bien de la justice (article 445). Le prévenu en personne
ou par le biais de son avocat est toujours entendu en dernier (articles 440 et 447).

Le jugement peut être rendu soit immédiatement : c’est un jugement sur le siège, soit à une
date ultérieure : c’est un délibéré (article 449).

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Si le tribunal Correctionnel estime que le fait constitue un délit, il prononce la peine. Sur la
réparation du dommage, il peut avec l’accord des parties recourir à la médiation pénale
(article 451) comme il peut se prononcer directement sur le montant des dommages et intérêts
à accorder à la partie civile.

Si le prévenu est en liberté et qu’il est condamné à une peine d’au moins six (06) mois
d’emprisonnement, l’article 452 permet au Tribunal, selon que le prévenu est présent ou
absent, de décerner mandat de dépôt ou mandat d’arrêt.

Si le fait constitue une contravention, le Tribunal Correctionnel disqualifie les faits et


prononce une peine de police (article 453). Mais si par contre le fait est un crime, le Tribunal
Correctionnel requalifie les faits et se déclare incompétent en renvoyant le Ministère Public à
se pourvoir ainsi qu’il avisera. Il peut à cette occasion, le Ministère Public entendu, décerner
mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu (article 456).

Lorsqu’enfin, le fait ne constitue pas une infraction à la loi pénale, le Tribunal Correctionnel
prononce la relaxe. Dans ce cas, lorsqu’il a retenu une faute civile à l’encontre du prévenu sur
demande de la partie civile, le Tribunal Correctionnel peut lui accorder des dommages et
intérêts (article 457).

Section 3 : La Cour d’Assises. « Chambres Criminelles »

C’est la juridiction compétente pour juger les infractions qualifiées crime. Nous analyserons
sa saisine (I) et sa la procédure devant cette juridiction (II).

I – La saisine de la Cour d’Assises.

Avec la réforme du Code de Procédure Pénale intervenue par le biais de la Loi N° 2008-50 du
23 septembre 2008, la Cour d’Assises a connu une profonde mutation allant dans le sens de la
professionnaliser et d’accélérer les procédures criminelles. Ainsi, outre la suppression du
caractère obligatoire de l’enquête de personnalité en matière criminelle (article 72), il a été
donné au juge d’instruction la faculté de saisir directement la Cour d’Assises par une
ordonnance de mise en accusation (articles 175 et 218).

La Cour d’Assises n’est toutefois pas une juridiction permanente. Elle tient des sessions dans
le ressort de la Cour d’Appel au moins tous les quatre (04) mois (article 221).

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La Cour d’Assises est composée désormais d’un Président et de deux (02) assesseurs (article
225). Le jury populaire est dès lors supprimé.

Les fonctions de Ministère Public y sont exercées en principe par le Procureur Général près la
Cour d’Appel ou le magistrat désigné par lui (articles 226, 26 et 31).

II – La procédure devant la Cour d’Assises.

Dès que la décision de renvoi est devenue définitive, l’accusé détenu est transféré dans la
Maison d’Arrêt du lieu où doit se tenir la session, le dossier le concernant ainsi que les pièces
à conviction sont également transmis. S’il ne peut être saisi ou ne se présente pas, il est statué
à son encontre par contumace (articles 252 et 253).

Le Président de la Cour d’Assises ou le magistrat désigné par lui avec l’assistance du Greffier,
interroge l’accusé dans les plus brefs dès son arrivée à la Maison d’Arrêt. L’accusé en liberté
doit être mis aux arrêts en vertu de l’ordonnance de prise de corps décerné à son encontre
(articles 255 et 138).

L’interrogatoire porte essentiellement sur l’identité de l’accusé. La présence de son conseil est
obligatoire et s’il n’en a pas, il lui en est immédiatement commis un d’office (articles 256 et
258).

Une fois les débats entamés, ils doivent se poursuivre sans interruption jusqu’à leur clôture.
Ils peuvent toutefois être suspendus mais seulement pour le temps nécessaire au repos des
membres de la Cour d’Assises, des témoins et des accusés (article 289).

Les incidents contentieux sont réglés par la Cour qui statue par arrêts susceptibles d’appel
(article 297).

La présence d’un défenseur est en tout état de cause obligatoire et si celui choisi n’est pas
présent, il en est immédiatement commis un autre d’office (article 298).

Dès l’entame de l’audience, le Président ordonne au Greffier de lire à haute et intelligible voix
la décision de renvoi en invitant l’accusé à lui prêter une oreille attentive (article 309). Au
besoin, les pièces à conviction peuvent être présentées à l’accusé qui a le droit de présenter les
observations qui conviennent à sa défense (article 322). Le témoin auteur d’un faux
témoignage est jugé audience tenante. La peine qui lui est applicable est un emprisonnement

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d’un (01) mois à deux (02) ans et une interdiction des droits énumérés à l’article 34 du Code
pénal pour une durée de cinq (05) ans (article 323).

La constitution de partie civile est présentée en premier lieu, ensuite suit le réquisitoire de
l’Avocat Général et enfin, la défense de l’accusé (article 304). A l’issue des plaidoiries, les
débats sont déclarés clos par le Président et l’arrêt peut être rendu soit à l’audience même, soit
à une autre date de la session (article 328). Dans le premier cas, le Président fait retirer
l’accusé de la salle, déclare l’audience suspendue et invite le chef du service d’ordre à assurer
la sécurité de la salle des délibérations de sorte que nul n’y pénètre sauf sur son autorisation
(article 331).

Mais avant que la Cour ne se retire, le Président donne lecture de l’instruction suivante prévue
l’article par 330 du Code de Procédure Pénale. Elle est en outre affichée en gros caractères
dans le lieu le plus apparent de la salle des délibérations : « La loi ne demande pas compte
aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus ; elle ne leur prescrit pas de règles
desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une
preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement, et
de chercher dans la sincérité de leur conscience quelle impression ont faites, sur leur raison,
les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que
cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime
conviction ? » Lorsque le fait est un délit, la Cour disqualifie les faits et applique la peine
correctionnelle (article 337). Par contre, si le crime est avéré, la Cour applique la peine et
statue dans le même arrêt sur les intérêts civils. L’arrêt de la Cour d’Assises est susceptible
d’appel devant un autre Cour d’Assises sauf en cas de contumace (articles 362, 367 et
suivants).

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