Vous êtes sur la page 1sur 53

COURS INSTITUTIONS JUDICIAIRES

INTRODUCTION GENERALE

Une institution judiciaire est un organe doté par l’Etat du pouvoir de dire le droit pour
trancher des litiges et pour rendre des décisions ayant force exécutoire sur le territoire de
l’Etat.

Toute situation juridique doit pouvoir faire l’objet d’une vérification de sa régularité par un
tiers qui a la qualité de juge. Ce contrôle éventuel, potentiel, constitue une garantie essentielle
du respect des libertés publiques et privées, des droits fondamentaux des citoyens.

Au fond, le but de la justice est d’assurer la liberté de chacun, en fixant des frontières. Elle est
à la fois le baromètre et le régulateur d’une société dont elle exprime les tensions, traduit les
carences et reflète les perversions. L’action de la justice est de donner force à la règle de droit.
Sans le juge, le droit ne serait que concepts stériles, des mots sans force, un tigre de papier.

Le recours à un organisme judiciaire est indispensable, dans la mesure où l’ordre public serait
gravement troublé si chacun pouvait se faire justice à lui-même. Nul n’a le droit de se rendre
justice à soi-même. « Le pouvoir judiciaire est gardien des droits et libertés définis par la
Constitution et la loi. » art. 91 de la Constitution sénégalaise.

Après son accession à l’indépendance, le Sénégal a réalisé plusieurs réformes dans le secteur
judiciaire dans le but de débarrasser le droit de son héritage colonial et d’adapter les lois au
caractère laïc, démocratique et moderne de l’État.

L’organisation judiciaire au Sénégal est régie par différents textes : la Constitution, les lois et
les règlements qui organisent de manière spécifique le statut des professions telles que celles
d’huissier, d’avocat, de notaire, ainsi que le statut des organes administratifs à caractère
juridictionnel.

Chapitre 1 : Les grands principes de l’organisation judicaire

Les institutions judiciaires sont régies par les grands principes de l’organisation des
juridictions. Il s’agit notamment de : l’accès à la justice (section 1), le monopole étatique de la
justice (section 2), la collégialité (section 3), le principe d’unification et d’hiérarchisation des
juridictions sénégalaises (section 4).

Section 1 : L’accès à la justice

1
Pour garantir l’accès à la justice, les textes posent quatre principes : le droit à la justice et
l’égalité devant la justice (paragraphe 1), la gratuité de la justice (paragraphe 2), la
permanence de la justice (paragraphe 3) et la sédentarité de la justice (paragraphe 4).

Paragraphe 1 : Le droit à la justice et l’égalité devant la justice

Nous verrons ici le principe et sa relativité.

A/ Le principe

Tous les justiciables plaident devant les mêmes juridictions et selon les mêmes règles de
procédure quelle que soit leur origine. Mais en France, sous l’ancien Régime, l’égalité devant
la justice n’existait pas. La Révolution a entendu supprimer les privilèges de juridiction.

Au Sénégal, les mêmes principes d’égalité ont été consacrés ; sauf pour les étrangers,
disposant certes des mêmes prérogatives que les nationaux, mais tout de même, tenus de
verser la caution juridicatum solvi destinée à couvrir les frais de justice.

B/ La relativité du principe

Cette relativité s’explique par l’obligation pour les étrangers de verser une caution et par
l’existence de juridictions d’exception.

1. La caution juridicatum solvi

Aux termes de l’article 110 du Code de Procédure Civile (CPC), sous réserve des conventions
et des accords internationaux, tout étranger demandeur principal ou intervenant est tenu, si le
défendeur le requiert, avant toute exception de fournir caution personnelle de payer les frais et
dommages-intérêts auxquels il pourrait être condamné.

2. Les juridictions d’exception

La multiplication des juridictions d’exception par rapport à celles de droit commun, a fait
douter certains du maintien, à l’heure actuelle, du principe de l’égalité de tous devant la
justice. La question qui se pose notamment est celle de savoir si l’existence des tribunaux du
travail, du tribunal pour enfants, de la cour de répression de l’enrichissement illicite, de la
Haute Cour de Justice ainsi que l’existence des autorités administratives investies de fonctions
juridictionnelles constitue une véritable atteinte à l’égalité devant la justice en ce qu’elles
créeraient des juridictions spécifiques à certains usagers.

Paragraphe 2 : La gratuité de la justice

2
A/ Le principe

Le principe de la gratuité de la justice signifie que le juge n’est plus rétribué par le plaideur
c’est-à-dire par l’usager du service public de la justice, mais par l’Etat, c’est-à-dire en fait par
tous les contribuables. On voit ainsi apparaître déjà la relativité de cette gratuité.

D’abord il y a divers éléments du coût de la justice que l’Etat fait supporter aux plaideurs à
ces frais en lui faisant acquitter diverses taxes sur chaque acte de justice. Ainsi, un droit de
timbre s’applique sur chaque requête présentée devant les tribunaux.

Ensuite il y a les dépens qui constituent les frais propres à chaque procédure communément
appelés les « dépens de l’instance ». Notamment le coût d’une assignation, la signification de
conclusions ou de jugements d’abord entre avocats puis aux parties.

En fin le tribunal dans son jugement déterminera celui qui doit supporter la charge de ces
dépens. C’est normalement sur celui qui perd le procès que pèse la charge des dépens
inhérents à l’instance.

B/ Les limites au principe de la gratuité de la justice

1- Les honoraires de l’avocat

En effet, le principe est que chaque partie supporte les honoraires de son propre avocat. Les
honoraires ne sont pas tarifés et font l’objet d’une libre négociation entre l’avocat et son
client. A défaut de convention, l’honoraire est fixé selon les usages en fonction de divers
critères : difficulté de l’affaire, temps passé, spécialité et notoriété de l’avocat, diligences
accomplies par celui – ci, coût du fonctionnement de son cabinet, situation de fortune de son
client, résultat obtenu.

Au sujet de ce dernier critère, il convient de préciser que toute fixation d’honoraires qui ne
serait établie qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite.

2- L’aide judiciaire (art. 5 et 301 du CPC)

La création de l’assistance judiciaire permet à ceux qui sont démunis de bénéficier de l’aide
d’un avocat dont les honoraires sont payés par l’Etat. Cette institution a un but de solidarité
sociale. En outre l’aide judiciaire ne concerne que les prévenu-e-s aux Assises, celles et ceux
qui n’en ont pas les moyens ont un « avocat commis d’office ».

Paragraphe 3 : La permanence de la justice

3
A/ Le principe

En tant que service public, la justice se doit de fonctionner de manière permanente. Cette
permanence signifie qu’à toute période, le justiciable doit pouvoir saisir la justice. C’est ainsi
que le juge des référés peut en cas d’urgence, être saisi tous les jours, y compris le dimanche
ou les jours fériés au besoin à son domicile.

En matière pénale, la permanence se traduit par le fait que tant un représentant du Ministère
public qu’un juge d’instruction peut, en cas de flagrance, être saisi.

Ce principe empêche les magistrats de l’ordre judiciaire de pouvoir exercer le droit de grève
leur interdit de mener toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement
des juridictions. En outre, le juge régulièrement saisi qui refuse de statuer se rend coupable de
déni de justice (art. 312, 313 du CPC et article 165 du CP).

B/ Les tempéraments

En premier lieu, les juridictions ne siègent pas normalement les samedis, dimanches et jours
fériés. En deuxième lieu, l’activité judiciaire est considérablement réduite pendant les
périodes de service allégé, nouvelle dénomination des vacances judiciaires.

En troisième lieu, certaines juridictions parce qu’elles ne sont pas composées exclusivement
de magistrats professionnels, ne siègent que par sessions : ce fut le cas des cours d’assises qui
ont été remplacées par les chambres criminelles (loi n°2014-26 portant réforme de
l’organisation judiciaire) et doivent siéger par sessions, au moins tous les quatre mois.

Paragraphe 4 : La sédentarité de la justice

Ce principe signifie que les juridictions siègent en un endroit unique, sauf les audiences
foraines qui peuvent se tenir hors des juridictions, par exemple dans des bâtiments publics
(écoles, Mairies). Ainsi, l’article 20 du CPC dispose : « les juges peuvent, si les besoins du
service l’exigent, tenir des audiences en dehors du lieu où ils siègent habituellement. »

Section II : Le monopole étatique de la justice

La justice est un service public ; en tant que tel, elle se caractérise à la fois par son but :
satisfaction d’un besoin social et par ses moyens : mise en œuvre par l’Etat d’un ensemble
organique d’hommes et de biens. La justice relève du monopole de l’Etat. C’est à l’Etat
qu’incombe la tâche d’organiser ce service public dont la mission est double : d’une part dire
le droit à travers des décisions (jurisdictio), et d’autre part, assurer la bonne exécution de ces

4
décisions au besoin avec le concours de la force publique (imperium, qui renvoie au pouvoir
de commandement dont dispose le juge pour imposer que la décision rendue soit appliquée).

S’il est concevable que la première mission puisse être accomplie par un organe non étatique,
en revanche, la seconde ne peut l’être que par l’Etat.

On va étudier le sens de ce monopole étatique de la justice (paragraphe 1), puis sa portée


(paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le sens du monopole étatique de la justice

Le monopole étatique de la justice a un sens historique et un sens moderne.

A/ Sens historique

La notion de monopole étatique n'a pas toujours prévalu dans l'histoire judiciaire. En France,
par exemple, au Moyen Âge, ce monopole n'existait pas.

La justice était rendue au nom du roi au sein des juridictions royales, au nom du seigneur du
lieu dans les juridictions seigneuriales ou encore au nom de l'évêque dans les juridictions
ecclésiastiques. Le Roi n'avait donc pas le monopole de la justice. Il tenta jusqu'à la
Révolution de 1789 de supprimer la justice seigneuriale.

Au Sénégal également, avant l’indépendance, diverses autorités avaient le pouvoir de rendre


la justice. Ainsi, il existait des juridictions coutumières où siégeaient les chefs coutumiers
mais aussi des juridictions religieuses où intervenaient des personnalités issues de la Mosquée
ou de l’Eglise. A l’indépendance, ces dernières ont été toutes supprimées.

B/ Sens moderne du monopole étatique de la justice

Il y a d’une part l’obligation de juger (article 313 du CPC) : Parce que l'État a le monopole de
la justice, le juge a l'obligation de rendre une décision dans tous les cas où le justiciable, «
usager » du service public de la justice, s'adresse à lui. C'est ce que rappelle l'article 313 du
CPC. Sous peine de commettre un délit pénal, le juge doit trancher le litige qui lui est soumis.

Il ne peut y avoir de carence du service public de la justice. Même si le juge ne trouve pas
dans la loi, entendue au sens large, une solution au problème qui lui est soumis, il lui incombe
de se prononcer.

5
Il y a ensuite l’exclusivité du pouvoir judiciaire qui traduit l’importance des juridictions
étatiques. Seules les juridictions étatiques instituées par la loi peuvent rendre des décisions à
propos des litiges qui leur sont soumis et conférer à ces décisions une force exécutoire.

Ainsi, le plaideur obtiendra de la juridiction étatique une solution au litige qu'il lui a soumis.

Il se verra, par exemple, reconnaître la qualité de propriétaire de telle parcelle de terrain.

Mais cette satisfaction de se voir reconnaître un droit n'est pas suffisante. Encore faut-il que le
justiciable puisse obtenir le concours de la force publique pour voir respecter son droit par
exemple pour faire expulser ceux qui occupent illégalement le terrain dont il a été jugé qu'il
était propriétaire.

Seule la justice étatique peut lui apporter ce concours. La décision rendue sera en effet
assortie de la formule exécutoire.

Le monopole étatique de la justice est remis en cause. En effet, le litige né peut échapper à la
juridiction étatique au profit d'une juridiction arbitrale (A) ou au profit d'autres modes de
règlement (B).

A/ L’arbitrage

Deux parties (ou plus) peuvent convenir aux termes d'un acte dénommé « compromis » de
soumettre le différend qui les oppose à un ou plusieurs arbitres qu'elles désignent librement en
fixant les règles que lesdits arbitres devront suivre. De la même manière, dans un contrat, une
clause dite compromissoire peut être insérée visant le règlement d'un litige éventuel à venir
portant sur l'exécution d'un contrat.

Comme les tribunaux, les arbitres statueront en droit. Mais le compromis peut prévoir de leur
donner un rôle « d'amiables compositeurs ». C'est l'équité qui guidera alors les arbitres. Ce
type particulier de règlement des litiges présente d'incontestables avantages et quelques
inconvénients.

La justice arbitrale est, en règle générale, plus rapide que la justice étatique. Cette vertu
explique son succès dans le monde des affaires qui ne peut se satisfaire de décisions trop
lentes à intervenir.

• Une justice discrète

6
Là encore, il s'agit d'un avantage important en droit commercial. Il est bon, en effet, que
certains litiges échappent aux regards indiscrets. La justice arbitrale, à la différence de la
justice étatique, n'est pas publique. L'administration fiscale ne peut exercer de contrôle sur
l'activité arbitrale ce qui peut parfois représenter un gros avantage financier.

• Une justice efficace

Parce que les arbitres choisis par les parties le sont souvent en fonction de leur connaissance
dans le domaine, objet du litige soumis à arbitrage, la décision sera rendue en fonction des
usages propres à tel secteur d'activité économique que le juge judiciaire ne connaîtra pas
forcément. Il s'agit là d'un avantage d'autant plus important que la décision sera mieux
acceptée.

En matière de commerce international, les parties ne souhaitent pas soumettre leur litige à
une juridiction dont ils ne savent pas, compte tenu de la complexité des règles de droit
international, quelles règles de droit seront appliquées par elle.

C’est pourquoi elles s'en remettre souvent à un tribunal arbitral ce qui présentera le double
avantage de n'avoir pas à s'interroger sur le choix de la juridiction compétente et sur le droit
applicable.

2- Inconvénients

• Absence de force exécutoire

Si aux termes de la sentence arbitrale, la partie condamnée ne s'exécute pas, le tribunal arbitral
n'a pas de pouvoir coercitif. Seul le président du tribunal de grande instance pourra conférer à
la sentence arbitrale une force exécutoire au terme d'une formalité dénommée l’exequatur.

Le juge de l'exequatur aura simplement pour rôle de vérifier que la sentence arbitrale ne viole
pas l'ordre public. Alors, la sentence arbitrale deviendra un véritable jugement. On constate
ainsi que l'arbitrage ne représente qu'une atteinte partielle au monopole de l'État puisque, si la
fonction de dire le droit échappe à la justice étatique, en revanche, l'État conserve son
monopole sur la force exécutoire de la décision.

• Une relative absence d'autorité des arbitres

Parce qu'ils sont choisis par les parties, les arbitres ne présentent pas les mêmes garanties
d'indépendance que les juges étatiques. La pratique montre qu'ils se comportent plus souvent

7
comme les défenseurs de ceux qui les ont désignés que comme des arbitres au sens habituel
du terme.

• Un risque de violation des règles de procédure

Si les arbitres ne sont pas des juristes, le risque est grand de les voir méconnaître les règles
fondamentales de procédure qui constituent pourtant les garde-fous d'une justice digne de ce
nom.

B/ Les autres modes de règlement des conflits

Il s’agit de la transaction, de la médiation et de la conciliation.

1- La transaction

La transaction constitue un mode original de règlement d'un litige entre deux personnes sans
intervention d'un tiers. Elle est prévue à l’article 7 du CPC ; sa force provient du fait qu'elle a,
entre les parties signataires, l'autorité de la chose jugée. Elle permet d'éviter les lenteurs de la
justice et de régler le litige à moindre frais ce qu'illustre parfaitement le dicton « un mauvais
arrangement vaut mieux qu'un bon procès ».

Elle touche tous les domaines du droit et est, parfois, encouragée par le législateur
parfaitement conscient de ses avantages.

2. La médiation

La "médiation" est une technique procédurale de solution des conflits par laquelle des
personnes qu'un différend oppose, ou qui souhaitent en prévenir l'arrivée, tentent de parvenir à
une solution transactionnelle en utilisant les bons offices d'une personne dite "médiateur".

Tout juge saisi d'un litige peut, après avoir recueilli l'accord des parties, désigner une tierce
personne, personne physique ou morale, qu'il charge d'entendre les parties, de confronter leurs
points de vue en vue de trouver une solution à leur conflit.

Elle peut être judiciaire ou conventionnelle. On appelle la médiation judiciaire, lorsque le juge
saisit, désigne un médiateur avec l’accord des parties. On appelle la médiation
conventionnelle, lorsque les parties peuvent tenter une approche amiable avec le concours
d’un tiers qualifié librement choisies, neutre et sans pouvoir de décision.

La médiation judiciaire et la médiation conventionnelle obéissent l’une comme l’autre aux


mêmes principes fondamentaux de libre choix des parties.

8
3. La conciliation

Les parties règlent leur différend avec l'aide d'un conciliateur dans un document appelé
procès-verbal de conciliation.

Section III : La collégialité

La collégialité des juges est traditionnellement présentée comme étant l'un des principes
essentiels de l'organisation juridictionnelle sénégalaise. Une décision de justice ne doit pas
être l'œuvre d'un seul magistrat, mais de plusieurs. Cependant le recours au juge unique
permet de remédier à la lenteur de la justice et donc d'accroître le volume des affaires.

Il convient d’étudier successivement les arguments en faveur de la collégialité, ceux avancés


par les partisans du système du juge unique et les solutions apportées par notre droit positif.

A/ Les arguments en faveur de la collégialité

1- Une meilleure justice

L'idée principale des partisans de la collégialité est de considérer que l'on travaille mieux à
plusieurs que dans la solitude. C'est de l'échange d'idées que naîtra au cours de l'audience ou
du délibéré la vérité judiciaire.

2- Une justice plus impartiale

La collégialité permet de corriger certains préjugés individuels et d'assurer le contrôle de


chaque juge par les autres membres de la juridiction siégeant à ses côtés.

2.- Une juste plus forte

La décision une fois rendue sera l'œuvre de la juridiction en son entier. L'interdiction de
violer la règle du secret du délibéré permettra de conférer au jugement un caractère
majestueux et une force que ne peut avoir la décision rendue par un juge unique.

B/ Les arguments en faveur du juge unique

La décision rendue par le juge unique s’appelle ordonnance.

1- Une justice plus responsable

Parce qu'il sait qu'il portera seul la responsabilité des conséquences de sa décision, le juge
unique sera d'autant plus attentif tant au sens qu'à la portée de son jugement.

9
2.- Une justice plus efficace

Confier les litiges à un juge unique plutôt qu'à trois juges permet, par définition, de juger
trois fois plus d'affaires. Il s'agit là d'un moyen efficace de remédier à l'inflation judiciaire et à
son corollaire inéluctable : la lenteur de la justice.

3- Un juge mieux sélectionné

Du fait qu'elle permet de juger davantage d'affaires, l'institution du juge unique permet
d'assurer une meilleure sélection des candidats à la fonction de juger. En effet, le recrutement
devient plus restrictif et permet de proposer aux futurs juges une formation plus rigoureuse.

Si la tradition exige la collégialité, force est de constater que de nos jours la tendance est à
l'extension du juge unique.

A/ L’extension des juridictions à juge unique

- En droit pénal :

La phase d'instruction est confiée à un juge unique. Ainsi, la fonction d'instruction sera
confiée à un juge unique «qui procède à tous les actes d'information qu'il estime utiles à la
manifestation de la vérité.

Toutes les contraventions sont jugées par le tribunal d’instance, juridiction à juge unique. Le
juge des enfants statue seul, en chambre du conseil, pour les contraventions de 5e classe et les
délits commis par les mineurs lorsqu'il estime qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer le mineur
devant le tribunal pour enfants.

- En droit judiciaire privé

Les juridictions à juge unique traditionnelles :

• Le juge d'instance, héritier de l'ancien juge de paix, le juge d’instance statue seul avec un
domaine d'activités qui ne cesse de s'accroître.

• Le juge des référés, dans tous les cas d’urgence ou lorsqu’il s’agit de statuer provisoirement
sur les difficultés relatives à l’exécution d’un titre exécutoire ou d’un jugement, il est procédé
par voie de référé. Le juge, à cet effet, rend, de manière très rapide, et seul, une décision
appelée ordonnance.

Section IV : Les principes d’unité et de hiérarchie des ordres juridictionnels

10
- Le principe d’unité : Il existe au Sénégal un seul ordre de juridictions ; l’ordre judiciaire et
l’ordre administratif ont été fusionnés et confiés aux juges de droit commun. Ces deux ordres
ont ainsi un personnel unique.

- Le principe de hiérarchie également appelé principe du double degré de juridiction permet à


l’une des parties qui n’est pas satisfaite d’un premier jugement de saisir une juridiction
supérieure à celle qui a déjà statué (c’est la règle du double degré de juridiction).

La personne dispose de trois recours devant les tribunaux :

- en premier lieu, elle peut saisir le tribunal pour obtenir une décision ;

- en second lieu, si elle n’est pas satisfaite, elle peut faire appel devant un tribunal supérieur
au premier ;

- en dernier lieu, si elle n’est pas encore satisfaite, elle peut saisir la Cour suprême par un
pourvoi en cassation. Toutefois, la Cour suprême n’est pas un troisième degré de juridiction.

Elle ne juge que le droit tandis que les juges du fond examinent les circonstances de l’affaire.

Les décisions rendues par les tribunaux sont appelées jugements tandis que celles qui émanent
de la cour d’appel et de la cour suprême sont appelés arrêts.

Il importe de noter qu’un tribunal ne peut pas réexaminer une affaire qu'il a déjà jugée : c'est
le principe de 'l'autorité de la chose jugée ". Cependant, la loi prévoit des cas dans lesquels il
n'est pas possible de faire appel, lorsqu'un jugement est rendu en "premier et dernier ressort",
pour des litiges où l'intérêt en jeu est de faible importance (par exemple, concernant les
décisions du tribunal d'instance portant sur des demandes d'un montant dérisoire).

Chapitre 2 : Le personnel de la justice

Paragraphe 1 : Les magistrats

Le magistrat est un fonctionnaire du ministère de la Justice. Il existe une distinction


fondamentale entre les magistrats du siège, juges indépendants du pouvoir, et les magistrats
du parquet, les procureurs qui représentent la société.

Loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant Statut des magistrats.

A : Le statut des magistrats

1. Nomination, incompatibilité et interdiction

11
Art. 2. - Le corps judiciaire comprend les magistrats :

- de la Cour suprême ;

- de l’administration centrale du Ministère de la Justice ;

- des cours et tribunaux.

Tout magistrat a vocation à être nommé, au cours de sa carrière, à des fonctions du siège, du
parquet ou de l’administration centrale du Ministère de la Justice.

Art 3. - Les magistrats de la Cour suprême, des cours d’appel et les chefs des juridictions hors
classe ou de première classe sont nommés parmi les magistrats hors hiérarchie les plus
anciens et, en cas de nécessité parmi les magistrats du premier grade en qualité d’intérimaire.

Art. 4. - Les magistrats du corps judiciaire sont nommés par décret sur proposition du ministre
de la Justice, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature.

Art. 6. - Les magistrats du siège sont inamovibles.

En dehors des sanctions disciplinaires du premier degré, ils ne peuvent recevoir une
affectation nouvelle, même par voie d’avancement, sans leur consentement préalable, sous
réserve des dispositions des articles 90 et suivants de la présente loi organique.

Toutefois, lorsque les nécessités du service l’exigent, les magistrats du siège peuvent être
provisoirement déplacés par l’autorité de nomination, après avis conforme et motivé du
Conseil supérieur de la Magistrature spécifiant lesdites nécessités de service ainsi que la durée
du déplacement.

Cette durée ne peut en aucun cas excéder trois ans.

Art. 7. - Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs
hiérarchiques et sous l’autorité du Ministre de la Justice.

A l’audience, leur parole est libre.

Ils peuvent être affectés sans avancement par l’autorité de nomination d’une juridiction à une
autre s’ils en font la demande ou d’office, dans l’intérêt du service, après avis du Conseil
supérieur de la Magistrature.

Art. 11. - Les fonctions judiciaires sont incompatibles avec toute activité publique ou privée.

Elles sont incompatibles avec tout mandat électoral.

12
Des dérogations individuelles peuvent être accordées aux magistrats par le ministre de la
Justice, pour dispenser des enseignements relevant de leur compétence.

Les magistrats peuvent, sans autorisation préalable, se livrer à des travaux scientifiques,
littéraires, artistiques ou d’arbitrage. Il leur est interdit de traiter dans les médias des sujets
autres que ceux d’ordre professionnel ou technique.

2. Fonctions des magistrats

Art. 16. - Les magistrats doivent rendre impartialement la justice sans considération de
personnes ni d’intérêts. Ils ne peuvent se prononcer dans la connaissance personnelle qu’ils
peuvent avoir de l’affaire. Ils ne peuvent défendre ni verbalement ni par écrit, même à titre de
consultation, les causes autres que celles qui les concernent personnellement

B : L’organe de tutelle des magistrats : Le Conseil Supérieur de la Magistrature

Au Sénégal, le Conseil supérieur de la magistrature a pour rôle de garantir l’indépendance des


magistrats de l’ordre judiciaire par rapport au pouvoir exécutif

Loi organique n° 2017-11 du 17 janvier 2017 portant organisation et fonctionnement du


Conseil supérieur de la Magistrature.

1. Composition

Article premier. - Le Conseil supérieur de la Magistrature est présidé par le Président de la


République. Le ministre de la Justice en est le vice-président.

Art. 2. - Sont membres de droit :

- le premier président de la Cour suprême et le procureur général près ladite cour ;

- les premiers présidents de cours d’appel et les procureurs généraux près lesdites cours.

Art. 3. - Le Conseil supérieur de la Magistrature comprend, en outre, quatre membres élus par
les différents collèges de magistrats pour un mandat de trois ans renouvelable une fois.

Sont élus dans les mêmes conditions que les titulaires quatre membres suppléants.

Chaque collège élit en son sein un membre sauf le collège des magistrats du deuxième grade
qui a deux représentants.

Art. 4. - Les membres du Conseil supérieur de la Magistrature ainsi que les personnes qui, à
un titre quelconque, assistent aux délibérations, sont tenus au secret professionnel.

13
Art. 5. - Les modalités de fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature ainsi que
l’organisation de son secrétariat sont fixés par décret.

2. Attributions

Art. 6. - Le Conseil supérieur de la Magistrature se réunit, au moins deux fois par an, sur
convocation de son président.

Toutefois, en cas d’urgence, le Conseil supérieur de la Magistrature peut statuer par voie de
consultation à domicile.

Art. 7. - Pour la nomination des magistrats, l’avis du Conseil supérieur de la Magistrature est
donné sur les propositions du ministre de la Justice, après un rapport établi par un membre
dudit Conseil.

Art .8. - Lorsqu’il statue sur la nomination des magistrats, le Conseil supérieur de la
Magistrature est présidé par le Président de la République.

Toutefois, sur autorisation du Président de la République, le ministre de la Justice peut


présider le Conseil supérieur de la Magistrature.

Pour délibérer valablement, il doit comprendre, outre son président, au moins les deux tiers de
ses membres.

En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.

Paragraphe 2 : Les auxiliaires de justice

A : Les auxiliaires des magistrats

1. Les greffiers
Secrétariat d'une juridiction judiciaire, chargé notamment de la conservation des minutes, des
pièces de procédure et de la délivrance des jugements et de certains actes, le Greffe est un
ensemble de services administratifs d'une juridiction. Il est dirigé par un fonctionnaire,
greffier ou greffière en chef qui en assure la responsabilité et la gestion administrative. La
fonction essentielle du greffier est qu'il est un fonctionnaire qui assiste le greffier en chef et
les magistrats dans leurs missions de justice, par la tenue du plumitif et la délivrance des
jugements. Son statut l'astreint à un certain nombre d'obligations, à savoir l'obligation de
réserve et le secret professionnel.
2. Les officiers judiciaires 

14
La police judiciaire est exercée sous la direction du Procureur de la République par les
officiers et agents de police judiciaire, ainsi que par les fonctionnaires et agents auxquels sont
attribuées par la loi certaines fonctions de police judiciaire. (Article 12 CPP)
Dans le ressort de la Cour d’appel, elle est placée sous la surveillance du Procureur général et
sous le contrôle de la Chambre d’accusation conformément aux articles 30 et 210 et suivants.
(Article 13 CPP) 
La police judiciaire est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre, de rechercher
et de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher
les auteurs, tant qu’une information n’est pas ouverte.
Lorsqu’une information est ouverte, elle exécute les délégations des juridictions d’instruction
et défère à leurs réquisitions Article 14 CPP)
Ont la qualité d’officier de police judiciaire:
1. les officiers de gendarmerie;
2. les sous-officiers de gendarmerie exerçant les fonctions de commandant de
brigade;
3. les commissaires de police;
4. les officiers de police;
5. les élèves officiers et les sous-officiers de gendarmerie nominativement
désignés par arrêté conjoint du Ministre chargé de la Justice et du Ministre chargé des
Forces armées après avis conforme d’une commission;
6. les fonctionnaires du cadre de la police nominativement désignés par arrêté du
Ministre  chargé de la Justice, sur proposition des autorités dont ils relèvent, après avis
conforme d’une commission. (Article 15 CPP)

B : Les auxiliaires du justiciable

1. Les officiers ministériels

a. Les notaires

Le Notariat au Sénégal est organisé par le décret n° 79-1029 du 5 novembre 1979, modifié
par les décrets n° 81-845 du 20 août 1981 et n° 89-035 du 9 Janvier 1989.

La compétence territoriale du notaire est étendue au ressort des cours d’appel, sans
préjudice de l’obligation de résidence telle que déterminée par le décret de nomination.

15
Toutefois, la compétence des notaires ayant leur charge dans la Région de Dakar est
soumise à un régime particulier.

A l’instar d’un ordre professionnel, il est créé une Chambre des Notaires. Des dispositions
lui sont consacrées pour en définir les attributions, la compétence et le fonctionnement

Un notaire est un professionnel du droit à qui est conféré, par l’autorité publique, la mission
d’assurer la liberté des consentements de telle sorte que les intérêts légitimes de toutes les
personnes concernées soient garantis. La présence du notaire confère à l’acte juridique sa
qualité d’acte authentique. Il peut intervenir également en amont d’une procédure
d’authentification, pour conseiller sur les possibilités offertes et sur les conséquences
juridiques de l’acte.

Garant de la sécurité, le notaire joue un rôle essentiel pour contribuer à limiter les
contestations ultérieures. Il est de ce fait un acteur majeur de la justice préventive.

Le notaire est généralement et notamment compétent pour rédiger et recevoir des actes
authentiques, certifier des signatures et des déclarations, administrer des preuves, vérifier la
légalité de documents, assigner en justice et exécuter des décisions judiciaires.

b. Les Huissiers de justice

La profession d’huissier de justice est organisée par le décret n° 89-690 du 15 juin 1989
portant statut des huissiers de justice.

En pratique, l'huissier de justice intervient principalement pour exécuter une décision de


justice, établir des constats (les constats d'huissier) ou signifier ou notifier certains actes.

L'huissier de justice est ainsi chargé de signifier des actes judiciaires ou extra-judiciaires mais
également de procéder à l'exécution forcée des jugements et des actes notariés. Il est
notamment possible de faire appel à un huissier lorsque vous disposez d'un titre exécutoire en
vue d'obtenir le paiement d'une créance.

En pratique, son intervention est essentielle lors des procédures de recouvrement forcé et
notamment des saisies. Dans de nombreuses situations, un créancier n'a en effet d'autres choix
que d'avoir recours à un huissier de justice pour contraindre son débiteur à exécuter son
obligation. L'intervention d'un huissier de justice est également obligatoire en cas d'expulsion
d'un logement.

2. Les avocats

16
L’avocat a vocation à intervenir dans tous les domaines de la vie civile, économique et
sociale, en respectant les principes essentiels qui régissent sa profession. L’avocat fait partie
d’un barreau administré par un conseil de l’ordre et exerce une profession libérale et
indépendante, quel que soit son mode d’exercice.

L’avocat assiste et représente ses clients, sans avoir à justifier d’un mandat écrit, sous réserve
d’exceptions prévues par certaines dispositions légales et réglementaires. L’avocat fournit
également des prestations de conseil et d’assistance ayant pour objet, à titre principal ou
accessoire, la mise en œuvre de règles ou principes juridiques, la rédaction d’actes, la
négociation et le suivi de relations contractuelles.

Chapitre 3 : Les juridictions nationales

Section 1 : Les juridictions de droit commun

Décret n° 2015-1145 du 03 août 2015 fixant la composition et la compétence des cours


d’appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance

Paragraphe 1 : Les juridictions du premier degré

A. Les Tribunaux d’Instance


1. Composition et organisation

Article premier. - Le président du tribunal d’instance répartit les affaires selon les besoins du
service.

En cas d’absence ou d’empêchement, il est remplacé dans les conditions prévues par la loi
organique portant statut des magistrats.

Art. 2. - Dans chaque tribunal d’instance, un juge désigné par arrêté du Ministre de la Justice
remplit les fonctions de juge d’instruction.

Ses attributions sont fixées par le Code de procédure pénale.

Il peut être désigné plusieurs juges d’instruction lorsque les besoins du service l’exigent.

S’il n’y a qu’un seul juge au siège du tribunal, il remplit d’office les fonctions de juge
d’instruction.

17
Art. 3. - Il peut être institué auprès du tribunal d’instance un délégué du Procureur de la
République et au besoin plusieurs adjoints, tous chargés d’exercer les fonctions de ministère
public, telles qu’elles sont définies par la loi, sous l’autorité du Procureur de la République
près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé le siège du tribunal
d’instance.

Pour les tribunaux d’instance qui ne comportent pas de ministère public, ou en cas d’absence
du délégué du Procureur de la République et de son adjoint, l’action publique est exercée sous
l’autorité du procureur de la République, par le chef de la juridiction qui est investi des
pouvoirs du ministère public.

2. Compétence

Art. 4. - Les tribunaux d’instance connaissent de tous les faits qualifiés de contravention,
commis dans l’étendue de leur ressort.

Ils connaissent également des délits pour lesquels la loi leur a donné compétence.

Art. 5. - Les tribunaux d’instance connaissent de l’action civile, engagée conjointement à


l’action publique mise en œuvre pour la poursuite des infractions relevant de leur compétence
quel que soit le montant de la demande.

Art. 6. - Sous réserve des dispositions des articles suivants, les tribunaux d’instance
connaissent tant en matière civile que commerciale de toutes actions personnelles ou
mobilières en dernier ressort jusqu’au montant de 300.000 francs CFA et à charge d’appel
jusqu’ au montant de 2.000.000 francs CFA.

Art. 7. - Les tribunaux d’instance sont compétents pour connaître en premier ressort, quel que
soit l’objet du litige, des actions relatives au contrat de louage d’immeubles à usage
d’habitation.

Les tribunaux d’instance connaissent également en premier ressort, quel que soit l’objet du
litige, des actions relatives au bail à usage professionnel au sens des dispositions prévues par
l’article 101 de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant sur le droit commercial général
lorsque le montant du loyer mensuel est inférieur ou égal à cent mille (100.000) francs CFA.

Dans les mêmes limites, ils connaissent également des demandes en autorisation, nullité ou
mainlevée de saisie-revendication alors même qu’il y aurait contestation de la part d’un tiers.

18
Art 8. - Les tribunaux d’instance connaissent lorsque les causes de la saisie sont dans les
limites de leur compétence :

1. des demandes en déclaration affirmative, nullité ou mainlevée de saisies-attribution et


opposition autres que celles portant sur des salaires, rémunérations, traitements ou revenus
périodiques ;

2. des demandes en nullité ou mainlevée de saisie sur débiteurs forains ;

3. des contestations en matière de saisie de récoltes sur pied ;

4. des contestations en matière de saisie-vente.

Les tribunaux d’instance sont, en outre, compétents pour autoriser, s’il y a lieu, les saisies
visées au présent article dont les causes n’excédant pas les limites de leur compétence.

A. Les Tribunaux de Grande Instance

1. Composition et organisation

Art. 15. - Le président du tribunal de grande instance, qui peut toujours présider l’audience
quand il le juge convenable, répartit le service entre les juges.

En cas d’absence ou d’empêchement, il est remplacé dans les conditions prévues par la loi
organique portant statut des magistrats.

Le tribunal de grande instance statue en formation collégiale composée de trois juges.

A défaut de trois juges disponibles au niveau du siège, le président peut faire compléter la
composition par un juge d’instruction ou un juge des tribunaux d’instance du ressort par le
biais d’une ordonnance dûment motivée.

Art. 16. - Dans chaque tribunal de grande instance, l’un des juges désigné par arrêté du
ministre de la Justice, remplit les fonctions de juge d’instruction.

Ses attributions sont fixées par le Code de procédure pénale.

Il peut être désigné plusieurs juges d’instruction dans un tribunal de grande instance quand les
besoins du service l’exigent.

19
En cas d’absence ou d’empêchement momentané, le juge d’instruction est remplacé dans les
conditions prévues au Code de procédure pénale.

S’il n’y a qu’un seul juge au siège du tribunal, il remplit d’office les fonctions de juge
d’instruction.

Art. 17. - Il y a, auprès de chaque tribunal de grande instance, un procureur de la République


chargé d’exercer les fonctions de ministère public telles qu’elles sont définies par la loi.

En cas d’empêchement ou d’absence, sa suppléance est assurée conformément aux


dispositions de la loi organique portant statut des magistrats.

2. Compétence

Art. 18. - Les tribunaux de grande instance connaissent en premier ressort de tous les délits
autres que ceux qui sont de la compétence des tribunaux d’instance.

Ils ont également plénitude de juridiction pour juger en premier ressort les personnes
renvoyées devant eux soit par une ordonnance du juge d’instruction, soit par un arrêt de la
chambre d’accusation, pour des infractions qualifiées de crime et toutes autres infractions
connexes.

Art. 19. - Les tribunaux de grande instance connaissent tant en matière civile que
commerciale de l’ensemble des matières qui ne sont pas de la compétence des tribunaux
d’instance.

Ils connaissent également de l’ensemble du contentieux administratif de pleine juridiction et


fiscal.

Ils ont en outre, au cours des instances dont ils sont saisis, compétence pour interpréter et
apprécier la légalité des décisions des diverses autorités administratives, lorsque de cet
examen de la légalité dépend la solution du litige.

Art. 20. - Les jugements des tribunaux de grande instance pour les matières relevant de leurs
compétences, sont rendus en premier ressort, à charge d’appel.

Art. 21. - L’appel des jugements rendus par les tribunaux de grande instance est porté devant
la cour d’appel.

Art. 22. - Les tribunaux de grande instance sont juges d’appel des décisions rendues par les
tribunaux d’instance en matière civile, commerciale et de simple police.

20
Art. 23. - Les jugements rendus en dernier ressort peuvent faire l’objet d’un pourvoi en
cassation porté devant la Cour suprême.

Paragraphe 2 : Les juridictions du second degré : Les cours d’appels

La création de la cour d’Appel répond au principe du double degré de juridiction ; le plaideur


qui n’est pas satisfait par la décision rendue par la juridiction inférieure a le droit de faire
appel devant la cour d’Appel.

Art. 24. - La cour d’appel de Dakar à son siège établi à Dakar. Son ressort s’étend aux
tribunaux de grande instance de Dakar, Pikine-Guédiawaye et Rufisque.

La cour d’appel de Saint-Louis a son siège établi à Saint-Louis. Son ressort s’étend aux
tribunaux de grande instance de Saint-Louis, Matam et Louga.

La cour d’appel de Kaolack a son siège établi à Kaolack. Son ressort s’étend aux tribunaux de
grande instance de Kaolack, Fatick et Kaffrine.

La cour d’appel de Ziguinchor a son siège établi à Ziguinchor. Son ressort s’étend aux
tribunaux de grande instance de Ziguinchor, Kolda et Sédhiou.

La cour d’appel de Thiès a son siège établi à Thiès. Son ressort s’étend aux tribunaux de
grande instance de Thiès, Diourbel, Mbour, Mbacké et Tivaouane.

La cour d’appel de Tambacounda a son siège établi à Tambacounda. Son ressort s’étend aux
tribunaux de grande instance de Tambacounda et Kédougou.

a) la composition.
La cour d’Appel est composée d’un premier président, des présidents de chambre et des juges
suppléants.

La cour d’Appel est composée de plusieurs chambres dont :

- la chambre civile et commerciale


- deux chambres correctionnelles
- deux chambres sociales
- une chambre d’accusation

21
Chacune de ces chambres est dirigée par un président. Le premier président de la cour
d’Appel est un magistrat chargé de la direction de la cour. Il a des pouvoirs très étendus. C’est
lui qui est chargé de la répartition des magistrats entre les différentes chambres de la cour.

Aussi, peut-il présider l’une de ces chambres s’il le désire. Il est assisté dans ses tâches
administratives par un secrétaire général qui, conformément à ses directives, s’occupe de la
répartition des dossiers entre les différentes chambres.

Le Secrétaire Général s’occupe également de la mise en état des procédures en donnant aux
parties toutes les injonctions qui lui paraissent opportunes. Il contrôle la mise au rôle des
affaires civiles, commerciales et sociales. Il assiste ou remplace en cas d’empêchement le
premier président de la cour dans ses tâches administratives.

Les membres de la cour d’appel peuvent se réunir en Assemblée générale dans les cas prévus
par la loi et les règlements. Il en est notamment ainsi quand la cour doit statuer sur une affaire
intéressant les chambres.

L’Assemblée générale est composée de tous les magistrats de la cour et du parquet général.

Le parquet est le bureau du Ministère public près de la cour d’Appel. Il est dirigé par le
procureur général, il comprend deux avocats généraux et deux substituts généraux.

Le parquet est chargé de requérir l’application de la loi et de veiller aux intérêts généraux de
la société. Il intervient dans certains cas comme partie principale à l’instance. Mais son rôle se
limite à fournir son avis sur le litige. Ces magistrats sont indépendants des juges du siège.

b) la compétence de la cour d’Appel


La cour d’Appel a une double compétence : une compétence principale et une compétence
particulière.

*La compétence particulière : Elle s’apprécie également à un double niveau. Il s’agit d’une
compétence en matière d’instruction et une compétence en matière de jugement.

D’abord, l’instruction est exercée au niveau de la cour par la chambre d’accusation qui
connaît des appels interjetés contre les ordonnances de tous les juges d’instruction qu’il
s’agisse de crimes ou de délits.

Le président de la chambre d’accusation doit s’assurer en rapport avec le parquet général du


bon fonctionnement de tous les organes judiciaires chargés de l’instruction au Sénégal.

22
La chambre d’accusation procède à un examen au second degré de l’affaire que le juge
d’instruction a rendue par une ordonnance de renvoi devant elle.

Elle reprend l’instruction au terme de laquelle, elle prononce soit un arrêt de non-lieu, si elle
estime que les charges sont insuffisantes soit un arrêt de renvoi devant les juridictions
répressives compétentes.

Ensuite, en matière de jugement, les chambres de la cour d’appel connaissent des appels
interjetés contre les décisions -rendues en premier ressort par les tribunaux de grande instance
statuant en matière civile, commercial, pénale, administrative et fiscale. Les décisions rendues
par le tribunal du travail sont également concernées.

La cour est juge d’appel des affaires jugées en matière correctionnelle par le tribunal
d’instance.

c) Les compétences particulières de la cour

La cour d’Appel juge en premier et dernier ressort les litiges relatifs aux opérations
électorales à l’exception du contentieux électoral de l’Assemblée nationale et du président de
la République.

Elle peut également statuer sur les contestations issues du refus par le Ministre de l’intérieur
de recevoir certaines déclarations de candidature.

Section 2 : Les juridictions spécialisées

Paragraphe 1 : Les juridictions spécialisées en raison de la qualité des personnes

Ce sont les tribunaux pour enfants et la justice militaire

A. Les tribunaux pour enfants

Le tribunal pour enfants est une juridiction pénale de premier degré spécialisée dans la justice
des mineurs. En raison de la minorité pénale des personnes jugées, le tribunal pour enfants fait
l'objet de règles spéciales par rapport aux tribunaux pour adultes.

En tant que juridiction pénale, le tribunal pour enfants se voit confier les affaires de
contraventions, de délits et de crimes dès lors que leurs auteurs sont mineurs au moment des
faits.

B. La justice militaire

23
Il s’agit de juger les infractions commises par les militaires en temps de paix. En matière
de crime, c’est la Coup d’Appel de Dakar qui est compétente.

Paragraphe 2 : Les juridictions spécialisées en fonction de la nature du litige

A. Les tribunaux du travail

Au terme de l’article 2 de la loi n° 84 -19 du 2 février 1984, il est créé un tribunal du


travail au chef - lieu de chaque région du Sénégal. Le tribunal du travail est une juridiction
spécialisée composée d’un Président et de Juges. Le tribunal du travail est une juridiction
spécialement et exclusivement compétente pour régler des différends individuels nés à
l’occasion du contrat de travail.

ORGANISATION

Le tribunal du travail comprend : un président ; un assesseur travailleur titulaire ; un


assesseur employeur titulaire ; un secrétaire : le greffier.

Le Président est un magistrat professionnel qui préside la juridiction et les audiences. Il


assure l’administration du tribunal et la gestion des crédits de fonctionnement. En raison
du volume des affaires, le président du tribunal du travail est assisté de plusieurs autres
magistrats professionnels.

Les assesseurs titulaires et suppléants apportent leurs expériences des usages et


particularités du monde du travail à ces magistrats. Ils sont nommés par arrêté du ministre
du travail sur les listes présentées par les organisations syndicales. Leur mandat est de
deux ans renouvelables.

Sur le plan de la formation, le tribunal du travail est divisé en sections professionnelles


présidées par des magistrats assistés par deux assesseurs. Le nombre de sections varient en
fonction du volume du contentieux. Le tribunal du travail hors classe de Dakar en compte
treize. Ces sections ne sont pas des juridictions propres, et n’ont aucune compétence
attributive autonome.

COMPETENCE

La loi du 1er septembre 1997 (Art. L.229) dispose que le tribunal du travail est compétent
en matières de litiges individuels nés entre travailleurs et employeurs dans les cas
suivants:

24
- contrat de travail ;
- contrat d’apprentissage ;
- les conventions collectives ;
- les conditions de travail ;
- régime de sécurité sociale ;

Les différends entre travailleurs et employeurs pris séparément relèvent de la compétence


du Tribunal du travail. Il en est de même en cas de litige entre les institutions de
prévoyance sociale (C.S.S et I.P.R.E.S) et leurs bénéficiaires et assujettis.

B. Les tribunaux de commerce

Les tribunaux de commerce sont des juridictions spécialisées de premier et second degré. Ils
sont soumis à la loi portant organisation judiciaire et au Code de procédure civile.

Les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître :

- des contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants au sens


de l'Acte uniforme portant sur le droit commercial général ;
- des contestations entre associés d'une société commerciale ou d'un groupement
d'intérêt économique ;
- des contestations entre toutes personnes, relatives aux actes de commerce au sens de
l'Acte uniforme portant sur le droit commercial général. Toutefois, dans les actes
mixtes, la partie non commerçante demanderesse peut saisir les tribunaux de droit
commun ;
- des procédures collectives d'apurement du passif ;
- plus généralement, des contestations relatives aux actes de commerce accomplis par
les commerçants à l'occasion de leur commerce et de l'ensemble de leurs contestations
commerciales comportant même un objectif civil ;
- des contestations et oppositions relatives aux décisions prises par les juridictions de
commerce.
C. Les chambres criminelles

Les chambres criminelles ont remplacé les cours d’assises par le décret n° 2015-1145 du 03
août 2015 fixant la composition et la compétence des cours d’appel, des tribunaux de
grande instance et des tribunaux d’instance

Compétence

25
Article 218. - Il est institué au sein de chaque tribunal de grande instance une chambre
criminelle qui a plénitude de juridiction pour juger en premier ressort les personnes renvoyées
devant elle soit par une ordonnance du juge d’instruction, soit par un arrêt de la chambre
d’accusation pour des infractions qualifiées crimes et toutes autres infractions connexes.

Il est également institué, au sein de chaque cour d’appel, une chambre criminelle pour
connaître de l’appel interjeté contre les décisions des chambres criminelles des tribunaux de
grande instance.

De la composition de la chambre criminelle du tribunal de grande instance

Article 225. - La chambre criminelle comprend le président et deux juges exerçant leur
fonction dans le ressort du tribunal de grande instance.

Article 226. - Les fonctions du Ministère public sont exercées auprès des chambres
criminelles dans les conditions définies à l’article 31 du présent code.

Article 227. - La chambre criminelle est, à l’audience, assistée d’un greffier du tribunal de
grande instance. En cas de besoin, il peut être fait appel à un greffier ad hoc. Ce dernier doit
prêter serment dès l’ouverture de l’audience et mention de cette formalité doit être portée sur
chaque jugement.

Section 3 : Les juridictions d’exception

Paragraphe 1 : La haute cour de justice

LOI n° 2002-10 du 22 février 2002 portant Loi organique sur la Haute Cour de Justice.

La nouvelle Constitution en son article 99 institue une Haute Cour de Justice, et en


détermine en même temps la compétence à l’article 101.

La Haute Cour de Justice comprend des membres élus par l’Assemblée Nationale après
chaque renouvellement de cette assemblée. L’organisation et la procédure de cette
juridiction sont déterminées par une loi organique.

La Haute Cour de Justice, juridiction chargée de juger le Président de la République pour


haute trahison, les ministres et leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat,

26
est régie par une procédure dérogatoire sur certains aspects de celle contenue dans le Code
de Procédure pénale. Mais elle est néanmoins respectueuse des droits de la défense.

Si la composition de la Cour reflète son aspect politique, elle marque son aspect judiciaire
par la présence à sa tête d’un haut magistrat des Cours et Tribunaux, en l’occurrence le
Premier Président de la Cour suprême. Il a semblé plus indiqué à cet égard, que cette haute
juridiction soit présidée par une des plus hautes autorités de l’ordre judiciaire national,
compte tenu du rang et de la qualité des autorités politiques susceptibles d’être déférées
devant elle.

Le Ministère public est assuré pour les mêmes raisons par le Procureur général près de la
Cour suprême. Son suppléant est le Premier Avocat général à ladite Cour.
Pour renforcer l’indépendance de la Haute Cour de Justice par rapport à l’Assemblée
nationale, les juges membres de cette Assemblée ne participent pas aux votes des
résolutions de mise en accusation.

Depuis l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, la Haute Cour de justice n’a


été instituée qu’à deux reprises pour juger d’abord Mamadou Dia (l’ancien président du
Conseil qui avait été condamné à 12 ans de prison en 1962), et ensuite Idrissa Seck (l’ex-
Premier ministre du Sénégal qui avait bénéficié d’un non-lieu total, en 2004, dans le cadre des
chantiers de Thiès).

Paragraphe 2 : La Cour de Sûreté de l’Etat (CSE)

Elle est chargée de juger les infractions politiques ou les infractions de droit commun à
motivation politique. Elle statut en 1er et dernier ressort, ce qui signifie que ses décisions ne
peuvent être attaquées ni par voie d’appel ni par recours de cassation.

Paragraphe 3 : La Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI)

La loi du 10 juillet 1981 a introduit dans le Code pénal sénégalais le délit d’enrichissement
illicite. Outre ce nouveau délit, une juridiction ad hoc et en sommeil depuis lors, la CREI a été
réactivée en mai 2012 par le gouvernement de Macky Sall. Cette juridiction est « chargée de
réprimer l’enrichissement illicite et tout délit de corruption ou de recel connexe ». Sur
dénonciation, plainte ou « toute autre voie prévue par la législation en vigueur » y compris
l’action d’office du Procureur spécial, ce dernier peut engager une enquête préliminaire contre
tout titulaire d’un mandat public électif ou d’une fonction gouvernementale, magistrats,

27
agents civils ou militaires de l’État ou d’une collectivité territoriale, dirigeants
d’établissements publics ou de sociétés nationales soupçonnées d’enrichissement illicite.

Crée en 1981 afin de réprimer ceux qui se sont enrichis illicitement, elle est composée de
magistrat de siège.

Son président est le 1er de la Cour d’Appel, les fonctions de ministère public sont exercées
par un procureur spécial. La cour statue généralement sur la base de dénonciation d’une
brigade d’investigation.

Section 4 : Les juridictions supérieures

Paragraphe 1 : La cour suprême

La Cour suprême du Sénégal est la plus haute instance du pouvoir judiciaire au Sénégal.

Supprimée en 1992, elle a été rétablie par une loi organique du 8 août 2008 qui réunit la Cour
de cassation et le Conseil d'État ; en même temps qu'a été créé le Conseil constitutionnel du
Sénégal.

Cette loi n° 2008-35 du 08 août 2008 sur la Cour suprême a été abrogée et remplacée par la
Loi organique n° 2017-09 du 17 janvier 2017.

Organisation
La Cour suprême comprend plusieurs chambres. Auprès de la Cour est institué un parquet
général dirigé par un procureur général assisté d’avocats généraux. La Cour suprême est
administrée par le premier président assisté du bureau de la Cour et du secrétaire général dont
les attributions sont déterminées par décret. Le bureau est formé par le premier président, le
procureur général, les présidents de chambre, le premier avocat général. Un règlement
intérieur, établi par le bureau, détermine l’organisation administrative de la Cour. Le greffe de
la Cour est dirigé par un greffier en chef.

Composition
La Cour suprême est composée (article 22 de la loi organique) du premier président, des
présidents de chambre, du directeur du service de documentation et d’études ayant rang de
président de chambre, de conseillers, de conseillers délégués ou référendaires, du procureur
général, du premier avocat général, des avocats généraux, des avocats généraux délégués. Les
28
magistrats de la Cour suprême sont nommés par décret dans les conditions fixées par la loi
organique sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature. 

Attributions
La Cour suprême créée en lieu et place du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation est juge
en premier et dernier ressort de l’excès de pouvoir des autorités exécutives, ainsi que de la
légalité des actes des collectivités locales. Sous réserve des matières relevant de la
compétence d’attribution d’autres juridictions, la Cour suprême se prononce sur les pourvois
en cassation pour incompétence, violation de la loi ou de la coutume, dirigés contre : les arrêts
et jugements rendus en dernier ressort par toutes les juridictions ;  les décisions des conseils
d’arbitrage des conflits collectifs de travail. Elle connaît également par la voie du recours en
cassation : des décisions de la Cour des comptes ; des décisions rendues en dernier ressort, par
les organismes administratifs à caractère juridictionnel ; la Cour suprême ne connaît pas du
fond des affaires, sauf dispositions législatives contraires, c’est ce qui ressort en substance de
l’article premier de la loi sur la Cour suprême.

La Cour suprême se prononce, en outre, sur : les demandes en révision ; les demandes de
renvoi d’une juridiction à une autre pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique ;
les règlements de juges entre juridictions n’ayant au-dessus d’elles aucune juridiction
supérieure commune autre que la Cour suprême ; les demandes de prise à partie contre une
cour d’appel, de chambre criminelle ou une juridiction entière ;les contrariétés de jugements
ou arrêts rendus en dernier ressort entre les mêmes parties et sur les mêmes moyens entre
différentes juridictions.

La procédure devant la Cour


L’article 32 de la loi sur la Cour suprême dispose que, sauf dispositions spéciales contraires,
la Cour suprême est saisie par une requête écrite. Dans tous les cas, ni l’administration ni le
défendeur ne sont tenus de constituer un avocat. L’article 33 précise que la requête doit, à
peine d’irrecevabilité : indiquer les noms et domiciles des parties, contenir un exposé
sommaire des faits et moyens ainsi que les conclusions, être accompagnée, soit de
l’expédition de la décision juridictionnelle attaquée et, le cas échéant, de la copie de la
décision infirmée ou confirmée et de toutes décisions antérieures rendues entre les parties, soit
de la décision administrative attaquée ou d’une pièce justifiant du dépôt de la réclamation.
Bien plus, il doit être joint à la requête autant de copies de celle-ci qu’il y a de parties en
cause. À peine d’irrecevabilité, un moyen de cassation ou un élément de moyen de cassation
ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.
29
Paragraphe 2 : La cour des comptes

Au Sénégal, le rôle d’institution supérieure de contrôle des finances publiques est dévolu dès
1960, à un organe du pouvoir judiciaire : la Cour suprême (troisième section). 1992, la
réforme des institutions judiciaires, dictée par l’impératif de leur spécialisation, transforme la
Cour suprême en trois juridictions : le Conseil Constitutionnel, la Cour de Cassation et le
Conseil d’Etat. C’est à cette dernière, et plus particulièrement à sa deuxième section, qu’est
confiée la fonction de juge des comptes.

En 1999, en créant la Cour des comptes en tant qu’Institution supérieure de contrôle des
finances publique (ISC), le législateur confirme non seulement son option de spécialiser
davantage les juridictions au sommet de l’organisation judiciaire, mais aussi permet au
Sénégal d’être le premier pays de la sous-région à appliquer l’une des directives de
l’UEMOA, sur l’obligation de mettre en place une juridiction des comptes indépendante.

Elle a ses propres procédures de vérification qu’elle complète par le recours aux techniques et
normes internationales de contrôle notamment celles de l’INTOSAl, organisation
internationale des Institutions supérieures de Contrôle.

En tant qu’institution autonome, elle peut faire connaître directement le résultat de ses
investigations par la production de son rapport public général annuel.

La Cour des comptes tient donc de la Constitution de larges compétences qu’elle exerce à
l’aide d’une organisation, de procédures et de moyens spécifiques définis par la loi organique
n°99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes (abrogée et remplacée par la loi n° 2012-
23 du 27 décembre 2012), la loi organique n°99-73 du 17 février 1999 portant statut des
magistrats de la Cour des comptes et le décret n°99-499 du 8 juin 1999 fixant les modalités
d’application de la loi organique n° 99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes (abrogé
et remplacé par le décret n° 2013-1449 du 13 novembre 2013). Ainsi, la création de la Cour
des comptes apporte des nouveautés, à la fois, dans l’organisation judiciaire du Sénégal
(création d’une magistrature financière) et dans le système de contrôle des finances publiques.

Mission de la cour

30
Art. 2. – La Cour des Comptes juge les comptes des comptables publiques et assiste le
Président de la République, le Gouvernement et le Parlement, dans le contrôle de l’exécution
des lois de finances.

Art. 3. – La Cour des Comptes contribue, par son action permanente de vérification,
d’information et de conseil, à :

- la sauvegarde du patrimoine public ;

- la transparence et la sincérité de la gestion des finances publiques ;

- l’amélioration des méthodes et techniques de gestion des organismes publics et des


entreprises du secteur public ;

- l’évaluation des politiques et programmes publics ;

- la rationalisation de l’action administrative.

Elle s’assure de la régularité des opérations de recettes et de dépenses des organismes


contrôlés et, le cas échéant, réprime les manquements aux règles qui régissent lesdites
opérations.

Elle vérifie et apprécie le bon emploi des crédits, fonds et valeurs, ainsi que la gestion de
l’ensemble des organismes soumis à son contrôle.

La Cour établit un rapport public général annuel qui reprend les principales observations
qu’elle a faites dans l’année et les mesures préconisées pour remédier aux manquements,
anomalies et dysfonctionnements relevés.

Elle peut, en outre, dans le cadre de ses contrôles, établir des rapports publics sur des entités,
des thèmes particuliers ou des secteurs déterminés.

Art. 4. – Les contrôles dévolus à la Cour des Comptes visent à :

- promouvoir l’obligation de rendre compte ;

- déceler toute irrégularité ou infraction par rapport aux normes juridiques et de gestion en
vigueur de manière à permettre, dans chaque cas, de prendre les corrections nécessaires,
d’engager la responsabilité des personnes en cause, d’obtenir réparation ou de décider des
mesures propres, pour l’avenir, à éviter la répétition de tels actes ;

- mesurer les performances réalisées dans la gestion des services et organismes publics.

31
Composition de la Cour

Art. 5. – La Cour des Comptes est composée du premier président, de présidents de chambres,
de conseillers maîtres, de conseillers référendaires et de conseillers.

Les membres de la Cour des Comptes ont la qualité de magistrats. Ils sont inamovibles.

Le nombre de magistrats constituant la Cour est fixé par décret.

Art. 6. – Le Procureur général près la Cour exerce les fonctions de ministère public près la
Cour des Comptes. Il est assisté d’un premier avocat général et d’avocats généraux.

Le Procureur général près la Cour est nommé par décret après avis du Conseil supérieur de la
Cour des Comptes.

Le premier avocat général et les avocats généraux sont choisis parmi les magistrats de la
Cour. Ils sont nommés par décret après avis du Conseil supérieur de la Cour des Comptes.

Art. 7. – Les magistrats de la Cour sont régis par un statut spécial défini par une loi organique.
Ils sont nommés par décret après avis du Conseil supérieur de la Cour des Comptes.

Art. 8. – Le premier président de la Cour est nommé par décret pour une durée de cinq (5) ans
renouvelable une fois.

Il préside l’audience plénière solennelle, les chambres réunies et les organes consultatifs. Il
peut, en outre, présider les audiences des chambres ou des commissions internes.

Il assure la direction générale de la Cour, organise et coordonne ses travaux. Il est assisté d’un
secrétaire général choisi parmi les magistrats de la Cour et nommé par décret.

Il arrête le programme annuel d’activité préparé par le comité des rapports et des programmes,
sur la base des propositions formulées en chambres. Il le communique, pour information, au
Président de la République et au Président de l’Assemblée nationale.

Il signe les arrêts et autres décisions rendus sous sa présidence.

Il fait connaître, par voie de référés, au Président de la République et aux ministres


concernés, les observations formulées par la Cour.

Il exerce les prérogatives qui lui sont dévolues par la présente loi organique par arrêté,
décision, ordonnance, ordonnance prise en chambres réunies, note ou référé.

32
Il prend, après délibération des chambres réunies, un arrêté portant règlement intérieur de la
Cour et veille à son application.

Il remet le rapport public général annuel au Président de la République et au Président de


l’Assemblée nationale.

Il dépose le rapport sur le projet de loi de règlement et la déclaration générale de conformité


sur le bureau du Président de l’Assemblée nationale, et les transmet au ministre chargé des
Finances.

Il a en charge les relations avec les institutions supérieures de contrôle des finances publiques
et leurs groupements associatifs. Il peut contracter avec les organismes qui peuvent lui confier
des missions dans le cadre des compétences et des capacités d’expertise de la Cour.

Art. 9. – Avant d’entrer en fonction, le premier président est installé au cours d’une audience
plénière solennelle, présidée par le président de chambre le plus ancien dans l’ordre de
nomination.

Il prête le serment prévu pour les magistrats de la Cour des Comptes.

Formations de la Cour

Art. 17. – Les formations de la Cour des Comptes sont :

- l’audience plénière solennelle ;

- les chambres réunies ;

- la chambre de discipline financière ;

- les autres chambres.

En cas de besoin, des sections peuvent être constituées à l’intérieur de chaque chambre.

La Cour comprend, en outre :

- le comité des rapports et des programmes ;

- la conférence des présidents et du Procureur général.

Art. 18. – La Cour des Comptes siège en audience plénière solennelle pour recevoir le
serment des magistrats et procéder à leur installation dans leurs fonctions, ou pour d’autres

33
motifs sur un ordre du jour particulier arrêté par le premier président. Y assistent l’ensemble
des magistrats du siège et du parquet.

Le greffier en chef y tient le registre des délibérations. En cas d’absence, il est suppléé par un
greffier de chambre.

Art. 19. – La Cour siège en chambres réunies pour :

- formuler des avis sur les questions importantes de procédure ou de jurisprudence.

- juger les affaires qui lui sont déférées par le premier président de la Cour, sur renvoi d’une
chambre, sur réquisitoire du Procureur général, sur renvoi après cassation ou sur recours en
révision d’un arrêt de la chambre de discipline financière ;

- adopter le texte du rapport public général annuel, le rapport sur le projet de loi de règlement
et de déclaration générale de conformité ainsi que celui de l’avis à donner par la Cour sur le
système de contrôle interne et le dispositif de contrôle de gestion mis en place par les
responsables de programmes, sur la qualité des procédures comptables et des comptes ainsi
que sur les rapports annuels de performances dressés par ces derniers ;

- statuer sur l’amende prévue à l’article 63 de la présente loi organique ;

- approuver les projets de budget de la Cour.

Les chambres réunies sont, en outre, saisies par le premier président de la Cour, à l’occasion
des affectations des magistrats au sein des différentes chambres ou pour la création de
sections dans les chambres.

Les chambres réunies se composent du premier président de la Cour, des présidents de


chambre, des chefs de section et de deux magistrats de chaque grade élus par leurs pairs pour
deux ans.

La formation des chambres réunies ne peut siéger qu’avec au moins sept de ses membres.

Elles peuvent être complétées, pour chaque affaire, par un magistrat rapporteur qui a voix
délibérative.

En cas de partage égal des voix, celle du premier président est prépondérante.

Le Procureur général est présent aux audiences des chambres réunies.

34
Le greffier en chef tient le registre des délibérations et dresse procès-verbal des séances de
chambres réunies.

Des Procédures devant la Cour

Art. 21. - Dans les conditions fixées par la loi organique sur la Cour des Comptes notamment
en son article 33, les comptables de l’Etat, des collectivités locales, des établissements
publics, des agences d’exécution, des autorités administratives indépendantes et des structures
administratives similaires produisent annuellement à la Cour leur compte de gestion ou leurs
états financiers, appuyés des pièces générales et des pièces justificatives relatives aux
opérations de recettes et de dépenses , conformément à la réglementation en vigueur.
Toutefois, la Cour peut enjoindre à un comptable public de produire les pièces
complémentaires qu’elle juge nécessaire au jugement du compte.

Peuvent être en outre vérifiés, sur place ou sur pièces, les documents justifiant les différentes
catégories de dépenses ou de recettes publiques dans les services centralisateurs.

A l’expiration du délai légal de production des comptes, le greffier en chef communique au


Procureur général un état de production des comptes.

Le Procureur général peut mettre les comptables défaillants en demeure de produire leurs
comptes dans un délai qui ne peut dépasser quinze jours.

Paragraphe 3 : Le conseil constitutionnel

Au Sénégal, la justice constitutionnelle est rendue par le Conseil constitutionnel, juridiction


spécialisée, exclusivement compétente pour apprécier la conformité des lois et des
engagements internationaux à la Constitution.

Il y a toujours eu, depuis les indépendances, une juridiction chargée de contrôler le respect de
la Constitution. Cette juridiction chargée de rendre la justice constitutionnelle a, toutefois,
connu une certaine évolution.

En 1959, durant la brève période de la Fédération du Mali, le contrôle de constitutionnalité


relevait de la Cour fédérale. Celle-ci comportait trois sections respectivement compétentes
pour exercer le contrôle constitutionnel, administratif et financier.

35
En 1960, la loi 60-045 du 26 août portant Constitution de 1960, adoptée après l’éclatement de
la Fédération du Mali, institue au Sénégal, une Cour suprême organisée par l’ordonnance n°
60-17 du 3 septembre 1960.

L’article 62 de cette loi dispose que : « La Cour suprême de la République connaît
notamment de la constitutionnalité des lois ainsi que des engagements internationaux ». Cette
compétence a été maintenue par la loi n° 63-22 du 7 mars 1963 portant Constitution du
Sénégal.

• La Cour suprême reçoit en effet les candidatures à l’élection présidentielle, arrête et publie
la liste des candidats, déclare les résultats officiels, installe le président de la République
nouvellement élu, après prestation de serment devant elle ; elle connaît aussi de la
constitutionnalité des lois et des engagements internationaux, ainsi que des conflits entre le
Législatif et l’Exécutif.

• C’est sous cette physionomie qu’elle va fonctionner jusqu’en 1992 avant d’être supprimée
par la grande réforme judiciaire du 30 mai 1992 instituant trois juridictions au sommet de la
hiérarchie : le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d’État.

Le Conseil constitutionnel va alors reprendre les attributions jadis dévolues à la Cour suprême
en matière de contrôle de la constitutionnalité des lois, tandis que le contrôle de
l’administration est confié au Conseil d’État, la Cour de cassation étant chargée de réguler
l’activité des cours et tribunaux.

La présentation du Conseil constitutionnel peut être faite à travers son organisation (I) et ses
attributions (II).

I – L’organisation du Conseil constitutionnel

L’organisation du Conseil constitutionnel renvoie à sa composition et à son fonctionnement.

Le Conseil constitutionnel est une institution publique du Sénégal, la plus haute instance du


système judiciaire. Le conseil constitutionnel comprend 7 membres nommés par le Président
de la République, dont deux sur une liste de quatre personnalités proposées par le Président de
l'Assemblée Nationale.

Le Conseil est renouvelé tous les deux ans à raison de deux membres au plus. Cependant,
contrairement aux magistrats des cours et tribunaux qui sont nommés par le président de la

36
République après avis du Conseil supérieur de la magistrature, la nomination des membres du
Conseil constitutionnel ne requiert aucun avis. Ils sont nommés par le président de la
République, sous la seule réserve du respect des conditions requises.

Les membres du Conseil constitutionnel sont, en effet, choisis parmi :

 les anciens premiers présidents de la Cour suprême ;


 les anciens procureurs généraux près la Cour suprême ;
 les anciens présidents de section à la Cour suprême, les anciens premiers avocats
généraux près la Cour suprême ;
 les premiers présidents et anciens premiers présidents des Cours d’appel ; les
procureurs, généraux et anciens procureurs généraux près les Cours d’appel.

Deux membres du Conseil sur cinq peuvent, en outre, être choisis parmi :

 les professeurs et anciens professeurs titulaires des Facultés de droit ;


 les inspecteurs généraux d’État et anciens inspecteurs généraux d’État,
 et les avocats, sous réserve d’avoir au moins vingt-cinq ans d’ancienneté dans la
fonction publique ou d’exercice de leur profession.

Avant d’entrer en fonction, le membre du Conseil constitutionnel prête serment en audience


solennelle publique. Il jure de bien et fidèlement remplir ses fonctions, de les exercer en toute
impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des
votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation à titre privé
sur les questions relevant de la compétence du Conseil constitutionnel, et de se conduire en
tout comme un digne et loyal magistrat.

• La durée du mandat est de 6 ans non renouvelable ; il ne peut être mis fin aux fonctions des
membres du Conseil constitutionnel avant l’expiration de leur mandat que sur leur demande,
ou pour incapacité physique, et dans les conditions prévues par la loi organique (article 5,
alinéa 1).

Le secrétariat du Conseil est assuré par un greffier en chef nommé par décret.

Le Conseil ne peut délibérer qu’en présence de tous ses membres, sauf empêchement
temporaire de deux d’entre eux au plus, dûment constaté par les autres membres. Si l’un des

37
membres du Conseil, temporairement empêché, est le président, le vice-président assure son
intérim.

L’indépendance des membres de la juridiction constitutionnelle, est renforcée par la


Constitution de 2001 qui dispose que : « Sauf cas de flagrant délit, les membres du Conseil
constitutionnel ne peuvent être poursuivis, arrêtés, détenus, ou jugés en matière pénale
qu’avec l’autorisation du Conseil et dans les mêmes conditions que les membres de la Cour
suprême et de la Cour des comptes ».

En outre il existe un régime d’incompatibilité : « Les fonctions de membre du Conseil


constitutionnel sont incompatibles avec :

 la qualité de membre du Gouvernement, ou d’un cabinet ministériel,


 l’exercice d’un mandat électif,
 l’exercice des professions d’avocat, d’officier ministériel, d’auxiliaire de justice et
toute activité professionnelle privée (article 6).

• Enfin, il est reconnu au Conseil constitutionnel une autonomie budgétaire avec un compte
spécial administré par le président.

La gestion des crédits du Conseil est, elle aussi, retracée dans une comptabilité spéciale ; les
dépenses effectuées échappent, par dérogation, aux règles relatives à la comptabilité de
l’État : elles sont dispensées de visa ou de tout contrôle préalable (loi organique 92-23 du 30
mai 1992 relative au Conseil constitutionnel).

II – Les attributions du Conseil constitutionnel

Il est précisé dans l’exposé des motifs de la loi organique n° 92-23 du 30 mai 1992, que :

« Le Conseil constitutionnel exercera toutes les compétences antérieurement dévolues à la


Cour suprême en matière constitutionnelle, notamment en matière de contentieux des
élections nationales, auxquelles s’ajoutera une compétence essentielle consistant à pouvoir
apprécier la conformité à la Constitution de lois déjà promulguées dont la constitutionnalité
est discutée à l’occasion d’un procès devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation ».

38
C’est ainsi que les attributions du Conseil constitutionnel sont fixées par les deux premiers
articles de la loi organique de 1992.

Le Conseil constitutionnel se prononce sur :

 la constitutionnalité des règlements intérieurs des assemblées ;


 la constitutionnalité des lois ;
 le caractère réglementaire des dispositions de forme législative ;
 la constitutionnalité des lois organiques ;
 la recevabilité des propositions de loi et amendements d’origine parlementaire ;
 la constitutionnalité des engagements internationaux ;
 les exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour suprême ;
 et sur tous les conflits de compétence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Le contrôle de constitutionnalité s’exerce à deux niveaux : a priori et par voie d’exception.

Le Conseil constitutionnel peut être saisi d’un recours visant à déclarer une loi
inconstitutionnelle, soit par le président de la République dans les six jours francs qui suivent
la transmission à lui faite de la loi définitive adoptée, soit par un nombre de députés au moins
égal au dixième des membres de l’Assemblée nationale, dans le même délai.

Le Conseil se prononce aussi par voie d’exception, conformément à l’article 2 de la loi


organique n° 92-23 du 30 mai 1992 :

« Lorsque la solution d’un litige porté devant la Cour suprême est subordonnée à
l’appréciation de la conformité des dispositions d’une loi ou des stipulations d’un accord
international à la Constitution, la haute juridiction saisit obligatoirement le Conseil
constitutionnel de l’exception d’inconstitutionnalité ainsi soulevée et sursoit à statuer jusqu’à
ce que le Conseil constitutionnel se prononce dans un délai de trois mois à compter de la date
de saisine ».

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles
s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel reçoit les candidatures à la présidence de la


République, arrête la liste des candidats, statue sur les contestations relatives aux élections du
président de la République et des députés à l’Assemblée nationale et en proclame les résultats.

39
Il reçoit le serment du président de la République et constate sa démission, son empêchement,
ou son décès, ainsi que la démission, l’empêchement ou le décès des personnes appelées à le
suppléer.

Enfin, le Conseil donne un avis lorsque le président de la République décide de soumettre un


projet de loi au référendum, ou, après dissolution de l’Assemblée nationale, constate le cas de
force majeure, pour le report de la date du scrutin.

Chapitre 4 : Les juridictions africaines

Paragraphe 1 : La Cour de justice de l’UEMOA


Installée à Ouagadougou le 27 Janvier 1995, la Cour de justice est chargée d’assurer le respect
du droit dans l’interprétation et l’application du traité instituant l’Union Economique
et Monétaire Ouest Africaine.
Organisation de la Cour
La Cour de justice de l’UEMOA est une juridiction permanente. Elle exerce ses fonctions en
Assemblée Plénière, en Chambre du Conseil, en Assemblée générale consultative et en
Assemblée intérieure. La Cour de justice nomme son Greffier pour une période de six ans
renouvelable une fois. Le Greffier prête serment devant la Cour avant d'exercer ses fonctions,
en toute loyauté, discrétion, et conscience et de ne rien divulguer des secrets dont il a la
connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. II est dressé un
procès-verbal de la prestation de serment. Les juges de la cour sont nommés pour un mandat
de 6 ans renouvelable. Ils ne peuvent être relevés de leurs fonctions que par suite d'une
décision des autres membres réunis en séance plénière. Les membres de la Cour sont choisis
parmi des personnalités offrant toutes les garanties d'indépendance et de compétence juridique
nécessaires à l'exercice des plus hautes fonctions juridictionnelles. Avant d'entrer en fonction,
les membres de la Cour prêtent serment en audience publique devant la Cour en ces termes : "
Je jure solennellement d'exercer mes fonctions de membre de la Cour de Justice de l'Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine, en toute indépendance et impartialité de façon
digne et loyale et de garder le secret des délibérations ". Procès-verbal est dressé de la
prestation de serment.

Composition de la Cour
La Cour de justice de L’UEMOA est composée 8 juges, dont un par État, nommés pour un
mandat de six ans renouvelable par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Le
mandat des membres de la Cour de Justice court à partir de leur prestation de serment. Les

40
membres de la Cour désignent, en leur sein pour trois ans, le Président de la Cour. Le
Président désigné est solennellement installé. Les membres de la Cour se répartissent entre
eux les fonctions de juges, de premier avocat général et d'avocats généraux.  Ils portent à
l'audience un costume dont les caractéristiques sont déterminées par un règlement
d'application des présents statuts. La cour siège à Ouagadougou au Burkina Faso. La Cour
peut toutefois, en cas de nécessité impérieuse, siéger et exercer ses fonctions en tout autre lieu
du territoire abritant le siège ou dans celui d'un Etat membre de l'UEMOA. 

Attributions de la Cour
La Cour de Justice veille à l'interprétation uniforme du droit communautaire et à son
application et juge, notamment, les manquements des Etats à leurs "obligations
communautaires".  Elle doit ainsi protéger l'esprit du Traité, s’assurer de sa bonne application,
construire et promouvoir le droit communautaire de l'UEMOA, afin d’instaurer au plan
économique un véritable état de droit dans l'espace UEMOA. La cour de justice de l’UEMOA
arbitre les conflits entre les Etats membres ou entre l'Union et ses agents. La Cour de justice
juge les manquements des Etats à leurs "obligations communautaires". En matière de
concurrence, Elle apprécie la légalité des décisions prises par la Commission relativement 
dans les cas d’ententes et d’abus de position dominante. Elle peut être saisie en ce sens par un
État membre ou toute personne physique ou morale intéressée.

Procédure devant la Cour


La Cour de justice de L’UEMOA est saisie selon les cas soit par une requête, soit par la
notification du compromis adressée au Président. La requête doit contenir l'indication des
noms et prénoms et du domicile élu du requérant, le cas échéant, le nom et l'adresse de l'agent
et de l'avocat constitué, la qualité du signataire, l'indication de la partie défenderesse, l'objet
du litige, les conclusions et un exposé sommaire des faits et moyens. La requête est établie,
outre l'original, en autant d'exemplaires certifiés conformes qu'il y a de parties en cause. Elle
doit être accompagnée s'il y a lieu de l'acte dont l'annulation est demandée. Le greffier
transmet au défendeur dans les meilleurs délais une copie certifiée conforme de la requête ;
dès sa réception le défendeur fait connaître à la Cour les noms et prénoms de son agent ou de
son avocat. La partie requérante, à l'exception des États membres et des organes de
l'UEMOA, est tenue de déposer au greffe de la Cour, contre récépissé un cautionnement dont
le montant est fixé par délibération de la Cour. En cas de rejet de la requête, le cautionnement
reste acquis à l'UEMOA.

41
Paragraphe 2 : La Cour Commune de Justice et d’arbitrage

Présentation de la CCJA

La Cour Commune de Justice et d’arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation en


Afrique du Droit des Affaires (CCJA) est l’institution clé de l’OHADA. Elle a été installée
depuis 1998 et a rendu ses premières décisions en 2001.

Depuis le 10 avril 2015, la CCJA se compose de treize juges élus par le Conseil des Ministres
de l’OHADA pour un mandat de 7 ans non renouvelable. Les Juges élisent en leur sein un
Président et deux vice-présidents pour un mandat de trois ans et demi non renouvelable. La
Cour a actuellement trois chambres (deux chambres de cinq juges et une troisième de trois
juges). Le traité relatif à l’OHADA, complété par un Règlement de procédure devant la
CCJA, organise le fonctionnement de la Cour et le statut de ses juges.

La Cour a son siège à Abidjan, mais elle peut siéger en tout autre endroit sur le territoire de
l’un des dix-sept Etats membres de l’Organisation. Elle a déjà tenu des audiences foraines
dans plusieurs Etats membres de l’OHADA ces dernières années. 

Fonction juridictionnelle

La principale fonction de la CCJA est juridictionnelle. À ce titre, elle est juge de cassation
dans tout litige concernant les matières relevant de la législation de l’OHADA qui, selon le
traité fondateur, couvrent actuellement neuf domaines..

 le droit commercial général : (activités de commerçant et d’entreprenant,


intermédiaires de commerce, baux commerciaux et à usage professionnel, vente
commerciale, etc.) ;
 les sociétés commerciales et les groupements d’intérêt économique. Il s’agit des
structures que choisissent les opérateurs économiques pour exercer leurs activités et
générer du profit. Au nombre des possibilités offertes aux opérateurs, on peut citer les
sociétés de personne (société en nom collectif par exemple), les sociétés de capitaux
(sociétés anonyme, par exemple) etc. Le texte applicable aux sociétés commerciales a été
révisé en 2014 ;
 le recouvrement des créances et les voies d’exécution : il s’agit des mécanismes
permettant à tout créancier de contraindre son débiteur à payer lorsque certaines conditions
sont remplies. À ce titre, on peut citer l’injonction de payer, de délivrer ou de restituer un

42
objet, les voies d’exécution proprement dites qui concernent essentiellement les saisies
(saisies conservatoires, saisie-attribution de créance, saisie des rémunérations, saisie-vente,
saisie immobilière, etc.) ; 
 les sûretés : cette matière concerne les garanties et tous les mécanismes permettant aux
créanciers de prêter de l’argent avec une certaine sérénité sur leurs chances de récupérer
leur investissement en cas de difficultés, et aux commerçants de pouvoir rassurer les
bailleurs de fonds et banquiers afin d’obtenir les financements nécessaires à leurs
activités ;
 l’arbitrage, comme mode privilégié de règlement des litiges. Le législateur de
l’OHADA est tellement préoccupé par la promotion de l’arbitrage pour le règlement des
litiges d’affaires qu’il a prévu deux mécanismes d’arbitrage dans l’espace OHADA : un
arbitrage institutionnel par le Centre d’arbitrage de la CCJA, qui est régi par un Règlement
spécifique et un arbitrage plus général régi par un Acte uniforme applicable dans les 17
pays concernés ;
 la comptabilité des entreprises ;
 les sociétés coopératives ;
 les procédures collectives, qui organisent les procédures communément appelées
faillites ;
 et enfin les transports de marchandises par route.
En tant que juge de cassation, la mission principale de la CCJA est d’assurer l’interprétation
et l’application communes des textes de l’OHADA dans les matières énumérées ci-dessus.
Elle peut être saisie d’un pourvoi en cassation contre les décisions rendues par les cours
d’appel dans ces matières et dans certains cas, contre les décisions rendues en premier et
dernier ressort par les juridictions inférieures. Elle est également juge de cassation pour les
sentences arbitrales et les décisions statuant sur les recours en annulation des sentences
rendues dans les 17 États Parties de l’OHADA. En cas de cassation d’une décision, la CCJA
peut évoquer l’affaire au fond, c’est-à-dire se substituer au juge du premier degré, examiner
l’affaire et la rejuger. 

Fonction consultative

En matière consultative, la CCJA est habilitée à rendre des Avis consultatifs, à la demande de
tout Etat Partie, du Conseil des Ministres ou d’une juridiction nationale saisie d’un litige
relatif à l’OHADA et qui est encore pendant devant elle.

43
 Fonction arbitrale

En dehors de ses attributions de juge de cassation des décisions rendues sur recours en
annulation de sentences arbitrales, la CCJA joue un rôle spécifique en matière d’arbitrage
institutionnel. Elle administre les procédures et statue en cassation sur les recours en
contestation de validité.

Arbitrage institutionnel de l'OHADA


D’une part, la CCJA administre les arbitrages institutionnels sous son égide, notamment en :

 arrêtant la liste des arbitres ;


 désignant et/ou confirmant les arbitres et en organisant les procédures arbitrales sans
ingérence au fond.
D’autre part, la CCJA exerce des compétences juridictionnelles pour les arbitrages. À ce titre,
elle ordonne l’exequatur des sentences rendues sous son égide et, en cas de recours en
contestation de validité d’une sentence arbitrale, statue en assemblée plénière. Le centre
d’arbitrage fait partie intégrante de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Il est
supervisé par un Secrétaire général sous la direction du Président de la Cour. 

Paragraphe 3 : La Cour de Justice de la Communauté économique des Etats d’Afrique


de l’Ouest
La Cour de Justice de la Communauté a été créée conformément aux dispositions des articles
6 et 15 du Traité révisé de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (la
CEDEAO).
Initialement conçu comme le «Tribunal de la Communauté » dans le traité de 1975, la Cour
de Justice de la Communauté de la CEDEAO (CJCC) est la suite d’un Protocole de 1991
adopté par les chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO. La CJCC est actuellement
établie par les articles 6 et 15 de la version révisée du Traité de 1993 de la CEDEAO.
Suite à des modifications apportées à son Protocole original dans le Protocole complémentaire
de la Cour de 2005, la compétence de la CJCC est maintenant étendue pour couvrir les cas de
violations portant sur les droits de l’homme dans les Etats membres de la CEDEAO. Le
protocole complémentaire ne nécessite pas les candidats à épuiser les recours internes comme
une condition préalable pour engager des actions relatives à des violations des droits de
l’homme devant la Cour. Plus de 85% des cas conclus par la CJCC dès Décembre 2009

44
étaient liés aux allégations de violations des droits de l’homme au sein des États membres de
la CEDEAO.
La Cour est composée de sept juges indépendants qui sont des personnes de haute moralité,
désignés par l’autorité des chefs d’Etat et de gouvernement, d’une liste d’au trop deux
personnes nommées par chaque État membre, pour un mandat de quatre ans, sur
recommandation du Conseil de la Magistrature de la Communauté.
Mandat
Le mandat de la Cour est d’assurer le respect de la loi et principes d’équité, dans
l’interprétation et l’application des dispositions du Traité révisé et tous les autres instruments
juridiques subsidiaires adoptés par la Communauté.
Juridiction
Compétence contentieuse : La Cour a compétence pour entendre les causes contre les États
membres de la CEDEAO, qui ont manqué à leurs obligations en vertu de toute loi qui est
applicable dans la cour ; elle a aussi compétence pour interpréter et appliquer les dispositions
de la Charte africaine, afin d’assurer la protection des victimes de violations des droits de
l’homme.
La Cour intervient au cas des litiges entre les institutions de la Communauté et leurs
personnels; elle a aussi la compétence de traiter les cas relatifs à la responsabilité pour ou
contre la Communauté.
La Cour adjuge et fait des déclarations sur la légalité des règlements, directives, décisions, et
autres instruments juridiques subsidiaires adoptés par la CEDEAO.
Compétence consultative : La Cour rend un avis consultatif sur toute question juridique qui
nécessite une interprétation du texte communautaire.
Compétence en matière d’arbitrage : La Cour est compétente pour agir comme arbitre, en
attendant la création d’un tribunal d’arbitrage, prévu à l’article 16 du Traité révisé.
Comment accéder à la CJCC
La Cour applique le traité, les conventions, protocoles et règlements adoptés par la
Communauté et les principes généraux du droit énoncés à l’article 38 du Statut de la Cour
internationale de Justice.
Les décisions de la Cour ne sont pas susceptibles d’appel, sauf en cas de demande de révision
par la Cour. Les décisions de la Cour peuvent également être soumises à l’objection de la part
des tiers ; elles sont contraignantes et chaque État membre doit indiquer l’autorité nationale
compétente chargée de l’exécution des décisions de la Cour.

45
Les affaires juridiques sont déposées devant la Cour par le biais des demandes écrites et
adressées au registre. Ces demandes doivent indiquer le nom de la requérante, la partie contre
laquelle la procédure est engagée, un bref exposé des faits de la cause, et les commandes
requises par le demandeur.
La Cour peut être consultée par tous les États membres, l’Autorité des Chefs d’Etat et de
gouvernement et des autres institutions de la CEDEAO; des personnes physiques et morales,
pour tout acte de la Communauté, qui viole leurs droits; le personnel de l’une des Institutions
de la CEDEAO; les personnes victimes de violation des droits de l’homme commises dans un
État membre; les tribunaux nationaux ou toutes parties à une affaire, lorsque de tels tribunaux
ou parties demandent que la Cour de la CEDEAO interprète, pour des raisons préliminaires, la
signification d’un instrument juridique de la Communauté.
Dans le domaine de la protection des droits de l’homme, la Cour applique aussi, entre autres,
les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et ratifiés par l’État ou les États
parties à l’affaire.
Paragraphe 4 : La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (la Cour) est une cour régionale
créée par les pays africains afin d’assurer la protection des droits de l'homme et des peuples,
des libertés et des devoirs en Afrique. Elle complète et renforce les fonctions de la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples..

La Cour a été créée en vertu de l'article 1 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples (le Protocole).

En septembre 1995, un projet de document sur la Cour africaine des droits de l’homme a été
élaboré à l’issue d’une réunion d’experts organisée au Cap, en Afrique du Sud, par le
Secrétariat de l’OUA, en collaboration avec la Commission africaine et la Commission
internationale des Juristes.

Après une série de réunions, le projet de Protocole avait été adopté, en décembre 1997, par la
Conférence des Ministres de la Justice/Procureurs généraux de l’OUA.

Le 10 juin 1998, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation de


l’Unité africaine (OUA), réunie à Ouagadougou, Burkina Faso, a adopté le Protocole à la
Charte africaine portant création de la Cour africaine. Le Protocole est entré en vigueur le 25
Janvier 2004, après avoir été ratifié par plus de 15 pays.

46
Le Protocole établissant la Cour africaine prévoit qu’une fois qu'un État a ratifié le Protocole,
il doit aussi faire une déclaration spéciale acceptant la compétence de la Cour africaine pour
permettre aux citoyens se saisir directement la Cour. À ce jour neuf pays seulement ont fait
une telle déclaration. Ces pays sont le Benin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le
Ghana, le Malawi, le Mali,  la Tanzanie et la Tunisie.
La Cour a compétence pour connaitre de toutes les affaires et les différends dont elle est saisie
concernant l'interprétation et l'application de la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples (la Charte), du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de
l'homme ratifié par les Etats concernés.

La Cour se compose de onze juges, ressortissants des États membres de l'Union africaine. Il
ressort des directives de l’UA relatives à la désignation et à l’élection des candidats au poste
de juge que la Cour a le nombre suivant de juges de chaque région : Est (2), Nord (2), Centre
(2), Ouest (3) et Sud (2). La Cour ne peut comprendre deux juges de la même nationalité.

Les premiers juges de la Cour ont été élus en Janvier 2006, à Khartoum, au Soudan. Ils ont
prêté serment devant l'Assemblée des Chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine, le
2 Juillet 2006, à Banjul, en Gambie. Les juges de la Cour sont élus, après leur nomination par
leurs Etats respectifs, à titre personnel parmi des juristes africains jouissant d’une très haute
autorité morale, et d'une compétence et d’une expérience judiciaires ou académiques
reconnues dans le domaine des droits de l'homme.

Les juges sont élus pour une période de six ou quatre ans et sont rééligibles une seule fois. Les
juges de la Cour élisent parmi eux un président et un vice-président de la Cour pour un
mandat de deux ans. Ils ne peuvent être réélus qu'une seule fois. Le Président de la Cour
exerce ses fonctions à temps plein et réside au lieu du siège de la Cour, tandis que les dix
autres (10) juges travaillent à temps partiel. Dans l'exercice de ses fonctions, le Président est
assisté par un greffier qui exerce les fonctions de gestion administrative du Greffe de la Cour.

En vertu du Protocole (Article 5) et du Règlement intérieur de la Cour (Article 33), la Cour


peut recevoir des plaintes et /ou des requêtes qui lui sont soumises, soit par la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples ou par les Etats parties au Protocole ou des
organisations intergouvernementales africaines. Les organisations non gouvernementales
jouissant du statut d'observateur auprès de la Commission africaine des droits de l'homme et
des peuples et des individus ressortissant des États qui ont fait une déclaration acceptant la
compétence de la Cour peuvent également saisir directement la Cour.

47
La Cour a rendu son premier jugement en 2009 suite à une requête en date du 11 août 2008
introduite par M. Michelot Yogogombaye contre la République du Sénégal. 

Chapitre 5 : Les juridictions internationales

Section 1 : La Cour internationale de Justice 

La Cour internationale de Justice ou CIJ (en anglais, International Court of


Justice ou ICJ), siégeant à La Haye (Pays-Bas) dans le palais de la Paix, est établie par
l'article 92 de la Charte des Nations unies : La Cour internationale de Justice constitue
l'organe judiciaire principal des Nations unies. Elle fonctionne conformément à un Statut
établi sur la base du Statut de la Cour permanente de Justice internationale et annexé à la
présente Charte dont il fait partie intégrante. Elle a pour principales fonctions de régler des
conflits juridiques soumis par les États et de donner un avis sur des questions juridiques
présentées par des organes et agences internationaux agréés par l'Assemblée générale des
Nations unies.

Elle a été créée en 1945, après la Seconde Guerre mondiale, pour remplacer la Cour
permanente de justice internationale (CPJI), instaurée par la Société des Nations (SDN). Elle a
comme langues officielles le français et l'anglais.

Organisation

Le statut de la CIJ est calqué sur celui de la Cour permanente de justice internationale (CPJI).
Il lui donne les instruments nécessaires pour appliquer le droit international, même si l'activité
juridictionnelle de la CIJ reste tributaire du consentement des États. La CIJ est l'un des six
organes principaux de l'ONU. Elle est son seul organe judiciaire, ce qui la rend souveraine
dans son ordre juridique. Elle a compétence universelle, puisque tous les membres des
Nations unies sont de ce fait partis à son statut. Les États n'appartenant pas à l'ONU peuvent
devenir parties au Statut sous certaines conditions. C'est un organe permanent composé de
15 juges élus pour 9 ans par un double scrutin de l'Assemblée générale et du Conseil de
sécurité. Pour être élu, un candidat doit obtenir la majorité absolue dans ces deux organes. Les
juges sont renouvelés par tiers, pour assurer une continuité de jurisprudence.

La CIJ jouit de garanties d'indépendance, d'impartialité et de compétence :

 principe d'indépendance : répartition géographique équitable des juges (Afrique : trois,


Amérique latine : deux, Europe occidentale et Amérique du Nord : cinq, Europe
orientale : deux, Asie : trois ; la Cour ne peut comprendre plus d'un ressortissant du même

48
État) ; une partie peut choisir un juge ad hoc quand l'autre partie compte un juge de sa
nationalité au sein de la Cour ;
 principe de collégialité : en règle générale, la Cour exerce ses fonctions en séance
plénière, mais depuis la réforme de 1975, il est possible de former des chambres d'au
moins trois membres ; les arrêts sont adoptés à la majorité des juges présents ; ils sont
motivés, signés, avec possibilité d'opinion dissidente (désaccord sur le dispositif, c'est-à-
dire l'exposé par laquelle la Cour tranche le différend) ou individuelle (désaccord sur la
motivation de l'arrêt) ;
 protection des magistrats : un membre de la Cour ne peut être relevé de sa fonction
qu'au jugement unanime des autres membres ;
 impartialité : les membres de la Cour ne peuvent exercer aucune activité
professionnelle annexe, et ne peuvent participer au règlement d'aucune affaire où ils sont
antérieurement intervenus, à quelque titre que ce soit.
Compétence

Compétence contentieuse

Seuls les États ont qualité pour agir dans le cadre de la compétence contentieuse. Ni
en 1921 ni en 1945, les États n'ont voulu limiter leur souveraineté en créant une juridiction
obligatoire de règlement des conflits. La CIJ n'est compétente que lorsque les parties se
soumettent à sa juridiction. Il existe trois moyens d'y parvenir :

1. Les deux parties concluent un compromis, convenant de soumettre leur différend à la


Cour ; ce mode de saisine se rapproche assez du compromis d'arbitrage ;
2. Certains traités ou conventions comportent des clauses compromissoires énonçant que
les litiges concernant l'interprétation ou l'application du traité devront être soumis à la
CIJ ; exemple : le traité liant les États-Unis et le Nicaragua, ce qui a donné la célèbre
décision Nicaragua c. États-Unis de 1986 (activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci) ;
3. Un État peut souscrire à une déclaration facultative de juridiction obligatoire (article
36-2 du statut de la CIJ) ; cette déclaration peut se faire purement et simplement, sous
condition de réciprocité, ou pour un délai de réciprocité ; des réserves (excluant
certains domaines de litiges) sont également possibles ; fin 1999, seuls 58 États sur
185 ont souscrit à une telle déclaration ; ils sont 72 fin 2015
Compétence consultative

49
La compétence contentieuse de la CIJ est limitée aux États. Mais dans le cadre de la
compétence consultative de celle-ci, l'Assemblée et le Conseil de sécurité peuvent lui adresser
des questions. Cette compétence s'étend aux autres organes et institutions de l'ONU
(UNESCO, OIT, etc.), après accord de l'Assemblée. Les États, eux, sont exclus de la
compétence consultative. Comme leur nom l'indique, les avis ne possèdent pas de portée
obligatoire. Ce caractère non contraignant ne signifie pas que les avis consultatifs sont sans
effet juridique, parce que le raisonnement juridique qu'ils consacrent reflète les opinions
autorisées de la Cour sur des questions importantes de droit international. De plus, la Cour
suit essentiellement les mêmes règles et procédures qui régissent ses jugements contraignants
rendus dans des affaires contentieuses. Un avis consultatif tire son statut et son pouvoir du fait
que c'est la déclaration officielle de l'organe judiciaire principal des Nations unies. Dans le
cadre de cette procédure, la Cour peut décider souverainement qu'il n'est pas opportun qu'elle
se prononce.

Section 2 : La Cour pénale internationale 

La Cour pénale internationale (CPI ; en anglais International Criminal Court ou ICC) est


une juridiction pénale universelle permanente chargée de juger les personnes accusées
de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d'agression et de crime de guerre. Elle est
d'ailleurs la première et seule juridiction pénale internationale permanente et à vocation
universelle, les autres juridictions pénales internationales voyant leur compétence ratione
loci et ratione temporis encadrées.

Le Statut de Rome est le traité international qui a fondé la Cour pénale internationale. Il est


adopté lors d'une conférence diplomatique réunissant les représentants des États adhérant
aux Nations unies, dite Conférence de Rome, qui se déroule du 15 juin au 17 juillet
1998 à Rome, en Italie. Il entre en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification par 60 États :
la Cour pénale internationale est alors officiellement créée. Cependant, la compétence de la
Cour n’étant pas rétroactive, elle traite les crimes commis à compter de cette date.

Le siège officiel de la Cour est situé à La Haye, aux Pays-Bas. Depuis le 4 mars 2016, 123
États sur les 193 États membres de l'ONU ont ratifié le Statut de Rome et acceptent la
compétence de la CPI (dont tous les États de l'Union européenne). Cependant, trente-deux
États supplémentaires, dont la Russie et les États-Unis, ont signé le Statut de Rome mais ne
l’ont pas ratifié. Certains, dont la Chine et l’Inde, émettent des critiques au sujet de la Cour et
n’ont pas signé le Statut.

50
Composition

La CPI est composée de quatre organes :

 La présidence : elle se compose d'un président et des premier et second vice-


présidents. Ils sont élus à la majorité absolue par les juges pour un mandat renouvelable
de trois ans. La présidence est chargée de la bonne administration de la Cour, à l'exception
du bureau du procureur (de manière à garantir l'indépendance de ce dernier). Les dix-huit
juges sont élus pour 9 ans, non renouvelables.
 Les Chambres : elles se chargent des fonctions judiciaires (juger les prévenus). Les
Chambres sont composées de juges qui sont élus par les États parties pour un mandat
d'une durée de trois, six ou neuf ans. Tous les juges sont originaires des États parties. Les
chambres sont au nombre de trois :
o La Chambre préliminaire : elle étudie la validité des requêtes et autorise ou non
le début d'une procédure d'enquête pouvant déboucher sur un procès. En amont, elle
établit notamment le « contexte historique » des crimes, fixe certains délais ou encore
limite le nombre de témoins. 
o La Chambre de première instance : elle juge les affaires validées par la
Chambre préliminaire.
o La Chambre d'appel : elle juge les affaires portées en appel contre un jugement
rendu pour la Chambre préliminaire ou de première instance.
 Le bureau du procureur : il se compose du procureur, élu pour 9 ans par l'AEP, et de
procureurs adjoints. Le rôle du procureur est d'ouvrir et de diriger les enquêtes, de
proposer l'inculpation des accusés aux Chambres et de rassembler des preuves à présenter
lors des procès, où il mène l'accusation. Le bureau du procureur est un organe
indépendant de la présidence et du greffier, et gère en autonomie son budget et son
organisation. Le procureur a un pouvoir discrétionnaire à l'heure d'ouvrir une enquête, et
est le seul à pouvoir le faire, de son propre chef ou sur demande du Conseil de sécurité
des Nations unies.
 Le greffe : il est chargé des aspects non judiciaires, telle la gestion des preuves. Il est
dirigé par le greffier qui est élu à bulletin secret, à la majorité absolue des juges. Il est
sous l’autorité du président de la Cour.
Compétence

51
Conformément au Statut de Rome :

 Elle juge des individus. C'est là l'innovation principale par rapport à la Cour
internationale de justice qui ne juge que les États.
 Sa compétence n'est pas rétroactive : les crimes doivent avoir été commis après
l'entrée en vigueur de son statut (1 er juillet 2002). Il n'y a pas de prescription pour les
crimes commis après l'entrée en vigueur de son statut.
 Sa compétence matérielle concerne les crimes de génocide, crimes contre l'humanité,
crimes de guerre et crimes d'agression (article 5 du Statut) :
o Crime de génocide : actes ayant pour but de détruire, en tout ou en partie, un
groupe national, ethnique, racial ou religieux (article 6).
o Crime contre l'humanité : actes graves commis contre une population civile
dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population
civile, ou une persécution pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique,
culturel, religieux ou sexiste (article 7).
o Crime de guerre : les infractions graves aux conventions internationales de
Genève, violations graves de l'article 3 commun aux conventions de Genève en cas de
conflit armé ne présentant pas un caractère international, ou violations graves des lois
et coutumes applicables aux conflits armés présentant un caractère international ou
non, dans le cadre établi du droit international (article 8).
o L'AEP a défini le crime d'agression par un amendement le 11 juin 2010 à
Kampala. Elle le définit comme l’emploi par un État de la force armée contre la
souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de
toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations unies.Conformément à
l'article 121 du Statut de Rome, l'amendement entre en vigueur 1 an après le dépôt
d'instruments de ratification d'un État. Il entrera en vigueur pour tous les États parties
au Statut de Rome 1 an après que sept huitièmes d’entre eux auront ratifié
l'amendement (en vigueur depuis juillet 2018).

52
53

Vous aimerez peut-être aussi