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Université de la Manouba

Institut supérieur de comptabilité et d’administration des entreprises

Cours d’Expertise judiciaire


Première année du mastère professionnel en comptabilité et fiscalité
Année universitaire 2023-2024

Titulaire du cours : Nawel Belhaj

1
Sommaire

Introduction

Première partie : La mission de l’expertise judiciaire


Chapitre 1 : la réalisation de la mission d’expertise judiciaire
Chapitre 2 : les règles relatives à l’expert judiciaire

Deuxième partie : L’expertise judiciaire en matière fiscale


Chapitre 1 : les procédures en cas de vérification sommaire
Chapitre2 : les procédures en cas de vérification approfondie

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En l’absence d’éléments de fait suffisants pour trancher le litige, le juge peut,
s’il estime nécessaire d’être éclairé sur des questions d’ordre technique,
ordonner diverses mesures d’instruction tel que le recours à l’expertise
judiciaire qui peut être définie selon le répertoire pratique de Dalloz comme
suit : « L’expertise est l’opération confiée par le juge à des gens expérimentés
dans un métier, dans un art, dans une science ou possédant des notions sur
certains faits, sur certaines questions, afin d’obtenir d’eux des renseignements
dont il croit avoir besoin pour la décision d’un litige et qu’il ne peut se procurer
lui-même ».

De son côté la cour de cassation française définit l’expertise judiciaire comme


étant « un acte ordinaire d’instruction, qui est de droit commun et que toute
juridiction a le droit d’ordonner par suite du principe qui confère aux juges la
faculté de recourir à tous les moyens propres à les éclairer dans la mesure qui
n’est pas prohibé par la loi » (crim 12 mars 1957bull, crim°110).

L’objet de l’expertise judiciaire est d’obtenir des personnes qualifiées désignées


à cet effet, des éclaircissements et des avis sur des questions d’ordre technique
échappant à la compétence du juge.

Le législateur tunisien n’a prévu aucune définition à l’expertise judiciaire, il


s’est limité à reconnaitre dans le code de procédures pénales et le code de
procédures civiles et commerciales que l’expertise se limite à des questions
d’ordre technique.

Reconnue comme une mesure d’instruction, l’expertise est présentée comme


une pratique qui articule un savoir disciplinaire donné et une question concrète
dans un cadre juridique et procédural déterminé dans la mesure où elle ne doit

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être prévue que dans le cas où des constatations ou une consultation ne
pourraient suffire à elles seules à éclairer le juge.

L’expertise qui doit reposer sur le respect des exigences juridiques et judiciaires
peut être présentée comme tel : « l’expertise judiciaire peut être entendu, dans
un sens générique et extensif, comme l’ensemble des formes que prend
l’introduction d’une rationalité technico-scientifique dans l’institution, le
processus et la décision judiciaire. »1 cela signifie que l’expertise est une
mesure d’instruction qui doit être prévue afin d’apporter des éclaircissements
sur des points précis dans une spécialité technique ou scientifique donnée.

Dans le cadre de la présentation générale de l’expertise judiciaire il est


intéressant de revenir sur les différentes caractéristiques qu’elle revêt :

-l’expertise judiciaire est un acte d’instruction : l’article 86 du CPCC dispose


que : « le tribunal peut, s’il le juge nécessaire ordonner toute mesure
d’instruction telles que l’enquête, le transport sur les lieux, l’expertise,
l’inscription de faux ou toute autre mesure utile à la manifestation de la
vérité » aussi l’article 101 du CPP prévoit que : « le juge d’instruction peut,
lorsque les circonstances paraissent l’exiger, commettre un ou plusieurs
experts, pour procéder à des vérifications d’ordre technique qu’il précise ».
D’après ces 2 articles, l’expertise judiciaire est un acte d’instruction qui vise
l’établissement de la preuve ou qui s’inscrit dans formation et la constitution
de l’intime conviction du juge.

-l’expertise a un caractère facultatif : le juge peut l’ordonner d’office en dehors


de toute demande des parties et il peut aussi la refuser même si elle a été
demandée par les parties à condition que le refus soit motivé.

1
L.Dumoulin : « L’expertise judiciaire dans la construction du jugement : de la ressource à la contrainte ». Droit
et société 44-45/ 2000, p 202

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-l’expertise judiciaire est une voie de procédure incidente c’est-à-dire qu’elle ne
peut avoir lieu qu’à l’occasion d’une instance déjà engagée.

-selon l’article 101 du CPCC le choix des experts est laissé à la libre appréciation
du juge.

-l’expertise est une mesure purement technique puisque le tribunal n’y fait
recours que pour avoir des éclaircissements d’ordre technique. L’expert ne
peut porter d’appréciations juridiques.

-selon l’article 112 du CPCC « l’avis de l’expert ne lie pas le tribunal » ce qui
signifie que l’expertise judiciaire a un caractère relatif.

-l’expertise judiciaire n’est soumise à aucune procédure particulière, elle se


caractérise par l’absence de formalités substantielles.

- l’expert n’est pas un professionnel du droit, son identité se construit autour de


la maitrise d’une spécialité technique ou scientifique. C’est un auxiliaire de la
justice qui tient son pouvoir de la décision qui l’a désigné. Cette qualité cesse
avec l’expiration de sa mission.

Après cette brève présentation de l’expertise judiciaire, il sera question dans ce


cours d’évoquer les différentes règles relatives à l’expertise judiciaire en
matière fiscale (deuxième partie) après une présentation générale de la mission
d’expertise judiciaire (première partie).

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Première partie : La mission d’expertise judiciaire :

Il est très fréquent que le juge fasse recours à l’expertise judiciaire vu la


complexité de plus en plus grande de certains contentieux (cybercriminalité,
délinquance économique et financière, responsabilité médicale…) et les
possibilités offertes par les nouveaux moyens technologiques quant à
l’établissement de preuves, ce qui porte à un plus haut degré l’intérêt
particulier de l’expertise dans la résolution des litiges.

En tant que mesure d’instruction, la mission d’expertise doit suivre une


certaine ligne procédurale pour sa réalisation (chapitre 1), par l’expert
judiciaire (chapitre2).

Chapitre 1 : la réalisation de la mission d’expertise :

L’expertise judiciaire se déroule à un moment précis, elle peut être demandée


avant le procès ou au cours du procès, pour permettre de statuer
convenablement au cours d’une instruction ou d’un procès. Dans son
déroulement la mission d’expertise connait plusieurs étapes :

I : La désignation de l’expert :

La désignation de l’expert constitue l’étape primordiale pour une mission


d’expertise judiciaire.

En matière civile le choix de l’expert peut être laissé aux parties mais à défaut
d’entente, c’est le juge qui le désigne comme le prévoit l’article 101 du CPCC :
« ‘s’il est nécessaire de procéder à une expertise et à défaut d’entente entre les
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parties sur le choix de l’expert, le juge le désigne ». Cependant, si l’Etat ou une
autre collectivité publique est partie à un procès, l’expertise ne peut se faire
que par trois experts, à moins que les parties ne consentent qu’il y soit procédé
par un seul.

La décision de désignation de l’expert ou des experts doit comporter un certain


nombre de mentions obligatoires :

-la mission avec toutes les précisons ainsi que les diverses opérations à
accomplir : le juge décrit précisément les opérations que doit mener l’expert. Il
indique également les éléments et les faits sur lesquels l’expertise doit porter
et sur lesquels l’expert doit se prononcer.

-le montant de la provision à avancer à l’expert sur les frais de l’expertise et la


désignation de la partie qui en est tenue. A défaut de consignation dans le délai
et selon les modalités imparties, la désignation de l’expert est caduque à moins
que le juge et à la demande d’une des parties tout en se prévalant d’un motif
légitime, n’en décide autrement, c’est ce qui est prévu par l’article 104 du
CPCC : « à défaut de versement par la partie désignée ou par toute autre partie
de la provision dans le délai imparti, l’expert n’est pas tenu d’accomplir sa
mission. La partie défaillante est, en conséquence et sauf cas de force majeure,
déchue du droit de se prévaloir de la décision commettant l’expert.

-le délai imparti pour le dépôt du rapport d’expertise au greffe qui ne doit
dépasser les trois mois avec une possibilité de prorogation une seule fois et
pour le même délai de trois mois à condition que cette demande de
prorogation soit accordée par une décision motivée sur la demande expresse
du ou des experts selon les cas.

Une fois désigné l’expert est dans l’obligation d’accepter la mission qui lui a été
confiée et ce selon les termes de l’article 9 de la loi n°93-61 du 23 juin 1993
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relative aux experts judiciaires. Cependant, il peut et dans les cinq jours qui
suivent la réception de la mission qui lui a été confiée demander à en être
déchargé, et ce pour l’un des motifs suivants : le degré de parenté avec l’une
des parties, l’état de santé, la surcharge dans les taches que l’expert assume, le
déplacement à l’étranger… Dans ce cas, le président du tribunal ou son
délégué pourvoit à son remplacement.

En matière pénale le juge d’instruction et selon l’article 101 du CPP peut,


lorsque les circonstances paraissent l’exiger, commettre un ou plusieurs
experts, pour procéder à des vérifications d’ordre technique qu’il précise. Cette
désignation, et sauf cas d’urgence, est notifiée au procureur de la République, à
la partie civile, et à l’inculpé.

Que ça soit en matière civile ou en matière pénale, l’expert peut faire l’objet
d’une procédure de récusation. En matière civile la récusation peut être
exercée contre l’expert. Les motifs de récusation de l’expert sont les mêmes
que ceux de reproche du témoin. La récusation doit avoir lieu dans un délai ne
dépassant pas cinq jours dont le point de départ est la date où la partie a eu
connaissance de la nomination. La récusation de l’expert est inopérante si le
motif de récusation est le fait de la partie qui l’invoque et ce, postérieurement
à sa nomination. En revanche, si les motifs de la récusation se sont produits à
l’expiration du délai de cinq jours sus indiqué et sont étrangers à la partie qui
les invoque ou si cette partie démontre qu’elle n’en a eu connaissance qu’après
l’expiration de ce délai, la récusation est admise.

En matière pénale, le procureur de la République, la partie civile ou l’inculpé


peuvent dans les quatre jours qui suivent la désignation de l’expert par le juge
d’instruction faire valoir contre ce choix leurs motifs de récusation. Le juge
apprécie et statue sans appel par ordonnance.

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II : Convocation des parties :

L’expert désigné doit adresser une convocation à toutes les parties citées dans
la décision de désignation par lettre recommandée avec accusé de réception tel
qu’il est énoncé dans l’article 110 du CPCC : « l’expert procède « à ses
opérations » en présence ou en l’absence des parties dument appelées par
lettre recommandée avec accusé de réception ».

L’expert est dans l’obligation de convoquer dans un délai suffisant les parties à
toutes les opérations d’expertise. Il n’y a pas de délai minimum, mais il
convient de laisser un temps suffisant entre la convocation et la tenue de la
réunion. La présence des parties, ou du moins leur convocation aux opérations
d’expertise est une formalité substantielle dont l’inobservation entrainerait la
nullité de l’expertise.

III : Réunion d’expertise :

Lors de la réunion, l’expert doit tout d’abord se présenter et faire émarger la


fiche de présence tout en demandant les pièces d’identités de chaque
personne présente. Il doit par la suite procéder à la lecture de la mission,
interroge les parties pour vérifier que cette mission correspond à leur demande
et il est d’usage de donner la parole en premier lieu au demandeur.

De leur part les parties ne doivent pas discuter entre elles et ne doivent
s’adresser qu’à l’expert, elles peuvent donner, le cas échéant, les coordonnées
des personnes qu’elles souhaitent faire entendre en qualité de sachant par
l’expert.

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L’expert doit toujours utiliser un langage intelligible adapté à ses
interlocuteurs, comme il ne doit pas s’impliquer dans le conflit. Il doit
également demander aux parties l’autorisation de procéder à toutes
investigations qu’il jugerait nécessaires.

Tout au long de la réunion, l’expert doit s’assurer que tous les moyens qui lui
sont donnés sont suffisants pour aboutir à des conclusions sérieuses, tout en
veillant à ce que chacun puisse s’exprimer à son tour sans être interrompu.

IV : Opérations techniques :

Dès que la mission est acceptée par l’expert, il est dans l’obligation de
commencer à accomplir les diligences que la mission exige.

L’expert est dans l’obligation de consulter l’ensemble des documents


indispensables à l’accomplissement de la mission et de procéder à toutes les
investigations nécessaires sans dépasser les limites prescrites par le juge pour
l’accomplissement de la mission qui demeure le seul habilité à procéder à des
qualifications d’ordre juridique tandis que l’expert se contente de livrer des
appréciations de faits dans la mesure où la mission de l’expert est purement
technique.

En fin de mission, l’expert désigné doit dresser un rapport écrit et détaillé sur le
déroulement de la mission. Il doit mentionner la présence ou l’absence des
parties tout en reproduisant leurs déclarations dument signées par elles.

L’expert doit indiquer avec précision son point de vue technique en le


motivant. Si l’expertise a été faite par plusieurs experts chacun d’eux peut
dresser un rapport séparé comportant son avis motivé.

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L’expert doit répondre à tous les points de sa mission. Ses conclusions doivent
être formulées clairement, lorsqu’il propose plusieurs solutions alternatives. Il
n’est pas interdit à l’expert de noter ses préférences.

Pour des considérations d’ordre pratique, il est recommandé d’inclure une


table de matières, généralement appréciée de la part des magistrats pour la
bonne lisibilité du rapport.

Les rapports et tous documents et pièces qui lui ont été remis doivent être
déposés au greffe du tribunal.

Le dépôt du rapport définitif entraine automatiquement le dessaisissement de


l’expert.

Chapitre 2 : les règles relatives à l’expert judiciaire :

Le législateur tunisien a prévu plusieurs règles juridiques relatives à l’expert


judiciaire, ces règles se rapportent essentiellement au statut de l’expert (I), son
domaine d’intervention (II) ainsi que sa responsabilité juridique (III) ses droits
et ses obligations (IV).

I : Le statut de l’expert :

Le statut de l’expert judiciaire a été organisé par la loi n°93-61 telle que
modifiée par la loi n°2010-33 du 21 /06/2010.

Selon l’article 3 de cette loi, la liste des experts judiciaires contient deux
tableaux :

-un tableau « B » dans lequel sont inscrits les experts habilités à exercer leurs
missions au niveau régional. Ils ne peuvent être désignés que par les instances
judiciaires du ressort de la cour d’appel du lieu de leur activité.

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-un tableau « A » dans lequel sont inscrits les experts habilités à exercer leurs
missions au niveau national et qui peuvent être désignés par les différentes
instances judiciaires de la République.

Le technicien souhaitant être désigné comme expert judiciaire doit s’inscrire


sur l’une des 2 listes après avoir répondu aux conditions d’inscription requises.
Ces conditions diffèrent selon que le candidat postule pour le tableau « A »(B)
ou pour le tableau« B »(A), tout en suivant certaines formalités et procédures
d’inscription (C).

A : les conditions requises pour l’inscription au tableau « B » :

Elles sont prévues par l’article 4 de la loi n°93-61 du 23 juin 1993, tel qu’abrogé
et remplacé par la loi n°21 juin 2010.

Cet article prévoit des conditions spécifiques aux personnes physiques


auxquelles s’ajoutent des conditions particulières aux personnes morale :

1 : Pour les personnes physiques : l’article 4 (nouveau) de la loi 93-61 prévoit


sept conditions :

-La nationalité : le candidat doit être de nationalité tunisienne

-la moralité : tout candidat doit jouir de ses droits civils et politiques, ne doit
pas avoir été déclaré en état de faillite, ni condamné par une décision définitive
pour crime ou délit intentionnel ou par une décision disciplinaire pour atteinte
à l’honneur.

-la qualification : le candidat doit être titulaire d’un diplôme délivré par un
établissement d’enseignement supérieur dans la discipline requise. Toutefois,
celui qui ne remplit pas cette condition peut être inscrit, à titre exceptionnel,
s’il prouve sa compétence d’exercer les travaux d’expertise et qu’un manque
en experts diplômés dans la spécialité requise soit établi.
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-l’expérience : le candidat doit avoir exercé une profession ou une activité dans
la spécialité objet de la demande d’inscription pendant cinq ans au moins pour
le titulaire d’un diplôme et de dix ans pour les autres.

-absence des causes d’incompatibilité : l’expert judiciaire ne doit exercer


aucune activité incompatible avec l’indépendance nécessaire à l’exercice de
missions d’expertise judiciaire.

-la résidence : l’expert judiciaire doit être résident en Tunisie

-la capacité : l’expert judiciaire doit être apte physiquement et mentalement à


accomplir toute mission à lui confier.

2 : Pour les personnes morales : l’article 4 (nouveau) de la loi 93-61 prévoit des
conditions devant être remplies par les dirigeants et celles devant être remplies
par la personne morale.

a-Conditions devant être remplies par les dirigeants : les dirigeants de la


personne morale doivent remplir les mêmes conditions requises pour
l’inscription des personnes physiques.

b-Conditions devant être remplies par la personne morale :

- la personne morale doit avoir exercé une activité dans la spécialité objet de
la demande d’inscription, pendant cinq ans au moins.

-l’activité de la personne morale ne doit pas être incompatible avec


l’indépendance nécessaire à l’exercice de missions d’expertise judiciaire.

-la personne morale doit disposer de moyens techniques et humains


nécessaires à l’accomplissement des missions qui lui sont confiées.

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-la personne morale doit avoir son siège social ou celui de l’une de ses
succursales liées à sa spécialité, dans le ressort du tribunal où elle a fait sa
demande d’inscription.

-la personne morale ne peut être inscrite sur la liste des experts judiciaires si
elle prend l’exécution des missions d’expertise judiciaire comme objet social
principal ou accessoire.

B : Les conditions requises pour l’inscription au tableau « A » :

Ces conditions concernent le passage du tableau « A » au tableau « B » (1), et


l’inscription directe au tableau « A » (2).

1 : le passage du tableau « B » au tableau « A » :

Pour s’inscrire au tableau « A », le postulant doit remplir les conditions


suivantes :

-Être titulaire d’un diplôme supérieur dans la spécialité requise, indiquant


l’achèvement de quatre ans d’enseignement supérieur sous l’ancien régime, ou
de trois ans d’enseignement supérieur sous le régime Licence-Mastère-
Doctorat.

-Avoir été déjà inscrit au « B »

-Avoir exercé l’expertise judiciaire durant au moins cinq ans consécutifs.

2 : L’inscription directe au tableau « A » :

Par dérogation à la règle du passage obligatoire par le tableau « B », les


personnes morales peuvent s’inscrire directement dans le tableau « A »
lorsqu’elles remplissent les deux conditions suivantes :

-la personne morale doit avoir exercé d’une manière effective durant au moins
dix ans, une activité dans la spécialité requise.
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-Elle doit avoir fait preuve durant cette période minimale de 10 ans d’une
expérience convenable.

C : Les formalités et les procédures d’inscription :

- formulation de la demande : la demande est assortie de toutes précisions


utiles, et notamment une indication de la spécialité dans laquelle l’inscription
est demandée et une indication des titres ou diplômes du demandeur.

La demande est accompagnée d’une fiche individuelle d’état civil, d’une copie
conforme des titres et des diplômes des pièces justificatives de la pratique
professionnelle, d’un curriculum vitae détaillé, d’une attestation sur l’honneur
de n’avoir fait l’objet d’aucune sanction pénale, disciplinaire administrative ou
commerciale pour des faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes
mœurs.

Les demandes d’inscription sont déposées soit à la commission régionale au


niveau de chaque cour d’appel qui se charge de l’examen des demandes
d’inscription qui lui sont présentées au tableau « B » de la liste des experts
judiciaires et d’en donner son avis, soit à la commission nationale au niveau de
la cour de cassation qui se charge de l’examen des demandes d’inscription qui
lui sont présentées au tableau « A » de la liste et d’en donner son avis.

-Instruction de la demande : la législation prévoit deux commissions, l’une au


niveau de la cour de cassation et l’autre au niveau de chaque cour d’appel. Ces
commissions sont chargées chaque année d’examiner les demandes
d’inscriptions, de donner son avis, de transmettre le résultat de ses travaux au
Ministre de la justice.

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La commission chargée de l’examen des demandes d’inscription au niveau de la
cour de cassation, comprend le 1 er président de la cour de cassation, le 1 er
président de la cour d’appel de Tunis, l’avocat général des affaires civiles
auprès de la direction des services judiciaires, le président du tribunal de 1 ère
instance de Tunis, le président le plus ancien d’un tribunal de 1 ère instance hors
Tunis, un avocat général auprès de la cour de cassation, un représentant de la
profession et un expert inscrit au tableau « A » choisi par le président de la
commission.

La commission chargée de l’examen des demandes d’inscription au niveau de la


cour d’appel comprend le 1er président de la cour d’appel, les présidents des
tribunaux de première instance relevant du ressort de la cour d’appel, le
substitut du procureur général de la cour d’appel, un représentant de la
profession et un expert en spécialité objet de la demande d’inscription choisi
par le président de la commission.

-Décisions : les décisions d’inscription et de refus d’inscription sont notifiées


aux intéressés par écrit.

-Publicité : la liste des experts judiciaires inscrits à la circonscription de chaque


tribunal de première instance est fixée par arrêté du ministre de la justice. Elle
est adressée aux tribunaux et mise à la disposition du public au greffe de
chaque tribunal de première instance. La liste des experts judiciaires contient
leurs noms, prénoms, spécialités, domiciles élus ainsi que les tribunaux de
première instance auxquels ils sont inscrits.

II : le domaine d’intervention de l’expert :

La désignation d’un expert judiciaire peut avoir lieu en matière civile (A)
comme en matière pénale (B).

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A : l’expertise civile :

En dehors de la Cour de cassation, qui statue seulement en droit, toutes les


juridictions civiles peuvent ordonner une expertise dans les litiges de
prud’homme, de sécurité sociale, les litiges civils et commerciaux, les litiges
relatifs au redressement des entreprises en difficultés, etc…

Dans le procès civil, ce sont les particuliers qui s’adressent au juge pour que
celui-ci statue sur le litige qui les oppose et c’est à eux qu’incombe la charge
d’apporter la preuve de leurs prétentions.

L’expertise est un moyen de preuve libre. D’ailleurs, le juge est toujours libre de
l’accorder ou de la refuser.

En matière civile, la mesure d’instruction est exécutée sous le contrôle du juge


qui l’a ordonnée.

L’expert n’est désigné que pour éclairer le juge sur des points de fait et leurs
conséquences techniques, d’où la nécessité pour le juge de bien délimiter le
cadre de l’expertise.

En vertu de l’article 101 CPCC, le juge a un pouvoir d’appréciation. Cela signifie


que malgré la demande qui lui est faite, il a le droit de refuser ou d’ordonner
une expertise s’il dispose d’éléments suffisants pour statuer.

La décision d’expertise est prise par le juge, soit d’office, soit à la demande des
parties.

Le juge civil doit, dans sa décision, exposer les circonstances qui rendent
nécessaire l’expertise.

Bien que le choix du juge ne soit pas légalement limité aux experts de la liste
officielle, il est généralement effectué dans cette liste. En choisissant un expert

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en dehors de la liste, le juge devra veiller à ce que cet expert ne soit pas atteint
d’une incapacité juridique et ne se trouve pas dans une situation
d’incompatibilité.

B : L’expertise pénale :

Il y a lieu de recourir en matière pénale à une expertise judiciaire lorsque des


poursuites sont engagés pour délits se rattachant au droit des affaires : abus de
biens sociaux, présentation de bilans inexacts, distribution de dividendes fictifs,
infractions aux lois relatives aux sociétés par actions, abus de confiance,
escroqueries, banqueroute, fraude fiscale…

Il est à noter que l’expertise en matière pénale est soumise à des règles
spécifiques impératives qui nécessitent une bonne connaissance de la
procédure pénale et de ses exigences. L’adoption de ces règles particulières se
justifie par le caractère inquisitoire de la procédure pénale, de la nature des
intérêts en cause et des décisions qui peuvent être prises par les juridictions.

Les autorités judiciaires pouvant intervenir sont les juridictions d’instructions et


les juridictions de jugements.

-les juridictions d’instruction sont essentiellement :

*le juge d’instruction : c’est le juge d’instruction qui a le plus fréquemment


recours à des expertises, puisque c’est lui qui a la charge de réunir les preuves
et tous les éléments d’appréciations dont les juridictions de jugement auront
besoin.

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*la chambre d’accusation : la chambre d’accusation est une juridiction du
second degré. Elle peut ordonner des expertises, soit lorsqu’elle intervient en
appel d’une ordonnance du juge d’instruction qui aurait refusé une expertise,
ou en cas de reprise de l’information sur charges nouvelles, soit lorsqu’elle est
saisie d’un dossier sur ordonnance de transmission de pièce, rendue par le juge
d’instruction.

-les juridictions de jugement sont :

*le juge cantonal

*le tribunal de première instance

*la cour d’appel qui comprend la chambre d’appel correctionnelle et la


chambre criminelle.

Quant à la désignation de l’expert judiciaire, en vertu de l’article 101 du CPP,


l’expertise est effectuée par un seul ou plusieurs experts lorsque le juge estime
nécessaire eu égard aux circonstances qui entourent la mission. En matière
pénale c’est le juge qui choisit l’expert parmi les personnes figurant sur la liste
des experts judiciaires. Toutefois, le juge conserve toute la latitude pour
désigner un expert ne figurant pas sur la liste. Ce choix peut s’expliquer par une
raison d’urgence, ou par l’absence sur la liste du spécialiste approprié ou par
l’indisponibilité du technicien figurant sur la liste.

Cependant, des voies de recours contre les décisions relatives à l’expertise sont
prévues ; en effet la juridiction saisie dispose d’un pouvoir d’appréciation en ce
qui concerne le recours à une expertise. Une distinction est faite entre les
décisions qui ordonnent une expertise et celles qui la refusent quand elle est
demandée.

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Pour les décisions qui ordonnent une expertise : l’expertise est ordonnée
objectivement par le juge pour résoudre un problème technique, mais le
procureur de la République, la partie civile et l’inculpé peuvent dans les quatre
jours de la notification, faire valoir contre le choix de l’expert leurs motifs de
récusation qui seront appréciés par le juge en statuant sans appel.

Concernant les décisions refusant une expertise : la juridiction qui dispose d’un
pouvoir d’appréciation, peut estimer que l’expertise est inutile et refuser de
l’ordonner, mais elle doit motiver son refus par l’impertinence de la demande.
Cette décision signifiée au procureur de la République, à l’inculpé et à la partie
civile est susceptible d’appel.

III La responsabilité de l’expert :

Dans sa mission d’expertise l’expert judiciaire engage sa responsabilité civile


(A), sa responsabilité pénale (B) ainsi que sa responsabilité disciplinaire (C).

A : La responsabilité civile :

La responsabilité civile de l’expert judiciaire est régie par l’article 13 de la loi


n°93-61 ainsi que par les articles 82 et 83 du COC et l’article 7 du CPCC. L’expert
judiciaire est un auxiliaire de la justice et sa responsabilité ne peut être
recherchée que sur le plan délictuel ou quasi-délictuel.

Pour qu’une condamnation soit encourue contre un expert, il est nécessaire


qu’il ait commis une faute et qu’en outre cette faute ait entrainé un préjudice
pour l’une des parties. L’expert répond non seulement de ses fautes lourdes
mais encore d’une erreur ou d’une négligence que n’aurait pas commise un
technicien avisé et consciencieux.

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Pour mettre en cause la responsabilité de l’expert, la partie demanderesse doit
établir le lien de cause à effet entre la faute inexcusable et le dommage causé.
Les différentes fautes retenues peuvent être dues :

- soit au retard ou carence de l’expert. En effet, il est responsable du retard


survenu par sa faute. Dans ce cas, l’expert peut être condamné à la restitution
des avances reçues,

- soit à l’omission de convoquer les parties à ses différentes opérations ; il ne


peut ignorer que l’expertise a obligatoirement un caractère contradictoire.

-soit au défaut de restitution des pièces qui lui sont confiées.

B : La responsabilité pénale :

La responsabilité pénale de l’expert judiciaire est régie par l’article 11 de la loi


n°93-61 ainsi que par les articles 83 à 87, 94 à 97 99 et 172 du code pénal.
L’expert judiciaire est assimilé lors de l’exercice de sa mission au fonctionnaire
public.

L’article 82 alinéa 2 du CP tel qu’il a été modifié par la loi n)98-38 du 23 mai
1998 dispose que « sont assimilées aux fonctionnaires publics les personnes
déléguées par la justice en qualité d’expert ».

L’expert judiciaire participe avec l’administration judiciaire en tant qu’auxiliaire


de la justice, à assurer un meilleur fonctionnement de cet appareil. Cette
participation qualifie le document qu’il présente à l’instance délégatrice la
qualité de document authentique.

L’expert judiciaire est concerné par les infractions commises par le


fonctionnaire public telles que :

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-la corruption : l’expert judiciaire est soumis à l’application des articles 83 à 87
et 94 du code pénal relatif à la corruption.

L’expert engage sa responsabilité pénale s’il reçoit personnellement ou par


autrui des offres, des promesses, des dons ou des avantages quelconques pour
donner un avis dans un certain sens ou accomplir un acte qui ne rentre pas
dans l’ordre de ses devoirs ou s’abstenir d’accomplir un acte qui rentre dans
l’ordre de ses devoirs.

Au cas où sa responsabilité est engagée, il est puni d’un emprisonnement


pendant 5 ans et d’une amende double de la valeur des promesses agréées ou
des choses reçues.

-le secret professionnel : l’expert judiciaire est lié par le secret professionnel
selon l’article 109 du CP. L’expert engage à la fois sa responsabilité civile et sa
responsabilité pénale s’il divulgue à d’autres qu’aux parties et aux juges des
faits dont il n’a eu connaissance qu’à l’occasion de la réalisation de sa mission.
Il est puni d’un an de prison et la tentative est punissable.

-le faux : l’expert judiciaire, assimilé au fonctionnaire public, engage sa


responsabilité pénale s’il commet un faux susceptible de causer un dommage
public ou privé. En effet, tout document fourni par l’expert est qualifié de
document authentique et toute fraude causée par l’expert peut être qualifiée
de faux grave passible de peine d’emprisonnement à vie et d’une amende de
mille dinars (article 172 CP).

-la concussion : l’article 95 du CP prévoit une répression à cet égard. L’expert


qui, en tant que fonctionnaire assimilé, ordonne de percevoir ou exige à
percevoir ou reçoit ce qui est indu ou excède ce qui est dû aux administrations
dont il dépend encourt une peine de 15 ans d’emprisonnement et une amende
égale aux restitutions.
22
L’article 96 du CP prévoit aussi une peine de 10 ans d’emprisonnement et une
amende égale à l’avantage procuré ou le préjudice subi par le fonctionnaire
public ou assimilé qui est chargé de la vente, l’achat, la fabrication,
l’administration ou la garde de biens quelconque se procure à lui-même ou à
un tiers, un avantage injustifié et cause de ce fait un préjudice à
l’administration. L’article 97 du CP prévoit une peine de cinq ans
d’emprisonnement et une amende égale au gain obtenu pour le fonctionnaire
ou assimilé qui reçoit directement ou indirectement un intérêt quelconque
dans une affaire dont il avait tout ou en partie la surveillance.

-le détournement des deniers publics ou privés : le législateur réprime dans


l’article 99 du CP tout fonctionnaire public ou assimilé commettant un acte qui
a pour objet de soustraire ou de détourner des deniers publics ou privés. La
peine encourue est de 20 ans d’emprisonnement et une amende égale à la
valeur des choses soustraites.

C : la responsabilité disciplinaire :

En cas de manquement aux devoirs et à l’honneur de la profession, l’expert


judiciaire encourt les sanctions disciplinaires suivantes :

-les sanctions de premier degré :

*l’avertissement

*le blâme

Ces sanctions sont prononcées par le premier président de la cour d’appel au


vu d’un rapport du président du tribunal de 1 ère instance sur plainte d’une
personne ayant intérêt.

-les sanctions de deuxième degré :

23
-La suspension d’accomplir des missions d’expertise pour une période
maximale de 3 ans.

-la radiation définitive de la liste

Ces sanctions sont prononcées par le ministre de la justice après avis du conseil
de discipline.

Le conseil de discipline dans chaque cour d’appel comprend le premier


président de la cour d’appel (président), un conseiller à la cour d’appel
(membre rapporteur), le président du tribunal de première instance (membre)
et deux représentants des experts inscrits au tableau « A » et désignés par le
ministre de justice pour une durée de 2 ans renouvelable et en cas
d’empêchement l’expert inscrit au tableau « A » est supplée par un autre
inscrit au tableau « B » (membre).

IV : les droits et les obligations de l’expert :

L’expert nommé dispose d’un certain nombre de droits tels que :

-les honoraires : l’expert a droit à des honoraires ; dans ce sens l’ordre de


mission doit indiquer le montant de la provision à avancer à l’expert sur les
honoraires et la désignation de la partie qui en est tenue. L’expert judiciaire
n’est pas tenu d’accomplir sa mission si la partie désignée n’a pas versé la
provision dans le délai imparti.

Il doit mentionner au bas de son rapport les frais exposés et ses honoraires et
le remet au président du tribunal ou à son délégué pour taxe. Il énumère sur le
bordereau les diverses opérations auxquelles il s’est livré et qui correspondent
au montant réclamé. Il tiendra compte des frais qu’il a supportés tels que, les
frais de poste (lettres ordinaires et recommandées, communication
téléphoniques, fax), les frais de dactylographie, les frais de papeterie, les frais

24
d’analyse, les frais de déplacement, les salaires et charges sociales des
collaborateurs…il tiendra compte également de la rémunération de son travail
qui dépendra notamment du travail accompli, du temps passé en visites sur les
lieux, de l’audition des parties, de l’étude des pièces et de la rédaction du
rapport. L’expert peut différer le dépôt de son rapport au greffe tant qu’il n’a
pas été intégralement réglé de ses frais et honoraires dûment taxés. Il peut
exercer le droit de rétention sur les documents et autres qui lui sont remis
après ordonnance sur requête du président du tribunal dont il relève.

Les honoraires de l’expert comportent deux parties à savoir :

-la provision à avancer sur les frais de l’expertise indiquée par la décision
désignant l’expert

-la note finale

Les honoraires sont taxés avant paiement par le président du tribunal ou son
délégué. Le président du tribunal apprécie si la somme demandée correspond à
l’importance et aux difficultés des opérations et du travail fourni. Si la somme
demandée semble excessive, le président du tribunal pourra taxer à un chiffre
moindre.

L’expert désigné a également des obligations, en effet lors de son inscription


sur la liste pour la première fois, l’expert judiciaire doit, avant d’être chargé de
missions d’expertise, prêter, et ce devant la cour d’appel du lieu de son activité,
le serment d’apporter son concours à la justice en donnant son avis en toute
probité et honneur et de garder les secrets de sa mission. Il est tenu par le
secret professionnel ; il ne doit pas divulguer à d’autres parties et aux juges les
faits dont il a eu connaissance à l’occasion de la réalisation de sa mission.

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Il doit exécuter la mission personnellement, il ne doit pas donner délégation
dans l’accomplissement des missions qui lui sont confiées. Il doit exécuter la
mission qui lui est confiée et déposer son rapport dans le délai imparti. Ce délai
est fixé à trois mois maximum avec possibilité de prorogation motivée de 3
mois. Il doit prendre soin des documents qui lui sont remis à l’occasion de sa
mission, il doit restituer ces documents dès que sa mission serait remplie. Il ne
doit pas exercer le droit de rétention sur les documents et autres qui lui sont
remis dans le cadre de son travail qu’après ordonnance sur requête du
président du tribunal dont il relève. L’expert doit mentionner dans ses
imprimés son nom, prénom, spécialité, adresse et domicile élu ainsi que la
juridiction dont il relève.

Deuxième partie : L’expertise judiciaire en matière fiscale

Selon l’article 62 du code des droits et procédures fiscaux, le tribunal ordonne


d’office une expertise pour évaluer la valeur vénale des immeubles, des droits
immobiliers et des fonds de commerce cédés et ce dans les litiges relatifs aux
droits d’enregistrement ou à l’impôt sur le revenu au titre de la plus-value
immobilière. En dehors des cas sus-indiqués, il peut ordonner le recours à
l’expertise pour les affaires litigieuses qui lui sont soumises conformément aux
dispositions du code de procédures civiles et commerciales.

La désignation de l’expert et l’exécution de la mission d’expertise sont régies


par les articles 101 à 103 du CPCC.

La décision désignant le ou les experts dit comporter les mentions suivantes :

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-la mission avec toute précision et exactitude ainsi que les diverses opérations
à accomplir.

-le montant de la provision à avancer à l’expert sur les frais de l’expertise et la


désignation de la partie qui en est tenue.

-le délai imparti pour le dépôt du rapport d’expertise au greffe : ce délai ne doit
pas dépasser trois mois et ne peut être prorogé qu’une seule fois pour une
période ne dépassant pas trois autres mois. Il faut que cette prorogation soit
accordée par une décision motivée sur la demande expresse du ou des experts
selon le cas.

L’expert peut dans les cinq jours qui suivent la réception de la mission qui lui a
été confiée, demander d’en être déchargé. Dans ce cas, le Président du tribunal
ou son délégué pourvoit à son remplacement.

L’expertise judiciaire en matière fiscale peut avoir lieu soit en cas de


vérification préliminaire (chapitre1), soit en cas de vérification approfondie
(chapitre2).

Chapitre1 : les procédures en cas de vérification sommaire :

La vérification sommaire est une vérification préliminaire effectuée par


l’administration fiscale afin de rectifier les erreurs apparentes sur la base des
renseignements et des documents dont dispose l’administration ; elle permet
un contrôle formel et de cohérence ainsi qu’un examen critique des
déclarations souscrites par le contribuable sans faire obstacle à la vérification
approfondie.

La vérification préliminaire des déclarations, actes et écrits détenus par


l’administration fiscale s’effectue sur la base des éléments y figurant et de tous
documents et renseignements dont dispose l’administration et notamment

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ceux contenus dans les déclarations et documents déposés par les tiers en
application de la législation fiscale en vigueur, ou communiqués à
l’administration fiscale.

L’administration fiscale peut également utiliser dans le cadre de la vérification


préliminaire des déclarations, actes et écrits, les résultats des visites,
perquisitions et constatations matérielle réalisées. Elle peut aussi demander
par écrit les renseignements, éclaircissements ou justifications concernant
l’opération de vérification ; elle peut également demander par écrit, le cas
échéant, aux personnes physiques des états détaillés de leurs patrimoines et
des éléments de leur train de vie. Le contribuable doit, dans les deux cas
répondre par écrit dans un délai maximum de vingt jours à compter de la date
de la notification de la demande.

Il est à noter que la vérification préliminaire n’est pas subordonnée à la


notification d’un avis préalable et ne fait pas obstacle à la vérification
approfondie de la situation fiscale.

L’administration fiscale ne peut pas procéder à une nouvelle vérification


préliminaire du même impôt et pour la même période.

Pour mener à bien sa mission d’expertise judiciaire, l’expert désigné est dans
l’obligation de s’assurer que le contribuable accomplit convenablement ses
obligations déclaratives. Il doit également vérifier la cohérence des
informations consignées dans les déclarations du contribuable présentées à
l’administration fiscale ( chiffre d’affaires déclaré au titre de la TVA présentée
au niveau des états financiers) , charges du personnel avec la déclaration de
l’employeur et les déclarations mensuelles au titre de la retenue à la source et
la TFP, les acomptes provisionnels, et l’impôt au titre de l’exercice précédent,

28
les achats des matières premières, des marchandises et des prestations de
services, de la TVA déductible etc…

L’examen critique permet d’apprécier la vraisemblance des revenus et des


bénéfices déclarés au regard de l’ensemble des sonnées à la disposition de
l’administration et de relever éventuellement toutes discordances et
anomalies.

Chapitre2 : procédures en cas de vérification approfondie :

La vérification approfondie de la situation fiscale porte sur tout ou partie de la


situation fiscale du contribuable ; elle s’effectue sur la base de la comptabilité
pour le contribuable soumis à l’obligation de tenue de comptabilité et dans
tous les cas sur la base de renseignements, de documents ou de présomptions
de fait ou de droit. La comptabilité exigée conformément à la législation fiscale
n’est pas admise, en cas de défaut de sa présentation aux services de
l’administration fiscale dans le délai de trente jours de la date de la notification
adressée au contribuable.

L’administration fiscale ne peut procéder à une nouvelle vérification


approfondie du même impôt et pour la même période que lorsqu’elle dispose
de renseignements touchant à l’assiette et à la liquidation de l’impôt et dont
elle n’a pas eu connaissance précédemment. Elle ne peut également procéder
après une vérification approfondie à une vérification préliminaire du même
impôt et pour la même période.

I : la vérification sur la base de comptabilité :

Pour ce qui est de la vérification sur la base de la comptabilité, les entreprises


soumises à l’impôt selon le régime réel sont obligées de tenir une comptabilité
selon les législations en vigueur, cette comptabilité peut être tenue :

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-soit manuellement : dans ce cas l’expert doit s’assurer que les personnes
morales et les personnes physiques soumises à l’IS et à l’IRPP selon le régime
réel au titre des bénéfices industriels et commerciaux ont un journal général
côté et paraphé sur lequel est porté toutes les opérations relatives à des
transactions de l’entreprise, des effets, des évènements liés à son activité et
qui ont un impact sur ses résultats et ses performances financières, et un livre
côté et paraphé sur lequel sont portés les écritures du journal général
comportant les comptes individuels et collectifs conformément au plan des
compte de l’entreprise.

-soit d’une manière informatisée : dans ce cas l’expert désigné doit s’assurer
que la comptabilité est tenue conformément à la législation comptable des
entreprises. Il doit également s’assurer qu’un exemplaire du programme initial
ou modifié est déposé au bureau du contrôle des impôts contre accuse de
réception.

II : Examen de la comptabilité :

L’examen de la comptabilité se fait sur le plan de la forme (A) et sur le plan du


fond (B).

A / Examen de la comptabilité sur le plan de la forme :

Quand il s’agit d’une vérification sur le plan de la forme, l’expert désigné doit
s’assurer que la comptabilité de l’entreprise est tenue au niveau de la forme
conformément aux dispositions du système comptable des entreprises.

-la comptabilité de l’entreprise doit comporter tous les livres et documents


exigés par la législation en vigueur, de leur part les écritures comptables
doivent être justifiées par des factures, des documents et des arguments.

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- la comptabilité est considérée incomplète en cas de non présentation de
certains documents, factures ou arguments, c’est pour cette raison que l’expert
désigné doit vérifier la présentation de ladite comptabilité à l’administration
fiscale ainsi que la présentation des principaux documents comptables (livres
d’inventaire, journal général, grand livre).

B / Examen de la comptabilité sur le plan du fond :

Après la vérification de la comptabilité sur le plan formel et afin d’examiner sa


sincérité et sa conformité avec la réalité de l’activité de l’entreprise, l’expert
doit procéder :

-au calcul et développement de certains ratios

-à la confrontation avec les informations fournies

-à la confrontation des états financiers avec les chiffres comptabilisés

-à l’examen de la comptabilité en se basant sur les flux de trésorerie

-à l’examen de la comptabilité en se basant sur le comptage des produits.

L’expert est tenu de comparer les informations fournies du chiffre d’affaires


déclaré avec les investigations obtenues, ainsi que pour les achats, les salaires,
les variations des actifs courants de la société et son financement.

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