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Introduction au cours du droit de la preuve

Le droit de la preuve peut s'appréhender comme l'ensemble des règles de droit qui régissent
l'administration de la preuve aussi bien en cas de contentieux qu'en dehors de tout contentieux.
Dans le langage courant, la preuve est ce qui fait foi, c'est-à-dire qui persuade l'esprit d'une vérité
ou de l'exactitude d'une proposition.

Dans le langage juridique, au sens large, la preuve est l'établissement de la réalité d'un fait ou de
l'existence d'un acte juridique (Lexique des termes juridiques, 19ème édition, Dalloz, 2012). Dans
un sens plus restreint, procédé utilisé à cette fin (écrit, témoignage, aveu...).

Lorsque les moyens de preuve sont préalablement déterminés et imposés par la loi, la preuve est
dite légale. Dans le cas contraire, elle est dite libre.

Les modalités de l'administration de la preuve varient selon la matière du droit concerné.

Ainsi, en matière pénale, sauf si la loi en dispose autrement, une infraction peut être établie par
tout mode de preuve. Le juge fondera sa décision à partir des preuves apportées au procès et
contradictoirement débattues, selon son intime conviction (ce à quoi adhère son esprit comme
faisant foi, ce qui fonde sa conviction, qui l'a convaincu).

Cependant, il convient d'avoir à l'esprit que le principe fondamental qui régit le procès pénal est la
présomption d'innocence. Ce principe à pour base légale, l'article 22 alinéa 2 de la constitution
ivoirienne du 1er août 2000 qui dispose que: " Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que
sa culpabilité ait été établie à la suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensable à sa
défense." Ce principe d’innocence a été
Ainsi, les garanties indispensables à la défense du prévenu incluent la sans qu’il ait besoin
d'apporter les preuves de son innocence.

Aussi, au procès pénal, la charge de la preuve de la culpabilité repose t- elle sur l’accusation.
Toutefois, le prévenu ou l’accusé devrait rapporter devant la juridiction répressive, les preuves
susceptibles de conforter son innocence.

C'est donc au vu des preuves produites par les parties que la juridiction répressive prononcera soit
la condamnation, soit la relaxe du prévenu ou l'acquittement.

Les éléments probatoires produits au procès pénal que sont: l'aveu, les pièces à conviction, les
déclarations contenues dans les procès-verbaux d'enquête pénale ou de mise en l'état, le rapport
d'expertise, les procès-verbaux d'audition de témoin ou d'interrogatoire de l'inculpé, sont autant de
preuves qui permettront au juge pénal de se prononcer et de décider sur le cas d'espèce à lui
soumis.

En matière civile ou commerciale, les règles qui encadrent l’administration de la preuve sont issues
du code civil, du code de procédure civile, commerciale et administrative ou de lois particulières,
notamment le règlement n°15 du 19 septembre 2002 relatif aux systèmes de paiement dans
l'espace de l'UEMOA, la loi n°2013-546 du 30 juillet 2013 relative aux Transactions électroniques
et l'actes uniforme de l'OHADA relatif au Droit commercial général.

Selon l'article 1315 du code civil: "Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit
l'extinction de son obligation".
La preuve nécessite la démonstration du bien fondé des prétentions en établissant l'existence des
actes et des faits juridiques dont découlent les droits objets de la demande.

Ainsi, le demandeur peut invoquer différents éléments pour établir le bien fondé de ses
prétentions.

Mais, en la matière, il convient de faire une distinction entre les éléments de pur fait et les règles
de droit invoquées dans la demande.
En règle générale, on prouve les faits et non le droit.

En effet, le juge est censé connaître le droit applicable.

Par ailleurs, les parties peuvent indiquer dans leur demande le fondement juridique sur lequel elles
fondent leur demande. Lorsqu'elles ne le précisent pas ou lorsque le fondement légal n'est pas le
bon, le juge peut le préciser, changer le fondement légal invoqué ou appliquer une autre règle
même non invoquée par les parties. Par exemple, en matière d’indemnisation de préjudice causé
par un véhicule à moteur: code CIMA.

Les parties n'ont donc pas à prouver l'existence de la règle de droit invoquée mais elles peuvent et
doivent développer les argumentations de droit au soutien de leurs prétentions.

Ce principe n'est pas absolu. Ainsi, les parties au litige qui revendiquent le bénéfice de droits
particuliers doivent prouver que ceux-ci existent. Dans certains cas, le droit doit être prouvé,
notamment lorsqu'il s'agit d'un droit étranger ou d'une coutume ou d'un usage. C'est aux parties et
non au juge qu'il appartient de prouver le contenu de la loi étrangère dont elles réclament
l'application. Quant à la coutume et aux usages, ils supposent l'existence de deux éléments:
-un élément matériel : pratique habituelle, répétée et suivie;
-un élément psychologique: une croyance dans le caractère obligatoire de la pratique en cause.

En droit de la preuve, la coutume doit être prouvée. Mais rien n'interdit au juge de reconnaître de
façon spontanée l'existence d'une coutume ou d'un usage sur lequel, il pourra fonder sa décision.

En matière de coutume ou d’usage, la preuve peut être rapportée par tous moyens et le juge a un
pouvoir souverain d'appréciation de la valeur probante des éléments versées aux débats et
destinés à établir l'existence d'un usage ou d'une coutume.

S'agissant des faits, ils doivent être prouvés par les parties. Mais à cet égard, il existent deux cas.
D'une part, certains faits ne peuvent être prouvés. C'est le cas lorsque les faits en cause sont
couverts par le secret ( professionnel ou secret d'Etat). D'autre part, seuls doivent être prouvés les
faits pertinents, c'est-à-dire les faits qui sont susceptibles d'avoir une incidence sur la résolution du
litige.

C'est sur le demandeur que pèse la charge de la preuve. On entend par demandeur la personne
qui a pris l'initiative de l'action judiciaire, c'est-à-dire le demandeur à l'instance. Mais au cours de
l'instance judiciaire, il peut y avoir permutation de qualité à l’action.

L'hypothèse de renversement de la charge de la preuve existe dans trois cas:


- existence d'une présomption légale;
- existence de stipulations contractuelles;
- intervention du juge.

Les présomptions selon l'article 1349 du code civil sont des conséquences que la loi ou le
magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu. Selon l'article 1350 du code civil: " la présomption
légale est celle qui est attachée par une loi spéciale à certains actes ou à certains faits; tels sont:
1- les actes que la loi déclare nuls, comme présumés faits en fraude de ses dispositions, d'après
leur seule qualité;
2- les cas dans lesquels la loi déclare la propriété ou la libération résultée de certaines
circonstances déterminées;
3- l'autorité que la loi attribue à la chose jugée;
4- la force que la loi attache à l'aveu de la partie ou à son serment.

S'agissant de l'autorité de la chose jugée, elle n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet de la
décision, notamment du jugement.
Ainsi, selon l'article 1351 du Code civil: " Il faut que la chose demandée soit la même; que la
demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties et formée
par elles et contre elles en la même qualité."
Condition d’identité de la demande de la cause et de la qualité des parties.

La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe (article 1352 al. 1
du Code civil). Nulle preuve n'est admise contre la présomption légale, lorsque, sur le fondement
de cette présomption, elle annule certains actes ou dénie l'action en justice, à moins qu'elle n'ait
réservé la preuve contraire, et sauf ce qui sera dit sur le serment et l'aveu judiciaire.

La présomption légale allége la charge de la preuve. La force des présomptions légales varie
suivant qu'elles sont simples ou irréfragables. Lorsqu'elles sont simples, elles admettent
l'administration de la preuve contraire par la partie adverse.

Les présomptions légales opèrent donc un renversement de la charge de la preuve et lient le juge.
Cependant, il existe des présomptions qui ne sont pas établies par la loi. Selon l'article 1353 du
code civil: " les présomptions qui ne sont point établies par la loi sont abandonnées aux lumières et
à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et
concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que
l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol."

S'agissant de l'aménagement conventionnel de la charge de la preuve, il résulte du fait que les


règles de preuve en matière civile ne sont pas d'ordre public. Les parties peuvent donc aménager
par convention l'admission de la preuve de leurs actes juridiques.

Enfin, l'intervention du juge peut avoir pour effet de renverser la charge de la preuve. Ainsi, le juge
peut ordonner même d'office toutes mesures d'instruction, notamment procéder à une enquête
d'office, commettre un juge d'un autre ressort, ordonner une expertise, une vérification d'écriture,
une descente sur les lieux, ou commettre un huissier de justice pour procéder à des constatations.

L'expertise ne peut porter que sur des questions purement technique (article 65 du Code de
procédure civile, commerciale et administrative ). C'est l'opinion technique d'un maître de l'art
concernant une question d'ordre technique posée et dont la résolution est susceptible d'éclairer la
solution à la question de droit posée. L'avis de l'expert ne lie pas le Tribunal (article 75 du Code de
procédure civile, commerciale et administrative). C'est un simple renseignement qui peut
contribuer à assoir son intime conviction. Le juge peut tout aussi bien l'écarter, notamment en cas
de contrariété de position ou d’opinion.

La finalité de la preuve est d'informer le juge et d'emporter sa conviction, afin de lui permettre de
motiver sa décision. Mais, il ne revient pas au juge de suppléer la carence d'une partie dans
l'administration de la preuve. Cependant, sur le fondement des articles 83 et 84 du code de
procédure civile, commerciale et administrative, le juge peut faire une descente sur les lieux,
assisté du greffier et en présence des parties, pour faire des constatations et descriptions sur la
base d'un procès-verbal qu'il dresse à cet effet.
L'administration de la preuve doit se faire de façon loyale. Ainsi, le principe de loyauté de la preuve
interdit l'usage dans l'administration de la preuve des procédés déloyaux ou les atteintes à des
droits essentiels ( l’inviolabilité du domicile, le respect de la vie privée, le respect de l’intégrité
physique, la confidentialité et le secret de la correspondance privée, l’inviolabilité de la
communication électronique...). Ce principe est d'origine jurisprudentielle.

La loyauté peut être définie comme la fidélité à tenir ses


engagements, à obéir aux règles de l’honneur, de la
probité. Le respect du principe de la loyauté devient, non
seulement, la condition d’exercice des droits de la défense
mais, plus généralement, celle de la conduite du procès
équitable.

Peut-on produire en justice des documents volés ou


clandestins pour les opposer à l’autre partie ? La
recherche de la vérité et l'efficacité de la justice doivent
elles se faire au détriment de la loyauté ?
Aujourd’hui, le principe de la loyauté de la preuve
semble prendre peu à peu le dessus.
Ainsi, les parties ne peuvent recourir à des procédés
déloyaux ni utiliser de preuves illicites, notamment
produire le contenu de fichiers volés.
Les chambres civiles, commerciale et sociale de la Cour
de cassation, sont à cet égard en total désaccord avec
la chambre criminelle : pour les premières, depuis un
arrêt de principe du 7 octobre 2004, seules les preuves
obtenues de manière loyale sont recevables; mais pour
la haute juridiction répressive, cette obligation de
loyauté ne s'impose qu'à l'Etat et à ses démembrent,
les parties au procès pénal restant libres de fournir tout
élément de preuve, y compris des preuves illicites ou
déloyales que le juge pénal pourrait écarter ou recevoir
selon son intime conviction.
Il a fallu attendre l'arrêt de l'assemblée plénière de la
Cour de cassation du 7 janvier 2011, à propos
d'enregistrements clandestins produits par une partie
devant le Conseil de la concurrence, pour avoir une
position unanime sur cette question.
Le Conseil les avait acceptés et la cour d'appel de Paris
a approuvé au vu de la mission de protection de l'ordre
public économique confiée à cette autorité, qui exerce
des poursuites à fin répressive la conduisant à
prononcer des sanctions punitives. Autrement dit, la
nature quasi pénale du Conseil l'emportait et on devait
appliquer la règle de liberté de la preuve édictée par la
chambre criminelle. Mais l'assemblée plénière censure :
l'enregistrement d'une communication téléphonique
réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue
un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à
titre de preuve. En visant un « principe de loyauté dans
l'administration de la preuve », désormais consacré
comme un principe directeur du procès, l'arrêt du 7
janvier 2011 interdit de tels procédés.

Dans les litiges liés aux actes juridiques, il existe le principe selon lequel nul ne peut se constituer
de preuve à soit même. Ce principe permet d'exclure des débats les éléments de preuve pré
constitués par la partie qui les produit. Mais ce principe ne s'applique pas aux litiges relatifs aux
faits juridiques.

L'aveu dans cette hypothèse apparaît comme une exception à ce principe.


En effet, l'aveu est la reconnaissance par une personne d'un fait de nature à produire contre elle
des conséquences juridiques. Selon le lexique des termes juridiques, l'aveu est la déclaration par
laquelle une personne tient pour vrai un fait qui peut produire contre elle des conséquences
juridiques.
L'article 1354 du code civil oppose l'aveu judiciaire à l'aveu extra-judiciaire.
L'aveu est judiciaire lorsque la déclaration est faite en justice dans le cadre du procès. Dans ce
cas, il lie le juge. Au contraire, le tribunal conserve son libre pouvoir d'appréciation en présence
d'un aveu extra-judiciaire. Le juge peut ne tenir compte que d'une partie de l'aveu extra-judiciaire.
L'aveu peut être écrit ou oral. Il peut être tacite, c'est-à-dire résulter d'un certain comportement qui
traduit sans ambiguïté la reconnaissance d'un fait ou d’un acte. Il ne constitue pas une preuve
préconstituée.

Les règles qui concernent la preuve en matière civile, notamment la preuve par écrit, la preuve
testimonial, les présomptions, l'aveu de la partie et le serment, sont contenues dans les articles
1317 et suivants du code civil. Mais, il existe en la matière, des règles dérogatoires et spéciales
adoptées pour tenir compte de l'évolution technologique et qui consacrent la reconnaissance de
l'écrit électronique comme élément probatoire au même titre que l'écrit sur support papier.
Ces règles dérogatoires ne concernent que les actes sous seing privé à l'exclusion des actes
authentiques.
Selon l'article 1317 du code civil: " l'acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics
ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises."
Sont considérés comme des officiers publics: les magistrats, les notaires, les huissiers de justice,
les commissaires-priseurs, les officiers d'état civil, les greffiers, les arbitres privés, etc.
L'acte instrumenté doit être compris dans les attributions de l'officiers publics concerné et il doit
être territorialement compétent pour instrumenter ledit acte suivant les solennités requises
(présence cérémonielle, signature en bonne et due forme, et cachet ).

Selon l'article 1318 du Code civil:" l'acte qui n'est point authentique par l'incompétence où
l'incapacité de l'officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s'il a été signé des
parties."

Ainsi, l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties
contractantes et leurs héritier ou ayants cause (article 1319 du code civil). Les actes authentiques
produisent leur force probante jusqu'à inscription de faux. En cas de plainte en faux principal,
l'exécution de l'acte argué de faux sera suspendue et en cas d'inscription en faux, les tribunaux
pourront, suivant les circonstances, suspendre provisoirement l'exécution de l'acte.

La force probante d'un acte authentique est plus élevée que celle d'un acte sous seing privé. Mais,
dans les deux cas la preuve est faite par écrit. Cependant, l'acte authentique n'est dressé que sur
support papier tandis que l'acte sous seing privé peut être établi aussi bien sur support papier que
par voie électronique. C'est cette nouveauté qu'il convient d'examiner en profondeur.

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