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LA PREUVE

Importance fondamentale de la preuve à travers la maxime célèbre : « pas de preuve, pas de


droit »
« pas de droit, pas d’action »

Une personne ne peut se prévaloir d'un droit ou d'un fait que si elle est capable d'en prouver
l'existence. Si l'on peut être amené quotidiennement à justifier un fait ou un droit (ex : prouver
son identité pour faire un chèque, prouver que l'on dispose du permis de conduire lors d'un
contrôle de police, etc.), la question de la preuve se pose surtout lors d'un procès. Lors d'un
litige, chaque partie doit prouver ses prétentions afin d'espérer emporter la décision du juge.
Avant tout procès, il est donc impératif de déterminer si l’on pourra prouver ses dires. Il est
également essentiel, à titre préventif, de se constituer des moyens de preuve.

L’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats a également réformé le


droit de la preuve. Il existe maintenant un titre entier consacré à la preuve dans le Code civil.
Ce titre est composé de trois chapitres consacrés aux dispositions générales en la matière, à
l’admissibilité des modes de preuve, et aux différents modes de preuve. Le Code civil renvoie
parfois certaines questions au code de procédure civile qui traite également de la preuve. Sans
compter que le régime de la preuve est particulier en matière pénale. La loi fixe ainsi un
certain nombre de règles relatives à l’objet de la preuve (que doit-on prouver ?) à la charge de
la preuve (qui doit prouver ?), aux modes de preuve (comment prouver ?) et à leur
admissibilité (comment prouver en fonction de la situation ?).

Plan :
I – Objet et charge de la preuve II – Les modes de preuves
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I - L’OBJET ET CHARGE DE LA PREUVE


A – L’OBJET DE LA PREUVE

En principe, le droit (c’est-à-dire la règle juridique) n’est pas objet de preuve, car « nul n’est
censé ignorer la loi », donc tout le monde est censé la connaître, même le juge !

En revanche, l’interprétation d’un texte de loi peut donner lieu à débat et il importe alors de
démontrer au juge que l’interprétation que l’on défend est la bonne. Par exceptions, le contrat
qui est « la loi des parties » doit être prouvé, de même que tous les faits juridiques.

Pour résumer, le juge connaît le droit objectif, mais non l’acte ou le fait qui donne naissance
au droit subjectif.

B - LA CHARGE DE LA PREUVE

1- LE RÔLE DU JUGE DANS L’ADMINISTRATION DE LA PREUVE


En droit civil : procédure dite accusatoire = le juge est un arbitre = art. 9 Code de
procédure civile = « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits
nécessaires au succès de sa prétention ». En principe, les parties sont sur un pied d’égalité et
le juge ne doit pas intervenir. Cependant, aujourd’hui le juge peut aider le demandeur à
obtenir des preuves.

- article 10 Code de procédure civile : « Le juge a le pouvoir d'ordonner d'office toutes les
mesures d'instruction légalement admissibles »

- article 11 : « Les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf
au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus. Si une partie détient un
élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au
besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner,
au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il
n'existe pas d'empêchement légitime ».

En droit pénal : procédure dite inquisitoire = la présomption d’innocence et le doute qui


profitent à l’accusé imposent au juge de rapporter pleinement la preuve de la culpabilité. Le
juge, en particulier le juge d’instruction, instruit à charge et à décharge = le juge d’instruction
a des pouvoirs très étendus. On notera cependant que dans la phase de jugement (et non
d’instruction) la procédure pénale devient plutôt accusatoire. En matière pénale, la preuve est
soumise à des règles spécifiques en ce qui concerne la charge de la preuve, les modes de
preuves et leur valeur probante. Les règles exposées ci-après seront celles relatives au procès
civil.

2- LE RÔLE DES PARTIES

Le principe = c’est à celui qui invoque un fait ou un acte de le prouver.

Art. 1353 C. civ. : «Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit
l'extinction de son obligation » = le créancier doit démontrer qu’il est bien créancier, et le
débiteur qui prétend avoir exécuté l’obligation doit prouver qu’il a bien accompli sa
prestation.

Ainsi, la charge de la preuve incombe au demandeur. Celui qui se prévaut d'un droit ou d'un
fait doit le prouver. La charge de la preuve répond ensuite au mécanisme de l'alternance. Une
fois que le demandeur à l'instance a prouvé son droit, il revient au défendeur d'apporter la
preuve de l'affirmation contraire et ainsi de suite jusqu'à ce que l'un d'entre eux ne puisse plus
satisfaire à la charge de la preuve et perde alors le procès.

Les exceptions : Les présomptions légales

Exceptionnellement, la présomption légale dispense une partie au procès de la charge de la


preuve. Selon l’article 1354 C. civ. : « La présomption que la loi attache à certains actes ou à
certains faits en les tenant pour certains dispense celui au profit duquel elle existe d’en
rapporter la preuve ». La présomption légale est un fait que la loi présume en raison d'un autre
fait. Ces présomptions légales ont toutes pour effet de dispenser de preuve, mais non de «
toute preuve », car elles peuvent n’avoir comme effet que de déplacer l’objet de la preuve, et
non d’en dispenser totalement le demandeur. Ainsi de la présomption de paternité qui ne
dispense pas de toute

preuve, puisque si elle dispense de la preuve de la paternité, c’est seulement par le


déplacement de l’objet de la preuve vers le fait que l’enfant a été conçu ou né pendant le
mariage (ex : en vertu de l'article 312 du C. civ., le mari de la femme est présumé être le père
de l'enfant conçu ou né pendant le mariage). Ainsi, un enfant qui demande l'exécution d'une
obligation alimentaire au mari de sa mère n'a pas à prouver qu'il s'agit de son père, mais
seulement qu’il a été conçu ou né pendant le mariage.

Il existe trois types de présomptions légales :

- Les présomptions simples. Elles renversent la charge de la preuve mais admettent la preuve
contraire (ex : la présomption de paternité sus-citée où le mari de la mère peut prouver qu'il
n'est pas le père de l'enfant).

- Les présomptions irréfragables. Elles n'admettent pas la preuve contraire (ex : l'adage « nul
n'est censé ignorer la loi » est irréfragable).

- Les présomptions mixtes : la présomption est dite mixte, lorsque la loi limite les moyens par
lesquels elle peut être renversée ou l’objet sur lequel elle peut être renversée (ex. selon le
Code civil, dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments est
présumé mitoyen sauf s'il y a un acte notarié indiquant le contraire).

2 - LES MODES DE PREUVE


Il existe plusieurs modes de preuve qui sont admis ou non en fonction des situations.

A – LES DIFFERENTS MODES DE PREUVES

Il existe des modes de preuve dits « parfaits » et des modes de preuve dits « imparfaits ».

1 – LES MODES DE PREUVE PARFAITS

Les modes de preuve « parfaits » lient le juge, ils s'imposent à lui. Trois types de preuves
parfaites existent :

L'aveu judiciaire est la « reine des preuves ». Il correspond au fait qu'une des parties avoue
lors du procès (ex : une partie reconnaît avoir détruit la clôture de l'autre). L'aveu est
indivisible. Le juge doit le retenir dans son ensemble.

L'écrit. Il correspond aux actes authentiques ou sous seing privé. Un acte authentique est un
acte rédigé par un officier public (ex : notaire, huissier, officier d'état civil, etc.). Certaines
opérations le nécessitent (ex : le contrat de mariage, la vente d'un immeuble). Un acte sous
seing privé est un acte rédigé et signé par les parties concernées (ex : contrat de travail, un
écrit signé par les parties stipulant une remise de dette). Avec l'avènement des nouvelles
technologies de l'information et de la communication, les écrits ont tendance à se
dématérialiser. Le droit essaie, tant bien que mal, de prendre en compte ces évolutions (ex :
depuis la loi du 13 mars 2000, la signature électronique est reconnue).

Le serment décisoire. Une des parties peut demander à l'autre partie de jurer le fait sur lequel
elle fonde sa prétention. Si la partie accepte de jurer, elle gagne le procès ; si elle refuse, elle
le perd. Mais elle peut également choisir, plutôt que de devoir jurer ou non, de « référer le
serment» c'est-à-dire de renvoyer à son adversaire la même alternative. Alors si celui qui avait
déféré à l'origine le serment jure, il gagne le procès, s'il ne jure pas il le perd.

2 – LES MODES DE PREUVE IMPARFAITS

Les modes de preuve dits « imparfaits », peu sûrs, ne lient pas le juge. Celui-ci peut les
écarter, les interpréter ou les retenir. Les principaux modes de preuve imparfaits sont :

- les commencements de preuve par écrit. Des documents, signés ou non, émanant de la
personne contre qui on veut s'en servir, qui n'ont pas été rédigés pour servir de preuve (ex :
lettres, livres de commerce, etc.).

- le témoignage. Il s'agit d'une déclaration orale ou écrite par laquelle une personne atteste
l'existence d'un fait dont elle a eu personnellement connaissance.

- les présomptions de fait. Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi, sont laissées à
l’appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et
concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen. Il s'agit
d'indices, de faits à partir desquels le juge déduit d'autres faits (ex : le juge déduit la vitesse
qu'avait une voiture à partir des traces de pneus qu'elle a laissées sur la route).

B - L’ADMISSIBILITÉ DES MODES DE PREUVE

La preuve des faits juridiques est libre. Elle peut se faire par tous moyens.

La preuve des actes juridiques se fait en principe par écrit. Elle peut toutefois se faire par tous
moyens pour :

- les actes inférieurs à 1500 euros, - en matière commerciale,

- en cas d'impossibilité matérielle (ex : une des parties ne sait pas écrire) ou morale (ex : les
parties sont d'une même famille) d'apporter une preuve écrite.

- en cas de perte de l'écrit suite à un cas de force majeure, s'il existe un commencement de
preuve par écrit c'est-à-dire un écrit, émanant de la personne contre qui on veut s'en servir, qui
rend le fait allégué vraisemblable.

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Modes de preuve définitions Force probante
Preuve littérale

résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou


symboles dotés d’une signification intelligible, quel que soient leur support et leurs
modalités de transmission

Dépend du type d’écrit (voir ci- après)


Aveu Déclaration par laquelle l’une des parties - Aveu judiciaire = fait foi contre reconnaît
l’exactitude d’un fait celui qui l’a fait

- Aveu extrajudiciaire = ne lie pas le juge


serment décisoire aveu devant le juge à la demande de Si la personne ne fait pas l’aveu,
l’autre partie elle gagne le procès !
Le témoignage Déclaration émanant d’un tiers par Ne lie pas le juge laquelle il relate les
faits dont il a eu

personnellement connaissance
Présomptions de l’homme Conséquences que le juge tire d’un fait connu à un fait
inconnu, lorsqu’il existe

des indices « graves, précis et concordants »

Admises lorsque la preuve testimoniale est admise. Force probante établie par le juge
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Article 1366 Code civil : « L’écrit sur support électronique a la même force que l’écrit sur
support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et
qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité »

Formes Régime juridique Force probante

Acte Acte dressé par un officier Fait foi jusqu’à authentique


public (notaire, huissier...) l’inscription de faux.

selon les formes prescrites par la loi

Acte contresigné par l’avocat


Loi du 28 mars 2011 : acte sous signature privée contresigné
par un avocat
Présomption absolue de signature, mais pas de contenu
Réduction des causes d’invalidité (ex. vice du consentement)

Acte sous signature privée

Écrit rédigé par des particuliers.

Force probante moindre (la signature peut être contestée de


même que le contenu)

Autres - Correspondances
- Peut faire preuve contre son auteur
- Font preuve contre le commerçant

- Force probante variable

écrits

-Livres comptables - Copies

Événement à prouver Modes de preuve


Actes juridiques <= 1500
Tous les modes de preuve
euros
Preuve par écrit
Sauf :
-Impossibilité de preuve par écrit
Actes juridiques >1500
(écrit perdu ou impossible à
euros
dresser). Dans ce cas, la preuve par
témoignage est admise.
- recours au témoignage admis en
cas de commencement de preuve
par écrit (= écrit émanant de la
personne contre qui la demande
est formée et qui rend le fait
allégué vraisemblable).
Faits juridiques Tous les modes de preuve
Litige contre un
commerçant ou une
société commerciale, ou Tous les modes de preuves (voir
entre deux commerçants précisions ci-après)
et/ou sociétés
commerciales
9

Attention : La preuve écrite n’est exigée que si l’acte est d’une valeur supérieure à 1500 euros

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CAS PRATIQUE
ÉNONCÉ

Lucien a prêté 5000 euros, de la main à la main, à son neveu Julien pour qu’il poursuive ses
études à Dauphine. Julien s’est engagé oralement à rembourser son oncle le 1er janvier, mais
il n’a pas honoré cet engagement. Pire, il lui a envoyé un courrier lui indiquant qu’il était parti
en vacances avec l’argent !

Lucien vous demande s’il pourra obtenir le remboursement de la somme.

SOLUTION

Il appartient à Julien de démontrer qu’il a prêté l’argent à son neveu. Or un prêt est un acte
juridique dont la valeur dépasse en l’espèce le montant de 1500 euros.

Selon l’article 1359 du Code civil, les actes juridiques supérieurs à 1500 euros doivent être
prouvés par un acte authentique ou un acte sous seing privé (contresigné par un avocat ou
non).

Par ailleurs, un prêt n’est pas un acte synallagmatique, mais unilatéral (car c’est l’emprunteur
qui s’engage unilatéralement à rembourser). Or selon l’article 1376 du Code civil : « L’acte
sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une
somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature
de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme
ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature
privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres ».

Lucien ne possède aucun acte sous seing privé ayant cette caractéristique.

Pour obtenir gain de cause, Lucien peut tenter d’invoquer soit l’article 1347 du Code civil
relatif au commencement de preuve par écrit, soit l’article 1348 relatif à l’impossibilité
morale de se procurer un écrit.

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1 – Le commencement de preuve par écrit

Selon l’article 1361 C. civ. « Il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment
décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de
preuve ». Et l’article 1362 précise que « constitue un commencement de preuve par écrit tout
écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend
vraisemblable ce qui est allégué ».

Il y a trois conditions cumulatives pour qu’il y ait commencement de preuve par écrit : - il
faut un écrit...
- émanant de celui contre lequel la demande est formulée...
- qui rend vraisemblable le fait allégué

En l’espèce, la lettre de Julien pourrait remplir ces trois conditions. La troisième condition
pose toutefois difficulté, car seul le contenu de la lettre pourrait rendre vraisemblable
l’existence d’un prêt. Il appartient aux juges d’apprécier cette vraisemblance.

Par ailleurs, même si l’on admet que la lettre de Julien constitue un commencement de preuve
par écrit, Lucien devra, de toutes les façons, apporter des preuves complémentaires comme
des témoignages. Rien n’indique qu’il pourra obtenir de tels témoignages.

2 – L’impossibilité morale de se procurer un écrit

Selon l’article 1360, alinéa 1 C. civ. : « Les règles prévues à l’article précédent reçoivent
exception en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s’il est d’usage
de ne pas établir un écrit, ou lorsque l’écrit a été perdu par force majeure ».

Lucien peut essayer de démontrer qu’il était dans l’impossibilité morale de faire signer à son
neveu une reconnaissance de dette.

Il faut se référer à la jurisprudence de la Cour de cassation pour déterminer les critères qui
permettent aux juges de savoir s’il y a impossibilité morale.

Par exemple, dans un arrêt du 17 novembre 2011, la première chambre civile de la Cour de
cassation a pu considérer qu’une personne s'était trouvée dans l'impossibilité morale de se
constituer un écrit auprès de son frère «eu égard aux liens familiaux qui unissaient les parties
et aux circonstances de fait ayant précédé la remise des fonds ». Il y a donc deux éléments
cumulatifs à prendre en compte :

- les liens familiaux ;


- les circonstances de fait ayant précédé la remise des fonds.

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En l’espèce, le lien de parenté est évident, mais nous n’avons aucune information sur la
seconde condition (Julien et Lucien étaient-ils en relations fréquentes ? Existe-t-il des
précédents familiaux ?).

L’impossibilité morale n’est pas un moyen de preuve, mais permet l’admission de tout moyen
de preuve. En l’espèce, il y a la lettre, qu’il faudra compléter avec des témoignages et
l’examen des comptes bancaires.

DES EXEMPLES EN JURISPRUDENCE

LE CHAMP ELECTROMAGNETIQUE CONTRE LE CHAMP DE PATURE

Un éleveur alléguait que la présence d’une ligne à très haute tension provoquait des troubles
pathologiques à ses animaux. Selon lui, en raison du principe de précaution figurant dans le
code de l'environnement, il appartenait à EDF de démontrer que sa ligne n’était pas à l’origine
des dommages. Mais, pour la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 18
mai 2011 (n° de pourvoi: 10-17645 ), « le principe de précaution ne remet pas en cause les
règles selon lesquelles il appartient à celui qui sollicite l'indemnisation du dommage ....
d'établir que ce préjudice est la conséquence directe et certaine de celui-ci et que cette
démonstration, sans exiger une preuve scientifique, peut résulter de présomptions graves,
précises, fiables et concordantes, la cour d'appel, qui a relevé que des éléments sérieux
divergents et contraires s'opposaient aux indices existant quant à l'incidence possible des
courants électromagnétiques sur l'état des élevages de sorte qu'il subsistait des incertitudes
notables sur cette incidence et qui a analysé les circonstances de fait dans lesquelles le
dommage s'était produit, a pu retenir, sans inverser la charge de la preuve, que, compte tenu
de l'ensemble des explications et données fournies, l'existence d'un lien de causalité n'était
pas suffisamment caractérisée ». Autrement dit, il appartenait à l’éleveur de rapporter la
preuve qu’EDF, par l’installation de sa ligne électrique, était à l’origine des dommages.
Comme il s’agissait de prouver un fait, tous les moyens de preuve étaient envisageables,
même les présomptions de l’homme. Encore fallait-il que les indices soient concordants et
non contradictoires, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

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CAS PRATIQUES SUR LA PREUVE
Cas 1 :
En novembre 2013, Mme Géné a été contactée par Mme Fauché, sa sœur, qui lui a demandé
de lui prêter une somme de 35 000 euros afin de l’aider à acquérir un appartement. Mme Géné
et Mme Fauché ont élaboré un projet d’acte qui n’a pas été signé par Mme Fauché. Mme
Géné a versé à sa sœur ladite somme. Le 16 novembre 2013 Mme Géné demande à sa soeur
le remboursement de cette somme... mais celle-ci refuse. Mme Génés vous consulte pour
savoir si elle a une chance d’obtenir ce remboursement.

Cas 2 :
Madame Duvent est furieuse : son voisin, Monsieur Écolo, a récemment installé dans son
jardin une mini-éolienne afin, prétend-il, d’être autonome pour couvrir ses besoins
énergétiques. Malheureusement, au premier coup de vent de l’hiver, cet engin est tombé sur le
cabanon de jardin de Madame Duvent, abimant l’abri et certains outils qu’il contenait... Le
journal Campagnard a profité de cet incident pour publier un article sur les dangers du
bricolage par des profanes...

Madame Duvent s’est immédiatement rendue chez son voisin et a exigé qu’il lui rembourse
son cabanon et le matériel de jardinage. Après plus d’une heure de discussion, ils sont tombés
d’accord : Monsieur Écolo s’est engagé à verser à Madame Duvent 1 600 euros qui devront
couvrir la totalité des frais. Deux semaines plus tard, Monsieur Écolo semble avoir totalement
oublié l'incident. Il déclare que sa voisine est folle et qu’il ne s’est jamais engagé à lui verser
le moindre euro. « D’ailleurs, ajoute-t-il, aucun écrit ne prouve ce que vous avancez ».

Madame Duvent vous consulte pour savoir comment prouver d’une part l’accident (la mini-
éolienne ayant été rapidement retirée), d’autre part l’accord qu’elle avait conclu avec
Monsieur Écolo.
CAS PRATIQUE SUR L’ORDRE PUBLIC ET LES
BONNES MŒURS
Monsieur Jean-Philippe Hervite est un fou du volant.
Les radars automatiques l’insupportent. Il se rend dans
une boutique spécialisée et achète, au prix de 500 €, un
GPS qui possède une fonction détectrice de radars.
Heureux de son acquisition il ne peut s’empêcher d’en
vanter les mérites à un de ses amis. Après l’avoir laissé
pérorer, son interlocuteur, lui répond que
l’investissement risque de ne pas être rentable puisque
cette technologie est formellement prohibée par l’article
R. 413-15 du Code de la route.
Penaud et anxieux, il se demande comment remettre en
cause l’achat du GPS.
L’ORDRE PUBLIC
et LES BONNES MOEURS

 Article 6 du Code civil : "On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui
intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs ».

• Article 1162 du Code civil : « Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses
stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ».
 Alex Dauphinois vous consulte :

- peut-il vendre de la drogue ?


- une donation destinée à maintenir une relation
adultère est-elle valable ?

Pour lui répondre, il vous faut comprendre la notion


d’ordre public et de bonnes mœurs.
L’ORDRE PUBLIC
Définition : ensemble des règles
obligatoires qui touchent à
l'organisation de la Nation, à
l'économie, à la morale, à la
santé, à la sécurité, à la paix
publique, aux droits et aux
libertés essentielles de chaque
individu et auxquelles on ne peut
déroger.
On distingue aujourd’hui :

 Un ordre public classique dont le but est la défense des


institutions et des valeurs fondamentales : il touche l'État (ordre
public politique), l'institution familiale, les droits et libertés
fondamentales de l'individu, la morale dont les bonnes mœurs
font partie (ci-après).

 Un ordre public moderne ou ordre public économique et


social dont le but est, soit de diriger l'économie (ordre public de
direction), soit de protéger certaines catégories de personnes,
les consommateurs par exemple (ordre public de protection).
Quelques exemples :

 La législation sur les clauses abusives traduit la volonté de protéger


les consommateurs (voir thème 4) : ordre public de protection.

 L’interdiction des clauses d’indexation fondées sur le salaire minimum


de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur
les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe
avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des
parties (art. L.112-2 C ; monétaire et fin.) : ordre public de direction
(voir thème 6, sem. 2)

 En droit des contrats sont nuls, les contrats concernant des objets
provenant d’un vol ou des sommes provenant de « pots-de-vin », les
contrats concernant des choses hors commerce (drogue par
exemple)… : ordre public classique
Sanction encourue par un contrat dont l’objet est illicite.

 La sanction d'un contrat dont le contenu viole une


règle d'ordre public, est la nullité relative ou absolue,
selon le but poursuivie par la règle.

 Est sanctionnée par la nullité relative, un contrat contraire à


l’ordre public économique de protection : la règle protège un
intérêt particulier.

 Est sanctionnée par la nullité absolue, un contrat contraire à


l’ordre public économique de direction ou l’ordre public
classique : la règle protège un intérêt général.
Les bonnes mœurs

- Définition, (absence de définition légale)


« comportement habituel conforme à la morale
commune ».
« ensemble de règles imposées par une
certaine morale sociale, reçues en un temps
et en un lieu donnés (…) »
Vocabulaire juridique, Gérard Cornu,
Association Capitant, PUF.
La notion de bonnes mœurs est une notion évolutive.

Ainsi,

- En 1853, le contrat de claque (contrat par lequel des claqueurs sont


engagés pour manifester bruyamment leur enthousiasme dans un
théatre) est déclaré contraire aux bonnes mœurs.

- Aujourd’hui, le contrat de prêt qui a pour but le financement


d’une maison de tolérance est contraire aux bonnes mœurs.

- Mais, la donation déguisée destinée à maintenir la relation adultère


ou la convention de courtage matrimonial ne sont plus déclarées
contraires aux bonnes mœurs.
Sanction encourue par un contrat immoral :

la nullité absolue prononcée sur le fondement des


articles 6 et 1162 du Code civil pour but illicite
(ancienne notion de cause immorale).

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