Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Une personne ne peut se prévaloir d'un droit ou d'un fait que si elle est capable d'en prouver
l'existence. Si l'on peut être amené quotidiennement à justifier un fait ou un droit (ex : prouver
son identité pour faire un chèque, prouver que l'on dispose du permis de conduire lors d'un
contrôle de police, etc.), la question de la preuve se pose surtout lors d'un procès. Lors d'un
litige, chaque partie doit prouver ses prétentions afin d'espérer emporter la décision du juge.
Avant tout procès, il est donc impératif de déterminer si l’on pourra prouver ses dires. Il est
également essentiel, à titre préventif, de se constituer des moyens de preuve.
Plan :
I – Objet et charge de la preuve II – Les modes de preuves
1
En principe, le droit (c’est-à-dire la règle juridique) n’est pas objet de preuve, car « nul n’est
censé ignorer la loi », donc tout le monde est censé la connaître, même le juge !
En revanche, l’interprétation d’un texte de loi peut donner lieu à débat et il importe alors de
démontrer au juge que l’interprétation que l’on défend est la bonne. Par exceptions, le contrat
qui est « la loi des parties » doit être prouvé, de même que tous les faits juridiques.
Pour résumer, le juge connaît le droit objectif, mais non l’acte ou le fait qui donne naissance
au droit subjectif.
B - LA CHARGE DE LA PREUVE
- article 10 Code de procédure civile : « Le juge a le pouvoir d'ordonner d'office toutes les
mesures d'instruction légalement admissibles »
- article 11 : « Les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf
au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus. Si une partie détient un
élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au
besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner,
au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il
n'existe pas d'empêchement légitime ».
Art. 1353 C. civ. : «Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit
l'extinction de son obligation » = le créancier doit démontrer qu’il est bien créancier, et le
débiteur qui prétend avoir exécuté l’obligation doit prouver qu’il a bien accompli sa
prestation.
Ainsi, la charge de la preuve incombe au demandeur. Celui qui se prévaut d'un droit ou d'un
fait doit le prouver. La charge de la preuve répond ensuite au mécanisme de l'alternance. Une
fois que le demandeur à l'instance a prouvé son droit, il revient au défendeur d'apporter la
preuve de l'affirmation contraire et ainsi de suite jusqu'à ce que l'un d'entre eux ne puisse plus
satisfaire à la charge de la preuve et perde alors le procès.
- Les présomptions simples. Elles renversent la charge de la preuve mais admettent la preuve
contraire (ex : la présomption de paternité sus-citée où le mari de la mère peut prouver qu'il
n'est pas le père de l'enfant).
- Les présomptions irréfragables. Elles n'admettent pas la preuve contraire (ex : l'adage « nul
n'est censé ignorer la loi » est irréfragable).
- Les présomptions mixtes : la présomption est dite mixte, lorsque la loi limite les moyens par
lesquels elle peut être renversée ou l’objet sur lequel elle peut être renversée (ex. selon le
Code civil, dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments est
présumé mitoyen sauf s'il y a un acte notarié indiquant le contraire).
Il existe des modes de preuve dits « parfaits » et des modes de preuve dits « imparfaits ».
Les modes de preuve « parfaits » lient le juge, ils s'imposent à lui. Trois types de preuves
parfaites existent :
L'aveu judiciaire est la « reine des preuves ». Il correspond au fait qu'une des parties avoue
lors du procès (ex : une partie reconnaît avoir détruit la clôture de l'autre). L'aveu est
indivisible. Le juge doit le retenir dans son ensemble.
L'écrit. Il correspond aux actes authentiques ou sous seing privé. Un acte authentique est un
acte rédigé par un officier public (ex : notaire, huissier, officier d'état civil, etc.). Certaines
opérations le nécessitent (ex : le contrat de mariage, la vente d'un immeuble). Un acte sous
seing privé est un acte rédigé et signé par les parties concernées (ex : contrat de travail, un
écrit signé par les parties stipulant une remise de dette). Avec l'avènement des nouvelles
technologies de l'information et de la communication, les écrits ont tendance à se
dématérialiser. Le droit essaie, tant bien que mal, de prendre en compte ces évolutions (ex :
depuis la loi du 13 mars 2000, la signature électronique est reconnue).
Le serment décisoire. Une des parties peut demander à l'autre partie de jurer le fait sur lequel
elle fonde sa prétention. Si la partie accepte de jurer, elle gagne le procès ; si elle refuse, elle
le perd. Mais elle peut également choisir, plutôt que de devoir jurer ou non, de « référer le
serment» c'est-à-dire de renvoyer à son adversaire la même alternative. Alors si celui qui avait
déféré à l'origine le serment jure, il gagne le procès, s'il ne jure pas il le perd.
Les modes de preuve dits « imparfaits », peu sûrs, ne lient pas le juge. Celui-ci peut les
écarter, les interpréter ou les retenir. Les principaux modes de preuve imparfaits sont :
- les commencements de preuve par écrit. Des documents, signés ou non, émanant de la
personne contre qui on veut s'en servir, qui n'ont pas été rédigés pour servir de preuve (ex :
lettres, livres de commerce, etc.).
- le témoignage. Il s'agit d'une déclaration orale ou écrite par laquelle une personne atteste
l'existence d'un fait dont elle a eu personnellement connaissance.
- les présomptions de fait. Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi, sont laissées à
l’appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et
concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen. Il s'agit
d'indices, de faits à partir desquels le juge déduit d'autres faits (ex : le juge déduit la vitesse
qu'avait une voiture à partir des traces de pneus qu'elle a laissées sur la route).
La preuve des faits juridiques est libre. Elle peut se faire par tous moyens.
La preuve des actes juridiques se fait en principe par écrit. Elle peut toutefois se faire par tous
moyens pour :
- en cas d'impossibilité matérielle (ex : une des parties ne sait pas écrire) ou morale (ex : les
parties sont d'une même famille) d'apporter une preuve écrite.
- en cas de perte de l'écrit suite à un cas de force majeure, s'il existe un commencement de
preuve par écrit c'est-à-dire un écrit, émanant de la personne contre qui on veut s'en servir, qui
rend le fait allégué vraisemblable.
6
Modes de preuve définitions Force probante
Preuve littérale
personnellement connaissance
Présomptions de l’homme Conséquences que le juge tire d’un fait connu à un fait
inconnu, lorsqu’il existe
Admises lorsque la preuve testimoniale est admise. Force probante établie par le juge
7
8
Article 1366 Code civil : « L’écrit sur support électronique a la même force que l’écrit sur
support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et
qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité »
Autres - Correspondances
- Peut faire preuve contre son auteur
- Font preuve contre le commerçant
écrits
Attention : La preuve écrite n’est exigée que si l’acte est d’une valeur supérieure à 1500 euros
10
CAS PRATIQUE
ÉNONCÉ
Lucien a prêté 5000 euros, de la main à la main, à son neveu Julien pour qu’il poursuive ses
études à Dauphine. Julien s’est engagé oralement à rembourser son oncle le 1er janvier, mais
il n’a pas honoré cet engagement. Pire, il lui a envoyé un courrier lui indiquant qu’il était parti
en vacances avec l’argent !
SOLUTION
Il appartient à Julien de démontrer qu’il a prêté l’argent à son neveu. Or un prêt est un acte
juridique dont la valeur dépasse en l’espèce le montant de 1500 euros.
Selon l’article 1359 du Code civil, les actes juridiques supérieurs à 1500 euros doivent être
prouvés par un acte authentique ou un acte sous seing privé (contresigné par un avocat ou
non).
Par ailleurs, un prêt n’est pas un acte synallagmatique, mais unilatéral (car c’est l’emprunteur
qui s’engage unilatéralement à rembourser). Or selon l’article 1376 du Code civil : « L’acte
sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une
somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature
de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme
ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature
privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres ».
Lucien ne possède aucun acte sous seing privé ayant cette caractéristique.
Pour obtenir gain de cause, Lucien peut tenter d’invoquer soit l’article 1347 du Code civil
relatif au commencement de preuve par écrit, soit l’article 1348 relatif à l’impossibilité
morale de se procurer un écrit.
11
Selon l’article 1361 C. civ. « Il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment
décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de
preuve ». Et l’article 1362 précise que « constitue un commencement de preuve par écrit tout
écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend
vraisemblable ce qui est allégué ».
Il y a trois conditions cumulatives pour qu’il y ait commencement de preuve par écrit : - il
faut un écrit...
- émanant de celui contre lequel la demande est formulée...
- qui rend vraisemblable le fait allégué
En l’espèce, la lettre de Julien pourrait remplir ces trois conditions. La troisième condition
pose toutefois difficulté, car seul le contenu de la lettre pourrait rendre vraisemblable
l’existence d’un prêt. Il appartient aux juges d’apprécier cette vraisemblance.
Par ailleurs, même si l’on admet que la lettre de Julien constitue un commencement de preuve
par écrit, Lucien devra, de toutes les façons, apporter des preuves complémentaires comme
des témoignages. Rien n’indique qu’il pourra obtenir de tels témoignages.
Selon l’article 1360, alinéa 1 C. civ. : « Les règles prévues à l’article précédent reçoivent
exception en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s’il est d’usage
de ne pas établir un écrit, ou lorsque l’écrit a été perdu par force majeure ».
Lucien peut essayer de démontrer qu’il était dans l’impossibilité morale de faire signer à son
neveu une reconnaissance de dette.
Il faut se référer à la jurisprudence de la Cour de cassation pour déterminer les critères qui
permettent aux juges de savoir s’il y a impossibilité morale.
Par exemple, dans un arrêt du 17 novembre 2011, la première chambre civile de la Cour de
cassation a pu considérer qu’une personne s'était trouvée dans l'impossibilité morale de se
constituer un écrit auprès de son frère «eu égard aux liens familiaux qui unissaient les parties
et aux circonstances de fait ayant précédé la remise des fonds ». Il y a donc deux éléments
cumulatifs à prendre en compte :
12
En l’espèce, le lien de parenté est évident, mais nous n’avons aucune information sur la
seconde condition (Julien et Lucien étaient-ils en relations fréquentes ? Existe-t-il des
précédents familiaux ?).
L’impossibilité morale n’est pas un moyen de preuve, mais permet l’admission de tout moyen
de preuve. En l’espèce, il y a la lettre, qu’il faudra compléter avec des témoignages et
l’examen des comptes bancaires.
Un éleveur alléguait que la présence d’une ligne à très haute tension provoquait des troubles
pathologiques à ses animaux. Selon lui, en raison du principe de précaution figurant dans le
code de l'environnement, il appartenait à EDF de démontrer que sa ligne n’était pas à l’origine
des dommages. Mais, pour la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 18
mai 2011 (n° de pourvoi: 10-17645 ), « le principe de précaution ne remet pas en cause les
règles selon lesquelles il appartient à celui qui sollicite l'indemnisation du dommage ....
d'établir que ce préjudice est la conséquence directe et certaine de celui-ci et que cette
démonstration, sans exiger une preuve scientifique, peut résulter de présomptions graves,
précises, fiables et concordantes, la cour d'appel, qui a relevé que des éléments sérieux
divergents et contraires s'opposaient aux indices existant quant à l'incidence possible des
courants électromagnétiques sur l'état des élevages de sorte qu'il subsistait des incertitudes
notables sur cette incidence et qui a analysé les circonstances de fait dans lesquelles le
dommage s'était produit, a pu retenir, sans inverser la charge de la preuve, que, compte tenu
de l'ensemble des explications et données fournies, l'existence d'un lien de causalité n'était
pas suffisamment caractérisée ». Autrement dit, il appartenait à l’éleveur de rapporter la
preuve qu’EDF, par l’installation de sa ligne électrique, était à l’origine des dommages.
Comme il s’agissait de prouver un fait, tous les moyens de preuve étaient envisageables,
même les présomptions de l’homme. Encore fallait-il que les indices soient concordants et
non contradictoires, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
13
CAS PRATIQUES SUR LA PREUVE
Cas 1 :
En novembre 2013, Mme Géné a été contactée par Mme Fauché, sa sœur, qui lui a demandé
de lui prêter une somme de 35 000 euros afin de l’aider à acquérir un appartement. Mme Géné
et Mme Fauché ont élaboré un projet d’acte qui n’a pas été signé par Mme Fauché. Mme
Géné a versé à sa sœur ladite somme. Le 16 novembre 2013 Mme Géné demande à sa soeur
le remboursement de cette somme... mais celle-ci refuse. Mme Génés vous consulte pour
savoir si elle a une chance d’obtenir ce remboursement.
Cas 2 :
Madame Duvent est furieuse : son voisin, Monsieur Écolo, a récemment installé dans son
jardin une mini-éolienne afin, prétend-il, d’être autonome pour couvrir ses besoins
énergétiques. Malheureusement, au premier coup de vent de l’hiver, cet engin est tombé sur le
cabanon de jardin de Madame Duvent, abimant l’abri et certains outils qu’il contenait... Le
journal Campagnard a profité de cet incident pour publier un article sur les dangers du
bricolage par des profanes...
Madame Duvent s’est immédiatement rendue chez son voisin et a exigé qu’il lui rembourse
son cabanon et le matériel de jardinage. Après plus d’une heure de discussion, ils sont tombés
d’accord : Monsieur Écolo s’est engagé à verser à Madame Duvent 1 600 euros qui devront
couvrir la totalité des frais. Deux semaines plus tard, Monsieur Écolo semble avoir totalement
oublié l'incident. Il déclare que sa voisine est folle et qu’il ne s’est jamais engagé à lui verser
le moindre euro. « D’ailleurs, ajoute-t-il, aucun écrit ne prouve ce que vous avancez ».
Madame Duvent vous consulte pour savoir comment prouver d’une part l’accident (la mini-
éolienne ayant été rapidement retirée), d’autre part l’accord qu’elle avait conclu avec
Monsieur Écolo.
CAS PRATIQUE SUR L’ORDRE PUBLIC ET LES
BONNES MŒURS
Monsieur Jean-Philippe Hervite est un fou du volant.
Les radars automatiques l’insupportent. Il se rend dans
une boutique spécialisée et achète, au prix de 500 €, un
GPS qui possède une fonction détectrice de radars.
Heureux de son acquisition il ne peut s’empêcher d’en
vanter les mérites à un de ses amis. Après l’avoir laissé
pérorer, son interlocuteur, lui répond que
l’investissement risque de ne pas être rentable puisque
cette technologie est formellement prohibée par l’article
R. 413-15 du Code de la route.
Penaud et anxieux, il se demande comment remettre en
cause l’achat du GPS.
L’ORDRE PUBLIC
et LES BONNES MOEURS
Article 6 du Code civil : "On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui
intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs ».
• Article 1162 du Code civil : « Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses
stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ».
Alex Dauphinois vous consulte :
En droit des contrats sont nuls, les contrats concernant des objets
provenant d’un vol ou des sommes provenant de « pots-de-vin », les
contrats concernant des choses hors commerce (drogue par
exemple)… : ordre public classique
Sanction encourue par un contrat dont l’objet est illicite.
Ainsi,